Mme la présidente. Nous allons maintenant examiner les amendements déposés par le Gouvernement.

Article 2

Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

À l’alinéa 9, substituer aux mots :

« trente et unième et trente-deuxième »,

les mots :

« trente-troisième et trente-quatrième ».

La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Si vous le voulez bien, je présenterai en même temps l’ensemble des amendements déposés par le Gouvernement, madame la présidente.

Certains de ces amendements sont purement rédactionnels – l’amendement n° 2 vise ainsi à corriger la conjugaison d’un verbe –, d’autres sont des amendements de coordination, notamment sur les outre-mer.

En tout état de cause, les dispositions que je vous propose d’introduire dans le texte ne changent en aucune manière l’accord trouvé en commission mixte paritaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Rietmann, rapporteur. J’émets un avis favorable sur l’ensemble de ces amendements.

Mme la présidente. Le vote est réservé.

Article 2 quater B

Mme la présidente. L’amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter l’alinéa 6 par les mots :

« et le mot : « assure » est remplacé par le mot : « assurent ».

Cet amendement a déjà été défendu, et la commission a émis un avis favorable.

Le vote est réservé.

L’amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

À l’alinéa 11, substituer au mot :

« quarantième »,

le mot :

« quarante-troisième ».

Cet amendement a déjà été défendu, et la commission a émis un avis favorable.

Le vote est réservé.

Article 2 sexies

Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter l’alinéa 7 par les mots :

« , en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »

Cet amendement a déjà été défendu, et la commission a émis un avis favorable.

Le vote est réservé.

Article 3 bis B

Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

À l’alinéa 24, supprimer les mots :

« sont complétés par les mots : « dernier alinéa du I », ».

Cet amendement a déjà été défendu, et la commission a émis un avis favorable.

Le vote est réservé.

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.

La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour le groupe Les Républicains.

M. Antoine Lefèvre. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi renforçant la lutte contre toutes les fraudes aux aides publiques, adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale, puis modifiée par la Haute Assemblée le 2 avril dernier, marque une étape décisive dans la protection de nos finances publiques et la préservation de la confiance dans l’action publique.

Je salue le travail du rapporteur, ainsi que celui de l’ensemble de nos collègues, qui ont permis à la commission mixte paritaire de parvenir à un accord, lequel reprend très largement les apports du Sénat, fruit des travaux respectifs des commissions des affaires économiques et des finances.

J’insisterai notamment sur le renforcement de la lutte à la source. Le Sénat a consolidé la possibilité, pour l’administration, de suspendre temporairement le versement d’une aide publique en cas de suspicion de fraude. Cette mesure vise à agir en amont, avant que les fonds ne soient définitivement détournés, et à responsabiliser l’ensemble des acteurs impliqués dans la distribution des aides.

Je soulignerai également la fluidification des échanges d’informations. Le texte élargit et systématise les échanges d’informations entre administrations en levant certains secrets professionnels. Désormais, Tracfin pourra transmettre des informations à l’Agence nationale de l’habitat (Anah) et à la mission interministérielle de coordination antifraude, notamment pour lutter contre la fraude à la rénovation énergétique dans le cadre du dispositif MaPrimeRénov’.

Une clause générale permettra à toutes les administrations concernées d’échanger librement des informations en cas de suspicion de fraude, tout en respectant la protection des données personnelles. Ces dispositifs donnent à l’administration les clés pour agir efficacement.

Je me félicite également que l’Agence nationale de l’habitat, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et l’Agence de services et de paiement (ASP) puissent accéder au fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba). Une telle disposition, qui prend acte des évolutions législatives récentes, contribuera à renforcer l’efficacité des contrôles.

Ce texte encadre par ailleurs le recours à la sous-traitance en cascade pour les travaux de rénovation ouvrant droit à des aides publiques, les objectifs étant de limiter les risques de fraude, en particulier dans le secteur de la rénovation énergétique, et de protéger les bénéficiaires finaux.

