M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l’emploi. Madame la sénatrice Agnès Evren, avant de répondre à votre question spécifique sur Paris, je rappellerai que le système éducatif français est celui qui produit le plus de déterminismes sociaux, lorsqu’il ne les aggrave pas, selon les enquêtes du programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa) parmi les pays de l’OCDE.
Une réforme du lycée professionnel a été entamée il y a quelques années. Nous la poursuivons avec la rénovation de la carte des formations professionnelles.
L’enjeu désormais est d’assurer une meilleure articulation entre les lycées professionnels et l’apprentissage. J’ai ainsi eu l’occasion de visiter le lycée professionnel de La Celle-Saint-Cloud, qui forme des apprentis qui préparent un bac professionnel. Cela lui permet de garder ses meilleurs éléments et d’avoir une plus grande ouverture sur le monde de l’entreprise.
Peut-être faut-il aussi développer, au sein même des lycées professionnels, des formations plus courtes qui permettent d’acquérir d’autres spécialisations. C’est absolument indispensable.
J’en viens à Paris. La concertation que nous avons lancée à l’échelon national vise à redonner la main aux branches professionnelles. Celles-ci devront définir les priorités, les attentes des entreprises, les compétences dont nous avons besoin. L’État accordera ensuite une bonification. Vous avez parlé des métiers du lien, mais je pense aussi aux métiers liés à la réindustrialisation, au numérique, à la transition écologique. Nous voulons vraiment accorder, en fonction du coût-contrat, ce que nous ne faisions pas suffisamment auparavant, les bonifications et les incitations adéquates, et envoyer les bons signaux.
Nous devons améliorer les choses. Je discutais hier avec François Bonneau, président de la commission éducation, orientation, formation et emploi de Régions de France, sur la manière de partager la carte des formations professionnelles au sein des régions, par le biais des comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (Crefop), afin d’articuler les priorités territoriales avec celles qui sont fixées par les branches professionnelles. Ce travail est en cours, à l’échelon régional. Je compte sur les élus des départements au sein de ces régions pour mettre en valeur les CFA de leur département.
M. le président. Avant de vous redonner la parole, madame la ministre, je souhaite préciser, puisque notre collègue Annick Billon a évoqué le nombre de contrats d’apprentissage au Sénat, que l’on recense à ce jour quarante-trois apprentis au Sénat, si l’on additionne les apprentis dans les services du Sénat, les apprentis auprès des sénateurs et les apprentis à la présidence du Sénat. (Mme Annick Billon et M. Henri Cabanel applaudissent.)
Les perspectives de développement de l’apprentissage dans les services du Sénat sont bonnes.
Il était, je crois, important de donner les chiffres exacts. Le Sénat s’est engagé en faveur de l’apprentissage depuis plusieurs années. Les apprentis apportent à notre institution une forme d’oxygène très utile.
Je salue de nouveau le président, ainsi que les vice-présidents et les membres du bureau qui l’entourent, de Chambres de métiers et de l’artisanat (CMA France), qui sont présents dans nos tribunes. Je salue aussi de nouveau les jeunes apprentis qui viennent de quitter les tribunes pour aller visiter le Sénat.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l’emploi. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le président de la commission de la culture, de l’éducation et des sports, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président de CMA France, cher Joël Fourny, alors que nous sommes parvenus au terme de ce débat, je tiens à vous remercier pour la précision de vos questions, qui prouvent combien votre assemblée est engagée et exigeante sur ce sujet.
Je salue la ténacité du président Larcher qui a réussi à relancer les Rencontres sénatoriales de l’apprentissage, qui n’avaient plus eu lieu depuis la crise sanitaire.
Ce débat dans l’hémicycle nous a permis d’aller au fond des choses, davantage que lors des discussions budgétaires, soumises à plus de contraintes formelles.
Depuis 2018, nous avons lancé une révolution de l’apprentissage en adaptant les dispositifs en place, en amplifiant le soutien budgétaire et en changeant surtout les mentalités. Désormais, nous devons consolider les acquis de cette révolution, dans un contexte qui exige un sens aigu de la responsabilité budgétaire.
Après une phase d’extension et d’expansion de l’apprentissage, nous devons aujourd’hui améliorer le dispositif sur plusieurs points clés : l’adéquation entre l’offre et les besoins en emplois et en compétences, la qualité des formations et la lutte contre la fraude.
