M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur Simon Uzenat, parmi les différents points que vous avez abordés, vous avez rappelé le montant important de la commande publique, soit 170 milliards d’euros, voire plus selon les estimations de la Cour des comptes européenne.
Pour soutenir nos entreprises, en particulier nos TPE et nos PME, il est important de simplifier l’accès à la commande publique. Je me réjouis donc qu’un certain nombre de mesures en ce sens figurent dans le projet de loi de simplification de la vie économique.
Vous m’avez également interrogée sur le besoin de visibilité des collectivités pour pouvoir s’engager dans des opérations d’infrastructures.
Je note qu’aujourd’hui les collectivités locales lancent beaucoup de chantiers. J’en veux pour preuve le nombre important de demandes de subventions, que ce soit dans le cadre de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) ou de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) ; tous les préfets nous le confirment. Cela dénote un engagement très fort de la part des collectivités.
En l’occurrence, si une collectivité mérite une attention particulière, c’est bien, me semble-t-il, le département, qui est confronté à de véritables difficultés, liées à la hausse des besoins en matière sociale et à la baisse de ses ressources – je pense notamment aux droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Un certain nombre de rapports convergent en ce sens.
Le Gouvernement est pleinement engagé. La ministre Catherine Vautrin a d’ailleurs reçu des représentants de départements voilà quelques jours.
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour la réplique.
M. Simon Uzenat. Sur la simplification, nous pouvons être d’accord. Mais les collectivités ont besoin de moyens financiers pour pouvoir investir et soutenir l’économie locale.
Vous avez évoqué la DETR et la DSIL. En la matière, les demandes des collectivités – c’est le cas dans mon département – seront loin d’être toutes satisfaites. Et beaucoup d’élus disent qu’en l’absence de soutien ils renonceront à certains projets.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Je rappelle que, globalement, les montants de la DTER et de la DSIL n’ont pas varié ; ceux de 2025 sont équivalents à ceux de 2024. À vous entendre, on pourrait avoir le sentiment qu’ils ont baissé, ce qui n’est pas le cas.
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat.
M. Simon Uzenat. Madame la ministre, même si l’inflation a diminué, elle n’a pas disparu !
Certes, si l’on ne prend pas en compte l’inflation, les montants paraissent stables, mais ce n’est pas le cas partout. Dans mon département, ils sont en baisse de 2 millions d’euros, avec de lourdes conséquences pour les collectivités, en particulier dans les territoires ruraux.
Pour la seule année 2025, l’effort que vous réclamez s’élève à 7 milliards d’euros. Et cela risque même d’être davantage dans les mois à venir, à en juger par les discussions qui s’amorcent et par les coupes supplémentaires que votre gouvernement semble vouloir opérer.
Les élus locaux nous le disent très clairement : ils annulent des projets, tous niveaux de collectivités confondus, toutes sensibilités politiques confondues.
Cela va avoir des effets en chaîne, potentiellement récessifs pour l’économie, avec des répercussions sur tous les territoires, toutes les entreprises.
Madame la ministre, nous espérons que votre gouvernement retrouvera le chemin de la sagesse sur ce sujet particulièrement important pour les collectivités et les entreprises.
M. le président. La parole est à Mme Lauriane Josende. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme Lauriane Josende. Madame la ministre, comme cela a été souligné, les défaillances d’entreprises sont malheureusement devenues trop fréquentes dans notre pays ; nous remercions donc le président de la délégation sénatoriale aux entreprises de l’organisation de ce débat d’une importance cruciale.
Le cas du département frontalier dont je suis élue, les Pyrénées-Orientales, illustre parfaitement un tel phénomène. En effet, on y relève une hausse de 13 % des cessations d’activité par rapport à l’année dernière, soit près de 4 points au-dessus du taux national. Les entreprises du BTP sont particulièrement affectées par le contexte économique. Ainsi, en 2024, près de 25 % des injonctions de payer ont été ordonnées chez nous dans le secteur de la construction.