Le Sénat a du reste insisté sur la nécessité de responsabiliser tous les acteurs des dispositifs contribuant à la transition énergétique, notamment dans le cadre des certificats d’économies d’énergie (C2E), pour garantir l’exemplarité et l’efficacité de l’action publique.

Je rappellerai enfin que le présent texte intègre un ensemble de dispositifs prévus dans la proposition de loi pour un démarchage téléphonique consenti et une protection renforcée des consommateurs contre les abus, adoptée à l’unanimité par le Sénat. Ces dispositifs, qui ciblent particulièrement les secteurs à risque et instaurent l’obligation d’un consentement préalable, marquent un tournant majeur dans la régulation du démarchage commercial en France.

À compter du 11 août 2026, toute forme de démarchage téléphonique commercial sera interdite, sauf si la personne a explicitement donné son consentement préalable pour être contactée par ce moyen.

Cette règle s’applique à toutes les entreprises, sans exception, y compris pour les travaux de rénovation énergétique ou d’adaptation des logements au vieillissement ou au handicap. L’interdiction concerne non seulement les appels téléphoniques, mais aussi, pour certains secteurs sensibles – rénovation énergétique, adaptation du logement… –, le démarchage électronique par SMS, par courriel et sur les réseaux sociaux.

La commission mixte paritaire a donc conservé les apports du Sénat et retenu l’approche pragmatique et équilibrée préconisée par ce dernier. L’administration disposera désormais d’outils pour détecter et prévenir plus efficacement la fraude, tout en garantissant le respect des droits fondamentaux.

Fruit d’un accord en commission mixte paritaire, ce texte est désormais prêt à entrer en vigueur pour répondre à l’urgence d’une fraude qui menace la justice sociale et la soutenabilité de nos finances publiques. Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains du Sénat votera en faveur de celui-ci. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – MM. Marc Laménie et Henri Cabanel applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (MM. Henri Cabanel et Marc Laménie, ainsi que Mme Nathalie Goulet, applaudissent.)

M. Fabien Gay. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, si la lutte contre la fraude aux finances publiques est un combat transpartisan, nous divergeons sur ce que l’on entend par fraude. Comme je l’avais indiqué lors de la première lecture de ce texte, il ne faut pas tout mélanger en mettant sur le même plan les aides publiques et les prestations sociales contributives.

Si ce texte sectoriel marque un timide progrès, il esquive selon nous l’essentiel, à savoir l’offensive nécessaire contre les fraudes structurelles d’un capitalisme oligarchique : optimisation fiscale agressive, évitement social des multinationales, captation indue de fonds publics par des intérêts privés, etc.

L’affaiblissement programmé de la DGCCRF, qui a vu ses effectifs baisser de 25 % depuis 2007, illustre la schizophrénie d’un pouvoir qui durcit les lois tout en asphyxiant les services de contrôle. Comment croire à l’effectivité de cette règle, alors que l’administration chargée de la faire respecter fonctionne de manière contrainte, à effectifs réduits ?

Si nous saluons les avancées de ce texte, n’oublions pas que des réformes d’ampleur seront nécessaires si nous voulons nous attaquer aux fraudes structurelles. Il ne suffit pas, en effet, de criminaliser les petits fraudeurs tout en légalisant l’évitement fiscal via la multiplication des niches et en adoptant un comportement permissif face à l’optimisation. Ce « deux poids, deux mesures » révèle la doctrine de l’État : la rigueur pour les sans-voix, la clémence pour les puissants.

Par ailleurs, en ce qui concerne le volet relatif à la rénovation énergétique, cela fait des années que la fragilité des mécanismes d’aides est dénoncée, eu égard aux fraudes massives qu’ils ont suscitées.

L’interdiction du démarchage téléphonique est en revanche une très bonne disposition. Je salue à ce titre le travail du rapporteur Olivier Rietmann, qui, ne cédant pas d’un pouce, a résisté aux pressions exercées par certains collègues et par des lobbies.

