Sommaire

Présidence de Mme Sylvie Robert

Secrétaires :

M. Guy Benarroche, Mme Catherine Di Folco.

1. Résolution sur la prévention de la pollution des mers. – Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi

M. Philippe Folliot, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire

M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie

Texte élaboré par la commission mixte paritaire

Vote sur l’ensemble

Mme Marie-Claude Varaillas

Mme Mathilde Ollivier

M. Jérôme Darras

M. Cédric Chevalier

Mme Catherine Dumas

M. Georges Patient

M. André Guiol

M. Philippe Folliot

Adoption du projet de loi dans le texte de la commission mixte paritaire.

Suspension et reprise de la séance

2. Création de l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse. – Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale

M. François Rebsamen, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation

Mme Olivia Richard, rapporteure de la commission des lois

Mme Mélanie Vogel

M. Éric Kerrouche

M. Didier Mandelli

Mme Vanina Paoli-Gagin

M. Jean-Jacques Panunzi

Mme Marie-Laure Phinera-Horth

M. Michel Masset

M. Paul Toussaint Parigi

Mme Marie-Claude Varaillas

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendement n° 2 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 3 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Articles 2 et 3 – Adoption.

Article 4

Amendement n° 1 du Gouvernement. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Vote sur l’ensemble

Adoption du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.

M. François Rebsamen, ministre

Suspension et reprise de la séance

3. Impact environnemental de l’industrie textile. – Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable

Mme Nicole Bonnefoy

Mme Vanina Paoli-Gagin

Mme Marie-Laure Phinera-Horth

M. Michel Masset²

M. Stéphane Demilly

Mme Marie-Claude Varaillas

M. Jacques Fernique

Mme Marie-Claire Carrère-Gée

M. Jean Hingray

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

M. Thomas Dossus

Amendement n° 63 de M. Jean Hingray. – Rejet.

Amendement n° 1 rectifié de Mme Frédérique Espagnac. – Rejet.

Amendement n° 49 de M. Jacques Fernique. – Rejet.

Amendement n° 79 de Mme Marie-Claude Varaillas. – Rejet.

Amendement n° 50 de M. Jacques Fernique. – Rejet.

Amendement n° 90 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 62 de M. Jean Hingray. – Devenu sans objet.

Amendement n° 117 de la commission. – Adoption.

Amendements identiques nos 18 rectifié bis de Mme Mireille Jouve, 64 de M. Jean Hingray et 91 du Gouvernement. – Adoption des trois amendements.

Amendement n° 118 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 85 de Mme Antoinette Guhl. – Rejet.

Amendement n° 94 du Gouvernement et sous-amendement n° 114 de M. Alain Cadec. – Rejet du sous-amendement et de l’amendement.

Amendement n° 35 rectifié de Mme Nicole Bonnefoy. – Devenu sans objet.

Amendements identiques nos 17 rectifié bis de Mme Mireille Jouve et 23 de Mme Marie-Laure Phinera-Horth. – Rejet des deux amendements.

Amendements identiques nos 42 rectifié de Mme Frédérique Espagnac et 47 rectifié bis de M. Alain Cadec. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 95 du Gouvernement. – Rectification.

Amendement n° 95 rectifié du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 93 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 51 de M. Jacques Fernique. – Rejet.

Amendements identiques nos 3 rectifié bis de Mme Vanina Paoli-Gagin, 11 rectifié ter de M. Antoine Lefèvre, 30 rectifié quater de Mme Marie-Lise Housseau, 55 rectifié bis de M. Michel Masset et 70 rectifié ter de M. Franck Menonville. – Adoption des amendements nos 3 rectifié bis, 11 rectifié ter, 30 rectifié quater et 55 rectifié bis, l’amendement n° 70 rectifié ter n’étant pas soutenu.

Amendement n° 122 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 56 rectifié de M. Michel Masset. – Devenu sans objet.

Amendement n° 78 de M. Thomas Dossus. – Devenu sans objet.

Amendement n° 92 rectifié du Gouvernement. – Devenu sans objet.

Amendement n° 48 rectifié bis de M. Alain Cadec. – Devenu sans objet.

Amendement n° 36 rectifié de Mme Nicole Bonnefoy. – Adoption.

Amendement n° 37 rectifié de Mme Nicole Bonnefoy. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Xavier Iacovelli

Après l’article 1er

Amendement n° 57 rectifié de Mme Anne-Sophie Romagny. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 106 rectifié de Mme Patricia Schillinger. – Non soutenu.

Amendement n° 40 rectifié bis de M. Jean-Jacques Michau. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendements nos 109 rectifié et 107 rectifié de Mme Patricia Schillinger. – Non soutenus.

Article 1er bis A

Amendement n° 96 du Gouvernement. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 1er bis (supprimé)

Article 2

Amendement n° 65 de M. Jean Hingray. – Rejet par scrutin public n° 294.

Amendement n° 34 rectifié ter de Mme Marie-Lise Housseau. – Rejet.

Amendement n° 38 rectifié de Mme Nicole Bonnefoy. – Rejet.

Amendements identiques nos 19 rectifié bis de Mme Mireille Jouve et 24 de Mme Marie-Laure Phinera-Horth. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 80 de Mme Marie-Claude Varaillas. – Rejet.

Amendements identiques nos 4 rectifié bis de Mme Vanina Paoli-Gagin et 73 rectifié ter de M. Franck Menonville. – Rejet de l’amendement n° 4 rectifié bis, l’amendement n° 73 rectifié ter n’étant pas soutenu.

Amendement n° 12 rectifié bis de M. Antoine Lefèvre. – Rejet.

Amendement n° 31 rectifié ter de Mme Marie-Lise Housseau et sous-amendement n° 116 du Gouvernement. – Adoption du sous-amendement et de l’amendement modifié.

Amendement n° 52 de M. Jacques Fernique. – Devenu sans objet.

Suspension et reprise de la séance

Amendement n° 123 du Gouvernement. – Adoption.

Amendements identiques nos 21 rectifié bis de Mme Mireille Jouve et 26 de Mme Marie-Laure Phinera-Horth. – Devenus sans objet.

Amendements identiques nos 6 rectifié bis de Mme Vanina Paoli-Gagin et 14 rectifié bis de M. Antoine Lefèvre. – Devenus sans objet.

Amendement n° 112 rectifié quater de M. Pierre Jean Rochette. – Devenu sans objet.

Amendement n° 111 rectifié quater de M. Pierre Jean Rochette. – Devenu sans objet.

Amendement n° 110 rectifié quater de M. Pierre Jean Rochette. – Devenu sans objet.

Amendement n° 20 rectifié bis de Mme Mireille Jouve. – Devenu sans objet.

Amendement n° 25 de Mme Marie-Laure Phinera-Horth. – Devenu sans objet.

Amendement n° 58 rectifié de M. Michel Canévet. – Rejet.

Amendement n° 75 rectifié ter de M. Guillaume Chevrollier. – Retrait.

Amendement n° 98 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 46 rectifié bis de Mme Nadège Havet. – Rejet par scrutin public n° 295.

Amendements identiques nos 53 de M. Jacques Fernique et 81 de Mme Marie-Claude Varaillas. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 32 rectifié ter de Mme Marie-Lise Housseau. – Rejet par scrutin public n° 296.

Amendements identiques nos 5 rectifié bis de Mme Vanina Paoli-Gagin et 71 rectifié ter de M. Franck Menonville. – Rejet de l’amendement n° 5 rectifié bis, l’amendement n° 71 rectifié ter n’étant pas soutenu.

Amendement n° 13 rectifié bis de M. Antoine Lefèvre. – Rejet.

Amendement n° 86 de Mme Antoinette Guhl. – Rejet.

Amendement n° 84 de Mme Marie-Claude Varaillas. – Rejet.

Amendement n° 7 rectifié bis de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Rejet.

Amendement n° 15 rectifié bis de M. Antoine Lefèvre. – Rejet.

Amendements identiques nos 41 rectifié de Mme Nicole Bonnefoy et 54 de M. Jacques Fernique. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 119 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 99 du Gouvernement. – Retrait.

Amendement n° 8 rectifié bis de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Rejet.

Amendement n° 82 de Mme Marie-Claude Varaillas. – Rejet.

Amendement n° 44 rectifié de Mme Nicole Bonnefoy. – Rejet.

Amendement n° 115 du Gouvernement. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 2

Amendement n° 108 rectifié de Mme Patricia Schillinger. – Retrait.

Article 3 (supprimé)

Amendement n° 83 de Mme Marie-Claude Varaillas. – Rejet par scrutin public n° 297.

Amendements identiques nos 9 rectifié ter de Mme Vanina Paoli-Gagin, 33 rectifié quinquies de Mme Marie-Lise Housseau et 72 rectifié quater de M. Franck Menonville. – Rejet, par scrutin public n° 298, des amendements nos 9 rectifié ter et 33 rectifié quinquies, l’amendement n° 72 rectifié quater n’étant pas soutenu.

Amendement n° 39 rectifié de Mme Nicole Bonnefoy. – Rejet par scrutin public n° 299.

Amendement n° 76 rectifié de M. Thomas Dossus. – Rejet par scrutin public n° 300.

Amendement n° 100 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement rétablissant l’article.

Amendement n° 67 de M. Jean Hingray. – Devenu sans objet.

Amendement n° 77 rectifié bis de M. Thomas Dossus. – Devenu sans objet.

Après l’article 3

Amendement n° 87 de Mme Antoinette Guhl. – Rejet.

Article 3 bis (nouveau)

Amendement n° 66 de M. Jean Hingray. – Retrait.

Amendement n° 74 rectifié de M. Didier Mandelli. – Adoption.

Amendement n° 120 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 104 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 101 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 102 du Gouvernement. – Rejet.

Amendements identiques nos 43 rectifié de Mme Frédérique Espagnac et 68 de M. Jean Hingray. – Adoption des deux amendements.

Amendement n° 22 rectifié bis de Mme Mireille Jouve. – Retrait.

Mme Marion Canalès

Adoption de l’article modifié.

Article 4

Amendement n° 121 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 5

Amendement n° 105 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 88 de Mme Antoinette Guhl. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Article 6 – Adoption.

Après l’article 6

Amendement n° 69 de M. Jean Hingray. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 7

Amendement n° 89 de Mme Antoinette Guhl. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 7

Amendement n° 113 rectifié quater de M. Pierre Jean Rochette. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Intitulé de la proposition de loi

Amendement n° 16 rectifié quater de Mme Mireille Jouve. – Retrait.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

Renvoi de la suite de la discussion.

4. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Sylvie Robert

vice-présidente

Secrétaires :

M. Guy Benarroche,

Mme Catherine Di Folco.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de la résolution LP.3(4) portant amendement de l'article 6 du Protocole de Londres de 1996 à la Convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets et autres matières
Article unique (début)

Résolution sur la prévention de la pollution des mers

Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi autorisant la ratification de la résolution LP.3(4) portant amendement de l’article 6 du protocole de Londres de 1996 à la convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets et autres matières (texte de la commission n° 622, rapport n° 621).

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Folliot, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce n’est pas par la volonté du Sénat que nous nous retrouvons cet après-midi : ce protocole a été adopté à l’unanimité par notre commission et voté en séance en procédure simplifiée.

Toutefois, les débats parlementaires ont fait que l’Assemblée nationale l’a rejeté. La commission mixte paritaire, quant à elle, l’a adopté de manière quasi unanime – sur quatorze membres, douze ont voté pour, un s’est prononcé contre et un s’est abstenu –, c’est pourquoi nous nous retrouvons cet après-midi pour valider cette convention.

Voilà qui nous donne l’occasion de mieux expliciter certains enjeux relatifs à ce texte.

Tout d’abord, la convention de Londres de 1972 sur la protection des océans est un traité important, qui constitue l’un des premiers textes à vocation internationale porteurs d’une vision environnementale ; chacun sait combien c’est essentiel, à bien des égards.

Ce protocole permettait d’enfouir sous les océans certaines substances, mais uniquement après autorisation. En 1996, on a voulu inverser le principe, en quelque sorte, donc passer d’un régime d’autorisations ponctuelles à une interdiction générale, sauf exception déterminée. Cette évolution fut, au demeurant, une excellente chose. Les océans sont en effet importants pour la biodiversité et pour l’équilibre climatique planétaire, puisqu’ils couvrent 70 % de la surface du globe.

Au reste, je rappelle que notre pays possède le premier domaine maritime au monde, avec plus de onze millions de kilomètres carrés, et porte donc une responsabilité importante à cet égard.

Par cette ratification, nous souhaitons permettre l’enfouissement du CO2. Nous avons tous en tête la convention de Paris et souhaitons tous être proactifs en la matière. Mais nous savons bien que, pour certains secteurs industriels tels que la cimenterie, la chimie et d’autres, il sera difficile, voire quasiment impossible, de se passer d’énergies carbonées.

Dans ce cadre, il convient donc tout d’abord de capter le carbone, et la France est l’un des pays au monde qui maîtrise le mieux les savoir-faire en la matière. Ensuite, il faut le transporter et, dans ce domaine encore, la France possède des atouts importants. Pour autant, une fois le carbone capté et transporté, il faut l’enfouir. Or notre pays ne dispose pas de site pour cela.

Par la ratification de ce texte, il s’agit donc d’autoriser notre pays à ratifier cette convention internationale et à user de capacités de stockage qui se situeront essentiellement dans des pays voisins, plus particulièrement en mer du Nord.

À ce titre, je reprends à mon compte les propos qui avaient été tenus concernant les enjeux de souveraineté en la matière : un groupe français, TotalEnergies, dispose des savoir-faire et des capacités nécessaires pour stocker ce gaz carbonique, notamment en Norvège.

Dans ce cadre, après avoir réfléchi et travaillé sur cette question, la commission est convenue unanimement que ce texte allait dans le bon sens. C’est pourquoi, en séance plénière, je me contente de répéter ce qui a été dit en commission, afin de faire part à l’ensemble du Sénat de l’intérêt de voter ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de lindustrie et de lénergie. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte sur lequel il vous est demandé de vous prononcer aujourd’hui est important. Stocker et exporter le carbone est en effet une absolue nécessité pour l’avenir de nos industries et de l’emploi dans nos territoires.

La production de ciment sur le site industriel de Vicat, à Montalieu-Vercieu, dans l’Isère, ou celle de chaux à Rety, dans le Pas-de-Calais, libère du dioxyde de carbone. C’est vrai aussi pour les produits azotés et d’engrais à Gonfreville-l’Orcher ou encore à Grand-Quevilly, en Seine-Maritime.

Cette réalité concerne des dizaines de sites industriels représentant des milliers d’emplois dans notre pays. Même si ces usines cessaient d’utiliser des énergies fossiles, elles émettraient toujours du CO2 : on appelle cela le CO2 fatal, qui est lié aux procédés de production eux-mêmes. Ces émissions ne peuvent pas, par conséquent, être réduites autrement que par la capture et le stockage du CO2. Tel est l’enjeu qui nous réunit aujourd’hui.

Vous le savez, la France s’est engagée à réduire ses émissions industrielles de moitié en dix ans et vise la neutralité carbone en 2050.

La décarbonation de l’industrie représente un double défi, pour l’environnement, bien sûr, mais aussi pour l’emploi, car c’est bien la compétitivité de nos filières et de nos sites industriels qui est en jeu. Nos concurrents internationaux ne sont en effet pas soumis aux mêmes obligations, notamment en matière de quotas d’émissions.

Vous le savez, cette concurrence est aggravée par des pratiques agressives et parfois déloyales qui mettent en risque l’avenir de ces filières stratégiques pour notre souveraineté. Il y va donc de la survie de nos sites industriels, donc de l’emploi dans nos territoires ; des milliers de salariés comptent sur nous pour agir.

Agir pour la décarbonation de l’industrie passe, bien sûr, par des mesures structurelles en matière d’efficacité énergétique, d’électrification ou encore de recyclage. Mais, lorsqu’une partie importante des émissions ne peut pas être réduite à la source, la capture et le stockage du carbone interviennent comme solution de dernier recours.

Tous les industriels le savent : si nous entendons encore produire du ciment, de la chaux ou des engrais en France en 2035, il est impératif d’accélérer le développement des technologies de capture, de stockage et de valorisation du carbone.

De nombreux projets sont en cours dans ce domaine, en France et en Europe, comme dans l’usine Lhoist de Rety, où je me suis rendu en janvier dernier. Néanmoins, il n’existe pas, dans notre pays, d’infrastructures de stockage du carbone, et aucun stockage français, sous terre ou en mer, ne saurait être opérationnel avant 2030.

L’Europe du Nord est dotée, pour sa part, d’importantes infrastructures de stockage du carbone, notamment en Norvège et au Danemark, avec les projets Northern Lights et Greensand, en mer du Nord. L’export de CO2 est donc essentiel pour décarboner au plus vite nos sites industriels et pour préserver l’emploi.

J’ai d’ailleurs moi-même noué des contacts avec des industriels et avec mes homologues norvégiens lors du récent forum franco-norvégien sur l’industrie verte, ainsi qu’avec mon homologue danois dans le cadre de la visite d’État danoise en France au mois de mars dernier. Nous avons aujourd’hui des partenaires qui sont prêts, qui savent faire et avec lesquels nous entretenons des relations très étroites.

À présent, nous avons besoin d’autoriser l’exportation du carbone pour passer à l’action. C’est tout l’enjeu de ce texte relatif au protocole de Londres, porté par le Gouvernement et très attendu par les acteurs du secteur.

En France, les sites les plus directement concernés sont les trois hubs industriels portuaires de Saint-Nazaire, avec les cimenteries de Heidelberg et de Lafarge, du Havre, avec les usines chimiques de Lhoist et de Yara, et de Dunkerque, avec notamment Aluminium Dunkerque, Eqiom et Lhoist.

Plusieurs de ces entreprises ont déjà signé des contrats de stockage de CO2 en Europe du Nord, ont obtenu des soutiens publics européens ou nationaux et comptent sur la ratification de cette convention diplomatique pour lancer leurs projets de décarbonation. Ne les faisons pas attendre.

Les Pays-Bas, la Belgique ou encore le Royaume-Uni ont déjà autorisé l’exportation des flux de carbone. La course est lancée en Europe et dans le monde, et nous devons impérativement accélérer, au risque, à défaut, d’être distancés. Pour cela, nous devons permettre à nos industriels d’investir sereinement, dès maintenant, dans les technologies de capture et de stockage du carbone.

Si nous ne prenons pas aujourd’hui la décision d’avancer, nos sites industriels risquent de fermer et nos entreprises de partir s’installer à Anvers ou à Rotterdam. Il s’agit aussi d’un enjeu de finances publiques : 439 millions d’euros de financements européens sont conditionnés au démarrage à court terme des projets de captation et de stockage du carbone, donc à l’autorisation, par le Parlement français, de l’exportation du carbone. Cette décision relève de notre responsabilité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je connais votre engagement en faveur de la prospérité et de la cohésion de nos territoires. Je sais aussi que la capture et le stockage du carbone suscitent parfois des interrogations, en particulier localement, à proximité des futures infrastructures de stockage et de transport.

Je tiens à vous rassurer ici au sujet de la sécurité de ces installations. Les technologies de transport et de stockage sous-marins sont éprouvées et maîtrisées ; elles ont fait leurs preuves pour le gaz naturel et le pétrole, et de récentes études scientifiques ont confirmé leur fiabilité. Par ailleurs, nous n’exporterons le CO2 que vers des pays qui respectent des standards environnementaux de haut niveau.

Pour conclure, nous partageons tous ici l’ambition de faire de la France un champion de la transition énergétique et écologique, avec l’objectif de la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Pour atteindre cet objectif, nous devons commencer à stocker du carbone en 2030. À court terme, dans un premier temps, il est essentiel d’autoriser l’exportation des flux de carbone dès aujourd’hui. Ainsi, nous poursuivrons notre combat en faveur de la décarbonation de nos industries, c’est-à-dire en faveur de l’emploi et de l’avenir de nos territoires.

C’est la raison pour laquelle je vous appelle, au nom du Gouvernement, à voter en faveur de ce projet de loi.

Mme la présidente. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue d’abord sur les éventuels amendements, puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :

projet de loi autorisant la ratification de la résolution lp.3(4) portant amendement de l’article 6 du protocole de londres de 1996 à la convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets et autres matières

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de la résolution LP.3(4) portant amendement de l'article 6 du Protocole de Londres de 1996 à la Convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets et autres matières
Article unique (fin)

Article unique

Est autorisée la ratification de la résolution LP.3(4) portant amendement de l’article 6 du Protocole de Londres de 1996 à la Convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets et autres matières, adoptée le 30 octobre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Mme la présidente. Sur le texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.

Le vote est réservé.

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, je vais donner la parole, pour explications de vote, à un représentant par groupe.

La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Mme Marie-Claude Varaillas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’enfouissement du CO2 en mer du Nord est souvent présenté comme une technologie phare pour réduire les émissions industrielles, notamment dans le cas de la capture et du stockage du carbone (CSC).

Si cette méthode peut constituer un levier partiel et utile pour certaines industries comme la cimenterie, où les émissions résiduelles liées à la calcination du calcaire sont difficiles à éliminer autrement, son efficacité et sa pertinence restent très limitées pour l’ensemble des secteurs industriels. En effet, pour des industries lourdes comme la sidérurgie, la chimie ou encore la métallurgie, l’enfouissement sous-marin ne peut offrir qu’une solution ponctuelle, qui ne saurait détourner les industriels de l’impératif fondamental : investir massivement dans la décarbonation de leurs procédés.

Il est grand temps de mettre en œuvre une transformation profonde de l’industrie française et lui permettre de véritablement renaître en devenant socialement et écologiquement responsable. La clé d’une telle évolution réside dans la réindustrialisation portée par l’électrification massive, dans l’usage ciblé du biogaz, dans le développement de l’hydrogène décarboné et, surtout, dans l’innovation technologique au travers de la recherche et du développement.

Ces voies permettront de réduire de manière draconienne les émissions territoriales, avec un objectif ambitieux de 91 % de décarbonation d’ici à 2050, tout en limitant la dépendance aux énergies fossiles importées.

À l’inverse, miser sur le stockage géologique sous-marin pour compenser les émissions actuelles, surtout en dehors du secteur cimentier, revient à repousser le traitement de ce problème à plus tard, car on ne s’attaque pas ainsi à sa racine même, à savoir la dépendance aux énergies carbonées et la persistance de procédés industriels polluants.

Le risque est ainsi d’entraver la transformation structurelle des industries en favorisant des investissements dans des technologies dites faciles, mais peu durables, voire porteuses de risques à long terme, de possibles fuites pouvant emporter des conséquences environnementales en mer.

À nos yeux, le discours politique et industriel autour de la CSC révèle une tendance inquiétante consistant à faire prévaloir la permanence des activités humaines sur la nécessité de les réadapter aux limites planétaires.

Transformer d’anciens puits pétroliers ou des réservoirs géologiques en décharges sous-marines, comme cela se profile avec les projets en mer du Nord, traduit une fuite en avant technologique. Cette approche n’est pas sans rappeler les techniques utilisées depuis des décennies pour extraire plus de pétrole grâce à l’injection de CO2. Elle est aujourd’hui remaquillée en solution vertueuse, sous l’étiquette CSC.

Selon l’Institut pour l’économie de l’énergie et l’analyse financière (IEEFA), entre 70 % et 90 % des projets actuels de séquestration servent principalement à prolonger l’exploitation des hydrocarbures, non à réduire durablement les émissions.

Par ailleurs, la rentabilité économique et l’efficacité réelle de ces projets restent incertaines : le coût du stockage avoisine les 200 euros la tonne de CO2, bien au-delà du prix du quota sur le marché carbone européen, ce qui pousse les industriels à préférer la compensation à bas coût à une transformation structurelle.

Même avec les subventions massives issues des plans climat, comme l’Inflation Reduction Act aux États-Unis, les risques de fuite et les échecs techniques se multiplient, comme l’ont démontré le projet pilote de Lacq en France ou encore la catastrophe invisible d’Aliso Canyon en Californie.

Le stockage du CO2 devient ainsi une condition de survie pour les industries fossiles ; il permet de maintenir l’illusion d’un progrès technologique capable de neutraliser les effets de l’obsolescence des modèles industriels, sans en remettre en cause les fondements.

Le soutien politique croissant à cette solution, en France comme ailleurs, témoigne d’un glissement préoccupant dans les politiques climatiques : il s’agit non plus de réduire la consommation de combustibles fossiles, mais simplement d’en masquer les conséquences.

Ainsi, la méthode d’enfouissement en mer du Nord ne doit pas être perçue comme une panacée pour la décarbonation industrielle. Si le technosolutionnisme peut accompagner certains secteurs à court terme, notamment la cimenterie, il ne saurait remplacer une stratégie ambitieuse de décarbonation intégrale.

La transition énergétique industrielle passe impérativement par la réindustrialisation, la relocalisation, l’électrification et l’innovation, pour répondre aux enjeux climatiques et sociaux de demain. Miser sur des technologies d’enfouissement revient à prolonger l’ère des fossiles sous un nouveau masque, alors qu’il faut en sortir définitivement.

C’est la raison pour laquelle notre groupe s’abstiendra sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Mathilde Ollivier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la révision de la convention internationale que nous examinons aujourd’hui n’est qu’un bel écran de fumée : le CO2 étant invisible à l’œil nu, vous avez sans doute pensé que cette réforme du protocole de Londres, autorisant le transport de CO2 pour l’enfouir dans les zones maritimes étrangères, passerait inaperçue !

En engageant la procédure simplifiée sur ce texte, vous avez tenté de le faire adopter discrètement, pour ensevelir nos émissions loin des regards. Je remercie donc nos collègues de l’Assemblée nationale de leur vigilance, ce retour à la procédure normale nous permettant de sortir de ce brouillard.

Avec ce texte, vous cherchez à exporter notre CO2 à l’étranger, notamment dans les anciens gisements de pétrole et de gaz ou dans les aquifères salins profonds.

Plutôt que de réduire les émissions à la source, certains gros émetteurs préfèrent ainsi les exporter vers d’autres pays pour les enfouir à vingt mille lieues sous les mers. Les projets de ce type, déjà au nombre de quarante-cinq dans le monde, se multiplient, comme sous les eaux norvégiennes et danoises, prochainement, ou sous l’Adriatique, avec le projet franco-italien Callisto, qui ambitionne de stocker seize millions de tonnes de CO2 d’ici à 2030.

Certes, certaines activités industrielles rencontrent plus de difficultés que d’autres à décarboner leur production et ce stockage du carbone peut constituer un outil de dernier recours et de court terme, en attendant de nouvelles techniques de décarbonation.

Pour autant, derrière les promesses technosolutionnistes, le développement de la capture et du stockage de carbone présente un risque évident : privilégier une solution technologique très coûteuse et incertaine à une véritable décarbonation.

Le projet Callisto en est un exemple éloquent : il prévoit de construire un carboduc de plusieurs centaines de kilomètres de la région lyonnaise au port de Fos-sur-Mer. Le CO2 y serait alors liquéfié à grand renfort d’énergie pour être chargé sur des navires gaziers qui feraient le tour de l’Italie, avant d’être enfoui au large de Ravenne. Soit un trajet de plusieurs milliers de kilomètres, extrêmement énergivore, au nom de l’écologie. Quoi de plus logique ? (Sourires sur les travées des groupes GEST et CRCE-K.)

De surcroît, ce procédé n’est pas exempt de dangers. La région de Ravenne présente en effet un fort risque sismique. En cas de fuite dans les poches de CO2, tous ces efforts partiraient en fumée.

Le reste du parcours soulève également des interrogations : une fuite de CO2 très concentré du carboduc exposerait les personnes à proximité à un risque d’asphyxie. En 2020, un accident dans le Mississippi a causé l’évanouissement de vingt personnes, qui en ont toutes conservé des séquelles neuronales, pulmonaires et gastriques. Enfin, une nappe phréatique touchée serait gravement polluée.

Outre ces risques, ces projets ont un coût exorbitant et reposent sur des milliards d’euros d’argent public. En 2023, quelque 3,3 milliards d’euros ont été attribués par l’Union européenne à des projets de capture et de stockage de carbone ; le seul carboduc de la vallée du Rhône pourrait coûter jusqu’à 1,5 milliard d’euros.

À l’heure où les budgets alloués à la transition écologique sont rognés de toutes parts, ces choix d’investissement envoient un mauvais signal aux industriels, en les encourageant à continuer de polluer.

Au lieu de financer ces projets gigantesques et hasardeux, notre priorité doit être d’accélérer la décarbonation des industries en accompagnant les entreprises volontaires, mais aussi en contraignant celles qui sont récalcitrantes.

ArcelorMittal bénéficie ainsi d’aides publiques massives pour enfouir son CO2 en Norvège et électrifier ses fourneaux, mais préfère supprimer des emplois, plutôt que d’honorer ses engagements. Il est temps de mettre un terme à cette naïveté et de nationaliser cette entreprise stratégique pour planifier sa transition écologique.

Comme le soulignait l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) en 2020, le stockage de carbone ne doit intervenir qu’en dernier recours, après la décarbonation, et les sites de stockage géologique doivent être situés au plus près de la source de CO2, dans un rayon de 200 kilomètres maximum.

Écoutons les scientifiques, investissons dans des technologies qui réduisent les émissions à la source. Si nous devons enfouir le CO2, faisons-le sur notre territoire, plutôt qu’à l’étranger. Ayons le courage de nous opposer à TotalEnergies, à Lafarge et à ArcelorMittal, qui réclament toujours plus d’aides publiques, mais qui rechignent à décarboner leurs activités.

Face à l’urgence climatique et à notre retard considérable en matière de décarbonation, miser sur la capture et le stockage de carbone comporte bien plus de risques que d’opportunités. Nous refusons de cautionner cette fuite en avant qui permet aux industriels de persister dans l’inaction.

À une semaine de la conférence onusienne sur l’océan à Nice, amender le protocole de Londres, qui constitue un excellent texte de protection des espaces marins, est particulièrement malvenu.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Darras, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Jérôme Darras. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui appelés à nous prononcer sur la ratification de la résolution portant amendement de l’article 6 du protocole de Londres sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion des déchets.

Il s’agit d’autoriser l’échange transfrontalier de dioxyde de carbone capté en vue d’une séquestration dans des formations géologiques sous-marines.

Concrètement, cela permettra à la France d’exporter le dioxyde de carbone capté sur son territoire et de le stocker de manière sécurisée dans des fonds marins relevant d’États partenaires comme la Norvège, disposant de capacités opérationnelles et de technologies efficientes, notamment en mer du Nord.

La capture et le stockage de CO2 sont indispensables pour atteindre nos objectifs climatiques. Rappelons-le, dans le cadre de la stratégie nationale bas carbone, il s’agit de réduire de 35 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 et de parvenir à la neutralité carbone en 2050.

Pour le moment, les émissions suscitées par certains secteurs industriels, tels que la production de ciment ou de chaux, qui sont dites incompressibles, ne peuvent être réduites par d’autres moyens que la capture et le stockage du CO2. Ces procédés sont donc indispensables à notre stratégie de décarbonation globale, en complément des moyens de réduction des émissions.

Par ailleurs, notre pays ne dispose pas encore des capacités de stockage nécessaires, et aucun site français ne sera opérationnel avant 2030, au plus tôt. La ratification de cette résolution permettra donc aux sites industriels français concernés d’exporter le CO2 vers des pays proches disposant d’infrastructures de stockage.

Des projets de décarbonation, via la capture, le transport et le stockage de CO2, sont déjà en cours de réalisation. J’en citerai deux qui concernent des entreprises situées dans mon département, le Pas-de-Calais : la cimenterie du groupe Eqiom à Lumbres et l’usine de production de chaux du groupe Lhoist à Rety.

Leurs projets de décarbonation, lauréats du Fonds pour l’innovation du système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne, permettent une réduction des émissions de dioxyde de carbone d’environ 1,5 million de tonnes par an.

Le projet D’Artagnan, qui doit démarrer en 2028, vise à mettre en place des infrastructures de transfert, de liquéfaction et de conditionnement du CO2 émis par ces deux sites industriels pour l’export vers des lieux de stockage en mer du Nord depuis le port de Dunkerque.

La poursuite et la concrétisation de ces projets, qui sont fortement liés aux financements européens, sont conditionnées à la ratification de l’amendement, lequel vise à garantir un cadre strict et sécurisé, puisque les pratiques de stockage sont soumises à plusieurs conditions : un accord ou un arrangement entre les pays concernés doit être conclu, des permis doivent être délivrés et les conditions de stockage doivent respecter les exigences environnementales imposées par le protocole de Londres.

Cette ratification ne signifie pas que l’on privilégie la capture et le stockage du carbone, ni même que l’on favorise ces techniques. Le projet de loi ne choisit pas entre le stockage offshore et les autres solutions de décarbonation. Il ne se substitue pas aux leviers dont nous disposons pour réduire les émissions, comme l’électrification, l’efficacité énergétique, le recours à la biomasse ou le recyclage et il ne nous exonère pas de poursuivre nos efforts en matière de sobriété et de transition écologique.

Pour résumer, le captage et le stockage du carbone sont nécessaires pour lutter efficacement contre la pollution atmosphérique, garantir le respect de nos engagements environnementaux et atteindre la neutralité carbone à l’échéance de 2050.

Ils constituent une option qui complète, par exception, la palette des outils disponibles et sont aujourd’hui indispensables pour certains secteurs qui ne disposent pas d’alternative pour se décarboner. Ils s’imposent donc tant que d’autres solutions techniquement, économiquement et écologiquement viables ne sont pas opérationnelles et assurent, par là même, la pérennisation des activités concernées.

Dès lors, il faut donner à cette technique un cadre juridique adapté. C’est précisément l’objet de la ratification de cet amendement au protocole de Londres, laquelle permettra de poursuivre et d’achever les projets en cours et facilitera le développement d’une indispensable filière nationale de captage et de stockage du CO2.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera donc pour ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Chevalier, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Cédric Chevalier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 1972, alors que l’écologie n’occupait pas encore le cœur des politiques publiques, la signature de la convention de Londres marquait l’un des premiers jalons internationaux en matière de protection du milieu marin. Ce texte pionnier posait alors un cadre à l’immersion de déchets en mer.

En 1996, le protocole de Londres a approfondi cette ambition en inversant la logique, passant d’une interdiction partielle à une interdiction de principe, sauf exception strictement encadrée.

Ces instruments ont permis de définir un cadre rigoureux pour la séquestration des déchets dans les formations géologiques sous-marines. Ils ont également instauré les principes d’une gouvernance environnementale moderne fondée sur la précaution, la transparence et la coopération entre États.

Le défi climatique impose aujourd’hui d’aller plus loin. La France s’est engagée à réduire de 35 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, avec pour horizon la neutralité carbone en 2050.

Pour atteindre ces objectifs, la réduction des émissions reste la priorité absolue pour l’État comme pour les industriels, mais elle doit être complétée par des solutions de captage, de valorisation et de stockage du carbone. Ces technologies sont non pas des échappatoires, mais des leviers indispensables à une stratégie globale de décarbonation.

Dans ce contexte, la ratification de l’amendement à l’article 6 du protocole de Londres prend tout son sens. Adopté en 2009 et appliqué à titre provisoire depuis 2019, cet amendement vise en effet à autoriser, sous réserve d’un accord entre les parties, l’exportation de carbone à des fins de stockage sous-marin vers un autre pays. En mars 2024, la France a d’ores et déjà conclu un tel accord avec le Danemark.

Ce projet de loi importe donc à plusieurs titres : pour notre stratégie climatique, pour notre trajectoire bas-carbone et pour la préservation des écosystèmes marins. Il constitue non pas une solution de rechange, mais une option complémentaire à explorer dans le cadre de notre transition écologique.

Il s’inscrit par ailleurs dans un constat lucide. Dans sa stratégie nationale sur le CCUS (Carbon Capture, Utilisation and Storage), publiée en juillet 2024, la France indique n’avoir à ce jour identifié aucune capacité souveraine de stockage exploitable. Des études sont en cours, mais à court, voire à moyen terme, la très grande majorité du carbone capté sur notre territoire devra être exportée, en particulier si celui-ci n’est pas valorisé dans la production d’e-méthanol.

Si l’accord avec le Danemark est donc utile, voire nécessaire, il met en lumière le retard que nous avons pris. Comment expliquer que la France, qui dispose du deuxième domaine maritime mondial, n’ait pas encore lancé de véritables projets de stockage offshore, contrairement à la Norvège, au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas ?

Ce texte, que nous soutenons pleinement, ne saurait donc être une fin en soi : il doit être un déclencheur, un levier pour accélérer le développement d’une filière nationale, structurée et ambitieuse. Il nous faut développer des projets concrets sur notre propre territoire, notamment en mer. Il y va de notre crédibilité et, surtout, de notre avenir collectif, mes chers collègues.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Dumas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis l’adoption de la loi européenne sur le climat, notre feuille de route collective est claire : parvenir à la neutralité climatique d’ici à vingt-cinq ans. L’objectif, désormais incontournable, est toutefois aussi simple à énoncer que complexe à mettre en œuvre.

Pour notre secteur industriel, il se traduit par des trajectoires d’émissions particulièrement ambitieuses. Sur les près de 65 millions de tonnes équivalent CO2 émises l’année dernière sur le sol français, ce sont plus de 10 millions de tonnes que la stratégie nationale bas-carbone ambitionne de supprimer d’ici à cinq ans. En 2050, ce sont au total près de 50 millions de tonnes équivalent CO2 qui devront être éliminées.

Soyons lucides, mes chers collègues : si la marche à franchir est gigantesque pour toutes nos entreprises industrielles, elle pourrait même être pour certaines d’entre elles insurmontable. Comme cela a été dit, la décarbonation à grande échelle des processus de fabrication de ciment, d’acier, d’aluminium ou encore de certains produits chimiques est aujourd’hui techniquement impossible.

Or, dans le même temps, le prix de la tonne de carbone et le montant des pénalités s’envolent à mesure que décroît le nombre de quotas d’émissions qui sont mises en circulation sur le marché européen. À défaut d’une solution de remplacement, ces productions de base essentielles au fonctionnement de notre économie pourraient se voir prises au piège d’émissions à la fois élevées, incompressibles et de plus en plus coûteuses.

Il paraît dès lors indispensable de recourir à toutes les solutions à notre disposition, sans en négliger aucune. Cela inclut évidemment les technologies de capture et de stockage du carbone, qui peuvent jouer un rôle essentiel en offrant à certaines industries une solution crédible pour continuer à produire tout en respectant les obligations climatiques.

Grâce à elles, ce sont en effet 4 à 9 millions de tonnes de carbone qui pourraient être captées chaque année sur les sites industriels français à partir de 2030. En 2050, ce volume pourrait passer à 15, voire 20 millions de tonnes annuelles.

Alors que les technologies de capture sont désormais techniquement matures et que leur rentabilité ne fait que se renforcer, le bénéfice économique et environnemental de ces technologies devient chaque jour plus évident.

Toutefois, encore faut-il que le carbone capté puisse être séquestré. Comme plusieurs collègues avant moi, je ne puis naturellement que regretter le retard coupable pris par notre pays, qui sera loin de disposer de capacités de stockage suffisantes dans les prochaines années. On ne peut qu’exhorter l’État et les acteurs de la filière à résorber ce retard au plus vite et, plus généralement, à déployer une stratégie offensive sur l’ensemble de la chaîne de valeur du carbone, monsieur le ministre.

En tout état de cause, d’ici à ce que des sites de stockage voient le jour sur notre territoire, l’exportation de notre CO2 vers des sites opérationnels en mer du Nord est bien la seule solution viable. À défaut, les projets de capture actuellement développés seront remis en cause.

L’amendement au protocole de Londres qui nous est soumis aujourd’hui rend possible sans délai cette exportation. Le groupe Les Républicains soutiendra résolument sa ratification.

Chaque étape de la mise en œuvre de ces technologies devra faire l’objet d’un suivi environnemental particulièrement exigeant, comme c’est le cas de toute activité industrielle lourde. La nature inerte du CO2, la maîtrise des mesures de prévention des incidents, l’expérience technique héritée du secteur énergétique, la robustesse des cadres légaux existants ou encore la rigueur des pays avec lesquels des partenariats sont envisagés permettent toutefois d’aborder cet aspect avec une certaine sérénité.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, les technologies de captage et le stockage du carbone ne constituent évidemment pas une solution miracle qui nous dispenserait de consentir les efforts nécessaires à la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. Elles ne remplaceront pas plus la sobriété et l’efficacité énergétique que le déploiement des énergies décarbonées ou la préservation des puits de carbone naturels.

Ces technologies constituent toutefois un complément utile et parfois indispensable pour tenter de concilier ambition climatique et impératif socio-économique. Si s’en remettre uniquement au captage et au stockage serait une erreur, s’en détourner par principe serait une faute. Le défi climatique, immense, exige en effet que nous utilisions tous les outils à notre disposition.

Adopter ce projet de loi de ratification n’équivaut nullement à accorder un blanc-seing. Il s’agit, au contraire, de soutenir un cadre clair et cohérent. Il s’agit d’avancer avec pragmatisme, en donnant à la science et à l’innovation leur juste place dans notre stratégie climatique. Il s’agit de permettre à la France de tenir ses engagements.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, il s’agit en somme d’un choix de responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Georges Patient. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner les conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte technique autorisant la France à ratifier un amendement au protocole de Londres.

La ratification dudit amendement par un État permet à celui-ci d’exporter du dioxyde de carbone capté sur son territoire, afin de le stocker de manière sûre dans des formations géologiques du sous-sol marin situées dans un autre pays. Si, à première vue, une telle disposition peut paraître assez spécifique, elle constitue un élément clé de notre stratégie pour atteindre la neutralité carbone.

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), autorité scientifique internationale sur le climat, admet en effet sans ambiguïté que, dans presque tous les scénarios compatibles avec l’accord de Paris, il nous faudra recourir au captage et au stockage du CO2, en complément de toutes les autres actions – sobriété, énergies renouvelables, électrification, etc.

Il s’agit donc non pas d’une solution de remplacement, mais d’un outil, parmi d’autres, pour traiter les émissions dites incompressibles, c’est-à-dire celles que l’on ne pourra pas éviter, même avec les meilleures technologies. C’est notamment le cas pour la fabrication du ciment, la sidérurgie ou certaines activités chimiques, qui sont autant de secteurs stratégiques pour notre économie. Nous devons donner à ces filières des solutions crédibles pour réduire leur empreinte carbone. Le stockage du CO2 en est une.

Contrairement à nos voisins européens, en particulier la Norvège ou le Danemark, la France ne dispose pas encore de sites opérationnels pour stocker le CO2. Ce texte nous permettra de coopérer dès maintenant avec ces pays dans un cadre strictement délimité. Le protocole prévoit en effet des conditions claires : accords entre les États, contrôles rigoureux des sites, garanties environnementales, etc. Il s’agit non pas de nous décharger de notre responsabilité, mais de travailler avec nos partenaires.

En tant que sénateur de Guyane, un territoire constitué à 96 % de forêts, je tiens toutefois à rappeler qu’il existe une autre méthode, beaucoup plus naturelle et peu énergivore, pour stocker le CO2 : il s’agit de l’exploitation forestière pour la production de bois d’œuvre. Avant de brûler, la charpente de la cathédrale Notre-Dame de Paris stockait du carbone depuis huit cents ans.

M. Philippe Folliot, rapporteur. C’est vrai !

M. Georges Patient. En incitant fortement le secteur du bâtiment à diminuer l’utilisation du ciment ou de l’acier pour leur substituer le bois sous toutes les formes possible – panneaux massifs ou lamellés, briques en bois, laine de bois –, nous pourrions réduire drastiquement l’empreinte carbone de ce secteur, dont les émissions constituent 23 % de nos émissions de CO2, ce qui en fait le troisième émetteur de gaz à effet de serre de notre pays.

Un mètre cube de bois séquestrant une tonne de CO2, les presque 20 000 mètres cubes de bois neuf produits tous les ans dans notre pays permettent de stocker 20 mégatonnes de CO2.

Néanmoins, comment se satisfaire de ces chiffres ? À force de précautions, de prévention, de manque d’ambition, la production stagne. Nous produisons même moins qu’en 2018 ! Avec une production de 80 000 mètres cubes de bois de tout type par an, la Guyane produit moins que l’ensemble des régions de l’Hexagone, alors qu’elle possède 8 millions d’hectares de forêt, soit la moitié de ce que compte la France hexagonale, qui en possède 16,7 millions d’hectares.

Où en sont les plans bois et le contrat de filière ? Quel en est le bilan ? En tant que Guyanais, je ne comprends pas comment une filière aussi stratégique pour l’adaptation au changement climatique peut végéter de la sorte. J’ai du reste alerté votre collègue ministre de la transition écologique sur les risques que fait peser sur la filière guyanaise du bois le nouveau règlement européen 2023-1515 contre la déforestation importée, monsieur le ministre.

Oui, ce texte est important. Il nous permettra de commencer à stocker du carbone avant de disposer de nos propres sites dédiés. Il nous dote d’un levier de plus pour respecter nos engagements. C’est pourquoi le groupe RDPI y est favorable et le votera.

Toutefois, ce projet de loi ne saurait se substituer aux nécessaires efforts de réduction de nos émissions et il ne doit surtout pas réduire nos ambitions de développement de la filière bois.

Mme la présidente. La parole est à M. André Guiol, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. André Guiol. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi autorisant la ratification d’une résolution importante adoptée en 2009 par les parties au protocole de Londres de 1996.

Ce texte vise à amender l’article 6 du protocole susvisé, afin d’autoriser, sous des conditions strictes, l’exportation transfrontalière de dioxyde de carbone capté dans l’atmosphère en vue de sa séquestration dans des formations géologiques sous-marines.

L’Assemblée nationale a rejeté ce projet de loi en raison de réserves relatives à la temporalité de celui-ci, à la portée des garanties environnementales, jugées insuffisantes et à l’absence d’une stratégie nationale pleinement opérationnelle en matière de captage et de stockage du carbone.

Le Sénat, pour sa part, s’est prononcé en faveur de la ratification de cet amendement, estimant qu’il s’agissait d’un outil utile pour atteindre nos objectifs climatiques.

La commission mixte paritaire a permis de surmonter les désaccords initiaux. Si les débats ont permis de clarifier les objectifs poursuivis, elle n’a modifié ni le fonds ni la portée juridique du texte.

À défaut de solutions domestiques opérationnelles, le dispositif proposé est un mécanisme de transition destiné à rendre juridiquement possible, à court terme, le recours à des capacités de stockage situées hors de nos frontières.

Soyons clairs, mes chers collègues : cette ratification ne constitue nullement l’octroi d’un blanc-seing à une technologie ; elle ne règle pas le retard français en matière de stockage géologique et elle ne saurait être le prétexte à un contournement des efforts structurels de réduction des émissions industrielles. Mais elle permet d’éviter un blocage immédiat et disproportionné de projets industriels déjà engagés dans le cadre du soutien européen au redéploiement de la stratégie nationale de capture, de stockage et de valorisation du carbone.

Le RDSE soutient une transition écologique ambitieuse, mais lucide, qui tienne compte des réalités industrielles et territoriales. Certaines filières comme la cimenterie, la chaux ou la sidérurgie ne disposent à court terme qu’aucune solution pleinement décarbonée. Il serait irresponsable de les condamner.

Le captage et le stockage du carbone peuvent constituer une voie d’accompagnement transitoire, à condition d’être encadrés de manière rigoureuse et assortis de garanties solides en matière de conséquences environnementales et de suivi public.

Les industriels qui investissent massivement dans la décarbonation ont en outre besoin de visibilité et de stabilité pour poursuivre leurs efforts.

L’amendement à l’article 6 du protocole de Londres vise à instaurer une dérogation juridique au principe de non-exportation des déchets pour immersion. Précisons tout de même que cette dérogation est encadrée : elle ne vaut que pour les flux de CO2 destinés à la séquestration géologique, dans le cadre d’accords bilatéraux détaillés et équilibrés. Elle doit donc rester exceptionnelle, proportionnée et temporaire.

Restons tout de même vigilants, mes chers collègues.

Veillons à ce que le stockage du carbone ne devienne pas une solution de facilité ou un nouveau maillon de l’externalisation environnementale.

Veillons à ce que la mer, bien commun fragile, ne soit pas le réceptacle passif de nos impasses technologiques.

Veillons à l’adoption, au plus vite, d’une véritable stratégie de stockage souveraine, crédible et contrôlée par notre pays.

Par ailleurs, à la veille de la conférence des Nations unies sur l’océan, qui se tiendra à Nice, le contexte international nous oblige à la cohérence. Nos choix législatifs devront refléter les options de préservation des milieux marins que nous défendons à l’échelon mondial. En effet, ratifier cet accord, c’est rendre possible une coopération encadrée avec des partenaires d’Europe du Nord tels que la Norvège ou le Danemark.

Pour toutes ces raisons, le groupe RDSE votera les conclusions de la commission mixte paritaire. Nous continuerons de porter une écologie de responsabilité qui conjugue ambition climatique, exigence environnementale et justice industrielle. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Union Centriste.

M. Philippe Folliot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite revenir sur quelques points soulevés par les précédents orateurs.

Vous avez souligné à juste titre les conséquences économiques et industrielles de l’inaction, monsieur le ministre. J’estime qu’il faut être cohérent : on ne peut pas, d’un côté, se battre pour la réindustrialisation de notre pays et, de l’autre, mettre les industriels dans une situation inextricable. Ne rien faire reviendrait en effet à ne donner à un certain nombre d’activités rentables implantées sur notre territoire aucune possibilité de s’en sortir, sinon par la délocalisation.

Serait-ce écologiquement plus vertueux ? Je pose la question à nos collègues écologistes : est-il préférable d’importer du ciment de l’autre bout de la planète ou de le produire sur le territoire national ?

Je rejoins par ailleurs mon collègue Chevalier : il est en effet regrettable que, à défaut de capacités de stockage souveraines, nous soyons obligés de nous tourner vers le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Norvège. Ces pays ont pris de l’avance sur le nôtre en convertissant des gisements de gaz épuisés en sites de stockage de CO2. En France, deux sites pourraient accueillir de tels équipements : la région située autour de la commune de Lacq, en Aquitaine, et le bassin parisien.

Les propos que vous avez tenus à ce sujet valent leur pesant d’or, chère collègue Ollivier ! Vous avez en effet indiqué qu’il serait préférable de stocker les déchets chez nous plutôt qu’ailleurs. J’attends donc avec intérêt votre réaction si, demain, des projets voient le jour sur le territoire hexagonal, dans la région de Lacq ou dans le bassin parisien. Lorsque les organisations écologistes que vous soutenez protesteront, nous passerons en boucle vos propos de cette après-midi, qui me paraissent du reste tout à fait judicieux !

Vous vous êtes par ailleurs satisfaite du rejet de ce texte par l’Assemblée nationale, ma chère collègue, rejet qui aurait permis de mettre au jour la stratégie du Sénat consistant à adopter ce projet de loi en catimini. Les bras m’en tombent, car, lors des travaux de la commission, les représentants de votre groupe ne se sont nullement exprimés et ils n’ont pas voté contre ce texte !

Je vous rappelle du reste que, au titre de l’article 47 ter de notre règlement, tout président de groupe peut saisir la conférence des présidents d’une demande de retour à la procédure normale pour un texte faisant l’objet d’un examen simplifié. Or votre groupe ne l’a pas fait lors de la première lecture de ce texte par notre assemblée.

De grâce, soyons sérieux ! Vous ne pouvez pas nous reprocher l’examen de ce texte selon la procédure de législation en commission, alors même que votre groupe ne s’est pas saisi de la possibilité de demander le retour à la procédure normale prévue par notre règlement !

Je ne reviendrai pas sur l’évaluation du coût de l’infrastructure dont la construction est envisagée dans la vallée du Rhône. En tant que rapporteur, ces éléments ne m’ont pas été transmis, alors que je les ai demandés. Je ne sais donc pas comment vous les avez obtenus, mais j’en suis preneur, ma chère collègue.