Le premier enjeu est l’adéquation entre l’offre et les besoins en emplois et en compétences.
L’apprentissage, comme l’ensemble de notre système de formation initiale et continue, doit être évalué au regard des besoins des entreprises, des artisans et de notre pays.
Beaucoup de professions, certaines filières parfois, connaissent des tensions de recrutement. Pour réaliser les quatre transitions que nous traversons – démographique, numérique, écologique et stratégique –, dans le contexte géopolitique que nous connaissons, nous avons besoin de disposer de certaines compétences clés.
Les branches professionnelles, mais aussi l’État, doivent pouvoir prendre la main pour définir des priorités, afin que les compétences transmises par le système d’apprentissage correspondent mieux aux attentes d’aujourd’hui et de demain.
Il est essentiel que les régions jouent aussi leur rôle dans la définition des compétences, car les besoins peuvent varier selon les territoires.
Le second enjeu est la qualité des formations.
D’un côté, l’État et les entreprises mobilisent des moyens importants. De l’autre, les attentes des apprentis et de leur famille sont également élevées.
Il est essentiel de s’assurer de la qualité des formations. La remise à plat de la certification Qualiopi, en lien avec le ministère de l’enseignement supérieur, nous permettra, grâce à de meilleurs indicateurs, de mieux garantir que les formations répondent aux besoins des entreprises et aux attentes des apprentis et facilitent l’insertion professionnelle de ces derniers.
La plateforme InserJeunes, qui alimente aujourd’hui Parcoursup, vise à aider les futurs apprentis à s’orienter vers les bons métiers et les bonnes formations, à apprécier, à un horizon de six mois, les perspectives d’insertion professionnelle dans un emploi, les rémunérations attendues et les différents métiers proposés.
Le pilotage par la qualité, qui permet la meilleure adéquation entre l’offre et les besoins, implique de renforcer le rôle des entreprises et des branches. C’est d’autant plus important que l’écosystème s’est élargi. L’apprentissage est sorti de ses territoires traditionnels. Il concerne désormais tous les niveaux de qualification. Dans le même temps, du côté de l’offre, de nouveaux acteurs, de nouveaux centres de formation d’apprentis sont apparus.
Nous resterons intransigeants sur la qualité, que l’on peut aussi mesurer par le taux de rupture et par l’accompagnement des apprentis.
Le dernier enjeu est relatif à la fraude.
Toutes les politiques publiques qui ont du succès attirent les fraudeurs ou les organismes dysfonctionnels. L’apprentissage n’échappe pas à la règle. Je le dis : il doit y avoir « zéro tolérance pour les fraudeurs ! »
Je profite de mon intervention à cette tribune pour remercier le Sénat d’avoir renforcé, grâce aux nombreux amendements qu’il a adoptés lors de l’examen de la proposition de loi renforçant la lutte contre la fraude aux aides publiques, dont le sénateur Olivier Rietmann était le rapporteur, les moyens pour lutter contre la fraude dans le domaine de la formation professionnelle. Je n’étais pas alors présente au banc du Gouvernement, mais j’ai suivi attentivement ces travaux, et mon cabinet a participé à la rédaction des différents amendements du Gouvernement et de ses avis sur les amendements que vous avez déposés.
Lorsque cette proposition de loi aura été adoptée, nous disposerons rapidement de moyens renforcés pour lutter contre la fraude. Nous pourrons suspendre la déclaration d’activité en cas de suspicion de fraude, et donc la capacité à accueillir de nouveaux apprentis ou à percevoir des financements, ce qui n’était pas possible auparavant. Les différents services pourront aussi communiquer dans un cadre juridique sécurisé sur les contrôles qu’ils réalisent. La réactivité et la coordination des actions sont absolument centrales pour lutter efficacement contre les organismes fraudeurs.
Recherche assumée d’une adéquation entre les besoins et l’offre pour parvenir à une meilleure insertion professionnelle de nos jeunes, qualité et tolérance zéro à l’égard de la fraude, tels sont les mots d’ordre qui doivent guider notre action. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)
Conclusion du débat
M. le président. En conclusion du débat, la parole est à M. le président de la commission. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens avant tout à remercier mes collègues Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques, et Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales, pour l’organisation en commun de ce débat, ainsi que tous ceux d’entre vous qui y ont participé.
