M. Guillaume Chevrollier. Tout à fait !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Nous devons également soutenir notre savoir-faire. Je le dis très clairement, je recevrai prochainement un rapport d’Yves Jégo, ancien ministre, sur le made in France, l’objectif étant de soutenir tout ce qui participe à la vie de notre pays et à la vitalité de nos territoires.
Je vous le disais en préambule, notre rôle est également de proposer des solutions pour limiter au maximum ces défaillances. Il nous faut structurer notre action pour accompagner les entreprises qui ont des difficultés.
Il nous faut mieux prévenir les défaillances et donc agir davantage avant la cessation des paiements, simplifier la cartographie des outils publics d’accompagnement et repenser le rebond.
En premier lieu, il faut évidemment inciter les entrepreneurs à agir en amont des procédures collectives. En effet, si 70 % des procédures collectives conduisent à une liquidation, à l’inverse, 70 % des procédures préventives permettent à l’entreprise de poursuivre son activité.
L’enjeu est donc de mieux identifier les entreprises à risque. Il existe pour cela un dispositif, la start-up d’État Signaux faibles, qui permet, en se fondant sur un certain nombre d’éléments, d’encourager davantage les entreprises à recourir aux procédures amiables que sont le mandat ad hoc et la conciliation.
En deuxième lieu, il faut à mon sens simplifier la cartographie des outils publics d’accompagnement. En effet, alors qu’il existe de très nombreux dispositifs, les entrepreneurs ne savent pas toujours vers lesquels se tourner lorsqu’ils sont en difficulté.
En troisième lieu, il faut favoriser le rebond. En effet, l’échec entrepreneurial est perçu de façon particulièrement négative par la société et les entrepreneurs eux-mêmes. Il véhicule l’idée d’une forme d’incompétence et il est la source d’une stigmatisation des entrepreneurs. C’est donc un changement culturel qu’il nous faut opérer. Des travaux ont été conduits sur ce sujet, dans le cadre d’un groupe de travail guidé par Hélène Bourbouloux.
Nous avons la chance de ne pas partir d’une page blanche, d’avoir de nombreux dispositifs à notre disposition que nous pouvons retravailler. J’espère que nous esquisserons ensemble, dans le cadre de ce débat, un plan d’action pour répondre à la situation d’urgence que nous traversons. Ensemble, trouvons les moyens pour prévenir, protéger et rebondir ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. François Patriat applaudit également.)
Débat interactif
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.
Le Gouvernement dispose pour répondre d’une durée équivalente. Il aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L’auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Franck Menonville. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Franck Menonville. Madame la ministre, alors que la situation financière de l’État attire l’attention médiatique, celle des entreprises a, elle aussi, de quoi nous alerter.
En effet, la recrudescence des défaillances d’entreprises, dont le nombre a dépassé celui d’avant la crise du covid-19, est de plus en plus préoccupante. À la fin février 2025, on dénombrait plus de 66 000 défaillances d’entreprises au cours des douze derniers mois, soit une progression en rythme annuel de 12,5 %.
Les entreprises de moins de dix salariés sont particulièrement touchées. Les PME et les ETI ne le sont pas moins. Depuis le début de l’année 2024, plus de 3 200 postes a minima disparaissent par semaine, dont plus de 1 200 dans les entreprises de moins de dix salariés.
Aujourd’hui, les secteurs de l’immobilier, de la construction, du transport et de l’automobile sont particulièrement touchés. Les explications sont multiples : le mouvement de rattrapage post-covid, le remboursement des PGE et les difficultés de leur réaménagement, l’augmentation des coûts énergétiques, le poids du modèle social sur le coût du travail, la prolifération normative, la multiplication des contraintes administratives.
Ces entreprises sont pourtant le cœur battant de notre économie. Elles créent de l’emploi, maillent le territoire, génèrent de la croissance, garantissent les savoir-faire et l’innovation.
Madame la ministre, quelles mesures de soutien comptez-vous mettre en œuvre ? Comment mieux anticiper les défaillances des entreprises ?
