Sommaire

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Céline Brulin,

M. Fabien Genet.

Questions d'actualité au Gouvernement

conditions d'adoption de la proposition de loi réformant le mode d'élection à paris, lyon et marseille

violences à l'occasion de la finale de la coupe d'europe

cohérence entre les choix économiques du gouvernement et les engagements de la france en matière environnementale

durcissement des sanctions pénales

situation à gaza

situation de la psychiatrie et de la santé mentale en france

assassinat de hichem miraoui

assassinat de hichem miraoui

financement des nouvelles places de prison

emploi des seniors

prolongation de l'accès rapide aux innovations thérapeutiques

situation des artisans pêcheurs

(À suivre)

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Céline Brulin,

M. Fabien Genet.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions d'actualité au Gouvernement

Mme la présidente. Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'indique que M. le président du Sénat, Gérard Larcher, ne peut présider notre séance, car il participe à Varsovie, à l'invitation de Mme Malgorzata Kidawa-Blonska, présidente du Sénat polonais, à la réunion des Sénats de Pologne, d'Allemagne et de France en format « triangle de Weimar », aux côtés de nos collègues Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes, Philippe Paul, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et Gisèle Jourda, vice-présidente de la commission des affaires européennes.

L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

conditions d'adoption de la proposition de loi réformant le mode d'élection à paris, lyon et marseille

Mme la présidente. La parole est à M. Ian Brossat, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. Ian Brossat. Ma question s'adresse à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.

Le Sénat était amené, hier, à se prononcer sur la réforme du mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille. Cette proposition de loi a été très – très ! – massivement rejetée par le Sénat.

Les débats d'hier ont permis de démonter un à un tous les arguments avancés par les promoteurs de ce texte. Non, la proposition de loi visant à réformer le mode d'élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille ne garantira pas le principe « un électeur, une voix », comme vous l'avez d'ailleurs reconnu avec honnêteté au cours des débats, monsieur le ministre, alors que tel était l'argument massue de ceux qui proposaient cette réforme.

Non, cette proposition de loi ne garantira pas le retour au droit commun, puisqu'elle prévoit une prime de 25 % pour la liste arrivée en tête, ce qui n'existe dans aucune autre commune de France.

Elle ne garantira pas non plus l'élection directe du maire à Paris, Lyon et Marseille, élection directe qui, du reste, n'existe dans aucune commune de France.

Bref, aucun des arguments avancés pour justifier ce texte ne tient la route. M. le Premier ministre, François Bayrou, le disait d'ailleurs ici même le 19 février dernier en réponse à une question de notre collègue Mathieu Darnaud : « Je n'imagine pas qu'un texte puisse être adopté sur ce sujet sans qu'un accord soit trouvé entre l'Assemblée nationale et le Sénat. » (Mme Agnès Evren applaudit.)

Il va falloir vous y faire : il n'y aura pas d'accord sur ce texte, pour la simple et bonne raison que le Sénat a massivement considéré, hier, que cette proposition de loi était inamendable et qu'elle méritait d'être rejetée en bloc.

Ma question est donc simple : qu'attendez-vous pour ranger ce texte dans le placard dont il n'aurait jamais dû sortir ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes SER, GEST et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Patrick Mignola, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Brossat, il est possible d'être en désaccord – je l'ai rappelé hier – sans pour autant caricaturer les positions des uns et des autres !

Depuis que ce gouvernement est arrivé aux responsabilités, voilà quelques mois, on a entendu beaucoup de propos susceptibles de bousculer nos institutions. J'ai entendu parfois, sur les bancs de l'Assemblée nationale – heureusement, tel n'est pas le cas au Sénat –, assimiler certains usages de l'article 49.3 à des coups d'État et certaines motions de rejet préalable à des « 49.3 parlementaires ».

M. Pascal Savoldelli. Ce n'est pas la question !

M. Patrick Mignola, ministre délégué. Et, désormais, j'entends que convoquer une commission mixte paritaire (CMP) sur la proposition de loi réformant le mode d'élection à Paris, Lyon et Marseille serait un coup de force ! Tel n'est pas le cas. Une CMP, c'est précisément le lieu du compromis et du consensus, ce même compromis et ce même consensus qu'en l'espèce – vous l'avez rappelé à raison – le Premier ministre appelait de ses vœux.

M. Marc-Philippe Daubresse. Il y a des sincérités successives...

M. Patrick Mignola, ministre délégué. Imaginons un instant qu'un texte soit largement adopté au Sénat, puis soit rejeté à l'Assemblée nationale.

M. Pascal Savoldelli. On n'est pas sur Netflix !

M. Patrick Mignola, ministre délégué. Pourrait-on concevoir que les députés demandent que la CMP ne soit pas convoquée ? D'ailleurs, il n'y a même pas besoin d'imaginer un tel scénario : c'est ce qui s'est passé sur la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur des sénateurs Duplomb et Menonville. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s'exclame.) Et le Gouvernement va bel et bien convoquer, sur ce texte, une CMP.

Pour ce qui est du texte à propos duquel vous m'interrogez, l'Assemblée nationale comme le Sénat ont parfaitement identifié les sujets qui pouvaient faire l'objet de débats : la question de la prime majoritaire ; le cas spécifique de Lyon ; l'élection des conseillers métropolitains ; la désignation des grands électeurs de ces trois villes. (M. François Bonhomme s'exclame.)

M. Patrick Mignola, ministre délégué. C'est en CMP – nous l'espérons – que pourra être trouvé le chemin d'un compromis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Cécile Cukierman proteste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ian Brossat, pour la réplique.

M. Ian Brossat. Monsieur le ministre, vous disiez, soutenant ce texte, qu'il s'agissait de lutter contre une forme d'anomalie démocratique.

L'anomalie démocratique, ce n'est pas le mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille.

L'anomalie démocratique, c'est de vouloir imposer un tel texte, qui concerne les territoires, sans la chambre des territoires, contre la chambre des territoires et contre les élus concernés ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, GEST et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)

violences à l'occasion de la finale de la coupe d'europe

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Florennes, pour le groupe Union Centriste.

Mme Isabelle Florennes. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux.

Après les violences insupportables perpétrées à l'issue de la victoire du PSG, je tiens à rendre hommage à toutes les victimes et à leurs familles, et particulièrement aux deux personnes décédées ainsi qu'aux policiers et gendarmes blessés. Je tiens aussi à saluer l'engagement de toutes nos forces de l'ordre, qui sont intervenues pour protéger nos concitoyens.

Ce déchaînement de violence a de quoi nous interpeller quand on le compare à la liesse populaire dont la Coupe du monde de 1998 avait été l'occasion. C'était il y a vingt-sept ans ; c'était un autre monde. Nous ne pouvons plus accepter de tels actes.

Les premières condamnations intervenues depuis ces événements dramatiques semblent marquées d'une extrême mansuétude : deux à huit mois de prison avec sursis, un stage de citoyenneté ou une simple amende de quelques centaines d'euros.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. La justice est indépendante !

Mme Isabelle Florennes. Cette impression d'indulgence laxiste est choquante.

