M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Loïc Hervé. Ma question s’adresse au ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, la France reçoit aujourd’hui le président syrien, Ahmad al-Charaa, pour sa première visite en Europe depuis sa prise du pouvoir en décembre dernier.

Chacun en a bien conscience, il ne s’agit pas de la visite de n’importe quel chef d’État. Ahmad al-Charaa est un ancien d’Al-Qaïda et de Daech. Néanmoins, depuis la chute de Bachar el-Assad et l’accession au pouvoir de sa coalition islamiste, il ne cesse de donner des gages de respectabilité à la communauté internationale.

Je ne remets pas en cause la nécessité de discuter avec le nouveau pouvoir à Damas, que ce soit dans le cadre des organisations internationales ou en rouvrant notre représentation diplomatique dans la capitale syrienne. En revanche, en recevant Ahmad al-Charaa en visite officielle en tant que chef d’État, la France a décidé de franchir un pas. C’est un énorme cadeau offert au nouveau régime syrien, que l’on l’institutionnalise et notabilise.

M. Pierre Ouzoulias. Exactement !

M. Loïc Hervé. Ma question se déploie dans deux directions.

Premièrement, quels éléments concrets sur le terrain ont convaincu la France, en amont de cette visite, de la bonne foi de ses interlocuteurs syriens ? À la mi-mars, notre collègue Nathalie Goulet vous demandait s’il fallait faire confiance à Ahmad al-Charaa, alors que des populations alaouites et chrétiennes étaient victimes d’exactions. Les choses ont-elles fondamentalement changé depuis lors, sachant que des ONG ont fait état d’infractions graves aux droits de l’homme et que des combats contre les Druzes ont eu lieu ?

Deuxièmement, en aval de cette visite, qu’attend-on précisément de ce régime ? Qu’en attendons-nous éventuellement aussi en termes économiques, par exemple dans le cadre de la reconstruction de la Syrie ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’Europe.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Monsieur le sénateur Loïc Hervé, je vous remercie de votre question. Sur ce sujet, je puis vous assurer que nous défendons nos intérêts et la sécurité des Français avec la plus grande lucidité.

Engager un dialogue, parler, faire de la diplomatie, c’est non pas donner un chèque en blanc, mais juger sur les actes et pouvoir dresser la liste de nos demandes et de nos exigences.

Il y a quelques mois déjà, lors de la visite à Damas de Jean-Noël Barrot, ministre des affaires étrangères, nous avons engagé un dialogue avec les autorités de transition en Syrie et formulé certaines demandes.

Nous leur avons ainsi demandé de lutter contre la dissémination des armes chimiques sur le terrain en Syrie. Cela a été partiellement fait. Nous leur avons demandé d’engager un dialogue avec nos alliés indéfectibles dans la lutte contre le terrorisme que sont les Kurdes. Cela a été fait. Enfin, nous avons demandé que leur gouvernement s’ouvre davantage aux forces politiques et sociales qui composent la Syrie, pour devenir plus représentatif. Là aussi, l’engagement pris a été tenu.

Aujourd’hui, si le Président de la République choisit d’inviter le président de l’Autorité de transition syrienne, Ahmed al-Charaa, c’est pour aller plus loin.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, il est essentiel que les responsables des massacres inacceptables qui ont été perpétrés sur la côte occidentale de la Syrie, notamment contre les communautés alaouites et druzes, soient identifiés et traduits devant la justice.

C’est aussi pour renforcer notre coopération contre Daech que ce dialogue est engagé. Depuis dix ans, la France est présente dans cette lutte, et c’est un enjeu vital pour notre sécurité. Car si la Syrie venait à s’effondrer, un tapis rouge serait déroulé, nous le savons, au retour de Daech.

Notre seule boussole, dans cette démarche, ce sont les intérêts de la France. C’est la responsabilité historique de la France que d’être présente en Syrie et d’avoir un dialogue avec les autorités syriennes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour la réplique.