Différentes procédures peuvent être mises en œuvre en amont, telles que le mandat ad hoc, qui permet de sauvegarder la confidentialité – c’est important. Or ce mandat ne représente aujourd’hui que 13 % des procédures. Que comptez-vous faire pour favoriser ce type de procédure ?
Enfin, entendez-vous permettre le réaménagement des PGE hors procédures collectives ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur Franck Menonville, vous avez évoqué de nombreux sujets.
Vous avez raison, il nous faut agir en premier lieu sur la compétitivité et alléger un certain nombre de charges qui pèsent sur les entreprises.
Vous m’avez demandé comment prévenir les défaillances et favoriser les procédures amiables, dont vous avez souligné l’intérêt.
Pour prévenir les défaillances, un certain nombre de dispositifs existent aujourd’hui. Le plus connu relève du département, au travers des préfectures : il s’agit du comité départemental d’examen des problèmes de financement des entreprises, le Codefi, qui rassemble différents acteurs sous l’autorité du préfet et a pour objectif de détecter les entreprises présentant des risques de défaillance.
La direction départementale des finances publiques (DDFiP) utilise un produit développé par la start-up d’État Signaux faibles, qui permet de consulter des informations relatives aux effectifs, aux ratios financiers et à d’éventuels impayés. Elle peut ainsi accéder chaque trimestre à une liste d’entreprises présentant un risque de défaillance à dix-huit mois. Le Codefi échange ensuite avec divers acteurs.
Environ 40 % des entreprises suivies par les commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises ont été identifiées grâce à Signaux faibles. Identifier les difficultés permet d’anticiper et, ainsi, d’aider.
Comment favoriser les procédures amiables ? Il nous faut donner plus de force au mandat ad hoc et à la conciliation. Je rappelle que les procédures préventives permettent d’éviter un basculement en procédure collective : 70 % d’entre elles rendent possible une poursuite de l’activité. Vous avez raison, il nous faut favoriser ces deux procédures amiables.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Madame la ministre, il y a deux façons d’aborder ce débat organisé par le président de la délégation aux entreprises, ce dont je tiens à le remercier.
Certaines défaillances d’entreprises s’expliquent par le marché, la guerre commerciale, les tarifs douaniers, le prix de notre énergie, c’est vrai, et il nous faut traiter ces questions.
Mais il faut savoir qu’il existe aussi des entreprises et un patronat qui organisent eux-mêmes la défaillance de l’outil industriel (M. Damien Michallet proteste.) – vous ne voulez pas l’entendre ! – et la délocalisation des savoir-faire français. On dénombre ainsi 300 plans de licenciement et 300 000 emplois menacés ou supprimés.
Je ne vous parlerai pas d’ArcelorMittal, de Michelin ou d’Auchan ; d’autres le feront. Moi, j’étais hier dans le Gard où j’ai visité une PME, la Verrerie du Languedoc, qui compte 164 salariés et fait travailler 100 sous-traitants. Cette entreprise est un sous-traitant quasi exclusif de l’usine Perrier située à proximité. Elle est détenue depuis 2011 par le groupe Owens-Illinois et n’a aucun problème financier. Son bénéfice l’année dernière a augmenté de 7 % par rapport à l’année précédente.
Ladite entreprise a décidé de mettre en œuvre une stratégie financière : supprimer 500 emplois et fermer la verrerie. En conséquence, Perrier ne pourra plus embouteiller, en tout cas pas dans un circuit court, et nous allons perdre un savoir-faire. Voilà la réalité aujourd’hui !
En fait, cette entreprise, qui a touché 15 millions d’euros d’argent public en cinq ans, ne veut pas investir dans un nouveau four, pour un coût de 20 millions à 60 millions d’euros au cours des dix-huit prochains mois.
Le fait est qu’on n’a jamais conditionné le fait d’accorder des aides publiques à la préservation de l’outil industriel ! Le Gouvernement va-t-il rester les bras ballants face aux stratégies purement financières qui cassent nos savoir-faire et notre industrie ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur, je tiens d’abord à souligner l’engagement d’un certain nombre d’entreprises pour continuer d’innover, d’investir, de se transformer et d’embaucher.