L’apprentissage est un outil essentiel au service de l’emploi et de nos territoires : 60 % des jeunes qui font le choix de rejoindre le marché du travail après leur dernière année de formation trouvent un contrat à durée indéterminée (CDI) dans les six mois. Il permet également de tisser un lien fort entre les jeunes et les entreprises dans lesquelles ils ont effectué leur apprentissage, puisque plus d’un jeune sur quatre y est ensuite embauché.
Le débat qui vient d’avoir lieu a mis en lumière plusieurs points sur lesquels nous devons être vigilants.
En 2004, les Rencontres sénatoriales de l’apprentissage avaient pour thématique : « Un autre regard sur l’apprentissage ». Vingt ans plus tard, la nécessité de porter un « autre regard » reste d’actualité.
Il est important de travailler sur l’image que renvoient l’apprentissage et les métiers de l’artisanat. Même si l’on constate une légère amélioration, les métiers manuels restent, dans notre système scolaire, mal appréciés, car souvent mal connus. Plus généralement, cette situation pose la question de la découverte des métiers et de l’orientation des jeunes. Pour un trop grand nombre d’entre eux, l’orientation reste subie et non pas choisie.
Par ailleurs, si l’apprentissage présente un bon taux d’insertion professionnelle, il reste un modèle fragile, qui a besoin de prévisibilité.
Selon les chiffres de la Dares, les entrées en apprentissage ont baissé de 14 % en janvier 2025. Les nombreuses hésitations d’ordre budgétaire, lors de l’examen du projet de loi de finances, que ce soit sur le montant de l’aide allouée, la taille des entreprises concernées ou le niveau de diplômes des jeunes, ont secoué le monde de l’apprentissage. Dans ces conditions, chacun ici comprend la position attentiste de certains employeurs.
D’ailleurs, nous attendons toujours la publication du décret relatif à la participation de l’employeur pour les formations de niveau 6 et plus, soit les licences, les licences professionnelles et les masters.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. J’émets le vœu d’une meilleure prévisibilité et d’une stabilité à moyen terme de la politique de soutien à l’apprentissage.
Bien évidemment, nous sommes tous conscients de l’état des finances publiques et du coût de la politique de l’apprentissage.
Aussi, au nom de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport, je réitère nos mises en garde concernant l’enseignement supérieur privé lucratif, qui a prospéré avec le développement de l’apprentissage. Les jeunes qui ont suivi des formations non diplômantes sont souvent plongés, ainsi que leurs familles, dans le désarroi lorsqu’ils se rendent compte de l’absence de reconnaissance et parfois de la faible qualité des études qu’ils ont suivies.
Nous plaidons, depuis plusieurs années, pour des mesures de régulation plus strictes de ce secteur. A minima, il nous semble nécessaire d’encadrer davantage l’accès des formations privées lucratives aux financements de l’apprentissage. Nous avons noté avec beaucoup d’attention, madame la ministre, les mesures que vous avez annoncées en ce sens. Nous serons très attentifs à leur efficacité.
Ces dernières années, nous avons souvent abordé, dans notre hémicycle, la question de la formation des jeunes, sous le prisme de la répartition des compétences entre l’État et les régions, ou sous l’angle budgétaire. Les divergences politiques sont souvent fortes sur ces aspects.
C’est pourquoi les Rencontres sénatoriales de l’apprentissage, dont nous fêtons le vingtième anniversaire, constituent un rendez-vous important. Elles nous permettent de débattre chaque année de ce sujet dans des conditions apaisées.
Surtout, elles sont l’occasion de donner la parole aux premiers concernés : les jeunes, ainsi que leurs formateurs. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et Les Républicains.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur l’apprentissage. Je remercie les orateurs et collègues présents, ainsi que ceux qui ont animé les échanges en salle Clemenceau.
Notre journée consacrée à l’apprentissage se poursuit. J’ai le plaisir de convier celles et ceux qui le souhaitent, mes chers collègues, à participer, à partir de douze heures trente, à une réception dans les salons de Boffrand, autour des apprentis, des présidents de chambres de métiers et du président de CMA France.
