M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek, pour la réunion administrative des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.
M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, depuis le cyclone Chido, nos compatriotes l’ont bien souvent entendu : Mayotte, c’est la France. Pourtant, cinq mois après la catastrophe, les regards comme les caméras se sont détournés, et la sollicitude du pays a laissé place à la solitude des Mahorais.
Le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte, disons-le d’emblée, traduit des intentions louables, mais il ne suffira sûrement pas à répondre aux attentes des Mahorais. Ce texte pourra rassurer à Paris, mais le fera-t-il pour les habitants de l’archipel ? Pour beaucoup, tout cela ressemble aux autres promesses qui se sont perdues entre les couloirs ministériels et la réalité du terrain…
Oui, nous saluons certaines avancées, telles que le durcissement des conditions de séjour, la rétention des mineurs délinquants dans des structures adaptées et la lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité. Oui, la centralisation des actes d’état civil à Mamoudzou et le contrôle des transferts d’argent sont des signaux positifs.
Mais comment croire que l’on peut refonder Mayotte sans s’attaquer à la racine du mal ? Le texte ne comprend rien sur la suppression du droit du sol, alors même que, en 2022, trois enfants sur quatre y naissaient de mères étrangères. Rien non plus sur la priorité nationale dans l’accès aux soins, à l’école, à l’emploi, dans un territoire où les Mahorais, Français à part entière, sont désormais minoritaires chez eux.
Ainsi, ce texte se borne à limiter timidement une submersion migratoire qu’il se garde bien de nommer. Il contourne le sujet et le masque derrière des dispositifs techniques, comme si l’urgence à Mayotte n’était qu’une question de procédure ou de gestion administrative.
Qu’attendons-nous ? Pourquoi n’y a-t-il toujours aucune frégate stationnée en permanence au large de Mayotte ? Pourquoi aucune base militaire dotée de radars ne contrôle-t-elle le canal du Mozambique ?
Quant à l’absence persistante de cadastre, comment peut-on prétendre aménager un territoire quand l’État ne sait pas à qui appartiennent les parcelles de terrains ? Aujourd’hui, à Mayotte, on bâtit sans droit ni titre, on s’approprie des terrains dans la plus totale opacité et l’État recule, faute de savoir où il peut agir. Tant que cette situation perdure, aucune politique d’aménagement ou de refondation n’est possible.
Les Mahorais, eux, souffrent. Ils veulent la République, dans toute sa force. Ils veulent de la justice. Ils veulent de l’ordre. Ils veulent une présence visible et concrète de la France.
Alors, oui, ce texte est un pas, mais un pas timide, technocratique, qui n’est pas à la mesure de l’urgence. Nous aurions voulu que le projet de loi aille plus loin, qu’y soient nommées les choses avec plus de clarté et qu’il permette d’agir avec plus de fermeté.
Toutefois, dans la situation dramatique que traverse Mayotte, ne rien faire serait, bien évidemment, pire. Aussi saluons-nous la volonté de donner enfin à l’île les infrastructures stratégiques qu’elle demande depuis des années, particulièrement la nouvelle piste pour l’aéroport qui dessert l’archipel.
Bien des sujets devraient encore être traités, tels que l’autonomie alimentaire, le développement économique local et la protection des productions agricoles locales, pour faire de ce texte le nouveau départ dont Mayotte a besoin. Mais nous refusons l’immobilisme.
Nous voterons donc ce texte, non pas par adhésion pleine et entière, mais parce qu’il faut bien commencer quelque part et parce que l’inaction serait une insulte de plus faite à ces Français qui, eux, n’ont jamais cessé de croire en la France.
projet de loi de programmation pour la refondation de mayotte
M. le président. Il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte dans le texte de la commission, modifié.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 292 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 243 |
Pour l’adoption | 226 |
Contre | 17 |
Le Sénat a adopté.
projet de loi organique relatif au département-région de mayotte
M. le président. Il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi organique relatif au département-région de Mayotte dans le texte de la commission, modifié.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 293 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 274 |
Pour l’adoption | 258 |
Contre | 16 |
Le Sénat a adopté.