M. Loïc Hervé. Monsieur le ministre, avec plusieurs de mes collègues sénateurs, je reviens tout juste d’un déplacement en Jordanie et au Liban. Les attentes à l’égard de la France y sont très importantes, et elles sont formulées très clairement, notamment en ce qui concerne la protection des minorités, c’est-à-dire – soyons clairs – des chrétiens, des alaouites, des druzes, des yézidis, etc.

C’est un élément fondamental, qui doit être appelé aujourd’hui au président syrien. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)

initiative choose france for science et moyens alloués à la recherche

M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Anne Souyris. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Perspectives en santé environnementale, Santé et pollution et Obstétrique et gynécologie : voilà trois revues universitaires reconnues qui subissent la politique de l’administration Trump.

En réponse à cette guerre contre les sciences, le Président de la République a lancé l’initiative Choose Europe for Science, pour accueillir des chercheurs américains dans les universités françaises et européennes. Franchement, c’est formidable ! La France, à en croire le Président de la République, va rendre une place centrale à la recherche et, surtout, ouvrir ses portes à celles et à ceux qui ne permettent rien de moins que la démocratie par la science et la circulation des idées, sans parler du combat contre l’obscurantisme et les fake news ou de l’innovation et du partage scientifique…

Mais il y a un « mais » – et même plusieurs. Tout d’abord, ce silence assourdissant sur les sciences sociales. Le Président de la République n’en a rien dit lors de son intervention. Seront-elles les grandes oubliées de cet accueil humaniste ? Ce sont pourtant elles qui, touchant aux plus fragiles, sont particulièrement mises en danger par M. Trump. Les chercheurs en sciences humaines et sociales qui travaillent sur les personnes racisées, les pollutions, le genre et l’histoire LGBT+ seront-ils accueillis ? Seront-ils même une priorité ?

Pouvons-nous être assurés que la liberté académique continuera d’être défendue face à toute chasse aux sorcières, que ce soit contre les prétendus tenants du wokisme, contre les désobéissants au genre originel ou contre celles et ceux qui se mobilisent pour que les Gazaouis survivent ?

Pouvons-nous être assurés que l’indépendance de la science continuera d’être garantie par le biais, par exemple, du maintien des agences scientifiques de l’État comme l’Office français de la biodiversité (OFB), l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et Santé publique France ?

Oui, la promesse est belle. Mais nous souhaitons aujourd’hui vous entendre sur ce point : est-ce un engagement ferme, sans grands oubliés et avec un plan d’investissement à la hauteur ? Comment faire, monsieur le ministre, avec seulement 100 millions d’euros ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Émilienne Poumirol et M. Mickaël Vallet applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Patrick Mignola, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice Anne Souyris, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence du ministre Philippe Baptiste, retenu à l’Assemblée nationale par l’examen de la proposition de loi relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur, qui a été adoptée par votre assemblée il y a quelques mois.

Vous avez raison, le programme Choose Europe for Science qui a été annoncé lundi dernier constitue une véritable chance pour la France et pour l’Europe, compte tenu de toutes les menaces qui pèsent sur les chercheurs sur le continent américain, en particulier aux États-Unis.

Ceux-ci auront demain la possibilité de venir travailler dans notre pays et de renforcer notre potentiel de connaissance et de recherche, ce qui nous permettra de bâtir un avenir économique et industriel et d’avancer sur le chemin de la reconstruction de la souveraineté économique et industrielle française et européenne.

L’Union européenne s’est engagée à mobiliser 500 millions d’euros entre 2025 et 2027. Et comme vous l’avez souligné, le Président de la République a confirmé l’ajout de 100 millions d’euros de la part de la France, afin de cofinancer l’accueil de ces chercheurs dans notre pays.

Depuis le lancement de la plateforme Choose France, les premiers résultats sont très encourageants : on compte déjà 40 000 connexions, et 770 comptes ont été créés.