Face à cela, vous avez réagi en déclarant que les condamnations « ne sont plus à la hauteur de la violence que connaît notre pays ». Et pourtant, ces décisions sont à mettre en parallèle avec votre circulaire de politique pénale générale du 27 janvier dernier, dans laquelle vous appeliez déjà à plus de fermeté contre toutes les atteintes dont les représentants de nos institutions sont victimes.

Monsieur le garde des sceaux, comment concrètement comptez-vous rendre cette fermeté effective ? Vous l'avez dit, voilà qui ne peut passer que par la loi. Avez-vous aujourd'hui les moyens de faire évoluer radicalement ladite loi ? En outre, comment s'assurer que cette fermeté aura enfin un effet profondément dissuasif ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, à ne considérer que le ressort de la préfecture de police – il y a eu d'autres violences ailleurs sur le territoire national : je pense évidemment aux blessés graves de Grenoble, au policier blessé dans la Manche et placé dans le coma, au mort de Dax –, les services de M. le ministre de l'intérieur ont procédé à 600 interpellations. Sur ces 600 interpellations, on compte seulement 256 gardes à vue. Il y a donc déjà un écart très important entre le nombre d'interpellations et le nombre de gardes à vue par les policiers ou gendarmes.

Je rappelle que les questions de maintien de l'ordre sont sous l'autorité du préfet de police et du ministre de l'intérieur, et non sous l'autorité des procureurs de la République, laquelle ne s'exerce qu'à partir de la garde à vue. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s'exclame.)

Sur les 256 gardes à vue, il y a eu 82 classements sans suite, soit pour irrégularité de procédure soit pour absence d'infraction. Se pose en effet la question de l'infraction collective, que le Parlement doit concéder, me semble-t-il, au ministère de la justice et au ministère de l'intérieur, sachant que le droit pénal – vous le savez – est individuel. Une proposition de loi visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations avait été portée par MM. Retailleau et Castaner ; sa disposition phare avait été censurée par le Conseil constitutionnel.

Je souhaite que soit créée une infraction visant les attroupements collectifs et permettant aux services de police de qualifier les faits pour éviter les classements sans suite.

Pour ce qui concerne les violences sur lesquelles vous m'interrogez, madame la sénatrice, j'ajoute que 52 mineurs sont concernés. À ce propos, vous venez d'adopter une proposition de loi instaurant une procédure de comparution immédiate spécifique aux mineurs, mais elle n'a pas encore été validée par le Conseil constitutionnel.

Mes propositions sont assez simples.

Comme il y a des peines maximales dans le code pénal, je souhaite la création de peines minimales. La tâche est plus difficile encore que pour les peines planchers, qui ne concernaient que les cas de récidive : les peines minimales que j'ai en vue seraient applicables dès le premier acte.

Autre proposition simple : trois mois de prison ferme, à exécution immédiate, dès lors que l'on s'en prend à un représentant des forces de l'ordre. (M. Laurent Somon acquiesce.)

Je souhaite également mettre fin – je l'ai dit dès mon arrivée à la Chancellerie – à l'obligation d'aménager les peines de moins d'un an d'emprisonnement, c'est-à-dire de revenir sur une orientation qui fut partagée par l'ensemble des gouvernements précédents et par les gardes des sceaux successifs – M. Perben, Mme Dati, Mme Taubira, Mme Belloubet, M. Dupond-Moretti.

Je compte proposer au Parlement, sous l'autorité du Premier ministre, l'abrogation du principe de l'aménagement obligatoire dès lors qu'une peine de prison a été prononcée, quelle qu'en soit la durée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Pierre Jean Rochette applaudit également.)

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. Je souhaite enfin la suppression du sursis.

À la demande du Premier ministre, je travaille donc sur un texte que j'espère pouvoir présenter au mois de septembre. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et Les Républicains. – MM. Franck Menonville et Olivier Cigolotti applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Florennes, pour la réplique.

Mme Isabelle Florennes. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces propositions.

Je vous renvoie à l'excellent rapport sénatorial fait par François-Noël Buffet, désormais ministre, en sa qualité de rapporteur de la commission d'enquête sur les émeutes survenues à compter du 27 juin 2023. La commission des lois y avait formulé un certain nombre de propositions relatives aux sanctions applicables aux primo-délinquants et aux mineurs délinquants. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Louis Vogel applaudit également.)

cohérence entre les choix économiques du gouvernement et les engagements de la france en matière environnementale

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Ronan Dantec. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, nous avions enregistré, en 2023, une baisse de 5,8 % de nos émissions de gaz à effet de serre : ce n'était pas si mal. Mais la baisse fut seulement de 1,8 % en 2024 : c'est totalement insuffisant pour tenir l'objectif européen de 55 % de réduction d'ici à 2030.

Malgré cette alerte, le gouvernement auquel vous appartenez accélère son désengagement brutal du financement de la transition écologique.

Concernant la décarbonation du secteur automobile, vous avez, en six mois, supprimé la prime à la conversion et divisé par trois l'aide à l'électromobilité, réduisant le leasing social et le bonus écologique. Par cette quasi-suppression de l'accompagnement financier de l'État pour le changement des véhicules anciens, vous avez ouvert une brèche dans laquelle se sont engouffrés les populistes pour chercher à supprimer les zones à faibles émissions (ZFE). (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Conséquence peu soulignée, le vote de l'Assemblée nationale va aussi redonner vie au marché de l'occasion des véhicules les plus polluants, au détriment des modèles les plus récents et, évidemment, de l'électrification du parc.

Monsieur le ministre, allez-vous poursuivre dans la même voie avec le gel de MaPrimeRénov' pour cause d'enveloppe déjà consommée ? En matière de stop and go, pratique fort nuisible, comme vous le savez, pour l'économie réelle, vous dépasseriez ainsi tout ce que nous avons connu par le passé, y compris sous Nicolas Sarkozy !

Je poserai deux questions très simples.

Avez-vous pleinement conscience, monsieur le ministre, que vos décisions vont provoquer mécaniquement des pertes d'emploi massives dans ces secteurs clés pour notre économie que sont le bâtiment et l'automobile ?

Assumez-vous ainsi des décisions qui nuisent directement à la santé des Français, surtout les plus modestes, par l'absence d'amélioration de leur logement ou par leur exposition à la pollution atmosphérique ? (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur Ronan Dantec, je veux d'abord réaffirmer devant vous que nous maintenons l'objectif d'une société décarbonée en 2050. (Exclamations ironiques sur des travées du groupe GEST.) Cet objectif est d'une importance vitale pour l'ensemble de nos concitoyens, pour notre économie et pour la qualité de la vie. Nous nous l'assignons dans toutes les dimensions de notre action.

Nous voulons promouvoir l'industrie – la réindustrialisation du pays –, mais une industrie verte. Je sors d'une réunion où étaient célébrés les vingt-cinq ans de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), qui a aussi pour mandat de favoriser le développement des énergies décarbonées. Ce développement, nous nous y attelons via un nouveau programme de centrales nucléaires, l'accélération de la production d'énergies renouvelables et l'investissement dans les réseaux qui permettent que l'électricité soit accessible partout.