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tenais à remercier l’ensemble des membres du Sénat des débats que nous avons eus et, plus particulièrement, des votes qui viennent d’avoir lieu.
J’ai toujours dit que notre action se ferait en trois temps.
Premièrement, nous nous sommes consacrés à la gestion de la crise. Sans aller jusqu’à dire que celle-ci est terminée, par conséquent les urgences vitales, nous avons beaucoup avancé, même s’il reste bien des défis à surmonter.
Deuxièmement, nous avons enclenché la reconstruction avec la mission Facon et, bien sûr, la loi du 24 février 2025 d’urgence pour Mayotte, que vous-mêmes avez votée, mesdames, messieurs les sénateurs.
Troisièmement, nous nous attelons à la refondation, qui trouve aujourd’hui un point de départ. Je ne dirai jamais que tout va bien à Mayotte, mais nous jetons les bases d’une refondation et d’une reconstruction que nous devons notamment à votre travail.
Je veux remercier les rapporteurs de leur engagement : Olivier Bitz et Agnès Canayer pour la commission des lois, Micheline Jacques pour la commission des affaires économiques, Christine Bonfanti-Dossat pour la commission des affaires sociales et Stéphane Fouassin et Georges Patient pour la commission des finances, ainsi que, bien évidemment, les présidents des différentes commissions, impliqués, comme beaucoup d’autres sénateurs.
Ainsi, les travaux des commissions ont permis de compléter et de préciser le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte. Je pense à l’amélioration de l’article 10, pour mieux lutter contre les bidonvilles, ou encore à l’article 1er bis, avec le renforcement des pouvoirs du préfet pendant la reconstruction.
En séance, plusieurs amendements ont été adoptés, y compris sur l’initiative de sénateurs d’opposition, comme Saïd Omar Oili ou Mélanie Vogel, pour préciser la stratégie présentée dans le rapport annexé. Nous avons aussi renforcé les mesures de lutte contre l’immigration, grâce aux rapporteurs et à la sénatrice Marie-Do Aeschlimann.
Madame la sénatrice de Mayotte, chère Salama Ramia, je voulais également vous remercier de votre implication et des travaux que vous avez menés. Au-delà de nos désaccords, votre engagement a été utile. Il faut être constructif, sans être dans la démagogie, et regarder la réalité en face. En particulier, sur l’initiative du Gouvernement, nous avons précisé et complété le travail de programmation financière, atteignant presque 4 milliards d’euros pour Mayotte. Je sais que, sur place, cela fait des années, voire des décennies, que l’on attend de tels montants.
Des décisions sont prises. Elles provoquent forcément des débats, comme sur l’avenir de l’aéroport. Mais jamais – jamais ! – un gouvernement ne s’était engagé sur de telles sommes. Cela correspond aux engagements qui sont attendus. Évidemment, maintenant, il convient de les matérialiser, de sorte que nous puissions en voir concrètement les répercussions sur Mayotte.
Ceux qui ont voté pour le texte, ceux qui l’ont enrichi recevront à un moment ou un autre, me semble-t-il, la reconnaissance des Mahorais, à qui nous devons tant, car nous connaissons leur engagement pour la France.
Maintenant, c’est à l’Assemblée nationale de poursuivre ce travail. Monsieur le président du Sénat, mesdames, messieurs les sénateurs, grâce à vous, nous avons accompli un pas très important, et même décisif, pour la reconstruction de Mayotte. Je tenais, très sincèrement, à vous en remercier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures dix.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures dix, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.)
PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
3
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Lise Housseau.
Mme Marie-Lise Housseau. Madame la présidente, lors du scrutin n° 292 sur l’ensemble du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte, ma collègue Catherine Morin-Desailly aurait souhaité voter pour.
Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin.
4
Comment nos politiques publiques peuvent-elles contribuer à relever les défis auxquels sont confrontées les zones rurales de notre pays ?
Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, à la demande du groupe Les Républicains, sur le thème : « Comment nos politiques publiques peuvent-elles contribuer à relever les défis auxquels sont confrontées les zones rurales de notre pays ? »
La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour le groupe Les Républicains (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Denise Saint-Pé applaudit également.)
M. Jean-Marc Boyer, pour le groupe Les Républicains. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie le groupe Les Républicains et son président de l’inscription à l’ordre du jour de ce débat sur les zones rurales.
Les défis de la ruralité sont toujours aussi nombreux. Ils s’accroissent, même. Et les politiques publiques mises en place par l’État semblent encore insuffisantes pour faire face aux enjeux et résoudre les problèmes des zones rurales.
Aussi, il y a huit ans, lorsque je suis devenu sénateur du Puy-de-Dôme, zone rurale par excellence, j’ai déposé, avec mes collègues Philippe Bas et Jacques Genest, sénateur de l’Ardèche, une proposition de loi visant à reconnaître la ruralité comme grande cause nationale de 2019.
Depuis lors, la cause de la ruralité reste certaine, mais sa considération nationale incertaine. En effet, les zones rurales font face à de nombreux défis qui perdurent et sont parfois source d’enlisement. En d’autres termes, elles sont confrontées aux enjeux de leurs spécificités et ont donc besoin d’un traitement particulier.
Or les lois qui s’appliquent de manière uniforme sur l’ensemble du territoire sont généralement préjudiciables aux zones rurales. En effet, si la République est une, les territoires de la France sont multiples, avec des contraintes, des difficultés ou, au contraire, des avantages qu’il faudrait valoriser.
La loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux, dite loi zéro artificialisation nette, ou loi ZAN, en est un exemple récent : l’on ne peut pas imposer à la campagne ce qui est nécessaire à la ville. L’on ne peut condamner nos territoires ruraux à ne plus se développer, à rester des cartes postales de la diagonale du vide, au prétexte que les zones urbaines sont trop urbanisées. Ils sont aussi des territoires habités, avec des problématiques différentes de celles des villes, et nos politiques publiques doivent en tenir compte.
C’est le sens du travail que j’ai mené, avec ma collègue Amel Gacquerre, sur la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux, dite proposition de loi Trace, présentée par nos collègues Jean-Baptiste Blanc et Guislain Cambier. Nous demandons aujourd’hui au Premier ministre la poursuite de la discussion de ce texte à l’Assemblée nationale, sans quoi, une fois de plus, nos maires ruraux devront continuer à gérer des contraintes imposées au nom des politiques publiques de l’État.
Tenir compte des spécificités, c’est aussi définir une politique publique qui accorde de l’importance à tous les territoires.
Les zones rurales sont aussi confrontées au défi de l’éducation. La politique éducative est un exemple prégnant de ce qui leur est préjudiciable. En effet, elle demeure trop centrée autour de deux éléments : l’échec scolaire et la situation socio-économique des parents.
Aussi la donnée territoriale et les besoins des territoires, dépendants de la géographie, ne sont-ils que trop peu pris en compte, voire méconnus. Ce n’est le cas que dans les réseaux d’éducation prioritaire (REP), ce qui crée de fait une dichotomie entre l’éducation au sein et à l’extérieur de ces réseaux.
Il faudrait une approche prenant en compte les établissements qui sont hors REP, mais qui connaissent de réelles difficultés, dont celles des zones rurales. Il convient aussi de sortir de la logique comptable qui aboutit à des fermetures de classes que les ruraux ne récupéreront jamais.
Tenir compte des spécificités, c’est encore considérer les moyens de développement et les capacités d’innovation propres à nos communes rurales et soutenir ces dernières.
Je pense notamment à l’apport de la médecine thermale à la santé humaine, dont nos territoires ruraux sont généralement le lieu d’exercice. L’activité thermale est une source essentielle du développement économique, humain et sanitaire des zones rurales où elle s’exerce. La mettre à mal soumettrait des territoires ruraux à une fracture territoriale supplémentaire.