Je puis vous assurer que la promesse formulée par la France est bien celle de la liberté académique, et qu’elle sera tenue. Il s’agit d’assurer aux chercheurs américains dont nous souhaitons favoriser l’accueil qu’ils pourront travailler dans des conditions de liberté totale.

Concernant le budget national, je tiens à rappeler l’effort considérable engagé grâce à la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur : 6 milliards d’euros ont d’ores et déjà été injectés dans les laboratoires, avec à la clé des augmentations salariales importantes, qui étaient nécessaires. Et d’ici à 2030, ce sont 19 milliards d’euros qui seront consacrés à la recherche.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre délégué.

M. Patrick Mignola, ministre délégué. Les 100 millions d’euros que vous évoquiez, madame la sénatrice, correspondent à l’augmentation de cette année, mais ce sont bien 19 milliards d’euros qui sont programmés d’ici à 2030. (M. François Patriat applaudit.)

référendum sur les finances publiques

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Monsieur le Premier ministre, comme tous les Français, j’ai découvert ce week-end votre idée consistant à consulter nos compatriotes par la voie du référendum sur – je cite la presse – « un plan d’ensemble avec un objectif clair : être moins dépendant de la dette dès cette année et, à l’horizon de quatre ans, revenir sous le seuil des 3 % de déficit public ».

Cette notion de plan d’ensemble me semble mériter d’être précisée, car son explication dans l’article en question est famélique. C’est le moment de le faire !

Par ailleurs, l’article 47 de notre Constitution prévoit que « le Parlement vote les projets de loi de finances ». C’est même l’une de ses prérogatives essentielles, à laquelle il est particulièrement attaché. Il me semble donc que votre proposition mérite d’être précisée. Pouvez-vous nous éclairer ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le sénateur Jean-François Husson, je veux tout d’abord souligner que vous n’avez jamais cessé, ces dernières années, d’exprimer votre préoccupation quant à l’équilibre des finances publiques en France.

Or cette situation, nous en conviendrons aisément, est profondément dégradée, et cela depuis plusieurs décennies. Ce qui est frappant, c’est que depuis le début du XXIe siècle, toutes les familles politiques présentes sur ces travées ont été peu ou prou associées au gouvernement. Et toutes les familles politiques présentes sur ces travées ont éludé la question, en considérant qu’il était plus facile de faire un budget avec des déficits que de prendre des décisions drastiques.

Ceux qui se succédaient à la tribune demandaient en général des dépenses, ou en tout cas la préservation absolue du budget consacré à tel département ministériel ou à tel sujet qui leur était cher. C’est bien la cause de la situation dans laquelle nous nous trouvons. (Murmures sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

Ma conviction est donc que c’est du côté des citoyens français que se trouve la clé du retour à l’équilibre que nous appelons de nos vœux.

M. Hussein Bourgi. N’importe quoi !

M. Yannick Jadot. Ce sont les vacances ! (Sourires sur les travées des groupes GEST et SER.)

M. François Bayrou, Premier ministre. Je le dis clairement : il ne s’agit pas de faire adopter le budget par référendum. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)

M. Hussein Bourgi. Merveilleux !

M. Bernard Jomier. Encore heureux !

M. François Bayrou, Premier ministre. Ce serait impossible dans nos institutions. Toutefois, il est tout à fait possible d’imaginer – nous n’en sommes pas encore là – un texte-cadre, qui permette aux Français de prendre la pleine mesure de la situation.

M. Hussein Bourgi. Ils la connaissent déjà ! Ils font leurs courses !

M. François Bayrou, Premier ministre. Non, ils ne la connaissent pas, car vous la leur dissimulez sans cesse ! (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.) Voilà des années, et même des décennies, que toutes vos prises de parole visent à expliquer que les gouvernements successifs sont méchants, parce qu’ils ne donnent pas assez d’argent aux causes qui vous intéressent. (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)

Je suis prêt, monsieur Husson, à envisager, avec vous et avec ceux de vos collègues qui le souhaiteront, quel genre de consultation nous pouvons mettre en place. La décision reviendrait au Président de la République : comme le précise l’article 11 de la Constitution pour un texte portant norme, la proposition est formulée par le Gouvernement, mais la décision est prise par le Président de la République.