Vous évoquez deux domaines : la rénovation des logements et l'automobile. Les budgets sont peut-être moins abondants que ce qui avait pu être envisagé dans le passé, mais cela ne nous empêche pas de poursuivre nos efforts.

Pour ce qui est des véhicules électriques, je veux rappeler que nous avons installé en France des usines de batteries et que le nouveau véhicule électrique proposé par un des grands fournisseurs français a entamé une brillante carrière commerciale. Cette dynamique sera soutenue par l'installation de bornes de recharge électrique, dont nous continuons à accélérer le développement : nous disposerons bientôt de 7 millions de bornes. La meilleure façon d'encourager nos concitoyens à acquérir des véhicules électriques est bien de rendre ces véhicules financièrement accessibles ; nous allons continuer à y travailler avec les constructeurs. À cette fin, il faudra sans doute alléger quelques réglementations européennes : les utilisateurs de véhicules électriques doivent pouvoir les recharger partout et à des conditions avantageuses.

Pour ce qui est de la rénovation thermique, il est vrai que le dispositif MaPrimeRénov' fait l'objet à la fois d'un encombrement et d'un excès de fraudes. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.) En la matière, et parce qu'il s'agit de finances publiques, il est impératif que nous reprenions la main ; d'où la suspension. Mais naturellement, une fois ce problème réglé, le processus pourra continuer. (M. François Patriat applaudit.)

M. Yannick Jadot. Et les artisans ?

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour la réplique.

M. Ronan Dantec. Monsieur le ministre, votre réponse est catastrophique. Elle va encore accroître l'inquiétude des artisans et de tous ceux qui ont besoin de rénover leur logement.

En guise de réplique, je me contenterai d'une citation : « Faire des reculs sur l'écologie pour privilégier l'économie, c'est de la paresse et ce n'est pas vrai. » Cette phrase est d'Emmanuel Macron ! Vous jouez le court terme et vous êtes en train de sacrifier l'avenir de la société française, la santé des Français et nos objectifs environnementaux ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER. – Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)

durcissement des sanctions pénales

Mme la présidente. La parole est à Mme Muriel Jourda, pour le groupe Les Républicains.

Mme Muriel Jourda. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux.

Je veux à mon tour revenir sur les faits d'une grande violence qui se sont déroulés samedi dernier, à la « faveur », ou plutôt au prétexte, d'un match de football. Certes, pour ce qui est des forces de l'ordre mobilisées, les moyens déployés étaient importants. En outre, les instructions données étaient inédites ; d'où le nombre d'interpellations que vous avez indiqué.

La question est désormais de savoir quelle va être la sanction. À mon sens, elle doit être punitive et dissuasive. Nous en sommes d'accord, me semble-t-il : en substance, monsieur le garde des sceaux, vous avez dit souhaiter que la sanction soit plus effective et plus lourde.

Mais comment allez-vous faire ? J'ai entendu votre réponse tout à l'heure, mais elle ne répond pas à un certain nombre de problèmes.

Comment imposer des peines minimales lorsque le principe d'individualisation des peines a été constitutionnalisé ? Comment allez-vous faire, sachant que cela suppose, au-delà de l'abrogation du texte de loi sur l'aménagement obligatoire des courtes peines, de s'opposer à une culture de politique pénale prévoyant que des peines d'avertissement doivent être données pour la première infraction, voire pour les premières infractions ?

Comment allez-vous faire pour diffuser, non seulement auprès des magistrats du parquet, mais aussi auprès des magistrats du siège, qui rendent les décisions, une telle circulaire de politique pénale ?

Enfin, comment allez-vous faire face à un syndicat de magistrats qui s'est déjà exprimé et qui, lorsque votre prédécesseur rendait une circulaire de politique pénale, diffusait immédiatement une contre-circulaire ?

Expliquez-nous, monsieur le garde des sceaux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, les violences de ce week-end sont totalement inacceptables ; ces désordres publics sont choquants pour l'intégralité de la Nation. Ayant eu à gérer des questions relevant de l'ordre public – je pense notamment aux jeux Olympiques –, je sais combien de telles difficultés sont difficiles à gérer.

Lorsqu'arrive le moment pour la justice de remplir son office, c'est-à-dire une fois que le ministère de l'intérieur a fait son travail de maintien de l'ordre public, la réponse qu'elle apporte – la réponse judiciaire – doit être non seulement efficace et rapide, mais aussi éducative, dans la perspective d'autres faits qui pourraient malheureusement se produire. En effet, on le voit, malgré le volontarisme et les moyens déployés, et comme l'a dit M. le ministre de l'intérieur, la violence dont il est question est désormais inhérente à notre société.

C'est pourquoi il faut adapter notre code pénal. Madame la présidente de la commission des lois, vous êtes à la fois une grande légiste et une avocate, et vous savez que les magistrats, en qui nous avons tous ici confiance – je l'espère –, appliquent la loi de la République.

Or la loi de la République, c'est-à-dire le code pénal, prévoit un maximum de peine, mais non un minimum. Et de même que les peines planchers, telles qu'elles ont été inventées par le président Sarkozy, que vous avez soutenu, laissaient intact le principe d'individualisation des peines,…

M. Mickaël Vallet. Justement !

M. Gérald Darmanin, garde des sceaux. … l'inscription dans le code pénal d'un minimum et d'un maximum laissera au magistrat un éventail assez large pour individualiser la peine dès le premier fait.

Le système que nous avons collectivement construit, malheureusement, depuis trente ou quarante ans, toutes majorités confondues, ne met en prison que des multirécidivistes ; or lorsque l'on en est au stade de la multirécidive, il est trop tard !

La révolution pénale que j'ai proposée dès le 12 mai dernier dans ma lettre aux magistrats – je n'ai pas attendu ce week-end –, c'est la révision totale de l'échelle des peines.

Notre code pénal prévoit un éventail de 235 peines, dont nous sommes tous responsables, contre 3, par exemple, en Allemagne : le jour-amende, la peine de probation, la peine de prison, point. Que chaque jour-amende non payé se transforme en jour de prison, tel n'est pas notre droit aujourd'hui.

Je suis tout à fait certain que les magistrats appliqueront la loi. Il nous faut être courageux, tous ensemble. Je le serai, à ma place. Vous n'avez jamais entendu un garde des sceaux dire ce que j'ai dit depuis quelques semaines, et particulièrement depuis quarante-huit heures.

Je sais que vous me soutiendrez dans ce qui est désormais le socle commun. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Vincent Capo-Canellas, Loïc Hervé et Franck Menonville applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Muriel Jourda, pour la réplique.

Mme Muriel Jourda. Monsieur le garde des sceaux, je vous soutiendrai, bien sûr, mais vous avez – nous avons – désormais une obligation de résultat.

Les Français ont constaté, effarés, qu'un boulanger qui ouvrait le 1er mai se voyait infliger une amende de 7 500 euros (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.), alors qu'un délinquant qui brise du mobilier urbain, qui brise des vitrines, qui brise, en définitive, les codes de ce qui fait notre société, se voit infliger une peine beaucoup plus faible. (Protestations sur des travées des groupes GEST et SER.)