En tout état de cause, comme bien souvent, tout cela procède de votre volonté de jouer sur les peurs… (Protestations sur les travées des groupes GEST et CRCE-K.)

Mme Mathilde Ollivier. Nous, nous jouons sur les peurs ?

M. Pascal Savoldelli. En la matière, regardez plutôt de l’autre côté de l’hémicycle !

M. Philippe Folliot. … et de nous conduire à ne pas prendre les responsabilités qui nous incombent au regard des conséquences économiques, sociales et environnementales de l’inaction.

Le groupe Union Centriste votera ce texte avec conviction. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Cédric Chevalier applaudit également.)

Mme la présidente. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix le projet de loi autorisant la ratification de la résolution LP.3(4) portant amendement de l’article 6 du protocole de Londres de 1996 à la convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets et autres matières, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

(Le projet de loi est adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de la résolution LP.3(4) portant amendement de l'article 6 du Protocole de Londres de 1996 à la Convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets et autres matières
 

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Dossier législatif : projet de loi portant création de l'établissement public du commerce et de l'industrie de la collectivité de Corse
Article 1er

Création de l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse

Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant création de l’établissement public du commerce et de l’industrie de la collectivité de Corse (projet n° 552, texte de la commission n° 645, rapport n° 644).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux d’être avec vous cet après-midi pour vous présenter un texte très attendu par la Corse et par ses habitants, aboutissement d’un travail collectif qui a mobilisé le Gouvernement et les élus corses au cours des derniers mois, je dirais même des dernières années.

Permettez-moi tout d’abord d’énoncer une évidence : la Corse est une île. Cette spécificité fondamentale doit être prise en compte dans la plupart des décisions de la puissance publique, qu’il s’agisse de l’État ou de la collectivité de Corse.

Cette spécificité géographique justifie une adaptation de nos politiques publiques. Elle impose notamment qu’une attention particulière soit portée à la desserte, maritime comme aérienne, du territoire corse. En vertu du principe de continuité territoriale, il nous faut en effet garantir aux habitants de la Corse un accès au continent.

La desserte constitue par ailleurs un enjeu essentiel de la vitalité économique de ce territoire, où le poids du tourisme dans la richesse produite est cinq fois plus important que dans le reste du territoire français. La bonne gestion et la sécurité des ports et aéroports de Corse sont à ce titre impératives. Comme les élus corses, nous estimons que la maîtrise d’ouvrage doit revenir à la puissance publique. Elle seule peut en effet garantir une vision de long terme et le souci du bien commun.

Tel est le point de départ du travail qui a été présidé au projet de loi que vous examinez aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs. Celui-ci découle du reste pour partie d’orientations qui guidaient déjà le législateur.

Avant d’aborder le détail du texte, je tiens à vous remercier, madame la rapporteure, chère Olivia Richard, de vos travaux et de la qualité de nos échanges. En commission, vous avez proposé d’introduire d’utiles précisions. Comme vous le savez – nous y reviendrons –, je vous proposerai d’ajuster l’une de ces dispositions.

Comme vous l’avez souligné à juste titre dans votre rapport, ce projet de loi est nécessaire et il est attendu.

Il est nécessaire, tout d’abord, parce qu’il s’inscrit dans la continuité du processus qui a commencé lors de la création de la collectivité unique de Corse le 1er janvier 2018. Depuis cette date, il incombe à la collectivité d’assumer des compétences en matière de développement économique et de continuité territoriale.

Cette orientation a été confirmée et déclinée par le législateur dans le cadre de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte. Celle-ci a prévu une évolution institutionnelle et statutaire des chambres consulaires, afin de s’assurer de la coordination des intérêts des forces vives de l’île. Il s’agissait de donner à la collectivité de Corse les pleins moyens des compétences qui sont les siennes.

Ce projet de loi est attendu, ensuite, car il s’appuie sur une concertation étroite entre les services de l’État, la collectivité de Corse et, je ne l’oublie pas, la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Corse. À cet égard, je remercie la collectivité et son président, qui s’est investi personnellement, mais également le président de la CCI d’avoir produit cet effort collectif. J’associe à ces remerciements les représentants syndicaux ayant participé à la concertation.

Permettez-moi également de saluer la ministre Catherine Vautrin, qui avait lancé ces échanges avec l’aide du préfet de Corse.

De nombreuses réunions, échanges et déplacements ont rendu possible l’examen cet après-midi de ce projet de loi. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’Assemblée de Corse a émis en mars dernier un avis favorable sur ce texte, et ce à l’unanimité.

Le fruit de ce travail de concertation est un texte équilibré et de bon sens, sécurisé techniquement et juridiquement. Il crée un nouveau type d’établissement sui generis, c’est-à-dire adapté aux spécificités locales, unique en France.

L’ambition fondamentale qui le sous-tend est d’apporter des garanties fortes à la population, la garantie d’une maîtrise d’ouvrage publique des infrastructures, la garantie des intérêts des agents dans le cadre du dialogue social et la garantie de la qualité du service pour les citoyens.

À cet effet, ce texte a vocation à créer un établissement public, placé sous la tutelle de la collectivité de Corse, qui reprendra les missions et attributions de la chambre de commerce et d’industrie. Je voudrais saluer encore une fois le rôle central que joue pleinement la CCI de Corse dans le développement économique de l’île, en particulier dans le domaine de la gestion portuaire et aéroportuaire.

En effet, le port de Bastia et les aéroports d’Ajaccio, de Bastia, de Calvi et de Figari sont gérés depuis plusieurs années par la CCI, dans le cadre de délégations de service public (DSP). Ces DSP sont arrivées à leur terme le 31 décembre 2024. Elles ont été prolongées pour une année à titre exceptionnel, mais cette situation ne peut perdurer dans le cadre juridique actuel.

Aussi convenait-il de bâtir une structure juridiquement solide, qui reprenne le périmètre des activités antérieures, les infrastructures et les personnels. Cette structure doit instaurer un lien de quasi-régie garantissant le contrôle de la collectivité sur les grandes décisions stratégiques à venir. Ainsi, les élus de la collectivité de Corse seront majoritaires au conseil d’administration de cet établissement public, qui doit être créé au 1er janvier 2026.

Pardonnez-moi d’entrer dans les détails techniques, mais ceux-ci sont fondamentaux pour comprendre le choix de cet établissement public.

Le Conseil d’État, dans sa sagesse éclairée et fort de son expertise juridique approfondie, a estimé qu’il n’était pas du ressort de la loi de décider de la nature ou administrative ou industrielle et commerciale de l’établissement public. Cette préconisation me semble rejoindre l’objectif général : laisser aux acteurs locaux le soin de décider de l’organisation la plus pertinente.

Le futur établissement public reprendra l’ensemble des missions obligatoires de la CCI, auxquelles sera explicitement ajoutée la gestion des ports et des aéroports de Corse.

Enfin, le personnel et les biens de la CCI seront transférés de droit et à titre gratuit à cet établissement. Autrement dit, ce transfert ne donnera lieu au paiement d’aucun impôt, droit, taxe ou contribution.

Du point de vue financier, l’opération est neutre et même bénéfique pour la Corse : l’établissement public récupérera l’intégralité des recettes de la CCI issues des contributions des entreprises, y compris les transferts du réseau CCI France, et il recevra une compensation pour la charge de la tutelle précédemment assumée par l’État. En somme, il sera exonéré de frais administratifs.

Le texte prévoit que le conseil d’administration de l’établissement public sera composé, en majorité, de représentants élus de l’Assemblée de Corse, mais aussi de représentants des professionnels élus et – Mme la rapporteure et moi-même y tenions –, à titre consultatif, de représentants du personnel.

Sur ce sujet de la gouvernance, je serai favorable aux amendements de Mme la rapporteure, qui tendent à apporter deux précisions bienvenues.

Le premier vise à garantir au président du conseil exécutif la présidence de l’établissement public ou la possibilité, s’il le souhaite, de la conférer à un membre du conseil exécutif. Il peut en effet sembler évident que la gestion d’une structure de cette importance revienne de droit au président et qu’il en assume personnellement la responsabilité.

Le second a pour objet de permettre aux conseillers exécutifs, en particulier en tant que présidents d’agences – sauf erreur de ma part, il y en a trois –, de siéger au conseil d’administration avec voix délibérative. Il est naturel que les élus directement concernés par les sujets de transport, de tourisme et de développement économique soient associés.

Je souscris donc à ces précisions qui pourront, je l’espère, recueillir votre assentiment.

Je salue également les ajouts effectués en commission, afin de prévoir la présence des représentants du personnel au conseil d’administration avec voix consultative et de limiter à vingt le nombre d’élus consulaires de la CCI. En effet, pour être réellement opérationnel, un conseil d’administration doit être assez ouvert pour être représentatif, mais aussi assez resserré pour garantir la qualité du dialogue.

Enfin, madame la rapporteure, je salue l’adoption en commission de votre amendement tendant à remplacer le comité social territorial par un comité social et économique (CSE). Cette mesure répond tout à fait aux demandes des partenaires sociaux.

En vue de la discussion qui va s’ouvrir, je défendrai un unique amendement sur le délai de renégociation des accords. Le texte prévoyait initialement un délai de dix-huit mois pour la renégociation des conventions, des accords et des engagements unilatéraux conclus au sein de la CCI de Corse. Celui-ci s’achevait donc, de mémoire, en juillet 2027.

Par souci de sécurisation juridique et pour aider la collectivité à conduire un bon dialogue social, il me semble important à la fois de conserver un délai et d’allonger celui qui était prévu. Au reste, l’avis du Conseil d’État nous y invite.

Après réflexion et compte tenu de nos échanges avec les représentants de la collectivité unique de Corse, dans la continuité du dialogue que nous entretenons depuis toujours avec celle-ci, il semble qu’un délai de quatre ans réponde à l’objectif, tout en laissant aux partenaires sociaux le temps dont ils ont besoin.

Il s’agit à mon sens d’un bon compromis entre la proposition de la commission et les préconisations du Conseil d’État. Aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère que cet ajustement recueillera également votre assentiment.

Par ailleurs, d’aucuns demandent à intégrer, à terme, la chambre de métiers et de l’artisanat (CMA) de Corse à ce nouvel établissement public. Permettez-moi d’apporter quelques précisions en réponse à cette demande.

Si cette perspective, esquissée dans la loi Pacte, mérite effectivement d’être étudiée techniquement, elle mérite également une concertation de même nature et de même qualité que celle que nous avons conduite avec la CCI. Dans l’immédiat, il est indispensable de créer l’établissement public dans les meilleurs délais. Nous n’avons que trop traîné ! Cette intégration pourra être envisagée dans un second temps.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je souhaitais vous dire avant de débuter l’examen des articles de ce projet de loi, qui, vous l’aurez compris, a vocation à mettre fin à la situation juridique actuelle, qui ne pouvait être que transitoire.

J’y insiste, ce texte doit être examiné et, je le souhaite, adopté rapidement pour que l’établissement public soit constitué d’ici au 31 décembre, de sorte que le transfert des personnels s’effectue dans les meilleures conditions. Je sais que c’est un point auquel vous êtes tous sensibles.

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Olivia Richard, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui constitue l’aboutissement d’un long processus politique de réflexion et de négociation entre les représentants de la collectivité de Corse, les responsables de la CCI de Corse et l’État.

Il a pour principal objectif de rattacher la chambre de commerce et d’industrie de Corse à la collectivité insulaire. À cette fin, il prévoit la création d’un établissement public sui generis ayant vocation à reprendre l’ensemble des missions de la CCI de Corse et placé sous la tutelle de la collectivité.

Lorsque nous l’avons reçu en audition, le président du conseil exécutif de la collectivité de Corse, Gilles Simeoni, a souligné l’importance de ce travail, tant du point de vue institutionnel que du point de vue humain. Il a insisté sur l’aspect stratégique que revêtait pour la Corse cette étape décisive.

Permettez-moi, mes chers collègues, de saluer sa présence en tribune, ainsi que celle du président de la CCI, Jean Dominici et de son directeur général, Philippe Albertini. La présidente de l’Assemblée de Corse et des représentants des syndicats de personnels sont également présents. Si nous en doutions, l’importance capitale de ce projet de loi pour la Corse se trouve ainsi confirmée.

La Corse est dignement représentée dans cet hémicycle. Je salue et remercie ses deux sénateurs, Paul Toussaint Parigi et Jean-Jacques Panunzi, qui m’ont guidée et éclairée tout au long de mes auditions. Les routes corses sont très belles, mais elles peuvent être sinueuses. (Sourires.) Leurs avis m’ont été précieux ; qu’ils en soient remerciés.

Il me faut également souligner la volonté d’aboutir du ministre François Rebsamen, dont l’engagement dans ce processus a été salué par les acteurs intéressés. Je l’en remercie également.

Ce texte a vocation à permettre à la collectivité de confier au nouvel établissement la gestion des ports et des aéroports de l’île, sans mise en concurrence préalable. Avant d’aborder plus en détail le contenu du projet de loi et les modifications apportées par la commission, permettez-moi de revenir brièvement sur sa genèse et son cheminement.

Depuis la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse, la collectivité de Corse dispose de larges compétences en matière de développement économique et de continuité territoriale. En application de ce même texte, elle est également devenue propriétaire des principales infrastructures portuaires et aéroportuaires de l’île.

En 2005 et 2006, elle a fait le choix d’en concéder la gestion à la CCI de Corse, et cela pour une durée initiale de quinze ans. Actuellement, plus de 90 % des activités de la CCI de Corse sont liées à la gestion des ports et des aéroports, qui mobilise la quasi-totalité des plus de mille agents employés par l’établissement.

À compter de 2018, la collectivité de Corse est devenue une collectivité unique exerçant à la fois les compétences des régions et celles des départements. S’est ensuivie une réflexion sur l’évolution institutionnelle du réseau consulaire de l’île, afin que celui-ci corresponde au mieux aux institutions publiques locales.

L’article 46 de la loi Pacte de 2019 a alors posé le principe d’une telle réflexion politique et juridique, en prescrivant la conduite d’une étude conjointe entre la collectivité, l’État et les chambres consulaires. Cette étude, publiée en 2022, préconisait à titre principal une absorption de la CCI de Corse et de la chambre régionale des métiers et de l’artisanat au sein d’un établissement public placé sous la tutelle de la collectivité de Corse.

Si, jusqu’alors, la réforme envisagée n’avait pas encore trouvé de traduction législative, une échéance de court terme est venue accélérer le processus : la fin des contrats de concession conclus avec la CCI. En effet, ceux-ci ont déjà été prolongés à deux reprises : une première fois au 31 décembre 2024, puis, dans l’attente de l’évolution législative permettant la modification institutionnelle escomptée, une seconde fois au 31 décembre 2025.

Si ce projet de loi n’entrait pas en vigueur avant cette échéance, une mise en concurrence deviendrait nécessaire pour le renouvellement des contrats de concession, dans un délai extrêmement contraint. Ce n’est évidemment pas envisageable, tant la maîtrise du tourisme et des importations sont synonymes de liberté pour la Corse.

J’en viens au contenu du projet de loi, auquel la commission a apporté plusieurs ajustements.

L’essentiel du dispositif est prévu par l’article 1er, qui détermine les missions, les ressources financières, le statut et les institutions représentatives du personnel de l’établissement public. En ce qui concerne les ressources financières et les missions de cette nouvelle structure, l’article s’inspire très largement des dispositions du code de commerce applicables à l’ensemble des CCI régionales.

Le nouvel établissement exercera ainsi les mêmes fonctions qu’une CCI classique, à commencer par sa mission générale de représentation des intérêts des secteurs professionnels auprès des pouvoirs publics. En parallèle, l’article 3 confie au président de l’établissement la compétence en matière de délivrance des cartes professionnelles d’agent immobilier.

En outre, la nouvelle personne morale bénéficiera des mêmes ressources que la CCI de Corse, à commencer par la fraction de la taxe pour frais de chambre, qu’elle percevra grâce à son intégration au réseau CCI France, prévue à l’article 2. Je précise que cette mesure impliquera une modification du code général des impôts (CGI) dans la prochaine loi de finances.

Concernant le statut du personnel, seuls des salariés de droit privé pourront être recrutés par l’établissement, dans les conditions prévues par le code du travail.

Afin de tenir compte de la demande unanime des représentants de la CCI et de la collectivité de Corse, qui ont exprimé le souhait de conserver leur modèle de dialogue social actuel, la commission a remplacé le comité social et territorial initialement prévu par un comité social et économique de droit commun. Cette instance exercera ses attributions à l’égard de l’ensemble du personnel de l’établissement public, quel que soit son statut.

Je précise que l’établissement a vocation à reprendre les 1 026 agents actuellement employés par la CCI de Corse, ce qui portera à près de 7 000 le nombre total d’agents que comptent la collectivité de Corse et l’ensemble des agences et offices placés sous sa tutelle.

En ce qui concerne la gouvernance de l’établissement, son conseil d’administration comptera deux catégories de membres : des conseillers à l’Assemblée de Corse, qui devront y être majoritaires, afin de garantir le contrôle de la collectivité sur son établissement ; et des représentants des professionnels, désignés lors des élections consulaires de droit commun.

L’article 1er précise, à ce stade, que le président de l’établissement sera désigné par le président du conseil exécutif de la collectivité de Corse parmi les membres de ce même conseil exécutif.

Pour finir, l’article 4 du projet de loi comporte des mesures transitoires destinées à sécuriser la mise en place du nouvel établissement, qui devra remplacer la CCI de Corse au 1er janvier 2026. Il prévoit notamment la reprise, par cet établissement, de l’ensemble des personnels, biens, droits et obligations de la CCI de Corse.

La commission a apporté à cet article deux modifications principales, visant à faciliter la mise en place de l’établissement.

D’une part, elle a prévu la reprise, par principe, par le nouvel établissement des différents accords en vigueur dans la CCI, en supprimant le délai de dix-huit mois initialement imposé pour leur renégociation.

D’autre part, la commission a réduit le nombre d’élus consulaires qui siégeront au conseil d’administration de l’établissement au cours de la période transitoire allant de janvier à novembre 2026, correspondant aux prochaines élections consulaires.

Alors que les quarante membres de la CCI devaient initialement y siéger, la commission a réduit cet effectif à vingt. De la sorte, la collectivité n’aura pas à désigner quarante et un élus l’Assemblée de Corse, ce qui aurait porté l’effectif du conseil d’administration à plus de quatre-vingt-un membres, avec toutes les difficultés pratiques que cela implique.

Mes chers collègues, comme je vous l’indiquais en préambule, un constat s’est imposé à la commission au cours de ses travaux : le projet de loi que nous examinons intervient à l’issue d’un long processus et fait l’objet d’un large consensus parmi l’ensemble des acteurs intéressés.

En tout état de cause, l’objectif final est de sécuriser une gestion publique des ports et des aéroports de la Corse, qui constituent des infrastructures hautement stratégiques du fait des spécificités liées à l’insularité. En effet, nul ne l’ignore, la Corse est une île.

En raison des caractéristiques économiques et géographiques de la Corse, la gestion de ces infrastructures revêt en effet une dimension stratégique indéniable. Quelques données suffisent à s’en convaincre : le secteur du tourisme représente 40 % du PIB régional, tandis que 95 % des denrées alimentaires consommées sur place sont importées.

Le président du conseil exécutif, Gilles Simeoni, estime ainsi qu’il est « inenvisageable que les portes d’entrée de l’île soient gérées par des entités privées ayant pour seul objectif la rentabilité de leur activité ».

Je vous propose donc, mes chers collègues, d’approuver la création de ce nouvel établissement sui generis, sous réserve de l’adoption de deux amendements de la commission visant à en améliorer la gouvernance.

En premier lieu, la commission juge préférable de préciser que l’établissement pourra bien être présidé par le président du conseil exécutif de Corse ou, à défaut, par un conseiller exécutif qu’il aura désigné pour assurer cette fonction.

En second lieu, je vous présenterai un amendement dont l’objet est de permettre à certains membres du conseil exécutif de Corse d’être désignés pour siéger au conseil d’administration. Cet ajout a pour objectif d’associer à la gouvernance les présidents des agences et offices de la collectivité de Corse, dont les missions sont étroitement liées au champ d’action de l’établissement, à savoir l’Agence de développement économique de la Corse (Adec), l’Office des transports de la Corse (OTC) et l’Agence du tourisme de la Corse (ATC).

Sous réserve de ces derniers ajustements, je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter le projet de loi portant création de l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela ne fait pas de doute, le projet de loi que nous étudions aujourd’hui sera adopté. Il devrait emporter un consensus large sur nos travées, si ce n’est l’unanimité, et c’est une bonne chose.

Ce texte, sur lequel l’Assemblée de Corse a émis à l’unanimité un avis favorable en mars dernier, supprime la tutelle de l’État sur la chambre de commerce et d’industrie du territoire. Le groupe écologiste salue cette mesure, qui n’est toutefois selon lui qu’une première étape.

En créant un établissement public à caractère industriel et commercial, à travers un mécanisme de quasi-régie, ce projet de loi transfère les missions de la chambre de l’État vers la collectivité de Corse.

L’arrivée à échéance au 31 décembre 2025 des contrats de concessions portuaires et aéroportuaires en vigueur conclus avec la CCI a rendu nécessaire ce transfert de compétence. Celui-ci est à la fois un moyen d’entériner une évolution institutionnelle de la Corse et un impératif majeur pour que l’île conserve la gestion de ces infrastructures stratégiques et pour éviter, dans un contexte de forte dépendance de son tissu économique au tourisme et au commerce extérieur, une ouverture à la concurrence privée.

Concrètement, l’établissement créé par ce projet de loi reprendra les missions déjà exercées par la CCI Corse, en conservant – nous y serons attentifs – ses moyens, le personnel qu’il emploie et ses statuts.

Si ce texte est nécessaire, nous tenons à rappeler, en tant qu’écologistes, qu’il ne constitue qu’un premier jalon – un petit jalon – sur le chemin des engagements que nous avons pris auprès du peuple corse. Nous ne devons pas perdre de vue les enjeux globaux qui se jouent ici. Notre rôle est d’y répondre.

Un processus a été engagé avec la création de la collectivité unique en 2018. En 2019, la loi Pacte a prévu un processus global de transfert de compétences de l’État vers la collectivité de Corse. Puis, en mars 2024, un accord a été conclu dans le cadre du processus de Beauvau.

Ce processus politique global doit aboutir, et pleinement. L’accord issu du processus de Beauvau, qui a été approuvé à la quasi-unanimité par l’Assemblée de Corse, ouvre la voie à un véritable statut d’autonomie dans la République, conformément aux revendications démocratiques des Corses.

Il constitue aussi une perspective de débouché politique et démocratique pour celles et ceux qui ont choisi, en Corse, de défendre les revendications autonomistes dans le rejet de la violence et dans le respect de la démocratie. Or, en tant que responsables politiques, nous avons la responsabilité historique de garantir un tel débouché. L’État a pris des engagements, et la représentation nationale se doit d’être la garante de l’aboutissement de ce processus.

En effet, ce qui se joue ici va bien au-delà de l’évolution institutionnelle de la Corse. Il y va de la capacité de la France à faire aboutir un processus négocié, mature, qui réponde pacifiquement aux aspirations légitimes d’autonomie, y compris d’autonomie normative.

Je vis en partie en Belgique, qui est un État fédéral, et je puis vous garantir que, aux yeux de l’immense majorité des États européens, les revendications autonomistes des Corses sont tout sauf déraisonnables. En réalité, elles sont même en deçà des compétences dont disposent de nombreuses régions d’autres pays européens.

Pour que ce processus aboutisse, nous devons sortir de la politique des petits pas. Au fil des dernières décennies, la Corse s’est vue reconnaître, par tâtonnement, la possibilité de déroger au droit commun dans certains domaines très spécifiques. Sur 72 demandes d’adaptation des normes, le Gouvernement n’a répondu positivement que 13 fois.

De gros efforts de consensus ont été concédés. Nous ne pouvons pas décevoir les parties prenantes. Nous ne pouvons pas reculer. Nous ne pouvons pas faillir. Nous devons faire évoluer la République pour que puissent s’épanouir, dans le respect, les aspirations légitimes à plus d’autonomie.

Enfin, nous devrons nous montrer capables de mener à bien une réforme constitutionnelle qui réponde de manière démocratique aux aspirations populaires exprimées par les Corses, conformément aux engagements politiques de l’État.

Dans l’attente de cette réforme et d’une résolution par le haut d’une situation que nous avons tous intérêt à appréhender dans sa globalité, le groupe écologiste votera bien évidemment en faveur de ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche.

M. Éric Kerrouche. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui est d’apparence technique, mais son adoption représenterait un moment important pour la Corse, « cette île, si singulière, qui résiste au temps comme aux interprétations », selon les mots de Claude Arnaud.

Ce texte est aussi important s’agissant de notre conception de la décentralisation. En créant un établissement public du commerce et de l’industrie propre à la collectivité de Corse, il donne corps à une idée forte : les territoires doivent pouvoir maîtriser les leviers essentiels de leur développement économique.

Cette réforme consensuelle est attendue depuis longtemps par les acteurs insulaires, alors que les études la concernant sont terminées depuis 2022. Elle s’inscrit à la fois dans le processus engagé en 2018 par la création de la collectivité unique de Corse et dans le processus de transfert progressif de compétences de l’État vers la collectivité de Corse, prévu à l’article 46 de la loi Pacte.

Elle répond à un besoin : doter la collectivité de Corse d’un outil adapté à ses spécificités géographiques, sociales et économiques.

L’insularité emporte indéniablement des spécificités, qui, comme l’a fait remarquer Mélanie Vogel, sont traitées de manière particulière partout en Europe. Elle entraîne des contraintes logistiques majeures et une forte dépendance à l’égard des échanges maritimes et aériens.

Je rappelle que les ports et aéroports de Corse accueillent plus de 8 millions de passagers par an, que 95 % des produits consommés sur l’île sont importés et que l’activité touristique pèse près de 40 % du PIB local. Ces réalités incontournables exigent une gestion publique cohérente et stratégique, au service de l’intérêt général.

La gestion des équipements aéroportuaires et portuaires constitue donc un enjeu crucial pour la Corse. Actuellement confiée à la chambre de commerce et d’industrie de Corse, cette mission exige une gouvernance renforcée et adaptée aux spécificités insulaires.

Aussi ce projet de loi a-t-il vocation à créer un établissement public sui generis, placé sous la tutelle de la collectivité de Corse, qui pourra gérer de manière plus directe et efficace ces infrastructures. La solution de quasi-régie qui a été retenue permet de préserver la gestion publique des ports et aéroports, sans les ouvrir à la mise en concurrence. Il s’agit donc d’une protection contre la privatisation ; c’est un choix politique fort.

Par ailleurs, la Corse souffre d’un tissu économique fragilisé, composé essentiellement de petites entreprises, d’artisans et de commerçants, qui subissent de plein fouet l’inflation et la pression foncière. La création de ce nouvel établissement est donc l’occasion de renforcer les politiques d’accompagnement, de formation et d’investissement en faveur de celles et ceux qui font vivre l’économie insulaire au quotidien. La collectivité de Corse doit assumer ce rôle.

Le schéma retenu pour la gouvernance de ce nouvel établissement est conçu pour garantir un contrôle effectif de la collectivité sur ces activités. Cette configuration est essentielle pour bénéficier de l’exception de quasi-régie, autorisant la collectivité à confier la gestion des infrastructures sans mise en concurrence préalable.

Ce schéma est à mon sens équilibré, dans la mesure où il maintient la nécessaire participation des acteurs économiques à la gouvernance, et cela dans un cadre public.

Notre soutien à ce texte s’accompagne néanmoins d’exigences. Celui-ci prévoit des mesures transitoires pour sécuriser la mise en place de ce nouvel établissement. Ces dispositions doivent garantir une transition efficace, assurant la continuité des services et, surtout, la préservation des intérêts des personnels concernés.

Comme cela a été dit, ce projet concerne plus de 1 000 agents, dont 884 salariés de droit privé, 124 agents consulaires et plusieurs apprentis.

Forcément, les personnels sont au cœur de la réussite de cette transformation. Cette réforme institutionnelle ne pourra donc pas se traduire par des pertes de droits, des incertitudes ou une dégradation des conditions de travail.

Concernant les compensations financières accordées par l’État aux collectivités dans le cas de transferts de compétences, nous constatons que celles-ci sont trop souvent incomplètes. Et vous en savez quelque chose, monsieur le ministre ! Or transférer des compétences, ce n’est pas uniquement transférer des charges.

L’Assemblée de Corse a posé des conditions fortes à son avis favorable, notamment sur cette question. Ces conditions nous semblent parfaitement légitimes.

Enfin, sur le plan de la méthode, nous regrettons que la consultation de l’Assemblée de Corse ait été menée dans des délais contraints, les contrats de concession – bien qu’ils aient été prolongés – arrivant à leur terme le 31 décembre 2025. Or une telle précipitation aurait pu être évitée, étant entendu que le rapport du cabinet EY date de 2021.

Il faut tirer les leçons de cette gestion, notamment dans la perspective des prochains projets de loi relatifs au statut de la Corse, qui, je l’imagine, seront d’une tout autre ampleur et appelleront, de ce fait, un travail collectif encore plus important.

En conclusion, ce projet de loi constitue une réponse adaptée aux défis économiques spécifiques de la Corse, qu’il faut savoir traiter de manière particulière, sans peur aucune. Il renforce la capacité de la collectivité à gérer ses infrastructures stratégiques et à œuvrer pour son développement économique. Bref, nous sommes au cœur de ce que doit être l’action d’une collectivité locale.

Ce texte est donc en phase avec notre conception de la décentralisation, où l’État fait confiance à ses territoires en leur reconnaissant, ce qui est nécessaire, leurs spécificités.

Il est également en phase avec notre conception de la gestion des infrastructures, qui ne peuvent pas être systématiquement soumises à la logique du marché et du profit de court terme. Cette même idée nous avait animés lorsque nous avons lancé une proposition de référendum d’initiative partagée contre la privatisation d’Aéroports de Paris, démarche qui s’appuyait sur l’alinéa 9 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

Au vu du travail important réalisé par la rapporteure, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ce texte, qui s’inscrit dans un souci de protection de l’intérêt général et de dynamisation du développement de l’île, qui en a tant besoin.

Mme la présidente. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France est belle de ses différences et la Corse est indéniablement différente. Cette île se distingue par sa singularité culturelle, linguistique, mais aussi économique.

Sa singularité économique tient évidemment à son insularité – j’y reviendrai –, mais pas seulement. L’économie corse souffre de sa trop forte dépendance au tourisme, d’un tissu industriel insuffisamment moderne et développé et d’infrastructures qui ne sont pas toujours suffisamment adaptées aux besoins de son économie.

La Corse est une île, et cette insularité fait d’elle un territoire dont le développement économique sera toujours délicat, puisque les marchandises importées et exportées sont renchéries par les coûts de transport, situation que ne subissent pas d’autres territoires. La particularité de la Corse, par rapport à nos autres îles, tient en outre à son caractère très montagneux, qui rend les transports intérieurs de biens et de personnes beaucoup plus difficiles.

Cependant, la Corse a toujours su évoluer, malgré sa géographie singulière. Son secteur touristique, son artisanat et son agriculture constituent l’essentiel de son économie. Ils sont le fruit de sa culture et de ses savoir-faire gastronomiques. Pour autant, il faut le reconnaître, son commerce et son industrie ne sont pas au niveau auquel on pourrait s’attendre. Il est vrai que le développement économique et industriel n’y a pas connu aux XIXe et XXe siècles la même ampleur que dans le reste du continent européen.

Les raisons en sont multiples. J’en ai cité certaines, comme son insularité et sa géographie montagneuse. Retenons également que, si on la compare aux autres îles du bassin méditerranéen, par exemple à la Sardaigne ou à la Sicile, la Corse est d’une superficie quatre fois inférieure, ce qui n’est pas un élément facilitateur.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le développement économique de la Corse est confronté à des difficultés particulières. C’est la raison pour laquelle ce projet de loi prévoit d’en confier la responsabilité aux élus de la collectivité de Corse.

L’avenir de l’économie corse doit être écrit par les Corses eux-mêmes, avec le respect dû aux écosystèmes naturels exceptionnels que cette île recèle.

L’établissement public du commerce et de l’industrie nouvellement créé sera composé d’élus de l’Assemblée de Corse et de représentants des chefs d’entreprise. Par rapport aux chambres de commerce et d’industrie classiques, c’est une révolution, puisque toutes les autres CCI de France, à l’exception de celle de la Nouvelle-Calédonie, fonctionnent sans élus des collectivités.

Ce nouvel établissement sera à la fois un levier stratégique et un outil opérationnel, que les élus et représentants des entreprises pourront utiliser afin de donner un nouveau visage à l’économie corse, en phase avec ses ambitions de développement durable.

Ensemble, et dans ce cadre, les représentants de la population et des acteurs économiques pourront définir leurs priorités économiques et accompagner les filières locales porteuses. Ils pourront construire une politique d’infrastructures au service des acteurs économiques qui soit cohérente avec l’ensemble des politiques publiques menées par ailleurs par la collectivité de Corse.

Le regain de l’économie corse est une nécessité pour assurer la pérennité de l’île de Beauté. En effet, la focalisation de son économie sur le tourisme a pour conséquence de concentrer l’emploi dans certaines zones, provoquant un exode rural depuis des décennies. L’absence d’emplois stables et suffisamment nombreux dans le reste de l’île pousse au départ la jeunesse corse, ce qui participe grandement au déclin démographique du territoire.

Ce projet de loi est l’aboutissement de plusieurs années de travaux parlementaires, puisqu’il trouve sa genèse dans la loi Pacte d’avril 2019. Il est donc temps qu’il aboutisse.

Les sénateurs du groupe Les Indépendants soutiendront donc ce texte qui ajoute une pierre à l’édifice de la souveraineté économique durable de la Corse. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE. – Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Panunzi.

M. Jean-Jacques Panunzi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au préalable, je tiens à saluer la présence dans nos tribunes de M. Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de Corse, de Mme Marie-Antoinette Maupertuis, présidente de l’Assemblée de Corse, ainsi que celle de M. le président de la chambre de commerce et d’industrie de Corse et de ses collaborateurs qui ont bien voulu faire le voyage. Bonghjornu a tutti – bonjour à tous !

Ce projet de loi portant création de l’établissement public du commerce et de l’industrie de la collectivité de Corse est la conséquence d’une disposition de la loi Pacte de 2019 préfigurant le transfert de la tutelle de la CCI de l’État vers la région.

Dans une île qui, par nature, est dépendante des liaisons aériennes, une telle décision n’est pas neutre et s’impose d’autant plus en l’absence de toute intermodalité dans les transports, notamment par le rail et le réseau autoroutier, contrairement à ce qui prévaut dans d’autres territoires.

Les ports et aéroports sont la propriété de la collectivité de Corse depuis la loi du 22 janvier 2002, issue des accords dits de Matignon. Depuis lors, celle-ci les a confiés à la CCI par voie de concession.

Néanmoins, ce transfert de tutelle pose un problème de gestion. L’établissement public apparaît in fine comme la meilleure manière de conserver une gestion publique et, ainsi, d’éviter, au moyen du contrôle analogue que requiert la gestion en quasi régie, que des groupes internationaux aux pratiques sociales différentes de celles qui sont en vigueur en Europe ne remportent ces marchés et ne développent en Corse une vision contraire aux intérêts qui sont les nôtres.

Avec le mécanisme dit in house, la création d’un établissement public sous la tutelle de la collectivité de Corse est donc le moyen le plus sûr d’atteindre l’objectif de maîtrise de la gestion des infrastructures portuaires et aéroportuaires. Et c’est là le point cardinal qui emporte mon adhésion et me conduit à inviter les membres de mon groupe, de la majorité et, au-delà, de l’ensemble de notre assemblée à se prononcer favorablement sur ce texte.

Au cours de ses travaux, la commission a acté l’allègement transitoire de l’effectif du conseil d’administration – seulement vingt représentants des professionnels, au lieu de quarante –, garantissant ainsi la présence majoritaire d’élus de la collectivité.

De même, la commission a adopté des amendements visant à permettre à des représentants du personnel d’assister au conseil d’administration avec voix consultative, à remplacer le CST initialement envisagé par un CSE, ou encore à supprimer la date butoir à compter de laquelle les conventions, accords et engagements unilatéraux cesseront de produire leurs effets.

Le nouvel établissement reprendra l’ensemble des missions, des ressources et du personnel de la CCI de Corse, et sa gouvernance sera organisée de telle sorte que soit garanti le contrôle direct de la collectivité, condition indispensable pour satisfaire au régime de quasi-régie, avec un conseil d’administration composé majoritairement d’élus de l’Assemblée de Corse et présidé par un membre de son exécutif ou par son président lui-même.

Cette formule de la quasi régie, retenue pour éviter toute mise en concurrence, a une conséquence : les représentants du monde économique se retrouveront minoritaires dans l’organe décisionnaire.

Établissement public, c’est acté, mais Épic ou EPA, monsieur le ministre ? La logique veut que ce soit un Épic.

Tout d’abord, parce que le caractère industriel et commercial est, pour le coup, avéré, ce qui permettra de maintenir le statut de droit privé des personnels. Il serait tout de même cocasse d’imposer un statut d’EPA à la CCI, qui, de toutes les agences et de tous les offices de la collectivité de Corse, a plus que toute autre vocation à être un Épic.

Ensuite, l’établissement reprendra intégralement les activités de la CCI de Corse, à commencer par la gestion des ports et des aéroports, une activité commerciale qui représente 90 % de l’activité totale de la chambre.

La position en faveur de l’EPA, défendue par le Conseil d’État, m’étonne. De fait, il est souhaitable que le Gouvernement, qui aura, par la suite, à décliner le texte de loi par la voie réglementaire, opte pour l’Épic, dans la perspective d’assurer une gestion souple et adaptée aux missions économiques de l’établissement. Le rapport de la commission se veut rassurant sur ce point.

Le texte élargit les missions de l’Épic en lui confiant des compétences en matière de soutien au développement économique, de gestion d’infrastructures et de formation professionnelle. Ces missions visent à renforcer le rôle de l’établissement dans le tissu économique local. Cependant, attention à l’articulation avec des organes existants – je pense à l’Adec – ou encore avec la collectivité de tutelle, qui exerce déjà des compétences élargies dans le domaine de la formation, par exemple.

La question financière doit faire l’objet d’une vigilance particulière : il faut éviter que l’entrée de la CCI dans le giron de la collectivité de Corse en sa qualité de dixième office placé sous l’autorité du Conseil exécutif ne se traduise par une dégradation de sa santé financière. La logique d’un chef d’entreprise diffère de celle d’un gestionnaire public.

Si l’on prend en considération le caractère particulier des concessions, qui oblige, sur le plan comptable, à tenir compte des amortissements, faussant ainsi, dans les faits, le bilan global et le résultat net, on retient surtout que la CCI dispose à ce jour de 91 millions d’euros de capitaux propres et de 55 millions d’euros de disponibilités.

Reste la question de la compensation financière par l’État des charges transférées à la collectivité de Corse. Des garanties suffisantes doivent être apportées. Or, sur ce point, je ne suis pas rassuré.

Il semblerait que cette question soit renvoyée au projet de loi de finances pour 2026, dont on sait qu’il sera élaboré dans un contexte contraint et mouvementé. On en vient même à se demander si la loi de finances sera promulguée avant le 31 décembre 2025, date à laquelle le changement de tutelle doit intervenir et le nouvel établissement public devenir opérationnel, tandis que prendront fin les concessions portuaires et aéroportuaires qui lient depuis vingt ans la collectivité de Corse, autorité concédante, à la CCI, concessionnaire.

Comme toujours, toute médaille a son revers. Certes, ce texte permet aujourd’hui de préserver les infrastructures de transport d’accès à la Corse d’appétits extérieurs aux intentions méconnues – voilà pour l’aspect positif –, mais, dans le même temps, il aggrave la concentration des pouvoirs entre les mains d’une même collectivité.

Monsieur le ministre, tout en exprimant ce regret, je ferai preuve de pragmatisme et voterai ce texte.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui marque une étape importante dans la reconnaissance des spécificités de la collectivité de Corse. Il incarne une volonté, celle de donner à l’île les moyens de piloter pleinement sa politique économique, en particulier dans le domaine stratégique de la gestion portuaire et aéroportuaire.

La Corse est un territoire singulier. Son insularité façonne en profondeur son organisation économique, ses besoins en matière de transport, son accès aux biens essentiels. Cette réalité constitue un véritable défi, notamment au regard de la continuité territoriale, qu’il nous appartient de reconnaître et de porter au cœur de nos politiques publiques.

Ces spécificités appellent des solutions différenciées. C’est précisément ce qui est proposé dans ce projet de loi, qui crée un établissement public, placé sous la tutelle de la collectivité de Corse, en lieu et place de l’actuelle CCI de Corse.

Il s’agit principalement de sécuriser la gestion publique de ses ports et de ses aéroports, qui représentent aujourd’hui plus de 90 % de l’activité de la CCI. Ce n’est pas anodin. Ces infrastructures représentent les portes d’entrée de l’île. Elles sont les garantes de sa continuité territoriale et des leviers essentiels de son attractivité touristique. Cette activité, rappelons-le, représente plus de 40 % du PIB insulaire.

Le texte qui nous est soumis répond donc à une nécessité concrète : l’échéance du 31 décembre 2025, date à laquelle les concessions actuelles, qui ont été attribuées en 2005 et qui arrivent à terme, impose de garantir dès maintenant un cadre juridique stable. À défaut, nous nous exposerions à une mise en concurrence de ces concessions, contraire à l’intérêt du territoire.

Toutefois, ce texte est plus qu’une réponse d’urgence : il s’inscrit dans un processus long et réfléchi, amorcé dès la création de la collectivité unique en 2018, conforté par la loi Pacte de 2019 et nourri par les travaux du processus de Beauvau en 2022. Ce transfert est donc le fruit d’un dialogue entre l’État et la collectivité de Corse, validé par le Conseil d’État et attendu avec force par les acteurs économiques locaux. Il s’agit d’un projet attendu, consensuel et bénéfique.

Concrètement, le nouvel établissement exercera les missions traditionnelles des CCI, tout en garantissant une gouvernance adaptée, avec une majorité d’élus de l’Assemblée de Corse dans son conseil d’administration, condition indispensable pour bénéficier de l’exception de quasi-régie prévue par le droit de la commande publique.

Le personnel de la CCI de Corse, soit plus de 1 000 agents, sera repris dans des conditions respectueuses de son statut et de ses droits, tandis que des mesures transitoires solides ont été prévues.

Enfin, ce projet ouvre une voie nouvelle : celle d’une plus grande autonomie dans l’organisation économique locale. Il offre à la collectivité de Corse la possibilité de mieux articuler ses politiques de développement, d’innovation et de formation avec la gestion de ses infrastructures vitales. Il renforce la capacité d’agir d’un territoire qui a besoin de leviers spécifiques pour surmonter ses contraintes structurelles.

Aussi, je suis convaincue que les collectivités ultramarines, sans prendre la Corse pour unique exemple, observeront attentivement l’évolution de cette réforme. Celle-ci, mes chers collègues, est attendue et nécessaire. Elle traduit un attachement profond au principe d’unité de la République dans le respect de la diversité de ses territoires. En reconnaissant pleinement les spécificités corses, elle ne fait pas exception à nos principes : elle leur donne justement un sens concret.

Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera donc en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, disons-le d’emblée : le texte que nous examinons aujourd’hui apporte une réponse attendue pour l’avenir à très court terme de la Corse.

Sans suspense, le groupe du RDSE soutiendra la création de ce nouvel établissement public du commerce et d’industrie de Corse, qui récupérerait – entre autres – les attributions de la chambre de commerce et d’industrie de Corse existante.

Pour notre groupe, cette évolution va dans le bon sens.

D’une part, le rattachement proposé présente, à mon sens, deux vertus majeures. En premier lieu, il permet de mettre en place un schéma institutionnel plus cohérent et plus lisible au service de l’action économique régionale. En second lieu, le transfert de la tutelle de l’État vers la collectivité corse, à l’image de ce qui se pratique déjà dans les territoires ultramarins, conforte l’œuvre de décentralisation qui a commencé sur l’île en 1982.

D’autre part, ce projet de loi renforce la continuité territoriale, une mission essentielle qui incombe à la collectivité de Corse depuis 1976. En effet, rappelons une évidence : la collectivité de Corse n’est pas une collectivité métropolitaine comme les autres. Son statut et son architecture institutionnelle uniques en sont l’illustration. La « plus proche des îles lointaines », pour reprendre un slogan bien connu, subit les contraintes de son insularité.

Cette donnée justifie d’assurer, par des mesures adéquates, la continuité territoriale, sans laquelle l’indivisibilité de la République, l’égalité et la liberté d’aller et venir seraient mises en péril.

C’est dans cet esprit que, historiquement, la CCI de Corse s’est vu attribuer la gestion des infrastructures aéroportuaires et portuaires – depuis plus de soixante-dix ans pour les premières, depuis plus de vingt ans pour les secondes.

Ce contexte invite le législateur à tirer deux constats qui peuvent éclairer sa décision.

Premier constat, le lien historique qui lie la CCI à la gestion de ces infrastructures se traduit aujourd’hui dans l’importance des ressources qu’elle en tire – plus de 92 % de leur total en 2023. Par conséquent, déstabiliser ce modèle pourrait avoir des impacts financiers dont nous devons tenir compte.

Second constat, ces points d’accès sont vitaux pour le développement de l’île. Leur contrôle public est donc une nécessité. Plusieurs cas récents de concessions remportées par des acteurs privés montrent que la Corse ne peut pas se permettre un tel pari.

C’est pourquoi, bien que d’autres formules eussent pu être envisagées, le groupe du RDSE se montre favorable à la solution retenue, consistant à appliquer l’exception de la quasi régie pour la gestion des quatre aéroports et des huit ports de l’île. Cette forme juridique est pragmatique et protectrice de l’intérêt général sur l’île.

Je formulerai néanmoins deux remarques.

Sur le fond, ce texte n’aborde que le volet politique du sujet, faisant l’impasse sur la question de la mutualisation des compétences et des moyens entre les chambres consulaires, question pourtant essentielle pour soutenir l’efficacité de l’action économique sur l’île. Certes, il évoque l’absorption de la chambre de métiers et de l’artisanat, mais il renvoie l’examen du sort de celle-ci à plus tard.

Sur la forme, ensuite, le Parlement a été laissé de côté lors de l’élaboration de ce projet de loi, dont les termes ont été convenus entre le Gouvernement et les élus insulaires. La tradition républicaine et la lettre constitutionnelle auraient voulu a minima que la chambre des territoires ait été consultée en amont.

Dans son discours de politique générale, M. le Premier ministre s’est engagé à faire de 2025 une année d’évolution constitutionnelle concernant le statut de l’île. Ce calendrier ambitieux pourra-t-il être tenu alors que le Sénat et l’Assemblée nationale semblent, à ce stade, divisés sur le projet d’« écritures constitutionnelles » conclu entre les élus insulaires et le Gouvernement ?

Pour sa part, fidèle à sa tradition, le RDSE estime que le statut constitutionnel de la Corse doit être clarifié pour tenir compte de sa spécificité au sein de notre République. Monsieur le ministre, mes chers collègues, comme je l’ai précédemment annoncé, notre groupe votera ce texte, et ce à l’unanimité.

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Toussaint Parigi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

M. Paul Toussaint Parigi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons ce jour, portant création de l’établissement public du commerce et de l’industrie de la collectivité de Corse, s’inscrit dans un contexte singulier.

La Corse, chacun le sait ici, porte en elle une histoire institutionnelle faite de luttes pour la reconnaissance d’aspirations à l’émancipation et de victoires démocratiques.

Au cœur de cette histoire, nos infrastructures stratégiques portuaires et aéroportuaires, dont la collectivité s’est vu confier la propriété dès 2002, sont les enjeux vitaux de notre souveraineté économique. Ils sont les piliers de notre continuité territoriale et les artères de notre développement. Leur gestion est, depuis deux décennies, déléguée par la collectivité de Corse à la chambre de commerce et d’industrie, laquelle, face aux défis structurels de notre île, s’en acquitte avec dynamisme, sérieux et engagement.

Face à cette architecture institutionnelle inédite, la réforme du paysage consulaire issue de la loi Pacte de 2019 appelait une réponse dérogatoire.

La collectivité de Corse, forte de la confiance accordée par ses citoyens, a souhaité que cet outil économique soit à la hauteur de ses ambitions, de ses spécificités et de ses aspirations, qu’il soit en adéquation avec la volonté affirmée de son peuple, avec son histoire ou sa géographie et qu’il soit en mesure de conjuguer le respect de son identité avec les exigences nées des mutations économiques et écologiques.

Enfin, elle a souhaité que cet outil soit pleinement ancré dans la réalité insulaire, capable d’accompagner le développement économique, industriel et commercial de notre île.

Aussi, mes chers collègues, ce projet de loi, qui concrétise sa mise en place, est le fruit d’un dialogue entre l’État, la collectivité de Corse et les acteurs consulaires, mais aussi, au-delà, avec l’ensemble des forces vives insulaires.

Il concrétise un long processus de concertation validé à l’unanimité par l’Assemblée de Corse et s’inscrit dans la dynamique d’autonomie et de responsabilisation voulue par le peuple corse.

Ce texte, loin de procéder à un simple ajustement institutionnel, constitue l’éminent témoin de la maturité politique et de l’unité des acteurs corses face aux défis économiques de notre territoire. Il répond enfin à une urgence : la fin des contrats de concession, déjà prorogés à deux reprises, qui arrivent à échéance définitivement le 31 décembre 2025.

La création de cet établissement public s’impose donc comme une réponse à la fois juridique, institutionnelle et politique visant à préserver les intérêts économiques et souverains de notre territoire de la prédation des entités privées.

Aussi, le texte crée au 1er janvier 2026 un établissement public du commerce et de l’industrie sui generis, placé sous la tutelle directe de la collectivité de Corse. Cette architecture juridique permettra à la collectivité de confier au nouvel établissement la gestion de ses infrastructures stratégiques sans mise en concurrence préalable, conformément à l’exception dite de quasi-régie.

Ce choix de souveraineté locale, respectueux du droit européen, consacre sans ambiguïté la volonté de rapprocher la décision publique des réalités du terrain en offrant à la Corse la maîtrise pleine et entière de ses politiques économiques et de ses infrastructures stratégiques.

Ainsi, le nouvel établissement, placé sous la tutelle de la collectivité, reprendra l’ensemble des missions, biens, droits, obligations et personnels de la CCI de Corse.

Le texte ouvre également la possibilité – et c’est là une avancée majeure – de participer à la création et au capital de sociétés civiles ou commerciales. Cette faculté permettra de nouer des partenariats innovants et d’accroître l’attractivité et la compétitivité du tissu économique insulaire.

La gouvernance de ce nouvel établissement public sera structurée autour d’un conseil d’administration composé majoritairement de représentants de la collectivité, tout en associant les milieux consulaires et économiques, notamment durant la période transitoire précédant l’organisation des élections professionnelles.

Par ailleurs, les règles relatives à l’emploi et à la représentation du personnel sont alignées sur le droit commun, tout en garantissant la préservation des droits acquis.

Grâce au travail de Mme la rapporteure, que je tiens ici à remercier de son écoute attentive et de sa volonté constante de comprendre les réalités corses, le travail en commission a permis de donner plus de justesse encore à la future gouvernance et de faciliter le dialogue social en son sein.

Les mesures adoptées ont renforcé le dispositif initial, afin d’assurer une représentation équilibrée de toutes les parties prenantes.

Durant la période transitoire, la composition du conseil d’administration a été adaptée, pour garantir à la collectivité de Corse la maîtrise de sa représentation tout en préservant la majorité nécessaire à la conduite de l’établissement.

Je tiens également à souligner l’attention portée aux personnels et à leurs représentants syndicaux, qui sont ici présents et que je salue. Ils participeront désormais aux travaux du conseil et bénéficieront d’une voix consultative.

Par ailleurs, le comité social et économique remplacera le comité social territorial, avec un mode d’élection unifié et des prérogatives étendues à l’ensemble du personnel, quel qu’en soit le statut.

