compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. François Bonhomme,

M. Mickaël Vallet.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du Bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

problématiques liées aux sargasses en guadeloupe

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Dominique Théophile. En préambule, le groupe RDPI tient à rappeler les conditions inhumaines dans lesquelles sont maintenus Cécile Kohler et Jacques Paris, qui entament leur quatrième année de détention arbitraire en Iran. Nous leur adressons, ainsi qu’à leurs proches, une pensée sincère et tout notre soutien. (Applaudissements.)

J’en viens à ma question, qui s’adresse à Mme la ministre de la transition écologique.

Madame la ministre, en 2018, Nicolas Hulot s’était rendu en Guadeloupe pour constater les ravages causés par les sargasses. Face à la gravité de la situation, il avait pris, au nom de l’État, un engagement clair : les algues seraient ramassées dans un délai maximal de quarante-huit heures après échouement. Sept ans plus tard, cet engagement n’a jamais été respecté, et le phénomène s’aggrave.

En 2025, nos côtes sont submergées. Les sargasses s’accumulent, fermentent et libèrent de l’hydrogène sulfuré et de l’ammoniac en concentrations alarmantes, provoquant des troubles respiratoires et des lésions oculaires. Ce n’est plus une nuisance, madame la ministre : c’est un empoisonnement à ciel ouvert.

À Capesterre-de-Marie-Galante, le collège Nelson-Mandela a dû être évacué, les riverains désertent leur logement et les commerces ferment. Les moyens déployés sont dérisoires face à l’ampleur du sinistre. Madame la ministre, vous connaissez bien ce dossier : nous avons échangé à ce sujet. Depuis lors, la situation a empiré.

Nos communes, particulièrement les plus petites d’entre elles, ainsi que les Saintes et La Désirade, n’ont ni les bras ni les camions nécessaires pour gérer des échouements de plusieurs centaines de tonnes par semaine. Le préfet ne dispose pas non plus des moyens suffisants pour agir efficacement. Il faut une véritable stratégie nationale d’intervention.

Le ramassage sous quarante-huit heures doit être respecté : c’est une exigence sanitaire vitale, pas une option. Face à l’ampleur de la menace, une réponse interministérielle concrète et efficace est indispensable.

Ne reproduisons pas l’erreur du chlordécone. Ce serait commettre une seconde faute historique face à une pollution chronique, invisible depuis Paris, mais bien réelle et toxique pour les Antilles.

Madame la ministre, quand aurons-nous une réponse à la hauteur des discours ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur Théophile, permettez-moi tout d’abord d’avoir comme vous une pensée pour nos deux compatriotes retenus en Iran depuis plusieurs années dans des conditions intolérables. J’imagine que nous y reviendrons au cours de cette séance.

Je mesure pleinement l’ampleur du problème des sargasses, qui frappe nos territoires ultramarins, notamment la Guadeloupe, et je connais votre engagement dans ce combat contre ce fléau. Je rappelle que vous avez mené une mission d’étude régionale et organisé une conférence internationale en 2019, qui ont permis d’aligner les positions d’un certain nombre de pays et de prendre différentes mesures.

Ce fléau est amplifié par le dérèglement climatique, mais il n’est pas seulement une question environnementale. Vous l’avez très bien dit, il est un enjeu économique, social et sanitaire, qui touche directement nos concitoyens et qui est dévastateur pour le tourisme, la pêche et la santé des habitants.

C’est pourquoi nous agissons avec des moyens techniques, humains et financiers. Le plan national de prévention et de lutte contre les sargasses 2022-2025, dit plan Sargasses II, vise à gérer les sargasses, de leur détection en amont jusqu’à leur traitement final une fois qu’elles se sont échouées sur les côtes.

Des expérimentations de relargage en mer sont également en cours. Elles sont suivies avec attention, pour éviter de potentiels effets sur la biodiversité ou leur échouement sur des territoires voisins.