M. Yannick Jadot. Sérieusement ? Et l'ancien président de la République ?...

Mme Muriel Jourda. La confiance ne tient plus qu'à un fil : la confiance non seulement dans la politique, dans le ministre ou dans le Gouvernement, mais aussi la confiance dans nos institutions et, tout compte fait, la confiance dans l'État de droit. L'État de droit, c'est la fin de la loi du plus fort.

Mme la présidente. Il faut conclure.

Mme Muriel Jourda. Et aujourd'hui, ce que constatent nos concitoyens, c'est que l'État de droit les empêche d'acheter du pain un jour férié (Exclamations sur les travées des groupes GEST et SER.),…

Mme la présidente. Il faut conclure !

Mme Muriel Jourda. … mais ne les protégera pas des barbares un prochain soir de match. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)

situation à gaza

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Duranton, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit.)

Mme Nicole Duranton. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

« Israël commet des crimes de guerre »,…

Une voix sur les travées du groupe Les Républicains. C'est faux !

Mme Nicole Duranton. … telle est la déclaration choc prononcée par l'ancien Premier ministre israélien Ehud Olmert le 27 mai dernier. Jusqu'à présent, il défendait Israël contre les accusations de génocide et de crimes de guerre, tout en reconnaissant des excès. Mais son opinion sur l'actuel Premier ministre a changé : il reconnaît que la famine est utilisée comme une arme de guerre et rappelle que, non, tous les Gazaouis n'appartiennent pas au Hamas.

Si personne ne pouvait contester le droit d'Israël à se défendre, la guerre de dévastation à Gaza est « inacceptable » – derechef, je cite Ehud Olmert.

Mme Nicole Duranton. Doit-on accepter l'inacceptable ?

Face à cette situation alarmante, le Président de la République a déclaré le 30 mai dernier que la reconnaissance d'un État palestinien n'était pas simplement un devoir moral, mais qu'elle était une exigence politique, tout en énumérant plusieurs conditions à réunir, en premier lieu la libération des otages toujours détenus par le Hamas.

Le Président de la République indique aussi qu'il faudra de surcroît une démilitarisation du Hamas et la non-participation de ce mouvement islamiste, classé comme organisation terroriste par l'Union européenne et par les États-Unis, à la gouvernance du futur État palestinien.

Parallèlement, il faudra une réforme de l'Autorité palestinienne conduisant à une reconnaissance mutuelle du futur État palestinien et du droit d'Israël à vivre en sécurité, ainsi que la création d'une architecture de sécurité pour toute la région.

Nous ne pouvons que saluer cette volonté de faire progresser la seule solution viable, la solution à deux États, afin que les peuples puissent enfin cohabiter en paix et en sécurité.

Toutefois, les conditions posées pour la reconnaissance d'un État palestinien semblent difficiles à remplir à la veille de la conférence de l'ONU prévue sur ce sujet le 18 juin, coprésidée par la France et l'Arabie saoudite.

Monsieur le ministre, comment la France peut-elle être force d'entraînement, avec l'appui de la communauté internationale, afin de faire progresser les négociations en vue d'une reconnaissance de l'État palestinien qui ne soit pas uniquement symbolique, mais qui soit suivie d'une solution pérenne à deux États ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Laure Darcos, MM. Philippe Grosvalet, Bernard Jomier et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice Nicole Duranton, la spirale de brutalité et de violence déclenchée par le massacre antisémite du 7 octobre doit prendre fin au plus vite. C'est pourquoi la France appelle à un cessez-le-feu immédiat…

Mme Cathy Apourceau-Poly. On est tous d'accord, c'est un génocide.

M. Jean-Noël Barrot, ministre. … et à la libération de tous les otages du Hamas, lequel doit être désarmé – j'y reviendrai. Mais force est de constater que les décisions récentes du gouvernement israélien ne vont pas dans ce sens.

Le bombardement des infrastructures civiles n'a pas permis la libération des otages. La décision de créer vingt-deux nouvelles colonies en Cisjordanie justifie le choix du Hamas de ne pas déposer les armes, ou en tout cas lui sert de prétexte. Quant au nouveau système de distribution militarisée de l'aide humanitaire, qui devait éviter les détournements, il a tourné au fiasco, provoquant des cohues…

M. Rachid Temal. Et des morts !

M. Jean-Noël Barrot, ministre. … et des violences meurtrières.

Il faut rappeler au gouvernement israélien que cette attitude et ces décisions hypothèquent la sécurité du peuple israélien, à laquelle la France est indéfectiblement attachée, mais aussi, désormais, la cohésion même de la société israélienne, puisque – vous l'avez dit – ce sont deux anciens Premiers ministres israéliens, Ehud Barak et Ehud Olmert, qui, ces jours-ci, parlent de « guerre illégitime » et de « guerre de dévastation ».

Il est donc temps de cesser le feu et de choisir le seul chemin conduisant durablement à la paix et à la stabilité dans la région, qui est le chemin d'une solution politique.

C'est dans ce contexte que nous sommes déterminés à reconnaître l'État de Palestine, pour créer les conditions de l'existence de cet État. Et nous voulons que cette décision, que la France pourrait prendre dans quelques jours, serve de force d'entraînement pour amener toutes les parties prenantes, à commencer par l'Autorité palestinienne et par les pays arabes de la région, à faire mouvement et à accompagner cet effort visant à retirer tous les obstacles sur la voie qui mène vers l'existence de cet État de Palestine.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le ministre.

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Parmi les conditions qui doivent être réunies, il y a évidemment le désarmement du Hamas : celui-ci ne saurait en aucun cas et d'aucune manière participer à la gouvernance à venir de la Palestine. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)

situation de la psychiatrie et de la santé mentale en france

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bourcier, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Corinne Bourcier. Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.

Monsieur le ministre, la psychiatrie va mal. Dans le Maine-et-Loire comme dans beaucoup d'autres départements, la situation est extrêmement difficile à cet égard : les services d'urgence sont saturés et ne sont plus en mesure d'assurer la prise en charge dont les patients ont besoin.

Au centre hospitalier universitaire (CHU) d'Angers, certains malades, y compris ceux qui présentent des idées suicidaires, restent parfois plus d'une semaine au service d'accueil des urgences dans l'attente d'une place en psychiatrie. C'est inacceptable pour eux, mais aussi pour le personnel soignant, pourtant très dévoué. L'établissement a déjà vu le nombre de passages en psychiatrie augmenter de plus de 30 % l'année dernière.

Le centre de santé mentale angevin a quant à lui enregistré un taux d'occupation de plus de 101 % en 2024. Il fonctionne en sous-effectif, car 18 % des postes de psychiatre sont vacants.

L'hôpital de Cholet est lui aussi en grande difficulté, avec seulement cinq psychiatres en exercice à temps partiel. La pénurie de médecins généralistes dans ce territoire a aggravé la pression déjà très importante sur les urgences. L'établissement a dû fermer ses urgences psychiatriques en 2023 à cause du départ de plusieurs psychiatres. Le service s'organise pour faire beaucoup avec peu.