Mes chers collègues nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt-deux, est reprise à douze heures vingt-trois, sous la présidence de M. Pierre Ouzoulias.)
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire
Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire (texte de la commission n° 524, rapport n° 523).
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en tant que rapporteurs de la proposition de loi, ma collègue Anne-Catherine Loisier – elle vous prie de bien vouloir excuser son absence aujourd’hui –, et moi avons formé, comme lors de l’examen des précédentes lois Égalim 1, 2 et 3, un duo passionné, mais néanmoins vigilant et raisonné. Je l’en remercie.
Nous nous réjouissons que cette commission mixte paritaire ait finalement été conclusive, au terme de débats lors desquels nous avons dû rapprocher des positions très éloignées.
Je tiens toutefois à souligner que la logique des lois Égalim, qui visent à garantir la construction d’un prix « en marche en avant » afin de préserver la rémunération de l’amont agricole, est plus délicate à faire respecter que jamais.
Une chose est sûre, les lois Égalim n’empêchent pas le décrochage de la ferme France dans les rayons. Nous devrons analyser les causes de ce phénomène à l’avenir.
Nous sommes parvenus à répondre à l’urgence et à prolonger l’une des expérimentations prévues par les lois Égalim, celle du fameux SRP+10, qui devait prendre fin le 15 avril, soit dans cinq jours. Certes, ce mécanisme suscite des réserves, dont nous nous sommes fait l’écho au cours de nos travaux, mais il serait aujourd’hui plus grave de l’abandonner que de le maintenir.
Je rappelle que ce dispositif vise à instaurer des conditions de négociation plus favorables aux fournisseurs, en garantissant une meilleure péréquation entre les produits, c’est-à-dire en limitant les écarts de prix entre les produits d’appel et les produits aux prix plus élevés.
Nous refusons que des filières et des relations commerciales soient déstabilisées par la relance d’un nouvel épisode de la guerre des prix. La proposition de loi répond à cet objectif.
Dans la continuité du recentrage du texte, qui avait été effectué par le Sénat, la CMP a maintenu l’harmonisation des durées d’expérimentation des dispositifs, du SRP+10 comme de l’encadrement des promotions, y compris sur les DPH (droguerie, parfumerie, hygiène).
Dans une logique de compromis avec nos collègues députés, nous avons accepté que les taux de promotion autorisés sur les produits DPH soient portés à 40 % au lieu de 34 %. Il faudra toutefois faire attention à l’année 2025 : les négociations commerciales étant terminées, ce nouveau taux de 40 % ne doit concerner que les années 2026-2028, et non pas 2025 ; sinon on risque de fragiliser les entreprises. Le Sénat, par l’intermédiaire notamment du groupe de suivi des lois Égalim de la commission des affaires économiques, sera très vigilant sur ce point. Vous devrez l’être aussi, madame la ministre.
Les sanctions applicables en cas de violation du SRP+10 ou de non-respect de l’obligation de justifier de l’utilisation faite du surplus de marge généré par le SRP+10 pourront aller jusqu’à 0,4 % du chiffre d’affaires des entreprises.
Outre ces précisions concernant les sanctions et l’encadrement des promotions sur les produits DPH, la CMP a apporté deux modifications au texte du Sénat : d’une part, le SRP+10 sera désormais étendu aux produits vendus sous marque de distributeur ; d’autre part, le rapport du Gouvernement sur la mise en œuvre du SRP+10 pourra être rendu public, ce qui accroîtra la transparence sans porter atteinte au secret des affaires.
Ces évolutions ont permis l’adoption du texte par l’Assemblée nationale en séance hier. Je m’en réjouis. Mes chers collègues, je vous invite à mon tour à adopter largement les conclusions de la CMP.
Il sera ainsi possible de poursuivre les expérimentations du SRP+10 et de l’encadrement des promotions jusqu’au 15 avril 2028, avec des sanctions renforcées.
Il faut toutefois aussi faire preuve de pédagogie. Les sanctions ne suffisent pas. Le Gouvernement préparera ainsi une méthodologie relative aux informations que doivent transmettre les distributeurs sur leur usage du SRP+10, comme vous vous y êtes engagée, madame la ministre, lors de nos débats.
