Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour la réplique.

M. Stéphane Le Rudulier. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Vous en conviendrez, il est tout de même assez paradoxal que l’État ait signé des chartes des parcs naturels régionaux qui interdisent la mise en œuvre du photovoltaïque, tout en donnant aux préfets le droit de se substituer aux maires pour délivrer certaines autorisations en la matière. La protection des paysages remarquables reste un combat fondamental.

sociétés civiles agricoles et activités accessoires de nature commerciale

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis, auteur de la question n° 418, adressée à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Bernard Buis. Monsieur le ministre, avant l’adoption de la loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture (Losarga), les sociétés dont l’objet agricole est défini par la loi ne pouvaient pas, sauf cas exceptionnel, exercer des activités commerciales accessoires à leur activité agricole, en raison du caractère civil des activités agricoles défini à l’article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime et du principe de spécialité statutaire.

Désormais, grâce à l’article 28 de la Losarga, les groupements agricoles d’exploitation en commun, les groupements fonciers agricoles et les exploitations agricoles à responsabilité limitée peuvent, sans perdre leur caractère civil, compléter leur activité agricole par des activités accessoires de nature commerciale, à condition que les recettes tirées de ces activités n’excèdent ni 20 000 euros ni 40 % des recettes annuelles tirées de l’activité agricole.

Monsieur le ministre, les professions concernées saluent cette évolution législative, mais elles s’interrogent sur la différence entre les plafonds indiqués à l’article 28 de la Losarga et ceux mentionnés à l’article 75 du code général des impôts (CGI).

Selon ce dernier, un exploitant soumis à un régime réel d’imposition peut inclure, dans son bénéfice agricole, des revenus accessoires tirés d’activités commerciales et non commerciales à condition que, sur les trois années précédant l’exercice, ces revenus n’excèdent ni 100 000 euros ni 50 % des recettes agricoles annuelles moyennes.

Par conséquent, une société civile agricole dont les recettes tirées des activités accessoires de nature commerciale dépasseraient 20 000 euros ou 40 % des recettes annuelles tirées de l’activité agricole ne respecterait pas le plafond prévu à l’article 28 de la Losarga, tout en respectant celui prévu à l’article 75 du CGI.

Alors, monsieur le ministre, afin de simplifier la loi et de la rendre plus claire, pourquoi ne pas aligner les plafonds ? Le plafond prévu par le code général des impôts permettrait aux sociétés concernées de mieux amortir leurs investissements nécessaires pour le développement d’activités, comme l’œnotourisme, qui peut représenter des dépenses non négligeables.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre dÉtat, ministre de léducation nationale, de lenseignement supérieur et de la recherche, chargé de lenseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Buis, les deux dispositifs que vous mentionnez n’ont pas le même objet.

L’article 28 de la loi d’orientation a été créé pour sécuriser le caractère civil des sociétés agricoles qui exercent une activité commerciale complémentaire afin de compléter leurs activités, et ainsi de diversifier leurs sources de revenus.

Cette nouvelle disposition répond à la crainte que l’exercice d’une activité commerciale ait, dans certains cas, des conséquences sur la limitation de la responsabilité des associés et, dans le cas des groupements agricoles d’exploitation en commun (Gaec), sur la validité de l’agrément donné par l’État.

Cet article permet ainsi de dispenser les intéressés de la création d’une structure sociale distincte pour exercer une activité commerciale complémentaire qui est en lien avec l’activité agricole.

Les plafonds garantissent le caractère strictement accessoire de cette activité commerciale complémentaire.

L’article 75 du CGI, qui n’a aucune incidence sur le caractère civil ou commercial d’une société, a quant à lui pour objet de déterminer le régime d’imposition des bénéfices d’une exploitation agricole.

Lorsqu’une société civile dépasse les seuils fiscaux d’activités accessoires, elle peut devenir imposable à l’impôt sur les sociétés.