Parallèlement, on observe une hausse de 9,6 % des créations d’entreprises. Ce taux est supérieur de près d’un point au taux national. Les entreprises du secteur du bâtiment, comme d’autres, illustrent donc le caractère volontariste et particulièrement résilient du territoire que je représente. En soi, cela pourrait nous rassurer.
Mais, au-delà des chiffres, dont on peut faire des moyennes à l’infini, n’oublions jamais que les défaillances d’entreprises sont autant de drames humains et de pertes de savoir-faire difficile à remplacer.
Dans mon département sinistré, je vois trop de chefs d’entreprise – je pense à l’entreprise créée par mon père en 1973 – se battre chaque jour pour survivre. D’autres finissent par baisser les bras. En effet, ils font énormément de sacrifices, mais ils constatent aussi avec amertume que les normes, les charges et la considération envers ces créateurs de richesses et d’emplois ne sont pas les mêmes des deux côtés de la frontière.
Madame la ministre, quels leviers le Gouvernement compte-t-il utiliser pour aider les secteurs les plus fragilisés comme le BTP ? Dans l’esprit du test PME, entend-il prendre en compte la situation chez nos voisins, notamment pour les entreprises des zones frontalières, lorsqu’il envisage de nouvelles mesures ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire. Madame la sénatrice Lauriane Josende, comme j’ai eu l’occasion de l’indiquer, j’ai bien conscience que plusieurs secteurs de l’artisanat, notamment le BTP, sont confrontés à une forte augmentation des défaillances, en raison à la fois des hausses des prix des matières premières, de la baisse du nombre de projets en matière de logement, de l’inflation et, parfois, de difficultés de recrutement ou d’approvisionnement.
Je me réjouis qu’il y ait aussi des créations d’entreprises dans certaines zones.
Vous avez également évoqué la situation particulière des zones frontalières, dont les entreprises se trouvent confrontées à des difficultés, car leurs concurrentes ne sont pas soumises aux mêmes normes et à la même fiscalité ou bénéficient de meilleurs dispositifs en termes de compétitivité. Les distorsions ainsi créées ne sont pas toujours faciles à vivre.
Nous devons donc faire en sorte d’améliorer la compétitivité de nos entreprises. Pour ce faire, nous devons réduire encore davantage les prélèvements obligatoires. Nous nous sommes déjà engagés sur cette voie ; je vous renvoie aux décisions qui ont été prises en ce qui concerne la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Mais il faut continuer et aller plus loin.
Une réflexion sur le financement de la protection sociale s’impose sans doute également. Celui-ci doit-il continuer à reposer exclusivement sur les revenus du travail ? Personnellement, je ne le pense pas. Si le financement des branches chômage, assurance vieillesse et accidents du travail et maladies professionnelles doit effectivement être assis sur le travail, des réponses différentes peuvent s’envisager dans le cas des branches maladie et famille.
Sur le test PME, il faudra en effet prendre en compte les entreprises des zones frontalières.
M. le président. La parole est à Mme Lauriane Josende, pour la réplique.
Mme Lauriane Josende. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse très complète. La piste que vous évoquez sur le financement de la protection sociale me paraît très intéressante. Il faut que nous la creusions ensemble. Nous nous y emploierons au sein de la délégation sénatoriale aux entreprises. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Pour le test PME – nous avons évoqué le sujet à plusieurs reprises avec le président de la délégation sénatoriale aux entreprises –, notre intention est d’avoir un panel d’entreprises volontaires de toutes les tailles, de tous les secteurs d’activité et de tous les territoires, zones frontalières incluses.
M. le président. La parole est à Mme Lauriane Josende.
Mme Lauriane Josende. Encore une fois, dans les Pyrénées-Orientales, nous avons un tempérament volontariste. Je suis certaine que des entreprises du département seront volontaires pour participer à ces réflexions et à la recherche de mesures correctrices, au bénéfice de tous.
M. le président. La parole est à M. Damien Michallet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Damien Michallet. Je remercie le président de la délégation sénatoriale aux entreprises de l’organisation de ce débat. C’est l’occasion de rappeler que les entreprises ont leur place au sein de la Haute Assemblée.