À cette situation s'ajoute la pénurie qui touche plusieurs psychotropes, indispensables à l'équilibre de nombreux patients. La consommation de psychotropes chez les plus jeunes est particulièrement préoccupante. En 2023, ce sont 936 000 jeunes âgés de 18 à 25 ans qui ont bénéficié du remboursement d'au moins un psychotrope, soit 18 % de plus qu'en 2019.

Monsieur le ministre, nous sommes aujourd'hui le 4 juin. Alors que la santé mentale a été déclarée grande cause nationale en 2025, qu'a-t-il été fait concrètement en faveur de la psychiatrie et pour la santé mentale ? Et quelles actions prévoyez-vous ? (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et GEST – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice, la santé mentale est la grande cause nationale 2025, et nous souhaitons tous que cette grande cause ne reste pas un simple slogan. Il nous faut donc agir maintenant ; c'est tout le sens de l'action que je compte mener.

Une première phase a eu lieu : la déstigmatisation. Elle est en passe d'être réussie, grâce notamment au coming out de certaines personnalités ayant révélé, par exemple, leur bipolarité.

Maintenant, je l'ai dit, il faut agir.

Le 11 juin prochain, je dévoilerai la feuille de route que j'entends mettre en œuvre pour améliorer la santé mentale en France, en déclinant l'ensemble des mesures. Je ne vous livrerai pas le détail du plan aujourd'hui, mais je peux d'ores et déjà mentionner un certain nombre d'actions, notamment celles que je mènerai avec Élisabeth Borne dans le domaine de la santé scolaire : il faut faire à la fois un énorme travail de dépistage des pathologies et, une fois cette première tâche accomplie, d'inscription dans des parcours de soins.

Il faut naturellement ouvrir le chantier – vous l'avez évoqué – de la prise en charge par les urgences psychiatriques, puisque 40 % des entrées dans la maladie se font par ce biais – c'est extrêmement important.

Pour cela, il faut plus de professionnels de santé et plus de lits disponibles. C'est pourquoi un plan d'accompagnement des ressources humaines est prévu.

Quant à la pénurie de médicaments, elle fera l'objet d'une intervention de ma part au Luxembourg le mois prochain, lors de la réunion du Conseil de l'Union européenne sur le paquet pharmaceutique. Au-delà du règlement de la situation de pénurie, qui est dramatique, il y a un enjeu de souveraineté sanitaire et de production de principes actifs dans notre pays.

Enfin, pour ce qui concerne la consommation de psychotropes, vous m'avez accompagné lors de ma visite au CHU d'Angers et vous avez pu constater que les équipes étaient particulièrement mobilisées, avec des applications numériques destinées au jeune public. La ministre des sports et moi-même nous sommes rendus à Clamart, dans une maison de sport-santé adossée à un hôpital psychiatrique…

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre. … et nous avons pu mesurer combien la pratique du sport pouvait faire diminuer de façon significative la consommation de psychotropes. Donc, rendez-vous le 11 juin prochain ! (Mme Frédérique Puissat et M. Alain Milon applaudissent.)

assassinat de hichem miraoui

Mme la présidente. La parole est à M. André Guiol, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du RDSE.)

M. André Guiol. Monsieur le ministre de l'intérieur, j'ai mal à mon département !

Samedi dernier, à Puget-sur-Argens, à côté de Fréjus, dans le Var, Hichem Miraoui, coiffeur tunisien très apprécié, a été assassiné de cinq balles de revolver, tout simplement parce qu'il était maghrébin. L'assassin, mû par une haineuse idéologie, affichait un racisme décomplexé.

Cet événement dramatique et traumatisant est révélateur ; en effet, depuis des mois, une petite musique sournoise s'est installée dans notre pays. Elle se diffuse de façon insidieuse dans nos institutions, en boucle sur certains médias, sur nos réseaux, dans certaines associations, parmi nos politiques, dans nos écoles, bref, dans toute la population. Et, inévitablement, certains passent à l'acte, car, vous le savez, mes chers collègues, les propos insultants et dégradants tenus par des femmes et des hommes politiques deviennent des coups de couteau chez les colleurs d'affiches…

Dans le même temps, certains pays, dans le cadre d'une guerre hybride amorale, tentent de déstabiliser notre pays de liberté. Si le racisme est « un poison qui tue », monsieur le ministre d'État, faire son lit fait de nous des complices. Puisque Alexis de Tocqueville disait qu'en démocratie le peuple a le gouvernement qu'il mérite, ayons à l'esprit que les gouvernants ont l'obligation d'élever le peuple !

La majorité de nos concitoyens n'aspirent pas à la division et l'immense majorité des parlementaires, dont les membres du groupe du RDSE, ne cessent de défendre les valeurs chères à notre République, généreuses et fraternelles, une démarche indispensable à notre cohésion.

Face à cette situation particulièrement préoccupante, vous qui occupez une place prépondérante, quelles mesures comptez-vous mettre en œuvre ? Surtout, au-delà des mesures techniques, quelle attitude pensez-vous insuffler et quels propos allez-vous tenir en tant que ministre de l'intérieur pour permettre l'apaisement de notre pays et pour que cessent enfin ces assassinats racistes insupportables, d'où qu'ils viennent ? (Applaudissements sur les travées des groupes du RDSE, GEST, SER, CRCE-K, INDEP, RDPI et UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, ce crime est, bien évidemment, beaucoup plus qu'un simple crime ; c'est un drame, une tragédie. Au moment où je vous réponds, j'ai une nouvelle pensée pour la victime, pour ses proches, pour sa famille, mais aussi pour la communauté tunisienne en France. J'ai d'ailleurs appelé dès lundi dernier mon homologue tunisien et je me suis rendu, le matin suivant, à l'ambassade de Tunisie afin de témoigner de notre soutien et d'exprimer la plus profonde désapprobation de l'ensemble du Gouvernement à l'égard de cet acte, de ce crime.

Ce crime, vous l'avez très bien décrit, était non seulement prémédité, mais il était également signé.

Il était d'abord prémédité, parce qu'il a été – on le voit bien au fur et à mesure que les informations sont révélées – minutieusement préparé.

Mais il était également signé. Il s'agit d'abord d'un crime raciste. On le voit dans les deux vidéos disponibles, celle qui a été tournée avant le crime et postée sur Facebook, et celle qui a été tournée après.

Il s'agit sans doute aussi d'un crime antimusulman ; je dis « sans doute » parce que c'est à l'autorité judiciaire, au parquet national antiterroriste (Pnat), qui s'est saisi de l'affaire, de faire tout l'éclairage sur cet acte, de le documenter.

Il s'agit probablement encore d'un crime à dimension terroriste, puisque – je le disais – le Pnat s'est saisi, et que la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et la sous-direction anti-terroriste (Sdat) sont chargées de l'enquête.

Enfin, permettez-moi d'ajouter une quatrième qualification : quand on prend connaissance au fil des jours des différentes informations qui nous sont transmises, on constate aussi qu'il s'agit d'un crime dont l'idéologie s'enracine dans l'ultradroite radicale, comme me l'a dit le procureur national.