Néanmoins, Mme la ministre de l’agriculture souhaite vous informer qu’elle demeure, avec son cabinet, à votre entière disposition pour poursuivre les échanges sur ce point et réaliser une analyse plus poussée et plus technique du sujet que vous avez évoqué, lequel est en effet très intéressant.

soutien à la filière de l’agriculture biologique

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Duffourg, auteur de la question n° 451, adressée à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Alain Duffourg. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur l’agriculture biologique qui, vous le savez, est actuellement confrontée à des difficultés importantes.

En effet, des agriculteurs biologiques ont été contraints de revenir en arrière et de se convertir à l’agriculture conventionnelle, dans une proportion estimée entre 3 % et 4 % des fermes durant ces dernières années. Notons par ailleurs que la consommation de produits bio a diminué de 6 % en 2022.

Ces difficultés concernent l’ensemble des secteurs agricoles – œufs, volaille, grandes cultures, maraîchage, etc. Or il s’avère qu’il reste des dotations à distribuer dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) 2023-2027.

Aussi, les syndicats agricoles, notamment la Confédération paysanne, me demandent si ces dotations continueront bien à financer le deuxième pilier de la PAC, lequel est extrêmement important pour maintenir et développer l’agriculture biologique.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour que les dotations restent affectées au deuxième pilier ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre dÉtat, ministre de léducation nationale, de lenseignement supérieur et de la recherche, chargé de lenseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Alain Duffourg, je me permets de vous répondre à la place de la ministre Annie Genevard, qui est retenue.

Le Gouvernement n’a jamais cessé de soutenir les agriculteurs bio, notamment en déployant des aides d’urgence de trésorerie à hauteur de 100 millions d’euros par an en 2023 et en 2024, pour les aider à traverser une phase difficile.

Compte tenu de la crise dans le secteur de l’agriculture biologique, une baisse des conversions à ce type d’agriculture a été constatée ces dernières années.

Or, dans le cadre de la programmation de la politique agricole commune 2023-2027, le soutien à l’agriculture biologique a été centré sur la conversion des exploitations. Si les conversions semblent reprendre, il existe un reliquat de crédits non utilisés en 2023 et 2024. Mais si les conversions ne se produisent pas, il n’existe pas de droit acquis pour que ces crédits soient affectés à un secteur particulier.

C’est pourquoi une concertation avec l’ensemble des parties prenantes est actuellement menée sur les modifications du plan stratégique national pour 2026, offrant l’occasion de réfléchir à la réaffectation des montants résiduels des aides à la conversion à l’agriculture biologique (CAB) à d’autres mesures. La ministre m’a chargé de vous indiquer que cette réaffectation des crédits se ferait de manière pragmatique, mais qu’il va de soi qu’il n’est nullement question de réduire l’ambition en matière d’agriculture biologique.

Il convient de noter que, malgré l’arrêt de l’aide au maintien en agriculture biologique pour la programmation 2023-2027, la majorité des agriculteurs bio continuent de bénéficier de soutiens spécifiques au maintien de leur activité au travers, d’une part, de l’écorégime, qui représente tout de même plus de 50 millions d’euros, et, d’autre part, de la revalorisation du crédit d’impôt dédié à l’agriculture biologique, pour un montant de 109 millions d’euros en 2025.

Ces mesures représentent un effort important dans la situation budgétaire actuelle et traduisent la volonté forte du ministère chargé de l’agriculture de soutenir ce mode de production durable.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Duffourg, pour la réplique.

M. Alain Duffourg. Je vous remercie pour ces explications, monsieur le ministre. Des discussions se tiendront entre le ministère et les organisations syndicales, notamment la Confédération paysanne. Les représentants syndicaux veilleront à ce que les aides dont vous m’avez indiqué le montant soient bien versées à l’agriculture biologique, car les déconversions sont trop nombreuses. Les agriculteurs tiennent simplement à ce que les dotations restantes puissent être affectées au deuxième pilier.

coupe budgétaire sur le dispositif national d’accompagnement des projets et des initiatives des coopératives d’utilisation de matériel agricole

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, auteur de la question n° 476, adressée à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le ministre, ma question concerne le dispositif national d’accompagnement des projets et des initiatives des coopératives d’utilisation de matériel agricole (DiNA).