Je salue également le renforcement de la responsabilité des donneurs d’ordre en cas de travaux de rénovation, l’encadrement de la sous-traitance et le renforcement de la transparence en matière de détention d’un label reconnu garant de l’environnement (RGE) ou apparenté. Toutefois, cela ne doit pas nous dispenser d’un débat sur ces dispositifs hybrides, mi-publics, mi-marchands, qui créent les conditions structurelles de la fraude.

MaPrimeRenov’ n’est pas un accident : ce dispositif est le résultat d’une politique qui abandonne les biens communs aux appétits privés.

En effet, en confiant la gestion de la rénovation énergétique aux acteurs économiques, la France a fait le choix d’en passer par des mécanismes de marché, permettant ainsi la prolifération d’intermédiaires marchands sans compétences techniques. Résultat, démarchage agressif, abus de confiance, promesses financières irréalistes, sous-traitance massive des chantiers de rénovation, contraintes irréalistes des commanditaires en termes de temps, de coûts et de choix de matériel, etc.

Quant aux certificats d’économies d’énergie, les C2E, qui sont présentés comme un outil de marché au service de la transition écologique, ils fonctionnent en réalité comme une taxe déguisée sur les ménages.

Concrètement, obligés par la loi de financer des travaux d’isolation, les fournisseurs d’énergie répercutent 85 % du coût sur les factures des consommateurs et des consommatrices. Résultat, alors que 6 milliards d’euros sont prélevés annuellement sur le pouvoir d’achat des ménages et des entreprises, seulement 18 % de ces sommes financent des rénovations globales efficaces.

Derrière le vernis technocratique se cache en réalité une privatisation rampante de la transition écologique. Ce mécanisme libéral transforme l’impératif climatique en une marchandise financiarisée. Chaque certificat acheté est en réalité une faveur accordée aux appétits privés, permettant aux multinationales d’externaliser leurs obligations environnementales sur la facture des ménages.

Cette gabegie organisée illustre la tendance à externaliser les politiques publiques vers des acteurs privés motivés par la seule rentabilité immédiate. TotalEnergies et Engie deviennent ainsi les caissiers d’une transition écologique low cost, transformant une obligation régalienne en occasion de greenwashing. La Cour des comptes pointe d’ailleurs ce hold-up institutionnalisé et envisage la suppression de ce dispositif.

En conclusion, nous voterons ce texte, qui constitue une modeste avancée, mais nous considérons que le chemin est encore long et que, à l’heure où le Gouvernement cherche à imposer un nouveau coup de rabot budgétaire de 40 milliards d’euros, il nous faut redoubler d’efforts en matière de fraude aux finances publiques. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et RDSE. – M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Fouassin, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE.)

M. Stéphane Fouassin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons aujourd’hui au terme du processus d’élaboration de ce texte important qui vise à renforcer la lutte contre la fraude aux aides publiques.

Je me réjouis que la version issue de la commission mixte paritaire soit fidèle à l’équilibre que nous avions trouvé au Sénat. Cela atteste une fois de plus du sérieux de notre chambre et de sa capacité à bâtir et à ajuster des textes solides, à la hauteur des enjeux.

Je tiens à remercier les rapporteurs et l’ensemble des collègues qui ont œuvré aux conclusions de cette commission mixte paritaire. En trouvant un accord, ils ont contribué à faire progresser les choses.

Loin d’un simple désordre technique, la fraude est une fracture morale. C’est une attaque directe contre la solidarité nationale, contre la confiance des citoyens, contre notre capacité collective à protéger les plus fragiles et à soutenir les transitions sociales nécessaires. Dans un contexte de tension budgétaire, où chaque euro compte, lutter contre la fraude, c’est faire preuve de justice, mais aussi de responsabilité.