Enfin, la commission a sécurisé la continuité des engagements existants et réaffirmé la priorité donnée aux missions de sûreté et de sécurité aéroportuaires. Aussi, alors que certains semblaient s’en inquiéter, je tiens résolument à affirmer ici même qu’aucun doute sérieux n’est à nourrir quant à la nature et à l’équilibre des pouvoirs qui structureront ce nouvel établissement. Ce point a d’ailleurs été examiné avec la plus grande rigueur par le Conseil d’État.

Si la gouvernance de l’établissement prévoit une majorité de sièges attribués aux élus de la collectivité de Corse, elle répond à une exigence juridique et institutionnelle : permettre à la collectivité d’exercer sur son établissement un contrôle analogue à celui d’un pouvoir adjudicateur, condition indispensable pour bénéficier de l’exception de quasi-régie en droit de la commande publique.

En outre, que chacun soit rassuré : l’architecture institutionnelle est organisée selon les principes de transparence et de pluralisme. Cela écarte tout risque de monopole décisionnel et permet, au contraire, une synergie constructive au service de l’économie corse.

Enfin, il est important de rappeler que la situation financière de cet établissement est saine et stable.

Pour conclure, en mon nom propre, mais aussi au nom des élus de la collectivité de Corse et des membres de la CCI, présents ce jour, j’adresse mes remerciements à M. le ministre François Rebsamen. En effet, par son engagement constant, sa capacité d’écoute et sa détermination à faire avancer les dossiers d’importance pour nos territoires, il a su porter ce projet jusqu’à son aboutissement. C’est grâce à sa volonté et à son sens du dialogue que ce texte, tant attendu par la Corse et ses acteurs économiques, a pu être inscrit à l’ordre du jour de notre assemblée.

Monsieur le ministre, je tiens à saluer votre action, votre présence et votre implication, qui témoignent d’une conception exigeante et généreuse de la responsabilité ministérielle, face aux attentes concrètes des Corses.

Aussi, mes chers collègues, tout comme les autres membres du groupe Union Centriste, je vous invite à voter ce projet de loi, levier de développement et d’innovation, avec la même unanimité que l’Assemblée de Corse. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. François Patriat applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte organise le transfert intégral des compétences de la CCI de Corse vers un établissement public particulier placé sous tutelle exclusive de la collectivité de Corse.

Présenté comme une rationalisation des structures consulaires et une reconnaissance des spécificités insulaires, le projet de loi dissimule en réalité une recentralisation préoccupante du pouvoir économique, dans un contexte territorial nécessitant une vigilance accrue contre les risques de captation d’intérêts.

Certes, comme le souligne la commission des lois dans son rapport, le schéma retenu « a été conçu pour que puisse jouer l’exception de “quasi régie”, qui permettra à la collectivité de confier au nouvel établissement la gestion des infrastructures portuaires et aéroportuaires sans mise en concurrence préalable ». L’on évite ainsi une forme de privatisation.

Toutefois ce projet de loi, qui poursuit la logique de différenciation territoriale, soulève plusieurs points qui méritent notre attention.

Tout d’abord, on peut craindre une gouvernance confiscatoire. En effet, la mainmise de l’exécutif de la collectivité sur le nouvel établissement public met en cause une représentation équilibrée des entreprises. Cette recentralisation suscite des interrogations sur la capacité à maintenir une représentation équitable et à préserver le lien de confiance entre les entreprises insulaires et leurs instances consulaires. La proximité, pilier de l’efficacité consulaire, risque en effet de s’amoindrir si les préoccupations locales ne sont pas suffisamment prises en compte.

Ensuite, ce transfert de compétences vers un établissement public sous tutelle exclusive, sans mécanisme indépendant de contrôle, ignore le fait que la concentration des pouvoirs économiques et l’absence de transparence dans la gestion des infrastructures stratégiques, comme les ports et les aéroports, sont des vecteurs de fragilités. Ainsi, en ne prévoyant pas d’accompagner la création de cet Epic d’audits externes contraignants, ce projet de loi institutionnalise un modèle vulnérable.

De plus, la fusion des chambres consulaires entraînera des réorganisations internes, avec de potentielles mobilités fonctionnelles ou géographiques. Si ces transformations ne sont pas anticipées de manière adéquate, elles pourraient être source de contentieux sociaux. Nous devons veiller à garantir la continuité des droits des personnels, qu’ils soient statutaires ou contractuels, et à accompagner les éventuelles transitions.

Enfin, le choix d’un Epic, c’est-à-dire d’un établissement public industriel et commercial, plutôt que, comme c’est le cas des autres CCI du territoire, d’un EPA, établissement public administratif, pose la question de la représentation consulaire et de ses fondements institutionnels.

Un Epic, davantage orienté vers des missions opérationnelles et commerciales, risque ainsi de diluer la mission de représentation des intérêts économiques collectifs et d’ouvrir la voie à une externalisation accrue, voire à une privatisation rampante. À cet égard, l’avis du Conseil d’État recommandant un retour à un EPA devrait être sérieusement pris en compte.

Compte tenu de ces réserves, et bien que nous reconnaissions la nécessité de réformer et de moderniser les structures consulaires en Corse, nous considérons que le projet de loi, dans sa forme actuelle, présente des risques significatifs pour la gouvernance, les personnels et l’intégrité du service public économique.

C’est pourquoi le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky s’abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi portant création de l’établissement public du commerce et de l’industrie de la collectivité de corse

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi portant création de l'établissement public du commerce et de l'industrie de la collectivité de Corse
Article 2

Article 1er

I. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Au second alinéa de l’article L. 4251-18, après les mots : « région compétente », sont insérés les mots : « ou en Corse l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse » ;

2° Le chapitre IV du titre II du livre IV de la quatrième partie est ainsi modifié :

a) Au troisième alinéa du I de l’article L. 4424-13, les mots : « les chambres de commerce et d’industrie et » sont remplacés par les mots : « l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse, » ;

b) Après la section 5, est ajoutée une section 6 ainsi rétablie :

« Section 6

« Commerce, industrie, services

« Art. L. 4424-42. – I. – Par dérogation à l’article L. 710-1 du code de commerce, l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse est un établissement public de la collectivité de Corse.

« II. – L’établissement public exerce une fonction de représentation des intérêts de l’industrie, du commerce et des services auprès des pouvoirs publics ou des autorités locales étrangères.

« Il exerce les missions suivantes :

« 1° Les missions d’intérêt général qui sont confiées aux établissements du réseau des chambres de commerce et d’industrie par les lois et les règlements ;

« 2° Les missions d’appui, d’accompagnement, de mise en relation et de conseil auprès des créateurs et repreneurs d’entreprises et des entreprises ;

« 3° Une mission d’appui et de conseil pour le développement international des entreprises et l’exportation de leur production, en partenariat avec l’agence mentionnée à l’article 50 de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique ;

« 4° Une mission en faveur de la formation professionnelle initiale ou continue grâce, notamment, aux établissements publics et privés d’enseignement qu’il crée, gère ou finance ;

« 5° Une mission de création, de gestion et de maintien de la sûreté et de la sécurité d’équipements, en particulier portuaires et aéroportuaires ;

« 6° Les missions de nature concurrentielle qui lui ont été confiées par une personne publique ou qui s’avèrent directement utiles pour l’accomplissement de ses autres missions ;

« 7° Toute mission d’expertise, de consultation ou toute étude demandée par la collectivité de Corse et les communes de Corse ainsi que par leurs groupements et établissements publics sur une question relevant de l’industrie, du commerce, des services, du développement économique, de la formation professionnelle ou de l’aménagement du territoire, sans préjudice des travaux dont il pourrait prendre l’initiative ;

« 8° La délivrance de la carte mentionnée à l’article L. 123-29 du code de commerce ;

« 9° La délivrance de la carte professionnelle mentionnée à l’article 3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce.

« III. – Le conseil d’administration de l’établissement public est présidé par un conseiller exécutif de Corse désigné par le président du conseil exécutif de la collectivité de Corse.

« La gestion de l’établissement public est assurée par un directeur nommé, sur proposition du président de l’établissement public, par arrêté délibéré en conseil exécutif.

« Le conseil d’administration de l’établissement public comprend, outre son président :

« 1° Des représentants de l’Assemblée de Corse, élus par celle-ci en son sein ;

« 2° Des représentants des professionnels, élus pour cinq ans dans les conditions fixées au chapitre III du titre Ier du livre VII du code de commerce pour les membres des chambres de commerce et d’industrie de région.

« La part respective des membres du conseil d’administration mentionnés aux 1° et 2° du présent III est fixée par décret en Conseil d’État, ceux mentionnés au 1° étant majoritaires. Le nombre total de membres du conseil d’administration est fixé par délibération de l’Assemblée de Corse.

« Des représentants du personnel de l’établissement public, désignés en son sein par le comité social et économique mentionné au II de l’article L. 4424-44 du présent code, assistent au conseil d’administration avec voix consultative.

« Pour l’application des articles L. 713-4, L. 713-5 et L. 713-17 du code de commerce, le mot : “préfet” est remplacé par les mots : “président du conseil exécutif”.

« Art. L. 4424-43. – Les ressources de l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse sont assurées par :

« 1° Les produits des impositions de toute nature qui lui sont affectés par la loi et toute autre ressource légale entrant dans sa spécialité ;

« 2° La vente ou la rémunération de ses activités ou des services qu’il gère ;

« 3° Les dividendes et autres produits des participations qu’il détient ;

« 4° Les subventions, dons et legs qui lui sont consentis.

« L’établissement public tient une comptabilité analytique mise à la disposition de la collectivité de Corse afin de justifier que les ressources publiques ont été employées dans le respect des règles de concurrence nationales et européennes.

« L’établissement public peut transiger et compromettre. Il est soumis, pour ses dettes, à la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l’État, les départements, les communes et les établissements publics.

« L’établissement public peut, avec l’accord de la collectivité de Corse, participer à la création et au capital de sociétés civiles et de sociétés par actions dont l’objet social entre dans le champ de ses missions. Il peut participer dans les mêmes conditions à la création de groupements d’intérêt public ou privé ainsi qu’à toute personne morale de droit public.

« Art. L. 4424-44. – I. – L’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse recrute son personnel dans les conditions prévues par le code du travail.

« II. – Un comité social et économique est compétent et exerce ses prérogatives à l’égard de l’ensemble du personnel de l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse. Il est régi par le titre Ier du livre III de la deuxième partie du code du travail, sous réserve des dispositions du présent article et d’adaptations prévues par décret en Conseil d’État.

« Des comités sociaux et économiques d’établissement sont également mis en place par décision du conseil d’administration au niveau de tout service ou groupe de services dont la nature ou l’importance le justifie.

« III. – (Supprimé)

« IV. – Le comité social et économique mentionné au premier alinéa du II du présent article est composé du directeur de l’établissement public ou de son représentant, qui le préside, et des représentants du personnel. Seuls les représentants du personnel sont appelés à prendre part aux votes lorsque le comité est consulté.

« Les représentants du personnel siégeant au comité social et économique sont élus par le personnel de droit privé et les agents de droit public, qui constituent un corps électoral unique.

« Art. L. 4424-45. – Les modalités d’application de la présente section sont fixées par décret en Conseil d’État. »

II. – Au premier alinéa de l’article L. 132-7 du code de l’urbanisme, après les mots : « d’industrie territoriales, », sont insérés les mots : « ou en Corse de l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse, ».

III. – La référence aux chambres de commerce et d’industrie est remplacée par la référence à l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse dans toutes les lois en vigueur pour leur application en Corse.

Mme la présidente. L’amendement n° 2, présenté par Mme O. Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 20

Remplacer les mots :

un conseiller exécutif de Corse désigné par le président du conseil exécutif de la collectivité de Corse

par les mots :

le président du conseil exécutif de la collectivité de Corse ou par un conseiller exécutif désigné par celui-ci

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Olivia Richard, rapporteure. Cet amendement a pour objet de confier la présidence de l’établissement public au président du conseil exécutif de Corse ou à un conseiller exécutif désigné par lui.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 3, présenté par Mme O. Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 23

Compléter cet alinéa par les mots :

, et des membres du conseil exécutif de Corse, désignés par celui-ci en son sein ;

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Olivia Richard, rapporteure. Cet amendement tend à permettre la présence de membres du conseil exécutif de Corse au sein du conseil d’administration de l’établissement public.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Rebsamen, ministre. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi portant création de l'établissement public du commerce et de l'industrie de la collectivité de Corse
Article 3

Article 2

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° À la fin de la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 711-6, les mots : « ou, en Corse, le ressort de la collectivité territoriale » sont supprimés ;

2° Au deuxième alinéa de l’article L. 711-15, après les mots : « la Nouvelle-Calédonie, », sont insérés les mots : « de l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse » ;

3° À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 712-6, après le mot : « générale », sont insérés les mots : « ou en Corse par le conseil d’administration, » ;

4° Au 1° de l’article L. 723-1, après le mot : « industrie », sont insérés les mots : « ou en Corse, des représentants des professionnels élus de l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse » – (Adopté.)

Article 2
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Article 4 (début)

Article 3

Le premier alinéa de l’article 3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée : « En Corse, la carte professionnelle est délivrée par le président du conseil d’administration de l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse. – (Adopté.)

Article 3
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Article 4 (fin)

Article 4

I. – À compter du 1er janvier 2026, l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse est créé en lieu et place de la chambre de commerce et d’industrie de Corse.

Les biens, les droits et les obligations de la chambre de commerce et d’industrie de Corse sont transférés à l’établissement public. Ce transfert est réalisé à titre gratuit et ne donne lieu au paiement d’aucun impôt, droit ou taxe, ni d’aucune contribution ou frais perçus au profit du Trésor.

II. – Le président du conseil d’administration de l’établissement public est désigné au plus tard le 1er janvier 2026.

L’Assemblée de Corse élit ses représentants au sein du conseil d’administration de l’établissement public au plus tard à cette même date.

L’élection des représentants des professionnels au sein du conseil d’administration de l’établissement public, mentionnés au III de l’article L. 4424-42 du code général des collectivités territoriales, est organisée au plus tard à l’expiration du mandat des membres élus lors du dernier renouvellement de la chambre de commerce et d’industrie de Corse.

Au plus tard le 31 décembre 2025, l’assemblée générale de la chambre de commerce et d’industrie de Corse désigne, en son sein, les vingt membres qui siégeront au conseil d’administration de l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse à compter du 1er janvier 2026 et jusqu’à l’élection des représentants mentionnés au troisième alinéa du présent II.

Lors de la désignation prévue au quatrième alinéa, un nombre de membres suppléants égal à celui des membres titulaires est désigné. Les membres suppléants n’ont de voix délibérative qu’en l’absence de leur titulaire.

III. – Le personnel de la chambre de commerce et d’industrie de Corse est transféré à l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse à la date de sa création.

Les salariés de droit privé conservent le bénéfice de leur contrat dans les conditions prévues à l’article L. 1224-1 du code du travail.

Les agents de droit public relevant du statut fixé en application de la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 relative à l’établissement obligatoire d’un statut du personnel administratif des chambres d’agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers peuvent opter soit pour le maintien de leurs conditions de statut et d’emploi antérieurs, soit pour un contrat régi par le code du travail. Dans ce cas, le contrat proposé reprend les éléments essentiels du statut dont l’agent est titulaire, en particulier ceux qui concernent la rémunération.

IV. – Jusqu’à la constitution du comité social et économique de l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse, qui intervient au plus tard six mois après la publication de la présente loi, le comité social et économique central et les quatre comités sociaux et économiques d’établissement de la chambre de commerce et d’industrie de Corse ainsi que la commission paritaire régionale compétente sont maintenus en fonction et exercent les missions relatives respectivement aux salariés et aux agents publics, sous la présidence du représentant de l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse.

Les membres de ces instances représentatives du personnel poursuivent leur mandat jusqu’à la désignation des représentants du personnel issus des élections permettant la constitution du comité social et économique de l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse.

Le patrimoine du comité social et économique central et des comités sociaux et économiques d’établissement de la chambre de commerce et d’industrie de Corse est dévolu au comité social et économique de l’établissement public du commerce et de l’industrie de Corse.

V. – Les conventions, accords et engagements unilatéraux applicables au sein de la chambre de commerce et d’industrie de Corse au 31 décembre 2025 continuent de produire effet jusqu’à l’entrée en vigueur des conventions, accords ou engagements unilatéraux qui leur sont substitués.

VI. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.

Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Rédiger ainsi cet alinéa :

V. – Les effets des conventions, accords et engagements unilatéraux applicables au sein de la chambre de commerce et d’industrie de Corse au 31 décembre 2025 sont prolongés jusqu’à l’entrée en vigueur des conventions, accords ou engagements unilatéraux qui leur sont substitués ou, à défaut, jusqu’au 31 décembre 2029.

La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre. Dans sa rédaction issue du texte de la commission, l’article 4 permet de prolonger, sans limite de durée, l’effet des conventions, accords et engagements unilatéraux applicables au sein de la chambre de commerce et d’industrie de Corse. Je salue, à mon tour, les représentants et les membres du personnel de la CCI.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’amendement que je vous propose tend à fixer une date butoir au 31 décembre 2029, afin de favoriser la mise en place d’un dialogue social que j’espère fructueux et qui se tiendra dans de bonnes conditions au sein de l’établissement public.

Un tel établissement offre des garanties distinctes de celles du secteur privé. Il disposera ainsi d’un délai de quatre ans, ce qui suffit largement à renégocier certains de ces conventions, accords ou engagements multilatéraux.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Olivia Richard, rapporteure. Ce nouveau délai permet un dialogue social constructif, ce qui répond aux inquiétudes formulées en audition par les représentants des syndicats du personnel.

La commission émet donc un avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4, modifié.

(Larticle 4 est adopté.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi portant création de l’établissement public du commerce et de l’industrie de la collectivité de Corse.

(Le projet de loi est adopté.) – (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC. – Mme Vanina Paoli-Gagin et M. Michel Masset applaudissent également.)

Mme la présidente. Je constate que le projet de loi a été adopté à l’unanimité des présents.

La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre. Madame la présidente de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie du travail complémentaire de précision que vous avez accompli.

Je tiens également à saluer le président du conseil exécutif de Corse, la présidente de l’Assemblée de Corse, ainsi que le président de la CCI et les représentants du personnel de cette chambre qui sont présents dans les tribunes du Sénat.

Au nom des 1 019 agents équivalents temps plein de cet établissement public, j’affirme que la décision prise à cet instant est une bonne nouvelle.

Je précise qu’il s’agit bien de créer un établissement public sui generis. Il ne s’agira ni d’un EPA ni d’un Epic. Il deviendra ce que décidera la collectivité. Je tiens donc à rassurer chacun : il s’agit d’une manière de préserver le statut du personnel. Voilà ce qui explique la position du Conseil d’État.

Enfin, pour répondre aux sénateurs qui s’inquiétaient des finances, je précise que cette année a été exceptionnelle – vous auriez pu le souligner, monsieur Panunzi. En effet, la dotation de continuité territoriale, qui s’élevait, depuis plusieurs années, à 187 millions d’euros, a été augmentée de 50 millions d’euros. Ainsi, je vous indique, au nom du Gouvernement, que 237 millions d’euros ont été affectés à la continuité territoriale, ce qui permet de satisfaire aux obligations en la matière.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie du travail accompli. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – Mme Vanina Paoli-Gagin et M. Michel Masset applaudissent également.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures quinze.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 4 (début)
Dossier législatif : projet de loi portant création de l'établissement public du commerce et de l'industrie de la collectivité de Corse
 

3

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à  réduire l'impact environnemental de l'industrie textile
Article 1er

Impact environnemental de l’industrie textile

Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile (proposition n° 431 [2023-2024], texte de la commission n° 459, rapport n° 458).

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureuse d’être parmi vous pour l’examen d’un texte important.

Je le sais, de nombreux parlementaires se sont mobilisés pour son inscription rapide à l’ordre du jour, au Sénat comme à l’Assemblée nationale. J’en profite pour saluer le travail et l’engagement sur le sujet de la députée Anne-Cécile Violland et du député Antoine Vermorel-Marques.

Cette attente était également la nôtre. C’est pourquoi le Gouvernement a souhaité inscrire cette proposition de loi dans son temps législatif propre : c’est un signal fort.

Nous faisons le choix de viser la mode éphémère et la mode ultra-éphémère, toutes deux concernées par les primes et pénalités prévues par l’article 2. Surtout, la mode ultra-éphémère est soumise aux obligations des articles 1er, en matière de sensibilisation, et 3 et 3 bis, sur l’encadrement de la publicité. En effet, la mode ultra-éphémère constitue la menace la plus immédiate et la plus massive.

Nous émettons ainsi le signal selon lequel nous souhaitons nous attaquer au triple fléau de la mode ultra-éphémère : l’incitation à la surconsommation, le désastre écologique et la menace pour nos entreprises.

Je commence par l’incitation à la surconsommation. La mode ultra-éphémère combine des vêtements très abordables et un renouvellement incessant des modèles, suscitant ce que l’on appelle le Fomo buying, ou fear of missing out buying, c’est-à-dire l’achat stimulé par la peur de passer à côté de la bonne affaire.

Ce phénomène concerne surtout nos adolescents. Cette évolution de nos pratiques est favorisée par l’offensive commerciale d’ampleur de deux géants qui ont inondé notre marché. En 2023, en France, Shein et Temu ont respectivement investi en publicité 44 millions d’euros et 28 millions d’euros. Résultat, 22 % des colis de La Poste viennent de ces deux plateformes, contre moins de 5 % il y a cinq ans.

Cela a des conséquences sur le pouvoir d’achat. En effet, aujourd’hui, une personne achète 40 % de vêtements de plus qu’il y a quinze ans et les conserve deux fois moins longtemps. En réalité, la mode ultra-éphémère ne défend pas le pouvoir d’achat ; elle vend l’illusion du pouvoir d’acheter ce dont on n’a pas besoin et qui ne dure pas.

J’en viens au désastre écologique. En 2023, Shein a émis 17 millions de tonnes de CO2, soit une hausse de 81 % en un an. Cela en fait le premier émetteur mondial de la mode, elle-même le plus polluant de tous les secteurs industriels.

En outre, n’oublions pas les répercussions plus larges sur l’environnement, à commencer par le relargage, dans les océans et les cours d’eau, de microfibres plastiques issues du polyester, ainsi que l’utilisation de quantités astronomiques d’eau. Par ailleurs, on retrouve des substances chimiques dans les vêtements.

Enfin, le phénomène risque de casser le cycle de l’économie circulaire, avec une accélération massive et incontrôlée de la propagation de déchets textiles non recyclables et de qualité médiocre, lesquels saturent nos filières de tri et de recyclage. Produire en soixante-douze heures ce que la planète met un siècle à absorber, c’est non pas de l’innovation, mais de la prédation.

La mode ultra-éphémère est également une menace pour nos entreprises. Avec des ventes atteignant 5 milliards d’euros en France en 2024, elle est à l’origine d’une concurrence impitoyable et déloyale, qui ne respecte ni les règles sociales ni les normes environnementales. Cette concurrence menace déjà 20 000 emplois, un nombre qui pourrait passer à 50 000 à terme. Je le dis clairement, ce n’est pas aux ateliers français de payer le prix du dumping social mondial.

Face à cela, nous ne partons pas de zéro. Ainsi, la Commission européenne a déjà présenté une stratégie pour des textiles durables et circulaires et, de plus en plus, les textes commencent à intégrer, outre les répercussions environnementales des produits, les conséquences des pratiques industrielles et commerciales des entreprises. C’est ce qu’a obtenu la France dans la directive-cadre sur les déchets.

De plus, le règlement établissant un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’écoconception pour des produits durables interdira l’accès au marché européen de produits moins-disants sur le plan environnemental. L’application aux textiles de cette mesure miroir clé se fera à partir de 2027.

En France, le Gouvernement agit, avec un plan de régulation de l’e-commerce, l’affichage du coût environnemental des vêtements, sur la base du volontariat, et une réforme de la filière à responsabilité élargie du producteur (REP) textile pour structurer une filière de collecte, de tri, de réemploi et de recyclage dans ce domaine. C’est dans la continuité de ces actions et en cohérence avec elles que cette proposition de loi s’inscrit.

Ce texte est le premier pas législatif d’une attaque frontale contre le fléau de la mode ultra-éphémère. C’est aussi un levier pour faire bouger les lignes à Bruxelles, ainsi que pour entraîner nos voisins. En effet, nous le savons, seule une réponse européenne permettra une régulation globale et efficace.

Toutefois, dans le cadre de ce débat, si nous voulons que ce texte soit vraiment utile, je nous appelle à éviter deux fausses pistes.

La première consisterait à rater notre cible en prévoyant des sanctions publicitaires qui ne seraient pas applicables aux acteurs étrangers. C’est un vrai danger. En effet, aujourd’hui, en raison du principe du pays d’origine, le cadre européen ne permet pas à la France d’encadrer la publicité d’un acteur de la mode ultra-éphémère installé dans un autre État membre. Or c’est le cas de Shein ou Temu, établis à Dublin.

Ainsi, tel qu’il est rédigé, le texte interdira la publicité à des acteurs qui ne sont certes pas parfaits, mais qui restent mieux-disants que les plus gros pollueurs qui agissent depuis l’étranger. Cela irait à l’encontre de notre objectif.

La notification de cette proposition de loi à la Commission européenne, qui est prévue avant la réunion de la commission mixte paritaire, sera sans doute à l’origine de compléments importants. Ceux-ci apporteront toutes les informations et renseigneront sur les marges de manœuvre nécessaires au Parlement pour améliorer les dispositions des articles 1er, 3 et 3 bis sur le volet des sanctions publicitaires.

L’article 2, qui porte non pas sur des sanctions publicitaires, mais sur des écomodulations REP, laisse quant à lui suffisamment de souplesse pour définir comment ces dernières pourraient s’appliquer, demain, de manière graduée, entre acteurs de la mode éphémère et ultra-éphémère. Le Gouvernement défendra un amendement ayant pour objet la présentation d’une trajectoire minimale des répercussions de ces écomodulations.

La seconde fausse piste serait de chercher à cibler dès aujourd’hui la mode éphémère, avant que la question ne soit réglée au niveau européen. Or ce ne sera le cas que dans un second temps.

J’ai entendu certaines interrogations sur le fait de ne cibler que les géants de la mode ultra-éphémère, et non ceux de la mode éphémère. Je les comprends. Mais soyons clairs : nous ne parlons pas ici d’enseignes classiques, qui créent de l’emploi en France. Par mode ultra-éphémère, nous désignons des acteurs qui fonctionnent sur une tout autre échelle, dans une tout autre dimension.

Par ailleurs, je n’élude pas la question de la mode éphémère, qui demeure un enjeu majeur, sur lequel nous devons collectivement progresser. L’article 2 y contribuera, au travers des écomodulations.

En outre, le secteur textile sera pleinement concerné par la future réforme de la REP, qui visera à encourager les pratiques les plus vertueuses. Ce texte nous semble opportun pour marquer le commencement de cette réforme. Je remercie donc Mme la rapporteure, qui a accepté d’intégrer cet élément.

Chaque seconde, près de cent pièces neuves sont injectées sur le marché français, soit une hausse de 30 % en seulement quatre ans. Ce modèle de la mode ultra-éphémère repose sur l’hyperproduction, l’hypersollicitation et l’hyperconsommation. La mode ultra-éphémère ne s’adapte pas à la demande, elle l’invente. Elle la crée. Elle pousse à acheter ce que l’on n’a pas demandé, pour jeter ce que l’on a à peine porté.

L’intensité carbone de ces acteurs est sans équivalent dans le secteur, même de la part de leurs homologues les moins-disants aujourd’hui. Je le disais, ils submergent nos marchés, saturent nos centres de tri et leurs produits de qualité médiocre sont peu recyclables. Résultat, les bennes de récupération disparaissent, les filières s’effondrent et le cycle de l’économie circulaire textile est brisé.

Alors oui, face à cette démesure, nous allons agir. Nous ne resterons pas spectateurs de ce phénomène massif. C’est un combat pour l’environnement, mais aussi pour notre souveraineté économique.

Avec ce texte, c’est un premier pas que nous accomplissons aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Michel Masset applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de lartisanat, des petites et moyennes entreprises et de léconomie sociale et solidaire. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, vous examinez aujourd’hui une proposition de loi particulièrement importante. Elle est une pierre apportée à un édifice que nous bâtissons, ma collègue Agnès Pannier-Runacher et moi-même, ainsi que tout le Gouvernement et le Parlement.

Cet édifice vise à protéger notre planète, nos commerçants, nos enfants et nos petits-enfants contre certaines pratiques mises en œuvre par des plateformes d’e-commerce, parfois étrangères.

Cette proposition de loi représente un outil utile et inédit pour lutter contre l’ultrafast fashion, ou la mode ultra-express. Il s’agit non pas, bien entendu, d’interdire de vendre un grand nombre de produits, mais bien de rappeler que cela ne peut être fait en toute impunité quand ces ventes s’accompagnent de pratiques commerciales et industrielles qui affectent notre environnement et notre tissu économique et social.

L’objectif initial sous-tendant ce texte, comme vous le savez, est de s’assurer que la production et la consommation de textiles soient compatibles avec le respect de l’environnement. Telle est notre ambition, notamment en limitant la technique consistant à inonder le marché de produits neufs, vendus à très bas coût et qui finissent dans les décharges, sur les plages ou incinérés.

Dans ce cadre, cette proposition de loi permet, d’une part, d’imposer une pénalité financière aux produits issus de ces pratiques, et, d’autre part, de renforcer l’information du consommateur. Dans sa version initiale, elle limitait également la possibilité de promouvoir ces marques et techniques via la publicité. Nous défendrons, lors de la discussion des articles, un retour à cette interdiction large.

L’impact environnemental de la mode ultra-express est désormais connu de tous. Il est cent fois supérieur pour le fret aérien que pour le fret maritime. En effet, lorsque vous multipliez les petits colis et incitez les clients à surconsommer, vous augmentez bien entendu le trafic aérien. Cela se voit dans le nombre de colis importés, qui a doublé entre 2020 et 2022 et de nouveau entre 2022 et 2024. Ainsi, pas moins de 4,5 milliards de colis sont entrés dans l’Union européenne en 2024, un nombre qui atteindra probablement les 6 milliards en 2025 et en 2026.

Lorsque les produits s’usent vite, comme c’est le cas avec la mode ultra-express, ils sont jetés. Lorsqu’ils sont extrêmement peu chers, ils ne sont pas réparés. Ainsi, la mode ultra-express incite à acheter un grand nombre de produits textiles, parfois même à l’aveugle, car si au final ils ne plaisent pas, leur abandon ne coûte pas cher.

Voilà pourquoi, par exemple, la principale plateforme concernée met en ligne 7 000 nouveaux produits chaque jour – oui, chaque jour ! C’est ce qui explique qu’elle ait 900 fois plus de références qu’une enseigne française traditionnelle.

Cette technique, qui crée de faux besoins, qui agit psychologiquement sur le désir de consommer et qui amène à produire des quantités astronomiques d’articles, met en danger notre planète. Je n’ai pas besoin de rappeler les autres données chiffrées qui concernent l’impact environnemental du secteur du textile fabriqué à l’étranger, car ma collègue Agnès Pannier-Runacher vient de le faire.

Par ailleurs, à cette visée vertueuse de protection de l’environnement se sont ajoutés depuis quelques mois d’autres objectifs, d’intérêt général.

Lutter contre la mode ultra-express, c’est aussi lutter contre des pratiques commerciales déloyales, agressives et parfois trompeuses, qui viennent ruiner nos commerçants, fragiliser les consommateurs et trouer notre tissu social.

Nous disons oui à la concurrence, mais celle-ci doit être loyale, en permettant aux entreprises d’utiliser les mêmes armes et de se tenir sur la même ligne de départ. Or, depuis quelques années, nous assistons à une croissance exponentielle de quelques plateformes étrangères de commerce en ligne, qui semblent loin de respecter nos règles.

En utilisant des modes de commercialisation qui trompent le client, voire le piègent, en créant chaque jour des milliers de nouvelles références, en trichant parfois sur la sécurité et la conformité des produits et en faisant un usage louche des données personnelles, certaines plateformes mettent en danger notre économie, notre secteur textile et nos commerçants.

Là encore, les chiffres doivent susciter une vraie prise de conscience. Ma collègue Pannier-Runacher l’a rappelé, près d’un quart des colis traités par La Poste provient de deux plateformes étrangères, contre seulement 5 % il y a cinq ans. L’an dernier, 800 millions de colis de moins de 150 euros sont entrés en France et 90 % d’entre eux provenaient d’un seul pays.

L’une de ces plateformes a le même chiffre d’affaires qu’un grand acteur français du textile, mais sans les 350 magasins qui vont avec. À elles seules, les deux principales plateformes de fast fashion ont une part de marché déjà supérieure au plus gros acteur textile physique que nous connaissons. Nous devons donc agir, et vite !

Le Gouvernement, qui a déjà tiré la sonnette d’alarme, est pleinement mobilisé sur ce sujet. Grâce aux actions de la société civile, des collectifs, des fédérations de professionnels et des parlementaires, une prise de conscience est en train de naître.

Je disais, il y a quelques minutes, que cette proposition de loi était la brique d’un édifice plus large. En effet, pour protéger nos commerçants, nous devons affronter tous les problèmes en même temps. Nous devons agir à tous les niveaux, sur toutes les strates et à tous les étages. Le présent texte aborde le sujet de la publicité et du faible prix, ce qui est une très bonne chose.

N’oublions pas que les autres pays, inquiets eux aussi, nous observent. Dans ces conditions, nous menons une action tous azimuts. C’est pourquoi le Gouvernement a procédé à plusieurs annonces, le 29 avril dernier.

Premièrement, nous nous engageons à tripler les contrôles menés sur les plateformes de fast fashion par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Je rappelle qu’un seul contrôle peut parfois entraîner le retrait de milliers de références.

Deuxièmement, nous proposons un meilleur ciblage, afin de concentrer nos effectifs sur les risques les plus importants. Les moyens de la DGCCRF n’étant pas illimités, nous devons cibler nos efforts sur les acteurs qui présentent les risques les plus élevés. Si un manquement est commis par un commerçant, nous vérifierons systématiquement s’il n’est pas commis aussi sur les plateformes précitées.

Troisièmement, nous systématisons la transmission d’informations entre les douanes et la répression des fraudes, ce qui nous permettra de gagner en vitesse de réaction.

Quatrièmement, la France a pris l’engagement d’être particulièrement proactive à l’échelon européen, pour mobiliser les autres États dans des enquêtes transnationales. En effet, il est clair que nous ne pourrons pas agir seuls ; d’où le sens de cette démarche.

Je rappelle d’ailleurs que la vaste enquête annoncée par la Commission européenne, il y a quelques jours, doit beaucoup aux services de contrôle français, surtout la DGCCRF. J’en profite pour remercier l’ensemble de ses agents qui, quotidiennement, travaillent à atteindre les objectifs que cette direction a fixés. Cette enquête a réuni quatre pays et permis d’engager une action contre une plateforme étrangère.

Cinquièmement, nous travaillons, à l’échelon européen, à mettre fin à l’exonération de droits de douane pour les colis de moins de 150 euros et à instituer des frais de gestion pour les colis qui traversent notre frontière. La Commission européenne a formulé des annonces en ce sens il y a quelques jours, grâce à la forte mobilisation de notre gouvernement.

Bien sûr, la liste des grandes enseignes qui ont fermé ces derniers temps n’est pas uniquement liée à la mode ultra-express. Il n’empêche que, pour nombre d’entre elles, le développement fulgurant des grandes plateformes a été le coup de grâce.

Il est inadmissible que les acteurs physiques du textile, qui créent des emplois, animent nos centres-villes et paient leurs impôts, croulent sous des règles et des normes dont certains concurrents se jouent.

Comme je le disais, nous sommes observés à la fois par les acteurs du textile, par les pays voisins et par ces plateformes.

Je tiens sincèrement à remercier les députés Anne-Cécile Violland et Antoine Vermorel-Marques, ainsi que la rapporteure du Sénat pour ce texte, Sylvie Valente Le Hir.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le travail essentiel que vous avez réalisé et que vous allez poursuivre dans quelques minutes constitue une étape importante pour doter la France d’une batterie de mesures utiles et efficaces. (Applaudissement sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, dans La Condition de lhomme moderne, Hannah Arendt soulignait avec une lucidité implacable les dérives d’un monde livré aux automatismes technologiques : « Ce que nous faisons aujourd’hui, avec l’aide des machines, c’est remplacer l’œuvre durable par la consommation instantanée. »

Cette mise en garde éclaire les dérives de notre modèle textile contemporain, où la vitesse a remplacé le sens et l’abondance la valeur.

Le sujet dont nous débattons aujourd’hui, la mode express, n’est pas simplement une question de vêtements ou de tendances passagères. Il interroge non seulement notre modèle de consommation, mais aussi notre rapport au temps, à la matière, au travail et, bien sûr, à la nature.

La présente proposition de loi vise à retrouver un équilibre. Elle oppose à la logique du jetable une éthique de la durabilité, à l’accumulation frénétique un principe de responsabilité.

Dans le secteur du textile, l’ambivalence de l’innovation technologique prend ainsi une forme aiguë. Le numérique peut servir la transition écologique, rapprocher le consommateur de l’artisan et prolonger la vie des objets, mais il peut aussi devenir l’instrument d’une logique industrielle déshumanisante, qui transforme le vêtement en produit jetable et l’individu en simple clic d’achat. C’est cette tension que nous devons désormais affronter avec lucidité dans le cadre de cette proposition de loi.

Le secteur textile se trouve à un moment charnière de son histoire. Il est traversé par deux dynamiques contraires.

La première est celle de la transition vers un modèle circulaire. Des acteurs, parfois de taille modeste, et souvent discrets, repensent la manière de produire, de vendre, de réparer et de transmettre. J’ai d’ailleurs visité, dans le cadre de mes travaux préparatoires, une entreprise exemplaire qui, via une application, met en relation les consommateurs avec des cordonniers et des couturiers. Le numérique devient ainsi un vecteur de circularité et de lien social.

La seconde dynamique est celle d’une industrialisation massive et dérégulée. La mode express, plus connue sous son nom anglais de fast fashion, a poussé à son paroxysme la logique de surproduction et de consommation compulsive. Des plateformes diffusent chaque jour des milliers de références à bas prix, dans une spirale de production aux coûts sociaux et environnementaux colossaux.

Entre ces deux modèles, notre responsabilité politique est de faire un choix. Or ce dernier est clair : nous devons encourager la mode durable et enrayer les mécanismes délétères de la mode express.

Les dégâts de la fast fashion sont désormais bien documentés. Sur le plan environnemental, le constat est accablant : chaque année, 3,3 milliards de vêtements sont mis sur le marché en France, soit en moyenne 48 vêtements par habitant. Ce chiffre révèle à lui seul l’ampleur de la dérive. Derrière ces volumes, ce sont des milliers de litres d’eau consommés par vêtement, des tonnes de CO2 émises, des ressources fossiles mobilisées et des terres polluées par les teintures et les produits chimiques.

Toutefois, les dommages ne s’arrêtent pas à la production. L’éphémère est devenu la norme. Chaque seconde, 35 vêtements sont jetés en France, pour un total de 600 000 tonnes de textiles par an. Le plus souvent, ces déchets finissent incinérés ou sont envoyés à l’autre bout du monde, où ils saturent des décharges à ciel ouvert, polluent les sols et les nappes phréatiques et dégradent la qualité de l’air.

Ces effets écologiques s’accompagnent de graves distorsions économiques. Les plateformes de la mode express bénéficient d’un modèle reposant sur une externalisation systématique des coûts. Elles contournent les obligations environnementales, échappent aux règles sociales les plus élémentaires et pratiquent des prix qui rendent la concurrence impossible pour nos entreprises locales.

À l’inverse, les enseignes européennes, sans être parfaites, s’efforcent de s’adapter, comme j’ai pu le constater au cours de mes travaux préparatoires. Elles créent des emplois non délocalisables, assurent un maillage territorial et soutiennent des filières d’insertion. Le tissu économique qu’elles contribuent à préserver est un bien commun.

La mode circulaire, elle aussi, est menacée. Le développement de la réparation, du réemploi et de la vente en seconde main – autant de pratiques vertueuses pour l’environnement et l’emploi – est compromis par l’invasion des vêtements à bas coût et de qualité médiocre.

Les textiles bon marché, conçus pour être jetés, sont par définition difficilement réparables ou recyclables. Et quand un vêtement neuf coûte moins cher qu’un vêtement de seconde main, le signal envoyé au consommateur est destructeur.

Je tiens à le souligner, cette filière a des effets vertueux non seulement sur le plan environnemental, mais aussi sur le plan économique, car elle joue un rôle de levier d’insertion pour des publics éloignés de l’emploi. Elle remplit ainsi une fonction sociale et territoriale que nous devons impérativement préserver.

Au-delà de ces enjeux économiques et environnementaux, l’impact culturel de la mode express est déplorable. Celle-ci promeut un rapport à l’objet marqué par l’instantanéité, l’accumulation et l’oubli, en nous habituant à consommer sans désir, à jeter sans remords et à remplacer sans fin.

Cette logique délétère s’insinue dans les imaginaires, notamment ceux des plus jeunes, sous l’effet de campagnes publicitaires agressives et d’un recours massif aux influenceurs.

C’est pourquoi il nous faut à présent encadrer cette dérive avec lucidité, mais sans démagogie. La présente proposition de loi définit des outils ciblés, proportionnés et juridiquement robustes. Certains ont tenté de discréditer ce texte en le présentant comme une mesure allant à l’encontre des plus défavorisés. Or il n’en est rien !

Défendre la mode express au nom du pouvoir d’achat revient à défendre la malbouffe au nom du droit à l’alimentation. Ce n’est pas servir les plus modestes que leur proposer des produits dangereux pour la santé, inutilisables après trois lavages et fabriqués dans des conditions indignes. C’est, au contraire, faire preuve de mépris. Le véritable progrès, c’est de permettre à chacun d’acheter mieux, pas plus.

D’autres ont voulu faire croire que le Sénat aurait affaibli le texte en commission. Je le dis avec force : il n’y a eu aucune compromission, aucune pression. (Marques dapprobation au banc du Gouvernement.)

J’ai conduit mes travaux avec rigueur et méthode, en entendant, comme c’est l’usage au Parlement, tous les acteurs concernés, des associations aux grandes enseignes, en passant par les plateformes elles-mêmes.

Les amendements adoptés en commission visent un double objectif : sécuriser le texte et, surtout, éviter que des entreprises françaises ou européennes ne soient incluses dans le dispositif.

L’article 1er introduit une définition claire de la mode express, fondée sur un seuil annuel de nouvelles références qui permettra d’identifier les entreprises dont le modèle repose structurellement sur la surproduction. Il impose à ces entreprises l’affichage d’un message de sensibilisation environnementale sur leurs plateformes de vente et prend en compte la spécificité des places de marché.

À cet effet, il prévoit une comptabilisation des références adaptées, en différenciant les réelles plateformes multimarques, qui ne jouent qu’un rôle d’intermédiaires, des producteurs qui adoptent le statut de place de marché par opportunisme juridique.

L’article 2 prévoit une modulation de l’écocontribution. Versée dans le cadre de la responsabilité élargie des producteurs, celle-ci vise à financer la gestion des déchets.

Dans sa version initiale, le texte proposait de la moduler en fonction de l’affichage environnemental. Or les auditions que j’ai menées ont révélé que cet indicateur nouveau et facultatif était loin de faire consensus dans la filière textile. La commission a donc préféré une autre approche : moduler la contribution selon des critères de durabilité extrinsèque, c’est-à-dire fondés sur les pratiques commerciales – fréquence de renouvellement, incitation à l’achat massif… – plutôt que sur la qualité intrinsèque du produit.

Nous avons également introduit un article 3 bis qui encadre la publicité. Le texte, dans la version issue des travaux de l’Assemblée nationale, prévoyait une interdiction totale qui présentait un risque constitutionnel sérieux.

Nous proposons une solution plus robuste juridiquement : d’une part, interdire la promotion des marques de mode express par les influenceurs, aujourd’hui relais majeurs de ces pratiques ; d’autre part, imposer une information environnementale synthétique dans toute publicité relative à ces produits.

Ce texte ne résoudra pas tout. Il devra s’inscrire dans un mouvement plus large, notamment à l’échelon européen. À cet égard, je salue la proposition du Gouvernement d’imposer, dès 2026, des frais de gestion sur les petits colis expédiés vers l’Europe.

J’ai conscience que les plateformes visées chercheront à contourner nos règles et à mobiliser des moyens juridiques importants pour en retarder l’application. Mais ce texte a une vertu essentielle : il pose un cadre, il envoie un signal clair, il trace une ligne entre ce que nous voulons encourager – la durabilité, la sobriété, l’emploi local – et ce que nous devons freiner – la frénésie, l’opacité et le jetable.

Il appartient à chacun d’entre nous, en tant que législateurs, de dire quelle société nous voulons bâtir. La mode express, c’est l’archétype d’un modèle que nous devons dépasser, car ce que nous portons sur notre dos ne doit pas peser sur les générations futures. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Nicole Bonnefoy. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, cette proposition de loi répond à la nécessité de ramener à la raison un secteur qui cède chaque jour un peu plus à la démesure.

Nous partageons le constat qui est à l’origine de ce texte : celui de la mutation du secteur de la mode vers une industrie prédatrice et insatiable, au travers de ce que l’on appelle désormais la mode éphémère, dont les chiffres donnent le tournis. À l’échelle de la France, ce sont plus de 3 milliards de vêtements neufs qui sont vendus chaque année, soit l’équivalent de 45 nouveaux vêtements par habitant. À l’échelle mondiale, on compte 100 milliards de vêtements commercialisés annuellement.

Ce sont autant de produits qui deviennent presque aussitôt des déchets textiles. Car si les volumes sont colossaux, le rythme de production est tout aussi affolant, avec des conséquences importantes sur notre service public de gestion des déchets.

À l’opposé du tissu que l’on soigne, que l’on reprise ou que l’on retouche, l’avènement de la mode éphémère introduit la coutume du vêtement jetable. Ce sont 600 000 tonnes de textile qui sont jetées chaque année dans ce pays, soit 35 vêtements par seconde.

Les géants du secteur, tels que Shein, enrichissent leur offre au rythme effréné de milliers de références chaque jour, pour inciter à consommer toujours plus, en recourant à une publicité ravageuse.

La mode éphémère est un leurre. Certes, ces plateformes ont l’avantage de pratiquer des prix bas, mais ces géants du textile ne sont en rien les alliés du pouvoir d’achat des plus modestes. Ils répondent, au contraire, à une stratégie autrement hypocrite et pernicieuse : inciter à consommer toujours plus de vêtements moins chers et de mauvaise qualité.

Compenser la faible durée de vie des produits par le prix, c’est non pas soutenir le pouvoir d’achat, c’est ouvrir la voie à la surconsommation frénétique et à un système de surproduction qui s’autoalimente.

Compenser la faible durée de vie des produits par le prix, c’est commercialiser ce qui va aussitôt nourrir une surproduction de déchets. En somme, c’est tromper le consommateur, qui, pensant s’habiller à peu de frais, prend place dans un manège infernal. En effet, ces prix cassés ont eux-mêmes un coût environnemental, économique et social.

Un coût économique, tout d’abord, car, en saturant le secteur de la mode, les plateformes digitales deviennent les fossoyeurs du textile français. Là encore, les chiffres sont éloquents : selon l’Insee, depuis 1990, près de 300 000 emplois ont été détruits dans l’industrie textile française, soit les trois quarts des postes du secteur. Les premières victimes de l’appétit des ogres de la mode sont donc les acteurs français du textile, eux qui participent directement à la vie commerciale de nos communes.

Un coût environnemental, ensuite, et qui est dramatique. Rappelons les chiffres, tant ils sont accablants. La mode éphémère représente 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. C’est une part tout à fait considérable, qui équivaut à celle des transports aériens et maritimes cumulés !

Ces prix cassés sont permis par le recours massif aux fibres synthétiques, bien moins coûteuses pour les industriels. Elles sont tout droit issues de combustibles fossiles et suscitent une pollution plastique alarmante. On estime ainsi qu’elles sont à l’origine de près du tiers des microplastiques primaires présents dans les océans.

Par ailleurs, la recherche de la diminution des coûts conduit à produire à l’autre bout du monde, le plus souvent en Asie. Chaque commande impose donc de longues distances de transport. Citons encore ici Shein, qui expédie chaque jour 5 000 tonnes de marchandises par avion.

Enfin, le dernier coût caché derrière les prix cassés est social. C’est celui des salaires de misère pratiqués en Asie du Sud-Est. C’est celui des conditions de travail déplorables et parfois à risque. C’est celui des substances nocives encore utilisées, auxquelles sont exposés producteurs et consommateurs. C’est enfin, comme je le disais, celui des emplois en France et en Europe, menacés par cette concurrence déloyale.

Avec la mode éphémère, tout le monde est perdant : le consommateur, qui pense bénéficier de tarifs attractifs, alors qu’il est victime de la cupidité des plateformes ; l’environnement, qui subit de plein fouet les conséquences désastreuses de cette industrie polluante ; les acteurs français et européens du textile, désarmés face à cette concurrence déloyale ; les populations ouvrières d’Asie, souvent exploitées pour permettre des prix cassés. Face à de telles pratiques, nous nous devons d’apporter une réponse ambitieuse et courageuse.

Le texte, à l’origine défendu par la députée Anne-Cécile Violland et composé de sept articles, allait dans le bon sens. Il visait à définir la mode éphémère, pour, enfin, la reconnaître et la circonscrire, à instaurer une écocontribution, pour sanctionner ce modèle et favoriser des dynamiques plus durables, et à interdire la publicité qui promeut ce système néfaste et piège le consommateur.

Nous regrettons que l’article 3 ait été supprimé par la commission, au nom de motifs d’inconstitutionnalité délibérément exagérés. Nous proposerons donc de le rétablir par voie d’amendement, car, comme nous l’avons souligné, la publicité constitue l’un des principaux moteurs grâce auxquels ces plateformes promeuvent leur modèle de surconsommation. L’interdiction de la publicité est la clé de ce texte, car elle constitue la véritable sanction.

Une version moins punitive a été privilégiée à l’article 3 bis, pour ne retenir qu’une interdiction limitée aux influenceurs. Pourtant, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) est saisie des pratiques de lobbying de Shein.

Ayons donc le courage politique de réintroduire l’article 3, afin de protéger les consommateurs, les filiales françaises et l’environnement.

De même, nous demandons l’interdiction de mentions abusives, comme celle de la « livraison gratuite », qui invisibilise faussement les coûts et les conséquences du transport de marchandises. Les amendements que nous défendrons en ce sens sont issus d’un travail transpartisan mené au sein de notre commission.

Nous proposons également de supprimer l’abattement sur les dons des invendus aux associations, qui, comme elles nous l’ont fait remarquer, sont submergées par les surplus de la mode jetable. L’objectif est donc d’empêcher ce contournement pernicieux de la part des producteurs, qui en profitent pour rémunérer leurs dons aux frais de l’État.

Dans le même esprit, nous souhaitons inclure le nombre des invendus dans la définition de la mode éphémère.

Enfin, les écocontributions, c’est-à-dire les pénalités infligées aux pratiques néfastes de la mode éphémère, doivent être calculées de manière efficace. Nous proposons de réinsérer la méthodologie de l’affichage environnemental, la seule qui a été éprouvée et qui est à même de garantir des écomodulations pertinentes.

Pour conclure, cette proposition de loi, bien qu’elle puisse être améliorée, va indiscutablement dans le bon sens. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain reste pleinement engagé dans la nécessaire régulation, non pas d’une mode, mais d’un système d’exploitation qui fait fi des externalités négatives de ses activités.

Nous ferons donc preuve de vigilance dans notre soutien aux efforts visant à encourager la sobriété, le recyclage ou le réemploi, contre un modèle prônant la surconsommation, la surproduction de déchets et la culture du jetable. Il s’agit non pas de démoder la mode éphémère, mais d’enrayer un système de production qui s’emballe pour renouer avec l’essentiel.