Cela étant, le Gouvernement regrette profondément la décision de l’entreprise que vous évoquez et qui touche l’usine de verrerie de Vergèze, située à proximité du site de Perrier. Son projet de réorganisation s’inscrit dans un contexte économique et financier difficile lié à une baisse structurelle de la consommation de boissons telles que les eaux minérales, le vin et la bière.
Cette réorganisation est présentée comme indispensable par le groupe Owens-Illinois afin de conserver sa très forte implantation en France. Le groupe compte neuf sites à ce jour, ce qui représente 2 000 emplois, auxquels il faut ajouter plusieurs centaines d’emplois chez les sous-traitants.
Le Gouvernement et les services de l’État sont pleinement engagés pour vérifier la qualité du dialogue social avec les organisations syndicales (M. Fabien Gay s’exclame.), ainsi que le respect de la procédure d’information et de consultation du comité social et économique. Ils vérifient également la qualité des mesures d’accompagnement du plan de sauvegarde de l’emploi, qui doit tenir compte des spécificités de chacun des sites. Ils s’assurent, enfin, de la qualité des actions menées pour trouver un repreneur, conformément à la loi du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle, dite loi Florange, durant une période de quatre mois.
Des solutions intégrant des repreneurs existent pour un certain nombre d’entreprises. Ainsi, dans le cas de la Fonderie de Bretagne, un repreneur a été trouvé il y a quelques jours.
M. Fabien Gay. Parce que les camarades se sont battus !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Plus de 250 emplois sont concernés.
Je le répète, des reprises sont possibles. Il faut donc se mobiliser pour trouver un repreneur pour la Verrerie du Languedoc. En tout cas, le Gouvernement est complètement engagé en ce sens.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Vencorex, ArcelorMittal, Michelin, la Fonderie de Bretagne, General Electric, Photowatt : dans toute la France, les sites industriels ferment, entraînant leur lot de licenciements, de pertes de savoir-faire et de territoires meurtris.
Pendant que vous parlez de réindustrialisation, des activités dans des secteurs aussi stratégiques que l’acier, la chimie, les pneus, les éoliennes et les panneaux solaires sont liquidées les unes après les autres. Lorsqu’une entreprise ferme, c’est toute une filière qui se retrouve en difficulté, par un effet domino.
Certes, la compétition asiatique, la guerre commerciale américaine et les prix élevés de l’énergie expliquent en partie les difficultés actuelles. Mais la plupart de ces entreprises sont rentables ! Les choix que font, par exemple, M. Mittal, déjà riche de 18 milliards de dollars, ou des fonds d’investissement comme BlackRock, qui est à la manœuvre chez Michelin et General Electric, ont pour seul objectif de rémunérer encore plus les actionnaires.
Face à cette rapacité qui détruit notre souveraineté industrielle, que fait l’État ?
Quand il faut subventionner de nouvelles usines, la recherche ou la décarbonation, il est au rendez-vous, souvent sans effectuer aucun contrôle sur l’usage qui est fait des aides. En revanche, quand il faut sauver ces entreprises, il devient tout à coup impuissant, comme si les délocalisations et les licenciements étaient des fatalités divines !
L’État peut pourtant agir, notamment en nationalisant les activités stratégiques. Nous l’avons fait avec succès pour les Chantiers de l’Atlantique et les câbles sous-marins d’Alcatel ; pourquoi ne pas le faire pour d’autres ? Lorsqu’il existe des projets de reprise en coopérative par des salariés qui maîtrisent et aiment leur travail, pourquoi ne sont-ils jamais retenus et accompagnés ?
Madame la ministre, la destruction créatrice que vous encouragez détruit toute notre industrie. Or l’intelligence artificielle (IA) ne remplacera jamais les savoir-faire humains perdus au passage. Qu’attendez-vous pour agir ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur, nous déplorons les défaillances d’entreprises et les suppressions d’emplois, et ce même lorsqu’il n’y a pas de fermeture.
Pour autant, permettez-moi de rappeler quelques chiffres faisant état d’une réindustrialisation.
L’année 2024 a été une année de continuité dans la réindustrialisation de notre pays. La hausse se poursuit et la dynamique enclenchée en 2022 se confirme, malgré des difficultés conjoncturelles, c’est vrai.