Disons-le franchement : lorsque l’on demande des efforts aux Français, il est légitime qu’ils exigent en retour que l’État fasse respecter les règles.

Je tiens toutefois à rappeler que la mobilisation contre la fraude ne date pas d’hier. En 2023, un plan de lutte contre les fraudes prévoyait le renforcement des moyens consacrés à celle-ci d’ici à 2027. Les premiers résultats montrent l’efficacité de ce plan.

Cette même année 2023, les mises en recouvrement de fraudes fiscales ont atteint un record historique de 15,2 milliards d’euros, le nombre de contrôles fiscaux sur les particuliers aux plus hauts revenus a augmenté de 25 % et le montant des redressements liés à la fraude sociale a crû de 50 %, l’Urssaf ayant redressé 1,2 milliard d’euros en 2023, contre 800 millions d’euros en 2022.

Enfin, avec près de 400 millions d’euros détectés par les caisses d’allocations familiales, 200 millions d’euros détectés par l’assurance vieillesse et 450 millions d’euros détectés par l’assurance maladie, les fraudes aux prestations sociales ont, elles aussi, atteint des montants records en 2023.

Mme Nathalie Goulet. Quand on cherche, on trouve ! (Sourires.)

M. Stéphane Fouassin. Grâce aux travaux menés par nos deux assemblées, les conclusions de la commission mixte paritaire s’inscrivent pleinement dans la continuité des efforts déjà entrepris.

En dotant notre administration de moyens d’action plus efficaces, ce texte permet toutefois une avancée décisive. Il renforce notre capacité à détecter les fraudes en amont et à intervenir plus rapidement, plus fermement, mais aussi de manière plus juste. Il alourdit les sanctions à l’encontre des entreprises fraudeuses. Il encadre strictement le recours à la sous-traitance lorsque celle-ci nuit à la traçabilité des fonds publics. Surtout, il interdit sous condition des pratiques devenues intolérables pour nos concitoyens, telles que le démarchage téléphonique.

En clair, ce texte nous dote de nouveaux outils. Il clarifie les règles et il affirme un principe simple : l’argent public doit être protégé avec rigueur, utilisé avec responsabilité et contrôlé avec exigence.

Mieux lutter contre la fraude aux aides publiques, c’est protéger la légitimité de l’action publique, car, à chaque fraude révélée, ce sont des dispositifs entiers qui sont fragilisés et, avec eux, tout le tissu économique et social de notre pays, mes chers collègues. Le groupe RDPI espère donc que, comme en première lecture, ce texte sera adopté à l’unanimité.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Henri Cabanel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui s’en tire avec les honneurs du jury, ce qui n’était pas acquis.

Souvenons-nous : avec ses quatre articles, la version initiale de la proposition de loi du député Thomas Cazenave était loin d’être à la hauteur de son intitulé ; nous étions du reste nombreux à douter de sa portée réelle. Le Parlement, en particulier le Sénat, a œuvré à empêcher que ce texte ne soit qu’un énième coup de com’ politique. L’enjeu était trop important.

Un enjeu budgétaire tout d’abord, car, grâce à ce texte, l’État pourrait récupérer jusqu’à 1,6 milliard d’euros par an de recettes supplémentaires.

Un enjeu économique ensuite, car l’argent public volé est autant d’argent public en moins pour investir dans notre croissance et nos services publics.

Un enjeu sociétal enfin, car la fraude est un coup de canif porté à notre pacte fiscal et démocratique, entretenant un sentiment d’injustice fiscale chez nombre de nos concitoyens.

Par ce texte, nous apportons une réponse sur trois volets.

Premièrement, nous octroyons davantage de moyens légaux à nos administrations pour mieux prévenir et détecter les fraudes aux aides publiques, à la rénovation et aux aides sociales.

Deuxièmement, nous renforçons la sévérité des sanctions à l’égard des fraudeurs.

Troisièmement, nous portons un coup décisif au harcèlement téléphonique qui exaspère aujourd’hui neuf Français sur dix.