Il est question ici de réguler les excès d’un capitalisme incompatible avec nos enjeux écologiques. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, ce texte pose une question fondamentale : voulons-nous encore être une nation de producteurs ou souhaitons-nous devenir seulement une nation de consommateurs ? C’est la réponse à cette question essentielle qui déterminera la destinée de l’Europe dans ce siècle, comme je le pense et le rappelle depuis assez longtemps.

Je me réjouis que de grands Européens, au premier rang desquels Mario Draghi et Enrico Letta, le disent eux aussi aujourd’hui avec force et énergie.

Depuis plusieurs décennies, tous nos choix collectifs nous ont poussés dans une direction : nous avons renoncé, dans de trop nombreux secteurs, à être un pays de producteurs, pour nous contenter d’être un pays de consommateurs. C’est une décision qui, comme tout choix politique, est respectable, mais il est nécessaire d’en comprendre toutes les implications.

Or, pour l’élue de l’Aube que je suis, ces implications sont très claires. Notre territoire, qui a joué un rôle de tout premier plan à la grande époque de l’industrie textile française, a été frappé de plein fouet par la désindustrialisation. Chez nous, le mythe funeste de la France sans usines, qui a fait les choux gras des élites économiques de la fin du siècle dernier, s’est traduit par des fermetures d’usines et d’ateliers et des destructions d’emplois.

Je vous parle ici de choses tout à fait concrètes, mes chers collègues. On estime à plus de 18 000 le nombre d’emplois de l’industrie textile qui ont été détruits dans l’Aube, soit une diminution de 68 % depuis 1982. C’est colossal ! Ce sont autant de familles bouleversées par le chômage, de villes, de villages et de bourgs dont l’activité économique, qui a perdu subitement un poumon, s’essouffle inéluctablement.

L’Aube, qui était une terre d’industrie, comme tant de territoires ruraux en France, a ensuite été précipitée dans une mécanique infernale : perte d’activité, diminution de l’attractivité, désertification, évaporation des services publics, montée du chômage de masse. C’est le début d’un enchaînement de catastrophes sociales qui fait le lit des désolations les plus sombres, des ressentiments les plus tenaces et de tous les populismes.

Pourtant, les Français n’ont pas renoncé à s’habiller, tant s’en faut. Ils ont même doublé leur consommation de vêtements depuis les années 1980, au moment du passage à la consommation de masse. On a fait baisser les prix en consommant des produits étrangers, mais l’effet rebond a été immédiat : aujourd’hui, on consomme deux fois plus et notre balance commerciale se dégrade.

Il est essentiel de voir le coût caché de ce système. On ne peut pas prétendre préserver le pouvoir d’achat des Français si on n’explique pas clairement qu’acheter un t-shirt à 2 euros, c’est soutenir les fermetures d’ateliers et la destruction d’emplois en France. C’est soutenir un commerce international débridé et l’industrie de pays qui subventionnent massivement un pseudo-secteur productif privé n’existant pas et qui ne partagent pas nos valeurs. C’est soutenir la création d’emplois dans des conditions proches de l’esclavage.

Aujourd’hui, avec l’arrivée des millions de colis chinois, notre regard a changé sur les pratiques de la mode éphémère. La submersion ne fait que commencer, et il faut nous préparer à une catastrophe économique et écologique. Ce ne sont pas vraiment des vêtements que nous importons, nous devons en être conscients. Ce sont, pour la plupart d’entre eux, des déchets, voire des déchets ultimes.

La fast fashion n’est ni réparable ni recyclable. Qui en paiera le coût ? La collectivité ou, devrais-je dire, nos collectivités. Les élus locaux doivent bien le comprendre : à chaque ouverture d’une enseigne de fast fashion, ce sont des déchets qui s’amassent et des commerces qui finiront par fermer.

Rappelons que, en quarante ans, la malbouffe a inondé notre quotidien : fast-food, sodas, plats préparés ou transformés. Le pays de la gastronomie s’est laissé empoisonner par des produits qui nous pourrissent la santé et augmentent mécaniquement le volume de déchets à traiter.

La présente proposition de loi ne fera pas de nous un pays de producteurs du jour au lendemain, a fortiori si nous adoptons une version qui réduit ses ambitions. Ce faisant, elle ne serait qu’une petite tape sur la joue, histoire de nous remettre dans le match.

Toutefois, avons-nous encore envie de jouer cette partie ? Avons-nous encore l’ambition de redevenir un grand pays industriel et de tenir tête aux autres pays, au premier rang desquels la République populaire de Chine, qui a fait le choix résolu de l’industrie, ou bien considérons-nous que le match est plié et que nous ne jouerons plus ?

Pour ma part, je continuerai toujours à encourager l’industrie.

Tout d’abord, parce que je crois qu’il n’y a pas de grande nation sans industrie. Dès 1960, le général de Gaulle nous avait prévenus : il nous faut soit accéder au rang d’un grand État industriel, soit nous résigner au déclin.

Ensuite, parce que je suis convaincue qu’il y va de la pérennité de notre modèle social. Le coût complet de la mode éphémère, qui n’est absolument pas reflété dans le prix des produits, est catastrophique pour la Nation.

Nous ne pouvons pas nous abriter derrière le seul pouvoir d’achat en ignorant toutes les autres dimensions, notamment territoriales.

L’Aube regorge de champions internationaux, de marques iconiques, au premier rang desquels figurent Le Coq sportif, Lacoste ou encore Petit Bateau. Certains se portent à peu près bien, d’autres sont en difficulté, mais tous demeurent des sources d’emploi, de savoir-faire et de qualité. Surtout, ils font vivre, à l’échelon local, tout un écosystème industriel de sous-traitants, de tricoteurs, de teinturiers, d’apprêteurs, de petites mains… Toute une série de métiers qui font encore partie de notre patrimoine industriel et qui font vivre notre territoire. Soutenons-les chaque fois que nous le pouvons, dans toute la France.

Au début de mon propos, j’ai cité deux grands Européens : Mario Draghi et Enrico Letta. Le rapport du premier nous a rappelé que notre décrochage en matière de compétitivité n’était pas seulement une mauvaise nouvelle économique : il remet en cause l’existence même de l’Union européenne. Si celle-ci ne peut plus garantir la prospérité des États membres, alors elle renonce à sa promesse fondatrice, à savoir garantir la paix par la prospérité.

Nous proposerons des amendements pour rendre à cette proposition de loi son ambition initiale et offrir à nos enfants autre chose que des scroll et des clics… (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC. – Mme Sabine Drexler applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Didier Mandelli. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, certaines propositions de loi passent inaperçues ; d’autres, au contraire, suscitent beaucoup d’intérêt, non seulement chez les parlementaires, mais encore auprès des citoyens et des médias.

Le présent texte appartient à la seconde catégorie, sans doute parce que, indépendamment de la filière concernée – le textile –, chacun a bien conscience qu’il pose en réalité une question légitime sur un modèle économique qui bouleverse les données du commerce international et dont les effets néfastes se manifestent au plus près de nos territoires, à bas bruit. D’ailleurs, d’autres secteurs d’activité sont affectés, comme l’ameublement ou le médicament.

Notre ambition, celle d’une société placée sous le signe du développement durable, doit-elle être revue à la baisse pour tenter, de façon illusoire, de résister ? ou doit-elle au contraire être confortée, afin d’obtenir la réciprocité dans les trois composantes – sociale, économique et environnementale – d’un développement acceptable par tous et pour tous ?

Pour imposer cette vision, notre pays et l’Union européenne doivent être au même diapason.

J’en viens plus précisément à l’objet de cette proposition de loi. Comment accepter que 4,5 milliards de colis arrivent chaque année en Europe, dont un tiers pour la France, plus de la moitié de cette part – quelque 800 000 colis – provenant des deux sites de vente les plus cités et étant acheminée par 600 avions-cargos par jour ? Comment accepter sans réagir la disparition de 50 000 emplois en France depuis le début de l’année 2024 dans la filière textile-habillement ? Comment accepter, enfin, les liquidations et les fermetures des boutiques de nos centres-villes et des enseignes de périphérie, désormais fortement touchées, telles que Kaporal, Jennyfer, Burton, Sergent Major ou encore, plus récemment, Naf Naf, dont 600 emplois ont été supprimés en France ?

Une économie de marché doit être régulée. Nous ne pouvons accepter un modèle fondé sur un libéralisme échevelé, totalement incontrôlé, qui néglige en outre les questions sanitaires.

Comment passer d’une société totalement consumériste à une société de consommateurs responsables, conscients que chacun de leurs actes d’achat est un geste qui a une incidence forte sur leur famille, leurs voisins, leur environnement, leur pays ? Par la pédagogie, par l’éducation, bien sûr, mais sans culpabiliser ceux qui n’ont souvent pas d’autre choix compte tenu de leur pouvoir d’achat, en raison de la paupérisation d’une frange toujours plus importante de la population. « Nos emplettes sont nos emplois », clamaient les chambres de commerce et d’industrie dans une campagne de communication datant de quelques décennies déjà. Ce message est plus que jamais d’actualité.

Il faut donc faire preuve de pédagogie en direction des consommateurs, en accentuant le message pour les plus jeunes, plus sensibles aux sollicitations émanant des réseaux sociaux. Néanmoins, responsabiliser et, le cas échéant, sanctionner les producteurs est tout aussi important. Les contrôles doivent être massifs, les douanes et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont mobilisées. Nous devons donner à ces services les moyens d’intervenir. Oui à la TVA et oui aux droits de douane sur ces produits !

C’est tout le sens du texte que nous allons examiner dans quelques instants. Je profite de cette occasion pour remercier notre collègue rapporteure, Sylvie Valente Le Hir, qui, malgré l’emballement médiatique autour de cette proposition de loi, a su garder le cap, avec le soutien fort de la commission. Merci, ma chère collègue, nous savons tous votre engagement sur ce texte depuis près d’un an, depuis que la commission vous a désignée rapporteure.

Ainsi, ni les interventions de notre collègue députée, rapporteure de l’Assemblée nationale, jusqu’au sein du Sénat, ni la nomination d’un ancien ministre de l’intérieur, par ailleurs président du Port de Marseille, comme conseiller ou ambassadeur d’un leader chinois ne nous auront fait dévier de notre objectif : mettre fin à un modèle destructeur sur le plan social, environnemental et économique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth.

Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la mode éphémère, ou fast fashion, s’est imposée en quelques années comme une tendance dominante au sein de certaines industries. Son modèle, fondé sur le renouvellement ultrarapide de collections à très bas prix, rencontre un certain succès auprès des consommateurs, notamment des plus jeunes.

Toutefois, derrière des vêtements toujours moins chers, livrés en quelques jours depuis l’autre bout du monde, se cache un coût environnemental, social et économique que nous ne pouvons plus ignorer. Entre 2010 et 2023, le nombre de vêtements mis sur le marché en France est passé de 2,3 milliards à 3,2 milliards de pièces, une augmentation de près de 40 % en à peine plus d’une décennie, et ce volume ne cesse de croître. Ces vêtements proviennent, pour la plupart, d’Asie du Sud-Est, sont produits dans des conditions sociales très différentes de ce qui existe en France et engendrent d’importantes émissions de CO2 liées aux importations.

Rappelons-le : l’industrie textile est aujourd’hui la deuxième industrie la plus polluante au monde ; elle représente à elle seule près de 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Chaque année, environ 3,3 milliards de vêtements sont mis sur le marché français dont une grande partie ne seront portés que quelques fois, voire ne le seront jamais, avant d’être jetés ou oubliés au fond d’un placard.

La fast fashion n’est pas seulement un problème écologique. Elle met aussi à mal tout un tissu économique local : celui de nos entreprises françaises du textile, qui ne peuvent suivre le rythme imposé par des géants de la vente en ligne. Elle accentue une concurrence déloyale, fragilise nos emplois, appauvrit nos savoir-faire, détruit notre indépendance industrielle.

Face à ce constat, des textes ont déjà été adoptés – je pense à la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (Agec) ou encore à la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite Climat et Résilience –, mais force est de constater que, bien qu’importants, ils n’ont pas suffi à inverser la tendance.

C’est pourquoi la présente proposition de loi est essentielle. Elle permet, d’une part, de mieux encadrer la mode éphémère grâce à une définition claire et, d’autre part, de mieux sanctionner et pénaliser les entreprises qui décident de ne pas respecter les règles. L’interdiction de la promotion des produits de la mode éphémère par les influenceurs est aussi une avancée majeure, en ce qu’ils constituent le principal relais des marques de fast fashion.

Nous devons cependant veiller à ce que ce texte cible bien les pratiques que nous voulons encadrer sans avoir d’effets de bord pour les acteurs français, notamment pour les marques abordables qui produisent en France ou en Europe, avec des engagements environnementaux clairs.

C’est pourquoi le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants proposera quatre amendements afin, d’une part, de cantonner la définition de la fast fashion au seul critère de la durée de vie, en excluant la durée d’usage, qui pourrait concerner aujourd’hui des produits d’entrée de gamme ne relevant pas de cette pratique, et, d’autre part, de réserver le malus des écocontributions aux seules entreprises de fast fashion.

Enfin, je souhaite insister sur un point fondamental : ce débat est aussi l’occasion de promouvoir l’achat responsable et local. Acheter des vêtements produits en France, c’est soutenir l’emploi, la qualité, la traçabilité ; c’est choisir des produits conçus avec soin, souvent plus durables, fabriqués dans le respect de normes sociales et environnementales exigeantes ; c’est aussi dire non à des plateformes qui inondent le marché de produits jetables à bas coût. Chacun d’entre nous peut, à son échelle, être acteur de ce changement. Il s’agit non pas d’interdire de s’habiller, mais de retrouver du sens dans nos choix de consommation.

Cette proposition de loi n’est pas punitive. Elle est une réponse lucide, proportionnée et nécessaire à un modèle qui n’est plus soutenable.

Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, notre économie dépend d’abord, faut-il le rappeler ? de nos modes de consommation et ce texte permet avant tout de remettre ces derniers en question, dans le secteur de l’habillement.

La mode, modus en latin, nous renvoie à la « mesure » et donc à la démesure. Or 3,3 milliards de vêtements sont mis sur le marché en France chaque année, soit 1 milliard de plus qu’il y a dix ans, et ces milliards de vêtements, importés, consommés et plus ou moins usés, entraînent le rejet de milliers de tonnes de microplastique dans nos océans ou dans des montagnes de déchets.

La numérisation de notre économie précipite la disparition de notre tissu industriel textile. Après les usines, ce sont les marques qui disparaissent – Kookaï, Camaïeu, Naf Naf ou André au cours des derniers mois –, avec les destructions d’emploi correspondantes dans nos territoires.

Les géants extra-européens du textile affichaient plus de 2 milliards d’euros d’activité dans la mode en 2024, soit une progression de 18 %, et représentent à eux trois 25 % des ventes de mode en ligne. Ce modèle de mode jetable et de prix-chocs écrase toute concurrence, en particulier celle des acteurs français et européens du textile traditionnel.

Dans le Lot-et-Garonne comme ailleurs, nos magasins d’habillement ont été les premières victimes de cette expansion numérique qui détruit nos commerces de centre-bourg. C’est une vraie question de société : veut-on supprimer tous nos commerces de proximité et rester chez soi sans contact humain ? Voilà un enjeu économique et social de premier ordre.

Or ces prix bas ne peuvent exister qu’au détriment, hélas ! du respect d’exigences sociales, humaines, sanitaires et environnementales élémentaires. Ce constat, nous le faisons tous ; désormais, il nous faut agir, c’est-à-dire endosser collectivement la responsabilité consistant à limiter le champ d’action de certaines entreprises, dont les procédés industriels et commerciaux sont catastrophiques tant pour notre environnement que pour notre souveraineté économique.

L’enjeu de ce texte réside dans l’amélioration des pratiques industrielles et commerciales de ces acteurs, en les encourageant à la sobriété, au réemploi, à la réparation et au recyclage des produits.

Même si, bien évidemment, le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen accueille favorablement cette proposition de loi, notre vote n’épuisera pas le sujet. Il nous reste beaucoup à faire, notamment en matière de recyclage et d’économie circulaire. Les performances de nos filières de recyclage présentent d’importantes marges de progrès : 40 % du gisement de déchets soumis à une responsabilité élargie du producteur (REP) échappent encore à la collecte et 50 % des déchets ne sont pas recyclés. De plus, les sanctions à l’égard des éco-organismes ne sont quasiment jamais prononcées.

C’est un enjeu important, tant pour les acteurs du réemploi solidaire que pour les gestionnaires publics de déchets, qui, in fine, sont confrontés à un afflux de matière textile qui termine en enfouissement ou en incinération. Cela représente un coût public non négligeable.

Au-delà, si nos filières ont encore besoin de temps pour se structurer et pour faire en sorte que les points de collecte soient mieux identifiés, il faut considérer le problème de manière globale. Nous devons aborder le sujet de la régulation européenne en matière de biens importés. Je le rappelle, les colis entrant dans le marché intérieur européen d’une valeur inférieure à 150 euros sont actuellement exonérés de droits de douane. Or quelque 4,6 milliards de ces colis ont été importés en Europe en 2024 ; il devient donc urgent de mettre en place la réforme douanière proposée par la Commission européenne.

La présente proposition de loi ferait de la France le premier pays au monde à légiférer pour limiter les dérives de la fast fashion, une mode ultra-éphémère, qui fait de la surproduction l’alpha et l’oméga de la rentabilité. Progresser sur ce sujet complexe, qui exige que Bruxelles et Paris avancent conjointement, nous permettra d’envoyer un signal fort et de siffler la fin de notre naïveté commune.

Je souhaite conclure mon intervention par la question du pouvoir d’achat. Ne tombons pas dans le piège qui vise à opposer nos travaux à l’intérêt général. Nous faisons ici œuvre de régulation, afin de corriger une dérive commerciale néfaste. En outre, cette proposition de loi ne doit pas nous empêcher d’entendre certains manques de notre marché, notamment sur les grandes tailles. Il faut améliorer l’offre dans cette catégorie, pour ne pas entretenir des marchés captifs de la fast fashion.

Vous l’aurez compris, madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe RDSE est majoritairement favorable à cette première étape, à cette tentative de régulation inédite d’acteurs puissants, qui ont érigé la surproduction en système, au mépris des normes européennes et de notre intérêt général. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Demilly. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Stéphane Demilly. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui vise à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile. Cette industrie, cela a été dit, est clairement l’une des plus polluantes au monde : elle générerait chaque année plus de 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre.

L’essor fulgurant de ce que l’on appelle la fast fashion repose sur un modèle économique aussi séduisant qu’illusoire : produire toujours plus, toujours plus vite, à des prix toujours plus bas et avec la durée de vie la plus courte possible, bref, comme l’a dit Mme la ministre, produire à une tout autre échelle, à une tout autre dimension.

Derrière un tee-shirt à 3 euros ou une robe à 10 euros se cachent des conditions indignes de travail, des salaires de misère et un rythme de labeur insoutenable dans des ateliers insalubres, autant de violations des droits humains qui ont souvent cours dans des pays pauvres. Cette course effrénée à la production et à la consommation détruit toute perspective non seulement de respect des travailleurs, mais également de durabilité et de qualité des produits.

Mes chers collègues, à travers vous, je m’adresse à nos concitoyens : accepter ces prix dérisoires, c’est soutenir, souvent à son insu, toute une chaîne d’exploitation silencieuse, violente et polluante. Nous sommes des élus, mais aussi des consommateurs et, comme dirait Tzvetan Todorov, « Donner des leçons de morale n’est pas une preuve de vertu » ; nous aussi sommes bernés, ou plus exactement aveuglés, par les images, les prix, les slogans, le marketing et la facilité. Que celui qui n’est pas concerné me jette, non la première pierre, mais le premier tee-shirt…

Cela a été dit, chaque année, des milliards de vêtements sont produits, portés une ou plusieurs fois puis jetés, selon le modèle du kleenex, en quelque sorte, qui engendre une consommation massive de ressources naturelles, notamment d’eau : jusqu’à 10 000 litres sont requis pour produire un seul jean ! À cela s’ajoutent le rejet de tonnes de microplastique dans les océans, les émissions de gaz à effet de serre dues au transport international et la pollution chimique des sols et des rivières. Oui, la fast fashion est une catastrophe écologique !

Par ailleurs, ce duo production-consommation éphémère représente une concurrence déloyale pour la production textile française, fragilisée depuis longtemps par la mondialisation, notamment par les pays asiatiques. Nos entreprises, auxquelles on impose des règles de droit du travail et des normes sans cesse plus contraignantes, ne peuvent rivaliser avec ces produits jetables, fabriqués à la chaîne pour quelques centimes.

Il est urgent d’encadrer cette concurrence anarchique, notamment par la régulation, bien sûr, mais aussi, même si je doute de sa totale efficacité, par de la pédagogie et de la communication sur le processus de fabrication des produits concernés.

Cette proposition de loi constitue un premier pas vers une industrie plus responsable ou, plus précisément, un premier pas pour tenter de responsabiliser les consommateurs. Parmi les mesures phares figurent l’affichage environnemental obligatoire, un système de bonus-malus encourageant les marques à l’écoconception et une publicité mieux encadrée.

Ce texte prend en compte l’impact économique de telles mesures, notamment pour les réseaux de vente, en prévoyant des dispositifs d’accompagnement et des délais d’application raisonnables.

Enfin, chacun en a bien conscience, il faut intensifier nos efforts pour promouvoir et soutenir les filières de recyclage et de réparation des produits textiles. Il faut redonner du sens à notre consommation et sortir de la logique infernale « produire vite, consommer vite, jeter vite ».

Le groupe Union Centriste votera en faveur de cette proposition de loi, qui s’inscrit pleinement dans l’esprit du Pacte vert européen et qui répond à nos engagements climatiques ainsi que, je l’espère, à l’attente croissante de nos concitoyens pour une consommation plus éthique et plus durable. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP, RDSE et GEST, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’industrie textile est l’un des secteurs les plus polluants au monde, ses émissions de CO2 représentant plus de 8 % de la totalité des émissions.

La production de vêtements est passée de 58 millions de tonnes en 2000 à 109 millions de tonnes en 2020, et nous nous dirigeons vers une production annuelle de 145 millions de tonnes d’ici à 2030. Cette augmentation rapide et massive est due à un phénomène, dont nous débattons aujourd’hui, la fast fashion.

Le remplacement ultrarapide des collections de vêtements par les marques ne vise pas à répondre à un besoin, il s’agit de nourrir l’appétit de profit des multinationales, en s’appuyant sur des citoyens devenus des consommateurs envahis de publicité et d’injonctions à consommer. Certaines enseignes de prêt-à-porter vont jusqu’à renouveler leurs collections toutes les deux semaines, alimentant une surconsommation amplifiée par les réseaux sociaux.

Le fait de pouvoir fournir si rapidement et si régulièrement des biens marchands qui n’ont pas suffisamment de circuits de recyclage ou de réemploi ne peut se faire qu’au détriment de la nature et des travailleuses et travailleurs.

C’est d’abord vrai du point de vue environnemental, bien sûr, puisque nous surexploitons nos ressources, en occultant le gaspillage qui en découle et en omettant que, chaque année, le « jour du dépassement » est de plus en plus précoce. Cette année en France, ce jour, celui où la consommation de ressources dépasse ce que la Terre est en mesure de renouveler, était le 19 avril. En 2024, il était tombé le 5 mai.

Cette date symbolique est d’abord le signe que notre modèle économique est en décalage avec la réalité. Il faut savoir que, pour confectionner un jean, il faut en moyenne 7 500 litres d’eau, soit l’équivalent de toute l’eau bue par un être humain pendant sept ans selon l’ONU.

Enfin, ce modèle économique du jetable est un modèle qui exploite les femmes et les enfants et qui nuit à leur santé, dans les pays, comme le Bangladesh, où le salaire mensuel moyen s’élève à 80 euros. Avec aujourd’hui trois fois moins d’emplois en France dans ce secteur que jadis et des fermetures d’usines qui se poursuivent, cette surproduction vestimentaire se paie aussi au prix de délocalisations et de chômage. Encore 600 emplois sont aujourd’hui menacés chez Naf Naf…

Pourtant, il y a des moyens d’agir, comme l’a montré l’Assemblée nationale en adoptant ce texte, et comme, je l’espère, nous saurons le faire ici. Il faut encadrer la publicité de l’industrie textile en interdisant la promotion de la fast fashion. Cela ne doit pas viser seulement les influenceurs, il faut plus largement refuser de promouvoir des produits qui nuisent à notre planète au détriment de tous et qui sont fabriqués dans des conditions que nous déplorons. Il faut veiller au réemploi des vêtements, notamment en soutenant les structures de seconde main.

Les géants de la fast fashion bénéficient de millions d’euros de réduction d’impôts pour leurs surplus donnés à des associations, afin de rendre la surproduction rentable. Un jean d’une valeur de 12 euros peut ainsi entraîner une ristourne fiscale de 7,20 euros, mais, au bout de la chaîne, ce sont les associations qui trinquent. Ensevelies sous les vêtements, elles doivent de plus en plus les détruire par leurs propres moyens.

C’est d’ailleurs cette situation qui a conduit à la liquidation, en Dordogne, le département d’où je suis élue, de l’association d’insertion La Tresse, qui a collecté et trié, pendant plus de quinze ans, jusqu’à 2 700 tonnes de vêtements par an, en travaillant avec près de 200 associations. Quarante emplois ont été ainsi supprimés et des tonnes de textile ne sont plus valorisées localement. Cette surproduction fragilise les acteurs de l’économie circulaire.

La création de malus et de bonus reposant sur l’écoconception est donc positive et devrait guider l’ensemble de nos productions, au-delà de l’industrie textile. Il faut que la durabilité des vêtements soit pensée dès leur conception. L’apport de ce texte sera important sur ce dernier point.

Enfin, et c’est un aspect sur lequel ce texte aurait pu être plus ferme, nous devons veiller à ce que les conditions de travail et les salaires des ouvrières et des ouvriers du textile permettent à ces derniers d’avoir une vie décente, digne, de ne pas être une main-d’œuvre exploitée. Il y a beaucoup à faire sur ce sujet. Si cette proposition de loi s’intéresse à l’impact environnemental, elle ne s’attarde pas suffisamment sur la question sociale, tout aussi importante et totalement liée. Les femmes représentent 60 millions de travailleuses de l’industrie textile dans le monde. Sur un tee-shirt vendu 29 euros en magasin, les ouvrières de la chaîne textile touchent seulement 18 centimes.

Si ce texte, modifié en commission, pouvait donc aller plus loin sur ce sujet, il ouvre tout de même des perspectives positives pour réduire l’impact environnemental de l’industrie textile. Le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky l’approuvera. J’en profite pour remercier notre collègue rapporteure de son engagement. (Applaudissements au banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Jacques Fernique. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi sur l’impact environnemental de l’industrie textile répond à une nécessité absolue d’agir. Si nous voulons conserver le principe de la responsabilité des producteurs, qui affecte aux metteurs sur le marché, aux distributeurs et aux importateurs de produits la collecte, le tri, le réemploi, le recyclage ou l’élimination des déchets issus de leurs produits, nous, parlementaires, ne pouvons rester l’arme au pied face à la déferlante de la fast fashion.

Les marques, les entreprises s’efforcent, via leurs lobbyistes redoutablement efficaces, de prouver qu’elles font le bonheur des consommateurs populaires avec leurs prix bas et arguent de leurs bonnes intentions pour progresser. Toutefois, leur impact est désastreux : pratiques industrielles engendrant 10 % des émissions de gaz à effet de serre – on estime que cette proportion atteindra 26 % à l’horizon de 2050 si rien n’est fait pour enrayer ce phénomène –, contribution, à hauteur de 20 %, à la pollution des eaux, rejet de 35 % des microplastiques primaires évacués dans les océans, modes de production situés à des milliers de kilomètres de chez nous, qui bafouent les impératifs de vigilance, en particulier les droits sociaux – là-bas, c’est le Rana Plaza ou ses avatars, ici ce sont des destructions d’emplois, la disparition de boutiques dans nos villes, prix certes plus bas, mais pour des articles vite jetés –, engorgement sous des montagnes de déchets et dégâts largement payés par les collectivités chargées du service public de gestion des déchets.

La loi Agec avait consolidé les fondements de la responsabilité des producteurs et des metteurs sur le marché. La loi Climat et Résilience a permis une avancée nécessaire, qui n’est toujours pas concrétisée : l’affichage environnemental textile, qui requiert des critères efficaces et valides. Le présent texte, issu de l’Assemblée nationale, a pour objet d’actionner pleinement deux leviers pour contrer les effets désastreux de la fast fashion : l’écomodulation de la contribution à l’éco-organisme de la REP et l’interdiction de la publicité.

Il aura fallu attendre un an depuis que l’Assemblée nationale nous a transmis sa copie contenant ces intentions, pour que s’entame son examen au Sénat. Il aura fallu attendre encore près de trois mois pour que le texte accède à la séance, une fois passé le cap de la commission – un délai assez inhabituel, on peut le relever. Aujourd’hui, enfin, nous y sommes ! Nous avons eu tout le temps, nous sommes pleinement en mesure d’optimiser ce texte, de le rendre plus opérationnel, plus efficace.

Or que nous propose la majorité de la commission ? De laisser dans le vague la façon d’actionner le levier des écomodulations – on renverrait à un décret le soin de préciser comment et avec quelle intensité se déclinerait la pénalisation de pratiques commerciales et industrielles néfastes – et de renoncer d’emblée à l’interdiction de la publicité, alors que c’est justement par toutes les formes, classiques et nouvelles, de publicité que la fast fashion pousse à l’hyperconsommation et à des pratiques qui ne sont absolument pas écoresponsables.

Il s’agit donc – c’est le cœur du dispositif – d’actionner efficacement le levier des écocontributions, c’est-à-dire le régime de primes et de pénalités et leur modulation en fonction du caractère durable des produits et de leur capacité à s’intégrer dans l’économie circulaire, qui est notre horizon. Par ce biais, nous pourrons à la fois rétablir un peu la compétitivité de nos productions de qualité et financer la gestion des déchets – collecte, tri, réemploi, recyclage –, plutôt que de faire payer lourdement nos collectivités et leurs contribuables. Et si cette écomodulation n’affecte pas uniquement les sociétés chinoises Shein ou Temu, si des metteurs sur le marché européens ou français sont aussi incités par ce système à s’améliorer et à rectifier des dérives, eh bien tant mieux !

L’affichage d’un indice environnemental était prévu dans la rédaction d’origine. Notre commission, sur proposition de notre rapporteure, l’a retiré, au motif que l’on ne pouvait se fonder sur un dispositif non obligatoire et en raison de l’incertitude réglementaire d’un dispositif non encore abouti. Cela dit, un élément nouveau est intervenu depuis lors : le 15 mai dernier, la Commission européenne a finalement validé le cadre réglementaire relatif à cet affichage.

Nous sommes donc pleinement en mesure non pas de rendre l’affichage environnemental obligatoire pour les textiles, mais de reprendre l’ensemble des critères, maintenant validés, qui le constituent, afin de les intégrer dans le texte comme ligne directrice du décret à venir.

Ainsi, nous aurions mieux à faire que de produire une coquille, certes intéressante, mais un peu vide. C’est ce que l’on propose, au travers de neuf amendements, susceptibles de recueillir une large majorité pour cette avancée aujourd’hui.

Faut-il – peut-on ? – interdire la publicité pour ces produits textiles de la fast fashion ? Comme pour le tabagisme ou les énergies fossiles, il y a bel et bien là, me semble-t-il, un motif d’intérêt général. C’est ce qu’estime l’Assemblée nationale ; c’est ce que pense le Gouvernement, ainsi qu’en témoigne son amendement n° 100 ; c’est l’objet de huit amendements de rétablissement de l’article 3, dont le dépôt présage d’une possible majorité large en faveur de cette avancée.

Nous avons les moyens de bonifier ce texte pour le rendre plus robuste. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est des façades commerciales dont l’emprise excède, et de loin, la seule fonction marchande ; il est des activités qui, derrière l’apparente légèreté d’un produit de consommation courante, dissimulent un véritable trafic, avec son cortège de dommages systémiques. La mode ultra-express est de celles-là.

Derrière le vêtement à 3 euros livré en quarante-huit heures depuis l’autre bout du monde, il y a un coût. Ce coût est humain, il est environnemental, il est fiscal, il est industriel. Il est, en vérité, civilisationnel. C’est une atteinte globale à nos principes les plus fondamentaux qui est à l’œuvre, des violations massives des droits humains jusqu’au travail forcé.

Des enfants sont employés à la couture, à la teinture, au transport, dans des conditions que nos textes qualifient de traite des êtres humains. Du coton récolté sous la contrainte par le peuple ouïghour, en Chine, dans la région du Xinjiang, continue d’inonder nos garde-robes. Oui, nous avons des cadavres dans nos placards ! (Mme Antoinette Guhl applaudit.)

Même les autorités de régulation chinoises ne semblent pas se précipiter pour donner à Shein le feu vert pour une introduction en bourse à Londres ou à Hong Kong.

Permettez-moi aussi d’exprimer ma colère face aux stratégies de communication de ces plateformes, qui voudraient faire croire que toute volonté de régulation serait en quelque sorte le fait d’une élite voulant empêcher les Français à faible pouvoir d’achat d’accéder à la mode ou de meubler leur maison à faible prix.

Je ne l’accepte pas, car ce que proposent en réalité ces plateformes aux Français à faible pouvoir d’achat, c’est un troc ignoble : l’accès à quelques tee-shirts de plus, qui ne dureront pas, contre leur emploi, leur salaire, leur avenir là où ils résident.

Leur proposition, c’est un suicide économique et social, individuel et collectif. L’économie de ces plateformes est fondée sur une logique d’addiction beaucoup plus que sur l’équilibre de l’offre et de la demande. Elle n’enrichit, en France, que quelques communicants et autres lobbyistes. Elle détruit tout le reste.

C’est pourquoi je salue cette proposition de loi, qui a eu le grand mérite de braquer les projecteurs sur cette industrie, comme je salue les amendements du Gouvernement, ainsi que, bien évidemment, les travaux de Sylvie Valente Le Hir et de notre commission, qui ont visé à éviter de possibles effets boomerang sur nos entreprises, des entreprises françaises de fabrication ou de distribution qui respectent les règles, créent des emplois, paient leurs impôts et leurs charges sociales, dont les magasins animent les centres-villes et que nos administrations savent malheureusement seules contrôler.

Mais le véritable enjeu du débat d’aujourd’hui, me semble-t-il, plus encore que d’améliorer ce texte à la marge, c’est de rester lucide : c’est d’admettre ensemble que cette proposition de loi, parce qu’elle se limite, d’une part, à la seule filière textile et, d’autre part, à la seule dimension environnementale, n’épuise en rien les vrais enjeux qui s’attachent à la violence systémique de ces plateformes.

Compte tenu de l’article 45 de la Constitution, il ne nous est pas possible d’amender cette proposition de loi en la recentrant sur le cœur du sujet, et je le regrette. Comme je l’ai souligné dans la presse, mais aussi à l’adresse du Gouvernement dans cet hémicycle, le vrai sujet, c’est le contournement méthodique de nos normes fiscales et douanières et la paralysie de nos administrations de contrôle.

L’exonération de droits de douane dont bénéficient les colis importés d’une valeur inférieure à 150 euros n’a aucun fondement.

Les tarifs postaux de l’Union postale universelle sont ridicules : 1 euro pour un colis de moins de 100 grammes qui fait le tour de la planète.

Nous nous montrons incapables de nous assurer que la TVA est payée et, quand elle l’est, qu’elle le soit sur le bon montant des ventes et au bon endroit en Europe.

Oui, la fast fashion habille les Français et déshabille nos finances publiques !

La DGCCRF, faute de moyens, ne semble pas savoir vérifier la conformité des articles textiles, des jouets et de l’ameublement importés. Je n’accepte pas que les enquêtes qu’elle a lancées voici plus de trois ans n’aient donné strictement aucun résultat, quand chaque jour des enseignes françaises de la distribution partent au tapis et leurs emplois avec.

Comment tolérer que, dans un État de droit, la sécurité du consommateur soit laissée au bon vouloir des algorithmes et des plateformes plutôt qu’à la vigilance publique ? Il est temps de mobiliser nos laboratoires publics et privés pour procéder à des contrôles aléatoires et réguliers, car le formaldéhyde, les phtalates ou les colorants azoïques que l’on retrouve parfois dans ces produits ne sont pas des options esthétiques : ce sont des risques avérés pour la santé. Quant aux magnifiques lits superposés pour enfants, avec leurs si belles couleurs, dans lesquels nos enfants peuvent s’étouffer ou s’étrangler, je refuse qu’ils soient commercialisés en France comme la loi l’interdit en théorie, mais comme personne ne l’empêche.

L’enjeu, c’est la responsabilité des plateformes, qui ne sont aujourd’hui soumises à aucune obligation effective de retrait, de traçabilité, de transparence, non plus qu’à des sanctions pénales en cas d’accident.

Certes, madame la ministre, depuis que j’ai interpellé le Gouvernement sur ces sujets, qui ne sont malheureusement pas au cœur de la présente proposition de loi, j’ai entendu vos engagements et ceux de la Commission européenne. Imposer des droits de douane sur les colis dont la valeur est inférieure à 150 euros, c’est indispensable. Imposer des frais de gestion forfaitaires sur les petits colis, c’est très bien aussi. Mais enfin, sur les tarifs postaux, je n’ai rien entendu !

Je n’ai pas bien compris par ailleurs, à entendre vos annonces, et mis à part une bonne volonté évidente, ce qui changera, et à brève échéance et à l’échelle, pour les contrôles de TVA ou pour les contrôles de sécurité diligentés par la DGCCRF.

Je note enfin qu’il est prévu d’attendre 2028 pour d’éventuels droits de douane et 2026 pour une contribution forfaitaire : nous ne sommes absolument pas dans le bon tempo !

Camaïeu, Go Sport, San Marina, André, Kookai, Pimkie, Du Pareil au Même, Naf Naf, Habitat, Jennyfer, et j’en oublie… : 2026, 2027, 2028, c’est une éternité ! Si nous attendons, ce sont toutes nos enseignes de distribution et tous nos fabricants de produits textiles, de produits pour la maison et d’éléments d’ameublement qui auront disparu.

Pour en finir avec un modèle économique fondé sur l’opacité et l’exploitation et sur des pratiques commerciales prédatrices, il faut beaucoup plus de volontarisme : il faut changer d’échelle et de rythme et nous montrer aussi adaptables et agiles que les plateformes.

Le groupe Les Républicains votera naturellement cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Hingray. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

M. Jean Hingray. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, jusqu’où irons-nous dans l’art de l’éphémère ? Éphémère fut l’enthousiasme soulevé par l’ambitieuse proposition de loi de l’Assemblée nationale, qui devait amener une transformation durable de nos modes de vie, de consommation et de production.

Hélas ! le texte que nous examinons ressemble pour l’instant davantage à un simple accessoire de mode qu’à une révolution vestimentaire – j’espère que cela va changer dans les prochaines heures. Cette proposition de loi est-elle véritablement tournée vers la lutte contre la fast fashion ou s’agit-il simplement d’un texte de guerre économique déguisé contre l’ultrafast fashion ?

Je m’interroge sur la protection offerte par ce texte à nos ouvriers et à nos chefs d’entreprise. Mon département, les Vosges, a longtemps fait la fierté de l’industrie textile. Victimes pendant plusieurs décennies de la concurrence étrangère, de nombreux Vosgiens se sont retrouvés sur le carreau. Et qu’ont fait les responsables politiques successifs ? Rien, ou si peu !

Il suffisait pourtant de s’inspirer d’un célèbre ministre, Jules Méline, ancien sénateur qui mit en place en 1892 des mesures protectionnistes pour les produits agricoles : oui, protéger nos ouvriers ; oui, protéger nos chefs d’entreprise ; oui, produire en France.

Avons-nous oublié l’idée même de produire en France ? Plutôt que de se contenter d’interdire, pourquoi ne pas utiliser les besoins actuels du marché pour stimuler notre économie nationale ? Nous devrions encourager les coopérations afin que nos entreprises puissent rivaliser sur la scène internationale tout en respectant nos valeurs écologiques.

En fait d’initiative, cette proposition de loi devrait être l’occasion de promouvoir une transformation écologique réelle et durable. Malheureusement, je ne pense pas que tel soit le cas pour l’instant.

C’est pourquoi j’ai déposé un amendement en faveur de nos industries, selon une approche qui allie protection économique et écoresponsabilité.

Notre débat gagnerait également à s’assortir d’un volet culturel et comportemental fort, en actionnant le levier de l’éducation. Former les jeunes à comprendre les impacts du textile sur l’environnement, sur les conditions sociales de la production et sur leur pouvoir d’achat constitue un véritable investissement civique et écologique à long terme. Aussi défendrai-je un amendement visant à insérer la mode écoresponsable dans le champ de l’éducation au développement durable.

Il est crucial de repenser l’ensemble de cette proposition de loi, donc de l’amender, pour qu’elle ne soit pas seulement un instrument de répression économique, mais pour qu’elle devienne le levier d’un changement positif et durable, tant pour notre économie que pour notre environnement.

Ne l’oublions pas : si la politique est éphémère, l’éducation de la nouvelle génération, elle, est durable ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux vous remercier, car il est rare d’entendre un tel consensus sur une proposition de loi issue du bloc central qui, à la faveur d’une forte mobilisation collective, a su trouver son chemin ici au Sénat.

Oui, il est rare d’entendre un tel consensus, qui montre combien écologie rime avec économie, avec pouvoir d’achat – le vrai pouvoir d’achat, c’est-à-dire le pouvoir de vivre, et de vivre bien – et avec emplois – ceux de notre filière textile, mais aussi ceux de la distribution. Voilà qui tranche avec des reculs récents qui n’honorent pas notre pays.

Je veux également saluer le travail et l’intégrité de Mme la rapporteure, que certains, ces derniers jours, ont voulu remettre en cause. Je sais combien vous avez œuvré, avec M. le président Longeot et la commission du développement durable du Sénat, en dépit de certaines manœuvres et de certaines pressions – mais celles-ci sont monnaie courante –, pour tenir bon et, avec force, défendre ce texte dans sa totale intégrité, afin qu’il soit puissant. Et nous allons faire en sorte qu’il soit à la fois aussi puissant et solide juridiquement que possible.

Je veux aussi saluer la mobilisation du Gouvernement, et notamment de Bercy, car il est rare que ce dernier soit autant mobilisé sur tous les fronts. Vous avez dit à l’instant, madame la ministre Carrère-Gée, combien il est important d’activer tous les leviers disponibles : vous avez raison.

Sur le front des contrôles, ma collègue Véronique Louwagie a demandé à la DGCCRF de multiplier par trois le nombre de contrôles réalisés sur les plateformes, en s’attachant tant à la question de la loyauté commerciale qu’à celle de la qualité des produits. Nous devons en effet nous assurer que les produits importés répondent bien à nos normes sanitaires, il y va de la protection des Françaises et des Français. Sur trois types de produits en particulier, les cosmétiques, le textile et les jouets pour enfants, nous devons être absolument intransigeants et ne laisser entrer sur notre territoire aucun produit qui ne soit pas parfaitement conforme à cet égard.

Et il en va de même, bien sûr, pour nos normes sociales et environnementales.

Je veux aussi saluer le travail qui est fait par ma collègue Amélie de Montchalin quant aux contrôles relevant des douanes : il s’agit d’augmenter les contrôles, de lutter contre la fraude à la TVA à l’importation et ainsi de faire en sorte que les plateformes participent aux frais de gestion des douanes. Du reste, cette même idée est en train de faire son chemin pour ce qui concerne la participation au contrôle de la qualité des produits que mène la DGCCRF.

Nous agissons sur tous les fronts, y compris à l’échelle européenne en étant particulièrement offensifs. C’est grâce à ces efforts que, le 25 mai dernier, la Commission européenne, s’emparant de signalements répertoriés par la DGCCRF, dont je salue à nouveau l’action, mais aussi par les administrations d’autres pays ralliés à notre cause, a pu interpeller une plateforme dont les pratiques témoignent d’un certain nombre de dérives assez massives par rapport à nos règles en matière de loyauté commerciale et de droits des consommateurs.

Je vais maintenant répondre à quelques questions qui m’ont été posées.

Il y aura bien une trajectoire de malus. Le Gouvernement, fidèle à sa volonté de simplification et d’agilité, avait souhaité renvoyer cette disposition au niveau réglementaire. Cette décision a suscité des inquiétudes : inquiétudes inutiles, me semble-t-il, nous comptions bien tenir le front d’une trajectoire de malus implacable. Nous allons donc proposer la réintroduction dans le texte d’une trajectoire de malus, à tout le moins de pénalités planchers, en sorte de nous réserver la possibilité d’aller plus loin que cette trajectoire.

Pour ce qui est de la publicité, le Gouvernement a déposé un amendement – un parmi d’autres – visant à rétablir son interdiction. Cet amendement est fragile juridiquement, nous le savons, eu égard au principe de la liberté d’entreprendre, mais il vaut levier de négociation à l’échelle européenne ; il est donc utile dans la perspective de la poursuite de la discussion.

Sur l’affichage environnemental, je souhaite faire une précision. J’ai dû en défendre très fortement le principe pour obtenir un accord de la part de la Commission européenne. Cette démarche nous est accordée sur la base du volontariat et, surtout, à condition d’être expérimentale. La discussion continue à l’échelle européenne : aujourd’hui, cet Éco-score français n’est pas complètement accepté par la Commission européenne, car un autre Éco-score, le projet PEF (Product Environmental Footprint), fait l’objet de discussions qui se poursuivent.

Il est en tout état de cause essentiel que nous continuions de valoriser l’importance du score « extrinsèque », de la dimension extrinsèque des modèles d’affaires de l’ultrafast fashion.

Je veux également préciser que le malus concerne tout le monde : tous les acteurs, français, européens, non européens, dans toutes leurs dimensions, fast fashion et, bien sûr, ultrafast fashion. Il n’est pas question que le système tolère des passagers clandestins.

Vous l’avez compris, cette loi fera date par ce qui y est affirmé et promu, mais il est indispensable que l’Union européenne consolide cette approche si nous voulons être vraiment forts et nous donner les moyens d’éviter tous les risques de contournement – ils sont connus, malheureusement, dans ce secteur comme dans d’autres, à propos desquels il faudra sans doute agir également – de la part d’un certain nombre de plateformes qui, n’étant citoyennes de nulle part, jouent à leur guise des différences de droits.

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à  réduire l'impact environnemental de l'industrie textile
Après l’article 1er

Article 1er

Après l’article L. 541-9-1 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 541-9-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 541-9-1-1. – I. – Relèvent de la mode éphémère les pratiques commerciales des personnes physiques et morales mentionnées à l’article L. 541-10 qui ont pour conséquence la diminution de la durée d’usage ou de la durée de vie de produits neufs mentionnés au 11° de l’article L. 541-10-1, notamment en raison de la mise sur le marché d’un nombre élevé de références de produits neufs ou de la faible incitation à réparer ces produits.

« Les seuils de références de produits neufs et les critères de la faible incitation à réparer sont fixés par décret en Conseil d’État et appréciés, le cas échéant, par marque telle que définie à l’article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle et par canal de vente.

« I bis. – Pour une personne physique ou morale qui facilite, par l’utilisation d’une interface électronique telle qu’une place de marché, une plateforme, un portail ou un dispositif similaire, les ventes à distance des produits mentionnés au I du présent article, la pratique commerciale de mode éphémère est appréciée selon les critères mentionnés au même I.

« La pratique commerciale est alors appréciée à l’échelle de l’ensemble des références de produits neufs proposés par cette personne à l’exception des références pour lesquelles elle dispose d’éléments justifiant que la personne titulaire de la marque desdits produits est la personne mentionnée audit I.

« Dans ce cas, la personne mentionnée au premier alinéa du présent I bis consigne les justificatifs correspondant dans un registre qu’elle tient à disposition de l’autorité administrative.

« Les modalités d’application du présent I bis sont précisées par décret.

« II. – Les personnes mentionnées au I bis qui ont recours à la pratique commerciale mentionnée au I affichent sur leurs plateformes de vente en ligne des messages encourageant la sobriété, le réemploi, la réparation, la réutilisation et le recyclage des produits, informant sur l’impact social du produit, et sensibilisant à leur impact environnemental. Ces messages sont affichés de manière claire, lisible et compréhensible sur tout format utilisé, à proximité du prix sur l’ensemble des pages proposant à la vente un produit couvert par le même I. Le contenu des messages et les modalités d’affichage sont définis par décret, pris après avis de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.

« III. – (Supprimé)

« IV (nouveau). – La mise à disposition sur le marché de produits neufs mentionnés au 11° de l’article L. 541-10-1 invendus, par des personnes physiques et morales distinctes de celles ayant effectué la première mise sur le marché, ne relève pas de la pratique commerciale mentionnée au I du présent article. »

Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, sur l’article.

M. Thomas Dossus. Je suis un peu moins enthousiaste que la ministre sur ce texte, notamment dans sa version issue des travaux de la commission, même si une centaine d’amendements ont été déposés pour l’améliorer. Pour l’instant, ni Shein ni Temu ne tremblent beaucoup, mais les progrès sont à portée de main.

Quoi qu’il en soit, cette proposition de loi ne va pas suffire. Vous l’avez dit, madame la ministre : il va falloir mobiliser aussi l’Union européenne.

Or il se trouve que la fameuse directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CS3D) fait l’objet de discussions en ce moment même dans le cadre de la présentation par la Commission européenne du paquet législatif Omnibus. L’Europe cherche à imposer aux entreprises un devoir de vigilance élargi permettant d’identifier, de prévenir et de réparer les atteintes aux droits humains et à l’environnement, selon des mécanismes assez contraignants, qui concerneraient Shein et Temu, pour ne citer que ces plateformes, mais aussi d’autres entreprises.

Vous parlez de reculs récents, madame la ministre, mais nous avons entendu le Président de la République lui-même, lors du sommet Choose France, exprimer son souhait de remettre en question cette directive, voire de l’éliminer, d’en finir avec elle, appelant à son report sine die. Je rappelle – certains l’ont dit avant moi – que nous sommes douze ans après le drame du Rana Plaza, l’effondrement de cet atelier avait provoqué la mort de centaines d’ouvrières travaillant notamment pour des sous-traitants d’entreprises françaises. Je rappelle également – révélation récente – que Decathlon exploite les Ouïghours tout en faisant des surprofits : 1 milliard de dividendes versés l’an dernier.

Le besoin d’une directive exigeante sur le devoir de vigilance est donc incontestable ; or l’on ne sait plus vraiment où veut aller le gouvernement français sur ce sujet. Je vous pose donc la question, madame la ministre : où en est-on ? Les propos du Président de la République valent-ils engagement du Gouvernement ?

Mme la présidente. Je suis saisie de vingt amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 63, présenté par M. Hingray, est ainsi libellé :

Alinéas 2 et 3

Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 541-9-1-1. – I. – Les pratiques commerciales qui relèvent de la mode ultra express sont définies par les critères cumulatifs suivants :

« – Le taux de renouvellement des collections, basé sur le nombre de collections par an et/ou le nombre de nouveaux articles par an, y compris lorsque la mise à disposition des articles est réalisée par l’intermédiaire d’un fournisseur de marché en ligne, dépassant des seuils fixés par décret ;

« – La largeur de gamme, évaluée en fonction du nombre de références disponibles à un moment donné ;

« – La rapidité de mise sur le marché, basée sur la durée du cycle de production (de la phase de conception jusqu’aux produits finis en magasin) ;

« – Le facteur prix, notamment des prix trop bas par rapport au prix moyen estimé, en tenant en compte les critères de réparabilité : un faible niveau de prix décourage la réparation et encourage la surconsommation ;

« – L’intensité promotionnelle, calculée par la fréquence des promotions.

La parole est à M. Jean Hingray.