On a ainsi compté 89 ouvertures nettes de sites au total en 2024 et 450 ouvertures nettes depuis 2022. Il s’agit d’un chiffre positif, qu’il convient de souligner, alors que certains commentateurs ne croyaient pas à de telles prévisions il y a encore quelques mois.
Ce solde positif, il faut le mettre en avant, car il nous encourage à tenir bon, à continuer de soutenir les entreprises, à persévérer, à accélérer, sans nier les difficultés. Il s’agit non pas de refuser de les voir, mais de ne pas céder à la fatalité.
Les chiffres nous montrent également que la situation est très contrastée dans le secteur industriel. Alors que les secteurs énergo-intensifs souffrent, les industries vertes et le secteur de l’agroalimentaire réalisent des scores admirables.
Il n’a cependant échappé à personne que la conjoncture est difficile. Encore une fois, il n’y a pas de fatalité. Il nous faut soutenir nos entreprises, les accompagner, actionner tous les leviers utiles pour leur redonner de la compétitivité et assurer leur prospérité économique.
Le projet de loi de simplification de la vie économique comporte un certain nombre de réponses en matière de zéro artificialisation nette (ZAN), de raccordement ou de coût de l’énergie.
Le plan d’urgence européen aura également un impact en la matière.
Enfin, nous devons ouvrir le débat sur le coût du travail et reprendre dès que possible une réflexion sur la baisse des impôts de production, afin de soutenir la compétitivité de nos entreprises.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.
M. Guillaume Gontard. Merci, madame la ministre, mais quelle est au fond la stratégie du Gouvernement pour faire face à la désindustrialisation, qui est en marche ? De quelle manière allez-vous agir concrètement ?
Vous refusez d’utiliser les outils qui sont à votre disposition, qu’il s’agisse des nationalisations temporaires, du soutien au modèle des coopératives ou de l’accompagnement des collectivités territoriales.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Vous avez évoqué à deux reprises la situation des Scop.
En ma qualité de ministre chargée de l’économie sociale et solidaire, je me suis intéressée à ce sujet. Il existe bien une difficulté, actuellement, pour que des structures comme les Scop ou les sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) disposent d’outils de financement équivalents à ceux qui existent pour l’économie traditionnelle.
Par exemple, le prêt transmission que propose Bpifrance est adapté à des reprises, mais il est réservé aux structures ayant au moins trois années d’ancienneté. Par définition, une Scop ou une SCIC constituée pour reprendre une entreprise ne peut pas afficher une telle ancienneté. Nous travaillons avec Bpifrance pour trouver une solution.
J’ai participé aujourd’hui à la conférence des financeurs de l’économie sociale et solidaire : nous y avons étudié un certain nombre d’outils pour organiser le financement de ces structures.
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès.
Mme Marion Canalès. Madame la ministre, Auchan, Valeo, Vencorex : bien sûr, ces fermetures et plans sociaux catastrophiques qui sont le fait de grands noms attirent l’attention, dans le Puy-de-Dôme, département dont je suis élue, comme ailleurs. Mais ces annonces relèvent souvent davantage d’une décision stratégique que d’une défaillance à proprement parler, comme l’a expliqué Fabien Gay.
J’en profite pour parler de la décision, scandaleuse, prise par le groupe Auchan de fermer le magasin des quartiers nord de ma ville, Clermont-Ferrand. Il s’agit d’un choix stratégique de la famille Mulliez, propriétaire d’Auchan, qui condamne des dizaines de salariés. Pourtant, chacun sait que 10 % des dépenses alimentaires et d’équipement des Français profitent à la famille Mulliez.
Ce soir, je veux parler des vraies défaillances, car c’est le sujet retenu par notre délégation aux entreprises.
Le secteur des petites entreprises est celui qui en subit le plus, comme Olivier Rietmann l’a rappelé. Entre octobre 2023 et octobre 2024, il y a ainsi eu une augmentation de 31 % dans le Puy-de-Dôme. C’est un sujet qui nous tient tous à cœur, mais ces défaillances se font souvent à bas bruit.