C'est par conséquent un crime odieux, qui doit être sanctionné avec la plus extrême fermeté. Oui, je l'ai dit – vous m'avez cité –, et je le répète devant vous, le racisme est un poison, un poison qui peut tuer. Vous avez parlé de la France et de la République.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le ministre d'État.

M. Bruno Retailleau, ministre d'État. Selon moi, tout acte raciste est un acte anti-français, parce que la République ne connaît ni la couleur de la peau, ni l'origine, ni la religion. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP. – MM. Jérôme Durain et Rachid Temal applaudissent également.)

assassinat de hichem miraoui

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Éric Kerrouche. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Cinq semaines après le meurtre d'Aboubakar Cissé, un deuxième homicide à motivation raciste et antimusulmane a eu lieu, samedi dernier, dans le Var : Hichem Miraoui, Tunisien de 45 ans, a été tué par balles. Nous avons une pensée pour lui et pour sa famille. Nous saluons l'efficacité des forces de l'ordre pour l'interpellation de son meurtrier, admirateur sans borne du Rassemblement national et client ordinaire de la « fachosphère ».

Hier à l'Assemblée nationale et aujourd'hui encore devant nous, vous avez déclaré, monsieur le ministre d'État, que ce crime était prémédité, certainement raciste, sans doute antimusulman et peut-être de nature terroriste. Cette déclaration contraste nettement avec certains mots et certaines expressions employés au sein du Gouvernement – « submersion migratoire », par exemple –, qui contribuent à alimenter un climat délétère et une culture du soupçon.

M. Roger Karoutchi. Quel est le rapport ?

M. Éric Kerrouche. Pour la première fois depuis sa création, le parquet national antiterroriste (Pnat) s'est saisi d'un meurtre possiblement inspiré par les idées de l'ultradroite.

Cette menace est bien réelle dans notre pays ; depuis 2017, au moins dix projets d'attentats liés à l'ultradroite ont été déjoués. En 2023, le directeur de la DGSI nous alertait sur la montée de cette menace, marquée par la banalisation de la violence et par une radicalisation idéologique néonazie, complotiste, raciste, « accélérationniste ».

Ces thèses sont notamment relayées par l'extrême droite et certains médias complaisants, et, comme souvent avec les mouvements radicaux, la propagande de l'ultradroite intervient majoritairement en ligne.

Monsieur le ministre d'État, ces mouvements menacent notre République, ils sont organisés. Quels leviers entendez-vous actionner pour les contrer et les éliminer ? À titre personnel, comptez-vous enfin vous inscrire dans une démarche de pacification du discours public ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe INDEP. – MM. Pierre Ouzoulias et Philippe Grosvalet applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.

M. Bruno Retailleau, ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je vous répondrai avec la même franchise qu'à M. Guiol.

C'est un crime odieux. J'ai utilisé quatre termes pour le qualifier : raciste, c'est sûr ; antimusulman, c'est très probable ; terroriste, c'est vraisemblable ; et lié à l'ultradroite. Le parquet national antiterroriste a été saisi, au cours des dernières années, d'une vingtaine d'affaires et une quinzaine d'attentats s'enracinant dans l'idéologie de l'ultradroite radicale – je reprends la terminologie du Pnat lui-même – ont été déjoués.

En effet, il ne faut faire aucune concession avec de tels mouvements. J'espère pouvoir proposer au conseil des ministres, au cours des prochaines semaines, la dissolution d'un groupuscule lyonnais, Lyon populaire.

La démocratie, c'est le dissensus et j'accepte le débat – vous m'avez connu comme sénateur et nous avons souvent débattu l'un avec l'autre –, mais, si le débat public doit être serein, il ne doit pas non plus méconnaître la réalité. Lutter contre l'islamisme, par exemple, ce n'est pas lutter contre l'islam. Lutter contre l'islamisme, c'est lutter contre une idéologie politique qui n'a rien à voir avec une religion, avec la foi ; c'est de la politique ! Le pire des amalgames consisterait à affirmer que, quand on tape l'islamisme, on tape les musulmans.

J'ai eu l'occasion de le dire ici, les pays qui ont été les plus durs avec les Frères musulmans ne sont pas les démocraties occidentales, ce sont des pays arabes musulmans, le dernier en date étant la Jordanie. (M. Loïc Hervé opine.)

M. Bruno Retailleau, ministre d'État. On peut avoir des désaccords, mais lorsque se produisent de tels événements, nous devons nous situer à une certaine hauteur et retrouver, au-delà des débats et des dissensus, qui sont naturels, une forme d'unité pour faire face à ces menaces, qui sont graves. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

financement des nouvelles places de prison

Mme la présidente. La parole est à M. Étienne Blanc, pour le groupe Les Républicains.

M. Étienne Blanc. Monsieur le garde des sceaux, depuis soixante-douze heures, vous vous interrogez, tout comme M. le ministre de l'intérieur, sur les sanctions prises à l'encontre de ceux qui ont commis des actes graves à la suite de la victoire du Paris-Saint-Germain. Vous partagez ces interrogations avec les Français, qui détectent une forme d'inadéquation entre la gravité des faits – voitures incendiées, magasins pillés, violences commises sur les forces de l'ordre et de sécurité civile, notamment les pompiers – et les sanctions prononcées.

Or, très rapidement, des syndicats de magistrats et des magistrats à titre individuel ont exprimé leur incapacité à prononcer des peines lourdes en raison de l'insuffisance de places de prison dans notre pays. Ils n'ont pas totalement tort. Le plan de 2018 du Président de la République, qui prévoyait 15 000 nouvelles places de prison pour 2027, n'a pas été respecté. On dit que cet objectif sera atteint en 2030 au mieux et certains experts parlent même de 2034.

Ma question sera donc simple, monsieur le garde des sceaux : quelles seront vos exigences dans la préparation du budget pour 2026 afin qu'il soit procédé à la construction de ces places de prison et que l'on rattrape enfin notre retard, qui nous met au ban des politiques européennes ?

Seconde question : ne croyez-vous pas qu'il serait temps d'adopter un texte vous permettant de vous affranchir des formalités administratives excessives – marchés publics, règles environnementales – qui s'appliquent aux établissements de détention, afin de pouvoir construire rapidement les établissements, comme cela s'est fait pour la cathédrale Notre-Dame, et répondre enfin à l'exigence de sécurité publique ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Blanc, je suis parfaitement d'accord pour que l'on donne au ministère de la justice les moyens de construire des prisons bien plus rapidement. À ce jour, une fois le terrain viabilisé et si le maire concerné est d'accord, le ministère de la justice construit une prison en sept ans et la place de prison coûte 400 000 euros.

Cela dit, j'ai lancé un premier appel d'offres pour la construction de 3 000 places supplémentaires, le lauréat sera désigné au début du mois de juillet et les premières prisons seront livrées dès le mois d'octobre 2026. La construction aura donc pris – vous aurez fait le calcul – un an et demi, soit trois fois moins de temps qu'une prison normale. Il s'agit de prisons modulaires ; la première sera inaugurée à Troyes.