La question des défaillances, qui nous réunit ce soir, est très importante. En tant qu’élu de l’Isère – j’associe ma collègue Frédérique Puissat à cette prise de parole –, je ne peux pas ne pas évoquer Vencorex, Photowatt, Valeo, des entreprises qui ont disparu de ce département.
Nous le voyons ce soir, nous sommes d’accord sur l’objectif : lutter contre la disparition des entreprises.
Madame la ministre, les représentants de l’État ont tendance à minimiser les alertes lancées sur le sujet en rétorquant que la création d’entreprises est toujours dynamique, ce dont nous sommes ravis, et que le solde serait positif.
Mais il est dangereux de se rassurer ainsi : la disparition d’entreprises entraîne la disparition de savoir-faire précieux, de compétences uniques. Elle remet aussi en cause certaines chaînes de valeur et peut augmenter notre dépendance aux fournisseurs étrangers. Dans le contexte de guerre commerciale que nous connaissons, cette perspective nous oblige à nous mobiliser pour conserver nos entreprises.
Or, à côté des défaillances, nous observons un phénomène de disparition des entreprises qui, faute de préparation insuffisante en amont, n’ont pas pu être transmises. Dans son dernier rapport sur la transmission d’entreprise, la délégation sénatoriale a montré le caractère essentiel du pacte Dutreil, pourtant ignoré de 82 % des chefs d’entreprise consultés, alors qu’il permet des transmissions aux familles ou aux salariés.
Madame la ministre, je sais que vous y êtes sensible. La transmission, c’est de l’emploi ; c’est de la valeur ajoutée pour nos territoires ; ce sont des savoir-faire conservés ; c’est de la fierté collective.
Le Gouvernement va-t-il enfin lancer une campagne d’information auprès des dirigeants de TPE et de PME, afin de mieux les sensibiliser sur le sujet et de leur présenter le pacte Dutreil, qui est une vraie assurance vie à la transmission ?
Les entreprises les plus modestes en taille sont aussi concernées que les autres, mais elles manquent d’accompagnement et de sensibilisation.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur Damien Michallet, il faut en effet rester très prudent lorsque l’on évoque un « solde positif ».
Il est vrai que nous avons beaucoup de créations, mais elles sont souvent le fait de très petites entreprises. Je le rappelle, en 2024, 1,1 million d’entreprises se sont créées, dont 700 000 microentreprises.
En outre, des entreprises cessent parfois leur activité sans qu’il y ait eu, pour autant, défaillance. En 2024, il y a eu 66 000 défaillances et 165 000 entreprises ont cessé leur activité indépendamment des défaillances.
Je partage donc votre sentiment : nous devons nous préoccuper de la transmission et de la reprise des entreprises.
Je tiens à le souligner, le pacte Dutreil est un excellent dispositif, qu’il faut évidemment maintenir. Il facilite la transmission, le plus souvent au sein de la famille, sans avoir à acquitter un certain nombre de droits, permettant ainsi à l’entreprise de continuer à se développer, à investir et à innover. Une proposition de loi visant à le réformer en abaissant l’exonération de droits de mutation à titre gratuit en contrepartie d’un accroissement de la durée de l’engagement a d’ailleurs été déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 4 février dernier.
Je suis particulièrement mobilisée sur la question des transmissions et de reprises d’entreprises. En effet, selon les estimations, quelque 700 000 entreprises devraient cesser leur activité au cours des dix prochaines années. Or, aujourd’hui, une entreprise sur deux n’est pas reprise !
Ainsi que j’ai eu l’occasion de m’en ouvrir auprès du président de la délégation sénatoriale aux entreprises, je vais lancer des assises de la transmission-reprise, afin de réunir l’ensemble des parties prenantes – chambres consulaires, organisations professionnelles, acteurs économiques, parlementaires, etc. – autour de la table et de faire émerger des propositions.