Cette question sera également discutée lors du prochain comité interministériel de la mer, pour donner une suite au plan Sargasses II. Mon objectif est de disposer d’un plan de lutte et de gestion post-2025 doté de moyens et de mettre l’accent sur l’identification et le soutien aux filières de valorisation, ainsi que sur le déploiement élargi de la collecte en mer et du relargage, sous réserve d’un retour d’expérience positif.

Monsieur le sénateur, nous prendrons en compte vos travaux, ainsi que ceux de vos collègues parlementaires Mickaël Cosson et Olivier Serva, qui viennent de remettre les conclusions de leur mission d’information flash sur la valorisation des algues en réponse à leur prolifération.

Vous pouvez compter sur mon engagement pour porter ce sujet. La protection de nos concitoyens est l’une de mes priorités.

M. le président. Je profite de cette question pour remercier Dominique Théophile de la vice-présidence du Sénat qu’il a assumée pendant dix-huit mois, en se montrant toujours soucieux de la qualité de nos débats, à la grande satisfaction de nos collègues. (Applaudissements.)

commande publique dans le numérique

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)

Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le ministre, l’École polytechnique, le Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), l’éducation nationale, les ministères régaliens, voire des opérateurs d’importance vitale, ont récemment choisi des solutions numériques américaines portant sur de gros volumes de données sensibles, y compris de santé, pour des centaines de millions d’euros. Ainsi se multiplient nos dépendances à des prestataires technologiques extraeuropéens.

Lundi dernier, j’ai assisté à la conférence Choose Europe for science. Le Président de la République y a rappelé que l’absence de cloud souverain européen a été une erreur stratégique majeure participant de notre vassalité.

À la mi-mars, j’ai alerté les ministres Amélie de Montchalin et Clara Chappaz. Votre courrier conjoint à toutes les tutelles, monsieur le ministre, ainsi que le contrat stratégique de filière Logiciels et solutions numériques de confiance vont dans le bon sens. Mais, de grâce, passons du mode observatoire au mode exécutoire !

Monsieur le ministre, le décalage entre les paroles et les actes vous a précédé, mais des chiffres fiables et consolidés de l’achat public numérique via l’Union des groupements d’achats publics (Ugap) ou autres font toujours défaut. Cela suscite des interrogations sur l’appropriation de l’article 31 de la loi visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique, dite loi Sren. J’avais entrevu ce problème lors d’un récent contrôle sur la commande publique des universités.

Cela interroge d’autant plus que la donnée est duale par nature. En outre, le contexte géopolitique rend vitale notre protection, car les solutions américaines embarquent l’extraterritorialité de la législation FISA (Foreign Intelligence Surveillance Act), y compris en Europe. Or 82 % des requêtes sont exploitées à des fins d’intelligence économique. Cessons d’être naïfs !

Dans le triple objectif d’assurer la bonne gestion de nos données publiques, de gagner la confiance de nos concitoyens et de protéger nos données, quand allez-vous procéder, monsieur le ministre, à un audit de la chaîne de la commande publique numérique ? À quand une obligation de justifier objectivement du choix de toute solution non européenne ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Mme Marie-Claire Carrère-Gée applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification.

M. Laurent Marcangeli, ministre de laction publique, de la fonction publique et de la simplification. Madame la sénatrice Paoli-Gagin, vous avez raison : la commande publique n’est pas seulement un sujet technique ; c’est avant tout un levier stratégique de souveraineté et de résilience.

La commande publique est stratégique, parce qu’elle représente 170 milliards d’euros de dépenses publiques par an et cache des enjeux majeurs de souveraineté et d’indépendance, notamment en matière de défense et de numérique.

Le Gouvernement suit avec un grand intérêt les travaux de la commission d’enquête du Sénat sur les coûts et les modalités effectifs de la commande publique et la mesure de leur effet d’entraînement sur l’économie française. Une mission de l’inspection générale des finances a également été lancée en novembre dernier sur les pratiques des centrales d’achat public ; elle devrait venir nourrir notre réflexion d’ici au mois de juin.