M. Jean Hingray. Les notions de « nouvelles références » et de « faible incitation à réparer » restent insuffisantes pour qualifier les acteurs de l’ultrafast fashion. Sans critères complémentaires, cette définition demeure incomplète et laisse une marge d’interprétation qui pourrait affaiblir l’efficacité du texte.

Afin d’assurer une définition robuste et opérationnelle de l’ultrafast fashion, il convient d’adapter la définition inscrite dans la proposition de loi et d’y intégrer des critères supplémentaires permettant d’identifier clairement les acteurs concernés et de garantir ainsi une mise en œuvre efficace.

Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par Mmes Espagnac et Bonnefoy, est ainsi libellé :

Alinéas 2 et 3

Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 541-9-1-1. – I. Les pratiques commerciales qui relèvent de la mode éphémère sont définies par les critères cumulatifs suivants :

« 1° Le taux de renouvellement des collections, basé sur le nombre de collections par an et/ou le nombre de nouveaux articles par an, y compris lorsque la mise à disposition des articles est réalisée par l’intermédiaire d’un fournisseur de marché en ligne, dépassant des seuils fixés par décret ;

« 2° La largeur de gamme, évaluée en fonction du nombre de références disponibles à un moment donné ;

« 3° La rapidité de mise sur le marché, basée sur la durée du cycle de production (de la phase de conception jusqu’aux produits finis en magasin) ;

« 4° Le facteur prix, notamment des prix trop bas par rapport au prix moyen estimé, en tenant en compte les critères de réparabilité : un faible niveau de prix décourage la réparation et encourage la surconsommation ;

« 5° L’intensité promotionnelle, calculée par la fréquence des promotions.

La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.

Mme Nicole Bonnefoy. Je défends cet amendement au nom de notre collègue Frédérique Espagnac.

La définition de la fast fashion demande du courage politique. Ne l’oublions pas, c’est aussi nos entreprises françaises et européennes que nous voulons protéger.

Vous n’êtes pas sans savoir que, depuis quelques années, nos territoires sont secoués par la fermeture d’enseignes que nous avons toujours vues dans nos rues commerçantes, comme Camaïeu ou Jennyfer.

Nous devons aller plus loin que la définition retenue en commission : il faut parler de rapidité de mise sur le marché, de prix trop bas cassant le marché français et de critères de réparabilité, sans quoi cette définition demeure incomplète et laisse une marge d’interprétation qui pourrait affaiblir l’efficacité du texte.

Mme la présidente. L’amendement n° 49, présenté par MM. Fernique, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéas 2 et 3

Rédiger ainsi ces alinéas :

« Art. L. 541-9-1-1. – I. Relèvent de la mode éphémère les pratiques commerciales des personnes physiques et morales mentionnées à l’article L. 541-10 qui ont pour conséquence d’avoir une largeur de gamme supérieure à 10 000 unités ou un coût de réparation supérieur à 33 % du prix neuf de référence tels que définis dans l’arrêté relatif à la signalétique et à la méthodologie de calcul du coût environnemental des produits textiles d’habillement. Ces seuils sont appréciés, le cas échéant, par marque telle que définie à l’article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle et par canal de vente.

« Un décret en Conseil d’État peut réévaluer les seuils de nouvelles références à partir desquels une pratique commerciale relevant de la mode éphémère est caractérisée.

La parole est à M. Jacques Fernique.

M. Jacques Fernique. Cet amendement vise à donner une définition claire et juridiquement opérationnelle de la fast fashion.

Faute d’établir des seuils, la loi resterait assez inopérante. Il s’agit de poser une ligne rouge – une largeur de gamme supérieure à 10 000 références ou un coût de réparation supérieur à 33 % du prix neuf – pour que la régulation soit applicable, contrôlable, et qu’elle réponde aux enjeux que nous avons à traiter.

Il s’agit aussi de ne pas tout laisser au pouvoir réglementaire et, en l’espèce, de ne pas laisser entièrement la définition des seuils à des décrets. Le Parlement doit conserver une capacité d’encadrement et de régulation, notamment en posant des critères objectifs dans la loi.

Cet amendement s’appuie sur la méthodologie Ecobalyse, outil élaboré en concertation avec l’ensemble des acteurs de la filière. La validation par la Commission européenne du projet de cadre réglementaire sur l’affichage du coût environnemental des vêtements, le 15 mai dernier, en souligne le sérieux et la cohérence.

En commission, l’absence d’une telle validation avait constitué un argument contre cette disposition. Ce n’est désormais plus une anticipation hasardeuse : c’est une proposition cohérente, le caractère pionnier du projet français ayant été reconnu comme tel par la Commission.

L’adoption de cet amendement permettrait de responsabiliser les metteurs en marché afin d’empêcher l’effondrement d’une filière de l’économie circulaire qui se construit et qui sera un atout économique majeur dans le contexte géopolitique actuel.

Mme la présidente. L’amendement n° 79, présenté par Mme Varaillas, MM. Basquin, Corbisez et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéas 2 et 3

Rédiger ainsi ces alinéas :

« Art. L. 541-9-1-1 – Une largeur de gamme supérieure à 10 000 unités ou un coût de réparation supérieur à 33 % du prix neuf de référence tels que définis dans l’arrêté relatif à la signalétique et à la méthodologie de calcul du coût environnemental des produits textiles d’habillement relève de la mode éphémère. Ces seuils sont appréciés, le cas échéant, par marque telle que définie à l’article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle et par canal de vente.

« Un décret en Conseil d’État peut réévaluer les seuils de nouvelles références à partir desquels une pratique commerciale relevant de la mode éphémère est caractérisée. »

La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. Cette proposition de loi a vocation à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile, mais aussi à mieux définir ce qu’est la fast fashion. Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire de se doter d’outils efficaces, ce qui passe par une définition à la fois claire, ambitieuse et adaptable.

Par cet amendement, nous proposons, comme le suggèrent plusieurs associations de protection de l’environnement ou spécialisées dans le réemploi, d’établir des critères objectifs clairs : une gamme supérieure à 10 000 unités et une réparabilité réduite, c’est-à-dire un coût de réparation supérieur à 33 % de la valeur du produit.

La fast fashion, qui produit et renouvelle rapidement, incite les consommateurs à racheter plutôt qu’à réparer, vendre ou donner leurs vêtements. C’est de cet enjeu qu’il s’agit à l’article 1er.

En laissant le Conseil d’État déterminer ces seuils, nous n’aurions pas la garantie qu’une définition satisfaisante soit retenue. Nous prévoyons néanmoins, dans notre amendement, que le Conseil d’État puisse réévaluer lesdits seuils.

Les décrets d’application étant souvent publiés longtemps après la loi, il nous semble opportun d’intégrer dans celle-ci une première définition de la fast fashion.

Pour le reste, nous sommes évidemment en accord avec le choix qui a été fait de ne pas inclure les boutiques de seconde main dans cette définition : une telle inclusion eût été particulièrement contradictoire avec l’objectif que nous recherchons.

Mme la présidente. L’amendement n° 50, présenté par MM. Fernique, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéas 2 et 3

Rédiger ainsi ces alinéas :

« Art. L. 541-9-1-1. – I. – Relèvent de la mode éphémère les pratiques commerciales des personnes physiques et morales mentionnées à l’article L. 541-10 qui ont pour conséquence d’avoir une largeur de gamme supérieure à 10 000 unités telle que définie dans l’arrêté relatif à la signalétique et à la méthodologie de calcul du coût environnemental des produits textiles d’habillement. Ces seuils sont appréciés, le cas échéant, par marque telle que définie à l’article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle et par canal de vente.

« Un décret en Conseil d’État peut réévaluer les seuils de nouvelles références à partir desquels une pratique commerciale relevant de la mode éphémère est caractérisée.

La parole est à M. Jacques Fernique.

M. Jacques Fernique. Cet amendement de repli ne conserve, de la définition proposée pour caractériser un modèle de fast fashion, que le seuil plancher de 10 000 références présentes en catalogue, à l’exclusion du critère de réparabilité qui figurait dans l’amendement que j’ai précédemment présenté.

L’inscription dans le texte de ce critère objectif permettrait de sortir du flou juridique et de garantir une application claire de la loi : 10 000 références, c’est le marqueur d’un renouvellement ultrarapide et excessif des collections, pratique qui est au cœur des dérives du modèle. C’est la fourchette haute retenue par la méthodologie consensuelle Ecobalyse pour définir un coefficient de durabilité, le seuil de largeur de gamme variant entre 1 000 et 16 000 références. Nous ne sortons pas ce chiffre de nulle part : il est le fruit d’un consensus technique et d’une méthode partagée, validée à l’échelle européenne.

Mme la présidente. L’amendement n° 90, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Après le mot :

mode

insérer le mot :

ultra

La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Dans sa rédaction actuelle, l’article 1er consacre une définition de la mode éphémère sur laquelle s’appuient les sanctions suivantes : l’obligation d’affichage d’un message de sensibilisation et un encadrement de la publicité. Or il faut expliquer pourquoi cibler ces sanctions sur la mode ultra-éphémère reviendrait à manquer notre cible.

Ainsi que je l’ai indiqué dans mon propos liminaire, une partie des sanctions, notamment celles qui ont trait à la publicité, risque de ne pas s’appliquer à la mode ultra-éphémère, puisque le pays dans lequel sont domiciliées les sociétés concernées, y compris leurs filiales européennes, n’est pas la France. À ce titre, le droit européen, à moins d’être modifié, leur permettra d’échapper à l’application des règles dont nous pourrions décider dans cet hémicycle ; d’où notre intérêt à porter à l’échelle européenne une approche analogue à celle que nous défendons aujourd’hui à l’échelle nationale.

Si les acteurs les plus polluants – et, en fait de pollution, nous parlons d’un facteur 10, voire d’un facteur 100 par rapport à la moyenne – ne se voient pas appliquer cette règle et si, inversement, les acteurs qui agissent aujourd’hui à l’échelle française et qui s’avèrent beaucoup moins polluants, sans être parfaits – je ne vais pas vous raconter que les pratiques de la filière textile sont parfaites ! –, sont les seuls à être interdits de publicité, on provoque un phénomène de déplacement et on favorise les premiers, c’est-à-dire les acteurs les plus polluants, au détriment des autres, ce qui n’est pas acceptable.

C’est pourquoi nous avons retenu cette définition : nous voulons faire en sorte que les restrictions – l’obligation d’afficher un message de sensibilisation et l’interdiction de la publicité – s’appliquent bien aux acteurs concernés, qu’il n’y ait pas d’échappatoire ni de création d’une concurrence déloyale défavorable aux acteurs qui, comparativement, sont moins polluants.

Cela n’empêche pas que tous les acteurs de la mode seront concernés par la modulation des écocontributions de l’article 2 à raison de leur trajectoire carbone et de leur empreinte environnementale et qu’ils paieront plus ou moins le malus tel que nous allons le définir.

Mme la présidente. L’amendement n° 62, présenté par M. Hingray, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer le mot :

éphémère

par les mots :

ultra express

La parole est à M. Jean Hingray.

M. Jean Hingray. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 117, présenté par Mme Valente Le Hir, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer le mot :

éphémère

par le mot :

express

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. L’expression « mode express » est la traduction officielle de fast fashion : adoptée par la Commission d’enrichissement de la langue française, elle a ensuite été validée par l’Académie française. La définition suivante a été publiée au Journal officiel de la République française, le 23 mai 2020 : « secteur de la mode qui repose sur un modèle économique caractérisé par le renouvellement très rapide de collections d’articles à bas prix ».

Pour assurer une harmonisation de la terminologie, il convient donc d’inscrire cette expression dans la loi. Le présent amendement a ainsi pour objet de remplacer, à l’article 1er, les termes « mode éphémère » par les termes « mode express ».

Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 18 rectifié bis est présenté par Mme Jouve, M. Masset, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin et MM. Guiol et Laouedj.

L’amendement n° 64 est présenté par M. Hingray.

L’amendement n° 91 est présenté par le Gouvernement.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2, première phrase

Après le mot :

pratiques

insérer les mots :

industrielles et

La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l’amendement n° 18 rectifié bis.

M. Michel Masset. Cet amendement rédactionnel tend à compléter la définition de la mode éphémère en précisant que sont visées non seulement les pratiques commerciales, mais aussi les pratiques industrielles, en cohérence avec les autres mesures de la présente proposition de loi.

En effet, l’alinéa 14 de l’article 2 précise que les pénalités seront fixées en fonction des pratiques industrielles et commerciales des producteurs.

En sus de coordonner les deux rédactions, cette précision a l’avantage de mieux refléter la réalité des stratégies déployées par certains acteurs économiques. En englobant, au-delà des seules pratiques commerciales, l’ensemble des leviers et acteurs industriels concernés, elle permet une meilleure prise en compte des mécanismes contribuant à la surproduction et à la mise sur le marché de produits peu durables.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Hingray, pour présenter l’amendement n° 64.

M. Jean Hingray. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 91.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement vise à intégrer des pratiques industrielles dans la définition de la mode ultra-éphémère. La proposition de loi ne traite aujourd’hui que des pratiques commerciales, c’est-à-dire des stratégies des entreprises qui sont liées à la promotion et au marketing des produits. Or cette rédaction fait l’impasse sur un grand nombre de pratiques des entreprises, notamment celles de la mode ultra-éphémère qui sollicitent d’autres leviers industriels.

Pour vendre un nombre toujours plus important de produits, c’est tout un modèle économique qui est mobilisé, que ce soit en termes de coûts, d’organisation de la chaîne de valeur, de logistique et de transport.

Vous l’avez indiqué, les émissions de gaz à effet de serre d’un acteur comme Shein sont concentrées à 99 % dans son Scope 3, contre 1 % sur son Scope 1 et 2.

Dans la mode ultra-éphémère, l’absence de propriété de marque et la distribution sur un canal unique sont les symptômes clairs d’un modèle où le produit n’est en rien considéré. Le modèle d’affaires vise à produire le plus possible en générant de la consommation non pas désirée, mais provoquée.

Prendre en compte ces pratiques industrielles me paraît donc indispensable. Cela rendra, par ailleurs, cette proposition de loi parfaitement cohérente avec la directive-cadre Déchets.

Dans toute cette discussion, j’aurai à cœur d’aligner la rédaction du texte sur les termes européens pour élargir le droit européen, le rendre plus solide et protéger au mieux nos acteurs contre les agissements de l’ultrafast fashion.

Mme la présidente. L’amendement n° 118, présenté par Mme Valente Le Hir, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

1° Remplacer les mots :

personnes physiques et morales mentionnées

par les mots :

producteurs mentionnés

2° Supprimer le mot :

notamment

II. – Alinéa 3

1° Supprimer les mots :

sont fixés par décret en Conseil d’État et appréciés, le cas échéant,

2° Compléter cet alinéa par les mots :

sont fixés par décret

III. – Alinéa 5

Remplacer les mots :

la personne mentionnée

par les mots :

le producteur mentionné

IV. – Alinéa 6

1° Supprimer les mots :

consigne les justificatifs correspondant dans un registre qu’elle

2° Compléter cet alinéa par les mots :

les justificatifs correspondant

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. L’amendement n° 85, présenté par Mme Guhl, MM. Fernique, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Gontard, Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après la référence :

L. 541-10-1

insérer les mots :

et d’entraîner des conséquences dommageables pour l’environnement ainsi que pour les droits sociaux et humains

La parole est à Mme Antoinette Guhl.

Mme Antoinette Guhl. Cet amendement vise explicitement à mentionner, dans la définition de la fast fashion, les conséquences néfastes de ce modèle de production textile. Les atteintes à l’environnement et aux droits humains constituent l’essence même du phénomène.

La fast fashion repose sur un modèle destructeur, que plusieurs d’entre vous ont déjà évoqué. Elle exploite intensivement les ressources naturelles, elle exploite aussi durement les travailleurs et fait fi des droits humains.

Un rapport de Greenpeace révèle que plus de 30 % des vêtements de la marque Shein contiennent des substances chimiques dangereuses à des niveaux inquiétants. Ces produits toxiques se retrouvent ensuite dans nos rivières et dans nos océans. S’y ajoute l’impact climatique.

Si rien ne change, la part de la mode dans les émissions mondiales atteindra 26 % d’ici à 2050, comme plusieurs d’entre vous l’ont déjà souligné.

Trois raisons expliquent ce phénomène : la production s’emballe, avec 100 milliards de vêtements vendus chaque année dans le monde ; l’industrie textile mise de plus en plus sur des matières comme le polyester, qui libère des microplastiques dans nos machines à laver et des substances toxiques ; nos vêtements effectuent des trajets absurdes, parfois de plus de 60 000 kilomètres avant d’arriver dans nos rayons.

Préciser les conséquences environnementales et sociales ainsi qu’en termes de droits humains dans la définition juridique, c’est renforcer la cohérence et l’ambition du dispositif proposé, mettre en lumière ce que ce modèle implique réellement et affirmer la nécessité d’en changer.

Mme la présidente. L’amendement n° 94, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

notamment en raison de

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

critères tels que l’étendue importante de la gamme de références de produits neufs ou les faibles incitations à la réparation.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement vise à améliorer la terminologie en tenant compte de la révision de la directive-cadre Déchets et en apportant quelques corrections rédactionnelles.

L’objectif est de donner le maximum de sécurité juridique à ce texte et d’en assurer une bonne application, notamment en nous alignant, chaque fois que c’est possible, sur les termes européens, ce qui nous permettra d’être plus efficaces dans la négociation européenne à venir.

Je propose donc d’aligner la rédaction des critères de la mode ultra-éphémère sur celle qui a été dégagée de manière consensuelle au niveau européen dans le cadre de la négociation sur la directive-cadre Déchets.

Ces critères, que sont l’étendue importante de la gamme de produits et la faiblesse de l’incitation à la réparation, permettront de distinguer de manière binaire les entreprises de la mode ultra-éphémère des autres entreprises de textile.

En les identifiant clairement, nous créerons une assise juridique pour établir une série d’obligations fortes comme les messages de sensibilisation sur les sites de vente et l’encadrement de la publicité.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 114, présenté par MM. Cadec, Bacci et Henno, Mme Belrhiti, M. Milon, Mme Aeschlimann, MM. Somon et Panunzi, Mmes Josende et Micouleau, M. P. Vidal, Mme Lassarade, MM. Piednoir, Belin, Sido et Canévet, Mmes Ventalon, Saint-Pé et Canayer et M. L. Hervé, est ainsi libellé :

Amendement n° 94

I. – Alinéa 5

1° Remplacer le mot :

ou

par le signe :

,

2° Compléter cet alinéa par les mots :

ou un nombre important d’invendus

II. – Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Alinéa 3

Après le mot :

neufs

insérer les mots :

, du nombre d’invendus

La parole est à M. Laurent Somon.

M. Laurent Somon. Il est défendu.

Mme la présidente. L’amendement n° 35 rectifié, présenté par Mme Bonnefoy, M. Gillé, Mme Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Omar Oili, Ouizille, Uzenat, M. Weber et Kanner, Mmes Espagnac et Linkenheld, M. Michau, Mmes Monier, Canalès et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Remplacer les mots :

d’un nombre élevé

par les mots :

d’au moins un million chaque année

II. – Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Un décret en Conseil d’État fixe les critères de la faible incitation à réparer qui sont appréciés, le cas échéant, par marque telle que définie à l’article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle et par canal de vente. Il peut également abaisser les seuils de références de produits neufs à partir desquels une pratique commerciale relève de la mode éphémère.

La parole est à M. Sébastien Fagnen.

M. Sébastien Fagnen. Le présent amendement vise à affermir la logique qui préside à l’article 1er en gravant dans le marbre législatif un seuil fixé à 1 million de références annuelles afin d’intégrer dès à présent dans le texte un marqueur parfaitement clair pour tous les industriels du secteur.

Lors des débats à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a mis en avant la nécessité de laisser de la souplesse au dispositif, ce que nous respectons ici.

Nous ouvrons ainsi la possibilité d’abaisser le seuil par décret, mais pas de le rehausser, ce qui serait contraire à la logique de ce texte.

C’est donc une voie de compromis que nous vous proposons.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 17 rectifié bis est présenté par Mme Jouve, M. Masset, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin et MM. Guiol et Laouedj.

L’amendement n° 23 est présenté par Mmes Phinera-Horth et Havet, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, MM. Fouassin, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Patient et Rambaud, Mme Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. - Alinéa 2

Supprimer les mots :

ou de la faible incitation à réparer ces produits

II. - Alinéa 3

Supprimer les mots :

et les critères de la faible incitation à réparer

La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l’amendement n° 17 rectifié bis.

M. Michel Masset. Il s’agit de supprimer le critère de l’incitation à réparer, introduit en commission de l’aménagement du territoire et du développement durable au Sénat.

Le critère de l’incitation à réparer s’appuie sur le rapport entre le coût moyen de réparation et un prix de vente de référence. Le coût moyen de la réparation pris en compte est le fruit d’une étude conduite par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) en 2022, dont les résultats ont été jugés non représentatifs par l’ensemble des acteurs de la filière.

En considérant ce critère comme une pratique industrielle et commerciale définissant juridiquement la mode éphémère, les produits d’entrée de gamme et de gamme moyenne seront les plus pénalisés.

L’effet de bord découlant de cette disposition est d’autant plus dommageable que les défenseurs de la fast fashion arguent que cette dernière répond au désir social de rendre la mode accessible à tous.

Les acteurs de la filière seraient donc tenus d’afficher des messages de sensibilisation, voire seraient interdits de publicité selon les évolutions qui seront apportées à l’article 3 bis, au même titre que les véritables acteurs de la fast fashion.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth, pour présenter l’amendement n° 23.

Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Cet amendement vise à supprimer le critère de l’incitation à réparer dans la définition de la mode éphémère pour ne conserver que celui de la largeur de gamme.

Le critère de réparabilité, fondé sur le rapport entre le coût moyen de réparation et le prix de vente, semble inadapté. Il risque d’exclure les produits d’entrée de gamme et de gamme moyenne, pourtant accessibles à une large part de la population. Cela reviendrait à pénaliser les marques les plus populaires sans lien réel avec la durabilité des vêtements.

Il en va de même des produits pour enfants ou bébés, naturellement moins chers, mais dont la réparabilité n’est pas non plus pertinente.

Enfin, le prix d’un vêtement reflète avant tout son positionnement de marque et non nécessairement sa qualité ou sa durée de vie.

C’est pourquoi nous proposons de retenir uniquement le critère de la largeur de gamme, qui permet de mieux identifier les logiques de renouvellement rapide des collections.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 42 rectifié est présenté par Mmes Espagnac et Bonnefoy, M. Gillé, Mme Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Omar Oili, Ouizille, Uzenat, M. Weber et Kanner, Mme Linkenheld, M. Michau, Mmes Monier, Canalès et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 47 rectifié bis est présenté par MM. Cadec, Bacci et Henno, Mme Belrhiti, M. Milon, Mme Aeschlimann, MM. Somon et Panunzi, Mmes Josende et Micouleau, M. P. Vidal, Mme Lassarade, MM. Piednoir, Belin, Sido et Canévet, Mmes Ventalon, Saint-Pé et Canayer et M. L. Hervé.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

ou d’un nombre important d’invendus

II. – Alinéa 3

Après les mots :

de produits neufs

insérer les mots :

, du nombre d’invendus

La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour présenter l’amendement n° 42 rectifié.

Mme Nicole Bonnefoy. Cet amendement vise à intégrer explicitement la proportion de produits invendus dans la définition de la mode éphémère.

Il s’agit d’une précision essentielle. Les invendus ne sont pas de simples externalités, ils incarnent un symptôme central du modèle économique de la fast fashion, fondé sur la surproduction et le renouvellement permanent des collections.

En intégrant ce critère, nous visons une définition plus rigoureuse et cohérente de la mode éphémère, qui permettra d’encadrer plus efficacement un modèle que nous savons tous insoutenable.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Somon, pour présenter l’amendement n° 47 rectifié bis.

M. Laurent Somon. Il a été excellemment défendu !

Mme la présidente. L’amendement n° 95, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3

1° Supprimer les mots :

en Conseil d’État

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Lorsque les personnes physiques ou morales mentionnées à l’article L. 541-10 ont recours à un fournisseur de plateforme en ligne pour mettre en œuvre la pratique visée au premier alinéa du I, le franchissement des seuils est apprécié en fonction de leur canal de vente principal, tel que défini par décret.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le Gouvernement propose d’utiliser la terminologie européenne de fournisseur de plateforme en ligne afin de s’appuyer sur une définition juridique claire et de garantir l’applicabilité des obligations.

Dans sa rédaction actuelle, la proposition de loi ne distingue pas efficacement les modalités d’application de ces dispositions selon les différents canaux de vente, ce qui est susceptible d’entraîner des risques de contournement des obligations nouvellement introduites.

Par ailleurs, le Gouvernement propose de comptabiliser les produits à l’échelle du canal de vente principal de la marque, notion qui est déjà utilisée dans le cadre de l’affichage environnemental textile. Elle permet d’éviter les risques de double compte pour les marques qui commercialiseraient leurs produits non seulement dans leurs magasins, mais également sur leur site ou des sites tiers, et les risques de contournement en s’assurant que les plateformes sont bien concernées.

L’ensemble des références de produits desdites plateformes sont comptabilisées, sauf celles des marques disposant d’un autre canal de vente principal.

Cet amendement s’articule avec l’amendement n° 93 du Gouvernement, qui vise à définir plus spécifiquement la manière de mettre en œuvre l’article 1er pour les plateformes.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Je comprends l’intention des auteurs de l’amendement n° 63 : la mode éphémère est par nature multifactorielle. Chacun des critères que vous conseillez, que ce soit le taux de renouvellement, la largeur de gamme, la rapidité de mise sur le marché, le facteur prix ou l’intensité promotionnelle, est en soi pertinent.

Mais le mieux est l’ennemi du bien : avec ces cinq critères cumulatifs, contre deux dans la rédaction actuelle, nous risquerions de créer une usine à gaz, un dispositif trop complexe qui exigerait de l’administration de recouper trop de données pour être mis en œuvre. Je vous demanderai donc de retirer cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

Je demande également le retrait de l’amendement n° 1 rectifié, qui a le même objet.

Les amendements nos 49, 79 et 50 visent à fixer un seuil de références annuelles de 10 000 unités pour définir la mode éphémère. Il paraît toutefois nécessaire de ne pas établir de seuil dans la loi pour permettre une plus grande souplesse et éviter un éventuel contournement par les acteurs de la mode express. Cela permettra au pouvoir réglementaire d’établir des seuils différenciés selon les modes de distribution, de changer leur périodicité – ils pourront, par exemple, être quotidiens plutôt qu’annuels – ou encore de les faire évoluer selon les pratiques des producteurs.

J’émets donc un avis défavorable.

En ce qui concerne l’amendement n° 90, il est pertinent de définir le modèle économique décrit à l’article L. 541-9-1 du code de l’environnement comme la mode ultra-express. Dans le langage courant, les termes « mode express » renvoient également à certains acteurs français et européens qui ne sont pas visés par cette proposition de loi relative aux nouvelles plateformes asiatiques. De nombreuses caractéristiques différencient cette mode express de la mode ultra-express : je pense au nombre de nouvelles références, plus de cent fois plus important pour certaines plateformes asiatiques, au respect des droits humains et sociaux, mais également à l’impact économique, puisque les entreprises qui disposent d’enseignes en France sont créatrices d’emplois et contribuent à l’aménagement du territoire.

J’émets donc un avis favorable.

L’amendement n° 62 vise à remplacer les termes « mode éphémère » par ceux de « mode ultra-express » : il est donc satisfait.

En ce qui concerne les amendements identiques nos 18 rectifié bis, 64 et 91, l’ajout des « pratiques industrielles » permet de mieux aligner la définition de la mode express de la présente proposition de loi avec celle de la directive-cadre Déchets : avis défavorable.

Sur l’amendement n° 85, madame Guhl, je partage votre point de vue : la mode éphémère est un véritable fléau aux conséquences environnementales, mais aussi sociales et humaines. Néanmoins, afin de sécuriser l’application rapide et effective du dispositif, nous avons choisi de retenir d’autres critères.

Si l’introduction d’un nouveau critère cumulatif compliquerait la caractérisation de la mode express, il pourrait être intéressant, en revanche, de mener des travaux complémentaires pour répondre à l’enjeu social de la mode express.

J’émets un avis défavorable.

La réécriture proposée au travers de l’amendement n° 94 ne me paraît pas utile, la formulation retenue par la commission est déjà suffisamment proche de la directive Déchets : avis défavorable.

Idem pour le sous-amendement n° 114. Le critère des invendus ne semble pas pertinent pour deux raisons : d’abord, parce qu’il s’agit d’une notion insuffisamment définie juridiquement et parce qu’établir un seuil d’invendus n’est pas si aisé ; ensuite, parce que certaines des plateformes de la mode éphémère que nous visons ne présentent pas un taux d’invendus particulièrement élevé, en raison de pratiques commerciales consistant à produire relativement peu d’exemplaires de chaque référence et à adapter rapidement l’offre à la demande pour une référence donnée.

L’amendement n° 35 rectifié vise à établir un seuil de références maximal plus adapté de 1 million par an. Il ne laisse toutefois pas assez de souplesse au Gouvernement qui pourrait, en fonction des stratégies de contournement des acteurs de la mode express, modifier la manière de comptabiliser les références en adoptant, par exemple, un seuil mensuel ou bien un nombre maximal de références présentes sur le site simultanément.

Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

En ce qui concerne les amendements identiques nos 17 rectifié bis et 23, l’incitation à réparer des produits n’est pas un indicateur parfait, je le conçois. Il peut conduire à pénaliser les produits d’entrée de gamme et de moyenne gamme. Il est toutefois souhaitable, pour avoir une approche suffisamment précise de la mode éphémère, d’ajouter un élément prenant en compte le prix au critère quantitatif du nombre de références. En effet, la mode express se caractérise par des prix défiant toute concurrence, y compris celle des produits bas de gamme ou de gamme moyenne. C’est un point que nous devons prendre en compte dans l’appréciation de ces pratiques.

Certains de vos collègues, souhaitent cinq, voire six critères, pour définir la mode éphémère. Vous n’en voulez qu’un. La position de la commission, qui propose deux critères, paraît donc être un bon point d’équilibre : avis défavorable.

En ce qui concerne les amendements identiques nos 42 rectifié et 47 rectifié bis, comme pour l’amendement n° 1 rectifié, je pense que les ajouts de critères ne font que complexifier la définition de la mode éphémère. J’ajoute que le critère des invendus en particulier n’apparaît pas, à mon sens, pertinent, comme j’ai pu le souligner pour le sous-amendement n° 114.

J’émets donc un avis défavorable.

Quant à l’amendement n° 95, la notion de canal de vente principal, ici introduite dans le dispositif, est primordiale pour éviter des stratégies de contournement des plateformes. En l’absence d’une telle disposition, celles-ci pourraient utiliser la multiplication des marques pour essayer de passer en dessous des seuils fixés.

La première partie de cet amendement, relative au remplacement du décret en Conseil d’État par un décret simple, est toutefois incompatible avec mon amendement rédactionnel. J’invite le Gouvernement à supprimer cette première partie pour rendre son amendement n° 95 compatible avec la proposition de la commission ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. En ce qui concerne l’amendement n° 63, les critères proposés sont déjà couverts par la rédaction actuelle. Mon souci est de parvenir à un texte qui soit le plus applicable possible et le plus solide juridiquement, en reprenant notamment le droit européen avec ses deux piliers de définition de la mode ultra-éphémère, à savoir la largeur de gamme et la faible incitation à la réparabilité.

Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Pour les mêmes raisons, je suis défavorable à l’amendement n° 1 rectifié.

Les formulations proposées au travers des amendements nos 49 et 50 peuvent être contournées par les plateformes. Il suffit de découper les largeurs de gamme. Par ailleurs, les dispositions de ces amendements sont trop précises et risqueraient de rater leur cible : avis défavorable.

Je suis également défavorable à l’amendement n° 79, qui est à peu près équivalent.

Je vous invite à voter l’amendement n° 90, qui tend à solidifier juridiquement le présent texte.

L’amendement n° 117, qui vise à remplacer le mot « éphémère » par « express », soulève une difficulté. L’Académie française n’a peut-être pas lu le texte en français de la directive européenne, mais il y est bien question de mode éphémère et non express. Pour ne pas affaiblir l’application du droit français et pour éviter tout risque de contentieux, j’émets un avis défavorable sur cet amendement comme sur l’amendement n° 62.

Les amendements identiques nos 18 rectifié bis, 64 et 91 reçoivent un avis favorable puisqu’ils concernent l’intégration des pratiques industrielles dans la définition de la mode ultra-éphémère.

L’amendement n° 118 pose deux problèmes.

Premièrement, il tend à restreindre les critères de définition de l’ultrafast fashion, alors que la directive-cadre Déchets permet l’application d’autres critères. Il est plus que jamais nécessaire d’introduire plus de flexibilité pour pouvoir adapter la loi à d’éventuelles évolutions des pratiques de l’ultrafast fashion. Ne croyons pas qu’il ne se passera rien : les acteurs vont s’adapter pour chercher à contourner les contraintes.

Deuxièmement, il vise à supprimer l’obligation faite aux plateformes de tenir un registre permettant de tracer les marques qu’elles commercialisent. Dans la mesure où son adoption supprimerait un instrument de contrôle, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Je suis défavorable à l’amendement n° 85, qui constitue là aussi une source de contentieux. Si nous ne sommes pas capables de démontrer concrètement les conséquences dommageables sur les droits sociaux et humains d’une plateforme ou d’un produit, nous nous retrouverons en difficulté, même si nous savons tous que ces effets sont bien réels – et vous avez parfaitement raison, madame la sénatrice, de le rappeler. Largeur de gamme et indice de réparabilité présentent l’avantage d’être faciles à calculer et simples à appliquer, ce qui évite tout doute pour le juge.

En ce qui concerne l’amendement n° 94 du Gouvernement, je me permets d’insister sur l’importance de retenir les rédactions qui soient les plus proches du droit européen pour éviter tout écart pouvant donner lieu à des interprétations et à des contentieux.

Je suis également défavorable au sous-amendement n° 114, qui vise à prendre en compte la proportion d’invendus dans la définition. Ce critère, de nature à pénaliser les marques présentes physiquement sur le territoire, ne rend pas compte de la réalité. Il est question de largeur de gamme, donc de modèles. Dès lors, soit l’acteur a vraiment raté sa collection et présente des invendus sur 100 % de ses modèles – ce qui est un problème pour lui, mais ne témoigne pas d’une volonté d’ultrafast fashion –, soit le critère est pris en compte dès qu’un modèle est vendu et la mesure est inopérante.

Je suis défavorable à l’amendement n° 35 rectifié, pour les mêmes raisons que Mme la rapporteure.

En ce qui concerne les amendements identiques nos 17 rectifié bis et 23, il est important de conserver l’incitation à réparer – qui est également la définition européenne – et de ne pas se limiter à la largeur de gamme.

L’adoption des amendements identiques nos 42 rectifié et 47 rectifié bis pénaliserait les marques qui sont présentes sur les territoires : avis défavorable.

Enfin, l’amendement n° 95 du Gouvernement nous donnera des leviers d’action par rapport aux plateformes en ligne. Le dispositif retenu s’appuie sur le droit européen, ce qui apportera plus de force au texte que nous rédigeons. J’accepte, madame la présidente, de le modifier dans le sens souhaité par la commission.

Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° 95 rectifié, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Lorsque les personnes physiques ou morales mentionnées à l’article L. 541-10 ont recours à un fournisseur de plateforme en ligne pour mettre en œuvre la pratique visée au premier alinéa du I, le franchissement des seuils est apprécié en fonction de leur canal de vente principal, tel que défini par décret.

La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.

M. Yannick Jadot. Je viens apporter mon soutien à l’intégration des enjeux sociaux et environnementaux dans la définition de la fast fashion. C’est quand même l’éléphant dans la pièce !

S’il existe une fast fashion aujourd’hui, c’est aussi parce qu’il y a un dumping environnemental et social. Ce phénomène ne tient pas simplement au nombre de références proposées. Vous l’avez d’ailleurs souligné, les uns et les autres, dans vos interventions : cette fast fashion repose sur l’empoisonnement de l’environnement et de nos organismes, ainsi que sur la prédation et l’exploitation sociales.

Il est nécessaire d’intégrer cette réalité dans la définition même du phénomène, y compris en abordant la question du génocide des Ouïghours, que cette assemblée a d’ailleurs reconnu.

Lors de mon passage au Parlement européen, nous avons travaillé sur la question du travail forcé afin d’élaborer un règlement qui permette, à terme, d’exclure du marché européen les produits issus de cette région, le Xinjiang – que ce soit le coton ou le textile en général. Il est donc d’autant plus essentiel d’intégrer les enjeux sociaux et environnementaux dans la définition de la fast fashion.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.

M. Jacques Fernique. Je souhaite répondre brièvement aux avis émis tant par Mme la rapporteure que par Mme la ministre sur les amendements nos 49, 79 et 50.

J’ai bien entendu l’argument selon lequel il ne faudrait pas fixer de seuil de largeur de gamme dans la loi afin de permettre une meilleure calibration par voie réglementaire. Je me permets toutefois de rappeler l’adage « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ». Fixer un seuil de référence dans la loi n’empêchera en rien le Gouvernement, par la suite, de décliner par décret des seuils et des critères plus précis et mieux adaptés à l’inventivité des acteurs de la fast fashion.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 63.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 49.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 79.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 50.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 90.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 62 et 35 rectifié n’ont plus d’objet.

Je mets aux voix l’amendement n° 117.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 18 rectifié bis, 64 et 91.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 118.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 85.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 114.

(Le sous-amendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 94.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 17 rectifié bis et 23.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 42 rectifié et 47 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 95 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 93, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 4 et 5

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

I bis. – Pour un fournisseur de plateforme en ligne, les pratiques industrielles et commerciales sont appréciées à l’échelle de l’ensemble des références de produits neufs proposées à la vente sur son interface de vente en ligne, à l’exception de celles pour lesquelles le fournisseur de plateforme peut justifier, au moyen d’éléments justificatifs, qu’il n’est pas titulaire des marques desdites références de produits neufs et que leurs interfaces de vente en ligne ne constitue pas le canal de vente principal de ces marques.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement tend à compléter l’amendement n° 95 rectifié.

D’une part, le Gouvernement propose d’utiliser la terminologie européenne de « fournisseur de plateforme en ligne » afin de s’appuyer sur une définition juridique claire et de garantir l’applicabilité des obligations.

D’autre part, cet amendement vise à prévoir une disposition spécifique s’appliquant à ces acteurs. L’ensemble des références de produits figurant sur la plateforme seraient comptabilisées, sauf celles des marques dont le fournisseur de plateforme n’est pas titulaire et dont il ne représente pas le canal de vente principal.

Cette disposition évite de pénaliser des plateformes de vente multimarques, qui forment des relais utiles entre les consommateurs et les marques qui reposent sur un système de distribution multicanal tout en respectant les réglementations européennes. En outre, elle cible bien les places de marché de produits textiles qui cherchent à échapper à nos réglementations.

Mme la présidente. L’amendement n° 51, présenté par MM. Fernique, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 5

Après les mots :

cette personne

Supprimer la fin de cet alinéa.

II. - Alinéas 6 et 7

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jacques Fernique.

M. Jacques Fernique. Cet amendement vise à inclure les plateformes de vente et places de marché multimarques dans le champ d’application de la loi, au même titre que les metteurs sur les marchés de produits éphémères.

Le texte ne traite pas à égalité les metteurs sur le marché et les plateformes de vente, notamment les marketplaces multimarques. La distinction qu’il opère ouvre une faille juridique que les acteurs les plus agiles exploiteront immédiatement. Les géants comme Shein ou Temu pourront passer entre les mailles du filet en se redécoupant ou en jouant sur les statuts. On connaît leur agilité : ils profiteront de cette fragilité. Or une régulation contournable n’est pas une régulation.

Ce sont précisément ces plateformes qui portent le modèle le plus destructeur – des milliards de produits jetables, une pression marketing constante pour pousser à consommer, une production à coûts bas toujours croissante et opaque, une main d’œuvre exploitée. Il est essentiel que les mêmes règles s’appliquent à tous les acteurs de la chaîne de mise en marché. Exclure les plateformes du champ de la régulation revient à compromettre l’objectif central de la proposition de loi.

Mme la présidente. Les cinq amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 3 rectifié bis est présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Rochette et Malhuret, Mme Lermytte, M. Wattebled, Mme L. Darcos, MM. Laménie, Brault, Chasseing, Grand et A. Marc, Mme Bourcier, M. Chevalier, Mme Perrot et M. L. Hervé.

L’amendement n° 11 rectifié ter est présenté par MM. Lefèvre, Bacci et Saury, Mmes Belrhiti et Josende, M. Milon, Mme Micouleau, MM. Henno, Cambon et Belin, Mmes Lavarde et Imbert, M. Naturel, Mmes Billon, Vermeillet et Lassarade, MM. D. Laurent et Houpert, Mme Dumont, MM. Rapin, Bouchet, Genet et Brisson, Mme Romagny, M. Sido et Mmes Ventalon, Dumas, Guidez et P. Martin.

L’amendement n° 30 rectifié quater est présenté par Mme Housseau, MM. Canévet et Kern, Mmes Jacquemet et Saint-Pé et MM. Levi, Folliot, Daubet et Duffourg.

L’amendement n° 55 rectifié bis est présenté par M. Masset, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve et M. Laouedj.

L’amendement n° 70 rectifié ter est présenté par M. Menonville, Mme Devésa, MM. Bonneau, Parigi et Maurey et Mme Antoine.

Ces cinq amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

et que la personne mentionnée au premier alinéa du présent I bis ne constitue pas son canal de vente principal

La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié bis.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Cet amendement a pour objectif de renforcer les dispositions de l’article 1er afin d’éviter le détournement de la disposition introduite en commission concernant les plateformes de vente multimarques.

Il est en effet possible que des sites de vente en ligne qui commercialisent actuellement leurs produits sous une marque unique basculent vers un modèle multimarques factice pour éviter la comptabilisation de l’ensemble des références de produits proposés sur leur site.

Pour prévenir cette situation, nous proposons que les références de produits d’une marque soient comptabilisées au titre de la plateforme, dès lors que celle-ci constitue le canal de vente principal de cette marque.

Mme la présidente. La parole est à Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 11 rectifié ter.

Mme Annick Billon. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Lise Housseau, pour présenter l’amendement n° 30 rectifié quater.

Mme Marie-Lise Housseau. Il est également défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l’amendement n° 55 rectifié bis.

M. Michel Masset. Nous proposons de revenir sur une disposition introduite lors de l’examen en commission.

En créant une exemption pour les plateformes multimarques, le texte ainsi modifié introduit une voie de contournement dont, sans l’ombre d’un doute, les plateformes sauront profiter.

Exclure de la comptabilisation les références issues de marques différentes proposées par une plateforme reviendrait à dissimuler fortement le poids des plus gros acteurs, qui sont aussi des hébergeurs. Il suffirait même aux géants visés par ce texte de basculer vers un modèle multimarques factice pour ne plus être considérés comme des entreprises de la mode éphémère.

Afin de prévenir cette situation, qui menacerait tout l’édifice de la proposition de loi, nous proposons que toutes les références soient comptabilisées au titre de la plateforme dès lors que celle-ci représente le canal de vente principal d’une marque.

Mme la présidente. L’amendement n° 70 rectifié ter, présenté par M. Menonville, Mme Devésa, MM. Bonneau, Parigi et Maurey et Mme Antoine, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

et que la personne mentionnée au premier alinéa du présent I bis ne constitue pas son canal de vente principal.

Cet amendement n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. L’amendement n° 93 a deux objectifs : d’une part, remplacer la notion d’interface électronique par celle de plateforme en ligne ; de l’autre, introduire la notion de canal de vente principal des marques.

La première mesure ne me paraît pas souhaitable. Certes, le terme de plateforme en ligne est aligné sur le droit européen, mais celui d’interface électronique est plus englobant. Or je ne souhaite pas offrir aux acteurs de la mode express des possibilités de contournement.

En revanche, je suis favorable à la deuxième mesure. En effet, intégrer la notion de canal de vente principal permet de limiter les possibilités de contournement. Je favoriserai toutefois les amendements nos 3 rectifié bis, 11 rectifié ter, 30 rectifié quater et 55 rectifié bis de mes collègues, qui ne reprennent que ce deuxième point.

En ce qui concerne l’amendement n° 51, l’inclusion des plateformes multimarques dans la définition de la mode express est indispensable. Nous en convenons tous, alors même que l’un des principaux acteurs de la mode express a le statut de place de marché.

Il est toutefois également nécessaire de prévoir une comptabilisation différente pour les producteurs classiques et pour les véritables places de marché. Une place de marché qui joue le simple rôle d’intermédiaire n’a pas la main sur le nombre de références proposées, qui proviennent de marques différentes.

Prévoir le même système de seuil pour Amazon et Petit Bateau, par exemple, n’aurait pas de sens. Cela conduirait Amazon à contraindre Petit Bateau à réduire le nombre de références proposées sur le site et priverait ainsi cette marque française d’un canal de distribution complémentaire. Pour autant, le nombre réel de références disponibles de la marque ne serait en rien réduit, puisque celles qui auraient été supprimées du site resteraient disponibles en magasin.

Nous avons réalisé, en collaboration avec le Gouvernement, que je remercie, un travail d’orfèvre en commission pour parvenir à une rédaction équilibrée, qui distingue les vraies plateformes multimarques des producteurs adoptant, pour des raisons d’opportunité économique, un statut de place de marché. Des améliorations marginales sont encore à prévoir pour éviter d’éventuelles stratégies de contournement, mais j’estime que nous sommes parvenus à un équilibre global. Pour ces raisons, j’émettrai un avis défavorable.

J’en viens aux amendements identiques nos 3 rectifié bis, 11 rectifié ter, 30 rectifié quater et 55 rectifié bis. Les règles d’inclusion des interfaces électroniques à la mode express, définies en commission, visent à différencier deux situations.

Dans un premier cas, les interfaces multimarques classiques constituent de simples intermédiaires et n’ont pas directement la main sur le nombre de références produites. Ces interfaces dépendent du producteur et n’ont donc pas vocation, en tant que telles, à être considérées comme de la mode express.

Dans un second cas, certains producteurs, pour des raisons d’opportunité juridique, adoptent un statut de place de marché, tout en conservant la main sur l’ensemble des produits disponibles. Ils doivent donc être traités comme n’importe quel autre producteur.

Les amendements nos 3 rectifié bis, 11 rectifié ter, 30 rectifié quater et 55 rectifié bis renforcent la solidité juridique du dispositif créé par la commission en évitant un contournement par des producteurs, qui pourraient multiplier les marques fictives pour passer en dessous des seuils fixés.

La commission a donc émis un avis favorable sur ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je vous renvoie une fois encore au Digital Services Act (DSA). Pour des raisons de définition juridique, il est essentiel que l’amendement n° 93 du Gouvernement soit adopté. Sur ce point, madame la rapporteure, je ne partage pas votre analyse, qui est de nature technique.

Cette directive est ainsi traduite dans la version française du Journal officiel de lUnion européenne : « Les interfaces en ligne trompeuses de plateformes en ligne sont des pratiques qui ont pour objectif ou pour effet d’altérer ou d’entraver sensiblement la capacité des destinataires du service de prendre une décision ou de faire un choix, de manière autonome et éclairée. Ces pratiques peuvent être utilisées pour persuader les destinataires du service de se livrer à des comportements non désirés ou de prendre des décisions non souhaitées qui ont des conséquences négatives pour eux. »

Il me paraît important de conserver cette rédaction, qui renforce l’assise du texte. Nous réussirons ainsi à empêcher les plateformes en ligne de trouver des mesures de contournement, ce qui est notre ambition commune. C’est la raison pour laquelle je me suis permis de citer la directive.

J’invite donc les auteurs des amendements nos 3 rectifié bis, 11 rectifié ter, 30 rectifié quater et 55 rectifié bis à retirer leurs amendements, au profit de l’amendement n° 93 du Gouvernement, dont les objectifs sont les mêmes. À défaut, j’y serai défavorable.

Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 51. L’amendement n° 95 rectifié, que vous avez adopté, et qui serait renforcé par l’adoption de l’amendement 93, répond mieux à notre objectif commun de protection et de solidité du droit.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 93.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 51.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 rectifié bis, 11 rectifié ter, 30 rectifié quater et 55 rectifié bis.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 122, présenté par Mme Valente Le Hir, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 8

1° Première phrase

a) Remplacer les mots :

Les personnes mentionnées

par les mots :

La personne mentionnée

b) Remplacer le mot :

ont

par le mot :

a

c) Remplacer les mots :

affichent sur leurs plateformes

par les mots :

affiche sur son interface

2° Deuxième phrase

a) Remplacer le mot :

proposant

par les mots :

sur lesquelles sont proposés

b) Remplacer les mots :

un produit couvert par le

par les mots :

les produits des personnes ayant recours à la pratique mentionnée au

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. L’amendement n° 56 rectifié, présenté par M. Masset, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Grosvalet et Guiol, Mme Jouve et M. Laouedj, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 8

1° Première phrase

Remplacer les mots :

Les personnes mentionnées

par les mots :

Les metteurs sur le marché de produits relevant de la filière à responsabilité élargie du producteur applicable aux produits textiles, chaussures et linge de maison neufs destinés aux particuliers, y compris ceux mentionnés

et les mots :

affichent sur leurs plateformes de vente en ligne

par les mots :

intègrent dans toute communication à caractère publicitaire

2° Deuxième phrase

a) Après le mot :

affichés

insérer les mots :

ou diffusés

b) Supprimer les mots :

sur tout format utilisé

c) Après le mot :

prix

insérer les mots :

, du message promotionnel ou de l’élément incitatif à l’achat, selon les caractéristiques du support utilisé et

3° Dernière phrase :

Après le mot :

affichage

insérer les mots :

ou de diffusion

II. – Après l’alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …. – Tout manquement à cette obligation est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale. Cette amende est prononcée dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V du code de la consommation.

La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Cet amendement vise à revenir à l’esprit initial de la proposition de loi, qui porte sur l’ensemble de l’industrie textile et non pas seulement sur la mode éphémère.

Aussi, les objectifs de sobriété promus par la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire doivent concerner chaque acteur du secteur, petit ou grand, digital ou physique.

Nous proposons, à ce titre, de renforcer l’information du consommateur en étendant l’obligation d’affichage de messages de sensibilisation à l’ensemble des metteurs sur le marché de produits textiles, de manière à les sensibiliser plus efficacement aux enjeux environnementaux et sociaux liés à l’industrie textile.

Afin de garantir une mise en œuvre adaptée, les modalités d’affichage comme les contenus du message resteraient fixés par décret.

Mme la présidente. L’amendement n° 78, présenté par MM. Dossus, Fernique, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, M. Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 8

1° Première phrase

Remplacer les mots :

Les personnes mentionnées

par les mots :

Les metteurs sur le marché de produits relevant de la filière à responsabilité élargie du producteur applicable aux produits textiles, chaussures et linge de maison neufs destinés aux particuliers, y compris ceux mentionnés

et les mots :

affichent sur leurs plateformes de vente en ligne

par les mots :

intègrent dans toute communication à caractère publicitaire

2° Deuxième phrase

a) Après le mot :

affichés

insérer les mots :

ou diffusés

b) Supprimer les mots :

sur tout format utilisé

c) Remplacer les mots :

sur l’ensemble des pages proposant à la vente un produit couvert par le même I

par les mots :

, du message promotionnel ou de l’élément incitatif à l’achat, selon les caractéristiques du support utilisé

3° Dernière phrase :

Après le mot :

affichage

insérer les mots :

ou de diffusion

II. – Après l’alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

«…. – Tout manquement à cette obligation est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale. Cette amende est prononcée dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V du code de la consommation.

La parole est à M. Jacques Fernique.

M. Jacques Fernique. Cet amendement, qui fait écho aux revendications de l’Institut national de l’économie circulaire (Inec), de la Fédération de la mode circulaire et de Vestiaire Collective, vise à étendre l’obligation d’affichage de messages de sensibilisation à l’ensemble des metteurs sur le marché relevant de la filière à responsabilité élargie du producteur applicable aux produits textiles.