Les zones rurales sont aussi face au défi de l’accessibilité, problématique essentielle pour la survie de ces territoires. Ainsi, ces derniers sont trop nombreux à y être confrontés. Sans vouloir tomber dans le chauvinisme, le Puy-de-Dôme est un exemple de cette accessibilité de plus en plus dégradée, d’autant plus à une époque où l’on promeut les transports en commun pour protéger notre planète.
Or comment laisser sa voiture au garage si les dysfonctionnements du train s’accumulent, alors que les solutions à ces derniers sont défaillantes, à l’image des « wagons-secours » qui ne fonctionnent pas eux-mêmes !
La politique publique à mettre en œuvre serait, tout d’abord, d’appliquer toute la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (LOM) et de consacrer les moyens financiers nécessaires à sa mise en œuvre. Sans cela, nous, les ruraux, nous sommes condamnés à rester de vilains pollueurs qui ne prennent pas les transports. Nous sommes condamnés à l’enclavement. Nous sommes condamnés à ne pas nous développer économiquement.
Nos entreprises nous rappellent ces défis, à l’exemple du président de Michelin, Florent Menegaux, lequel a déclaré : « Clermont-Ferrand, c’est le tiers-monde en matière de transport ferroviaire », tout en déplorant la « médiocrité » de la desserte aérienne.
De plus, les zones à faibles émissions (ZFE) marginalisent encore plus nos ruraux dans leur accessibilité aux zones urbaines et accentuent leur enclavement. Outre l’éducation de la jeunesse, les zones rurales sont aussi confrontées au défi du vieillissement, accompagné d’une désertification médicale qui persiste. Cette problématique va au-delà de la ruralité, mais prend une acuité forte chez nous.
Ainsi, le rapport sénatorial de novembre 2024, Inégalités territoriales d’accès aux soins : aux grands maux, les grands remèdes, traite de ce « sujet de préoccupation majeure des Français » : y est constaté le manque d’équité territoriale en matière d’accès aux soins et un renforcement des inégalités en la matière.
« La situation ne s’est malheureusement pas améliorée : la démographie médicale continue de stagner, alors que la transformation de la pyramide des âges – baisse de la natalité et vieillissement de la population – modifie et accentue continûment les besoins d’accompagnement médical », lit-on dans le rapport. Il faut favoriser des formes de regroupement médical permettant de mutualiser les tâches administratives et de libérer du temps médical au bénéfice des patients.
Les zones rurales sont confrontées à un autre défi majeur pour nos élus ruraux. Ainsi, les communes doivent y être favorisées et soutenues plus efficacement. En premier lieu, il convient de les accompagner plus fortement en augmentant la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), au bénéfice de leurs projets d’investissement.
En second lieu, il faut légiférer sur un statut de l’élu, afin que celui-ci soit accompagné en matière de formation, d’assurance, de responsabilités, d’indemnités, de retraite, etc.
Nos zones rurales font aussi face au défi de l’accès aux services publics. Si les maisons France Services (MFS) ont répondu partiellement au retrait progressif des services de l’État, il convient d’améliorer encore la couverture numérique des territoires les plus éloignés.
Le défi de l’accueil des néoruraux, plus nombreux depuis la crise du covid-19, représente un autre enjeu pour la ruralité, avec le respect des traditions et de la vie rurale. C’est tout l’objet de la loi du 29 janvier 2021 visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises, présentée en 2019.
Enfin, un défi majeur, qui est d’actualité, consiste à redonner de la compétitivité à l’agriculture française. C’est là tout le bon sens et la nécessité qui sous-tendent la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, présentée par notre collègue Laurent Duplomb, que nous connaissons bien dans cette assemblée et qui mérite notre mobilisation et notre soutien.
M. Laurent Burgoa. Eh oui !
M. Jean-Marc Boyer. Rappelons que, selon The Economist, « l’agriculture française est la plus vertueuse au monde ».
En conclusion, le défi de l’avenir de la ruralité est de réduire les fractures territoriales entraînées par des dispositifs pénalisants tels que le ZAN et les ZFE, qu’il convient d’amender, voire de supprimer.