Comme vous, je suis convaincu que nous devons cesser d’être les grands naïfs de la mondialisation. L’argent public doit être mis en priorité au service de notre souveraineté économique. Avec les ministres Amélie de Montchalin et Clara Chappaz, j’assume un pilotage plus exigeant de notre doctrine d’achat public, pour en faire un véritable levier de transformation stratégique.

Près de 145 millions d’euros ont déjà été engagés par les administrations dans les solutions cloud, sur les recommandations de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) et conformément à la doctrine cloud de l’État et à son label « cloud de confiance ». Les acteurs français ont réussi à capter près de 65 % de ces marchés pour un montant d’environ 90 millions d’euros. Pour l’État central, cette part atteint même 95 %, preuve que nous pouvons y arriver.

Pour renforcer notre résilience et notre indépendance, la loi Sren impose désormais le recours au label SecNumCloud ou à un équivalent européen pour toute utilisation de données sensibles dans l’administration. Ces résultats sont le fruit d’un engagement clair en faveur de notre souveraineté.

Enfin, nous devons simplifier l’accès à notre commande publique grâce au projet de loi de simplification de la vie économique. Les seuils de marché public seront modifiés, vous le savez. Ils seront également relevés pour les entreprises du secteur de la défense.

Vous pouvez en tout cas compter sur mon action, madame la sénatrice, ainsi que sur celle du Gouvernement. (Applaudissements sur des travées du groupe INDEP. – M. François Patriat applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour la réplique.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Nous comptons sur votre action dans le réel. Nos données et nos euros doivent autant que possible rester à la maison ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Emmanuel Capus. Bravo !

situation des prisons en france

M. le président. La parole est à M. Michel Masset, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Michel Masset. Monsieur le garde des sceaux, nous avons récemment salué les nouvelles recrues et les agents de l’École nationale d’administration pénitentiaire d’Agen, en rendant hommage à leur engagement. Je tiens à rappeler ici que toutes les violences à l’égard de ces agents sont inacceptables. Elles constituent un nouveau défi pour l’administration pénitentiaire et pour la société tout entière.

Je m’inquiète des conditions dans lesquelles ces personnels exercent leur mission. À Gradignan, où le taux d’occupation de la prison s’élève à 210 %, on manque non pas de cellules, mais de quelques mètres carrés pour placer un nouveau matelas. Et faire payer les frais d’hébergement aux détenus, comme vous le proposez, n’est pas la solution !

La surpopulation stresse l’ensemble de l’écosystème de la détention, particulièrement les agents au quotidien. Elle fait perdre son sens à la peine carcérale.

Si l’emprisonnement est une sanction légitime, car il écarte les individus dangereux, il doit également préparer la réinsertion des détenus dans la société, grâce notamment aux collectivités, aux associations et à France Travail.

Au lendemain d’une forte mobilisation des services pénitentiaires d’insertion et de probation, monsieur le garde des sceaux, les chantiers sont immenses. Je sais l’énergie que vous déployez pour faire construire de nouvelles prisons, mais n’oubliez pas la rénovation des structures existantes, dans lesquelles s’entassent nos concitoyens détenus.

Avez-vous un plan pluriannuel de rénovation ? Et que prévoyez-vous face au défi cardinal de la santé mentale et physique, compte tenu du manque de psychiatres et de soignants ? La réhabilitation ne doit pas devenir le parent pauvre de la détention. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Gérald Darmanin, ministre dÉtat, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, je connais votre implication sur les questions liées aux prisons et votre attachement aux agents pénitentiaires. Nous nous sommes d’ailleurs rencontrés à plusieurs reprises sur ce sujet, notamment à l’École nationale d’administration pénitentiaire, qui se trouve dans votre département, à Agen.