Ce dispositif soutient, au-delà de sa première fonction de partage des machines, le développement de projets collectifs des coopératives d’utilisation de matériel agricole. Il a été récemment la cible de coupes budgétaires non négligeables pour le réseau des coopératives d’utilisation de matériel agricole (Cuma), auquel le monde agricole et les zones rurales tiennent tout particulièrement.

Différents rapports ont montré l’intérêt du dispositif, lequel est articulé avec les enjeux des politiques publiques dont il permet de démultiplier l’impact, via les collectifs d’agriculteurs.

Cette aide à l’accompagnement stratégique est unique en son genre dans le domaine agricole. Le dispositif est mobilisé par plus de 600 Cuma chaque année au niveau national, impliquant plus de 14 000 agricultrices et agriculteurs.

La mise à mal du déploiement de ce dispositif, alors même qu’il a été récemment refondu par l’administration du ministère de l’agriculture, suscite l’inquiétude et l’incompréhension de l’ensemble du réseau des Cuma, au vu de l’efficience du DiNA et de l’enveloppe financière modeste qu’il représente par rapport à d’autres mesures de soutien.

Alors que l’accompagnement des agricultrices et des agriculteurs est un sujet central, quelle ambition et quelle pérennité souhaitez-vous donner à ce dispositif qui est la seule ligne budgétaire dédiée aux Cuma ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre dÉtat, ministre de léducation nationale, de lenseignement supérieur et de la recherche, chargé de lenseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Pierre Jean Rochette, la loi de finances pour 2025, promulguée le 14 février dernier, prévoit de redresser les comptes publics de 50 milliards d’euros et de ramener le déficit public à 5,4 % du PIB.

Pour cela, la loi de finances pour 2025 prévoit de réduire les dépenses de l’État et de ses opérateurs, dans un effort partagé. Dans ce cadre, le budget du programme « Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt » de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » a connu une réduction sensible.

Malgré ce contexte, l’État poursuit ses efforts et déploie des moyens importants pour soutenir l’agriculture en France. Ainsi, le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire (Masa) prévoit de maintenir le dispositif DiNA-Cuma en 2025, mais avec des moyens nécessairement moindres.

Mis en place en 2016, à la suite des aides à l’investissement matériel sous forme de prêts à moyen terme spéciaux, le DiNA-Cuma a permis d’accompagner environ 30 % des Cuma. Parmi les Cuma ayant bénéficié de ce conseil stratégique, un quart y ont eu recours deux fois et 6 % trois fois.

Malgré la diminution des crédits alloués au DiNA-Cuma, le dispositif peut continuer d’accompagner les Cuma en priorisant les dossiers déposés, pour favoriser les Cuma n’ayant jamais eu de financement pour un conseil stratégique. À ce titre, une grille de priorisation avait été rédigée lors de la révision de l’instruction technique en 2023, en étroite collaboration avec la Fédération nationale des Cuma.

Une autre solution consisterait à diminuer le taux d’aide publique de ce dispositif à 80 % ou 70 %, contre 90 % aujourd’hui, pour continuer à accompagner un nombre important de Cuma, sans critère de priorisation.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour la réplique.

M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le ministre, je ne remets en question ni les économies que souhaite faire le Gouvernement ni la pression budgétaire qu’il subit, mais il faut s’attacher à ne pas briser un système qui marche bien.

J’ai entendu votre réponse ; nous veillerons à ce que l’outil ne soit pas cassé, qu’il continue à fonctionner. Nous vous solliciterons très probablement de nouveau à ce sujet.

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à dix-huit heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à dix-huit heures trente, sous la présidence de M. Xavier Iacovelli.)

PRÉSIDENCE DE M. Xavier Iacovelli

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Défaillances d’entreprises

Débat organisé à la demande de la délégation sénatoriale aux entreprises

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la délégation aux entreprises, sur les défaillances d’entreprises.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à M. Olivier Rietmann, au nom de la délégation qui a demandé ce débat. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. François Patriat applaudit également.)