M. le président. La parole est à Mme Else Joseph. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Else Joseph. Madame la ministre, je souhaiterais aborder le suivi de l’impact des défaillances d’entreprises, qui peut être complexe, car il varie selon trois critères.
Le premier est le critère sectoriel. Selon les chiffres de l’AGS, six secteurs concentrent plus de 80 % des salariés bénéficiaires de la garantie des salaires. L’industrie, la construction et les services aux entreprises sont les plus touchés. Mais il y a aussi des progressions inquiétantes, comme dans l’agriculture, où le nombre de défaillances, certes moins important en volume que dans d’autres secteurs, a connu la plus forte hausse de l’année 2024 : plus de 37 % !
Le deuxième est le critère géographique. En l’occurrence, l’Île-de-France concentre, sans surprise, 28 % du total des montants versés par l’AGS.
Le troisième est évidemment le critère stratégique. Certaines entreprises peuvent être clés pour l’indépendance de la production française ou pour la conservation d’un savoir-faire.
Madame la ministre, compte tenu de la multiplicité des critères et des données, comment votre ministère et, plus généralement, le Gouvernement pilotent-ils le suivi des défaillances d’entreprises ? Quels sont les indicateurs clés pour lancer une alerte ? Comment les services de l’État s’organisent-ils pour repérer les défaillances les plus inquiétantes pour notre économie ? Inquiétantes, elles le sont toutes du point de vue de l’emploi, mais pas forcément de celui, par exemple, de la souveraineté économique.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire. Madame la sénatrice Else Joseph, vous avez raison : il y a un certain nombre d’indicateurs clés qui permettent de disposer d’informations sur les défaillances d’entreprises à la fois en général et de manière plus ciblée, par exemple par secteur d’activité, par région ou en fonction de l’effectif.
D’ailleurs, les parlementaires sont souvent assez friands de telles informations, car elles permettent l’élaboration et la mise en œuvre de politiques publiques visant à éviter un certain nombre de défaillances, ce qui demeure notre objectif premier.
En l’occurrence, la prévention est très importante, d’où l’intérêt d’un projet informatique comme Signaux Faibles, qui est géré par une start-up d’État sous la tutelle de la direction interministérielle du numérique (Dinum). À l’origine conçu pour répondre à l’urgence de la crise du covid-19, il a finalement été pérennisé. Les comités départementaux peuvent ainsi détecter, grâce à des alertes, les éventuelles futures défaillances, ce qui permet de faire de la prévention et de l’accompagnement, notamment vers les procédures amiables. Dans 70 % des cas, cet accompagnement vers une procédure amiable permet d’éviter l’ouverture d’une procédure collective.
Tous ces éléments permettent de consolider les politiques publiques qui sont menées en soutien de nos entreprises.
M. le président. La parole est à Mme Else Joseph, pour la réplique.
Mme Else Joseph. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.
Dans le département des Ardennes, on a constaté une hausse du nombre de bénéficiaires de l’AGS. En effet, nous avons des entreprises en difficulté, notamment dans la fonderie et la métallurgie.
Ce qui remonte du terrain, c’est la multiplicité et la trop grande dispersion des acteurs, de comités, etc. Comme vous l’avez souligné tout à l’heure, il y a une nécessité de mieux intervenir en amont.
Certes, le tribunal de commerce peut conseiller, mais, bien souvent – c’est le cas dans mon département –, le mot « tribunal » fait peur.
Je pense qu’il faudrait un guichet unique pour plus de simplicité et une meilleure information de l’ensemble des parties prenantes.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Vous avez tout à fait raison, madame la sénatrice.
Il y a en effet une difficulté de lisibilité, ce qui ne permet pas aux chefs d’entreprise de frapper à la bonne porte. Le problème a d’ailleurs été souligné dans des rapports de la Cour des comptes et de la médiation du crédit aux entreprises.