Aujourd’hui, notre administration pénitentiaire est attaquée par des voyous, par des narcotrafiquants, à la suite du travail collectif que nous avons effectué dans le cadre de la loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, que vous venez d’adopter, mesdames, messieurs les sénateurs. Cette loi extrêmement importante empêchera, je l’espère, de manière définitive, d’autres affaires Amra. Le 14 mai prochain, le Président de la République rendra d’ailleurs hommage aux deux agents pénitentiaires qui ont été lâchement assassinés au péage d’Incarville.

Le régime carcéral extrêmement sévère, inspiré du modèle italien, que nous avons mis en place fait réagir les narcotrafiquants, qui attaquent les domiciles des agents pénitentiaires et les prisons. Nous devons faire preuve de courage collectif et changer les choses.

Vous m’interrogez sur les constructions de prison. Sur les 15 000 places de prison annoncées en 2017, quelque 5 000 ont été construites, 5 000 sont en cours de réalisation et 5 000 restent à construire. J’ai annoncé, sous l’autorité du Premier ministre et du Président de la République, la construction deux fois moins chère et trois fois plus rapide de prisons modulaires, afin de réduire la surpopulation carcérale, qui nuit gravement au travail des agents pénitentiaires et, bien sûr, à la réinsertion des détenus. Je sais que votre département est candidat pour obtenir des lieux pénitentiaires supplémentaires.

Par ailleurs, nous procéderons à l’intégralité des rénovations pénitentiaires prévues. Les crédits votés à cet effet par le Parlement, à hauteur de plusieurs centaines de millions d’euros, sont préservés. Je remercie d’ailleurs le Premier ministre de son arbitrage dans un contexte budgétaire difficile.

Nous avons donc un plan et nous résoudrons les grandes difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Surtout, nous soutenons les agents pénitentiaires, qui accomplissent un travail formidable et qui, je le sais, ont également votre appui. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Michel Masset, pour la réplique.

M. Michel Masset. Monsieur le garde des sceaux, gardons en mémoire les propos de Robert Badinter : « Sauf à tourner le dos à l’idéal républicain, la conception de la prison doit être, bien sûr, la sanction, mais aussi l’amendement et la réinsertion. » (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

cacophonie au sein de l’exécutif

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, entre l’Élysée et Matignon, c’est à qui dégainera le premier ! Après avoir évoqué un budget d’austérité prévoyant 40 milliards d’euros de coupes, une contribution des retraités et un nouveau mode de scrutin législatif, vous brandissez à présent l’arme référendaire comme un joker politique à chaque blocage, comme un aveu d’impuissance de l’exécutif.

Alors que le Président de la République veut consulter sur l’organisation du temps scolaire – compétence gouvernementale – et que vous annoncez, monsieur le Premier ministre, des référendums sans avoir le pouvoir constitutionnel d’en convoquer, une question se pose : qui gouverne ? Et surtout, gouvernez-vous encore ensemble ?

O tempora, o mores ! Hier, on parlait de couac, aujourd’hui, on parle de polyphonie, mais il faut bien appeler les choses par leur nom : c’est de la cacophonie ! Pis, il s’agit d’une cacophonie politique érigée en méthode de gouvernement – un gouvernement d’autoentrepreneurs. (Sourires sur les travées du groupe SER.) Ce ballet institutionnel donne le sentiment d’un pouvoir à court d’idées, à court de majorités, à bout de souffle, déjà.

Pendant ce temps, les Français, eux, ne demandent pas de référendum sur le budget ou sur l’organisation territoriale du pays. Ils veulent savoir s’ils pourront finir le mois, se loger, se soigner, accéder à l’éducation pour leurs enfants, vivre en sécurité – se projeter, tout simplement.

Par deux fois, en responsabilité, nous n’avons pas censuré. Mais soyons clairs, monsieur le Premier ministre, vous n’êtes pas là pour durer ; vous êtes là pour agir, et cela contre l’anxiété sociale qui ronge notre pays.

Aussi, monsieur le Premier ministre, votre objectif est-il de tenir le plus longtemps possible à Matignon ou bien de répondre enfin aux véritables attentes des Français ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le président Patrick Kanner, je trouve votre question extrêmement éclairante sur un certain nombre de faiblesses françaises. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Rossignol. Nous aimerions que la réponse aussi soit éclairante !