M. Olivier Rietmann, au nom de la délégation aux entreprises. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la délégation aux entreprises a souhaité associer l’ensemble des sénatrices et sénateurs au débat qu’elle a engagé en début d’année sur les défaillances d’entreprises. C’est un sujet essentiel, car nous devons être conscients de la situation très délicate de nombreuses entreprises et nous mobiliser pour les accompagner, dans une période marquée par la guerre commerciale internationale et les incertitudes en matière de croissance en France.

Le sujet des défaillances est en réalité multiforme.

Tout d’abord, le constat chiffré est sans appel : la très forte croissance du nombre de procédures collectives a dépassé le simple rattrapage post-covid. Le nombre de défaillances d’entreprises en un an était évalué à près de 66 000 au mois de février par la Banque de France et à 68 000 selon le groupe Altares. Ces chiffres sont supérieurs à ceux de 2015 et dépassent très largement le nombre des défaillances qui ont précédé la période de pandémie. On comptait en effet 51 356 défaillances en 2019.

Enfin, selon les derniers chiffres publiés par l’Observatoire des données économiques des entreprises en difficulté du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, le nombre d’entreprises entrées en procédure judiciaire a augmenté de 2,3 % au premier trimestre 2025 par rapport à 2024 et de 23,8 % par rapport à 2019 ! Nous sommes donc bien loin de la décrue annoncée.

Je ne souhaite pas m’étendre sur la détection et le traitement des difficultés des entreprises, autres aspects du sujet, qui ont été largement détaillés par la Cour des comptes dans son rapport de juin 2024. La Cour y soulignait que le « parcours usager » des entreprises en difficulté demeurait complexe et manquait de lisibilité sur les rôles des différents acteurs et la multiplicité des guichets. Vous y avez d’ailleurs fait référence, madame la ministre, lors de votre audition par la délégation il y a quinze jours : le Médiateur national du crédit et le Médiateur des entreprises vous ont remis un rapport dans lequel ils proposent des solutions très pragmatiques pour mieux accompagner les dirigeants des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME).

Je reviendrai en revanche sur la leçon que nous devons tirer de l’évolution des défaillances. Ces chiffres doivent en effet nous alerter. Pourquoi ?

Premièrement, la situation d’instabilité, causée par l’administration Trump, fait planer une menace dont les répercussions seront importantes pour nos entreprises. Nous avons d’ailleurs entendu les organisations patronales sur ce sujet aujourd’hui, lors d’une table ronde consacrée aux entreprises françaises dans la guerre commerciale.

Deuxièmement, si les procédures collectives engagées concernent à 85 % des TPE de moins de dix salariés et entraînent la suppression d’environ 1 500 emplois par semaine, on observe une part croissante des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) dans les défaillances.

Ainsi, la part des PME et des ETI de plus de 100 salariés a augmenté de 28 % en un an ! Et le coprésident du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (Meti) a depuis longtemps alerté sur la fragilisation des ETI, qui, pour la première fois, ne sont plus aussi résistantes que lors des crises précédentes. Le nombre d’entreprises de taille intermédiaire placées en redressement a en effet doublé dans tous les secteurs, de la vente de détail à la construction en passant par l’aéronautique ou les cosmétiques. Or les ETI sont précisément notre force de frappe en matière de commerce extérieur.

Enfin, l’évolution des défaillances dépendra largement des décisions que nous prendrons pour réduire le déficit de la France. La dette publique culmine désormais à plus de 3 300 milliards d’euros et les charges annuelles d’intérêt à 59 milliards d’euros. Alors, quand allons-nous prendre conscience de la gravité de la situation et adopter les bonnes mesures ?

Nous ne pouvons plus naviguer à l’aveugle en misant uniquement sur l’augmentation des recettes fiscales provenant des entreprises. Nous avons la responsabilité de les accompagner afin de garantir la résilience du tissu productif français dans une période d’incertitudes économiques. Remettons la compétitivité au cœur des objectifs !

Allianz Trade vient de publier sa dernière étude sur les défaillances d’entreprises à l’échelle mondiale et a dévoilé ses prévisions mises à jour pour 2025 et 2026. Le groupe estime qu’elles continueront d’augmenter au cours des deux prochaines années. Comment penser que la France pourrait être épargnée sans réformes structurelles adéquates ?