Dans le texte issu de la commission, seules les marques de mode éphémère sont concernées par cette obligation. Cela revient à exclure une large part des opérateurs économiques soumis à la REP textile, notamment ceux qui ne passent pas par des plateformes de vente en ligne à bas coût.

Cette restriction réduit considérablement l’efficacité de la mesure. Nous proposons donc de l’étendre à tous les acteurs de la filière – distributeurs et metteurs sur le marché –, quel que soit leur modèle économique. Il s’agit d’assurer une application cohérente de la réglementation, sans créer d’angles morts.

L’amendement tend également à élargir le périmètre des supports concernés. Au-delà des plateformes de vente en ligne, il inclut l’ensemble des canaux publicitaires – affichage extérieur, médias audiovisuels, réseaux sociaux –, car le message de sobriété que nous voulons envoyer doit pouvoir être relayé, quel que soit le vecteur utilisé.

C’est une mesure de cohérence avec les principes de l’économie circulaire et les objectifs de la loi Agec. Elle vise à mieux informer les consommateurs sur les impacts environnementaux et sociaux de l’industrie textile et à encourager des choix d’achat plus responsables.

Les modalités précises de diffusion resteront fixées par décret, après avis de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, pour garantir une mise en œuvre adaptée au format et aux réalités du secteur publicitaire. Il s’agit ici de renforcer l’efficacité de nos politiques environnementales sans incohérence ni demi-mesure.

Mme la présidente. L’amendement n° 92 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 8, première phrase

1° Après le mot :

personnes

insérer les mots :

physiques et morales

2° Après la référence :

I bis

insérer les mots :

et au I

3° Après le mot :

pratique

insérer les mots :

industrielle et

4° Après les mots :

au I

insérer les mots :

et au I bis

La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Dans la rédaction actuelle de la proposition de loi, il est prévu que les messages de sensibilisation du consommateur, qui porteront notamment sur la sobriété, le réemploi, la réparation, les réutilisations et le recyclage des produits, figurent uniquement sur les sites des plateformes en ligne.

Cette restriction est regrettable, car elle réduit la bonne information du consommateur. Par cet amendement, je propose que tous les acteurs de la mode ultra-éphémère visés à la fois au I et I bis de l’article 1er aient l’obligation de faire figurer des messages de sensibilisation sur tous les canaux de distribution utilisés, et ce à chaque fois qu’un produit est proposé à la vente. Dès qu’un consommateur sera en situation de mettre un produit dans son panier virtuel, il devra être exposé au message de sensibilisation.

L’adoption de cet amendement permettra de lutter contre les tentatives de contournement de la loi qui pourraient émaner des acteurs de la mode ultra-éphémère. Nous ajusterons ainsi la rédaction de cet article pour tenir compte des amendements déjà adoptés sur les pratiques industrielles et commerciales. En somme, il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. L’amendement n° 48 rectifié bis, présenté par MM. Cadec, Bacci et Henno, Mme Belrhiti, M. Milon, Mmes Aeschlimann, Josende, Micouleau et Lassarade, MM. Piednoir, Panunzi, Belin, Canévet et Sido, Mmes Ventalon, Saint-Pé, Housseau et Canayer et M. L. Hervé, est ainsi libellé :

Alinéa 8, deuxième phrase

Remplacer les mots :

à proximité du prix sur l’ensemble des pages proposant à la vente un produit couvert par le même I

par les mots :

sur un bandeau en haut ou bas sur la page d’accueil de chaque plateforme

La parole est à Mme Marie-Lise Housseau.

Mme Marie-Lise Housseau. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Je partage pleinement la volonté des auteurs des amendements nos 56 rectifié et 78 de diffuser largement les informations sur les conséquences environnementales et sociales de la surconsommation de vêtements.

Cependant, mon objectif est de cibler en premier lieu les vêtements issus de la mode express, dont l’impact environnemental et social est le plus important. Si nous étendions l’obligation d’affichage des messages de sensibilisation à l’ensemble des produits textiles mis sur le marché, nous risquerions de toucher des acteurs nationaux et européens, créateurs d’emplois en France, ce qui n’est pas notre objectif.

L’extension pourra néanmoins être envisagée à terme, une fois que ce mécanisme aura fait ses preuves, en adaptant le contenu du message. En effet, tous les vêtements mis sur le marché ne sont pas produits dans les mêmes conditions : il ne faudrait pas mettre sur un pied d’égalité les entreprises européennes diligentes et les plateformes de la mode express.

Je vous propose donc de retirer vos amendements ; à défaut, j’y serai défavorable.

Les précisions rédactionnelles de l’amendement n° 92 rectifié ne me paraissent pas nécessaires : avis défavorable.

Concernant l’amendement n° 48 rectifié bis, rendre obligatoire l’affichage d’un message sur l’ensemble des pages de la plateforme proposant à la vente un produit de la mode express est contraignant, je le concède. Mais c’est justement notre objectif : nous voulons pénaliser les entreprises de la mode express. Cette obligation, qui poursuit l’objectif d’intérêt général de protection de l’environnement, me paraît donc proportionnée : avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement rédactionnel n° 122.

Les amendements nos 56 rectifié et 78, qui visent à étendre le message de sensibilisation à tous les acteurs de la filière textile, soulèvent deux problèmes.

Tout d’abord, une telle mesure risquerait de diluer le message, puisque les dispositifs de ces amendements n’opèrent pas de différence entre les acteurs polluants et ultrapolluants.

Ensuite, cette disposition risquerait de poser un problème de concurrence déloyale, comme je l’ai déjà précisé. L’organisation juridique des acteurs ultrapolluants leur permettra d’échapper sans grande difficulté à l’application de cet article. Leurs plateformes pourraient ainsi être dispensées d’afficher les messages de sensibilisation qui apparaîtraient en revanche sur des plateformes de produits bien moins polluants. Voilà qui serait complètement contre-productif.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements, bien que je partage l’objectif visé par leurs auteurs.

Concernant l’amendement n° 48 rectifié bis, l’avis est également défavorable. Comme l’a indiqué Mme la rapporteure, il s’agit précisément d’afficher ce message à chaque fois que le produit apparaît et non sur la seule page d’accueil de la plateforme ou sous forme de bandeau, ce qui aurait une moindre efficacité sur le consommateur.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 122.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 56 rectifié, 78, 92 rectifié et 48 rectifié bis n’ont plus d’objet.

L’amendement n° 36 rectifié, présenté par Mme Bonnefoy, M. Gillé, Mme Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Omar Oili, Ouizille, Uzenat, M. Weber et Kanner, Mmes Espagnac et Linkenheld, M. Michau, Mmes Monier, Canalès et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 8, première phrase

1° Supprimer la seconde occurrence du mot :

et

2° Compléter cette phrase par les mots :

et informant sur l’impact environnemental du service de livraison des produits proposé

La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.

Mme Nicole Bonnefoy. Cet amendement est la traduction de l’une des préconisations de la mission d’information relative au transport de marchandises face aux impératifs environnementaux, dont le rapport, que j’ai rendu avec mon collègue Rémy Pointereau, a été adopté à l’unanimité en 2021 par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Nous proposons d’informer le consommateur de l’impact environnemental de ces livraisons afin, à terme, de l’inciter à des comportements plus vertueux en la matière.

En effet, près de 90 % du fret français est aujourd’hui assuré par voie routière, ce qui entraîne de nombreuses nuisances.

Par ailleurs, lutter contre la fast fashion doit également passer par une meilleure information des consommateurs et une responsabilisation de leur acte d’achat.

C’est le double objectif de cet amendement. Commander en ligne ou retourner un produit ne peut plus être un acte banal : les consommateurs doivent appréhender les conséquences qui en découlent sur l’environnement et sur le modèle économique du producteur.

Conformément aux recommandations de la rapporteure lors des débats en commission, j’ai recentré le dispositif de cet amendement sur les seuls produits relevant de la mode éphémère.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Il est impératif d’informer le consommateur des impacts environnementaux liés non seulement à la production de vêtements et au traitement des déchets textiles, mais aussi au transport massif de colis.

Le modèle économique de la mode express repose sur la vente sur internet et donc sur la livraison rapide des produits, parfois par voie aérienne. Il participe ainsi largement aux émissions de gaz à effet de serre émanant du transport de marchandises. Le nombre de colis livrés en Europe en provenance de Chine a été multiplié concomitamment au développement de la mode ultra-express.

Lorsque le consommateur fait le choix de se faire livrer des colis par voie aérienne de l’autre bout du monde en des temps records, il doit être pleinement informé des conséquences économiques de son achat.

Cette disposition résulte d’une préconisation de l’excellent rapport d’information sur le transport de marchandises face aux impératifs environnementaux de Nicole Bonnefoy et Rémy Pointereau de 2021.

La commission émet un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Votre amendement vise à informer le consommateur sur l’impact environnemental de la livraison de produits définis à l’article 1er. C’est certes une réalité, mais il ne faudrait pas laisser croire au consommateur qu’il s’agit du seul impact environnemental lié à la fast fashion.

D’après les données d’Ecobalyse, la livraison ne représente que 9 % de l’impact environnemental total d’un pull en coton issu de la mode ultra-éphémère fabriqué en Chine.

Il est important que le consommateur puisse faire des choix éclairés en matière d’impact environnemental. Il serait contreproductif de laisser entendre que le principal impact réside dans la part liée au transport, sans évoquer les 91 % restants.

Pour cette raison, l’avis du Gouvernement est défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 36 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 37 rectifié, présenté par Mme Bonnefoy, M. Gillé, Mme Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Omar Oili, Ouizille, Uzenat, M. Weber et Kanner, Mmes Espagnac et Linkenheld, M. Michau, Mmes Monier, Canalès et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« … – Dans la promotion par les personnes qui ont recours à la pratique commerciale mentionnée au I d’un produit, le terme “gratuit” ne peut être utilisé comme outil marketing et promotionnel dans le cadre d’une relation commerciale. »

La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.

Mme Nicole Bonnefoy. Cet amendement, comme le précédent, traduit l’une des recommandations du rapport de la mission d’information que j’ai menée avec mon collègue Rémy Pointereau.

Il vise à prévoir l’interdiction de la mention « livraison gratuite » ainsi que de toute publicité mettant en avant la gratuité de la livraison d’un produit. Il s’agit, là encore, de mieux informer et sensibiliser le consommateur. Nous ne pouvons laisser entendre que les livraisons n’auraient aucun coût financier ni aucun impact environnemental.

En outre, il s’agit de participer à l’accélération de la transition écologique du transport de marchandises en limitant cette pratique commerciale, qui est bien souvent le corollaire de la fast fashion.

Les dispositions de cet amendement ne visent que les produits relevant de la mode éphémère, pour éviter de tomber sous le coup de l’article 45 de la Constitution. Madame la ministre, j’espère que son adoption sera un premier pas vers une interdiction plus large et complète de cet argument commercial mensonger, qui repose sur une logique économique ultra-productiviste et délétère pour notre environnement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Cet amendement s’inscrit également dans la continuité des travaux de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable : la mission d’information sur le transport de marchandises face aux impératifs environnementaux, qui a rendu ses travaux en 2021 et dont vous étiez rapporteur, aux côtés de Rémy Pointereau, avait mis en lumière le sentiment de dénigrement éprouvé par les transporteurs en raison de l’« invisibilisation » de leur activité.

Il est donc tout à fait opportun d’interdire la mention « livraison gratuite » pour les vêtements issus de la mode éphémère, qui est trompeuse : la livraison emporte un coût économique et environnemental qu’il convient d’afficher.

Une telle interdiction constitue un premier pas vers la responsabilisation du consommateur : avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Mon avis est motivé par un argument juridique, puisque nous sommes tenus par le droit.

Vous avez complètement raison : toute livraison a un coût aussi bien économique qu’environnemental, même si elle peut être « offerte » aux consommateurs, à défaut d’être « gratuite ».

Je comprends donc l’intention de l’auteure de cet amendement. Cependant, ce type d’interdiction est contraire à la directive relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur. Aux termes mêmes de ladite directive, il n’est pas possible d’interdire la mention de la gratuité de la livraison d’un produit dans une publicité ou dans le cadre d’une pratique commerciale. Or, s’agissant d’une directive d’harmonisation maximale, les États membres ne peuvent imposer des exigences plus strictes que celles qu’elle définit.

Vous pouvez donc adopter cet amendement, mais sachez qu’il n’aura aucune portée juridique : il s’agira d’un amendement de témoignage. (Mme Nicole Bonnefoy manifeste sa désapprobation.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 37 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Xavier Iacovelli.)

PRÉSIDENCE DE M. Xavier Iacovelli

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 1er.

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à  réduire l'impact environnemental de l'industrie textile
Article 1er bis A

Après l’article 1er

M. le président. L’amendement n° 57 rectifié, présenté par Mmes Romagny et Vermeillet, MM. Cambier, Folliot et Rochette, Mme Josende, M. Bruyen, Mme Jacquemet, MM. Maurey, Haye et Delahaye, Mmes Herzog et Housseau, MM. S. Demilly et Menonville, Mmes Bourcier et Devésa, MM. Canévet, Henno, Wattebled, Perrin et Rietmann, Mmes Doineau et Billon, M. Kern, Mmes Perrot, O. Richard et Saint-Pé, M. Chasseing, Mmes Demas et Joseph, MM. Capo-Canellas et L. Hervé, Mmes Guidez et Hybert, M. Michallet, Mme Berthet et M. Duffourg, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 541-9-1 du code de l’environnement, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. 541-9-1-… – L’origine de fabrication du vêtement ou du textile vendu en ligne doit être clairement identifiable du consommateur sur la plateforme numérique. La mention relative à l’origine géographique des textiles est inscrite de façon visible et lisible, en caractères d’une taille égale à celle de l’indication du prix, à proximité de celui-ci. »

La parole est à Mme Marie-Lise Housseau.

Mme Marie-Lise Housseau. Cet amendement d’Anne-Sophie Romagny vise à rendre visible l’origine géographique de fabrication du produit textile vendu sur une plateforme numérique ou un site internet : elle devra figurer sur la page internet à proximité du prix de vente unitaire de l’article.

Cette traçabilité constitue une information claire et un signal permettant aux consommateurs d’arbitrer leurs achats en fonction de leurs préoccupations environnementales ou sociales. Cette mesure peut favoriser l’acquisition de vêtements fabriqués en France ou en Europe, dont le bilan carbone est bien meilleur que celui des produits fabriqués en Asie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Je comprends l’intention des auteurs de l’amendement, qui veulent assurer une plus grande traçabilité de l’origine géographique des vêtements. Je m’interroge toutefois sur le coût et la faisabilité d’une telle mesure, qui concernerait l’ensemble de la filière textile et non pas simplement les produits de la mode express, et dont il serait nécessaire de contrôler ensuite l’application.

Cette disposition, qui est intéressante, devrait faire l’objet d’une étude d’impact ou, a minima, de travaux de la part du Gouvernement, afin de garantir son applicabilité : avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis de sagesse, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour explication de vote.

Mme Antoinette Guhl. Le groupe écologiste est favorable à cet amendement. Certes, la mesure envisagée nécessitera un peu de travail et d’investissement de la part des acteurs de la filière – revendeurs, fabricants, plateformes, etc. –, mais elle permettra une meilleure information des consommateurs. Il est important qu’elle puisse être inscrite dans le présent texte.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 57 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er.

Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 106 rectifié n’est pas soutenu.

L’amendement n° 40 rectifié bis, présenté par M. Michau, Mme Bonnefoy, M. Gillé, Mme Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Omar Oili, Ouizille, Uzenat, M. Weber et Kanner, Mmes Espagnac, Linkenheld, Monier, Canalès et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les personnes physiques ou morales qui ont recours à la pratique commerciale mentionnée au I de l’article L. 541-9-1-1 du code de l’environnement ne sont pas éligibles à la réduction d’impôt mentionnée au 2 de l’article 238 bis du code général des impôts.

La parole est à M. Sébastien Fagnen.

M. Sébastien Fagnen. Cet amendement de notre collègue Jean-Jacques Michau, soutenu par le groupe socialiste, vise à supprimer l’abattement fiscal de 60 % dont bénéficient les acteurs de la mode éphémère sur leurs dons d’invendus aux associations.

Si cette mesure partait d’une bonne intention et constituait une initiative vertueuse en elle-même pour lutter contre le gaspillage et encourager l’économie circulaire, elle est devenue, en raison de la frénésie suscitée par la mode éphémère, un véritable outil d’optimisation fiscale.

À titre d’exemple, un pantalon vendu par Shein peut bénéficier d’une réduction fiscale de 7,20 euros en cas de don, alors que son prix initial est de 12 euros. On constate que l’utilisation de l’argent public pour maintenir, voire encourager, des pratiques qui ne sont absolument pas vertueuses, aussi bien économiquement qu’écologiquement – comme nous avons pu le souligner lors de nos précédents échanges –, nous conduit à une impasse.

Bien évidemment, la suppression de l’abattement fiscal de 60 % concernerait seulement les acteurs de la mode éphémère.

M. le président. Les amendements nos 109 rectifié et 107 rectifié ne sont pas soutenus.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 40 rectifié bis ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Les auditions menées dans le cadre des travaux préparatoires m’ont permis de constater la crise à laquelle fait face le réemploi dans le secteur textile, qui relève bien souvent de l’économie sociale et solidaire (ESS). L’explosion des ventes de vêtements de moindre qualité remet souvent en cause l’équilibre économique du secteur.

Que les acteurs de la mode express puissent bénéficier d’un crédit d’impôt à la suite de dons de produits textiles de mauvaise qualité est ubuesque ! Je ne peux donc qu’approuver cette proposition, qui met fin à un crédit d’impôt qui n’aurait jamais dû être.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement porte sur un sujet qui n’est pas lié à la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, mais qui pose néanmoins problème, comme vous l’avez bien expliqué dans votre présentation, monsieur le sénateur, et dans votre avis, madame la rapporteure.

Bercy travaille sur le sujet et envisage des évolutions, en tenant notamment compte des conclusions de récentes enquêtes médiatisées. Toutefois, le Gouvernement n’ayant pas encore arrêté de solution, j’émettrai un avis de sagesse sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 40 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er.

Après l’article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à  réduire l'impact environnemental de l'industrie textile
Article 1er bis

Article 1er bis A

(Non modifié)

Le III de l’article L. 541-9 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les agents de la direction générale de la prévention des risques et de ses services déconcentrés, les agents habilités en application de l’article L. 541-9-7, les agents des douanes et les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont autorisés, pour les besoins de leurs missions de contrôle prévues au présent III, à se communiquer, sur demande ou spontanément, tous les renseignements et les documents détenus ou recueillis dans l’exercice de leurs missions respectives. »

M. le président. L’amendement n° 96, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Après l’article L. 512-20-3 du code de la consommation, il est inséré un article L. 512-20-… ainsi rédigé :

« Art. L. 512-20-…. – Les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et les agents de la Commission nationale de l’informatique et des libertés peuvent se communiquer spontanément ou sur demande tous les renseignements et les documents détenus ou recueillis dans le cadre de leurs missions respectives et nécessaires à la recherche et à la constatation des infractions et des manquements à la réglementation relevant de leurs champs de compétences respectifs, sans que les dispositions de l’article 11 du code de procédure pénale ou celles relatives au secret professionnel fassent obstacle à une telle communication. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement tend à créer une base juridique pour les échanges d’informations entre les agents de la DGCCRF et ceux de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), afin de lutter plus efficacement contre les fraudes relevant des champs de compétence respectifs de ces deux autorités.

L’objectif est de renforcer nos capacités de contrôle. Nous devrions nous retrouver sur cette mesure de bon sens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Pour lutter contre la mode express, nous ne devons pas uniquement prévoir des sanctions ; il faut aussi que les contrôles soient efficaces face à des acteurs qui disposent de moyens de contournement considérables.

J’approuve cet amendement, qui me paraît de nature à renforcer la coopération entre les différents services de l’État, ce qui améliorera l’efficacité des contrôles.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 96.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er bis A, modifié.

(Larticle 1er bis A est adopté.)

Article 1er bis A
Dossier législatif : proposition de loi visant à  réduire l'impact environnemental de l'industrie textile
Article 2

Article 1er bis

(Supprimé)

Article 1er bis
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Après l’article 2

Article 2

Le code de l’environnement est ainsi modifié :

1° L’article L. 541-10-3 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « lesquels », sont insérés les mots : « l’impact environnemental, notamment les atteintes à la biodiversité et l’empreinte carbone, » et après le mot : « durabilité », sont insérés les mots : « , y compris, résultant des pratiques industrielles et commerciales, » ;

b) La dernière phrase du troisième alinéa est complétée par les mots : « , sauf pour les produits mentionnés au 11° de l’article L. 541-10-1, pour lesquels ce taux est fixé à 50 % » ;

2° L’article L. 541-10-9 est ainsi modifié :

a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;

a bis) À la première phrase du second alinéa, le mot : « article » est remplacé par la référence : « I » ;

b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. – Lorsqu’une personne non établie en France est soumise au principe de responsabilité élargie du producteur en application de l’article L. 541-10 ou en application du premier alinéa du I du présent article, elle désigne, par mandat écrit, une personne physique ou morale établie en France en tant que mandataire chargé d’assurer le respect de ses obligations relatives au régime de responsabilité élargie des producteurs. Cette personne est subrogée dans toutes les obligations découlant du principe de responsabilité élargie du producteur dont elle accepte le mandat. » ;

3° L’article L. 541-10-27 est ainsi modifié :

a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;

a bis) Au deuxième alinéa, le mot : « article » est remplacé par la référence : « I » ;

b) Sont ajoutés des II, II bis, III et IV ainsi rédigés :

« II. – Pour les produits soumis au principe de responsabilité élargie du producteur en application du 11° de l’article L. 541-10-1, les contributions financières mentionnées à l’article L. 541-10-3 sont modulées, en fonction notamment de leur durabilité liée à l’impact des pratiques industrielles et commerciales des producteurs. Le cahier des charges de l’éco-organisme prévoit que les compléments de contributions récoltés sont principalement réattribués sous forme de primes aux producteurs de produits qui remplissent des critères d’écoconception pour une meilleure performance environnementale.

« II bis. – Les produits soumis au principe de responsabilité élargie du producteur en application du 11° de l’article L. 541-10-1 qui sont affectés d’une pénalité en application du II du présent article ne peuvent bénéficier de primes.

« III. – Le montant des pénalités applicables aux produits soumis au principe de responsabilité élargie du producteur en application du 11° de l’article L. 541-10-1 et déterminées en fonction du critère défini au II du présent article est de 5 euros par produit en 2025, 6 euros par produit en 2026, 7 euros par produit en 2027, 8 euros par produit en 2028, 9 euros par produit en 2029 et 10 euros par produit en 2030.

« IV. – Une fraction des contributions financières versées par les producteurs des produits mentionnés au 11° de l’article L. 541-10-27 doit être utilisée par les éco-organismes pour financer des infrastructures de collecte et de recyclage sur le territoire national. »

M. le président. L’amendement n° 65, présenté par M. Hingray, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

La sous-section 3 de la section 2 du chapitre Ier du titre IV du livre V du code de l’environnement est complétée par un article ainsi rédigé :

« Art. L. 541-10-…. – I. – Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi n° du visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile, l’autorité de tutelle pour le secteur du textile établit, en concertation avec l’ensemble des parties prenantes de la filière, une feuille de route dite « Textile durable 2030 », reposant sur une stratégie mettant en œuvre une filière industrielle performante soutenant la transformation circulaire et, articulée autour des quatre piliers suivants :

« 1° Réparation : obligation pour les metteurs en marché de mettre à disposition des services de réparation pour leurs produits, directement ou par l’intermédiaire de réseaux partenaires ;

« 2° Réutilisation : mise en place ou adhésion à des plateformes de revente de seconde main ;

« 3° Recyclage : introduction progressive de quotas d’incorporation de matières recyclées dans la composition des produits textiles mis sur le marché ;

« 4° Réduction : engagement des producteurs sur la diminution des invendus, notamment sur la base des recommandations de l’Agence européenne de l’environnement, et sur la promotion d’une consommation responsable dans les campagnes de communication.

« II. – Les contributions financières versées par les producteurs dans le cadre de la responsabilité élargie du producteur (REP) sont modulées afin de favoriser l’atteinte de ces objectifs. Une part significative de ces contributions est fléchée vers le financement de la transformation durable du secteur textile, notamment par le soutien au recyclage, à l’innovation circulaire et à la structuration des filières locales.

« III. – Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de deux ans suivant l’entrée en vigueur de la présente loi, un rapport d’évaluation des effets de la feuille de route sur les performances environnementales de la filière et sur l’équilibre concurrentiel entre acteurs nationaux et internationaux. Ce rapport peut formuler des propositions d’ajustement, y compris en matière de dispositifs financiers complémentaires. »

La parole est à M. Jean Hingray.

M. Jean Hingray. Face aux défis environnementaux posés par l’industrie textile, il est impératif d’agir non seulement avec détermination, mais aussi avec discernement.

L’objectif de cet amendement est double : renforcer l’efficacité environnementale de la régulation, tout en préservant l’équité concurrentielle entre tous les acteurs, français comme internationaux.

Loin d’encourager une forme de protectionnisme punitif ou de guerre commerciale, ma proposition veut établir une trajectoire commune, réaliste et exigeante, permettant à l’ensemble des metteurs en marché – grandes marques comme PME, distributeurs européens comme importateurs – de s’inscrire dans une dynamique de progrès environnemental.

L’amendement vise à compléter utilement les dispositions de l’article 2 de la proposition de loi en instaurant une logique de coconstruction sectorielle. Il impose aux éco-organismes d’élaborer sous l’autorité de tutelle, avec l’ensemble des parties prenantes, une feuille de route « Textile durable 2030 » fondée sur quatre piliers stratégiques : réparation, réutilisation, recyclage et réduction.

Plutôt que de recourir à un régime de sanctions administratives complexes, cette feuille de route s’appuie sur la modulation des contributions des filières à responsabilité élargie du producteur. Elle oriente ainsi les redevances vers la transformation effective du secteur, tout en simplifiant la gestion administrative et en assurant la compatibilité du dispositif avec le droit européen.

En résumé, cet amendement tend à passer d’une logique de confrontation à une logique d’engagement partagé et incitatif, dans un esprit de responsabilité écologique, d’équité économique et de transformation concrète du secteur textile.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Je vous remercie, mon cher collègue, de me donner l’opportunité d’insister ici sur la nécessité d’une stratégie industrielle dans la gestion des déchets textiles.

Pour gérer au mieux nos déchets et assurer la transition du textile vers l’économie circulaire, il est indispensable que l’État établisse une stratégie concertée avec l’ensemble des acteurs économiques, qui assure l’existence de débouchés sur le territoire, dans le respect de la hiérarchie des modes de traitement.

Toutefois, la fixation d’une telle stratégie me paraît, à ce stade, trop rigide. Je vous invite à vous rapprocher de Marta de Cidrac et de Jacques Fernique, rapporteurs pour la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable sur la mission d’information relative au bilan de la loi Agec de 2020. Je sais qu’ils s’intéressent à la question de la structuration industrielle de l’économie circulaire. Vos réflexions pourront très certainement enrichir les conclusions de leur rapport.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Monsieur le sénateur, votre amendement vise à mettre en place une feuille de route pour renforcer la circularité de la filière textile dans une démarche de coconstruction.

Aujourd’hui, un tiers seulement des textiles usagés sont collectés, le reste terminant sa vie dans les poubelles. Sur le tiers collecté, seuls 30 % sont recyclés, majoritairement hors d’Europe. En outre, la filière est confrontée depuis 2024 à une fermeture progressive de ses débouchés à l’export, entraînant la fragilisation des opérateurs de collecte et de tri.

J’ai donc lancé une réforme de la filière REP des textiles. Elle permettra d’améliorer l’écoconception des produits, d’augmenter la collecte, le réemploi et le recyclage de la matière, notamment en France, et d’améliorer la traçabilité des flux collectés. Un amendement gouvernemental vise d’ailleurs à soutenir cette refonte de la filière.

En parallèle, la récente révision de la directive-cadre Déchets concerne notamment le secteur textile : elle impose à l’ensemble des États membres la mise en place d’une filière REP pour les textiles, sujet sur lequel la France est précurseur.

Si je partage votre volonté de transformation concrète de la filière, il me semble plus approprié de poursuivre le travail qui vient d’être engagé aux échelons et français et européen. Si vous en êtes d’accord, je vous associerai à ces travaux avec l’ensemble de la filière.

Je vous propose donc de retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Hingray, l’amendement n° 65 est-il maintenu ?

M. Jean Hingray. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.

M. Jacques Fernique. M. Hingray maintient son amendement, dont l’intention est louable et intéressante. L’idée d’une feuille de route partagée me convient.

L’amendement tend néanmoins à réécrire totalement l’article 2, lequel serait alors vidé de sa substance, alors qu’il renforce les critères d’écomodulation dans la filière REP des producteurs de textiles. Il est dès lors impossible de remplacer l’article 2 par cet amendement…

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 65.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 294 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l’adoption 1
Contre 340

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 34 rectifié ter, présenté par Mme Housseau, M. Henno, Mme Billon, M. Canévet, Mme Romagny, M. Kern, Mme Jacquemet, M. L. Hervé, Mme Saint-Pé et MM. Levi, Folliot, Daubet et Duffourg, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Après la troisième phrase du premier alinéa de l’article L. 541-9-1, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Les consommateurs sont aussi informés des indicateurs qui déterminent la durabilité établissant le procédé du présent article. » ;

La parole est à Mme Marie-Lise Housseau.

Mme Marie-Lise Housseau. Le présent amendement vise à améliorer la transparence en rendant publics les paramètres servant à définir le coefficient de durabilité qui conditionne la méthodologie de l’affichage environnemental.

Dans le secteur textile, l’affichage environnemental est déterminé par plusieurs paramètres, dont la durabilité du vêtement. Il est calculé à partir de trois critères : la largeur de la gamme, c’est-à-dire le nombre de références commercialisées ; l’incitation à la réparation, qui prend en compte le rapport entre le coût moyen de réparation et le prix de vente ainsi que la mise à disposition de services de réparation ou de garantie ; l’affichage de la traçabilité des étapes de fabrication, soit, a minima, la confection, l’ennoblissement et le tissage-tricotage.

Bien que déterminants pour éclairer le potentiel acte d’achat du consommateur, ces critères ne sont pas publics. Il convient donc de rendre ces informations accessibles afin que celui-ci connaisse les caractéristiques de durabilité du produit textile.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Vous présentez les critères du coefficient de durabilité comme étant non publics. Le projet d’arrêté relatif à la signalétique et à la méthodologie de calcul du coût environnemental des produits textiles détaille pourtant le mode de calcul de ce coefficient : l’article 6 indique la formule de calcul, les trois critères pris en compte, ainsi que leur pondération.

Votre demande étant déjà satisfaite, l’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 34 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de neuf amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 38 rectifié, présenté par Mme Bonnefoy, M. Gillé, Mme Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Omar Oili, Ouizille, Uzenat, M. Weber et Kanner, Mmes Espagnac et Linkenheld, M. Michau, Mmes Monier, Canalès et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Supprimer les mots :

et après le mot : « durabilité », sont insérés les mots : « , y compris, résultant des pratiques industrielles et commerciales, »

II. – Alinéa 14, première phrase

Remplacer les mots :

de leur durabilité liée à l’impact des pratiques industrielles et commerciales des producteurs

par les mots :

des résultats obtenus en application de la méthodologie de l’affichage environnemental déterminée conformément à l’article L. 541-9-12

La parole est à M. Sébastien Fagnen.

M. Sébastien Fagnen. Cet amendement vise à réintroduire la prise en compte de l’affichage environnemental pour l’application de l’écomodulation : celui-ci a été remplacé, lors de la discussion du texte en commission, par « les pratiques industrielles et commerciales », dont le périmètre est pour le moins flou.

L’affichage environnemental, qui embrasse tout le cycle de vie du produit, est appliqué depuis plusieurs années, ce qui nous permet d’avoir du recul. Certes, ce critère peut porter atteinte à l’économie de la filière textile, mais cette dernière risque de compromettre durablement l’environnement. Même si nous entendons les réserves qui ont pu être émises lors des auditions menées par la rapporteure, il nous semble important d’aller au bout de la logique en utilisant un outil d’ores et déjà inscrit dans la loi pour engager un véritable changement de pratique.

Telle doit être l’ambition première de ce texte : faire en sorte que la mode jetable recule de plus en plus, en incitant non seulement les grands groupes étrangers à modifier leurs pratiques commerciales, mais également les acteurs français à s’engager dans cette voie.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 19 rectifié bis est présenté par Mme Jouve, M. Masset, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin et MM. Guiol et Laouedj.

L’amendement n° 24 est présenté par Mmes Phinera-Horth et Havet, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, MM. Fouassin, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Patient et Rambaud, Mme Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Théophile.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 14, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Les contributions financières mentionnées à l’article L. 541-10-3 sont modulées, pour les produits soumis au principe de responsabilité élargie du producteur en application du 11° de l’article L. 541-10-1, en fonction de leur participation à la pratique commerciale définie à l’article L. 541-9-1-1.

La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Cet amendement tend à revenir à la rédaction initiale de la proposition de loi afin de bien cibler l’écomodulation sur les entreprises de la mode éphémère, définie à l’article 1er, en cohérence avec l’objectif de la proposition de loi.

La rédaction actuelle de l’article 2 vise en effet les produits qui sont soumis au principe de responsabilité élargie du producteur et pas seulement ceux qui relèvent de la fast fashion. Dès lors, cette disposition pourrait avoir de lourdes conséquences sur les enseignes françaises ne relevant pas de la mode éphémère.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth, pour présenter l’amendement n° 24.

Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Cet amendement vise à revenir à l’esprit initial de la proposition de loi en ciblant les entreprises concernées par l’écomodulation.

La rédaction actuelle fait référence aux pratiques industrielles et commerciales, une notion floue et sujette à interprétation, qui risque d’englober des entreprises ne relevant pas réellement de la fast fashion et de créer une source d’insécurité inutile.

L’amendement tend donc à aligner le champ de l’écomodulation sur la définition de la mode éphémère déjà établie à l’article 1er. Seraient ainsi visées les seules entreprises qui renouvellent très fréquemment leurs collections et incitent à une consommation excessive, rapide et peu durable.

M. le président. L’amendement n° 80, présenté par Mme Varaillas, MM. Basquin, Corbisez et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 14, première phrase

Remplacer les mots :

notamment de leur durabilité liée à l’impact des pratiques industrielles et commerciales des producteurs

par les mots :

des résultats obtenus en application de la méthodologie de l’affichage environnemental déterminée conformément à l’article L. 541-9-12

La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. L’article 2 de la proposition de loi prévoit des pénalités, des malus, pour les entreprises de la fast fashion. L’objectif est d’inciter à améliorer la qualité des vêtements vendus, afin d’assurer une meilleure durabilité et d’apporter un soutien clair aux usines de production qui font cet effort de qualité. Si nous jetons moins de vêtements, nous en importerons moins et nous limiterons ainsi la pollution qui en résulte.

La méthodologie proposée, qui existe déjà dans la loi, pour l’application de ces malus, tient compte des pratiques industrielles et commerciales des producteurs, en complément d’une analyse du cycle de vie des produits, de leur fabrication à leur réemploi et à leur mise au rebut. Elle permet une modulation fine des pénalités, et notamment une indexation des pénalités en cohérence avec le cadre européen. Il s’agit d’un dispositif récent, issu de la loi Climat et Résilience du 22 août 2021, qui a été défini par décret.

Par cet amendement, nous souhaitons accélérer la mise en œuvre de la proposition de loi, une fois qu’elle sera votée, en nous appuyant sur l’existant et sur cette méthodologie qui a fait ses preuves : celle-ci a déjà été intégrée par certaines entreprises du secteur de la mode et elle est souhaitée par les associations spécialisées dans les questions environnementales et le réemploi.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 4 rectifié bis est présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Rochette et Malhuret, Mme Lermytte, M. Wattebled, Mme L. Darcos, MM. Laménie, Brault, Grand et Chasseing, Mme Bourcier, MM. A. Marc et Chevalier, Mme Perrot et M. L. Hervé.

L’amendement n° 73 rectifié ter est présenté par M. Menonville, Mme Devésa, MM. Bonneau et Parigi, Mmes Billon et Antoine, M. Kern, Mme Saint-Pé et M. Duffourg.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 14, première phrase

Remplacer les mots :

notamment de

par les mots :

des résultats obtenus en application de la méthodologie de l’affichage environnemental déterminée conformément à l’article L. 541-9-12, incluant notamment

La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Le présent amendement vise à préciser la notion de durabilité des pratiques industrielles et commerciales : celle-ci s’inscrit dans une évaluation réalisée sur la base de la méthodologie élaborée dans le cadre de l’affichage environnemental.

L’ajout d’une méthodologie d’évaluation permet de renforcer la disposition et de garantir son applicabilité immédiate.

La méthodologie élaborée dans le cadre de l’affichage environnemental est pertinente et cohérente avec la notion de durabilité des pratiques industrielles et commerciales, car elle inclut à la fois des critères d’écoconception élargis et des critères de durabilité des pratiques commerciales et de réparabilité.

M. le président. L’amendement n° 73 rectifié ter n’est pas soutenu.

L’amendement n° 12 rectifié bis, présenté par MM. Lefèvre, Bacci et Saury, Mmes Belrhiti et Josende, M. Milon, Mme Micouleau, MM. Henno, Cambon et Belin, Mmes Lavarde et Imbert, M. Naturel, Mmes Billon, Vermeillet et Lassarade, MM. D. Laurent et Houpert, Mme Dumont, MM. Rapin, Bouchet, Genet et Brisson, Mme Romagny, M. Sido, Mmes Ventalon et Dumas, M. L. Hervé et Mmes Guidez et P. Martin, est ainsi libellé :

Alinéa 14, première phrase

Remplacer les mots :

notamment de

par les mots :

des résultats obtenus en application de la méthodologie de l’affichage environnemental prévue à l’article L. 541-9-12, incluant notamment

La parole est à Mme Pauline Martin.

Mme Pauline Martin. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 31 rectifié ter, présenté par Mme Housseau, M. Henno, Mme Billon, M. Canévet, Mme Romagny, M. Kern, Mmes Jacquemet, Guidez et Saint-Pé et MM. Levi, Folliot, Daubet et Duffourg, est ainsi libellé :

Alinéa 14, première phrase

Remplacer les mots :

notamment de

par les mots :

du niveau de durabilité évalué par les résultats obtenus en application de la méthodologie déterminée à l’article L. 541-9-12, incluant

La parole est à Mme Marie-Lise Housseau.

Mme Marie-Lise Housseau. L’article 2 impose une contribution financière aux produits calculée « en fonction de leur durabilité liée à l’impact des pratiques industrielles et commerciales des producteurs ».

Cet amendement vise à préciser cette formulation en indiquant qu’elle s’inscrit dans le cadre du calcul du coefficient de durabilité, lequel conditionne fortement le résultat final obtenu dans l’affichage environnemental, conformément à la méthodologie précisée par décret.

Cette précision est pertinente et cohérente, car elle inclut un critère de durabilité obtenu à partir de la largeur de la gamme, de l’incitation à la réparation et de l’affichage de la traçabilité des étapes de fabrication, sans pour autant prendre en compte les autres critères déterminant l’affichage environnemental. En effet, l’intégration de ces derniers pourrait porter préjudice à des modèles économiques vertueux et écologiques utilisant des matériaux responsables, comme la laine ou la soie.

L’ajout d’une telle méthodologie d’évaluation permet de renforcer le dispositif et de garantir son applicabilité immédiate.

M. le président. Le sous-amendement n° 116, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Amendement n° 31 rectifié ter

I. - Alinéa 2

Remplacer les mots :

les mots

par les mots :

la dernière occurrence du mot

II. - Alinéa 3

Supprimer le mot :

notamment

III. - Alinéa 5

Remplacer le mot :

niveau

par le mot :

coefficient

et le mot :

incluant

par les mots :

en ce qu’il prend en compte

La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Ce sous-amendement vise à préciser l’amendement n° 31 rectifié ter et à le modifier sur des points spécifiques.

Dans cet amendement, il est prévu que la pénalité relative à la fast fashion et à l’ultrafast fashion soit fondée sur le coefficient de durabilité de l’affichage environnemental. Cependant, la rédaction fait référence au « niveau » de durabilité. Il y a donc lieu de modifier ce terme.

Par ailleurs, l’amendement n° 31 rectifié ter tend à supprimer le fait que cette pénalité constitue une possibilité de modulation ; or il existe de nombreuses autres possibilités de primes ou de pénalités, y compris sur la fast fashion et l’ultrafast fashion. Je propose donc de modifier l’amendement sur ce point.

Enfin, mon sous-amendement vise à établir un lien direct entre la pénalité, qui sera fondée sur le coefficient de durabilité, et les pratiques industrielles et commerciales, conformément à la directive-cadre relative aux déchets.

Nous souhaitons donner un socle solide à l’amendement n° 31 rectifié ter, que je soutiendrai si mon sous-amendement est adopté.

M. le président. L’amendement n° 52, présenté par MM. Fernique, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 14, première phrase

Remplacer les mots :

de leur durabilité liée à l’impact des pratiques industrielles et commerciales des producteurs

par les mots :

des résultats obtenus en application de la méthodologie de l’affichage environnemental déterminée conformément à l’article L. 541-9-12

La parole est à M. Jacques Fernique.

M. Jacques Fernique. Si toute une série d’amendements sont en discussion commune, c’est parce que nous tenons là notre principale occasion d’améliorer le texte issu des travaux de la commission : il s’agit d’intégrer les critères de l’affichage environnemental textile comme ligne directrice du décret à venir. Près d’une dizaine d’amendements convergents ont pour objet d’améliorer l’article 2 en ce sens, une amélioration qui est tout à fait à notre portée.

Revenons à l’essentiel : la proposition de loi vise, pour reprendre son intitulé, « à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile ». Pour que les écocontributions permettent d’aller dans ce sens, il est logique de les adosser à un indicateur environnemental robuste. C’est précisément ce que permet l’affichage environnemental textile : mesurer l’impact réel d’un produit textile. Il s’agit donc d’un amendement de cohérence avec l’objectif même du texte.

L’indexation sur l’affichage environnemental figurait dans le texte issu de l’Assemblée nationale. Cette mesure, votée à l’unanimité, était le fruit d’un consensus transpartisan et réfléchi. Notre commission l’a supprimée, en raison notamment de l’incertitude réglementaire, dans l’attente de l’avis de la Commission européenne.

C’est l’argument, tout à fait entendable, qui a été avancé lors de l’examen du texte par la commission, en mars dernier. Depuis, et je l’ai dit lors de la discussion générale, la Commission européenne a, le 15 mai, validé le cadre réglementaire relatif à cet affichage. L’argument d’une méthodologie non aboutie n’est donc plus valable.

L’amendement ne tend pas à rendre obligatoire l’affichage environnemental ni à l’imposer aux metteurs sur le marché. Nous demandons simplement qu’une même méthode, la plus robuste et consensuelle à ce jour, serve de base au calcul des écomodulations.

Encore une fois, nous ne forçons personne à afficher son Éco-score ; nous voulons simplement que les lignes directrices des bonus comme des malus reposent sur une méthode solide.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. En ce qui concerne l’amendement n° 38 rectifié, j’ai constaté lors de mes travaux préparatoires que le dispositif de l’affichage environnemental est loin de faire l’unanimité dans le secteur du textile. Cet outil agrège de nombreux indicateurs, et son système de pondération peut parfois conduire à des résultats surprenants.

Je n’ai rien contre l’affichage environnemental en lui-même. Toutefois, avant d’y adosser d’éventuelles conséquences financières, il serait préférable d’avoir plus de recul sur ce dispositif qui reste à ce stade facultatif.

Dans le secteur de l’alimentation, nous avons tous constaté les limites du Nutri-score, qui a notamment affecté le comté. Avant d’adosser des pénalités financières à l’affichage environnemental, il est nécessaire d’avoir plus de recul sur ce dispositif et de tranquilliser les acteurs européens de l’industrie textile, loin d’être rassurés.

En outre, l’affichage environnemental est plus large que la notion de « durabilité […] des pratiques industrielles et commerciales ». Il regroupe la durabilité intrinsèque du produit, c’est-à-dire celle qui est liée à son mode de conception, et sa durabilité extrinsèque, c’est-à-dire celle qui est liée à la pratique commerciale de la mode express. Utiliser l’affichage environnemental comme critère, c’est choisir de pénaliser des entreprises au-delà de ce seul dernier secteur.

Je précise donc de nouveau l’intention de la commission : en retenant la durabilité des pratiques industrielles et commerciales comme critère d’écomodulation, nous faisons référence aux critères qui définissent le secteur visé à l’article 1er, à savoir la largeur de gamme et l’incitation à réparer, absolument pas à l’affichage environnemental.

Je partage pleinement la volonté des auteurs des amendements identiques nos 19 rectifié bis et 24. Nous avons le même objectif, à savoir nous assurer que le relèvement du plafond de modulation des écocontributions ne concerne que la mode éphémère.

Il est toutefois également nécessaire, pour des raisons de sécurité juridique, de décorréler la définition de la mode express à l’article 1er des critères de modulation de l’écocontribution précisés à l’article 2. Cela garantit l’application des pénalités prévues par ce dernier, même en cas de contestation juridique de la définition du secteur.

De plus, l’expression « durabilité liée à l’impact des pratiques industrielles et commerciales des producteurs » est inscrite dans le projet de révision de la directive-cadre Déchets. Cette rédaction garantit donc la compatibilité de l’article 2 avec le droit européen.

Mes chers collègues, je souhaite vous rassurer : aucune entreprise française ne sera concernée par cette définition. Nous connaissons tous les types de pratique visés. Depuis le début de l’examen de ce texte, ma ligne est constante : je ne souhaite pas faire payer un euro aux entreprises qui disposent d’enseignes en France et qui contribuent ainsi à la vitalité économique de nos territoires.

Pour ces raisons, mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir retirer vos amendements identiques ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Comme l’amendement n° 38 rectifié, les amendements nos 80, 4 rectifié bis, 12 rectifié bis, 31 rectifié ter et 52 ainsi que le sous-amendement n° 116 ont pour objet d’adosser les pénalités financières aux résultats de l’affichage environnemental.

La commission émet donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Peut-être y a-t-il une petite confusion : le décret d’application prévu concerne uniquement l’article 1er, non l’article 2. Il aura pour but de préciser la définition de l’ultrafast fashion, en fixant des seuils de largeur de gamme et le contenu du message de sensibilisation à la réparabilité des produits. L’article 1er sert en outre de référence aux articles 3 et 3 bis, relatifs à la question de la publicité.

L’article 2 établit quant à lui une écomodulation pour l’ultrafast fashion et la fast fashion. Cet article correspond à la position politique constamment défendue par le Gouvernement. Nous avons ainsi considéré que cette proposition de loi était suffisamment importante pour l’inscrire dans le temps réservé au Gouvernement, alors qu’elle aurait pu être examinée au cours d’une niche parlementaire.

Le sous-amendement n° 116 vise à étayer la modulation de l’écocontribution sur le coefficient de durabilité, mais ce n’est pas le seul critère que nous proposons de retenir. Nous figurons à l’avant-garde de l’expérimentation permise par l’Union européenne, parce que nous définissons l’Éco-score non seulement à partir de la durabilité des vêtements, mais en retenant aussi d’autres critères encore en débat à l’échelon européen. Dans ce cadre, nous proposons d’ouvrir les critères et d’inclure des éléments supplémentaires pour définir le secteur de manière plus robuste, tout en nous adaptant à la future définition de la durabilité.

Par exemple, la fréquence du renouvellement des collections n’est pas retenue dans le calcul de l’Éco-score. Or il serait légitime de penser que cet élément soit pris en compte dans l’écomodulation qui, je le rappelle, est définie dans le cahier des charges des éco-organismes de la filière responsabilité élargie des producteurs, et non pas dans un décret.

L’amendement n° 31 rectifié ter, modifié par le sous-amendement du Gouvernement, vise à faire des éco-organismes des vigies pour fixer l’écomodulation sur des critères ne faisant pas obligatoirement référence à l’Éco-score, afin que les pratiques non vertueuses d’un point de vue environnemental se voient appliquer un malus et, à l’inverse, que les producteurs qui s’engagent dans des démarches vertueuses d’un point de vue environnemental soient valorisés. Tel est le cœur de ce sous-amendement, qui me semble très important au sein de cette discussion commune.

Le Gouvernement demande donc le retrait des amendements nos 38 rectifié, 19 rectifié bis, 24, 80, 4 rectifié bis, 12 rectifié bis et 52, en faveur de l’amendement n° 31 rectifié ter. Il émet sur ce dernier un avis favorable, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 116.

M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour explication de vote.

Mme Antoinette Guhl. Madame la rapporteure, les entreprises ayant des pratiques non conformes du point de vue environnemental doivent s’acquitter d’écomodulations différentes, même si elles sont européennes. Il serait anormal, injuste et peut-être même irrégulier que le critère géographique guide nos débats. Il est possible que certaines entreprises se voient attribuer des écocontributions plus fortes, mais cela doit être à raison de leurs pratiques de fabrication bien plus que de leur localisation.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 38 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 19 rectifié bis et 24.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 80.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 116.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 31 rectifié ter, modifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 52 n’a plus d’objet.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Monsieur le président, je demande une suspension de séance de quelques instants, le temps de réunir tous les éléments nécessaires à l’examen des prochains amendements.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures douze, est reprise à vingt-deux heures quatorze.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi de dix amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 123, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

II. – Alinéa 16

1° Après le mot :

est

insérer les mots :

au minimum

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les montants par catégorie de produits sont précisés par le cahier des charges mentionné à l’article L. 541-10 et, par dérogation au troisième alinéa de l’article L. 541-10-3, le taux de 20 % du prix de vente hors taxe du produit auquel l’éco-organisme est tenu de limiter le montant de cette pénalité est porté à 50 %.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. L’amendement n° 123 vise à conforter le montant des pénalités imposées par la proposition de loi. Comme vous le savez, le Gouvernement souhaite qu’un malus soit appliqué et que son montant soit fixé dans la loi.

En revanche, nous souhaitons que cette pénalité constitue un plancher qui puisse par la suite être augmenté. La mise en œuvre du cahier des charges des éco-organismes de la filière REP doit en effet être plus flexible pour lutter contre les pratiques de plateformes qui chercheraient à échapper à leur responsabilité, d’une manière ou d’une autre.

Par cet amendement, nous vous proposons de préciser que le montant fixé dans la loi soit un minimum et de renvoyer au cahier des charges des éco-organismes de la filière REP la capacité de fixer les montants adaptés aux différentes catégories de produits. Il semble évident qu’une même pénalité ne peut pas être appliquée pour un manteau ou des pièces moins importantes, comme du linge de corps.

Les législateurs ont été nombreux à s’inquiéter de la présence effective de cette précision dans la loi et d’un éventuel renvoi au domaine réglementaire. J’ai été élue députée et je comprends cette demande des parlementaires, qui veulent s’assurer de l’existence d’un levier afin que les producteurs, quelle que soit leur nationalité, soient pénalisés en fonction de l’empreinte environnementale, de la durabilité de leurs produits, des manipulations ou, au contraire, de l’accompagnement positif du consommateur.

Ceux qui s’engagent en faveur de la durabilité doivent bénéficier d’un bonus, et ceux dont les pratiques ne sont pas durables doivent au contraire payer une contribution aux éco-organismes de la filière REP.

M. le président. Les amendements nos 21 rectifié bis et 26 sont identiques.

L’amendement n° 21 rectifié bis est présenté par Mme Jouve, M. Masset, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin et MM. Guiol et Laouedj.

L’amendement n° 26 est présenté par Mmes Phinera-Horth et Havet, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, MM. Fouassin, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Patient et Rambaud, Mme Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

mentionnés au 11° de l’article L. 541-10-1

par les mots :

relevant de la pratique commerciale mentionnée au I de l’article L. 541-9-1-1

La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié bis.