M. François Bayrou, Premier ministre. Je vais y répondre très simplement : le constat que vous dressez – la photographie que vous présentez – est gravement fautif.

Quand vous dites que le Gouvernement a pour responsabilité de fournir des moyens à tous les acteurs de la société, vous oubliez de dire que, tous courants politiques confondus, nous avons créé la situation dans laquelle se trouve notre pays. Nous sommes tous responsables de l’état des finances du pays et de l’état du patrimoine du pays. (Protestations sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.) Et cela ne sert à rien d’agiter les bras dans tous les sens !

Notre pays a accumulé 3 300 milliards – soit 3 300 fois 1 000 millions ! – d’euros de dettes et s’achemine, si nous ne faisons rien,…

M. Rachid Temal. Mais vous ne faites rien !

M. François Bayrou, Premier ministre. … vers une charge annuelle de la dette de 100 milliards d’euros, soit l’équivalent du budget de l’éducation nationale additionné à celui de la défense nationale. Ceux qui laissent faire cela sont des irresponsables. (Protestations sur les mêmes travées.) Ceux qui, chaque fois qu’ils montent à la tribune, demandent des crédits nouveaux et de nouvelles dépenses de l’État, ceux-là trahissent l’intérêt du pays.

M. Rachid Temal. Et la réponse ?

M. François Bayrou, Premier ministre. Le Premier ministre et le Président de la République travaillent ensemble, monsieur Kanner, et je vais d’ailleurs vous en donner la preuve très simplement, même si je ne doute pas que vous connaissiez la Constitution par cœur.

L’article 11 de la Constitution prévoit que les référendums sont décidés par le Président de la République sur proposition du Gouvernement. Chacun est donc dans son rôle lorsqu’il évoque des consultations sur un sujet aussi crucial que le budget.

Mme Silvana Silvani. Ce n’est pas clair…

M. François Bayrou, Premier ministre. Que nous manque-t-il ? Je vais vous le dire en toute sincérité et, si vous me le permettez, en toute amitié : c’est que les Français, que l’opinion publique française, que l’opinion civique française prenne conscience de la gravité de la situation dans laquelle nous nous trouvons.

M. Olivier Paccaud. Elle n’est tout de même pas de leur faute !

Mme Dominique Estrosi Sassone. Ce n’est pas la faute des Français !

M. François Bayrou, Premier ministre. Si nous n’y parvenons pas, nous échouerons à coup sûr – non seulement ce gouvernement, mais aussi tous les gouvernements suivants.

C’est la raison pour laquelle nous avons l’intention et de tenir les engagements budgétaires et de préparer pour les années à venir le scénario d’un atterrissage, afin de permettre à la France de se débarrasser enfin de la charge excessive de la dette et de ne plus être le dernier pays de l’Union européenne en la matière. C’est une responsabilité du Gouvernement, et le Gouvernement l’assumera ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, vous êtes à Matignon depuis cinq mois, mais vous soutenez Emmanuel Macron depuis quatre-vingt-seize mois.

M. Patrick Kanner. Connaissant comme vous la Constitution, j’ai le regret de vous dire que l’on ne peut pas la tordre comme vous souhaitez le faire en prenant à témoin les Français.

L’article 47 de la Constitution prévoit que l’élaboration budgétaire relève exclusivement du Parlement en France. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Ce n’est pas par un référendum que vous pourrez évacuer votre propre responsabilité dans l’incurie budgétaire que nous connaissons depuis maintenant sept ans.

Je voulais simplement le dire : il ne faut pas brutaliser le Parlement dans ses compétences constitutionnelles. Ce référendum sur la situation des finances publiques est une ineptie ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K.)

situation sanitaire à la réunion

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Ma question s’adresse au ministre de la santé, M. Yannick Neuder.