Il serait irresponsable de reconduire, voire d’aggraver, le poids de la contribution des entreprises en 2026, car – je le répète inlassablement – ce sont les entreprises qui créent de la valeur et financent les salaires et les politiques publiques.

Madame la ministre, qui a dit que la principale priorité du moment était la transformation écologique, que s’adapter demanderait beaucoup d’investissements qui ne seraient pas toujours rentables et risquaient de conduire – il fallait l’accepter – à une baisse de la rentabilité des entreprises ? Qui a appelé à une telle politique de décroissance ? Ce n’est pas notre collègue Yannick Jadot. Ce n’est pas non plus la secrétaire nationale des écologistes Marine Tondelier… Non, c’est votre ministre de tutelle chargé de l’économie et des finances, Éric Lombard !

M. Damien Michallet et Mme Frédérique Puissat. Très bien !

M. Olivier Rietmann. Ce n’est pas acceptable, et j’y vois une menace pour les décisions à venir à l’endroit des entreprises. Ne nous trompons pas d’ennemi, comme l’a récemment fait Jacques Attali en fustigeant les entrepreneurs !

Nous devons au contraire aborder sans tabou les sujets mis sous le tapis depuis trop longtemps. Je pense notamment aux surtranspositions françaises, à comparer aux normes et aux charges de nos voisins européens, au temps de travail et à son coût, aux réformes structurelles pour diminuer la dépense publique.

Le Sénat, et en particulier sa délégation aux entreprises, est prêt à se mobiliser pour que les bonnes décisions soient prises afin de redresser les comptes publics sans créer de récession, afin que les entreprises françaises aient enfin le sentiment d’être accompagnées et soutenues par les pouvoirs publics. Et quand je dis « soutenues », je ne pense pas aux aides ; je pense à la capacité de l’État de laisser les entrepreneurs se consacrer en priorité à la création de valeur. La mobilisation devra se faire avec les représentants des entreprises de toutes tailles.

Nous devrons prendre des décisions courageuses et les prendre rapidement. Le temps de la décision politique doit impérativement s’aligner sur celui de la vie économique.

Madame la ministre, je vous remercie de participer au dialogue que j’ai l’honneur d’engager ce soir et que mes collègues vont poursuivre au travers de leurs questions. Je forme le vœu qu’il se prolonge au-delà de ce débat, avec l’ensemble des ministères concernés. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – M. François Patriat applaudit également.)

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de lartisanat, des petites et moyennes entreprises et de léconomie sociale et solidaire. Monsieur le président, monsieur le président de la délégation sénatoriale aux entreprises, mesdames, messieurs les sénateurs, avant d’entrer dans le vif du sujet, je tiens très sincèrement à remercier la délégation aux entreprises de nous permettre d’avoir ce temps d’échange sur ce sujet très important que sont les défaillances d’entreprises.

Vous le savez, un débat constructif commence forcément par des constats partagés, sur le fondement de quelques chiffres. Ils ont déjà été rappelés, mais je souhaite y revenir.

J’évoquerai tout d’abord le nombre de défaillances : en 2024, ce sont 66 000 entreprises qui ont connu un jugement d’ouverture de l’une des trois procédures collectives – la sauvegarde, le redressement ou la liquidation judiciaire.

Parmi ces 66 000 entreprises en défaillance, 32 000, soit environ 48 %, employaient au moins un salarié. Ce chiffre est à rapporter au nombre d’entreprises créées chaque année. Depuis 2021, plus de 1 million d’entreprises ont été créées, dont une très forte majorité de microentreprises ; il faut le souligner.

Enfin, j’évoquerai le nombre d’emplois qui se cachent derrière ces défaillances. Nous l’estimons aujourd’hui à 234 000, contre 151 000 en 2019. Si ce chiffre alerte, il faut noter qu’environ 70 % des emplois menacés seraient in fine conservés du fait d’un rétablissement ou d’une reprise.