M. Michel Masset. En l’état actuel du texte, l’augmentation du plafond des pénalités de 20 % à 50 % du prix de vente hors taxe du produit concerne l’ensemble des entreprises de la filière à responsabilité élargie du producteur pour les textiles d’habillement, linges de maison et chaussures, dite filière REP-TLC, et non uniquement les entreprises dont les pratiques commerciales et industrielles relèvent de la mode éphémère.

De très nombreuses entreprises pourraient être affectées par cette disposition, bien au-delà du secteur de la fast fashion initialement ciblé par la présente proposition de loi. Nous proposons donc, par cet amendement, de cibler la hausse des pénalités sur les seuls produits de la mode éphémère, telle que définie à l’article 1er de la proposition de loi.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth, pour présenter l’amendement n° 26.

Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Cet amendement vise à ce que la hausse du plafond des pénalités soit mieux ciblée sur les produits de la mode éphémère, définie à l’article 1er.

La rédaction retenue, trop large, risque d’entraîner l’application indifférenciée de la pénalité à l’ensemble de la filière textile, y compris aux entreprises responsables qui, par leurs rythmes de production et leurs modèles économiques, ne relèvent pas de la fast fashion.

L’objectif de la proposition de loi est clair : il s’agit de lutter contre la fast fashion et non contre les PME françaises ou les acteurs s’inscrivant dans une logique de durabilité. Il est donc essentiel d’éviter les effets de bord pouvant pénaliser des structures extérieures au problème que nous voulons traiter.

M. le président. Les amendements nos 6 rectifié bis et 14 rectifié bis sont identiques.

L’amendement n° 6 rectifié bis est présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Rochette et Malhuret, Mme Lermytte, M. Wattebled, Mme L. Darcos, MM. Laménie, Brault, Grand et Chevalier, Mme Bourcier, MM. A. Marc et Chasseing et Mme Perrot.

L’amendement n° 14 rectifié bis est présenté par MM. Lefèvre, Bacci et Saury, Mmes Belrhiti et Josende, M. Milon, Mme Micouleau, MM. Henno, Cambon et Belin, Mmes Lavarde et Imbert, M. Naturel, Mmes Billon, Vermeillet et Lassarade, MM. D. Laurent et Houpert, Mme Dumont, MM. Rapin, Bouchet, Genet et Brisson, Mme Romagny, M. Sido, Mmes Ventalon et Dumas, M. L. Hervé et Mmes Guidez et P. Martin.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Après l’alinéa 15

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« … – Les pénalités applicables aux produits soumis au principe de responsabilité élargie du producteur en application du 11° de l’article L. 541-10-1 et déterminées en fonction du critère défini au II du présent article s’appliquent selon un barème linéaire aux produits ayant un impact environnemental rapporté au poids compris dans le quintile supérieur de leur catégorie, selon la méthodologie de l’affichage environnemental déterminée conformément à l’article L. 541-9-12.

II. – Alinéa 16

Après le mot :

montant

insérer le mot :

maximal

La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour présenter l’amendement n° 6 rectifié bis.

Mme Vanina Paoli-Gagin. L’amendement vise à mettre en cohérence le calcul des primes avec celui des pénalités, en retenant les mêmes critères d’évaluation.

La méthodologie de l’affichage environnemental valorise en effet les efforts réalisés par les metteurs sur le marché en matière d’écoconception, de durabilité, de réparabilité et de contribution à la réindustrialisation au travers d’une fabrication européenne ou française.

M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, pour présenter l’amendement n° 14 rectifié bis.

M. Fabien Genet. L’amendement a été excellemment défendu par Mme Vanina Paoli-Gagin, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 112 rectifié quater, présenté par MM. Rochette, Malhuret et A. Marc, Mme Paoli-Gagin, M. Capus, Mme Bourcier, MM. Chevalier, Brault, Chasseing et Wattebled, Mme Lermytte, MM. Henno et de Nicolaÿ et Mme Havet, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

« III. – Le montant des pénalités applicables aux produits soumis au principe de responsabilité élargie du producteur en application du 11° de l’article L. 541-10-1 et déterminées en fonction du critère défini au II du présent article est de 8 euros par produit en 2025, 9 euros par produit en 2026, 10 euros par produit en 2027, 11 euros par produit en 2028, 12 euros par produit en 2029 et 13 euros par produit en 2030.

La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Cet amendement de Pierre Jean Rochette vise à augmenter de 3 euros par produit le montant des pénalités applicables aux produits de la mode éphémère d’ici à 2030.

M. le président. L’amendement n° 111 rectifié quater, présenté par MM. Rochette et Malhuret, Mme Paoli-Gagin, MM. A. Marc et Capus, Mme Bourcier, MM. Chevalier, Brault, Chasseing et Wattebled, Mme Lermytte, MM. Henno et de Nicolaÿ et Mme Havet, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

« III. – Le montant des pénalités applicables aux produits soumis au principe de responsabilité élargie du producteur en application du 11° de l’article L. 541-10-1 et déterminées en fonction du critère défini au II du présent article est de 7 euros par produit en 2025, 8 euros par produit en 2026, 9 euros par produit en 2027, 10 euros par produit en 2028, 11 euros par produit en 2029 et 12 euros par produit en 2030.

La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Cet amendement vise à augmenter de 2 euros par produit le montant des pénalités applicables aux produits de la mode éphémère.

M. le président. L’amendement n° 110 rectifié quater, présenté par MM. Rochette et Malhuret, Mme Paoli-Gagin, MM. A. Marc et Capus, Mme Bourcier, MM. Chevalier, Brault, Chasseing et Wattebled, Mme Lermytte, MM. Henno et de Nicolaÿ et Mme Havet, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

« III. – Le montant des pénalités applicables aux produits soumis au principe de responsabilité élargie du producteur en application du 11° de l’article L. 541-10-1 et déterminées en fonction du critère défini au II du présent article est de 6 euros par produit en 2025, 7 euros par produit en 2026, 8 euros par produit en 2027, 9 euros par produit en 2028, 10 euros par produit en 2029 et 11 euros par produit en 2030.

La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Il s’agit du même dispositif que les deux amendements précédents, mais nous proposons cette fois d’augmenter la pénalité de 1 euro d’ici à 2030.

M. le président. L’amendement n° 20 rectifié bis, présenté par Mme Jouve, M. Masset, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin et MM. Guiol et Laouedj, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Remplacer les mots :

est de 5 euros par produit en 2025, 6 euros par produit en 2026, 7 euros par produit en 2027, 8 euros par produit en 2028, 9 euros par produit en 2029 et 10 euros par produit en 2030

par les mots :

est fixé dans les conditions prévues à l’article L. 541-10-3

La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. L’amendement vise à fixer le montant de la pénalité financière conformément à la procédure actuellement prévue pour l’ensemble des écomodulations dans tous les secteurs.

Les pénalités sont fixées par l’article 2 à des montants par produit allant de 5 euros en 2025 jusqu’à 10 euros en 2030. Pour rappel, la procédure prévoit que les éco-organismes évaluent les performances en faisant appel aux meilleures techniques disponibles et à celles qui présentent le meilleur rapport coût-efficacité. Ils élaborent ensuite des propositions de primes et de pénalités, puis transmettent leurs conclusions au ministre chargé de l’environnement, pour accord. Ce dernier est réputé acquis en l’absence d’opposition dans un délai de deux mois. En cas de désaccord, l’écomodulation peut être fixée par arrêté du ministre chargé de l’environnement.

M. le président. L’amendement n° 25, présenté par Mmes Phinera-Horth et Havet, MM. Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, MM. Fouassin, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Patient et Rambaud, Mme Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Après le mot :

est

insérer les mots :

au maximum

La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth.

Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Cet amendement vise à préciser que le montant de la pénalité financière prévue par la loi constitue un plafond et non un montant fixe.

Cette précision permet d’introduire une forme de proportionnalité dans le dispositif. Il s’agit de ne pas appliquer une même pénalité à l’ensemble des produits textiles, quels que soient leur nature ou leur prix : une paire de chaussettes et un manteau ne peuvent raisonnablement se voir appliquer une même pénalité alors que leurs prix de vente varient largement.

Une telle modulation permettrait de mieux cibler les pratiques réellement problématiques, sans pénaliser l’ensemble des acteurs de la filière.

Enfin, en cas de désaccord, l’écomodulation pourra toujours être fixée par arrêté du ministre chargé de l’environnement après avis de la commission inter-filières.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. La commission n’a pu examiner l’amendement n° 123, qui a été déposé trop tardivement. Toutefois, il me semble que cette proposition atteint un point d’équilibre : le montant plancher garantit le caractère dissuasif des pénalités et pourra en outre être relevé si cela est nécessaire.

J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.

Pour lutter contre la mode express, nous devons frapper vite et fort. Cette proposition de loi prévoit ainsi des sanctions particulièrement dissuasives.

Le Gouvernement avait déposé un amendement n° 97, qui a été retiré. Laisser aux éco-organismes le soin de prévoir le montant des pénalités risquait de conduire à des pénalités inférieures à celles que nous proposons, d’autant plus que le conseil d’administration des éco-organismes est composé de producteurs de textiles.

Les montants fixés à l’article 2 apparaissent fortement dissuasifs. S’ils devaient ne pas se révéler suffisants, nous pourrions les relever ultérieurement.

Je comprends le sens des amendements identiques nos 21 rectifié bis et 26, mais ceux-ci sont satisfaits par l’amendement n° 123.

Pour ce qui concerne les amendements identiques nos 6 rectifié bis et 14 rectifié bis, je suis particulièrement réticente devant l’idée d’adosser à ce stade d’éventuelles conséquences financières à l’affichage environnemental, car ce dispositif facultatif doit encore faire ses preuves.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements.

Je partage la volonté des auteurs de l’amendement n° 112 rectifié quater de mettre en place des pénalités fortes. Toutefois, le dispositif actuel me paraît suffisamment dissuasif, le montant des pénalités s’élevant déjà à 10 euros par produit en 2030.

Dans un premier temps, il ne me paraît pas pertinent de rehausser ces sommes de 3 euros, dans la limite de 50 % du prix du produit. En outre, ces montants pourront être réévalués ultérieurement si nous constatons que ces sanctions ne sont pas assez dissuasives.

Les amendements nos 111 rectifié quater et 110 rectifié quater tendent vers un objectif similaire, avec des montants légèrement plus faibles.

La commission demande le retrait de ces trois amendements ; à défaut, elle y sera défavorable.

L’amendement n° 20 rectifié bis vise le même objectif que l’amendement n° 97. La commission émet donc également un avis défavorable à son endroit.

L’amendement n° 25 vise à établir une sanction proportionnelle au prix de vente du produit et au coût de son traitement par les centres de déchets. Toutefois, face à la mode express, il faut frapper vite.

Le texte, dans sa version initiale comme dans celle qui est issue des travaux de la commission, vise à sanctionner sévèrement les plateformes. En appliquant des sanctions fortes, même pour une paire de chaussettes, la France se montrera réellement dissuasive. Je précise que le montant des pénalités, qui atteindra 10 euros en 2030, sera limité à 50 % du prix du produit.

La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 25.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de tous les amendements de cette discussion commune au profit de l’amendement n° 123 du Gouvernement. Celui-ci vise à répondre aux attentes de chacun, en sécurisant la trajectoire de la pénalité pour les producteurs dont l’action n’est pas durable et en imposant des pénalités plus importantes, leur plafond étant rehaussé de 20 % à 50 % du prix des produits.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 123.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 21 rectifié bis, 26, 6 rectifié bis, 14 rectifié bis, 112 rectifié quater, 111 rectifié quater, 110 rectifié quater, 20 rectifié bis et 25 n’ont plus d’objet.

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 58 rectifié, présenté par M. Canévet, Mme Perrot, M. Kern, Mmes Billon et Havet, M. Duffourg, Mme Devésa et M. L. Hervé, est ainsi libellé :

Alinéa 9, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

ou confie le respect de ces obligations aux interfaces électroniques mentionnées à l’article L. 541-10-9, selon les modalités prévues par ce même article

La parole est à M. Loïc Hervé.

M. Loïc Hervé. Il est défendu, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 75 rectifié ter, présenté par MM. Chevrollier et Bouchet, Mme Belrhiti, MM. P. Vidal, Bacci, Panunzi, de Nicolaÿ, Pointereau et Sido, Mmes Lassarade, Joseph et Dumas, MM. Piednoir, Le Gleut et Ruelle et Mme P. Martin, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Les personnes non établies en France qui commercialisent leurs produits via une personne physique ou morale mentionnée au premier alinéa du I du présent article sont réputées avoir satisfait à l’obligation de désignation d’un mandataire prévue au présent article, sous réserve que ladite personne assure, au nom et pour le compte du producteur, les formalités relatives aux obligations découlant du régime de responsabilité élargie des producteurs.

« La personne physique ou morale mentionnée au premier alinéa du I du présent article, lorsqu’elle agit à ce titre, met à disposition de l’éco-organisme le registre prévu à l’article L. 541-10-9, et transmet les informations nécessaires au suivi et au contrôle des flux concernés. Elle est responsable, à raison de sa mission, du respect des obligations qui lui incombent dans ce cadre. En cas de manquement caractérisé ou de fraude constatée, et sur demande de l’autorité administrative ou de l’éco-organisme, elle peut être tenue de collecter et de reverser les contributions dues, dans la limite de son périmètre d’intervention. » ;

La parole est à Mme Pauline Martin.

Mme Pauline Martin. Il est également défendu, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 98, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L’obligation de désignation d’un mandataire mentionnée au premier alinéa du présent II est réputée satisfaite pour les produits pour lesquels une personne physique ou morale mentionnée au I du présent article établie en France assure le respect des obligations relatives au régime de responsabilité élargie du producteur. » ;

La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement vise à ce que les dispositions relevant du principe de responsabilité élargie du producteur qui s’imposent aux places de marché s’appliquent également aux mandataires des vendeurs établis à l’étranger.

Il s’agit d’un amendement de coordination avec la loi Agec.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. La loi Agec a permis de lutter avec un grand succès contre la fraude aux écocontributions, en demandant aux places de marché d’assumer les obligations relatives à la REP à la place des producteurs lorsque ceux-ci ne les respectent pas.

En rendant obligatoire la désignation d’un mandataire financier, nous ne cherchons nullement à remettre en cause cet acquis. Les amendements nos 58 rectifié, 75 rectifié ter et 98 visent tous trois à clarifier l’articulation entre ladite obligation et la substitution de la place de marché au producteur.

Il me semble que la rédaction de l’amendement du Gouvernement est la plus claire ; en conséquence, la commission demande le retrait des amendements nos 58 rectifié et 75 rectifié ter, au profit de l’amendement n° 98.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Hervé, l’amendement n° 58 rectifié est-il maintenu ?

M. Loïc Hervé. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Madame Martin, l’amendement n° 75 rectifié ter est-il maintenu ?

Mme Pauline Martin. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 75 rectifié ter est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 58 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 98.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 46 rectifié bis, présenté par Mmes Havet, Phinera-Horth et Schillinger, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 14, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Les recettes issues des compléments de contribution récoltés sont principalement versées au financement du fonds de réparation mentionné à l’article L. 541-10-4 du code l’environnement.

II. – Alinéa 15

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth.

Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Le présent amendement vise à affecter les recettes tirées des pénalités infligées aux produits textiles relevant de la fast fashion au fonds de réparation qui finance notamment le bonus réparation applicable aux produits textiles.

Un tel fléchage permettrait d’augmenter significativement le montant des bonus applicables aux produits textiles et inciterait de fait les consommateurs à réparer davantage leurs vêtements.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 53 est présenté par MM. Fernique, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.

L’amendement n° 81 est présenté par Mme Varaillas, MM. Basquin, Corbisez et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 14, seconde phrase

Remplacer les mots :

qui remplissent des critères d’écoconception pour une meilleure performance environnementale

par les mots :

obtenant un impact environnemental inférieur à 200 points rapportés aux 100 grammes de vêtements, en application de la méthodologie de l’affichage environnemental déterminée conformément à l’article L. 541-9-12

La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l’amendement n° 53.

M. Jacques Fernique. Cet amendement concerne les primes liées aux écocontributions. Il tend à revenir à la rédaction de l’alinéa 14 adoptée par l’Assemblée nationale, puisqu’il vise à indexer celles-ci sur la performance des produits telle qu’elle résulte de la méthodologie de l’affichage environnemental.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour présenter l’amendement n° 81.

Mme Marie-Claude Varaillas. Notre précédent amendement a été l’occasion d’évoquer la question des malus à appliquer aux pratiques les moins respectueuses de l’environnement, mais tout l’intérêt du présent texte réside aussi dans l’instauration de bonus pour les entreprises les plus vertueuses.

Pour définir les critères d’écoconception, nous proposons de retenir la méthodologie issue de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et Résilience, et notamment de l’arrêté du 23 novembre 2022 portant cahiers des charges des éco-organismes et des systèmes individuels de la filière à responsabilité élargie du producteur des textiles, chaussures et linge de maison, lequel attribue des points aux producteurs en fonction de l’écoconception des vêtements.

Le dispositif de cet amendement permettra de rendre ce bonus plus opérationnel et, partant, plus rapidement efficace.

M. le président. L’amendement n° 32 rectifié ter, présenté par Mme Housseau, M. Henno, Mme Billon, M. Canévet, Mme Romagny, M. Kern, Mmes Jacquemet et Saint-Pé et MM. Levi, Folliot, Daubet et Duffourg, est ainsi libellé :

Alinéa 14, seconde phrase

Remplacer les mots :

remplissent des critères d’écoconception pour une meilleure performance environnementale

par les mots :

obtiennent les meilleurs résultats en application de la méthodologie de l’affichage environnemental déterminée conformément à l’article L. 541-9-12, évaluant le niveau de durabilité

La parole est à Mme Marie-Lise Housseau.

Mme Marie-Lise Housseau. Cet amendement vise à mettre en cohérence le dispositif des primes avec celui des pénalités en définissant le même critère d’évaluation.

Ce critère, qui reposerait sur le calcul du coefficient de durabilité, permettrait de valoriser les efforts réalisés par les metteurs en marché. En ne prenant pas en compte les autres éléments déterminants de l’affichage environnemental, il éviterait de porter préjudice à des modèles économiques vertueux et écologiques qui utilisent des matériaux responsables.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 5 rectifié bis est présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Rochette et Malhuret, Mme Lermytte, M. Wattebled, Mme L. Darcos, MM. Laménie, Brault, Grand et Chevalier, Mme Bourcier, MM. A. Marc et Chasseing, Mme Perrot et M. L. Hervé.

L’amendement n° 71 rectifié ter est présenté par M. Menonville, Mme Devésa, MM. Bonneau et Parigi, Mmes Billon et Antoine, M. Kern, Mme Saint-Pé et M. Duffourg.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 14, seconde phrase

Remplacer les mots :

remplissent des critères d’écoconception pour une meilleure performance environnementale

par les mots :

obtiennent les meilleurs résultats en application de la méthodologie de l’affichage environnemental déterminée conformément à l’article L. 541-9-12

La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié bis.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 71 rectifié ter n’est pas soutenu.

L’amendement n° 13 rectifié bis, présenté par MM. Lefèvre, Bacci et Saury, Mmes Belrhiti et Josende, M. Milon, Mme Micouleau, MM. Henno, Cambon et Belin, Mmes Lavarde et Imbert, M. Naturel, Mmes Billon, Vermeillet et Lassarade, MM. D. Laurent et Houpert, Mme Dumont, MM. Rapin, Bouchet, Genet et Brisson, Mme Romagny, M. Sido, Mmes Ventalon et Dumas, M. L. Hervé et Mmes Guidez et P. Martin, est ainsi libellé :

Alinéa 14, seconde phrase

Remplacer les mots :

qui remplissent des critères d’écoconception pour une meilleure performance environnementale.

par les mots :

qui obtiennent les meilleurs résultats en application de cette méthodologie

La parole est à M. Fabien Genet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. La philosophie de l’économie circulaire, réaffirmée par la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi Agec, est claire : il faut privilégier la réparation, qui permet de prévenir les déchets. Je souscris pleinement à cette orientation.

Toutefois, dans la filière textile, les financements affectés au fonds de réparation sont aujourd’hui sous-utilisés, ce qui n’est pas satisfaisant. Des travaux restent à mener pour identifier les freins à la mise en œuvre de ce bonus, lesquels semblent notamment résulter des complexités administratives auxquelles sont confrontés les artisans réparateurs. Augmenter les ressources de ce fonds ne me semble donc pas adapté.

Par ailleurs, une part considérable des déchets textiles aura toujours vocation à alimenter le recyclage, en dépit du développement nécessaire du réemploi. Le fléchage vers la réparation plutôt que vers le recyclage ne me paraît donc pas pertinent.

Pour ces raisons, la commission est défavorable à l’amendement n° 46 rectifié bis.

Pour ce qui concerne les amendements nos 53, 81, 32 rectifié ter, 5 rectifié bis et 13 rectifié bis, je suis, à ce stade, particulièrement réticente à l’idée de prévoir des conséquences financières sur le fondement de l’affichage environnemental. Avis également défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 46 rectifié bis.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 295 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 325
Pour l’adoption 6
Contre 319

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 53 et 81.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 32 rectifié ter.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 296 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 276
Pour l’adoption 46
Contre 230

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’amendement n° 5 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 86, présenté par Mme Guhl, MM. Fernique, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Gontard, Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« En complément des primes distribuées aux producteurs de produits qui remplissent des critères d’écoconception pour une meilleure performance environnementale selon le cahier des charges prévues par l’organisme, une prime peut également être attribuée pour les produits soumis au principe de responsabilité élargie du producteur en application du 11° de l’article L. 541-10-1, en fonction de critères sociaux basés sur leurs engagements à respecter les salaires vitaux tels que prévus dans la directive 2024/1760 du 13 juin 2024 sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et modifiant la directive (UE) 2019/1937 et le règlement (UE) 2023/2859. Cette prime est établie en fonction de la publication par les entreprises de leur stratégie échéance et budgétisée pour combler les écarts de salaires dans leurs chaînes d’approvisionnement entre le salaire réellement touché par les travailleurs et travailleuses et les salaires vitaux.

La parole est à Mme Antoinette Guhl.

Mme Antoinette Guhl. Cet amendement vise à introduire une modulation des primes des entreprises du textile en fonction de leur engagement à garantir un salaire vital aux travailleurs et travailleuses de leurs chaînes d’approvisionnement.

Comme vous le savez, le secteur textile est l’un des plus concernés par la violation des droits humains ; dans de nombreux pays, les salaires versés aux ouvriers et ouvrières de l’industrie textile sont deux à cinq fois inférieurs à un salaire vital. Des millions de femmes, souvent très jeunes, en paient le prix : je veux parler de ces 60 millions de travailleuses dans le monde qui occupent les postes les plus précaires, pour lesquelles l’amplitude horaire travaillée est parmi les plus longues et qui sont parmi les moins bien rémunérées.

Alors que le devoir de vigilance institué à l’échelon européen prévoit que les entreprises doivent garantir des revenus décents à leurs fournisseurs, 1 % seulement des grandes marques communiquent aujourd’hui sur les rémunérations réellement versées aux salariés de leurs chaînes de production.

Il est temps d’agir.

Aussi, cet amendement vise à inciter les entreprises à réduire l’écart entre le salaire versé et le salaire vital, en s’appuyant, pour définir ce dernier, sur les estimations de l’OCDE.

M. le président. L’amendement n° 84, présenté par Mme Varaillas, MM. Basquin, Corbisez et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« En complément des primes distribuées aux producteurs de produits qui remplissent des critères d’écoconception pour une meilleure performance environnementale selon le cahier des charges prévues par l’organisme, une prime peut également être attribuée pour les produits soumis au principe de responsabilité élargie du producteur en application du 11° de l’article L. 541-10-1, en fonction de critères sociaux basés sur leurs engagements à respecter des salaires et des revenus décents mentionnés aux alinéas 46, 47 et 54 de la directive européenne 2024/1760 du 13 juin 2024. Le calcul et le montant de cette prime sont définis par décret.

La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. Comme notre collègue vient de le faire à l’instant, je tiens à évoquer un aspect important pourtant absent de ce texte : l’exploitation des travailleuses et travailleurs en amont de la chaîne de production et la pression qui pèse sur eux. Les populations les plus pauvres de la planète sont celles qui en paient le prix fort.

L’industrie du textile dit « jetable » exploite des enfants et des femmes, dont les salaires sont précaires et les conditions de travail indécentes.

Cet amendement vise à inclure dans cette proposition de loi la notion de salaire décent, que certaines associations appellent aussi salaire vital.

Moins de 3 % des vêtements vendus en France sont fabriqués dans notre pays ; l’emploi dans le textile a été divisé par trois depuis 1990, au profit de pays dans lesquels les salaires sont deux à cinq fois moins élevés que chez nous.

Produire localement permet d’agir sur le respect des normes environnementales et de réduire les importations, donc, le coût des transports.

L’adoption de cet amendement constituerait une avancée majeure, non seulement pour respecter l’environnement, mais aussi pour soutenir nos entreprises face à la concurrence déloyale qu’exercent ces entreprises étrangères, toujours au détriment des salariés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. L’impact social de la mode express constitue en effet un enjeu essentiel, mais celui-ci a vocation à être abordé dans le cadre d’une autre réflexion.

N’oublions pas la vocation première d’un éco-organisme et d’une écocontribution, qui visent principalement à assurer la transition du secteur vers une économie circulaire et qui n’ont donc pas vocation à garantir le respect de critères sociaux tels que la garantie de salaires vitaux.

La commission est défavorable aux amendements nos 86 et 84.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 86.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 84.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 7 rectifié bis, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Rochette et Malhuret, Mme Lermytte, M. Wattebled, Mme L. Darcos, MM. Laménie, Brault, Grand et Chevalier, Mme Bourcier, MM. A. Marc et Chasseing, Mme Perrot et M. L. Hervé, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« … – Les pénalités applicables aux produits soumis au principe de responsabilité élargie du producteur en application du 11° de l’article L. 541-10-1 et déterminées en fonction du critère défini au II du présent article ne sont pas applicables aux produits comportant plus de 50 % de laine, de soie ou autres matières naturelles délicates.

La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Cet amendement tend à exempter des pénalités prévues par le présent texte les produits composés principalement de matières délicates comme la laine et la soie.

Ces matières naturelles représentent moins de 1,5 % du volume des textiles produits à l’échelle mondiale, selon les données de Textile Exchange. Or elles risquent d’être injustement dévalorisées par notre système.

De nombreuses marques et usines françaises réputées pour la qualité de leur production, comme les pulls en cachemire, les pulls marins, les bonnets ou les chaussettes, ont recours à ces fibres délicates.

Cet amendement a donc pour objet d’éviter que ces matières et ces acteurs soient injustement affectés par des pénalités.

M. le président. L’amendement n° 15 rectifié bis, présenté par MM. Lefèvre, Bacci, Saury et Bruyen, Mmes Belrhiti et Josende, M. Milon, Mme Micouleau, MM. Henno, Cambon et Belin, Mmes Lavarde et Imbert, M. Naturel, Mmes Billon, Vermeillet et Lassarade, MM. D. Laurent et Houpert, Mme Dumont, MM. Rapin, Bouchet, Genet et Brisson, Mme Romagny, M. Sido, Mmes Ventalon et Dumas, M. L. Hervé et Mmes Guidez et P. Martin, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Ces pénalités ne sont pas applicables aux produits comportant plus de 50 % de laine, de soie ou autres matières naturelles délicates. »

La parole est à M. Fabien Genet.

M. Fabien Genet. Il s’agit d’un amendement identique proposé par notre collègue Antoine Lefèvre, qui partage cet attachement aux matières naturelles et délicates que sont la laine, la soie et le cachemire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Ne perdons pas de vue notre objectif : combattre la mode express, laquelle constitue une menace à la fois environnementale, sociale et économique.

Je comprends les auteurs de ces amendements, qui souhaitent protéger certaines matières naturelles. Toutefois, il est nécessaire que la pénalité s’applique à l’ensemble des produits issus de producteurs de la mode express, quelle que soit leur composition, et ce afin de prévenir des stratégies de contournement de la part de ces acteurs, qui éviteraient ainsi de remettre en cause leur modèle commercial délétère.

La commission est donc défavorable aux amendements nos 7 rectifié bis et 15 rectifié bis.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements. Cependant, je tiens à vous rassurer : s’il est question d’entreprises dont les pratiques garantissent la durabilité de leurs produits, et qui s’illustrent notamment par l’utilisation de fibres délicates, celles-ci ne seront pas concernées par la pénalité.

En revanche, il conviendra de pister les entreprises qui trichent et revendiquent, parfois, une composition 100 % soie sans que cela corresponde à la réalité.

Nous avons récemment échangé avec les équipes de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) au sein de son laboratoire de Lyon. De nombreux articles relevant de la fast fashion sont présentés comme contenant ces fibres délicates. Un examen en laboratoire s’avère indispensable pour déqualifier ces produits et constater qu’il s’agit en réalité de fibres synthétiques, caractéristiques de cette mode express.

Il sera donc tout à fait possible de cibler les acteurs qui n’adoptent pas des pratiques commerciales durables. Les entreprises que vous avez à l’esprit – qu’il me semble deviner – ne seront pas concernées par l’application de la pénalité, dès lors qu’elles respectent le critère de durabilité.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 15 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 41 rectifié est présenté par Mme Bonnefoy, M. Gillé, Mme Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Omar Oili, Ouizille, Uzenat, M. Weber et Kanner, Mmes Espagnac et Linkenheld, M. Michau, Mmes Monier, Canalès et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 54 est présenté par MM. Fernique, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« … – Le montant de la pénalité applicable au produit est affiché sur la plateforme de vente en ligne des personnes morales mentionnées aux I et I bis de l’article L. 541-9-1-1 ainsi que sur la facture produite lors de l’achat.

La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour présenter l’amendement n° 41 rectifié.

Mme Nicole Bonnefoy. Cet amendement tend à imposer que les pénalités appliquées aux écocontributions en fonction de la participation du producteur aux pratiques commerciales de la mode éphémère fassent l’objet d’une publication obligatoire sur les plateformes de vente en ligne et sur les factures remises à l’achat.

Nous visons ici un triple objectif : renforcer la transparence des pratiques commerciales afin de guider au mieux le choix des consommateurs ; rendre compréhensibles et acceptables les modulations de l’écocontribution, qui peuvent avoir des conséquences sur le prix de vente et, donc, sur le pouvoir d’achat des consommateurs ; compter sur cette publicité peu flatteuse pour inciter davantage les producteurs à mettre fin à ces pratiques commerciales.

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l’amendement n° 54.

M. Jacques Fernique. Cet amendement vient d’être remarquablement défendu : il s’agit de rendre obligatoire l’affichage de la pénalité applicable dans le cadre de l’écocontribution.

Je me permets simplement d’ajouter qu’il s’agit d’un amendement rédigé en concertation avec l’UFC-Que Choisir.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Pour des raisons de lisibilité, il ne me semble pas opportun d’alourdir le contenu de l’information qui figurera sur la plateforme de vente.

Ces amendements nos 41 rectifié et 54 risquent surtout de nous faire perdre de vue l’objectif de cette pénalité, qui est de sanctionner le producteur, et non le consommateur, de produits de la mode express. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 41 rectifié et 54.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 119, présenté par Mme Valente Le Hir, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 17

Remplacer la référence :

L. 541-10-27

par la référence :

L. 541-10-1

II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

4° Au II de l’article L. 541-15-8, le mot : « à » est remplacé par les mots : « au I de ».

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de coordination légistique.

M. le président. L’amendement n° 99, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 17

Remplacer la référence :

L. 541-10-27

par la référence :

L. 541-10-1

La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je retire mon amendement au profit de l’amendement de la commission, qui me semble mieux rédigé.

En conséquence de quoi, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 119.

M. le président. L’amendement n° 99 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 119.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Rochette et Malhuret, Mme Lermytte, MM. Wattebled, Laménie, Brault, Grand et Chevalier, Mme Bourcier, MM. A. Marc et Chasseing, Mme Perrot et M. L. Hervé, est ainsi libellé :

Alinéa 17

Après le mot :

pour

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

contribuer à financer la prise en charge de la fin de vie desdits produits lorsque celle-ci se déroule dans des pays non membres de l’Union européenne.

La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Cet amendement vise à réintroduire la possibilité d’allouer des financements issus de la REP à la gestion des déchets dans les pays hors de l’Union européenne lorsque ces pays reçoivent des produits textiles, des chaussures et du linge de maison de seconde main.

Cette disposition découle du constat qu’il est inévitable qu’une partie de ces produits devienne des déchets ultimes à très court terme, malgré le tri effectué en France ou dans l’Union européenne, en amont de l’exportation.

M. le président. L’amendement n° 82, présenté par Mme Varaillas, MM. Basquin, Corbisez et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 17

Remplacer les mots :

financer des infrastructures de collecte et

par les mots :

assurer la mise en œuvre et le suivi du système de pénalités, et pour financer le développement du réemploi, de la réparation ainsi que des infrastructures

La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. La question de la collecte des vêtements est importante. D’ailleurs, nous nous réjouissons que la filière REP soit financée à cet effet.

Cependant, au-delà de la collecte, les structures qui s’occupent aujourd’hui de récupérer des vêtements pour développer la seconde main manquent de moyens. Souvent, celles-ci fonctionnent sous forme associative, proposent des emplois d’insertion ou des emplois de droit commun, et, de ce fait, doivent reposer sur un modèle équilibré pour perdurer. Elles présentent un véritable intérêt social et environnemental, mais elles doivent être mieux financées et mieux rémunérées, en tenant compte de l’afflux de vêtements non réutilisables.

C’est pourquoi nous souhaitons modifier l’article 2 : nous voulons y faire figurer le financement des structures de réemploi et de recyclage des vêtements.

M. le président. L’amendement n° 44 rectifié, présenté par Mme Bonnefoy, M. Gillé, Mme Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Omar Oili, Ouizille, Uzenat, M. Weber et Kanner, Mmes Espagnac et Linkenheld, M. Michau, Mmes Monier, Canalès et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 17

Compléter cet alinéa par les mots :

, dont le montant est déterminé par décret en tenant compte de la santé économique des filières concernées.

La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.

Mme Nicole Bonnefoy. Cet amendement tend à préciser que la fraction des écocontributions destinée à financer des infrastructures de collecte et de recyclage sur le territoire national doit être déterminée par décret, en prenant compte la santé économique de l’ensemble des filières.

La filière du recyclage textile est aujourd’hui en grande difficulté et les professionnels de ce secteur indiquent que les éco-organismes ne tiennent pas compte de cette conjoncture très difficile pour les acteurs du recyclage.

À titre d’exemple, le soutien accordé aux Pays-Bas à la tonne triée serait presque deux fois plus important que celui qu’accorde l’éco-organisme français, ce qui nuit à la compétitivité du tri des textiles usagés français.

Cet amendement vise donc à garantir que cette réalité soit prise en considération dans le cadre d’un futur décret.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. La commission a prévu, sur mon initiative, que les compléments de contribution prélevés par les écocontributions soient orientés vers le financement de l’industrialisation du recyclage sur le territoire national plutôt que vers le traitement de ces déchets hors de l’Union européenne.

Favoriser le développement du recyclage des textiles en France est un objectif à privilégier, d’un point de vue environnemental, pour réduire l’impact carbone de nos déchets, et d’un point de vue économique, pour relocaliser une partie de la chaîne de valeur de la filière textile.

Les déchets collectés sur notre territoire doivent être traités en France : il est donc primordial de renforcer nos capacités de recyclage pour absorber le gisement actuellement exporté.

Je souhaite enfin préciser que, du point de vue de la justice sociale, il ne paraît pas particulièrement vertueux d’exporter nos déchets dans des pays en voie de développement.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 8 rectifié bis.

Madame Varaillas, dans le dispositif de l’amendement n° 82, vous énumérez la quasi-totalité des missions de l’éco-organisme Refashion. Celles-ci sont toutes nécessaires, j’en conviens. Il me semble néanmoins nécessaire de viser tout particulièrement le financement des infrastructures de recyclage, qui nécessite des investissements substantiels.

Aussi la commission est-elle défavorable à votre amendement.

L’amendement n° 44 rectifié tend à soulever un véritable problème, qui a notamment été abordé dans le rapport inter-inspections sur les performances et la gouvernance des filières REP, celui de l’équilibre des relations économiques entre opérateurs de déchets et éco-organismes. L’enjeu est très vaste et ne se limite pas à la seule filière REP textile.

Toutefois, madame Bonnefoy, le dispositif de cet amendement, s’il part d’une bonne intention, ne réglera pas la question. Je vous invite par conséquent à vous rapprocher de Jacques Fernique et Marta de Cidrac, qui s’intéressent à ces sujets dans le cadre d’une mission d’information sur le bilan de la loi Agec.

En attendant, je vous demande, ma chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 82.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 44 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 115, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« … – Les opérateurs de gestion de déchets ne peuvent gérer des déchets issus de produits relevant du 11° de l’article L. 541-10-1 que s’ils disposent de contrats passés en vue de la gestion de ces déchets avec les éco-organismes ou systèmes individuels agréés. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement est très important, car il s’inscrit dans le cadre de la refonte de la filière REP textile que nous menons avec l’ensemble de ses acteurs. Son dispositif va dans le sens de la présente proposition de loi, qui prévoit d’inciter les acteurs à engager une transition vers plus de durabilité et à contractualiser de manière plus transparente, afin d’organiser notre filière de réemploi et de recyclage en garantissant sa sécurité. Il répond en ce sens à une attente forte du secteur.

Aujourd’hui, seul un tiers des textiles usagés sont collectés, le reste terminant sa vie dans les poubelles. Seuls 30 % de ces textiles collectés sont recyclés, majoritairement hors d’Europe, et une proportion encore plus faible d’entre eux est réemployée en France. Or nous ne disposons d’aucune donnée fiable sur ces exportations massives de déchets, en particulier sur leur fin de vie réelle dans les pays de destination.

Le principe de contractualisation obligatoire auprès de l’éco-organisme agréé que vise à instaurer cet amendement doit permettre d’améliorer la traçabilité des flux de déchets et leur bilan environnemental global, tout en favorisant le développement de solutions de traitement de proximité.

Pour investir dans de telles solutions, il est en effet nécessaire d’anticiper les volumes à traiter et les risques afférents.

Cette mesure n’a pas pour objet de remettre en cause les modèles existants déjà vertueux, mais bien d’objectiver les situations et de mettre fin à celles qui ne seraient pas satisfaisantes. Une telle obligation constituera également un levier majeur pour lutter contre le trafic illégal, qui facilitera grandement les contrôles des services d’inspection.

Je tiens à rendre hommage au travail de Marta de Cidrac, engagée depuis longtemps dans une réflexion sur ces filières REP, et qui connaît bien ces sujets, en particulier les insuffisances actuelles en matière de contractualisation.

Le levier juridique que vous pourriez nous accorder en votant cet amendement serait très efficace dans le cadre de la remise à plat de ces filières.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Cette mesure n’est pas directement liée à la mode express, mais elle constituerait une évolution bienvenue à la filière REP textile. Elle permettrait en effet de lutter contre le traitement des déchets par des filières parallèles, qui nuit aux acteurs de l’économie circulaire.

Comme j’ai pu par ailleurs le constater au cours des consultations que j’ai menées, cette disposition fait consensus. Aussi, la commission est favorable à l’amendement n° 115.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 115.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à  réduire l'impact environnemental de l'industrie textile
Article 3

Après l’article 2

M. le président. L’amendement n° 108 rectifié, présenté par Mmes Schillinger, Havet et Phinera-Horth, M. Buis, Mme Nadille et M. Fouassin, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l’article L. 541-10-27 du code de l’environnement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Cette obligation s’applique également aux dons effectués à des structures de l’économie sociale et solidaire ou d’intérêt général, par les personnes morales ou physiques dont l’activité relève des pratiques décrites à l’article L. 541-9-1-1, lorsque ces produits, faute de possibilité de réemploi effectif, deviennent des déchets. Cette reprise est conditionnée à la fourniture, par la structure bénéficiaire, des éléments de traçabilité permettant d’attester que ces produits proviennent d’un metteur sur le marché relevant des pratiques décrites à l’article L. 541-9-1-1. Un décret précise les modalités de cette traçabilité. »

La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Les dons de produits inutilisables issus de la mode express constituent un vrai problème – j’en conviens. La suppression de la réduction d’impôt les concernant me paraît en partie répondre au problème.

Le dispositif proposé, qui consiste à prévoir un retour des dons textiles non utilisés à l’éco-organisme, me paraît ingénieux. Je m’interroge toutefois sur sa faisabilité et sur son impact sur l’équilibre économique de la filière REP textile.

Aussi, je souhaite entendre l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement vise à prévoir que les éco-organismes de la filière REP textile soient tenus de reprendre les invendus donnés qui ne sont pas réemployés. Or, en France, depuis fin 2023, en application de la loi Agec, il est interdit de mettre en décharge ou d’incinérer les invendus, toutes catégories de produits confondues, y compris les textiles. Ces invendus doivent prioritairement faire l’objet d’un réemploi, notamment via le don, ou, à défaut, d’un recyclage.

Les dons réalisés dans ce cadre sont strictement encadrés. Le bénéficiaire du don peut ainsi en refuser tout ou partie jusqu’à ce qu’il procède à l’enlèvement des produits, lorsque, notamment, ses capacités de transport, de stockage ou les possibilités de redistribution ne sont pas suffisantes ou qu’après contrôle visuel des produits ceux-ci ne paraissent pas fonctionnels ou conformes aux exigences réglementaires en vigueur en matière d’hygiène.

Si, toutefois, une structure de l’économie sociale et solidaire accepte les produits et que ceux-ci ne sont finalement pas réemployés dans leur totalité, ils deviennent des déchets. L’éco-organisme est alors tenu, en application de la législation, de les reprendre gratuitement.

Votre amendement étant pleinement satisfait, madame la sénatrice, je vous demande de bien vouloir le retirer ; à défaut, j’y serai défavorable.

M. le président. Quel est désormais l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Avis défavorable.

M. le président. Madame Phinera-Horth, l’amendement n° 108 rectifié est-il maintenu ?

Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 108 rectifié est retiré.

Après l’article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à  réduire l'impact environnemental de l'industrie textile
Après l’article 3

Article 3

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 83, présenté par Mme Varaillas, MM. Basquin, Corbisez et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – Après l’article L. 229-61 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 229-61-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 229-61-1. – Est interdite la publicité relative à la commercialisation de produits dans le cadre d’une pratique commerciale consistant à renouveler très rapidement les collections vestimentaires et d’accessoires, définie à l’article L. 541-9-1-1, ou faisant la promotion directe ou indirecte des entreprises, des enseignes ou des marques ayant recours à cette pratique commerciale dans la mesure où la production excessive de vêtements, de linge de maison et de chaussures compromet l’objectif de protection de l’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique.

« La publicité mentionnée au premier alinéa du présent article inclut les pratiques des personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, utilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public, par voie électronique, des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque et qui exercent l’activité d’influence commerciale par voie électronique. »

II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2026.

La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. La publicité, nous le savons, est l’un des moteurs de la consommation. Shein a investi plus de 43,8 millions d’euros en publicité digitale en 2023, quand Temu, lui, a dépensé 27,5 millions d’euros, ce qui fait respectivement de ces entreprises le premier et le deuxième annonceur digital dans notre pays en 2023. Ce n’est pas un hasard si ces enseignes sont deux poids lourds de la fast fashion.

Notre objectif étant de réduire le gaspillage, il nous paraît insuffisant de nous borner à contraindre les annonceurs à accompagner les messages publicitaires d’une information du consommateur sur les incidences environnementales de la fast fashion, comme le prévoit l’article 3 bis.

Il est donc souhaitable de rétablir l’article 3, dont la rédaction initiale peut contribuer à réduire sérieusement le nombre de ventes de vêtements.

M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 9 rectifié ter est présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Rochette et Malhuret, Mme Lermytte, M. Wattebled, Mme L. Darcos, MM. Laménie, Brault, Grand et Chevalier, Mme Bourcier, MM. A. Marc et Chasseing, Mme Perrot et M. L. Hervé.

L’amendement n° 33 rectifié quinquies est présenté par Mme Housseau, M. Henno, Mme Billon, MM. Canévet et Kern, Mmes Jacquemet et Saint-Pé et MM. Levi, Folliot, Daubet et Duffourg.

L’amendement n° 72 rectifié quater est présenté par M. Menonville, Mme Devésa, MM. Bonneau, Parigi et Maurey et Mme Antoine.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – Après l’article L. 229-61 du code de l’environnement, il est inséré un article 229-61-… ainsi rédigé :

« Art. L. 229-61…. – Est interdite la publicité relative à la commercialisation de produits dans le cadre d’une pratique commerciale relevant de la mode éphémère, définie à l’article L. 541-9-1-1, ou faisant la promotion directe ou indirecte des entreprises, des enseignes ou des marques ayant recours à cette pratique commerciale dans la mesure où la production excessive de vêtements, de linge de maison et de chaussures compromet l’objectif de protection de l’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique.

« La publicité mentionnée au premier alinéa du présent article inclut les pratiques des personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, utilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public, par voie électronique, des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque et qui exercent l’activité d’influence commerciale par voie électronique. »

II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2026.

La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour présenter l’amendement n° 9 rectifié ter.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Le présent amendement vise à réintroduire l’interdiction générale de la publicité pour les produits relevant de la mode éphémère.

En effet, seule une interdiction globale de la promotion publicitaire permettra d’éviter le report des dépenses vers d’autres supports ou médias, lequel provoquerait en outre un renchérissement du coût de la publicité pour les autres acteurs, y compris vertueux, du secteur.

Une interdiction de la publicité pour des motifs environnementaux n’est pas en soi inconstitutionnelle, mais sa pertinence et sa proportionnalité doivent être justifiées. Remis en décembre 2024, le rapport inter-inspections intitulé Contribution et régulation de la publicité pour une consommation plus durable, qui étudie spécifiquement le cas présent, constitue une base de travail solide en ce sens.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Lise Housseau, pour présenter l’amendement n° 33 rectifié quinquies.

Mme Marie-Lise Housseau. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 72 rectifié quater n’est pas soutenu.

L’amendement n° 39 rectifié, présenté par Mme Bonnefoy, M. Gillé, Mme Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Omar Oili, Ouizille, Uzenat, M. Weber et Kanner, Mmes Espagnac et Linkenheld, M. Michau, Mmes Monier, Canalès et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – Après l’article L. 229-61 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 229-61-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 229-61-1. – Est interdite la publicité relative à la commercialisation de produits dans le cadre d’une pratique commerciale consistant à renouveler très rapidement les collections vestimentaires et d’accessoires, définie à l’article L. 541-9-1-1, ou faisant la promotion directe ou indirecte des entreprises, des enseignes ou des marques ayant recours à cette pratique commerciale dans la mesure où la production excessive de vêtements, de linge de maison et de chaussures compromet l’objectif de protection de l’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique.

« Tout manquement à cette interdiction est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale.

II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2026.

La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.

Mme Nicole Bonnefoy. Cet amendement vise à rétablir partiellement l’article 3, supprimé en commission par la rapporteure, et, partant, à instaurer une interdiction générale de la publicité pour les produits correspondant à la définition de la mode éphémère.

En commission, la rapporteure a justifié la suppression de cet article au motif qu’il présente un risque d’inconstitutionnalité. Or, à l’Assemblée nationale – je le rappelle une nouvelle fois –, une large majorité de députés ont jugé que tel n’était pas le cas.

La rapporteure du texte à l’Assemblée nationale, qui est membre du groupe Horizons, a estimé dans son rapport que cette restriction à la liberté d’entreprendre était « justifiée par la nécessité de limiter la surproduction de produits textiles afin d’en limiter les conséquences pour l’environnement ».

Nous considérons que l’article 3 bis, introduit en commission, qui ne vise que les influenceurs, ne compense pas la suppression du présent article. Par ailleurs, l’interdiction générale est à la fois justifiée par une raison d’intérêt général et proportionnée à l’objectif visé.

Madame la rapporteure, pourriez-vous préciser votre analyse constitutionnelle et nous expliquer en quoi le raisonnement de l’Assemblée nationale est selon vous erroné ?

M. le président. L’amendement n° 76 rectifié, présenté par MM. Dossus, Fernique, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, M. Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – Le code l’environnement est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 229-61, il est inséré un article L. 229-61-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 229-61-1. – Est interdite la publicité relative à la commercialisation de produits dans le cadre d’une pratique commerciale consistant à renouveler très rapidement les collections vestimentaires et d’accessoires, définie à l’article L. 541-9-1-1, ou faisant la promotion directe ou indirecte des entreprises, des enseignes ou des marques ayant recours à cette pratique commerciale dans la mesure où la production excessive de vêtements, de linge de maison et de chaussures compromet l’objectif de protection de l’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique.

2° Au premier alinéa de l’article L. 229-63, après la référence : « L. 229-61 », est insérée la référence : « , L. 229-61-1 »

II. – Après le 32° de l’article L. 511-7 du code de la consommation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° De l’article L. 229-61-1 du code de l’environnement. »

III. – Le 1° du I entre en vigueur le 1er janvier 2026.

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Cet amendement vise lui aussi à rétablir la disposition adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale, puis supprimée en commission par le Sénat. Je m’associe à la demande de précision formulée à l’instant par Nicole Bonnefoy, car je ne comprends pas bien les raisons justifiant l’inconstitutionnalité de cette disposition.

Soyons cohérents, mes chers collègues. Lors de la discussion générale, chacun a reconnu que la fast fashion et l’ultrafast fashion constituaient de véritables fléaux, en raison non seulement de leurs conséquences catastrophiques sur les ressources, mais aussi de leur modèle social fondé sur l’exploitation des travailleurs.

Si nous voulons mettre fin à ce modèle, il faut nous attaquer à son moteur, la publicité, qu’elle soit numérique et ciblée ou diffusée plus globalement dans l’espace public, les marques visées ayant dernièrement redoublé d’efforts en matière de communication.

En encadrant la publicité relative à la fast fashion, nous affirmons que nous ne voulons pas de ce modèle de consommation.

Vous avez décrit les dégâts de la fast fashion de manière très offensive, madame la rapporteure. Si nous voulons être cohérents avec les propos que nous avons tenus, mes chers collègues, il nous faut rétablir l’interdiction générale de publicité pour ces marques. Tel est l’objet de cet amendement important.

M. le président. L’amendement n° 100, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – Après l’article L. 229-61 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 229-61-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 229-61-1. – Est interdite la publicité relative à la commercialisation de produits dans le cadre de la pratique industrielle et commerciale définie à l’article L. 541-9-1-1, ou faisant la promotion directe ou indirecte des marques ayant recours à cette pratique industrielle et commerciale, dans la mesure où la production excessive de vêtements, de linge de maison et de chaussures compromet l’objectif de protection de l’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique. »

II. – Le I en vigueur le 1er janvier 2026.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. L’objectif étant d’élaborer un texte robuste, cet amendement tend à rétablir l’interdiction générale de la publicité sur les médias classiques pour la mode ultra-éphémère.

Le risque d’inconstitutionnalité existe. La réduction des marges de manœuvre des acteurs économiques pouvant se justifier par un motif d’intérêt général, ce risque n’est toutefois peut-être pas aussi fondé qu’il y paraît.

Permettez-moi de citer quelques données relatives à la publicité.

Pas moins de sept Français sur dix se disent prêts à changer leurs habitudes d’achat de vêtements, ou l’ont déjà fait, afin d’en limiter les conséquences sur l’environnement, mais aussi pour leur portefeuille. En dépit de cette prise de conscience, les Français sont exposés à une publicité omniprésente, phénomène qui se traduit par des budgets publicitaires dont le montant atteint des dizaines de millions d’euros, voire davantage.

Un Français sur deux estime avoir effectué un achat après avoir été exposé à une publicité en ligne, sur les réseaux sociaux ou à la suite de la recommandation d’un influenceur.

Ces données montrent que, malgré la véritable volonté des Français de basculer vers un modèle de consommation vestimentaire plus durable, la pression publicitaire qui s’exerce constamment sur eux peut les conduire à des achats impulsifs – et souvent regrettés ensuite – de marchandises qui, hélas, ne sont pas durables.