Avec la rédaction que nous nous apprêtons à adopter, dans laquelle près de 80 % des mesures introduites par notre assemblée sur l’initiative de notre collègue Pierre-Jean Verzelen ont été conservées – notre rapporteur Olivier Rietmann, dont je salue le travail, l’a rappelé –, nous faisons un choix clair : punir plus sévèrement les voleurs et combattre plus activement la fraude organisée. Surtout, nous faisons le choix de soutenir le savoir-faire et le travail de nos artisans du bâtiment et de la rénovation, dont l’image est abîmée par les arnaques en tout genre.

Mes chers collègues, l’adoption de ce texte envoie aux Françaises et aux Français un message clair quant à notre volonté de nous attaquer plus fortement aux fraudes. Le groupe RDSE le votera donc à l’unanimité.

Il constitue toutefois non pas la réponse ultime, ainsi que son intitulé le laissait entendre, mais seulement un premier pas. Le chemin est encore long. Ce texte ne s’attaque en effet qu’à une partie des montants fraudés – entre 1 % et 5 % –, la somme totale de ces derniers étant estimée par la Cour des comptes entre 30 et 100 milliards d’euros par an.

Face à l’urgence budgétaire qui doit nous conduire à consentir plus de 100 milliards d’économies d’ici à 2029, notre mobilisation ne doit pas fléchir. Ces dernières années, le Parlement a beaucoup légiféré pour améliorer l’efficacité de l’action des administrations. Il est toutefois clair que, sans moyens adéquats, nulle action ne peut être efficace, madame la ministre.

Or les signaux sont aujourd’hui inquiétants. La direction générale des finances publiques (DGFiP) compte par exemple bien moins d’agents qu’auparavant. En dix ans, le nombre d’agents chargés du contrôle fiscal a diminué de 2 400. En supprimant plus de 500 équivalents temps plein (ETP), la loi de finances pour 2025 confirme cette dynamique.

Tracfin a pour sa part perdu un cinquième de son budget par rapport à 2024, alors que son activité ne cesse de s’intensifier.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Non, Tracfin a un million d’euros en plus !

M. Henri Cabanel. Le recours à la technologie et à l’intelligence artificielle ne suffira pas, à lui seul, à renforcer notre force de frappe contre la fraude. En 2022, alors que plus de la moitié des contrôles ont été déclenchés grâce à l’usage de ces techniques, les sommes recouvrées par ce biais ne se sont élevées qu’à 14 % du montant total. Ce n’est pas assez.

Pour lutter efficacement contre la fraude, le groupe RDSE estime qu’il faut clarifier les principes et les moyens mobilisés par les administrations fiscale et sociale en matière de fraude. À l’occasion de l’adoption de la présente proposition de loi, il vous appelle donc, madame la ministre, à prouver que les moyens engagés sont cohérents avec les objectifs affichés par votre ministère pour 2029. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste.

Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ayant passé la journée avec les Frères musulmans, il me faut effectuer un véritable reset pour aborder maintenant la fraude aux aides publiques ! (Sourires.)

La fraude aux finances publiques n’est pas une fraude sans victime. C’est un crime social, économique et démocratique. Mon groupe votera donc bien évidemment le texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Alors que nous attendons le grand soir de la lutte contre la fraude, il s’agit toutefois d’un texte modeste, madame la ministre.

Certes, la suspension de l’octroi et du versement des aides publiques en cas de suspicion de fraude ou de rejet d’une demande d’aide est une bonne chose. Mais notre demande de renforcement des pouvoirs des greffes a, elle, été déclarée irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution. Il faudra revenir sur ce sujet, ainsi que sur celui des entreprises éphémères.