La loi a confié aux tribunaux de commerce une fonction de prévention et un rôle actif dans la détection des difficultés des entreprises, le plus en amont possible, afin d’aider celles-ci à les surmonter. Pousser la porte du tribunal de commerce, c’est faire confiance à des femmes et des hommes qui, comme les chefs d’entreprise en difficulté, sont issus du monde de l’entreprise.
Comme le nombre de salariés dont l’emploi est menacé par une défaillance de leur entreprise a triplé dans le Puy-de-Dôme, Clermont Auvergne Métropole a pris la décision de ne pas rester sans rien faire et de venir conforter ce rôle de prévention assumé par le tribunal de commerce, en créant un dispositif permettant d’intervenir au stade de la procédure amiable. La métropole a ainsi signé une convention et créé un fonds et elle verse une subvention à l’association des juges et anciens juges consulaires du Puy-de-Dôme. Chaque année, plus d’une douzaine d’entreprises sont ainsi accompagnées afin de traiter les problèmes en amont. La région Île-de-France, aussi, a créé un dispositif, le chèque prévention.
Madame la ministre, vous nous l’avez dit, il y a des initiatives en matière de prévention. Mais il ne suffit pas d’identifier les chefs d’entreprise concernés, il faut aussi les aider, et cela avec de l’argent. L’État va-t-il se saisir de ce type d’initiatives prises par des collectivités locales pour les généraliser et passer de la culture de la défaillance à une culture de la prévention et du rebond ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire. Madame la sénatrice Marion Canalès, vous évoquez un certain nombre de dispositifs existants, tout en déplorant un manque de lisibilité ou de clarté, avec pour résultat que trop peu de chefs d’entreprise en difficulté franchissent la porte du tribunal de commerce.
Il nous faut en effet renforcer la lisibilité du système afin de faciliter son accès pour les chefs d’entreprise, qui doivent savoir facilement à quelle porte frapper.
J’étais la semaine dernière dans la Loire, où j’ai évoqué cette question avec le préfet. Ses services y ont mis en place un dispositif pour la prévention des difficultés, en associant l’ensemble des acteurs, publics et privés, sur le modèle du comité qui avait été créé durant la crise de la covid-19. Ce dispositif, appelé rencontres économiques, permet de porter une attention particulière aux défaillances d’entreprises.
Nous pouvons aussi nous appuyer sur les conseillers départementaux aux entreprises en difficulté (CDED), sur les commissaires à la restructuration et à la prévention des difficultés des entreprises (CRP) et sur le comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri). Ce n’est en effet pas toujours facile pour les entreprises de s’y retrouver. Il faut une porte d’entrée unique pour mieux les accompagner et mieux les engager dans les deux dispositifs de procédure amiable.
Au-delà de la question du soutien financier, il faut travailler en amont pour renforcer la compétitivité internationale des entreprises, en diminuant les prélèvements obligatoires et le coût du travail, afin qu’elles puissent embaucher plus facilement. C’est essentiel.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Brault.
M. Jean-Luc Brault. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, habituellement, quand le bâtiment tousse, c’est l’économie tout entière qui s’enrhume. Aujourd’hui, le bâtiment est grippé, complètement grippé.
J’ai deux minutes pour vous parler des défaillances d’entreprises, madame la ministre ; il me faudrait deux semaines ! Empilement de normes, surtransposition du droit européen, concurrence déloyale au sein même de l’Union européenne, délais et charges administratives – où en est la simplification ? –, accès au crédit bancaire, agissements et temps de réaction des mandataires liquidateurs…
Dernier exemple en date : ce matin, dans le département dont je suis élu, le Loir-et-Cher, j’ai eu un échange avec un équipementier de la SNCF employant six cents salariés. Il m’a dit que, dans le nord de la France, il lui a fallu deux ans et demi pour obtenir un permis de construire et les autorisations correspondantes. À Barcelone, en Espagne, il lui a fallu cinq mois. Et encore, mes chers collègues, deux ans, c’est dans le cas où vous ne tombez pas sur un triton doré ou un papillon azuré ! Je n’ai rien contre la biodiversité, au contraire, mais vous avez compris l’idée…
Madame la ministre, à l’heure où on arrête chantier sur chantier, je connais, dans le centre de la France, un chantier de 60 millions d’euros qui vient d’être arrêté ce matin, définitivement. Oui, 60 millions d’euros !