Je l’ai moi-même évoqué la semaine dernière dans la Loire. Je pense qu’une réflexion sur la mise en œuvre d’un point d’accès unique s’impose. Le conseiller départemental aux entreprises en difficulté (CDED) pourrait très bien être cette porte d’entrée : il pourrait orienter les entreprises de 50 à 400 salariés vers les CRP et les entreprises de plus de 400 salariés vers le Ciri.
En tout cas, je continuerai à travailler sur ce sujet.
M. le président. La parole est à Mme Else Joseph.
Mme Else Joseph. Je vous remercie pour ces éléments, qui sont de nature à rassurer les acteurs de mon territoire.
En amont de ce débat, j’ai beaucoup consulté. Ce ressenti me semble largement partagé : on voit bien l’évolution des carnets de commandes, mais on ne sait pas à qui s’adresser. Votre annonce est une bonne nouvelle. Il faudra communiquer sur ce sujet.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Valente Le Hir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sylvie Valente Le Hir. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Panhard, Citroën, Peugeot, Renault sont devenus des noms synonymes de l’histoire industrielle et automobile française au cours du XXe siècle.
L’automobile a transformé notre quotidien et façonné nos territoires, comme l’illustrent les exemples de Peugeot à Sochaux ou de Michelin à Clermont-Ferrand.
Or ce que nous imaginions impensable est en train de survenir : notre filière automobile et ses sous-traitants sont purement et simplement menacés de disparition.
Les causes sont plurielles : concurrence étrangère, choix industriels erronés, décisions politiques inconsidérées. Quant aux chiffres, ils sont impressionnants : selon les chiffres officiels du ministère, 149 000 entreprises, 990 000 emplois directs et indirects, 155 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 6 milliards d’euros investis chaque année dans la recherche et développement.
Prenons l’exemple de la ville de Méru, dans l’Oise, où le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) affectant un centre technique de Forvia a conduit, en novembre dernier, à la suppression de cent deux postes dans le service de recherche et développement.
Ce fut, pour cette ville de près de 15 000 habitants, un cataclysme, un traumatisme d’autant plus fort qu’en juillet 2020, le ministre de l’économie, M. Bruno Le Maire, était venu sur place parler de verdissement et de relance de l’économie.
Les dernières annonces du président des États-Unis, Donald Trump, sur une augmentation sans précédent des droits de douane viennent encore noircir davantage un tableau déjà sombre.
Comment être conscient de cette situation et laisser faire ? Nous savons et nous laissons faire ! Alors que le libre-échange devient de plus en plus théorique en raison de la montée en puissance de nouveaux acteurs tels que la Chine, qui subventionne allègrement ses constructeurs, nous, Européens, refusons d’accompagner les nôtres.
Pire, nous leur imposons unilatéralement et contre toute réalité un calendrier de fin de vente des véhicules thermiques en Europe à l’échéance 2035.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Sylvie Valente Le Hir. Dans ce contexte et sans modification des règles en vigueur, nous sommes condamnés à vivre et à revivre le même scénario qu’à Méru.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire. Madame la sénatrice Sylvie Valente Le Hir, vous évoquez la situation de la filière automobile et, en particulier, celle d’une entreprise de votre territoire.
Les ventes de véhicules en France sont structurellement en baisse depuis les années 2000, mais elles ont aussi chuté fortement dans les dernières années, puisque l’on compte près de 25 % d’immatriculations en moins par rapport à 2019.
D’autres éléments sont à prendre en compte, comme le choix de sortir du véhicule thermique en 2035. À cet égard, nous sommes au milieu du gué : les constructeurs automobiles ont investi pour transformer leur industrie, des bornes de recharge commencent à être déployées, les utilisateurs de véhicules électriques sont de plus en plus nombreux et cette technologie continuera sans aucun doute à s’implanter dans les années qui viennent.
Je suis consciente des fortes répercussions de ce contexte de marché sur les entreprises de l’industrie automobile, comme Forvia, par exemple, qui vient d’annoncer la suppression de dix mille emplois en Europe.
Il faudra accompagner ces suppressions d’emplois et prêter une attention particulière aux dispositifs de reclassement qui seront mis en place.