J’attire de nouveau votre attention sur un point, madame la ministre. Il existe un dicton, en agriculture, selon lequel le provisoire dure. Le texte prévoyant une expérimentation, nous souhaitons vivement disposer d’une évaluation pour apprécier la pertinence de la prolonger ou non.
Nous nous donnons rendez-vous pour un projet de loi Égalim 4, qui devra, dans un souci de stabilité, fixer des perspectives pour les revenus des agriculteurs, sans pour autant les piéger, puisque nous nous inscrivons dans un contexte communautaire. Nous devons donc travailler en permanence pour veiller à garantir la sécurité du mécanisme en ce qui concerne la mise sur le marché des produits, dans l’intérêt à la fois de notre économie, des agriculteurs, des entreprises et des consommateurs. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est aujourd’hui la fin de la navette parlementaire d’un texte qui aura connu des versions successives très contrastées.
Le Gouvernement se réjouit donc que la commission mixte paritaire, réunie mardi dernier, ait permis de dégager un consensus entre des copies pourtant très différentes les unes des autres. Ce consensus est satisfaisant en ce qu’il permet de concilier à la fois la stabilité de la filière agroalimentaire, qui aurait souffert sinon d’un abandon soudain du SRP+10, le soutien à la consommation, ainsi que la transparence nécessaire pour suivre les effets des mesures adoptées.
Je salue ici l’important travail réalisé sur ce texte par les députés Julien Dive et Stéphane Travert et, au Sénat, par les rapporteurs, qualifiés de passionnés, vigilants et raisonnés, Daniel Gremillet et Anne-Catherine Loisier. Je n’oublie pas, bien sûr, la présidente Dominique Estrosi Sassone.
Dans le détail, ce texte permet donc de prolonger de trois ans l’expérimentation du SRP+10. Nous savons tous quel aurait été le résultat d’un abandon de cette mesure : une guerre des prix immédiate, au préjudice de toute la chaîne agroalimentaire. Et dans ces cas-là, l’acteur le plus fragile est généralement l’amont agricole. Il nous semble donc nécessaire de ne pas perturber toute cette filière, a fortiori dans la période troublée que nous traversons.
Je connais les doutes du Sénat sur le SRP+10, et je reconnais que vous les avez exprimés avec constance depuis la loi Égalim 1. Je sais aussi que nous partageons l’objectif d’une pacification des relations commerciales et d’une stabilisation de la chaîne agroalimentaire.
J’ai entendu les insatisfactions qui se sont exprimées sur plusieurs travées en ce qui concerne la traçabilité du dispositif et je partage plusieurs d’entre elles. C’est pourquoi plusieurs avancées ont été actées.
Premièrement, le texte prévoit des sanctions pouvant atteindre 0,4 % du chiffre d’affaires dans l’hypothèse où un distributeur ne communiquerait pas au Gouvernement les informations chiffrées qui sont nécessaires à l’évaluation du SRP+10, informations que nous attendons tous.
Deuxièmement, je me suis engagée devant vous, au Sénat, à ce que les services de l’État travaillent avec les acteurs à une méthodologie pour mieux définir ce qui est attendu d’eux. Un besoin de précisions s’est en effet exprimé chez les différentes parties prenantes.
Enfin, la CMP a choisi de laisser au Gouvernement la possibilité de rendre public le rapport synthétisant les différentes informations chiffrées.
Toujours dans cet objectif de transparence, je rappelle que l’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté le principe d’un rapport, dont l’élaboration a été confiée à l’inspection générale des finances (IGF). Celui-ci portera sur les marges et la péréquation dans la grande distribution. La qualité de ses analyses est saluée régulièrement, et je ne doute pas que le travail rendu sera utile aux pouvoirs publics, aux acteurs, ainsi qu’aux décideurs, notamment en vue des prochains débats sur ces thèmes.
J’en viens à présent à l’encadrement des promotions sur les produits DPH. Le texte initial proposait de permettre une libéralisation immédiate des promotions et de revenir en fait à la situation d’avant la loi Égalim 3. L’Assemblée nationale a finalement opté pour une augmentation du taux de promotion à 40 %, tout en prolongeant l’expérimentation jusqu’en 2028. Le Sénat, quant à lui, a privilégié le maintien du droit en vigueur, en conservant le principe d’une prolongation jusqu’en 2028.