En tout cas, je suis persuadé que, si nous ne sortons pas des sentiers battus, nous n’arriverons jamais à apporter une réponse à cette question. S’il n’y a pas une prise de conscience profonde de nos concitoyens, de leurs familles, de leurs associations et de leurs entreprises, s’ils ne sentent pas à quel point ils sont engagés dans ce drame, nous n’y arriverons pas.

La mécanique habituelle, en effet – nous l’avons encore vu lors de la discussion du budget que nous avons réussi in fine à faire adopter –, c’est de constamment baisser les prélèvements et de dépenser toujours plus, ce qui suscite des déficits.

Mme Laurence Rossignol. Nous sommes pour la justice fiscale !

M. François Bayrou, Premier ministre. Les déficits, nous pouvons en faire si nous n’avons pas de dette ; on reporte dans le temps et, ma foi, la situation peut se redresser. De la dette, nous pouvons en faire si nous n’avons pas de déficit, parce que le temps nous sert.

Toutefois, si nous avons une masse jamais atteinte à la fois de dette et de déficit, nous sommes dans une impasse dont nous ne pouvons pas nous sortir. Et il n’y a que la prise de conscience des citoyens français qui nous permettra de trouver un chemin. (Applaudissements sur des travées des groupes UC, RDPI et INDEP. – M. Bruno Sido applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.

M. Jean-François Husson. Monsieur le Premier ministre, vous dites qu’il faut sortir des sentiers battus. Mais, ici, nous sommes sortis de la tranchée il y a deux ans en proposant 7 milliards d’euros d’économies, ce que l’on n’avait encore jamais vu sous la Ve République de la part de l’opposition. Le gouvernement de l’époque, que vous souteniez, les a balayées d’un revers de la main.

M. Michel Savin. Tout à fait !

M. Jean-François Husson. Par ailleurs, vous affirmez que cette situation budgétaire est le résultat de plusieurs décennies. Certes ! Mais, en sept ans, la dette a augmenté de 1 000 milliards d’euros, soit le tiers du stock actuel, et ce sont bien les gouvernements qui étaient en place alors qui en sont responsables ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes SER, GEST et CRCE-K. – M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)

Ce qui irrite les Français par-dessus tout, c’est que certains refusent de le reconnaître…

Un sénateur du groupe Les Républicains. Bruno Le Maire !

M. Jean-François Husson. … et d’admettre leur part de responsabilité. (M. le Premier ministre désigne de la main la partie droite de lhémicycle.)

Non, monsieur le Premier ministre ! Je ne puis accepter pas que vous pointiez du doigt ainsi notre majorité, qui a été audacieuse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Jean-François Husson. Je continuerai à me montrer aussi loyal qu’exigeant. Mais, monsieur le Premier ministre, je vous demande de respecter le Parlement et, en particulier, de travailler en bonne intelligence avec la majorité sénatoriale. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Jean-Michel Arnaud et Franck Menonville applaudissent également.)

désindustrialisation et conséquences pour l’emploi

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Ma question s’adresse à M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Nous comptons près de 400 000 demandeurs d’emploi supplémentaires, le chômage des jeunes explose – il est en hausse de 44 % – et l’économie française a perdu 70 000 postes en un an. Pis, il existe des signes avant-coureurs d’une dégradation plus forte encore : de mauvais chiffres pour l’emploi intérimaire, des plans sociaux qui se multiplient et des enseignes de la distribution qui tombent une à une.

Pour faire en sorte que l’emploi ne connaisse pas des années noires, pour éviter que ne se multiplient les familles basculant dans la précarité et les jeunes perdant espoir, il faut arrêter net l’hémorragie et se donner les moyens de la réindustrialisation du pays.