Monsieur le ministre, La Réunion connaît actuellement une grave épidémie de chikungunya. Depuis le début de l’année 2025, plus de 100 000 personnes ont été infectées. Cependant, ni l’État ni les autorités sanitaires n’ont tiré de leçon de la dernière épidémie, il y a vingt ans. Les alertes que nous lançons depuis des mois ont été accueillies avec indifférence par le Gouvernement.

La gestion de cette épidémie par les autorités sanitaires laisse apparaître des failles à différents niveaux de responsabilité. Je rappelle que le chikungunya provoque des douleurs incapacitantes pendant plusieurs jours, lesquelles peuvent même revenir après des mois.

Le 20 avril dernier, un bébé d’un mois ayant contracté le virus est décédé. La transmission du virus de la mère à l’enfant entraîne des pathologies cardiaques ou neurologiques sévères chez la moitié des nourrissons. Les bébés atteints chez nous sont placés sous morphine. Les autorités sanitaires d’aujourd’hui portent la lourde responsabilité des séquelles, parfois irréversibles, qui se révéleront chez nos bébés actuellement victimes du virus.

Le vaccin a provoqué des formes graves chez trois personnes vaccinées, ce qui a conduit la Haute Autorité de santé à retirer les personnes âgées de plus de 65 ans du programme de vaccination. Comment se fait-il que la dangerosité de ce vaccin n’ait pas été mieux évaluée ?

Monsieur le ministre, les Réunionnais souffrent, mais ils ne sont pas des sujets d’expérimentation. Rien n’est fait pour lutter contre les ruptures de stocks de produits répulsifs ni pour contrôler leur prix. De nombreux Réunionnais subissent une perte de revenus liée aux jours de carence. Quand le Gouvernement suspendra-t-il les jours de carence, une mesure qu’il avait prise pendant la crise de la covid-19, pour ne pas pénaliser les malades et pour lutter contre la propagation du virus ?

Les moyens d’action efficaces, nous les connaissons : ce sont la prévention, l’information et la lutte systématique contre les gîtes larvaires. Qu’attend le Gouvernement pour les mettre en place ? Monsieur le ministre, quand allez-vous prendre au sérieux la santé des Réunionnais ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de laccès aux soins. Madame la sénatrice Corbière Naminzo, je ne sais pas si j’aurai assez de deux minutes pour répondre à toutes vos attaques démagogiques !

Je me suis rendu à deux reprises à La Réunion. Je vous ai d’ailleurs invitée à participer à l’ensemble des séquences de mon déplacement.

La lutte antivectorielle consiste à supprimer tous les gîtes larvaires. Pour ce faire, nous avons mobilisé l’armée, 150 militaires, 800 personnes en parcours emploi compétences et 200 agents de l’agence régionale de santé. Les répulsifs ont été intégrés au bouclier qualité prix (BQP). Des campagnes d’information mobilisant les maires, le département, la région, l’ensemble des présidents d’intercommunalités ont été mises en œuvre. Je me suis rendu à l’hôpital, au service de réanimation. J’ai rencontré la mère du bébé décédé.

Oui, nous avons été l’un des premiers pays au monde à proposer le vaccin contre le chikungunya. Si nous ne l’avions pas fait, vous nous l’auriez reproché !

Il faut agir avec mesure et avec précision, en pratiquant une médecine fondée sur des preuves. Toutes les études de sécurité ont été faites concernant ce vaccin. Et je ne peux pas vous laisser dire que nous utilisons la population de La Réunion comme cobaye !

En revanche, vous, vous utilisez la maladie de manière tout à fait démagogique. Or la situation difficile que connaît La Réunion, où l’on dénombre 175 000 cas de chikungunya, nous oblige tous.

La solidarité nationale avec les soignants, que je remercie de nouveau et dont je salue l’engagement, tout comme celui des élus, doit être exemplaire. Sachez que nous faisons notre maximum pour soulager la douleur des Réunionnais. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et Les Républicains.)

visite du président syrien