Madame la ministre, mes chers collègues, la ruralité est imprimée au plus profond de notre être et de notre vie de tous les jours. En effet, nous tous, dans cette assemblée, avons des parents et des grands-parents issus de cette France des villages, des campagnes, de la terre, de la mer, de la montagne et de la nature ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Marie-Claude Varaillas et M. Michel Masset applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – MM. Michel Masset et Bernard Buis applaudissent également.)
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, la ruralité représente 22 millions d’habitants, 88 % de nos communes et 31 % de l’industrie française, ce qui est considérable. Pourtant, comme vous l’avez souligné, monsieur le sénateur Boyer, il arrive souvent qu’elle soit réduite à quelques clichés et que l’on manque son potentiel. Je me réjouis donc que le groupe Les Républicains ait inscrit ce débat à l’ordre du jour du Sénat ce soir.
Ce potentiel tient tout d’abord à la complémentarité qui existe entre les villes et la campagne. Celles-ci ne doivent pas être pensées en opposition.
Ce potentiel tient aussi au fait, comme vous le savez tous ici, que les ruralités sont de fabuleux lieux d’innovation, où foisonnent les « trucs qui marchent », de l’exceptionnelle rénovation du bâti à Tréguier jusqu’à l’épicerie solidaire de Saint-Yrieix-la-Perche, en Haute-Vienne.
Pourtant, là où la ville semble être une évidence, la ruralité, ou plutôt les ruralités, tant elles sont diverses, ont longtemps été les grandes absentes de nos politiques publiques. Depuis quelques années, toutefois, nous avons parcouru bien du chemin, comme en témoigne la création d’un ministère dédié.
Grâce à votre engagement, mesdames, messieurs les sénateurs, et à celui de tous les élus, nous avons contribué à remettre la ruralité au cœur du débat public, avec des dispositifs ambitieux comme l’agenda rural, suivi par le plan France Ruralités en 2023. Je pense aussi au travail de qualité de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat, présidée par Bernard Delcros, ainsi qu’à celui du groupe d’études Ruralités présidé par Jean-Jacques Lozach.
Dans la ruralité, tout – accéder à un professionnel de santé, se déplacer, trouver un logement, aller à l’université – peut relever du défi. L’objectif de France Ruralités, sur l’initiative d’Élisabeth Borne, était d’y répondre. Ma visite de trente-six départements, depuis mon arrivée au ministère, m’a permis de m’en rendre compte.
Avec François Rebsamen et l’ensemble du Gouvernement, j’ai déjà engagé des actions concrètes, à plusieurs niveaux.
Tout d’abord, en matière de santé, le plan France Ruralités a déjà permis de renforcer l’offre de soins, avec plus de 1 700 maisons de santé en ruralité et près de 90 % du territoire couvert par une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS). Nous devons également inciter les jeunes médecins à s’installer en ruralité. C’est tout l’objet de la création d’une quatrième année d’internat. Celle-ci sera effective à la rentrée prochaine, avec l’arrivée de 3 700 docteurs juniors.
Néanmoins, nous devons aller plus loin. Tel est le sens du pacte pour lutter contre les déserts médicaux, annoncé par le Premier ministre le 25 avril dernier. Je tiens à saluer le travail du Sénat sur ce sujet. Je pense particulièrement à la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins dans les territoires du président de la commission des affaires sociales, Philippe Mouiller, ainsi qu’au travail de la rapporteure générale de la même commission, Élisabeth Doineau.
Ensuite, en ce qui concerne l’éducation, les inquiétudes des élus locaux concernant les fermetures de classe sont légitimes et doivent être entendues.
Cela étant, la création de 203 territoires éducatifs ruraux (TER) au bénéfice de près de 200 000 élèves a été très bien accueillie sur le terrain. Ce dispositif répond aux besoins des familles et des équipes éducatives, mais aussi des collectivités. En outre, nous avons voulu donner aux territoires une visibilité à trois ans de l’évolution démographique, en y associant les élus locaux. Je connais l’engagement de chacun d’entre vous sur ces sujets.