Premièrement, ce n’est pas vous faire offense, monsieur le ministre, que de redouter que la hiérarchie affichée des priorités du Gouvernement ne soit en décalage avec les urgences pour les Français et le pays.

Au Parlement, plutôt que de disserter sur la proportionnelle, nous voudrions débattre d’une loi spéciale pour la réindustrialisation, qui supprimerait des boulets normatifs ne pesant que sur nos entreprises, notamment dans l’automobile. Nous souhaiterions que la proposition de loi du sénateur Daniel Gremillet soit adoptée, pour replacer l’énergie au rang de nos avantages compétitifs. Nous aimerions que la France se dote, de nouveau, d’une politique de l’emploi.

Deuxièmement, ce n’est pas vous faire offense non plus que de constater qu’il y a urgence à passer des paroles aux actes. Nous approuvons sans réserve les discours gouvernementaux sur l’effort massif pour notre défense. Puis, malheureusement, nous découvrons le constat réoccupant dressé par le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas) : les commandes passées à l’industrie en 2024 dans l’aéronautique militaire ont reculé de 33 %.

Troisièmement, et enfin, ce n’est pas vous faire offense que de constater que, face aux urgences, nous ne sommes pas dans le bon tempo, ni en France ni au niveau européen. Nous ne pouvons sérieusement attendre 2028 pour imposer des droits de douane aux petits colis de Shein ou Temu, ni 2026 pour fixer des frais de gestion douanière…

Nous ne pouvons pas davantage enquêter des années durant sur des pratiques commerciales orthogonales au droit de la consommation avant de sévir.

M. le président. Il faut poser votre question, ma chère collègue.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. L’urgence d’une vision avec de bonnes priorités, un changement radical de braquet et de tempo pour agir : voilà ce que nous attendons de vous. Nous serons là pour vous soutenir. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Éric Lombard, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Madame la sénatrice Carrère-Gée, je tiens à le dire devant vous : notre économie résiste bien dans un environnement difficile. Toutefois, je vous rejoins pleinement pour estimer que notre priorité est la réindustrialisation.

C’est pourquoi le Gouvernement, sous l’autorité du Premier ministre, a fait de l’amélioration de la compétitivité et de l’attractivité de la France une ambition fondamentale.

Lundi dernier, avec ma collègue chargée de l’intelligence artificielle et du numérique, j’étais aux Émirats arabes unis pour prolonger les engagements pris à la suite du Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle voulu par le Président de la République. Nous avons sécurisé 109 milliards d’euros d’investissements.

En ce qui concerne l’énergie, la proposition de loi portée par votre collègue Daniel Gremillet poursuivra son parcours législatif cet été, à l’Assemblée nationale comme au Sénat. Ce matin même, le nouveau président-directeur général d’EDF a été nommé en Conseil des ministres. Il aura pour mission de conclure des accords avec nos grands industriels électro-intensifs, afin de leur garantir un approvisionnement compétitif. Il portera également le projet ambitieux de construction de six nouveaux réacteurs pressurisés européens (EPR), qui participera de notre compétitivité énergétique.

S’agissant de la défense, l’évolution est tout aussi significative : en 2017, les engagements du ministère s’élevaient à 10 milliards d’euros. En 2025, les ordres passés par le ministère des armées atteindront 40 milliards d’euros. Ce quadruplement illustre notre détermination à assurer notre sécurité.

S’agissant des plateformes numériques, vous avez raison : nous devons aller plus vite.

Enfin, je veux dire un mot des secteurs de l’acier, de l’aluminium et de l’automobile. Aux côtés de mon collègue Marc Ferracci, et en lien avec l’Union européenne, je mène la bataille pour instaurer des mécanismes de protection au profit de ces industries d’avenir essentielles.