L’immobilier peine à redémarrer, nombre de restaurants déposent le bilan… Même des boulangeries mettent la clé sous la porte !
Nous devons nous mobiliser. Nous avons examiné il y a plusieurs mois un projet de loi de simplification de la vie économique, qui a été voté ici à l’unanimité. Il comporte notamment des mesures sur les syndics et les mandataires liquidateurs, qui font beaucoup de mal lors des dépôts de bilan et qui font traîner les affaires afin de se servir et de liquider la trésorerie de l’entreprise en difficulté.
La question sur le travail le 1er mai n’est pas le sujet de ce débat, mais n’est-elle pas révélatrice ? Ne faut-il pas enfin, madame la ministre, acter une révolution culturelle de l’entrepreneuriat ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur Jean-Luc Brault, les entreprises du BTP ont été particulièrement touchées par les dernières crises.
Plusieurs facteurs sont en cause : la hausse des taux d’intérêt, le durcissement des conditions d’octroi des crédits bancaires, mais aussi la baisse du nombre de constructions neuves. Même si le secteur de la rénovation énergétique est en croissance, cela ne compense pas totalement la contraction de l’activité dans le neuf. Il nous faut donc tout faire pour relancer la construction et soutenir efficacement le secteur du logement, car c’est un levier essentiel.
Par ailleurs, nous devons continuer le travail de simplification. Le projet de loi de simplification de la vie économique, actuellement en discussion à l’Assemblée nationale, comporte des mesures concrètes, notamment le relèvement de 40 000 euros à 100 000 euros du seuil de la commande publique. Cela facilitera l’accès des TPE et PME à ces marchés.
D’autres pistes sont à l’étude, comme la réforme des groupements momentanés d’entreprises (GME). Aujourd’hui, la responsabilité solidaire et indéfinie entre les membres de tels groupements constitue un frein. Une proposition vise à la supprimer pour les marchés de moins de 100 000 euros, ce qui rendrait ce dispositif bien plus attractif.
Le ministère du logement travaille aussi à simplifier l’accès au label Reconnu garant de l’environnement (RGE).
Enfin, puisque vous évoquez la restauration, je vous informe du lancement, le 13 mai prochain, des assises de la restauration et des métiers de bouche. Nous travaillerons avec l’ensemble des acteurs du secteur pour répondre aux défis conjoncturels et structurels auxquels ils font face.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Je reviendrai tout à l’heure sur les autres mesures de simplification que nous envisageons de prendre.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Hybert. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Billon applaudit également.)
Mme Brigitte Hybert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les chiffres des défaillances au premier trimestre montrent que les Pays de la Loire figurent parmi les régions les plus touchées, avec une augmentation de 28 %, soit 924 procédures supplémentaires.
Dans ma région, 28 % des salariés travaillent dans une ETI, contre 25 % au niveau national. Les ETI attendent une réelle simplification de toutes les procédures. Le programme ETIncelles est donc plutôt bien accueilli par le milieu économique, car il permet de lever certains freins administratifs au bon développement de nos entreprises. Cela va dans le bon sens, et tout ce qui contribue à simplifier la vie de nos entreprises, de nos entrepreneurs, doit être encouragé.
Cependant, certains freins demeurent, notamment dans l’éligibilité à ce programme. Au sens de l’Insee, une PME française doit compter entre dix et deux cent cinquante salariés. En deçà, c’est une TPE ; au-delà, une ETI. Or le critère d’éligibilité au programme ETIncelles intègre les PME comptant entre soixante et deux cent vingt salariés.
Ma question est donc simple : pourquoi imposer un seuil de soixante salariés et un plafond de deux cent vingt salariés ? Pensez-vous généraliser ce programme, qui ne profite aujourd’hui qu’à trop peu d’entreprises ? Élargir le champ des bénéficiaires permettrait de lever des freins pour beaucoup plus d’entreprises et de redonner un élan à l’industrialisation de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Billon applaudit également.)