Nous devons également soutenir la filière automobile française dans sa transformation. Au travers de dispositifs comme France Relance ou France 2030 – 54 milliards d’euros ont été engagés au titre de France 2030 dans la rénovation industrielle et la préparation du futur –, nous l’accompagnons déjà et nous continuerons de le faire.
Conclusion du débat
M. le président. En conclusion du débat, la parole est à M. Christian Klinger, au nom de la délégation sénatoriale aux entreprises. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Christian Klinger, au nom de la délégation sénatoriale aux entreprises. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la richesse d’un débat comme celui-ci démontre l’utilité de la délégation sénatoriale aux entreprises, dont la mission est d’aborder les sujets de façon transversale, en complément des travaux des commissions permanentes.
Les questions de nos collègues en témoignent : seule une approche globale permettra d’aborder de façon pertinente la question des défaillances d’entreprises.
Simplification des normes, concurrence européenne et internationale, développement des PME et des ETI, transmission des entreprises, retards de paiement, développement des compétences ou encore viabilité financière de l’AGS sont autant de facettes qui montrent qu’il est impossible de s’attaquer au sujet des défaillances au travers d’un prisme unique.
J’aurais pu, d’ailleurs, ajouter à cette liste la question du foncier économique, ayant été l’auteur, avec mon collègue Michel Masset, d’un rapport de la délégation sur ce sujet. Il y a tant de progrès à accomplir en la matière !
Nous avons, d’une manière générale, un problème de délais : les décisions politiques devant apporter des solutions sont prises dans des délais beaucoup trop longs.
Les présidents des organisations patronales nous l’ont dit cet après-midi lors d’une table ronde : le temps des mesures politiques est trop long, en total décalage avec celui de la vie économique. L’action publique doit impérativement gagner en agilité.
Tous les sujets que la délégation analyse depuis sa création et pour lesquels elle propose des solutions concrètes doivent être traités si l’on veut éviter que les chiffres des défaillances ne repartent fortement à la hausse dans le contexte actuel de guerre commerciale.
Comme l’a rappelé le président de notre délégation, Olivier Rietmann, il faut mettre en œuvre, en complément, une véritable stratégie de soutien à la compétitivité des entreprises.
Nos échanges n’auront de sens que si nous prenons conscience de l’impact de nos décisions, notamment lors des prochains arbitrages budgétaires.
J’insiste sur la nécessité d’élaborer des réformes structurelles visant à réduire la dépense publique, plutôt que de miser sur une contribution toujours plus importante des entreprises.
Dans une récente tribune, le directeur général de Bpifrance, Nicolas Dufourcq, nous interpelle ainsi : « Il est honnêtement dur d’être Européens en ce moment. » Il y regrette que l’Europe ne soit un « prédateur en rien » et doive subir les attaques des États-Unis et de l’Asie. Il ajoute : « Et maintenant, comme on le fait avec les faibles, on nous piétine des deux côtés. »
Nous devons en effet être courageux. Cette vision d’une Europe qui se tire une balle dans le pied, beaucoup de dirigeants la partagent encore davantage pour la France, où la fiscalité, en particulier les impôts de production, constitue un handicap pour les entreprises.
Ayons le courage de continuer ce débat dans les mois qui viennent pour aborder le projet de loi de finances pour 2026 avec pragmatisme et clairvoyance.
Madame la ministre, par le truchement des questions de mes collègues sénateurs, vous avez entendu la souffrance des territoires qui sont touchés par les défaillances d’entreprises. Ce sont autant de drames que nous souhaitons tous éviter.
Nous avons compris que vous partagiez notre préoccupation. Comme vous le disiez en introduction, c’est là la base d’un dialogue. Les échanges de ce soir constituent donc une première étape dont nous pouvons nous réjouir.
Toutefois, la suite à donner requiert une mobilisation urgente sur tous les fronts. Nous continuerons à rappeler les réalités du monde économique et à défendre les mesures qui doivent devenir prioritaires afin d’inverser, enfin, la tendance des défaillances d’entreprises que nous avons décrite. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)