Le résultat issu des travaux de la CMP me paraît satisfaisant, car il concilie, d’un côté, l’intérêt du consommateur et, de l’autre, celui des fournisseurs, qui, rappelons-le, sont ceux qui financent les promotions que l’on trouve dans les rayons.
Monsieur le rapporteur, vous nous avez demandé d’être attentifs à l’impact en 2025 de ce nouveau taux de générosité. Je vous ai entendu.
Par ailleurs, le principe de l’extension du SRP+10 aux marques de distributeur (MDD) a été maintenu dans le compromis final, ce qui me paraît de nature à trancher la question juridique qui était soulevée jusqu’alors et qui créait une incertitude.
Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, je travaille actuellement avec ma collègue Annie Genevard à l’élaboration de mesures portant sur le schéma Égalim. J’ai bien entendu votre souhait, monsieur le rapporteur, que nous prévoyions un rendez-vous pour réaliser un état des lieux afin d’aller plus loin encore dans l’amélioration de la répartition de la valeur dans la chaîne agroalimentaire.
Il s’agit avant tout de renforcer l’amont agricole, en améliorant la structuration des agriculteurs, et de simplifier l’aval commercial. Les mois passés nous ont montré l’impérieuse nécessité de faire plus simple en matière de négociations commerciales et d’apaiser le climat qui entoure celles-ci.
Je forme le vœu que nous puissions prochainement aborder de nouveau ces sujets. Nous sommes attendus par l’ensemble des acteurs. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Je pense que nous pouvons mieux répartir la valeur ajoutée dans l’ensemble de la chaîne agroalimentaire.
M. le président. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
proposition de loi visant à renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire
Article 1er
I. – L’article 125 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique est ainsi modifié :
1° Le B du II est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les produits de grande consommation qui ne sont pas des denrées alimentaires ou des produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie, les avantages promotionnels, le cas échéant cumulés, mentionnés au A du présent II, accordés au consommateur pour un produit déterminé, peuvent atteindre 40 % du prix de vente au consommateur ou une augmentation de la quantité vendue équivalente. »
2° (Supprimé)
2° bis Le IV est ainsi modifié :
a) La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « , notamment sur la base des documents mentionnés au présent IV bis » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les rapports mentionnés au présent IV peuvent être rendus publics ».
2° ter Le IV bis est ainsi modifié :
aa) (Supprimé)
a) Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Il répond à toute demande de précisions des ministres dans un délai de quinze jours. » ;
b) (Supprimé)
c) Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« Le fait, pour un distributeur, de ne pas transmettre le document mentionné au premier alinéa du présent IV bis ou de ne pas répondre à une demande de précisions des ministres chargés de l’économie ou de l’agriculture est puni d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 0,4 % de son chiffre d’affaires annuel hors taxes réalisé en France lors du dernier exercice clos.
« Les agents mentionnés au II de l’article L. 450-1 du code de commerce sont habilités à rechercher et à constater les manquements au présent IV bis dans les conditions prévues au livre IV du code de commerce. Il peut être fait application de l’article L. 470-1 du même code à partir des constatations effectuées.
« L’amende est prononcée dans les conditions prévues à l’article L. 470-2 dudit code. Le montant de l’amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision est devenue définitive. » ;
2° quater (Supprimé)
3° Le VIII est ainsi rédigé :
« VIII. – Les I, II et IV sont applicables jusqu’au 15 avril 2028. »
II. – (Supprimé)
Article 1er bis
(Supprimé)
Article 2
Le code de commerce est ainsi modifié :
1° L’article L. 442-5 est ainsi modifié :
a) À la fin de la première phrase du premier alinéa du I, les mots : « de 75 000 € d’amende » sont remplacés par les mots : « d’une amende ne pouvant excéder 0,4 % de son chiffre d’affaires annuel hors taxes réalisé en France lors du dernier exercice clos » ;
b) Il est ajouté un IV ainsi rédigé :
« IV. – Le I du présent article est applicable aux produits vendus sous marque de distributeur acquis dans les conditions prévues à l’article L. 441-7. »
2° La trente-quatrième ligne du tableau du second alinéa du 4° du I de l’article L. 950-1 est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :
« |
L. 442-4 |
l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 |
|
L. 442-5 |
la loi n° … du … visant à renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire |
||
L. 442-6 |
l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 |
» |
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