Lors des travaux de la commission d’enquête sur la lutte contre la délinquance financière et la criminalité organisée que j’ai l’honneur de rapporter et devant laquelle vous serez auditionnée dans quelques instants, madame la ministre, nous avons appris avec effarement que les entreprises n’avaient pas à déclarer les comptes bancaires qu’elles détiennent à l’étranger – les auditions étant publiques, je ne dévoile là aucun secret d’alcôve !

Autrement dit, les dispositions qui s’appliquent aux personnes physiques ne s’appliquent pas aux entreprises, ce qui rend la fraude d’autant plus facile. C’est une aberration ! Il n’y a donc nul besoin d’aller chercher très loin des éléments tangibles d’amélioration : faire obligation aux entreprises de déclarer leurs comptes à l’étranger faciliterait grandement les contrôles, et ce serait le minimum minimorum ! Nous préconiserons bien évidemment l’instauration de cette obligation dans notre rapport.

Les extensions des autorisations d’échange d’informations entre les administrations sont également une bonne chose – nous avons entendu la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) à plusieurs reprises sur ce sujet.

Je tiens toutefois à revenir sur les 6 milliards d’euros d’erreurs de versement de la CAF, sur lesquels mon collègue Guislain Cambier vous a posé une question d’actualité, madame la ministre.

Quelle entreprise privée, dans n’importe quel pays, accepterait-elle qu’un dirigeant commette trois années d’affilée des erreurs dont le montant total varie de 3 à 6 milliards d’euros ? De telles erreurs sont d’autant plus inacceptables qu’elles sont itératives, qu’elles soient dues au non-recours ou à des fraudes. Car, chaque année, c’est la même musique : le rapport de la Cour des comptes révèle le montant de ces erreurs dans l’indifférence générale, car cela n’intéresse personne.

En matière de lutte contre la fraude aux travaux énergétiques, le texte comporte des avancées certaines. J’estime que le problème sera donc réglé.

Dans le temps qu’il me reste, madame la ministre, je souhaite vous proposer un plan d’action avant le projet de loi de finances, qui sera notre grand rendez-vous – du moins pour ceux d’entre nous qui seront encore là. (Sourires.)

J’estime en effet que nous ne pourrons faire l’économie ni d’une amélioration de l’orange budgétaire relatif à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales ni des préconisations, peut-être différentes, qui émaneront, d’une part, de la commission d’enquête créée à la demande du groupe Union Centriste que j’évoquais à l’instant et, d’autre part, de la commission d’enquête sur l’utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants qui a été créée sur l’initiative du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Si ces préconisations donnent lieu au dépôt de propositions de loi avant l’examen du prochain projet de loi de finances, il faudra que nous les examinions rapidement, madame la ministre. Notre situation budgétaire nous interdit en effet toute paralysie : il nous faut travailler ensemble, dès maintenant, à l’amélioration des dispositifs de lutte contre la fraude.

Madame la ministre, je vous demande également de veiller à une application tout à fait rigoureuse des dispositifs de lutte contre la fraude à l’arbitrage des dividendes. Au regard des dispositions que nous avons votées, le texte paru au Bulletin officiel des finances publiques (Bofip) paraît en effet quelque peu réducteur. J’espère qu’il ne s’agit que d’une impression et que, en réalité, ce texte est parfaitement conforme à l’intention du législateur.

En conclusion, un petit texte contre la fraude valant mieux qu’aucun texte du tout, le groupe Union Centriste votera sans enthousiasme cette modeste proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDSE et CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à M. Grégory Blanc, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

M. Grégory Blanc. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il me paraît bon de rappeler une nouvelle fois que, au vu du contenu de ce texte, son titre, à savoir « proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques », est manifestement trompeur, ce qui est fâcheux.

En effet, il n’y a rien sur la fraude fiscale des grandes entreprises, le montant de celle-ci étant pourtant estimé à 80, voire à 100 milliards d’euros ; rien sur la fraude à la TVA, dont le montant est évalué à au moins 10 milliards d’euros, ni sur les abus dont certaines niches font l’objet, ce que vous avez vous-même souligné à plusieurs reprises, madame la ministre ; rien sur les montages agressifs, les abus, ni sur les entreprises éphémères que Nathalie Goulet évoquait à l’instant ; rien non plus sur les pratiques douteuses de certaines multinationales.