Ainsi, j'espère pouvoir construire 5 000 nouvelles places, non pas pour 2030 ou 2031, mais avant la fin du quinquennat du Président de la République afin de tenir la promesse des 15 000 nouvelles places : 5 000 ont déjà été construites, 5 000 sont en cours de construction et 5 000 n'étaient, en effet, pas encore prévues. Par conséquent, grâce à ces prisons modulaires, des prisons à taille humaine, plus rapides à construire et moins chères, nous pourrons avec le même budget, si Bercy et le Parlement l'acceptent, construire ces nouvelles places sans coût supplémentaire.

En revanche, je pense pour ma part, monsieur le sénateur, qu'il ne faut en aucun cas faire de régulation carcérale. Depuis mon arrivée au ministère de la justice, j'ai refusé toutes les mesures de réduction de peine, toutes les mesures de régulation carcérale qui m'avaient été proposées par mon administration. Ce faisant, je suis en désaccord avec beaucoup de syndicats et d'individus, et j'assume cette position de fermeté. Si l'on veut lutter contre la surpopulation carcérale, il faut construire des places de prison.

Toutefois, pour cela, il faut aussi que tous les élus jouent le jeu, monsieur le sénateur ! Actuellement, la construction de 700 places supplémentaires est bloquée dans les Yvelines, à Magnanville, et c'est également le cas à Noiseau, dans le Val-de-Marne, des parlementaires, notamment de votre groupe politique, m'écrivant pour me dissuader de construire ces établissements. Les prisons, aucun élu local n'en veut chez lui, mais tous réclament que, dans l'intérêt général, il y en ait ailleurs…

J'espère donc que la loi que vous me proposerez et que vous adopterez permettra également de passer outre l'avis des élus locaux, monsieur le sénateur… (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC. – M. Pierre Jean Rochette applaudit également.)

emploi des seniors

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Monique Lubin. La France détient le record européen du non-emploi des seniors : moins de 40 % des 60-64 ans occupent un emploi. Nous le savons, le premier frein, la première barrière à l'emploi, c'est l'âge, et cela démarre dès 50 ans, voire un peu plus tôt dans certains secteurs.

Après cette séance de questions d'actualité au Gouvernement, nous allons débattre de la transcription dans la loi de l'accord national interprofessionnel (ANI) signé par une partie des partenaires sociaux et faisant une place assez large à la question de l'emploi des seniors. À titre personnel, je trouve certains de ses aspects intéressants et d'autres plus gênants, mais en tout état de cause, le fléau est très important ; il n'y a qu'à entendre les gens qui perdent leur emploi après 50 ans et qui n'ont aucun espoir d'en retrouver un...

Aussi, monsieur le ministre, je voudrais savoir si, au-delà de cet accord, le Gouvernement compte fixer des objectifs aux employeurs. En effet, lorsque l'on traite de l'emploi des jeunes, on fixe bien des objectifs aux missions locales ; lorsque l'on parle de l'emploi en général, on fixe bien des objectifs à France Travail ; mais on ne fixe jamais d'objectifs aux employeurs. Or l'emploi des seniors ne dépend quasiment que de ces derniers. Les fondements vont donc être posés cet après-midi, mais comptez-vous aller au-delà, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice Lubin, je vous réponds à la place d'Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail, qui est retenue à l'Assemblée nationale pour l'examen d'une motion de censure.

Vous évoquez l'emploi des seniors, un enjeu majeur de cohésion sociale et d'efficacité économique.

Rappelons quelques chiffres. Moins de 60 % des 55-64 ans et seulement 35 % des 60-64 ans ont actuellement un emploi. Ce sous-emploi massif est d'abord un gâchis humain, mais c'est aussi un gâchis économique, car nous nous privons ainsi de compétences, de savoir-faire et d'un potentiel de transmission important.

Le Gouvernement a lancé, le 29 avril dernier, une grande initiative intitulée Emploi des 50+, qui repose sur trois piliers : changer la loi, changer les regards et changer les pratiques.

Le premier pilier, changer la loi, est – vous l'avez dit – l'objet du projet de loi que le Sénat examine aujourd'hui et qui transpose l'accord national interprofessionnel signé en novembre dernier. Les axes concrets de cet accord résident dans la création d'un contrat de valorisation de l'expérience, dans un meilleur accès à la retraite progressive et dans le renforcement de l'entretien de mi-carrière.

Deuxième pilier : changer les regards. En effet, l'âge reste la première cause de discrimination. Une grande campagne nationale de communication sera lancée avec un objectif très clair : valoriser l'expérience et montrer que les plus de 50 ans sont un atout pour les entreprises.

Le dernier pilier réside dans le changement des pratiques. Aujourd'hui, plus de 2 000 entreprises et partenaires se mobilisent autour d'actions concrètes – forums, job dating, tables rondes – et un guide pratique a été élaboré avec la communauté « Les Entreprises s'engagent », qui est mis à disposition des entreprises. Ce guide donne des clefs simples et utiles pour recruter et maintenir dans l'emploi les salariés de plus de 50 ans.

Si vous souhaitez d'autres précisions, je transmettrai vos questions à Astrid Panosyan-Bouvet.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour la réplique.

Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre, vous nous avez fait part de toutes les initiatives en la matière, qui sont toujours intéressantes dès lors qu'il s'agit de valoriser l'emploi des seniors. Toutefois, je le répète, il faut une mobilisation extrêmement importante des employeurs, ce qui exige d'aller au-delà du cadre, vers la fixation d'objectifs.

Je rappelle que, plus on vieillit en dehors de l'emploi, plus on a du mal à retrouver un emploi. J'espère donc que le Gouvernement et la majorité sénatoriale n'ont plus en tête l'intention d'allonger le temps de travail, donc d'exclure toujours plus de seniors de l'emploi et de les plonger dans la précarité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

prolongation de l'accès rapide aux innovations thérapeutiques

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Alain Milon. Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.

Monsieur le ministre, l'accès direct aux innovations thérapeutiques est une attente forte de nos concitoyens en situation d'impasse thérapeutique. Il constitue un enjeu d'attractivité pour notre pays.

C'est dans cet esprit que l'article 62 de la loi du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022, relatif à l'accès aux traitements innovants, permet la prise en charge anticipée, dès la publication de l'avis de la Haute Autorité de santé (HAS) et sans attendre la fixation d'un prix, de certains médicaments présentant une amélioration du service médical rendu.

Cette expérimentation, qui doit s'achever en juillet 2025, a démontré son utilité pour plusieurs innovations, en réduisant les délais d'accès aux traitements pour les pathologies altérant fortement la qualité de vie des patients, avec un lourd fardeau psychosocial. Aux termes de la loi, un rapport du Gouvernement devait être remis au Parlement en mai 2025, afin d'évaluer les demandes déposées, les aires thérapeutiques concernées et la pertinence d'une éventuelle pérennisation de ce dispositif.

Le 20 mai dernier, devant la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) du Sénat, la direction de la sécurité sociale (DSS) a indiqué que ce rapport serait remis à l'automne prochain, alors que vous-même aviez confirmé, en mars dernier devant la même instance, que vous en disposeriez en mai 2025.