L’état des lieux est donc clair : notre pays connaît un niveau de défaillances important, qui dépasse les niveaux observés avant la pandémie.

Mon rôle devant vous est donc triple. Le premier est de vous proposer une lecture et une analyse de ces chiffres. Le deuxième est de rappeler combien la compétitivité des entreprises est essentielle. Le troisième est évidemment de vous présenter les solutions sur lesquelles le Gouvernement travaille pour enrayer cette dynamique délétère pour notre économie.

La première question est évidemment la suivante : comment expliquons-nous ce niveau de défaillances ? Le nombre de défaillances que nous observons aujourd’hui doit être replacé dans le contexte du creux exceptionnel des défaillances lors de la crise de la covid-19. Entre 2015 et 2019, le nombre de défaillances observées était proche de 56 000 annuellement.

Cette baisse drastique du nombre de défaillances s’explique évidemment par l’action du Gouvernement et par les mesures d’urgence qui ont alors été mises en œuvre, comme les prêts garantis par l’État (PGE), le chômage partiel, les fonds de solidarité, l’exonération ou encore le report de cotisations. Au cours des années 2019 et 2020, le nombre de défaillances s’est élevé à moins de 30 000, soit une baisse de plus de 45 %.

L’augmentation des défaillances que nous observons aujourd’hui s’explique donc par un effet de rattrapage. Pour autant, notre économie n’est pas grippée et certaines données, non pas conjoncturelles, mais structurelles cette fois, doivent nous encourager. En effet, nous connaissons aujourd’hui une dynamique de création d’entreprises inédite. Quant à la création d’emplois dans le secteur privé, elle se poursuit.

La compétitivité dans l’économie est d’une importance cruciale. Si notre rôle est de trouver des solutions pour les entreprises lorsqu’elles rencontrent des difficultés, nous devons aussi, en amont, faire en sorte qu’elles soient compétitives. La compétitivité de nos entreprises est essentielle, car c’est elle qui leur permet d’innover, d’investir, de se développer, d’embaucher et de résister à la concurrence des autres pays.

Je peux vous assurer que le ministre de l’économie et des finances, Éric Lombard, est engagé dans la défense de la compétitivité des entreprises.

Nos entreprises font face à une vive concurrence, elles doivent performer, se transformer, engager des transitions technologiques, numériques et environnementales. Le Gouvernement est pleinement engagé aux côtés des entrepreneurs, qu’ils dirigent une ETI, une PME, une TPE, une entreprise individuelle ou une microentreprise. Nous sommes là pour les soutenir et les accompagner dans les différentes phases de leur vie.

Je veux ici saluer ces entrepreneurs, qui sont les acteurs de l’économie, qu’il s’agisse d’ailleurs de l’économie sociale et solidaire ou de l’économie conventionnelle. Ces entrepreneurs assurent la vitalité du territoire et créent de l’emploi.

Je sais aussi, parce que cette demande est faite régulièrement, que les entreprises ont besoin de lisibilité, de visibilité et de stabilité.

Nous devons également nous engager dans une diminution de nos dépenses publiques pour poursuivre la baisse des prélèvements obligatoires, car ces prélèvements pèsent aujourd’hui sur nos entreprises.

Enfin, il ne faut pas oublier – vous l’avez rappelé, monsieur le président de la délégation aux entreprises – le poids des normes, qui représente une perte de temps importante pour les entreprises et donc une dépense.

J’en viens à la question de la simplification.

Simplifier notre droit, c’est le purger des éléments qui enrayent notre croissance et notre compétitivité. C’est tout l’enjeu du projet de loi de simplification de la vie économique, que la Haute Assemblée a examiné il y a quasiment un an et que je défendrai ce soir encore à l’Assemblée nationale.

Gérer le stock de normes inutiles est une chose, mais il faut également s’attaquer au flux. C’est tout l’enjeu du « test PME » que nous souhaitons mettre en place. Ce combat, je le partage avec le président Olivier Rietmann. Ce test est essentiel pour éviter que ne soient adoptées des normes illisibles pour nos entreprises, dont le coût est disproportionné pour les plus petites d’entre elles.