C’est donc une proposition de loi non pas contre toutes les fraudes, mais contre quelques-unes d’entre elles seulement qui nous est soumise.

Agir sur quelques-unes des fraudes constitue bien évidemment un petit pas utile. Je regrette toutefois ce décalage entre l’affichage et le contenu qui, selon nous, nuit à la crédibilité de la démarche.

Mon explication de vote reposera sur trois constats. À l’issue de son examen par le Sénat en séance publique, nous avions voté contre ce texte, car, en dépit d’évolutions positives, trois lignes rouges avaient été franchies : l’élargissement des rangs de sous-traitance, l’accès de l’inspection générale de l’administration (IGA) à des données personnelles couvertes par le secret et l’habilitation du préfet à suspendre ou à refuser des droits de manière discrétionnaire. Je reviendrai rapidement sur chacun de ces points.

Premièrement, en actant le passage de deux à trois rangs de sous-traitance et en effaçant tout lien clair de responsabilité entre l’entreprise qui réalise le devis des travaux et celle qui émet la facture, le Sénat avait vidé de sa substance le contenu initial de la proposition de loi. Les fédérations du bâtiment, ne s’y trompant pas, étaient d’ailleurs fortement montées au créneau. La commission mixte paritaire a réaffirmé l’impossibilité de dépasser deux rangs de sous-traitance, corrigeant les excès du texte issu du Sénat.

Elle a aussi amélioré certaines mesures relatives à la lutte contre le démarchage téléphonique. Ces corrections, qui correspondent aux dispositions que nous défendions au Sénat, constituent pour nous une bonne nouvelle.

Deuxièmement, la transmission à l’inspection générale de l’administration de renseignements, d’informations ou de données personnelles couverts par des secrets légalement protégés nous paraît exorbitante au regard de la protection des droits. Ce point nous pose problème.

Troisièmement, et ce sujet est bien plus gênant, notre groupe ne peut accepter les moyens que le texte accorde au préfet. Soyons très clairs : toutes les fraudes, y compris les fraudes sociales, doivent être combattues. Toutefois, l’article 2 habilite le préfet à suspendre ou à refuser des droits sur la base d’une simple suspicion de fraude, sans décision judiciaire préalable ni garde-fou.

À nos yeux, il y a là une dérive dangereuse. Ce contournement du droit fait peser le risque d’illégalité sur des personnes pourtant en règle. Voilà qui ouvre la porte à l’arbitraire, au soupçon généralisé, à la stigmatisation.

Notre État de droit est un bien extrêmement précieux que certains veulent aujourd’hui mettre à bas. Nous ne pouvons tolérer que des décisions aussi lourdes soient prises sans preuve tangible, ni débat contradictoire, ni avis du juge.

Cette mesure revient à ouvrir la voie à ce que, sous l’effet de possibles excès de zèle, des préfets utilisent le levier de la fraude sociale à des fins de politique migratoire.

Agir contre la fraude sociale, oui ; mettre en œuvre des politiques migratoires, pourquoi pas, même si celles qui sont actuellement conduites n’emportent évidemment pas notre assentiment.

Nous considérons que les politiques sociales sont faites pour que chacun, même en situation difficile, demeure dans la dignité. Si des politiques migratoires faites de coups de menton prennent le pas sur les politiques sociales, il y a une inversion de l’ordre des choses. À nos yeux, il faut un équilibre : nous sommes favorables à la lutte contre la fraude, mais la proposition de loi, dans sa version finale, ne préserve aucun garde-fou, ce que nous ne pouvons cautionner.

En conséquence, notre groupe s’abstiendra lors du vote des conclusions de la commission mixte paritaire.