Monsieur le ministre, l'avenir de ce mécanisme constitue un enjeu majeur pour les malades et pour notre système de santé. Pouvez-vous nous livrer un point d'avancement des travaux sur ce rapport ? Comptez-vous proposer, comme vous l'aviez suggéré et compte tenu des retours d'expérience positifs de l'ensemble des acteurs, la pérennisation de ce dispositif au-delà de l'échéance prévue, seule solution pertinente pour les patients français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Monsieur le sénateur Milon, je vous remercie de votre question sur l'accès précoce ; on aurait également pu parler de l'accès compassionnel.

L'accès précoce est une innovation : la France est l'un des premiers pays à l'avoir instauré, en 2021. Je regrette comme vous le retard de publication de ce rapport, mais j'en disposerai à l'automne prochain, avant les discussions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.

Toutefois, je crois pouvoir vous livrer, sans déflorer le contenu de cette évaluation, quelques données chiffrées, car ce sujet m'intéresse particulièrement. Quelque 250 demandes ont été déposées, avec un délai d'octroi de soixante-dix-sept jours. J'y insiste devant vous, quand un patient a besoin d'une innovation thérapeutique en France, si le laboratoire concerné remplit les conditions requises, il y a accès dans les soixante-dix-sept jours, c'est tout de même remarquable !

Pour un certain nombre de cas, par exemple pour les cancers du sein triples négatifs, qui sont les plus agressifs et pour lesquels l'accès à la thérapeutique change le pronostic de vie, c'est particulièrement important. Par conséquent, oui, j'attends ce rapport avec impatience et, en effet, j'envisage bien de pérenniser ce dispositif si les données préliminaires confirment ces constats.

Je souhaite revenir sur la doctrine globale d'évaluation de la Haute Autorité de santé, puisque nous sommes dans un processus de simplification. Lors du Sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle (SAIA), j'ai lancé un appel à manifestation d'intérêt auprès de l'ensemble des laboratoires pour changer la doctrine de cette agence, afin d'évaluer plus rapidement les molécules et d'en fixer plus vite le prix. Cet appel à manifestation d'intérêt est ouvert jusqu'au mois de juin et il permettra de tester, au moyen de l'intelligence artificielle, des cohortes virtuelles, les bras synthétiques, de sorte que notre recherche et notre innovation soient rapidement disponibles pour nos patients.

Mme la présidente. Il faut conclure.

M. Yannick Neuder, ministre. Cela leur permettra de bénéficier de ces innovations et de gagner des années de vie. (Mme Frédérique Puissat applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, pour la réplique.

M. Alain Milon. En effet, monsieur le ministre, il faut pérenniser l'accès direct et l'accès compassionnel.

Selon nous, il est préférable de fournir, par la recherche et l'expérimentation, une aide active à guérir plutôt qu'une aide active à mourir… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)

situation des artisans pêcheurs

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Toussaint Parigi, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Paul Toussaint Parigi. Madame la ministre déléguée, je souhaite porter aujourd'hui la voix de ceux qui ont été trop longtemps ignorés, la voix de femmes et d'hommes pour qui la mer n'est pas seulement un métier mais constitue également une identité profonde, une mémoire vivante : la voix des petits pêcheurs, gardiens discrets de nos côtes, artisans d'un savoir-faire précieux, la voix de ces âmes, fières et humbles, perdue dans l'écho sourd et lointain des embruns. Les pêcheurs n'attendent ni faveurs ni privilèges, ils n'aspirent qu'à une seule chose : survivre.

Quotas inadaptés, interdictions arbitraires, tailles minimales ou encore obligations de matériel : l'avalanche de réglementations conçues pour des réalités industrielles s'abat sur leurs frêles embarcations telle une lame de fond. Ce sont autant d'exigences administratives qui pèsent sur les petites unités, dépourvues de moyens humains et financiers et qui, pour s'y conformer, devraient sacrifier rentabilité et survie.

En Corse, comme sur l'ensemble de notre littoral, les pêcheurs dénoncent une capitulation forcée face à des règles pensées pour d'autres réalités. Ces règles, censées protéger la mer, étranglent ceux qui la respectent et asphyxient un modèle artisanal durable et profondément humain. Cette uniformisation aveugle accélère la disparition d'un tissu social et économique irremplaçable, d'un savoir-faire pourtant essentiel à l'équilibre de nos territoires maritimes.

Madame la ministre, alors que l'année 2025 est proclamée année de la mer, alors que va se tenir la Conférence des Nations unies sur l'océan (Unoc), les promesses ne suffisent plus, il est temps d'agir, vite et avec courage ! Construisons des solutions au plus près de ceux qui vivent de la mer sans la piller, repensons la réglementation pour qu'elle protège sans exclure. Voilà le véritable enjeu !

Madame la ministre ma question est simple : pouvez-vous prendre ici et maintenant l'engagement d'une réforme ambitieuse, pour sauver la pêche artisanale et assurer la pérennité de nos communautés littorales ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Marc Laménie et Mme Marie-Arlette Carlotti applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée, porte-parole du Gouvernement.

Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Parigi, je vous remercie de me donner l'occasion d'exprimer, au nom d'Agnès Pannier-Runacher, le soutien total du Gouvernement à la filière de la pêche, particulièrement à celle du territoire où vous êtes élu, la Corse, que vous défendez avec beaucoup d'émotion et d'attachement – on l'a senti –, à quelques jours de l'ouverture de l'Unoc à Nice.

La Méditerranée sera bien sûr au cœur de cet événement, d'abord parce que ce dernier se déroule sur son littoral, mais également, et surtout, parce qu'elle est l'une des mers les plus en danger face au changement climatique et face à diverses menaces, notamment la pollution plastique.

C'est pourquoi la ministre réunira, à l'occasion de ce sommet, les ministres de l'environnement de tous les pays méditerranéens, pour aborder les défis auxquels notre mer commune est confrontée.

Comme sur l'ensemble des façades, les pêcheurs sont chaque jour les premières victimes de ces pollutions. C'est pourquoi, depuis janvier dernier, nous accomplissons un travail très sérieux à ce sujet au travers d'engagements concrets, afin de protéger nos pêcheurs de la concurrence déloyale, en agissant sur les pêches illégales et en imposant des mesures miroirs dans nos négociations commerciales. En outre, nous concevons avec la filière, c'est-à-dire avec les pêcheurs, un modèle renouvelé de pêche via la modernisation et la décarbonation de notre flotte.

Nous avons défini ces objectifs avec la filière dans le cadre du contrat stratégique de filière, qui représentera notre boussole lors des négociations européennes.

La Méditerranée sera centrale dans la révision de la politique commune des pêches qu'Agnès Pannier-Runacher défend à Bruxelles, notamment pour ce qui concerne le plan West Med, que vous devez connaître. Il est urgent de réviser ce plan afin de redonner de la cohérence, en particulier à nos pêcheries méditerranéennes.

Mme la présidente. Il faut conclure, madame la ministre déléguée.

Mme Sophie Primas, ministre déléguée. C'est un discours fort et déterminé que nous portons, aux côtés de nos collègues espagnols et italiens, auprès de la Commission européenne. Vous pouvez compter sur notre engagement !

(À suivre)