Nous sommes donc pleinement mobilisés, et nous allons continuer ce combat, car il est déterminant pour l’avenir de notre économie. (M. François Patriat applaudit.)

annonce par israël de nouvelles opérations militaires

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Fabien Gay applaudit également.)

Mme Corinne Narassiguin. Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, l’État d’Israël n’a plus qu’un seul objectif : raser Gaza et éradiquer tout un peuple. Ce qui se passe à Gaza depuis des mois est insoutenable. Il s’agit d’un massacre qui met à mal les fondements mêmes de notre humanité.

Avec l’annonce de son projet de conquête du territoire palestinien, avec une attaque de grande envergure et le déplacement de la plupart de la population de la bande de Gaza, le gouvernement israélien franchit une nouvelle étape dans sa volonté d’effacer purement et simplement la Palestine, avec un réel risque génocidaire.

Après l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023, nous avons toujours défendu le droit d’Israël à assurer sa sécurité.

M. Roger Karoutchi. Oh, très modérément !

Mme Corinne Narassiguin. Toutefois, le choix du gouvernement de Netanyahou de piétiner de manière délibérée et répétée le droit international met en danger sa propre population et sacrifie définitivement ses otages. Les milliers d’Israéliens qui manifestent chaque soir contre leur gouvernement le savent.

De plus, et surtout, les civils palestiniens n’ont pas à payer pour les crimes du Hamas. L’aide humanitaire à destination de la bande de Gaza est bloquée depuis deux mois, ce qui affame des hommes, des femmes et des enfants. Les Nations unies et les associations présentes sur place ne cessent de dénoncer le massacre d’innocents et les violations constantes du droit international.

Monsieur le ministre, nous ne pouvons pas rester silencieux face à ce massacre. Mais au-delà des mots et des incantations, quelles sont les actions de la France ? Quand allons-nous enfin reconnaître l’État palestinien ? (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Allez-vous demander une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU pour prendre des sanctions, imposer un cessez-le-feu et lever le blocus à Gaza ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K. – M. Philippe Grosvalet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’Europe.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Madame la sénatrice Narassiguin, vous le savez, depuis l’attaque barbare du 7 octobre, la France et sa diplomatie n’ont cessé d’œuvrer pour trouver la voie d’un cessez-le-feu permanent à Gaza, pour la libération inconditionnelle de tous les otages, pour la défense du droit international humanitaire et pour la relance d’un dialogue politique susceptible de mener à deux États : un État palestinien souverain, vivant côte à côte avec l’État d’Israël, en toute sécurité.

Nous l’avons dit, la rupture du cessez-le-feu intervenue à Gaza représente un retour en arrière dramatique pour toutes les populations de la région. C’est pourquoi nous travaillons, avec les médiateurs américains, égyptiens et qataris, à remettre les parties autour de la table de négociation et à assurer l’entrée de l’aide humanitaire, que vous avez évoquée.

Nous soutenons également l’initiative des pays arabes pour reconstruire la bande de Gaza, ainsi qu’une gouvernance qui, bien évidemment, ne pourra que se faire sans le Hamas, qui est un groupe terroriste.

Je veux le redire, comme l’ont rappelé le Premier ministre et le Président de la République, le plan présenté par le gouvernement israélien, visant à la conquête de Gaza et au déplacement des populations, constitue une impasse absolue, que ce soit pour la paix, pour la sécurité d’Israël ou pour la sûreté de toutes les populations de la région.

C’est pourquoi nous continuerons de travailler avec nos partenaires. Vous le savez, une conférence se tiendra au mois de juin prochain avec l’Arabie saoudite. Elle visera précisément à avancer vers la reconnaissance de l’État palestinien et à enclencher une dynamique de reconnaissance mutuelle : celle d’Israël par ses voisins et celle de l’État palestinien.

Vous pourrez compter sur la mobilisation de la France, qui est l’un des pays d’Europe, et même du monde, les plus engagés pour trouver les voies de la paix dans la région. (M. François Patriat applaudit.)