Par ailleurs, lors de mes déplacements, j’ai constaté l’émergence de la question du logement. Nous travaillons sur plusieurs fronts, afin de faciliter l’accès au logement pour tous, d’accélérer les rénovations énergétiques et de lutter contre la vacance.
Ainsi, l’extension du prêt à taux zéro (PTZ) sur l’ensemble du territoire est une avancée notable en vue de faciliter l’accès à la propriété en zone détendue.
MaPrimeRénov’ a permis de rénover, en une année, 270 000 logements en zone rurale. Pas moins de 78 % des communes sont couvertes par un programme de l’Agence nationale de l’habitat (Anah).
Afin de lutter contre la vacance des logements, qui pénalise nos centres-bourgs, une prime de sortie de la vacance propre aux territoires ruraux a été dotée de crédits s’élevant à 12,5 millions d’euros.
Enfin, comme chacun le sait et comme vous l’avez dit, monsieur Boyer, rien n’est possible sans la mise en œuvre de solutions de mobilité dans nos territoires ruraux, la mobilité du premier kilomètre comme celle du dernier kilomètre.
La mesure Développement des mobilités durables en zones rurales du fonds vert a ainsi été dotée de 90 millions d’euros sur trois ans. Le 5 mai dernier, lors de la conférence Ambition France Transports, pilotée par le ministre Philippe Tabarot, j’ai rappelé l’importance de ce sujet et formulé quelques suggestions qui, je l’espère, vous conviendront.
Au-delà de ces mesures concrètes, d’autres dispositifs permettent, aujourd’hui, d’améliorer et de faciliter la vie des habitants.
Je pense ainsi aux 2 800 maisons France Services : il y en a une présente à vingt kilomètres de chacun de nous. Elles sont cruciales pour les particuliers. Je pense aussi aux 2 888 Villages d’avenir et aux 1 650 Petites Villes de demain (PVD), qui offrent un soutien essentiel et extrêmement apprécié en matière d’ingénierie à toutes nos petites communes. Celles-ci peuvent ainsi développer un projet de territoire porteur d’avenir.
Toutefois, je suis convaincue que nous devons aller plus loin. C’est la raison pour laquelle j’ai entrepris, dès septembre dernier, un tour de France des ruralités, afin d’évaluer ce plan avec ceux, que vous connaissez bien, qui le font vivre chaque jour sur le terrain et qui sont en mesure de formuler des suggestions.
Dans la continuité de ces actions, un comité interministériel à la ruralité sera réuni très prochainement pour dresser le bilan de France Ruralités, mais aussi pour poursuivre l’action engagée au travers de nouvelles propositions.
En effet, pour nos ruralités, je crois plus – et c’est la marque du Sénat – au sur-mesure du jardin à l’anglaise qu’à l’uniformité du jardin à la française. Ce n’est pas à Paris que nous pouvons déterminer une politique publique adaptée à nos territoires. Les réalités plurielles de nos territoires ruraux, comme les formidables initiatives locales, doivent inspirer le Gouvernement, mais aussi le législateur, mesdames, messieurs les sénateurs.
Je suis convaincue que c’est seulement ensemble – État, parlementaires, élus – que nous construirons l’avenir de la ruralité. Un avenir où la ruralité pourra rester l’endroit d’où l’on vient, que l’on choisit de quitter, parfois pour mieux y revenir, mais aussi le lieu où l’on choisit de rester ou de s’installer même quand on n’en vient pas.
Monsieur le sénateur Boyer, pour compléter vos propos, si nous sommes tous des enfants de ruraux, je souhaite que nos enfants puissent être également des ruraux heureux. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme Antoinette Guhl et MM. Michel Masset et Bernard Buis applaudissent également.)
Débat interactif
Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum, y compris pour l’éventuelle réplique.
Le Gouvernement dispose pour répondre d’une durée équivalente. Il aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de répondre à une réplique pendant une minute ; l’auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Daniel Laurent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Denise Saint-Pé applaudit également.)