L’encadrement ciblé de la publicité permettrait de rééquilibrer la situation actuelle, marquée par les moyens faramineux déployés par les acteurs de l’ultrafast fashion, d’un côté, et les conséquences désastreuses de la consommation des produits ainsi promus en matière d’environnement, d’emploi et d’animation de nos centres-villes, de l’autre. Les différents orateurs ayant été très diserts à ce sujet lors de la discussion générale, je ne m’étendrai pas davantage sur toutes ces conséquences.

Les députés ont voté à l’unanimité – je le souligne – en faveur de cette interdiction.

Pourquoi le droit de l’Union européenne pourrait-il limiter, ou, a minima, reporter notre action ? Comme je l’ai indiqué, la directive sur le commerce électronique soumet les prestataires de services d’information au droit de l’État membre dit « d’origine », c’est-à-dire dans lequel ils ont établi leur activité, en l’occurrence l’Irlande pour une majorité des plateformes de vente visées. La France étant considérée dans ce cas comme un État membre de destination, elle ne peut pas restreindre la circulation de services provenant de l’État membre d’origine.

Nous ne pourrions déroger à ce principe, par exemple pour appliquer les dispositions de la présente proposition de loi, qu’en cas d’atteinte à la protection de l’ordre public, à la santé publique, à la sécurité publique ou à la protection des consommateurs par le prestataire établi dans un autre État membre. L’atteinte à la protection de l’environnement ne constitue pas, à ce jour, un motif de dérogation.

La jurisprudence européenne précise par ailleurs qu’il n’est pas possible de prendre des mesures générales et abstraites à l’encontre de prestataires de services d’information établis dans un autre État membre. Par conséquent, si des mesures générales d’interdiction de la publicité sont adoptées dans le présent texte, elles ne s’appliqueront qu’aux prestataires établis en France.

Quelle stratégie pouvons-nous adopter pour avancer malgré tout ?

Avant même la réunion d’une éventuelle commission mixte paritaire, nous notifierons ce texte à la Commission européenne. Vous pourrez ainsi tenir compte des observations de celle-ci et amender le texte de manière à le rendre plus robuste.

J’estime toutefois que le plus efficace serait d’obtenir une modification de la directive sur le commerce électronique afin d’y inclure une dérogation fondée sur l’atteinte à la protection de l’environnement. Le récent rapport réalisé par l’inspection générale des finances (IGF), l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd) et l’inspection générale des affaires culturelles (Igac) suggère de faire reposer cette dérogation au titre de la protection de l’environnement sur certaines pratiques industrielles et commerciales excessives constatées dans le secteur textile.

Sous réserve de ce combat qui doit être mené à l’échelon européen, je suis favorable à la réintroduction de l’interdiction générale de la publicité pour les produits de la mode ultra-éphémère. Telle est du reste la raison de mon insistance sur le fait que, si l’article 2 vise la fast fashion, les articles 1er et 3, eux, ne visent que l’ultrafast fashion, qui est donc seule concernée par cette interdiction générale de publicité.

Nous sommes certes David contre Goliath,…

M. Loïc Hervé. Oui, mais c’est David qui gagne à la fin !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. … mais nous nous donnons les moyens d’agir au niveau français.

Si, après avoir fait l’unanimité à l’Assemblée nationale, cette disposition est votée par l’ensemble des groupes politiques du Sénat, nous pourrons nous prévaloir de ce vote consensuel auprès de la Commission européenne pour faire bouger les lignes.

Je ne mésestime pas les risques juridiques, mais nous faisons de la politique ! Par cet amendement, je vous propose de défendre non seulement les entreprises françaises, mais aussi les valeurs européennes de durabilité et de protection de l’environnement qui sont les nôtres. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

M. le président. L’amendement n° 67, présenté par M. Hingray, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après l’article L. 229-61 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 229-61-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 229-61-1 - I. – Est interdite toute publicité relative à la commercialisation de produits relevant d’une pratique commerciale définie à l’article L. 541-9-1-1, ou faisant la promotion directe ou indirecte d’entreprises, d’enseignes ou de marques ayant recours à cette pratique, lorsqu’elle est diffusée sur des supports spécifiquement destinés aux mineurs ou manifestement conçue pour les cibler.

« Cette interdiction est justifiée par l’objectif de protection de l’environnement, en raison de l’impact significatif de la surproduction de vêtements, linge de maison et chaussures sur le changement climatique. Elle s’applique à tous les supports et médias de communication commerciale.

« II. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.

« III. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2026. »

La parole est à M. Jean Hingray.

M. Jean Hingray. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 77 rectifié bis, présenté par MM. Dossus, Fernique, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, M. Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – Le code l’environnement est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 229-61, il est inséré un article L. 229-61-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 229-61-1. – Est interdite la publicité relative à la commercialisation de produits entrant dans le cadre de la pratique commerciale définie à l’article L. 541-9-1-1, ou faisant la promotion directe ou indirecte des entreprises, des enseignes ou des marques ayant recours à cette pratique sur les services de communication au public en ligne ou les services de plateforme de partage de vidéos accessibles à des mineurs de moins de quinze ans.

« Un décret pris en Conseil d’État vient préciser les modalités de contrôle de cette interdiction. » ;

2° Le premier alinéa de l’article L. 229-63 est complété par les mots : « et le fait de ne pas respecter l’interdiction prévue à l’article L. 229-61-1, est puni d’une amende de 250 000 euros ou 4 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes réalisé au cours de l’exercice précédent, le plus élevé des deux montants étant retenu. »

II. – Après le 32° de l’article L. 511-7 du code de la consommation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° De l’article L. 229-61-1 du code de l’environnement ; ».

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Le présent amendement vise à interdire la diffusion de publicités pour les produits de la fast fashion sur les plateformes numériques accessibles aux mineurs de moins de 15 ans.

Parce qu’elles imprègnent fortement l’imaginaire des adolescents, lesquels sont particulièrement ciblés par les enseignes de la mode express, de telles publicités façonnent en effet précocement les comportements de consommation que nous dénonçons.

Il convient donc de traiter à la racine le problème de l’exposition des jeunes générations à ce modèle ultra-consommateur de ressources et délétère en matière de droits sociaux des travailleurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Nos travaux préparatoires ont mis en lumière le risque d’inconstitutionnalité qui pèserait sur une interdiction générale de la publicité pour les produits relevant de la mode express.

Le Conseil constitutionnel encadre en effet les interdictions de publicité, en réservant ces limitations à la liberté d’entreprendre à des dispositions liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par un motif d’intérêt général, et en s’assurant que les atteintes portées à cette liberté ne soient pas disproportionnées au regard de l’objectif visé. Les mesures d’interdiction doivent être directement liées à ces objectifs de valeur constitutionnelle, et la restriction portée à la liberté d’entreprendre doit être proportionnée au regard de ces objectifs.

Sur le seul motif de la protection de l’environnement, une interdiction générale de la publicité pour les produits de la mode express pourrait donc être considérée comme portant une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre.

La loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et Résilience, prévoyait deux interdictions de la publicité : l’une pour les énergies fossiles, l’autre pour les SUV. Quatre ans plus tard – quatre ans, mes chers collègues ! –, les textes d’application pour ces deux interdictions ne sont toujours pas parus en raison, de l’aveu même du Gouvernement, d’importants risques contentieux.

L’article 3 bis instaure en revanche un dispositif sécurisé interdisant la promotion de la mode express par les influenceurs et imposant que les publicités soient accompagnées d’un message de sensibilisation.

Pour résumer, je ne veux pas jouer, mes chers collègues. C’est aussi cela faire de la politique. À une mesure symbolique faisant l’objet d’incertitudes juridiques, je préfère une mesure plus limitée, mais plus efficace, et qui sera applicable immédiatement.

Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je demande le retrait de l’amendement n° 77 rectifié bis au profit de l’amendement n° 100, qui vise à introduire une référence mieux harmonisée avec l’article 1er, ainsi qu’un lien explicite avec les effets environnementaux. À défaut, j’y serai défavorable.

Sur tous les autres amendements en discussion commune, à l’exception, naturellement, de l’amendement du Gouvernement, je m’en remets à la sagesse du Sénat. J’invite toutefois les auteurs de ces amendements à rallier ma position.

J’entends le risque juridique qu’emporte cette disposition, madame la rapporteure. Je l’ai du reste évoqué lors de la présentation de l’amendement n° 100. J’attire toutefois votre attention sur le fait que, si le dispositif de l’article 3 n’était pas rétabli, l’article 3 bis s’en verrait fragilisé, car ses dispositions seraient alors pleinement discriminatoires.

La décision politique qui sera prise sur cet article aura des conséquences importantes sur l’équilibre du texte lui-même, que vous souhaitez par ailleurs voir voté, puis promulgué.

Adopter une position de repli équivaudrait selon moi à un aveu de faiblesse. En rétablissant cet article, en visant sans détour l’ultrafast fashion par des dispositions fortes, vous enverriez au contraire un message clair, démocratique, politique à l’Union européenne. Vous pourriez alors compter sur moi pour aller négocier à Bruxelles avec la Commission européenne.

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.

M. Thomas Dossus. Madame la rapporteure, vous niez la portée symbolique d’un encadrement général de la publicité pour les marques visées. Or la mesure que vous proposez d’imposer aux influenceurs est justement purement symbolique !

Ces enseignes déploient désormais toutes formes d’outils publicitaires, des plus intrusifs aux plus massifs. S’en tenir à l’interdiction restreinte que vous proposez reviendrait à capituler devant un modèle qui n’aura de cesse de progresser si on le laisse promouvoir ses produits partout où il entend le faire.

Considérons-nous que ce modèle est si dangereux que nous n’en voulons pas dans notre pays ? Il faut alors en interdire la promotion. L’alternative, qui est aussi la voie que vous nous proposez, madame la rapporteure, n’est autre que la capitulation.

La liberté d’entreprendre est certes un principe de valeur constitutionnelle, mais il demeure encadré, et parfois contesté par d’autres articles de la Constitution – je pense notamment au droit de grève. C’est donc au prix d’une analyse extensive, ne tenant pas compte de ces contradictions, que vous jugez qu’une atteinte à la liberté d’entreprendre pourrait être jugée inconstitutionnelle.

Comme madame la ministre, j’estime qu’il nous faut prendre le risque du contentieux. Si nous ne voulons pas de ce modèle, il faut en interdire la promotion : c’est aussi simple que cela.

Je note d’ailleurs que, lorsqu’il est question de droit des personnes, notamment immigrées, vous envisagez le risque d’inconstitutionnalité avec bien plus de modération, mes chers collègues.

M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour explication de vote.

Mme Marta de Cidrac. Je tiens à saluer le travail de notre rapporteure et à la remercier des explications qu’elle vient de nous donner.

Tout en comprenant la fragilité juridique des dispositions dont nous débattons et en dépit du précédent que constitue la non-application de certaines mesures de la loi Climat et Résilience, j’estime qu’en tant que parlementaires il nous appartient, quand nous le jugeons nécessaire, d’envoyer un message fort.

J’espère donc que nous serons nombreux à voter l’amendement n° 100 du Gouvernement, comme je m’apprête à le faire, car les dispositions qu’il vise à introduire me paraissent équilibrées.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Je soutiens pour ma part la position de Mme la rapporteure, laquelle n’a rien d’une capitulation.

Si nous adoptons l’un de ces amendements, nous pourrons certes nous prévaloir d’avoir interdit la publicité pour ces marques, mais il nous faudra ensuite revenir sur cette interdiction, que celle-ci soit déclarée inconstitutionnelle ou qu’elle ne soit pas applicable. À quoi bon inscrire dans la loi des dispositions sur lesquelles nous savons qu’il nous faudra revenir ? Je n’en vois pas l’intérêt.

Les dispositions de l’article 3 bis, que nous examinerons dans un instant, contribuent de plus à rééquilibrer les choses.

Je suivrai donc l’avis de Mme la rapporteure.

M. le président. La parole est à M. Sébastien Fagnen.

M. Sébastien Fagnen. Depuis le début de l’examen de ce texte, nous déplorons l’emballement que suscite la fast fashion et la frénésie de consommation qui en découle, laquelle est écologiquement et économiquement insoutenable.

Or la clef de voûte de la mode éphémère est la publicité à outrance. Ne dévitalisons pas ce texte en supprimant l’interdiction totale de la publicité, mes chers collègues. Ce serait parfaitement contre-productif au regard de tout ce que nous avons évoqué depuis le début de cette discussion.

Si nous entendons parfaitement les arguments formulés par Mme la rapporteure, il nous appartient d’apprécier le risque d’inconstitutionnalité et la fragilité d’une telle disposition. Comme Mme la ministre, j’estime qu’il faut également prendre en compte le poids symbolique de cette interdiction totale.

Il nous faut aujourd’hui, par le texte que nous adopterons et les débats qui auront précédé son vote, mettre un coup d’arrêt à cet emballement de la machine, à cette fuite en avant dont nous connaissons les conséquences délétères aussi bien pour l’écologie que pour l’économie.

Ne tergiversons pas, mes chers collègues : interdisons purement et simplement la publicité pour la mode éphémère ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER. – Antoinette Guhl applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Michel Masset, pour explication de vote.

M. Michel Masset. Mon groupe soutiendra également l’amendement n° 100 du Gouvernement.

Par le passé, nous avons à plusieurs reprises passé outre la fragilité constitutionnelle de certaines dispositions en les votant. Secouons aujourd’hui le cocotier de l’Europe !

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.

M. Jacques Fernique. Je suis convaincu qu’à l’avenir l’interdiction, ou du moins la régulation, de la publicité sera un levier que nous actionnerons pour lutter contre les dommages et les excès de la fast fashion.

Oui, le droit européen pose des difficultés. Oui, selon le pays d’origine, il pourra se révéler complexe d’appliquer cette disposition. Toutefois, à mes yeux, il importe que le Sénat envoie le message selon lequel il souhaite que ce levier puisse être actionné dans de bonnes conditions dans le futur.

En tout état de cause, la messe ne sera pas dite ce soir, mes chers collègues. Nous pourrons donc, si nécessaire, revenir sur cette disposition lors de la réunion de la commission mixte paritaire. Pour l’heure, montrons dans quel sens nous souhaitons aller.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Ne pas rétablir l’article 3 reviendrait à instaurer un traitement différencié des différents canaux de promotion, et, partant, à discriminer les influenceurs. Comme je l’indiquais précédemment, l’article 3 bis s’en trouverait fragilisé, car son inconstitutionnalité serait alors bien plus facile à établir que celle d’une interdiction générale. En toute rigueur, les articles 3 et 3 bis doivent donc être considérés comme formant un ensemble.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je répète également que ce texte sera notifié à la Commission européenne avant la réunion d’une commission mixte paritaire. Nous pourrons alors échanger avec Bruxelles, avant de redonner la main aux parlementaires qui pourront amender le texte à la lumière de ces échanges.

Certes, l’avis de la Commission européenne porte non pas sur la constitutionnalité des dispositions, mais sur leur conformité aux traités européens, au regard notamment des règles relatives au marché unique et à la libre entreprise, mais nous pourrons ainsi peser dans le débat et obtenir des orientations claires.

Je vous rejoins, madame la sénatrice de Cidrac : en adoptant à son tour cette disposition votée à l’unanimité par l’Assemblée nationale, le Sénat enverrait un message fort. Cela n’enlève rien à la qualité du travail mené tout au long de l’examen de ce texte par Mme la rapporteure, que je remercie.

La négociation avec la Commission européenne promettant d’être difficile, ce vote nous donnerait du vent dans le dos. Puisque nous sommes David contre Goliath, autant nous doter de tous les leviers à notre disposition pour peser dans ces pourparlers et en obtenir le maximum.

C’est en tout cas ce que je vous recommande, d’autant que cette mesure d’interdiction pourrait avoir des effets significatifs sur l’environnement, sur l’emploi, sur la vie de nos territoires, dans nos centres-villes et dans nos zones périphériques.

Je constate avec tristesse que ma ville se vide, magasin après magasin, et c’est pour lutter contre ce phénomène que je défends les présentes dispositions avec autant de conviction. (M. Loïc Hervé applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 83.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 297 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l’adoption 116
Contre 224

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 9 rectifié ter et 33 rectifié quinquies.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 298 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 334
Pour l’adoption 149
Contre 185

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’amendement n° 39 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 299 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 322
Pour l’adoption 116
Contre 206

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’amendement n° 76 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 300 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 321
Pour l’adoption 116
Contre 205

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’amendement n° 100.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 3 est rétabli dans cette rédaction, et les amendements nos 67 et 77 rectifié bis n’ont plus d’objet.

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi visant à  réduire l'impact environnemental de l'industrie textile
Article 3 bis (nouveau)

Après l’article 3

M. le président. L’amendement n° 87, présenté par Mme Guhl, MM. Fernique, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Gontard, Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Est interdite toute publicité directe ou indirecte faisant la promotion de produits neufs mentionnés au 11° de l’article L. 541-10-1 du code de l’environnement fabriqués en violation des droits fondamentaux des travailleurs, notamment en cas de non-respect des conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail, ou en cas de recours avéré au travail des enfants ou forcé.

La parole est à Mme Antoinette Guhl.

Mme Antoinette Guhl. Cet amendement vise à rétablir l’interdiction de toute publicité pour les produits textiles relevant de la fast fashion et fabriqués en violation des droits fondamentaux des travailleurs. Il s’inscrit dans un combat que mon groupe et moi-même menons depuis des années contre le travail forcé, notamment des Ouïghours.

Par cet amendement, nous lançons un appel urgent à sanctionner les entreprises qui tolèrent ces crimes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Je comprends votre intention, ma chère collègue : alors que les études relatives aux conditions de travail dans la mode express sont accablantes, la question du respect des droits fondamentaux des travailleurs est en effet essentielle.

J’ai toutefois concentré mes travaux sur l’impact environnemental de l’industrie textile, qui était l’objet initial de la présente proposition de loi. Si j’appelle le Sénat à mener une réflexion sur l’aspect social de la mode express, et notamment sur l’adaptation du devoir de vigilance à l’essor de ces nouvelles pratiques, j’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 87.

(Lamendement nest pas adopté.)

Après l’article 3
Dossier législatif : proposition de loi visant à  réduire l'impact environnemental de l'industrie textile
Article 4

Article 3 bis (nouveau)

I. – Après le VI de l’article 4 de la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, il est inséré un VI bis ainsi rédigé :

« VI bis. – Est interdite aux personnes exerçant l’activité d’influence commerciale par voie électronique toute promotion, directe ou indirecte, relative à la commercialisation de produits entrant dans le cadre de la pratique commerciale définie à l’article L. 541-9-1-1, ou faisant la promotion directe ou indirecte des entreprises, des enseignes ou des marques ayant recours à cette pratique commerciale. »

II. – Le I de l’article L. 229-64 du code de l’environnement est complété par un 4° ainsi rédigé :

« 4° Les produits relevant d’une pratique commerciale mentionnée à l’article L. 541-9-1-1 du présent code. »

III. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2026.

M. le président. L’amendement n° 66, présenté par M. Hingray, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean Hingray.

M. Jean Hingray. Du fait du rétablissement de l’article 3, je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 66 est retiré.

L’amendement n° 74 rectifié, présenté par M. Mandelli, Mmes Lavarde et Micouleau, MM. Bacci, Delia, Khalifé et Reichardt, Mmes Belrhiti et Josende, MM. Perrin, Chaize et Anglars, Mme Ventalon, MM. Sido, Pernot et Bouchet, Mme P. Martin, MM. P. Vidal et Somon et Mme Hybert, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

électronique

insérer les mots :

, à titre onéreux ou gratuit, quelle que soit la nature de la contrepartie,

La parole est à M. Didier Mandelli.

M. Didier Mandelli. Cet amendement vise à préciser que l’interdiction faite aux influenceurs de promouvoir les produits relevant de la mode éphémère s’applique, quelle que soit la nature de la contrepartie. Ainsi, l’interdiction vaudra, que la publicité soit effectuée à titre gracieux ou onéreux, et qu’elle fasse l’objet d’une compensation en espèces sonnantes et trébuchantes ou en dons, en prêts de vêtements ou en voyages.

À cette heure avancée de la nuit, je suis tenté de dire qu’il serait heureux que les influenceurs ne soient pas rétribués en vêtements. En effet, compte tenu des tarifs qu’ils pratiquent et du prix des produits de la mode éphémère, il faudrait faire venir de Chine des containers entiers de vêtements pour les rémunérer ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. En précisant que l’interdiction de toute publicité pour les influenceurs concerne les activités à titre onéreux ou gratuit, quelle que soit la nature de la contrepartie, cet amendement tend à renforcer la sécurité juridique du dispositif et à éviter tout contournement.

Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 74 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 120, présenté par Mme Valente Le Hir, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

1° Supprimer les mots :

relative à la commercialisation

2° Remplacer les mots :

, ou faisant la promotion directe ou indirecte

par le mot :

et

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 120.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 104, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer les mots :

des entreprises, des enseignes ou

La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il s’agit également d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Cet amendement vise à restreindre le champ de l’interdiction de la publicité que nous instaurons à l’encontre des influenceurs aux seuls produits de la mode express, en excluant les entreprises et les enseignes du secteur. Cette mesure me semble cohérente et de nature à renforcer la sécurité juridique du dispositif.

La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 104.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 101, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Les manquements aux dispositions du présent VI bis sont passibles d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 100 000 €. Cette amende est prononcée dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V du code de la consommation. »

bis. – Au 32° de l’article L. 511-7 du code de la consommation, après les mots : « Du V », sont insérés les mots : « et du VI bis ».

La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Les influenceurs jouent un rôle très important dans la promotion de la mode ultra-éphémère sur les plateformes de médias sociaux comme TikTok et Instagram, par le biais de contenus sponsorisés par les marques.

Les grandes plateformes sont les médias privilégiés des marques de la mode ultra-éphémère. La mode est ainsi le secteur le plus promu sur certaines plateformes : au premier trimestre 2025, elle représentait par exemple 15 % des investissements publicitaires captés par Meta.

Il est donc indispensable de prévoir des sanctions pour les influenceurs qui ne respecteraient pas l’interdiction de la publicité et d’habiliter les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) à mener les contrôles nécessaires.

En cohérence avec la loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, nous proposons d’instaurer une amende ne pouvant excéder 100 000 euros. En effet, ce texte prévoit d’ores et déjà une batterie de sanctions, dont une amende administrative de 100 000 euros maximum lorsque l’interdiction de promouvoir des produits financiers et des cryptomonnaies n’est pas respectée.

Cette sanction est progressive par rapport à celle que prévoit la présente proposition de loi à l’article 4 pour non-imposition des mentions obligatoires, laquelle s’élève à 3 000 euros pour les personnes physiques et à 15 000 euros pour les personnes morales. En tout état de cause, le non-respect d’une interdiction de publicité est plus grave que l’absence d’une mention obligatoire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Cet amendement a pour objet d’apporter une sanction proportionnée à l’interdiction de publicité par les influenceurs, et de prévoir les contrôles assurant l’effectivité de cette interdiction. La commission y est donc favorable.

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.

Mme Marion Canalès. Je m’interroge sur le montant de l’amende, sur ce chiffre de 100 000 euros.

Remettons les choses en perspective : la sanction prévue pour la publicité de boissons alcoolisées est de 75 000 euros. La loi du 10 mai 2024 visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes prévoit jusqu’à 300 000 euros d’amende en cas de pratiques commerciales trompeuses, et jusqu’à 750 000 euros en cas d’abus de faiblesse.

Or le public visé par les influenceurs, majoritairement jeune, est fragile. S’il est nécessaire de légiférer sur le marketing très agressif que pratiquent ces influenceurs, il convient également de tenir compte de la vulnérabilité des publics visés. Les sanctions ne peuvent pas être à géométrie variable.

Le problème principal auquel sont confrontés nos jeunes réside dans la publicité faite par les influenceurs, une publicité parfois effectuée de manière frauduleuse. Bien souvent, le caractère publicitaire des contenus publiés n’apparaît pas clairement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 101.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 102, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 3 et 4

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement vise à supprimer un certain nombre de dispositions redondantes avec des mesures de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et Résilience.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. L’imposition d’un message d’information sur les publicités pour la mode express est, selon moi, une mesure appropriée et proportionnée.

Permettez-moi de dresser un parallèle avec la restauration rapide : chacun sait que les produits proposés par ce secteur ont un effet néfaste sur la santé, mais il n’est pas pour autant interdit d’en faire la publicité. En revanche, un message sensibilise le consommateur aux risques auxquels il s’expose pour qu’il choisisse de consommer en connaissance de cause. Nous proposons d’adopter la même logique pour la mode express.

Vous affirmez, madame la ministre, que ces dispositions seraient redondantes, en raison de l’obligation prévue par la loi Climat et Résilience de faire figurer l’affichage environnemental, lorsqu’il sera obligatoire, dans les publicités. Or nous n’avons pas connaissance d’un éventuel calendrier d’entrée en vigueur de cette mesure ni même l’assurance qu’elle sera validée par l’Union européenne.

Dans l’attente de l’application de ce dispositif, nous estimons faire preuve de pragmatisme en imposant une obligation d’affichage pour les seuls produits de la mode express. Nous serons heureux de voter l’abrogation de cette obligation lorsqu’elle sera effectivement redondante…

Par ailleurs, je suis bien consciente du risque de greenwashing. À cet égard, j’attends beaucoup du décret d’application de cette obligation qui fixera, j’en suis sûre, toutes les garanties pour prévenir ce risque. J’ajoute que plusieurs amendements tendent à instaurer un message incitant à un mode de consommation plus sobre. Leur adoption est également un moyen de nous prémunir d’un tel greenwashing.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 102.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 43 rectifié est présenté par Mmes Espagnac et Bonnefoy, M. Gillé, Mme Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Omar Oili, Ouizille, Uzenat, M. Weber et Kanner, Mme Linkenheld, M. Michau, Mmes Monier, Canalès et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 68 est présenté par M. Hingray.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« En complément de l’information sur l’impact environnemental mentionnée au présent 4°, toute publicité, quel que soit le support utilisé, relative à la commercialisation de produits relevant de la pratique commerciale définie à l’article L. 541-9-1-1 du code de l’environnement, doit être accompagnée d’un message encourageant des modes de consommation plus durables, tels que l’achat de produits de seconde main ou la location, afin de contribuer à la réduction de l’impact environnemental lié à la production de nouveaux produits. »

La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour présenter l’amendement n° 43 rectifié.

Mme Frédérique Espagnac. Le présent amendement vise à enrichir les messages d’information environnementale dans la publicité pour les produits relevant de la fast fashion. Concrètement, il s’agit d’encourager par un message clair des options plus durables, telles que l’achat de produits de seconde main ou fabriqués en France.

Plutôt qu’une contrainte, il s’agit d’un levier de sensibilisation : face aux dégâts environnementaux de la surproduction textile, notamment causée par l’ultrafast fashion, les consommateurs ont un rôle clé à jouer. Encore faut-il leur donner les bons repères.

Cet amendement élaboré avec l’aide de l’entreprise française Vestiaire Collective s’inscrit dans une logique de transition vers un modèle circulaire plus sobre et plus responsable.

M. le président. La parole est à M. Jean Hingray, pour présenter l’amendement n° 68.

M. Jean Hingray. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Il est nécessaire de réguler la publicité pour la mode express, afin que le consommateur puisse faire un choix éclairé. Le message proposé compléterait utilement l’information déjà prévue à l’article 3 bis, et permettrait d’éviter tout greenwashing de la part des producteurs de la mode express.

En effet, non seulement les consommateurs potentiels seront informés de l’impact néfaste de la mode express sur l’environnement, mais ils pourront également en savoir davantage sur les entreprises plus vertueuses du secteur textile. In fine, les entreprises de la mode express feront de la publicité pour la mode circulaire : une telle mesure s’inscrit parfaitement dans l’esprit de cette proposition de loi.

La commission émet donc un avis favorable sur les amendements identiques nos 43 rectifié et 68.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 43 rectifié et 68.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 22 rectifié bis, présenté par Mme Jouve, M. Masset, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin et MM. Guiol et Laouedj, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – Après l’article L. 229-66 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 229-66–… ainsi rédigé :

« Art. L. 229-66–… – Les messages publicitaires en faveur de produits relevant d’une pratique commerciale mentionnée à l’article L. 541-9-1-1 du code de l’environnement doivent contenir une information à caractère environnemental.

« Le non-respect de cette obligation d’information par les annonceurs et promoteurs est puni d’une amende de 20 000 € pour une personne physique et de 100 000 € pour une personne morale.

« Les modalités d’application du premier alinéa, notamment le contenu du message, sont déterminées par décret en Conseil d’État pris après consultation de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité. »

La parole est à M. André Guiol.

M. André Guiol. Cet amendement vise à introduire un message à caractère environnemental dans toutes les publicités pour des produits relevant de la mode éphémère.

Ce message sera complémentaire de l’information synthétique sur l’impact environnemental du produit prévue à l’article 3 bis. En effet, afin d’éviter tout greenwashing, il est important d’ajouter un message supplémentaire indiquant que, si une entreprise donnée est contrainte d’afficher le coût environnemental de son produit, c’est bien parce que ses pratiques relèvent de la mode éphémère.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Je ne suis pas sûre de bien saisir ce que recouvre l’« information à caractère environnemental » que vous voulez instaurer.

Cependant, je comprends le risque que vous soulignez : il ne faudrait pas que des entreprises de la mode express paraissent plus vertueuses qu’elles ne le sont, parce qu’elles ont l’obligation d’afficher l’impact environnemental de leurs produits dans leurs publicités.

Les amendements nos 43 rectifié et 68, que nous venons d’adopter, ont pour objet d’instaurer un message encourageant des modes de consommation plus durables, ce qui me semble neutraliser ce risque.

Par ailleurs, les conditions d’application de l’information sur l’impact environnemental seront fixées par décret en Conseil d’État. Il est à mon sens nécessaire, pour éviter le risque que vous évoquez, que ce décret prévoie une obligation de mentionner dans la publicité que le message à caractère environnemental résulte d’une obligation légale.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. André Guiol, pour explication de vote.

M. André Guiol. Au vu des arguments de Mme la rapporteure, je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 22 rectifié bis est retiré.

La parole est à Mme Marion Canalès, sur l’article.

Mme Marion Canalès. Ce que révèle l’article 3 bis, c’est que, d’une manière générale, les réseaux sociaux et les influenceurs mettent au défi nos législations internes, et ce dans de nombreux domaines. Dès lors qu’il s’agit d’exploiter des vulnérabilités sociales, écologiques ou liées à l’âge, il convient de décider rapidement d’un certain nombre d’ajustements.

Aussi mon groupe et moi sommes-nous très favorables à cet article. Je rappelle que le marketing de l’influence représentait, en 2021, un marché de plus de 13 milliards de dollars.

Il a beaucoup été question de publicité au cours de nos débats, mais de quelle publicité parlons-nous ? Nous devons aussi y inclure les placements de produits et les publicités interstitielles et intrusives. Et même lorsque nous aurons pris des dispositions, nous n’en aurons pas fini avec le problème, car les influenceurs de demain ne seront plus des êtres humains, mais des intelligences artificielles !

Il nous faut aller vite, mes chers collègues, et cet article est salutaire à ce titre. Cela étant, nous ne sommes pas au bout de nos peines face à l’eldorado des stratégies adoptées sur les réseaux sociaux, notamment par les influenceurs.

Tout ce qui est de nature à renforcer la promotion de messages positifs va dans le bon sens. Nous devons combattre les messages négatifs diffusés par les influenceurs, lesquels contraignent toute une génération à s’habiller ou à faire la fête de telle ou telle façon et, en somme, lui imposent tout ce qu’implique le fait d’être jeune aujourd’hui.

Le groupe socialiste votera naturellement l’article 3 bis.

M. le président. Je mets aux voix l’article 3 bis, modifié.

(Larticle 3 bis est adopté.)

Article 3 bis (nouveau)
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Article 5

Article 4

Le code de l’environnement est ainsi modifié :

1° (Supprimé)

2° Au premier alinéa de l’article L. 541-9-4-1, les mots : « à l’article L. 541-9-1 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 541-9-1 et L. 541-9-1-1 ».

M. le président. L’amendement n° 121, présenté par Mme Valente Le Hir, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 3

1° Remplacer les mots :

aux articles

par les mots :

à l’article

2° Après le mot :

et

insérer les mots :

au II de l’article

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 121.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié.

(Larticle 4 est adopté.)

Article 4
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Article 6

Article 5

Après le 32° de l’article L. 511-7 du code de la consommation, il est inséré un 32° bis ainsi rédigé :

« 32° bis De l’article L. 541-9-1-1 du code de l’environnement ; ».

M. le président. L’amendement n° 105, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le 28° de l’article L. 511-7 du code de la consommation est ainsi rédigé :

« 28° Des articles L. 541-9-1 et L. 541-9-1-1 du même code ; ».

La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avec cet amendement, le Gouvernement vise une amélioration légistique de l’article 5.

Nous proposons notamment d’améliorer la lisibilité de l’article L.511-7 du code de la consommation concernant les habilitations accordées aux agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. À cet effet, le présent amendement tend à regrouper au sein d’un même article les dispositions relatives à la pratique de la mode ultra-éphémère et celles qui ont trait à l’information sur les qualités et les caractéristiques environnementales des produits.

Cette mesure est complémentaire de l’article 4 de la présente proposition de loi, qui prévoit des sanctions en cas de manquements à l’obligation d’afficher un message d’information et à l’interdiction de publicité. Il tend à rendre plus effectives les dispositions de ce texte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.

M. Jacques Fernique. Sauf erreur de ma part, à l’article 5 de la présente proposition de loi, il n’est nullement question de l’habilitation donnée à la DGCCRF d’effectuer des contrôles sur le respect de l’interdiction de la publicité.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 105.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 88, présenté par Mme Guhl, MM. Fernique, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Gontard, Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Au début

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – L’article L. 113-2 du code de la consommation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette disposition ne s’applique pas au fabricant, producteur ou distributeur de produits neufs mentionnés au 11° de l’article 541-10-1 du code de l’environnement. »

La parole est à Mme Antoinette Guhl.

Mme Antoinette Guhl. Cet amendement vise à renforcer le droit à l’information des consommateurs sur les conditions de fabrication des produits textiles, en particulier du point de vue du respect des droits humains fondamentaux, tout au long de la chaîne d’approvisionnement.

À l’heure actuelle, le code de la consommation permet à un fabricant ou à un distributeur de refuser de transmettre certaines informations aux consommateurs s’il estime que cela pourrait compromettre ses intérêts industriels. Si cette dérogation est légitime dans certains cas, elle est inacceptable lorsqu’elle sert à dissimuler des pratiques de production portant atteinte à la dignité humaine.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Si je comprends l’intérêt qu’il y aurait à renforcer l’information du consommateur, cet amendement tend à instaurer une très large exemption au principe central de secret des affaires.

En effet, il a pour objet d’exclure totalement les produits textiles d’un tel principe. Une telle dispense me semble disproportionnée. Des entreprises mal intentionnées pourraient en profiter pour obtenir des informations stratégiques sur leurs concurrents.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 88.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 5, modifié.

(Larticle 5 est adopté.)

Article 5
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Après l’article 6

Article 6

(Non modifié)

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport étudiant l’opportunité d’un élargissement du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières aux produits textiles fabriqués en dehors du territoire de l’Union européenne – (Adopté.)

Article 6
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Article 7

Après l’article 6

M. le président. L’amendement n° 69, présenté par M. Hingray, est ainsi libellé :

Après l’article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le troisième alinéa de l’article L. 312-19 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Elle inclut une sensibilisation aux impacts environnementaux incluant l’apprentissage des matériaux responsables ou à faibles impacts, les pratiques durables du quotidien dans l’usage des vêtements, et aux conditions de production ainsi qu’à l’étiquetage. Elle met l’accent sur la responsabilité individuelle et collective dans la préservation de l’environnement et vise à développer une pensée critique concernant les modèles de production non durables. Elle s’appuie sur des cas concrets, tels que la consommation écoresponsable de produits textiles et d’habillement. »

La parole est à M. Jean Hingray.

M. Jean Hingray. Cet amendement vise à compléter l’approche régulatrice des auteurs de la proposition de loi par une action éducative en amont.

En effet, si le présent texte prévoit un encadrement renforcé de la mode éphémère et des pratiques commerciales à fort impact environnemental, et un effort accru de transparence de la part des entreprises, nous gagnerions à actionner en parallèle un puissant levier culturel et comportemental : l’éducation.

La formation des jeunes à la compréhension de l’impact de l’industrie textile sur l’environnement, sur les conditions sociales et sur leur pouvoir d’achat représente un investissement civique et écologique de long terme.

Cet amendement vise non pas à créer un enseignement nouveau, mais à inclure la mode écoresponsable dans le champ plus large de l’éducation au développement durable, déjà prévue à l’article L. 312-19 du code de l’éducation. Il s’agit de rendre le contenu de cet enseignement plus concret et plus proche de la vie quotidienne des élèves, en incitant l’enseignant à s’appuyer sur des cas pratiques.

Une telle sensibilisation renforcerait l’impact des dispositions prévues par cette proposition de loi en formant des consommateurs éclairés, conscients des enjeux écologiques et sociaux de leurs actes d’achat. Elle favorise un changement des comportements sans coercition ni stigmatisation, dans l’esprit d’une écologie populaire et inclusive. (M. Loïc Hervé applaudit.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. La meilleure manière de lutter contre la mode express est de sensibiliser le consommateur. Aussi, je vous remercie, mon cher collègue, de cet amendement qui tend à compléter utilement la proposition de loi, en incluant la sensibilisation, dès le plus jeune âge, à l’environnement et au développement durable.

Il est utile d’adopter une telle mesure pour lutter contre les pratiques néfastes pour l’environnement sur le long terme. Les enfants sont nos meilleurs ambassadeurs !

La commission émet un avis favorable sur cet amendement

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je ne vous cache pas que j’attends avant tout de l’école qu’elle apprenne à nos enfants à lire, à compter, à résoudre des problèmes et à développer un esprit critique.

Cela dit, il est important d’expliquer les enjeux liés au développement durable à nos enfants, en particulier dans un contexte où la connaissance scientifique est remise en cause dans de nombreux pays. Nous devons apprendre aux jeunes à faire preuve d’esprit critique face à un marketing qui se veut terriblement intrusif et leur transmettre les connaissances nécessaires pour évaluer les conséquences de leurs actions et de leurs choix de consommation. En somme, nous devons en faire des citoyens éclairés.

Toutefois, il ne me semble pas nécessaire d’entrer dans un tel degré de précision pour ce qui est de détailler le contenu de cet enseignement dans le code de l’éducation. Aussi, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Madame la rapporteure, si j’ai suivi jusqu’à présent l’intégralité des positions que vous avez défendues, ce ne sera pas le cas sur cet amendement.

J’ai étudié avec attention l’amendement de Jean Hingray, et je crains que celui-ci ne se substitue quelque peu au Conseil supérieur des programmes (CSP). Le contenu qu’il propose pourrait donner matière à au moins un an d’enseignement de la géographie ou des sciences économiques et sociales en classe de seconde…

Mes chers collègues, soyons un peu sérieux ! Loi après loi, le code de l’éducation devient de plus en plus obèse. Une telle disposition n’a donc rien à faire en son sein. Ce code traite déjà des questions de développement durable et comporte bien assez d’injonctions délivrées par le législateur pour codifier les programmes !

Laissons le Conseil supérieur des programmes jouer son rôle en tenant compte du nombre d’heures d’enseignement disponibles au cours d’une année scolaire, et en gardant en tête que l’école est d’abord là pour apprendre à lire, à écrire et à compter.

M. le président. La parole est à M. Jean Hingray, pour explication de vote.

M. Jean Hingray. Je tiens simplement à dire à mon collègue et ami Max Brisson que je connais son point de vue, puisque nous avons déjà débattu de ce sujet à l’occasion de l’examen d’une autre proposition de loi.

Cet amendement vise avant tout à donner une impulsion allant dans le sens du texte que nous examinons. Il est évidemment primordial d’éduquer les jeunes générations.

Je comprends la position de notre collègue, mais l’adoption de cet amendement permettrait, me semble-t-il, d’envoyer un signal fort.

M. Max Brisson. Protégeons le code de l’éducation !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 69.

(Lamendement est adopté.) – (M. Loïc Hervé applaudit.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 6.

Après l’article 6
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Après l’article 7

Article 7

(Non modifié)

Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dressant le bilan de la mise en œuvre de mesures miroirs aux frontières du marché intérieur européen pour imposer des normes sanitaires, sociales et environnementales européennes à l’importation des produits textiles à renouvellement rapide et très rapide. Ce rapport analyse également l’opportunité d’inverser la charge de la preuve au moment de l’entrée des produits dans l’Union européenne ; il incomberait à l’exportateur d’apporter la preuve que ses produits ont été produits dans des conditions conformes aux normes européennes.

M. le président. L’amendement n° 89, présenté par Mme Guhl, MM. Fernique, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Gontard, Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Compléter cet article par les mots :

avec une vigilance particulière quant au respect des droits humains

La parole est à Mme Antoinette Guhl.

Mme Antoinette Guhl. Cet amendement vise, sans créer de nouvelle obligation, à souligner la nécessité de faire preuve d’une vigilance accrue quant au respect des droits humains dans l’évaluation des conditions de production de la filière textile.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Les répercussions de la mode express sur les droits humains sont de mieux en mieux documentées. Ce sujet nous préoccupe tous et renforce notre détermination à réguler les plateformes.

Notre proposition de loi se concentre sur l’impact environnemental de telles pratiques, mais il sera nécessaire de s’intéresser à l’avenir à cette autre dimension, qui pourrait faire l’objet de travaux du Sénat. À cet égard, le rapport demandé au Gouvernement pourrait d’ailleurs nous servir de base.

La commission émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Nous sommes tous d’accord, me semble-t-il, pour considérer que l’ultrafast fashion a un impact social dans les pays de production. Et ceux-ci ne feront aucune communication à ce sujet. Mais ce qui nous importe ici, et ce à quoi nous devons veiller, c’est son impact environnemental dans notre pays, mesurable et transparent celui-ci. Même si je fais mien l’objectif que vise cet amendement, je considère que, tel qu’il est rédigé, son dispositif n’est pas opérant. D’autres textes, défendus dans cette enceinte ou ailleurs, intègrent cet enjeu.

Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 89.

(Lamendement est adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 7, modifié.

(Larticle 7 est adopté.)

Article 7
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Intitulé de la proposition de loi (début)

Après l’article 7

M. le président. L’amendement n° 113 rectifié quater, présenté par MM. Rochette et Malhuret, Mme Paoli-Gagin, MM. A. Marc et Capus, Mme Bourcier, MM. Chevalier, Brault, Chasseing et Wattebled, Mme Lermytte, MM. L. Hervé, Henno et de Nicolaÿ et Mme Havet, est ainsi libellé :

Après l’article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la section XV du chapitre I bis du titre III de la deuxième partie du livre premier du code général des impôts, est insérée une section ainsi rédigée :

« Section …

« Taxe sur les petits colis de provenance extra-européenne

« Art. L…. – I. – Il est institué une taxe due par les places de marché, plateformes, portails ou dispositifs similaires établis hors de l’Union européenne et expédiant en France des colis d’un poids inférieur à 2 kg à destination de personnes physiques.

« II. – La taxe est assise sur le nombre de colis d’un poids inférieur à 2 kg expédiés en France et dont le destinataire est une personne physique.

« III. – Le fait générateur de la taxe est constitué par l’opération de livraison.

« IV. – La taxe, comprise entre 2 € et 4 €, est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés du numérique et du budget.

« V. – La taxe est déclarée et liquidée par le redevable aux dates déterminées par un arrêté du ministre chargé du budget. La périodicité des déclarations et des paiements est au plus mensuelle et au moins annuelle.

« VI. – La taxe est recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que les taxes sur le chiffre d’affaires. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ces mêmes taxes.

« VII. – Lorsque le redevable n’est pas établi dans un État membre de l’Union européenne ou dans l’un des États mentionnés au 1° du I de l’article 289 A, il fait accréditer auprès du service des impôts compétent, dans les conditions prévues au IV du même article 289 A, un représentant assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée établi en France, qui s’engage à remplir les formalités au nom et pour le compte du redevable et, le cas échéant, à acquitter la taxe à sa place. »

La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Il s’agit d’un amendement de notre collègue Pierre Jean Rochette.

Cela a été dit, près de 800 millions de petits colis de moins de deux kilogrammes arrivent chaque année sur le territoire national, et plus de sept milliards sur le territoire de l’Union européenne.

Même si des mesures sont en cours d’élaboration à l’échelon européen, mon collègue, lui, fait de la politique. C’est pourquoi il propose, par cet amendement, d’instaurer sur ces colis de moins de deux kilogrammes une taxe comprise entre 2 euros et 4 euros,…

M. Loïc Hervé. Très bien !

Mme Vanina Paoli-Gagin. … qui serait due par les places de marché, plateformes, portails ou dispositifs similaires établis hors de l’Union européenne pour tout colis livré à des personnes physiques.

M. Loïc Hervé. C’est une bonne idée !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. La taxation des petits colis de provenance extra-européenne est une nécessité pour mieux lutter contre la mode express. Un projet d’évolution en ce sens est en cours d’élaboration à l’échelle européenne, projet dont la France a pris l’initiative et que défend notamment la ministre Véronique Louwagie. Je m’en félicite et je souhaite que ces travaux aboutissent au plus vite.

Il n’est toutefois pas possible juridiquement d’instaurer une telle taxation à l’échelle nationale. Aussi, je vous invite à retirer votre amendement, ma chère collègue ; à défaut, j’y serai défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je tiens à vous rassurer, madame la sénatrice : à la différence de la situation que nous évoquions précédemment à l’article 3, les ministres Éric Lombard, Amélie de Montchalin et Véronique Louwagie ont d’ores et déjà fait bouger la Commission européenne, laquelle a elle-même pris l’initiative de proposer de taxer les petits colis – un montant de 2 euros a été évoqué comme base de négociation.

Comme l’a dit Mme la rapporteure, laissons les travaux suivre leur cours. De fait, alors même que nous avons réussi à rallier la Commission européenne à notre position, celle-ci, si nous devions instaurer notre propre taxe avant même la fin des négociations, pourrait considérer cette attitude comme quelque peu agressive. Or il nous faut avancer.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 113 rectifié quater.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 7.

Après l’article 7
Dossier législatif : proposition de loi visant à  réduire l'impact environnemental de l'industrie textile
Intitulé de la proposition de loi (fin)

Intitulé de la proposition de loi

M. le président. L’amendement n° 16 rectifié quater, présenté par Mme Jouve, M. Masset, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Grosvalet, Mme Guillotin et MM. Guiol et Laouedj, est ainsi libellé :

Après les mots :

visant à

rédiger ainsi la fin de cet intitulé :

réduire l’impact environnemental de la mode ultra-express

La parole est à M. André Guiol.

M. André Guiol. Cet amendement vise à modifier l’intitulé de la proposition de loi afin de tirer les conséquences des dispositions qui y ont été insérées, notamment à son article 1er, qui définit ce qu’est la mode ultra-express.

C’est pourquoi, afin que celui corresponde davantage à son contenu, nous proposons l’intitulé suivant : « proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de la mode ultra-express ».

En effet, par ce texte, nous cherchons à définir et à encadrer la fast fashion afin de réduire son impact environnemental et social. Il n’a pas vocation à s’appliquer à l’industrie textile dans son ensemble, au sein de laquelle des enseignes s’engagent en faveur d’une mode répondant à un modèle durable et responsable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Cette proposition de loi vise en effet à pénaliser, non pas l’ensemble de l’industrie textile, mais uniquement la mode express. À cet égard, il est nécessaire d’insister sur le fait que la lutte contre cette dernière permet de réduire considérablement l’impact environnemental de l’industrie textile. En ce sens, l’intitulé actuel de la proposition de loi, qui reprend cet objectif de réduction, me paraît approprié.

Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Guiol, l’amendement n° 16 rectifié quater est-il maintenu ?

M. André Guiol. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 16 rectifié quater est retiré.

Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des articles de la proposition de loi, dans le texte de la commission.

Je vous rappelle que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du texte se dérouleront le mardi 10 juin, à quatorze heures trente.

La suite de la discussion est renvoyée à cette prochaine séance.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Au préalable, je veux dire quelques mots pour remercier et féliciter la rapporteure de l’important travail qu’elle a mené, dans des conditions qui n’ont pas été faciles, et de l’ensemble des échanges qu’elle a suscités. D’autant que c’était là son premier rapport.

Je veux également exprimer un léger regret au sujet de l’article 2. En effet, j’ai du mal à comprendre que nous y ayons introduit une obligation supplémentaire, qui, comme l’a d’ailleurs bien expliqué Mme la ministre, s’appliquera à toutes les entreprises, françaises comme européennes. Cette évolution me semble malheureusement aller à l’encontre du souhait qu’exprime régulièrement le Sénat d’une plus grande simplification et constituer un mauvais signal pour le développement de nos territoires.

J’ai bien noté que l’article 3 avait été rétabli. C’est très bien. J’espère simplement qu’il en ira avec cet article autrement que ce qu’il s’est passé avec la loi Climat et Résilience : quatre ans après qu’elle a été votée, l’interdiction de la publicité pour les énergies fossiles et les SUV n’est aujourd’hui toujours pas en vigueur ! Donc, espérons que ce que nous avons voté ce soir ne restera pas, pareillement, lettre morte pendant quatre ans…

Mes chers collègues, je vous remercie, et, encore une fois, bravo à Mme la rapporteure pour son travail ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, RDPI, INDEP, Les Républicains et GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je veux d’abord vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, de la qualité des débats que nous avons eus aujourd’hui, lesquels ont permis, me semble-t-il, de faire évoluer ce texte, et pas nécessairement dans le sens qui pouvait être envisagé au départ. Et ce sont les bons débats qui permettent de faire bouger les lignes.

Ce texte est aussi ambitieux qu’on pouvait l’espérer, alors que cela n’allait pas de soi compte tenu de son caractère complexe. La conventionnalité ou la constitutionnalité de certaines de ses dispositions a ainsi été débattue. Néanmoins, et nous le savons tous bien, il constitue un bon point de départ pour agir au niveau européen et nous rend plus forts pour cela.

De même, cette proposition de loi n’épuise pas le sujet et il faudra lui adjoindre d’autres briques. Vous avez d’ailleurs, les uns et les autres, dans vos différentes interventions, mentionné d’autres pistes : actions douanières ; application loyale des règles commerciales ; taxation des colis ; régulation des réseaux – le règlement européen sur les services numériques, dit DSA, est désormais entré en vigueur.

Nous avons donc là une panoplie de mesures à notre disposition.

Monsieur le président de la commission, je ne crois pas que l’on puisse dire que l’article 2 introduit un élément de complexité dans ce texte. Il n’est nullement question d’imposer quoi que soit ; nous honorons un engagement pris auprès de la Commission européenne, qui nous a autorisés à appliquer cet Éco-score à condition que l’adhésion à celui-ci se fasse sur la base du volontariat. Par conséquent, nous en restons dans ce cadre, tout en agissant au niveau européen en faveur de la mise en place d’un Éco-score aussi proche que possible du nôtre. Et ayez bien à l’esprit que, dès que cet Éco-score européen sera opérationnel, il se substituera au nôtre.

Je ne serai pas présente dans votre hémicycle, mardi prochain, pour le vote sur l’ensemble de cette proposition de loi, me trouvant au même moment à Nice pour assister à la conférence des Nations unies sur l’océan, qui se tiendra du 9 au 13 juin. Cependant, Véronique Louwagie sera très heureuse d’être à ma place à cette occasion. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et SER.)

Intitulé de la proposition de loi (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à  réduire l'impact environnemental de l'industrie textile
 

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Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 3 juin 2025 :

À quatorze heures trente et le soir :

Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à réformer le mode d’élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille (texte n° 532, 2024-2025).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mardi 3 juin 2025, à zéro heure dix.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER