Sommaire

Présidence de Mme Sylvie Robert

vice-présidente

Secrétaires :

M. Jean-Michel Arnaud,

Mme Véronique Guillotin.

Prévenir le développement des vignes non cultivées

Adoption définitive en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale

proposition de loi instaurant des réponses adaptées et proportionnées pour prévenir notamment le développement des vignes non cultivées

Article unique

Vote sur l'ensemble

Transformation des bâtiments de destination autre qu'habitation en habitations

Adoption définitive des conclusions d'une commission mixte paritaire sur une proposition de loi.

proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux et autres bâtiments en logements

Article 1er

Article 1er bis A

Articles 2, 3, 3 bis A et 3 bis B

Article 3 bis

Article 4

Article 5 bis

Article 6

Vote sur l'ensemble

Ordre du jour

Présidence de Mme Sylvie Robert

vice-présidente

Secrétaires :

M. Jean-Michel Arnaud,

Mme Véronique Guillotin.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

 
Dossier législatif : proposition de loi instaurant des réponses adaptées et proportionnées pour prévenir notamment le développement des vignes non cultivées
Article unique (début)

Prévenir le développement des vignes non cultivées

Adoption définitive en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, instaurant des réponses adaptées et proportionnées pour prévenir notamment le développement des vignes non cultivées (proposition n° 414, texte de la commission n° 647, rapport n° 646).

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée. (M. Vincent Louault applaudit.)

Mme Sophie Primas, ministre déléguée, porte-parole du Gouvernement. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, en préambule, je vous prie de bien vouloir excuser Mme la ministre de l'Agriculture Annie Genevard, actuellement présente dans le Gers, aux côtés des agriculteurs.

Monsieur le président du groupe d'études Vigne et vin, cher Daniel Laurent, parler de vin en France, ce n'est pas simplement faire mention d'un produit, ni même d'une filière. C'est évoquer une culture, un patrimoine vivant qui irrigue nos territoires, nos terroirs, nos paysages, notre économie, ainsi que, reconnaissons-le, notre identité et notre art de vivre. C'est aussi rappeler le lien profond entre les Français et leurs territoires, sans oublier l'existence d'un héritage façonné au fil des siècles et d'un savoir-faire que le monde entier nous envie.

Toutefois, ce patrimoine est aujourd'hui fragilisé. En effet, la filière viticole se trouve à la croisée de plusieurs bouleversements, dont l'évolution des modes de consommation, bien sûr, mais aussi les effets du changement climatique, ainsi que les tensions sur les marchés internationaux. Autant de défis qui appellent des réponses claires, concrètes et déterminées.

Or l'un de ces défis est aussi discret que redoutable : la santé des vignes, en particulier la lutte contre certaines maladies comme la flavescence dorée, qui menace directement l'équilibre de nos vignobles.

À ce titre, je me réjouis de l'initiative du député Hubert Ott, dont la proposition de loi tend à apporter une réponse ciblée et attendue par la profession. Je salue également le rapporteur de ce texte au Sénat, M. Sebastien Pla, pour le travail rigoureux qu'il a mené. Et je n'oublie pas l'action de Daniel Laurent, qui avait abordé ce sujet au travers d'un amendement rédigé dans les mêmes termes qu'une partie du texte que nous examinons aujourd'hui.

Il s'agit, en l'occurrence, de mieux prévenir les risques liés à la présence de vignes abandonnées ou laissées en friche, qui peuvent devenir de véritables foyers infectieux.

Le droit en vigueur impose déjà aux propriétaires l'arrachage des végétaux contaminés, tout en donnant à l'État un pouvoir d'injonction en cas de manquement. Pourtant, nous constatons tous que cette obligation est fort difficile à appliquer efficacement.

Pourquoi ? Parce que les sanctions actuelles, de nature délictuelle, sont à la fois inadaptées et – admettons-le – peu appliquées. En effet, les peines encourues sont disproportionnées par rapport aux faits, avec jusqu'à six mois d'emprisonnement, et les juridictions, légitimement mobilisées sur d'autres priorités, peinent à instruire ces dossiers dans des délais compatibles avec l'urgence sanitaire.

C'est là tout l'intérêt de la proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui. Celle-ci introduit une gradation dans la réponse de l'autorité publique, en privilégiant la voie contraventionnelle et la logique de coopération. Cette évolution permettra une mise en œuvre plus rapide, plus lisible et plus efficace des obligations sanitaires, sans stigmatiser les viticulteurs, qui sont les premiers à vouloir protéger leur outil de travail.

Le texte prévoit, en outre, un élargissement du dispositif à d'autres organismes nuisibles relevant des mesures de quarantaine, afin de rendre le cadre juridique plus cohérent et plus opérant, quel que soit le type de culture concerné.

Mesdames, messieurs les sénateurs, non seulement ce texte est attendu par les professionnels de la vigne, mais il s'inscrit pleinement dans une logique de simplification, de responsabilisation et, surtout, d'efficacité. Aussi, face aux enjeux sanitaires qui touchent nos filières végétales, il est de notre responsabilité collective d'adapter les outils juridiques à la simple réalité et, comme on le dit souvent au Sénat, de faire preuve de bon sens.

Le Gouvernement soutient donc résolument cette proposition de loi. Il appelle à son vote conforme. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP, RDPI, RDSE et SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Sebastien Pla, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi instaurant des réponses adaptées et proportionnées pour prévenir notamment le développement des vignes non cultivées a été déposée par le député Hubert Ott. En tant que vigneron, je le remercie de son initiative et salue sa présence dans nos tribunes.

Ce texte est aussi consensuel que nécessaire. Il a été très largement adopté par l'Assemblée nationale, et je ne doute pas qu'il en sera de même ici, au Sénat, puisqu'il n'a fait l'objet d'aucun amendement, que ce soit en commission ou en séance publique.

À l'origine de ce texte, l'on trouve une demande exprimée par la profession depuis plusieurs mois, laquelle vise à promouvoir des sanctions plus aisément applicables à l'encontre des détenteurs de vignes laissées en friche et ne se conformant pas aux obligations d'arrachage édictées par le préfet dans le cadre de la lutte contre la maladie réglementée de la flavescence dorée.

Selon les estimations fournies par le ministère de l'agriculture, le volume de vignes en friche varie de quelques ares, dans les régions Bourgogne–Franche-Comté, Grand Est et Centre-Val de Loire, à plusieurs centaines d'hectares, en Auvergne-Rhône-Alpes, voire à plusieurs milliers d'hectares, dans les régions Nouvelle-Aquitaine, Occitanie et Provence-Alpes-Côte-d'Azur. Dans le Beaujolais, la profession a identifié environ 700 parcelles concernées, quand leur nombre dépasse 1 900 dans un territoire qui m'est cher, le Languedoc-Roussillon.

Les raisons de ces abandons sont diverses et souvent liées aux difficultés économiques que rencontrent les exploitants, auxquelles s'ajoutent les questions de succession, donc de pérennité de l'entretien et de la culture de la vigne. C'est le cas malgré l'intervention des organismes de défense et de gestion (ODG), dont il convient de saluer la qualité du travail.

Le coût social et humain de ces abandons dépasse largement le périmètre de ce texte, puisqu'il est aussi question du devenir des territoires concernés et de ceux qui les cultivent, comme de ceux qui quittent définitivement ce magnifique métier.

La filière viticole française dans son ensemble doit faire face à l'une des plus importantes crises de son histoire, dans la mesure où cette dernière est multifactorielle.

Tout d'abord, on observe une réduction de la consommation, laquelle a baissé, en soixante ans, de 70 % et devrait continuer à décroître de 20 % au cours des dix prochaines années.

Ensuite, le changement climatique a des effets sur les récoltes.

Enfin, le contexte économique et géopolitique inflationniste se manifeste brutalement et soudainement, notamment au travers de la guerre commerciale que nous livrent Américains et Chinois en ciblant le vin, dont je rappelle qu'il est le troisième secteur contribuant le plus à la balance commerciale de notre pays.

Il convient d'accompagner cette filière d'excellence dans ces épreuves. En effet, au-delà de son poids économique, le vin est l'un des piliers de notre patrimoine culturel. Il n'est pas un produit comme les autres : il est une composante de l'art de vivre à la française qu'il convient de préserver.

Je saisis l'occasion qui m'est offerte pour vous informer que nous menons, à la demande de Mme la présidente de la commission des affaires économiques, que je remercie vivement, une mission d'information sur l'avenir de la filière viticole. Mes collègues Daniel Laurent, Henri Cabanel et moi-même en serons les corapporteurs.

Toutefois, avant cela, nous devons aborder la question des friches. Elles sont, tout d'abord, un accélérateur du risque incendie, notamment en milieu méditerranéen, où la vigne joue un rôle essentiel de coupe-feu. Leur effet visuel sur les paysages est préjudiciable au développement du tourisme, car la vigne est aussi un puissant vecteur d'image et contribue à sculpter les paysages de nos régions.

Par ailleurs, les friches peuvent entraîner un important surcoût économique pour les vignerons exploitants des parcelles contiguës aux friches. Ces derniers sont en effet obligés de multiplier les cadences des traitements préventifs, car les vignes abandonnées amplifient les risques sanitaires. Ces parcelles deviennent de puissants réservoirs pour les maladies classiques de la vigne, telles que le mildiou, l'oïdium ou le black-rot et, singulièrement, la flavescence dorée.

Cette maladie incurable, qui provoque le dépérissement de la vigne et l'effondrement de son rendement, est classée comme organisme de quarantaine au niveau européen. Elle a progressivement envahi la plupart des vignobles français depuis son apparition dans les années 1950.

Certains vignobles sont touchés de longue date, comme ceux du sud de la France, quand d'autres l'ont été plus récemment, à l'instar de la Bourgogne et de la Champagne. L'expansion de cette maladie a suivi le front de colonisation de son insecte vecteur, la cicadelle, introduit à l'époque de l'importation d'Amérique des plants résistants au phylloxéra. Elle est aujourd'hui largement présente en France et en Europe.

Les études scientifiques ont démontré de manière irréfutable que les vignes en friche constituent un foyer de contamination à la flavescence dorée pour les parcelles environnantes et, plus encore, un foyer de recontamination, susceptible de produire ses effets quelques jours seulement après le passage de traitements insecticides lourds dans les terrains voisins.

Il s'agit là d'une problématique majeure au regard des efforts considérables mis en œuvre par les organisations viticoles, en partenariat avec l'État, pour contenir l'avancée de la maladie. En effet, la transmission de vigne à vigne est rapide. Ainsi, l'on estime le coefficient multiplicateur d'une année sur l'autre à dix-huit. Dans ces conditions, de trois à quatre années suffisent à contaminer, puis à détruire totalement une parcelle, en particulier si l'on est en présence d'un variant agressif.

À la différence du mildiou ou du black-rot, la flavescence dorée fait l'objet de prescriptions de lutte obligatoire au titre de son statut d'organisme de quarantaine. Les préfets de région délimitent donc des périmètres à l'intérieur desquels des mesures de prospection, d'arrachage et d'application d'insecticide sont obligatoires. Ces mesures sont lourdes et coûteuses en temps et en argent pour les viticulteurs. Elles induisent des externalités négatives pour l'environnement, à rebours de la dynamique de sobriété engagée par toute la filière depuis des années.

La situation est sérieuse, puisque 75 % du vignoble français est situé dans le périmètre de lutte obligatoire. Passé le seuil de 20 % de ceps contaminés, une parcelle doit être totalement arrachée. En Languedoc-Roussillon par exemple, pas moins de 1 000 hectares de vignes ont été arrachés au cours des vingt dernières années.

En tant que vigneron, je conçois très bien la difficulté que représente l'arrachage de ses vignes, particulièrement dans les situations où les contaminations sont favorisées par des vignes voisines laissées en friche à proximité d'une exploitation pourtant bien conduite et entretenue.

Cette situation n'est ni acceptable ni tenable, même si j'ai conscience que les surfaces laissées en friche cachent parfois des situations humaines très difficiles. Cela a été rappelé en commission par certains de mes collègues ; je souscris totalement à leurs propos. C'est d'ailleurs pour cela que la solidarité permise par les organismes de défense et de gestion est si importante.

Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour saluer la qualité du travail des ODG, mais aussi des fédérations régionales de lutte et de défense contre les organismes nuisibles (Fredon) et des groupements de défense contre les organismes nuisibles (GDON), qui prospectent et luttent contre la flavescence dorée au quotidien.

S'il existe bel et bien une procédure pour sanctionner un propriétaire de vignes laissées en friche ne respectant pas une obligation d'arrachage, cette démarche est lourde, en raison du caractère délictuel de l'infraction. En effet, le propriétaire contrevenant encourt, en l'état actuel de la loi, jusqu'à six mois d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende, une peine totalement disproportionnée à la faute.

Cette procédure complexe est finalement peu appliquée, donc peu dissuasive. En lieu et place de celle-ci, au travers de l'article unique du texte que nous examinons, il est donc proposé un dispositif à deux étages.

Le premier consiste en la création d'une infraction contraventionnelle, beaucoup plus simple à mettre en œuvre et plus proportionnée à la nature de la faute. Ladite infraction ferait l'objet de l'amende prévue pour les contraventions de cinquième classe, soit 1 500 euros, et 3 000 euros en cas de récidive.

Le second étage consiste en la création d'un pouvoir d'injonction tendant à obliger le propriétaire à se conformer à ses obligations dans un délai imparti. Le non-respect de cette injonction demeurerait en revanche un délit, permettant ainsi de maintenir une gradation des peines.

La création de l'amende de 1 500 euros est fortement soutenue par la profession viticole, et cela depuis très longtemps. D'ailleurs, cela nous a été régulièrement rappelé en audition. La raison essentielle en est son caractère dissuasif, notamment parce qu'elle sera plus aisément prononcée qu'une sanction délictuelle. Fait suffisamment rare pour être souligné, nous avons là une proposition concrète s'inscrivant dans la simplification des procédures tant attendue par le monde agricole… (Sourires.)

À l'issue de mes échanges avec les services de l'État et les représentants de la profession, j'ai proposé à la commission des affaires économiques d'adopter ce texte, équilibré et fortement attendu, sans modification.

Une telle adoption conforme permettrait de mettre en œuvre rapidement le dispositif sur le terrain, ce qui correspond aux attentes des professionnels confrontés à la propagation de la maladie. Ces derniers souhaitent communiquer auprès de leurs adhérents le contenu de cette modification législative, de manière à inciter les propriétaires de vignes en friche à les arracher.

Cette proposition de loi ne suffira bien évidemment pas à régler le problème posé par la flavescence dorée, mais elle donnera aux acteurs un outil utile dans la longue et difficile lutte contre la maladie, de même que contre de nombreuses autres, qui trouvent dans les vignes en friche un milieu particulièrement favorable.

Au-delà de l'assouplissement, certes important, du régime de sanction, il conviendra de s'interroger sur le devenir du foncier libéré par les campagnes d'arrachage. Il y va du devenir de nos paysages et des propriétaires exploitants.

Avec l'examen en procédure accélérée de cette proposition de loi et la perspective d'un vote conforme, le Gouvernement, le Sénat et l'Assemblée nationale font la démonstration collective qu'il est possible de simplifier les choses de manière rapide et pragmatique, en l'occurrence dans l'intérêt des agriculteurs et de la viticulture française. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Laurent.

M. Daniel Laurent. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite, à cette tribune, exprimer à mon tour mon plein soutien à la proposition de loi de notre collègue député Hubert Ott.

Derrière sa technicité apparente, ce texte répond à une problématique très concrète, très présente dans nos territoires viticoles et souvent signalée par les élus locaux, les syndicats viticoles et les professionnels eux-mêmes : les vignes abandonnées et des risques qu'elles font peser sur la santé des vignobles environnants.

Le constat est partagé : dans de nombreuses régions viticoles, des parcelles entières sont laissées à l'abandon. Les causes sont multiples : départ à la retraite sans repreneur, difficulté économique, morcellement foncier, éloignement des héritiers, perte d'intérêt pour la vigne en tant que patrimoine vivant.

Néanmoins, ces vignes délaissées ne sont pas seulement le symptôme d'une désaffection ou d'une mutation en cours. Elles deviennent une menace sanitaire active, un véritable foyer de contamination pour les parcelles voisines, entretenues, elles, avec soin.

Je pense notamment à la flavescence dorée, maladie de quarantaine, classée en tant que telle au niveau européen et transmise par la cicadelle, qui peut dévaster des vignobles entiers si elle n'est pas détectée et traitée rapidement. Face à cette menace, les viticulteurs doivent intervenir au moyen de traitements lourds, coûteux et, souvent, phytosanitaires, dont l'efficacité est directement compromise par la simple présence de parcelles non entretenues à proximité.

Pourtant, les viticulteurs sont aujourd'hui seuls en première ligne. Ils surveillent, ils traitent, ils investissent, ils respectent les arrêtés préfectoraux et font preuve d'un grand sens des responsabilités. Mais ils doivent aussi composer avec l'inaction de certains propriétaires, parfois négligents, parfois absents, parfois simplement mal informés, sans qu'aucun outil leur permette de réagir efficacement.

C'est tout l'intérêt de cette proposition de loi, qui vise à instaurer un outil simple, proportionné et, enfin, applicable, pour sanctionner l'abandon manifeste des vignes lorsque celui-ci constitue un danger sanitaire avéré.

Aujourd'hui, le code rural et de la pêche maritime prévoit une peine de six mois d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende. Avouons-le, elle est inapplicable et jamais mobilisée, car elle est trop lourde, trop longue à mettre en œuvre et, dans les faits, décourageante pour l'administration elle-même.

Le texte crée donc une contravention de cinquième classe, punie de 1 500 euros d'amende, qui peut être prononcée rapidement et assortie d'une injonction de mise en conformité. En cas de récidive ou d'inaction persistante, la sanction pénale redevient possible. Ce système gradué est plus adapté, plus lisible et, surtout, plus dissuasif au regard de la réalité du terrain.

Je salue, à cet égard, le travail de notre collègue rapporteur, Sebastien Pla, qui a rappelé la teneur des auditions qu'il a menées, et me réjouis du consensus trouvé en commission des affaires économiques. Celle-ci a adopté ce texte sans modification, signe de son caractère équilibré.

En tant que président du groupe d'études Vigne et vin du Sénat, j'avais moi-même proposé des amendements en ce sens, comme l'a rappelé Mme la ministre. En effet, le problème ne date pas d'hier : nous avons tous été alertés par des maires, des présidents de syndicats d'appellation ou des membres de chambres d'agriculture. Tous décrivent la même impuissance administrative face à l'abandon des vignes.

Ce texte constitue donc une avancée concrète, qui dote l'État et les acteurs locaux d'un outil opérationnel supplémentaire. Mais il faut le dire clairement : il ne règle pas tout.

L'abandon des vignes est le symptôme d'un mal plus profond. La viticulture française traverse une phase d'instabilité inédite. Elle subit une baisse de la consommation intérieure, en particulier chez les jeunes générations. Elle doit répondre à des exigences environnementales croissantes, parfois sans accompagnement suffisant. Elle est confrontée à une forte concurrence à l'export et à une complexification des normes. Surtout, le modèle de la petite exploitation familiale, qui a façonné nos paysages viticoles, est aujourd'hui fragilisé.

C'est tout l'objet de la mission d'information sur l'avenir de la filière viticole, dont j'ai l'honneur d'être le rapporteur, aux côtés de mes collègues Henri Cabanel et Sebastien Pla. Cette mission, qui vient d'entamer ses travaux, témoigne d'une grande ambition : établir un diagnostic approfondi et proposer des recommandations concrètes. À n'en pas douter, les auditions menées nourriront utilement notre réflexion législative, ainsi que sur les mesures d'accompagnement nécessaires.

Alors que la viticulture est en pleine mutation, il faut apporter des réponses concrètes. Avec mes deux collègues, nous devrons avoir le courage d'écouter, mais aussi de formuler des propositions, quitte à ce que celles-ci décoiffent par leur radicalité. C'est indispensable pour atteindre notre objectif.

Sanctionner l'abandon est nécessaire, mais ne suffit pas. Il faut également encourager la transmission, la reprise et la remise en culture. Il faut outiller les collectivités pour qu'elles accompagnent les projets de reprise, facilitent le portage foncier, favorisent les baux ruraux environnementaux à clauses environnementales (BRE) et promeuvent, ce qui est le plus important, l'installation de jeunes viticulteurs.

La société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer), les chambres d'agriculture, les interprofessions ont des solutions : les bourses foncières, le remembrement, le portage temporaire, les aides à l'installation ou encore les incitations fiscales à la cession. Ces outils doivent être renforcés, rendus plus accessibles, plus visibles pour les propriétaires et plus simples dans leur mise en œuvre.

Puisque nous parlons ici de la flavescence dorée, n'oublions pas que lutter contre cette maladie implique une politique nationale coordonnée. La recherche doit être mobilisée sur les solutions de rechange aux traitements phytosanitaires, sur la surveillance biologique, sur la sélection de cépages plus résistants et sur la formation des viticulteurs.

Il est temps de mieux organiser la réponse sanitaire et de mobiliser les moyens de l'État et des interprofessions. Il est temps de donner aux viticulteurs des outils pour s'adapter, dans un esprit de transition écologique maîtrisée, et non subie.

Mes chers collègues, ce texte est modeste en apparence, mais il permet d'émettre un véritable message de responsabilité.

Il nous rappelle que le patrimoine viticole, comme vous l'avez dit, madame la ministre, est un bien collectif qui mérite protection. Il nous rappelle que la santé des vignes ne peut reposer sur l'abnégation de quelques-uns, quand d'autres la compromettent par négligence. Il nous rappelle aussi que le droit peut être plus agile, plus lisible et plus efficace sans renoncer à nos principes.

Je voterai donc sans réserve cette proposition de loi, parce qu'elle répond à une urgence du terrain, parce qu'elle protège ceux qui travaillent et parce qu'elle s'inscrit dans une vision plus large, que nous portons au sein de la mission d'information sur l'avenir de la viticulture : celle d'une viticulture durable, vivante, enracinée et solidaire, alors qu'elle est très malmenée dans le contexte géopolitique actuel. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, véritables trésors de notre patrie et de ses paysages, les vignes sont pour les Français comme l'étoile au maillot : une fierté nationale ! (Sourires.)

Pourtant, de nombreuses parcelles de vignes sont aujourd'hui laissées à l'abandon, et ce pour diverses raisons. La prévention du développement des vignes non cultivées est donc un sujet important.

Vu l'urgence de la situation, nous n'avons pas de temps à perdre, car, dans nos territoires, les vignes abandonnées se multiplient. Elles ne sont pas seulement le symptôme d'une filière en difficulté : elles constituent une menace directe pour les vignes voisines. En effet, les vignes abandonnées favorisent la propagation de la flavescence dorée, une maladie extrêmement virulente.

Détectée en France dans les années 1950, elle se propage par la cicadelle scaphoideus titanus, un insecte ravageur qui trouve refuge dans les vignes abandonnées. Feuilles décolorées, grappes desséchées, rameaux mal aoûtés : les ravages causés par la flavescence dorée sont multiples, et la mort de la souche devient inéluctable si rien n'est fait, causant ainsi la perte des récoltes et une diminution non négligeable des rendements.

Pis encore, ces vignes non entretenues représentent des foyers de contamination et de véritables menaces pour les exploitations voisines.

En effet, elles deviennent des réservoirs d'agents pathogènes, ce qui impose de traiter régulièrement les parcelles proches situées dans les zones concernées par la lutte obligatoire, afin de prévenir leur contamination. Cette situation suscite un recours accru aux insecticides, ce qui va à l'encontre des objectifs fixés en matière de réduction des produits phytosanitaires et de protection de la biodiversité.

Autant de raisons qui justifient la lutte contre la prolifération de la flavescence dorée, néfaste et coûteuse pour nos viticulteurs.

Cette maladie incurable, que l'on pourrait qualifier de phylloxéra du XXle siècle, fait déjà l'objet de mesures destinées à lutter contre sa propagation, à l'échelle de l'Union européenne comme au niveau national, au travers des dispositions du code rural et de la pêche maritime. Néanmoins, force est de constater que le nombre de parcelles de vignes abandonnées continue d'augmenter.

Face à cette réalité, la proposition de loi que nous examinons apporte une réponse pragmatique, proportionnée et opérationnelle.

Il s'agit de mettre en place une contravention de cinquième classe, d'un montant de 1 500 euros, pour les propriétaires de vignes laissées en friche qui n'auraient pas procédé à l'arrachage malgré une mise en demeure préalable.

Cette contravention s'appliquerait à chaque parcelle concernée, selon une logique de proportionnalité et de gradation, en amont des sanctions pénales prévues par le droit en vigueur. Contrairement à l'actuelle peine délictuelle de six mois d'emprisonnement complétée d'une amende pouvant atteindre 150 000 euros, l'article unique tend à créer une mesure réellement dissuasive, bien plus claire et, surtout, applicable immédiatement.

Les dispositions de l'article L. 251-20 du code rural et de la pêche maritime sont inappliquées dans les faits et complexes à mettre en œuvre. Voilà pourquoi ce nouveau dispositif d'amende contraventionnelle pour non-respect de l'obligation de l'arrachage de vigne sera bien plus utile et efficace pour lutter contre la prolifération de la flavescence dorée.

Voilà qui renforce les moyens de contrôle tout en apportant une réponse ciblée et graduelle, permettant de traiter au cas par cas les atteintes à la loi. Autrement dit, il s'agit de sanctionner simplement, de façon juste et adaptée, pour viser ceux qui ne respectent ni les règles ni leurs voisins de parcelles.

Mes chers collègues, ce texte est le fruit d'un large consensus politique, ce que je tiens à saluer. Je remercie le rapporteur de la qualité de son travail.

Toutefois, si la cible des auteurs de ce texte est bel et bien atteinte, l'examen de cette proposition de loi constitue pour moi l'occasion d'aborder l'avenir de notre filière viticole.

Depuis plusieurs années, le secteur est confronté à plusieurs crises mêlant la baisse tendancielle de la consommation, les aléas et les conséquences du dérèglement du climat, les maladies multiples, la concurrence féroce et, désormais, les tensions commerciales internationales, notamment du fait de l'administration de Donald Trump. Voilà autant de facteurs qui pèsent lourdement sur les épaules de nos viticulteurs.

Dans la Drôme, le phénomène est criant. Les dégâts progressent et les conséquences en sont déjà visibles, notamment dans mon canton du Diois, où la clairette de Die, produit emblématique de notre territoire, traverse une crise grave. Elle souffre en effet de la baisse de la consommation et de la concurrence des autres vins mousseux, à l'instar du prosecco.

Dans ce contexte, certains exploitants explorent des pistes nouvelles, comme la production de clairette rosée, tandis que d'autres restructurent leur vignoble. Or cela coûte cher, et les aides à l'arrachage, qui peuvent atteindre jusqu'à 4 000 euros par hectare, sont indispensables.

Les difficultés rencontrées par les viticulteurs sont nombreuses et exigent un accompagnement de tous les instants. Alors que les crises s'accumulent, il nous revient de limiter les dégâts.

Tel est l'objectif de ce texte qui, au-delà de son utilité pour combattre une maladie, représente un véritable appel à la responsabilité collective et un levier pour préserver la qualité, la réputation et la santé de nos vignobles.

C'est pourquoi, en toute cohérence, notre groupe le votera, car il donne aux pouvoirs publics des outils simples et efficaces afin de préserver le patrimoine viticole, l'environnement et l'économie rurale de nos territoires.

Un vote conforme de notre assemblée devrait permettre l'entrée en vigueur rapide de ce texte très attendu. Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour en assurer vite la publication. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC, ainsi qu'au banc des commissions. – M. Vincent Louault applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Henri Cabanel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je veux vous parler d'une double peine, celle qui consiste à ajouter une crise économique, contraignant le vigneron à arrêter son activité, au délit de non-arrachage des vignes non cultivées. Vous obtenez ainsi le contexte dans lequel les friches viticoles se trouvent à l'heure actuelle.

Madame la ministre, pourquoi pensez-vous que les paysans ne cultivent plus leur terre ? Tout simplement parce que cela ne les nourrit plus ou qu'ils ne trouvent plus de repreneurs !

Derrière cette proposition de loi, qui affiche des vertus sanitaires, se cachent deux problèmes de fond.

Tout d'abord, je le répète, celui d'une filière en crise, qui souffre d'un manque de vision et d'anticipation. Elle doit notamment affronter un phénomène de déconsommation, se montrer résiliente face au changement climatique, s'adapter au goût des consommateurs, etc. Comment se fait-il que l'Italie puisse se targuer d'avoir un volume d'exportation de vin deux fois supérieur au nôtre ?

Notre filière souffre non seulement de crises successives, mais aussi d'un manque de cap depuis des années. On demande des primes à la plantation et, en même temps, des primes à l'arrachage. On demande des subventions à l'irrigation et, en même temps, des droits de distillation. Quelle est la logique de tout cela, si ce n'est de ne pas savoir où l'on va ?

Il faudrait peut-être avoir le courage de cesser de travailler en silo, chacun pour soi, de recourir aux appellations, aux labélisations, aux régions et aux fédérations, alors que nos voisins européens font du marketing en tir groupé, tous unis autour d'un seul drapeau, celui de leur pays. (Mme la ministre approuve.)

Ensuite, le prix des traitements contre la flavescence dorée constitue également un problème de fond. Je le prouverai en prenant un simple exemple. Cher Daniel Salmon, l'insecticide destiné à l'agriculture bio, le pyrevert, doit être utilisé à trois reprises pour se montrer efficace, alors que son coût atteint 240 euros par hectare.

M. Vincent Louault. Très juste !

M. Henri Cabanel. En France, la surface moyenne des terres cultivées pour ce type d'agriculture étant de 25 hectares, le coût annuel de l'utilisation du pyrevert s'élève donc 6 000 euros.

Quel agriculteur peut s'acquitter d'une telle somme dans ce contexte de crise, alors que le bio se vend au même prix que les produits conventionnels ? Surtout, le pyrevert a une efficacité modérée. En gros, c'est le traitement le plus cher et le moins efficace !

Pensez-vous que d'autres cultivateurs de produits conventionnels, qui croulent sous les charges et les dettes, vont tous traiter leurs cultures ?

Tout le monde le sait, il existe en ce domaine un secret de polichinelle. C'est un vrai problème, car le risque de propagation des maladies est tout aussi présent que pour les friches. Vous le savez, j'ai l'habitude de dire ce que certains pensent tout bas. Ce que je veux démontrer, au travers de tel ou tel exemple, c'est que la vérité est toujours dans la nuance.

Jeter l'opprobre sur des vignerons déjà fragilisés, en les sacrifiant sur l'autel de l'inconscience, est tout simplement caricatural et peu honnête. En effet, des vignerons qui cultivent ne traiteront pas leurs vignes, et aucun contrôle n'est mené à ce niveau-là. Ajoutez à cela une petite vérité supplémentaire : les friches font tache dans certains paysages viticoles ; je ne m'étendrai pas davantage.

Bref, nous devons rester raisonnables dans nos propos et nos actions. C'est pourquoi je voterai ce texte, comme tous les membres mon groupe, car il assouplit la réglementation existante, qui, compte tenu de son outrance, n'est pas appliquée.

Le non-respect des obligations d'arrachage est censé être puni par une sanction de nature délictuelle, soit une peine de six mois d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende. Voilà une peine disproportionnée, inadaptée et donc inopérante. Comme elle est excessive et complexe, elle n'est jamais prononcée.

La présente proposition de loi vise à compléter l'arsenal juridique des sanctions, pour l'adapter à la réalité des différentes situations sociales et économiques des viticulteurs et des détenteurs de végétaux.

Jugée plus crédible, la menace d'une contravention de cinquième classe, dans un premier temps, doit permettre de responsabiliser les propriétaires négligents, sans pénaliser les viticulteurs précaires.

Toutefois, un viticulteur affaibli pourra-t-il s'acquitter d'une amende de 1 500 euros ? Permettez-moi d'avoir quelques doutes. Le sujet aurait mérité d'être traité plus globalement, au-delà de l'aspect sanitaire.

Pour ce qui concerne les friches, plusieurs autres enjeux se posent. Des terres irriguées sont non exploitées. Certaines terres sont même abandonnées, alors que le foncier agricole est déterminant pour notre souveraineté agricole et que le renouvellement des générations devient un problème majeur. Bref, le sujet est loin d'être clos. (Applaudissement sur les travées des groupes RDSE et UC, ainsi qu'au banc des commissions. – M. Vincent Louault applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Claude Kern. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je vous le dis d'emblée : cette proposition de loi, déposée par le député Hubert Ott, que je salue – il est dans nos tribunes –, ne prétend pas répondre à la crise viticole, tant les enjeux sont pluriels. Elle a toutefois le mérite de s'attaquer à l'un des aspects bien identifiés de cette crise, à savoir les maladies qui menacent les vignes, en particulier celles qui ne sont pas cultivées.

Le problème est bien connu : les friches viticoles sont un foyer de contamination pour tout le vignoble français, avec un risque sanitaire réel lié à la propagation de maladies, comme la flavescence dorée, qui appelle des réponses rapides et rigoureuses.

Or les outils juridiques dont nous disposons aujourd'hui ne permettent pas une intervention efficace et préventive. La seule sanction applicable est de nature délictuelle. Aussi lourde qu'inopérante, elle est largement inutilisée.

Les mesures de lutte doivent pourtant être prises le plus tôt possible ; je crois que cette priorité est collectivement partagée dans les milieux viticoles.

Il ne doit plus y avoir de négligence ou d'inaction en la matière, au risque d'entrer dans une spirale infernale, entre absence d'entretien, contamination de la parcelle ou des parcelles voisines, baisse de productivité et recours aux insecticides.

Je salue le renforcement des moyens de lutte contre le développement des vignes abandonnées, tel qu'il est prévu par le présent texte. Celui-ci acte une avancée pragmatique en introduisant une contravention de cinquième classe pour sanctionner le non-respect des mesures de lutte sanitaire, à commencer par l'arrachage des ceps contaminés. Il établit une gradation des sanctions, respectueuse du droit et du principe de proportionnalité et, surtout, crédible.

À titre personnel, je me réjouis que le vignoble alsacien soit pour le moment encore épargné par de telles maladies. Cependant, le changement climatique rebat les cartes de la viticulture, à tel point que ces menaces pourraient se concrétiser très prochainement. Nous devons les anticiper et nous tenir prêts à agir le plus vite possible.

Je tiens d'ailleurs à le souligner, si cette mesure est attendue par les professionnels, elle nécessite, en contrepartie, un déblocage rapide des aides à l'arrachage, dans un contexte parfois très tendu pour nos viticulteurs. À la détresse du viticulteur, qui découvre des maladies sur ses parcelles, ne doit pas s'ajouter une trésorerie exsangue.

Le groupe Union Centriste se félicite également du consensus politique ayant entouré l'examen de ce texte, qui plaide pour un vote conforme. Celui-ci permettrait de le mettre en œuvre immédiatement.

Aujourd'hui, rien ne justifie d'altérer ce compromis. C'est la raison pour laquelle notre groupe votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu'au banc des commissions. – M. Vincent Louault applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, si l'introduction de la vigne en Bretagne est lointaine – elle remonte probablement au néolithique – et si, depuis quelques années, la viticulture a repris racine dans notre région, je n'oserai pas affirmer devant nos collègues des régions viticoles que la Bretagne est une grande terre de vignoble. (Sourires.)

Elle n'en est pas moins une grande région agricole. Elle se doit donc d'aborder les thématiques dont nous débattons aujourd'hui dans leur globalité, car l'agriculture, au sens large, est un bien collectif.

Alors que la France pouvait auparavant se prévaloir d'une balance excédentaire en matière agricole, notre pays affiche désormais un solde net d'importations de produits alimentaires, hormis les vins et spiritueux. C'est dire combien la filière vinicole joue un rôle essentiel pour l'économie française, notamment pour notre balance commerciale.

Les épidémies et les crises agissent comme un révélateur des engagements et des capacités de résilience des sociétés humaines.

Bien entendu, nous sommes ici en présence d'une situation à haut risque pour la filière viticole, déjà confrontée à de lourdes difficultés, tant structurelles que conjoncturelles. Je remercie le rapporteur de l'avoir rappelé.

Tout d'abord, la production est régulièrement perturbée par des accidents climatiques à répétition, au premier rang desquels la sécheresse.

Ensuite, la filière a été affectée par plusieurs chocs exogènes, dont la réduction de l'activité causée par la pandémie de covid-19 et la hausse des coûts de production liée la guerre en Ukraine.

Enfin, nous devons tenir compte de l'existence de multiples contentieux économiques internationaux, en particulier avec les États-Unis.

Parallèlement, la filière doit s'adapter à la baisse tendancielle de la consommation de vin, non seulement en France, mais aussi à l'échelle internationale.

Dans un tel contexte, nous savons que la propagation de la flavescence dorée serait une catastrophe. Des vignes laissées en friche peuvent très rapidement devenir des foyers de contaminations et, ainsi, représenter une menace sanitaire particulièrement active.

Le présent texte institue deux mesures visant à lutter contre la prolifération des vignes non cultivées, qui ne me paraissent pas infondées : un régime de contravention simple réprimant le fait de ne pas appliquer les mesures édictées par l'autorité administrative pour lutter contre les organismes nuisibles et l'attribution d'un pouvoir d'injonction aux agents habilités.

Mes chers collègues, nous vous appelons à voter ce texte conforme, afin qu'il puisse être appliqué de la manière la plus rapide et efficace possible.

Nous le voyons, nous sommes amenés à reconsidérer notre législation. Néanmoins, cela ne doit pas nous interdire de nous interroger sur les causes, au demeurant très diverses, de la propagation de ces crises et sur les raisons pour lesquelles les professionnels sont de moins en moins capables de se conformer à leurs obligations.

Si les vignes non cultivées constituent des foyers bien identifiés de la flavescence dorée, elles sont aussi la conséquence des difficultés économiques croissantes de la profession.

Au travers des âges, les paysans ont dû s'adapter, s'organiser, mutualiser leurs moyens, coopérer et bâtir les choses de façon commune.

Quand une situation à risque se présente, il faut faire du commun et souvent dépasser le cadre strict des dispositions coercitives que sous-tendent les adaptations de la législation. Il faut encourager, par exemple, les cultures voisines des friches laissées à l'abandon.

Compte tenu de la situation à haut risque dont je parlais tout à l'heure, notre groupe votera ce texte. (Mme la ministre déléguée et M. le rapporteur applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Daniel Salmon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la filière viticole française traverse une crise profonde et structurelle, aux facteurs multiples : évolution du mode de consommation des Français, contexte international, inflation, spéculation foncière et, bien sûr, changement climatique.

Elle doit aussi faire face à une pression sanitaire croissante et à la persistance de maladies qui fragilisent un secteur déjà sous tension. Je pense notamment à la flavescence dorée, mais aussi au mildiou, à l'oïdium et black-rot, en autres.

Cela a été dit, le phénomène est amplifié par l'abandon de certaines vignes. Des friches deviennent ainsi des foyers durables et contaminants pour les parcelles saines situées à proximité et affectent particulièrement les agriculteurs qui ont fait le choix du bio. D'autres voient leurs rendements amputés et leurs efforts en matière de transition écologique compromis par l'usage de produits phytosanitaires.

Bien sûr, derrière ces friches, il y a des situations souvent douloureuses : des exploitants en grande difficulté économique, qui n'ont pas les ressources financières pour traiter correctement ces vignes, mais aussi des propriétaires non exploitants, qui ne trouvent pas de viticulteurs pour travailler sur leur parcelle, le renouvellement des générations n'étant pas pleinement assuré.

Si les obligations d'arrachage des pieds isolés contaminés, seule solution pour lutter efficacement contre la propagation des maladies, ne sont pas toujours respectées, la peine délictuelle actuelle que peut encourir le propriétaire est clairement disproportionnée. Rarement appliquée, elle alourdit inutilement les procédures pénales, sans avoir d'effet dissuasif. De fait, elle est inopérante.

Cette proposition de loi propose de mieux adapter notre arsenal juridique, en passant à un régime contraventionnel, davantage proportionné, ce qui nous paraît tout à fait légitime. Nous la soutiendrons donc sans réserve. Ce faisant, le présent texte fournit un outil supplémentaire pour agir plus rapidement face à ces situations complexes.

Cependant, nous tenions à le souligner, dans un contexte de changement climatique et d'accroissement des maladies de la vigne, nous devrons nous concentrer rapidement sur les réponses structurelles pour résoudre efficacement la crise multifactorielle subie par la filière.

Les viticulteurs ont, eux aussi, besoin de prix rémunérateurs garantis par l'État pour planifier leur transition de cépage, investir dans l'adaptation au changement climatique ou faire face à l'évolution des goûts des consommateurs. Par ailleurs, les difficultés économiques auxquelles les exploitants sont confrontés nous invitent, là encore, à remettre en cause notre modèle productiviste, tourné vers l'exportation.

Nous devons également revoir notre politique agricole, qui est soumise aux logiques du marché, au détriment d'une diversification de la production, de la reconversion des producteurs, de leur juste rémunération et de la transmission de leurs exploitations.

Mes chers collègues, permettez-moi d'insister particulièrement sur la problématique de l'hyperspécialisation des exploitations, qui alimente grandement les fragilités de cette filière d'excellence.

Là aussi, le maître mot de la transition doit être la diversité, et ce à tous les niveaux. En effet, la diversité végétale concourt à diminuer les populations de champignons pathogènes, plantes adventices et insectes ravageurs qui vivent aux dépens des cultures. La polyculture, abandonnée au profit de l'hyperspécialisation, est source de résilience et de robustesse. Elle doit être soutenue par des politiques agricoles volontaristes, là où c'est possible.

Pour faire écho aux propos de mon collègue Cabanel, nous devons, en effet, nous poser les bonnes questions et veiller à ne pas préserver dans un système qui montre des dysfonctionnements. Nous espérons que la mission d'information sur l'avenir de la filière viticole formulera des recommandations structurantes en ce sens.

Au total, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera bien évidemment ce texte, qui protégera la profession et améliorera la préservation de nos territoires viticoles, dans la continuité du très large consensus qui s'est exprimé ici et à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Henri Cabanel applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Lucien Stanzione. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Lucien Stanzione. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la filière vitivinicole française traverse une crise structurelle majeure, qui met à mal de nombreuses exploitations et, parfois, des territoires entiers. Ses origines sont multifactorielles ; elles sont à la fois économiques, sociétales, environnementales, sanitaires et climatiques. Nous devons nous préparer à un choc historique.

Fallait-il une loi instaurant des réponses adaptées et proportionnées, notamment pour prévenir le développement des vignes non cultivées ou abandonnées ? Oui, bien évidemment !

Le présent texte a été déposé le 21 janvier 2025 par le député Hubert Ott, qui en fut également le rapporteur. À cette occasion, il a particulièrement renforcé le dispositif proposé.

Cette proposition de loi est aussi consensuelle que nécessaire. Votée à l'Assemblée nationale par tous les groupes à l'exception d'un seul, qui s'est abstenu, et adoptée à l'unanimité par la commission des affaires économiques du Sénat, elle est l'expression d'un accord unanime de l'ensemble de la profession viticole.

Il semble évident de faire de la lutte contre les organismes nuisibles une priorité, surtout lorsqu'une des solutions consiste à appliquer la loi pour pallier les négligences ou les carences des propriétaires de parcelles laissées à l'abandon.

Ce texte s'inscrit dans cette démarche en voulant rendre applicables, donc dissuasives et potentiellement plus efficaces, les sanctions encourues en cas de non-respect de la législation. Il est l'expression concrète d'une volonté politique de simplification des procédures, attendue par le monde agricole.

Force est de constater qu'il ne sera pas mis en œuvre par voie réglementaire, aucun décret d'application n'étant prévu. Ainsi, un vote conforme du Sénat assurait qu'il entre en vigueur de façon immédiate.

Je tiens à saluer une nouvelle fois le travail accompli par Hubert Ott, député du Haut-Rhin, par la présidente de notre commission des affaires économiques, Mme Dominique Estrosi Sassone, et par le rapporteur Sebastien Pla, sénateur de l'Aude, qui a multiplié les auditions avec les représentants de la profession viticole et tous les acteurs concernés.

Les travaux parlementaires de Sebastien Pla, nourris par son expérience de vigneron de terrain, ont permis à cette initiative de voir le jour.

N'oublions pas que le fond du problème reste la crise viticole. Nous attendons des pouvoirs publics à la fois des réponses urgentes et la mise en place d'une réelle stratégie à moyen et long terme.

Il est important de souligner l'essentiel : chaque pas en avant compte. C'est pourquoi, dans un esprit de compromis, nous soutiendrons cette proposition de loi, qui marque une avancée majeure face à une crise que nous ne pouvons plus ignorer ni résoudre en prenant davantage de retard. Il faut agir vite. En ce sens, le texte pourrait entrer en vigueur dès le présent mois de juin.

Mes chers collègues, pour revenir sur le contexte et les faits, nous assistons, depuis quelques années, à une augmentation généralisée des surfaces de vignes laissées à l'abandon. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Ces surfaces représenteraient environ 400 hectares dans les Pays de la Loire et 2 000 hectares en Gironde et en région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Loin d'appartenir au passé, la crise viticole structurelle s'installe durablement. Dans le sud de la France – la vallée du Rhône, la Provence, l'Occitanie et l'Aquitaine –, les surfaces de vignes laissées en friche vont exploser dans les douze à vingt-quatre prochains mois.

Or ces vignes abandonnées sont un réservoir pour les maladies classiques, comme le mildiou et l'oïdium, et deviennent des foyers potentiels de vecteur de la flavescence dorée, maladie transmise par la cicadelle. Cette maladie de quarantaine incurable provoque le dépérissement de la vigne et l'effondrement de son rendement.

D'où la demande, exprimée par la profession viticole depuis plusieurs mois, de sanctionner de façon plus adaptée et proportionnée les propriétaires de vignes laissées à l'abandon. L'idée est de créer un nouveau régime applicable à deux niveaux, rendant les poursuites plus rapides et plus efficaces. Le texte prévoit ainsi une contravention de cinquième classe, tout en conservant une sanction pénale de type délictuel en cas de refus répété de se conformer aux injonctions.

Le propriétaire exploitant encourt actuellement jusqu'à six mois d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende. Ces peines étant disproportionnées par rapport à l'infraction, elles sont très peu appliquées et donc faiblement dissuasives.

Il y a urgence à agir. Voilà pourquoi nous devons voter cette proposition de loi en des termes conformes. Cela permettra de soutenir les viticulteurs dans leur lutte contre les maladies de la vigne.

Bien évidemment, ce texte n'est qu'une réponse partielle aux problématiques plus larges de la déprise agricole, de la lutte contre les ravageurs ou encore de la crise structurelle qui frappe la filière vitivinicole. D'autres questions continuent de se poser, dont le recensement des parcelles abandonnées, le financement effectif de l'arrachage par des aides adaptées et les plans d'accompagnement des viticulteurs affectés.

Plus globalement, quel sera l'avenir de ce foncier agricole, devenu non cultivé après l'arrachage ? Sur les 100 000 hectares de vignes que possède la Gironde, 15 000 à 25 000 hectares seront arrachés, comme nous le confirme notre collègue Gillé.

Au-delà, dans certains départements, dont celui du Vaucluse, il s'agit d'inverser la tendance par une réponse forte de l'État.

La diversification des productions est souhaitable, mais quelle production choisir quand toutes les filières sont en crise ? Par ailleurs, où trouver les financements pour investir dans une restructuration qui demande de nouveaux équipements en irrigation et en nouveaux plants ? Je rappelle que ces derniers ont besoin de plusieurs années avant d'entrer en production et de devenir rentables.

Enfin, comment s'engager dans cette voie quand les exploitations agricoles sont déjà au plus mal ?

Les difficultés rencontrées à l'échelle locale illustrent systématiquement les enjeux que nous identifions à l'échelle nationale, voire européenne. Elles appellent ainsi la mise en place d'une politique prospective, dans le cadre d'une véritable stratégie globale.

Faisons en sorte que nos agriculteurs soient entendus. Nous devrions travailler à définir un plan complet de sauvegarde des cultures méditerranéennes, en remplaçant la vigne, la cerise, la fraise et la lavande par de nouvelles cultures complémentaires, telles que l'amande, la pistache, la grenade, l'argan et l'origan. Ce plan doit être mis en place très rapidement dans les départements du sud de la France, en particulier dans le mien.

Plus globalement, la mission d'information constituée par Sebastien Pla, Henri Cabanel et Daniel Laurent apportera sûrement des réponses constructives sur l'avenir de la filière.

Enfin, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025, il nous faudra nous assurer de la pérennisation des aides encore disponibles, auxquelles s'ajoutent les dispositifs permanents d'échéanciers de paiement, ainsi que les procédures préventives nécessaires.

Mes chers collègues, votons cette proposition de loi afin de porter haut les couleurs de nos territoires agricoles. Ces derniers sont pour l'instant en extrême difficulté, alors qu'ils sont toujours garants de notre autonomie alimentaire.

Nos agriculteurs et nos territoires ont besoin de nous : soyons à la hauteur ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDSE et UC.)

M. Vincent Louault. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, de prime abord, cette proposition de loi ne me semblait pas opportune, car il n'est pas dans l'ADN des membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires d'ajouter des amendes et des contraintes…

Mme Sophie Primas, ministre déléguée. C'est une simplification !

M. Vincent Louault. Toutefois, les professionnels ont fini par me convaincre, d'autant qu'ils réclamaient depuis longtemps une lutte contre les vignes non cultivées.

Je tiens à remercier le député Hubert Ott, qui a adopté la bonne méthode. Comme quoi, la simplification, lorsqu'elle se fait à la pince à épiler, est approuvée de façon unanime, car on sait qu'elle sera efficace ! (Sourires.) Les grandes simplifications, elles, sont toujours vouées à échouer.

Dans la mesure où ce texte impose une nouvelle amende aux viticulteurs, je m'étais dit qu'il serait plutôt soutenu par la partie gauche de l'hémicycle. (Exclamations amusées sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. Bernard Buis. Le texte diminue la sanction !

M. Vincent Louault. Peu importe, je suis maintenant rassuré !

Aujourd'hui, on ne peut pas parler de viticulture sans évoquer les difficultés rencontrées par la filière, dont la baisse de la consommation. Celle-ci est d'ailleurs amplifiée par des associations qui prétendent que le vin est dangereux dès le premier verre, alors qu'elles restent muettes sur le phénomène de la biture express chez les jeunes. (M. Henri Cabanel approuve.) Absorber le maximum d'alcool en un minimum de temps, c'est tout de même autre chose que de boire quelques verres de vin rouge !

La filière souffre aussi de la surproduction, de la forte concurrence étrangère, de l'augmentation des normes, des accidents climatiques et des ravageurs. Les viticulteurs, notamment les coopératives, sont en grande difficulté. C'est la raison pour laquelle j'attends beaucoup de la mission d'information sur l'avenir de la viticulture.

Madame la ministre, on parle encore aujourd'hui de la cicadelle, la fameuse petite bête qui affecte les betteraves comme le blé, qui est un vecteur de virus et qui propage la flavescence dorée… Aucun moyen de lutte efficace n'existe à ce jour. Comme notre collègue Henri Cabanel l'a fort bien rappelé, plusieurs traitements proposés ne fonctionnent pas, et les pyréthrines bio sont inopérantes, la cicadelle y étant résistante.

Sans vouloir verser dans la provocation, rappelons qu'un produit est très efficace : l'acétamipride. Loin de moi l'idée, cependant, de mettre Duplomb dans l'aile de nos échanges – je me devais de faire cette plaisanterie, mes chers collègues ! (Sourires.)

La flavescence dorée provoque des dégâts considérables, malgré la surveillance des vignobles, la plantation de matériel sain et l'obligation de déclaration. Qu'il s'agisse de vignes conduites en agriculture biologique, conventionnelle ou en biodynamie, les parcelles de toutes nos régions viticoles sont affectées.

En Touraine, par exemple, les viticulteurs de Bourgueil, de Restigné et de Saint-Nicolas-de-Bourgueil sont confrontés à une infestation. Le nombre de parcelles touchées y est passé de quelques unités en 2022 à trente et une en 2023.

La lutte est donc obligatoire. Les sanctions initialement prévues, disproportionnées et inopérantes, relèvent désormais du régime contraventionnel. C'est positif, cette évolution favorise l'efficacité et nous allons ainsi réussir à avancer.

Il faut également aborder la question de l'arrachage. J'évoquais ce point avec notre collègue Henri Cabanel : on nous impose une sortie des terres du statut agricole au profit d'un retour à l'espace naturel, une condition qui figure dans le cahier des charges de FranceAgriMer.

Ainsi, lorsqu'un viticulteur procède à un arrachage et perçoit l'aide de 6 000 euros attribuée par cet organisme, il est tenu de retirer ces terres de l'exploitation agricole pour les laisser en jachère ou y implanter une plantation forestière. Chacun imagine le coût supplémentaire que représente une telle replantation forestière après un arrachage !

J'ai en outre soulevé en commission la question des biens sans maître : lorsque l'exploitant et le propriétaire d'une parcelle ne sont pas identifiés, les agriculteurs voisins se trouvent souvent démunis.

La législation en la matière a été améliorée, et la procédure d'acquisition par les communes ne dure désormais que quelques mois, contre quelques années naguère, ce que des sénateurs ayant exercé antérieurement des fonctions de maire ne peuvent qu'apprécier. Il s'agit donc d'un outil précieux pour les maires en matière d'aménagement du territoire et d'utilisation de ces biens. Je tenais à le souligner, car cette faculté est importante pour permettre aux élus d'aider leurs viticulteurs, qui sont fréquemment désemparés face à ces situations.

Seule une action collective sera efficace contre la flavescence dorée ; il s'agit d'une catastrophe qui nous affecte tous. Nous aspirons à préserver nos territoires, nos campagnes et nos paysages, mais également nos savoir-faire et la diversité de notre patrimoine viticole. Nous devons donc retrousser nos manches et agir au plus vite.

La méthode adoptée est la bonne, et le vote conforme qui va intervenir le confirmera.

Cette proposition de loi ne constitue certes pas une réponse à la crise multifactorielle que traverse l'agriculture, mais elle vise à limiter les conséquences négatives des vignes abandonnées. Nous la soutiendrons naturellement, car elle simplifie nos politiques et en accroît l'efficacité. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, RDSE, UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi instaurant des réponses adaptées et proportionnées pour prévenir notamment le développement des vignes non cultivées

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi instaurant des réponses adaptées et proportionnées pour prévenir notamment le développement des vignes non cultivées
Article unique (fin)

Article unique

(Non modifié)

Le titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Le chapitre préliminaire est complété par un article L. 250-10 ainsi rédigé :

« Art. L. 250-10. – Lorsque les agents habilités constatent un manquement ou une infraction au présent titre, ils peuvent enjoindre à l'intéressé de se conformer à ses obligations dans un délai qu'ils fixent. » ;

2° Le II de l'article L. 251-20 est ainsi modifié :

a) Au 1°, les mots : « du II de l'article L. 201-4 ou » sont supprimés ;

b) Il est ajouté un 3° ainsi rédigé :

« 3° Le fait de ne pas déférer dans le délai imparti à une injonction adressée en application de l'article L. 250-10 du présent code. » ;

3° (Supprimé)

4° La section 3 du chapitre Ier est complétée par un article L. 251-22 ainsi rédigé :

« Art. L. 251-22. – Est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe le fait de ne pas respecter les mesures édictées par l'autorité administrative en application du II de l'article L. 201-4. »

Vote sur l'ensemble

Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi.

Je rappelle que le vote sur l'article vaudra vote sur l'ensemble de la proposition de loi.

La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.

M. Henri Cabanel. Madame la ministre, je sais que vous serez notre relais auprès de votre collègue ministre de l'agriculture.

Comme l'a indiqué Daniel Laurent, nous allons mener une mission d'information avec Sebastien Pla. Dans ce cadre, les premières auditions que nous avons conduites suscitent une certaine inquiétude. En effet, il nous a été demandé de poursuivre l'arrachage sur une surface totale de l'ordre de 100 000 hectares supplémentaires, au motif qu'il y aurait actuellement une surproduction sur le marché.

Je rappelle que, il y a une quinzaine d'années, nous avions 850 000 hectares de vigne. Nous en comptons aujourd'hui 750 000, et la profession nous demande de réduire ce chiffre à 650 000, alors même que nos voisins européens, eux, sont en train de planter. Nous nous préparons donc à emprunter la même voie que d'autres filières agricoles : nous allons perdre du potentiel.

L'arrachage, en règle générale, n'apparaît pas comme une solution pertinente : lorsqu'ils y ont recours, les viticulteurs arrachent des vignes parmi les moins productives, et les volumes retirés par ce biais sont ainsi inférieurs à l'objectif. Il s'agit donc d'une fausse bonne idée. Il me semble d'ailleurs qu'une réflexion est engagée au niveau de l'Union européenne pour perfectionner cet outil.

Notre viticulture nationale est hétérogène, mais nous ne nous en sortirons que si nous jouons tous la même carte, celle de la qualité et de l'excellence, afin de mettre en avant le rayonnement de la viticulture française au travers des meilleurs crus que nous sommes capables de produire. En effet, nous bénéficions encore d'une image forte à l'international, et il nous faut la préserver.

Pour y parvenir, il sera nécessaire de convaincre les exploitations les plus solides de faire cause commune avec celles qui rencontrent davantage de difficultés, car c'est bien l'avenir de la viticulture nationale dans son ensemble qui est aujourd'hui en jeu.

Nous ferons notre possible pour remplir la mission qui nous a été confiée. Madame la ministre, je forme le vœu que vous vous placiez à nos côtés pour assurer un soutien politique aux propositions que nous serons amenées à avancer.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Sophie Primas, ministre déléguée. Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, à titre liminaire, de vous remercier de la qualité de vos interventions, ainsi que du vote unanime qui se dessine sur cette proposition de loi.

Ce consensus, monsieur le sénateur Louault, montre en effet que, sur des sujets de simplification ciblés, une initiative parlementaire permet d'avancer rapidement. En cette période politique parfois mouvementée, voire difficile, nous parvenons ainsi à faire progresser notre système économique dans son ensemble.

J'ai entendu l'ensemble des intervenants et je puis vous assurer que je transmettrai fidèlement leurs observations à ma collègue Annie Genevard.

Monsieur le président du groupe d'études Vignes et vin, nous menons un travail de fond sur l'avenir de la viticulture, et il n'est en effet guère cohérent de financer simultanément l'arrachage et la replantation sans avoir une vision d'ensemble de la trajectoire de cette filière et de son organisation. J'ai été très sensible à vos propos sur ce point, cher Henri Cabanel.

Si la mobilisation législative et l'action du ministère sont bien entendu essentielles, un travail de fond doit être mené avant tout par l'ensemble de la filière.

Aussi, je compte sur votre mobilisation, dans tous les territoires, pour que cette réflexion stratégique soit conduite en lien étroit avec les interprofessions.

Il s'agit de définir collectivement ce que nous souhaitons voir se produire sur notre territoire et ce que doit être notre positionnement face à une concurrence exacerbée, à une érosion de la consommation et à un contexte international dont chacun mesure qu'il n'est plus aussi porteur qu'au cours des décennies précédentes. J'appelle donc résolument à cet effort collectif, au nom d'Annie Genevard.

Soyez assurés que nous examinerons avec la plus grande attention les conclusions des travaux que le Sénat consacrera à l'avenir de la filière. En effet, au regard de la nécessaire préservation de notre outil de production économique et agricole, ainsi que des impératifs de notre souveraineté alimentaire, il n'est pas soutenable de se borner à subventionner l'arrachage, c'est-à-dire la destruction d'outils productifs.

Une telle approche, que l'on observe, hélas, également dans le secteur de la pêche, avec l'aide à la destruction de bateaux, n'est pas de nature à nous permettre d'aborder l'avenir de notre production alimentaire avec l'esprit positif qui s'impose.

J'insiste donc sur la nécessité impérieuse de nous atteler à cette question de la stratégie de filière et d'œuvrer tous ensemble – la filière, le ministère, le Gouvernement et le Parlement – à la définition d'une vision pour les décennies futures.

Je vous remercie vivement de l'unanimité qui semble se confirmer autour de cette proposition de loi. Un vote conforme accélérera la procédure et permettra une mise en œuvre rapide du texte. Je ne doute nullement qu'Annie Genevard veillera à sa promulgation dans les meilleurs délais.

Permettez-moi de vous remercier enfin, tout particulièrement, de l'important travail qui nous attend collectivement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, RDPI et RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Permettez-moi, en premier lieu, d'exprimer mes remerciements à notre rapporteur, M. Sebastien Pla. Je me réjouis qu'il ait accepté d'assumer cette responsabilité au nom de la commission des affaires économiques. En la lui confiant, j'avais la conviction, partagée par l'ensemble des membres de la commission, qu'il se montrerait à la hauteur des enjeux.

Les interventions de plusieurs d'entre vous confirment cette appréciation ; et je songe plus particulièrement à celle d'Henri Cabanel, que je remercie de son langage de vérité et de son pragmatisme, ainsi qu'à celle du président du groupe d'études Vigne et vin, Daniel Laurent.

Ainsi que l'ont souligné les orateurs, la mission qui vous a été confiée et que vous conduirez au cours des semaines et des mois à venir suscite d'ores et déjà beaucoup d'espoir et d'attentes.

Je sais que vous êtes mobilisés et que vous vous apprêtez à effectuer des déplacements sur le terrain. Vous présenterez un rapport qui formulera des propositions, tant législatives que réglementaires. Celles-ci, nous l'espérons vivement, seront porteuses de progrès et ne se borneront pas à un simple constat ou à un diagnostic ; elles comporteront des mesures véritablement disruptives, qui permettront de s'inscrire dans la stratégie que vient d'évoquer Mme la ministre.

Je me réjouis également, à cet égard, de retrouver au banc du Gouvernement celle qui fut la présidente de notre commission des affaires économiques et à qui j'ai eu l'honneur de succéder ; elle est ici chez elle !

Notre présence témoigne de ce que nous lui devons pour les travaux conduits lorsqu'elle présidait la commission : elle a largement ouvert la voie sur l'ensemble de ces sujets. Je suis heureuse que nous puissions aujourd'hui poursuivre collectivement cette action.

Il est également réjouissant de constater que, comme sur tous les sujets agricoles, la ministre de l'agriculture fait preuve d'une implication particulière ; elle a manifesté une réactivité immédiate concernant ce texte, dont je salue ici l'auteur. Elle avait en effet pleinement conscience que cette proposition de loi, certes modeste, revêtait un caractère essentiel et était très attendue par l'ensemble de la filière et des professionnels de la viticulture française.

Ce texte est consensuel, ce que le vote confirmera, espérons-le, dans quelques instants, et je vous remercie tous de votre engagement.

Nous aurons assurément d'autres occasions d'échanger sur ce sujet. Je forme le vœu que le Sénat continue de jouer pleinement son rôle et de faire progresser ces questions, en collaboration étroite avec le Gouvernement. La ministre déléguée, porte-parole du Gouvernement, et la ministre de l'agriculture se tiendront à nos côtés, afin que nous puissions avancer ensemble. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, RDPI et RDSE.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi instaurant des réponses adaptées et proportionnées pour prévenir notamment le développement des vignes non cultivées.

(La proposition de loi est définitivement adoptée.) – (Applaudissements.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je constate que la proposition de loi a été adoptée à l'unanimité des présents.

Nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à onze heures quarante-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article unique (début)
Dossier législatif : proposition de loi instaurant des réponses adaptées et proportionnées pour prévenir notamment le développement des vignes non cultivées
 

2

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la transformation des bâtiments de destination autre qu'habitation en habitations
Article 1er

Transformation des bâtiments de destination autre qu'habitation en habitations

Adoption définitive des conclusions d'une commission mixte paritaire sur une proposition de loi.

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bâtiments de destination autre qu'habitation en habitations (texte de la commission n° 643, rapport n° 642).

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Martine Berthet, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, voilà plus d'un an que le texte de notre collègue député Romain Daubié, que nous examinons aujourd'hui, a été adopté par le Sénat.

Après le report de la commission mixte paritaire en raison de la dissolution de l'Assemblée nationale, puis les discussions budgétaires et, enfin, la censure du gouvernement Barnier, nous ne pouvons que nous réjouir de le voir aboutir enfin, car, dans l'intervalle, la crise du logement, loin de se résorber, n'a fait que s'accentuer.

Ainsi, au premier trimestre de 2025, le chiffre des demandes de logement social a atteint un nouveau record de 2,8 millions, soit plusieurs dizaines de milliers de demandes supplémentaires pour les seuls mois de janvier et février. De même, le nombre de constructions de logements autorisées se situe encore 20 % en dessous de son niveau d'avant la crise sanitaire.

Si cette proposition de loi ne répond pas à notre attente d'un grand texte sur le logement, il s'agit d'un texte de niche, technique, qui s'attache au cas des bâtiments réversibles. Elle n'apportera qu'une petite contribution à la nécessaire et attendue augmentation de l'offre, mais elle permettra d'aller au-delà des quelque 2 000 nouveaux logements produits par an par la reconversion des bâtiments existants, en dépit du nombre de mètres carrés de bureaux vides.

Ce texte contribuera donc utilement à étoffer la palette des outils susceptibles d'être mobilisés par les collectivités pour amplifier l'offre de logements.

Les opérations de reconversion peuvent en effet constituer ponctuellement des solutions très intéressantes pour créer du logement et, ainsi, éviter l'apparition de friches, voire les résorber, tant dans les métropoles que dans les petites et moyennes villes et même dans nos campagnes. Ces solutions sont d'autant plus intéressantes qu'elles sont appelées à monter en puissance avec la raréfaction du foncier.

Ce texte est également très attendu par les opérateurs, en particulier par Action Logement, pour commencer certains projets. Il pourra notamment bénéficier au logement étudiant.

Je rappelle qu'il étend la possibilité de recourir aux marchés de conception-réalisation par les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) et rend éligibles à certains bonus de constructibilité les résidences universitaires. Afin de lui donner sa pleine ampleur, nous avions d'ailleurs, au Sénat, élargi cette disposition au-delà des seules résidences universitaires gérées par les Crous.

L'article phare de cette proposition de loi, l'article 1er, permet aux maires de déroger au cas par cas aux destinations prévues dans le plan local d'urbanisme (PLU), en vue de créer du logement.

Pour augmenter la force de frappe de cette proposition de loi, le Sénat a élargi le champ des bâtiments concernés au-delà des seuls bureaux, car les hôtels, les parkings et, bien souvent, les commerces constituent également un gisement immobilier important. Cette extension devrait notamment faciliter la reconversion des zones commerciales d'entrée de ville, mais aussi des bâtiments agricoles inusités, participant ainsi à la redynamisation de nos campagnes.

Pour nous prémunir contre les risques d'éviction des activités agricoles, la CMP a ajouté à l'avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) déjà prévu par le Sénat, un délai de carence avant reconversion.

Par conséquent, ces bâtiments ne pourront bénéficier d'un changement de destination dérogatoire que s'ils ont perdu leur usage agricole depuis au moins vingt ans, soit le délai maximal, dans les zones les plus protégées, au-delà duquel les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) ne peuvent plus préempter d'anciens biens agricoles pour les rendre à cet usage. Cela devrait au moins permettre de traiter le stock.

En outre, afin de garantir, là où c'est nécessaire, que ces changements de destination seront utilisés pour répondre en priorité aux besoins en logement pérenne, la CMP a prévu, sur le modèle de la loi du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale, que les collectivités pourront décider de soumettre les logements issus de changements de destination dérogatoires à une servitude de résidence principale. Nous avons souhaité laisser ce choix, fortement souhaité par nos collègues députés, à la décision des collectivités.

Au Sénat, nous avions également entendu garantir à ces collectivités que les opérations de reconversion ne pourraient se faire qu'en coconstruction avec les élus.

Dans cette perspective, à l'article 4, nous avions borné la durée de validité du permis à destination multiple à dix ans, prorogeable deux fois pour une durée de cinq ans. La CMP a porté à vingt ans d'emblée cette durée, qui est suffisamment longue pour apporter un réel avantage aux promoteurs s'engageant dans la démarche et suffisamment courte pour ne pas priver d'effet pendant un temps excessivement long les modifications que la collectivité voudrait apporter à son PLU.

En ce qui concerne les autres dispositions du texte relatives aux projets urbains partenariaux (PUP) ou aux résidences étudiantes, la version du Sénat a été retenue.

Ce texte ne constitue qu'une première étape. La proposition de loi visant à clarifier les obligations de rénovation énergétique des logements et à sécuriser leur application en copropriété, de notre collègue Amel Gacquerre, et la proposition de loi de simplification du droit de l'urbanisme et du logement, venue de l'Assemblée nationale, devraient aboutir avant l'été prochain. Je m'en réjouis, même si une loi programmatique ambitieuse spécifiquement dédiée au logement fait toujours défaut.

Dans l'intervalle, mes chers collègues, je vous invite bien entendu à adopter les conclusions de la commission mixte paritaire. (M. Bernard Buis applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Létard, ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires économiques, chère Dominique Estrosi Sassone, madame la rapporteure, chère Martine Berthet, mesdames, messieurs les sénateurs, savoir innover et repenser nos modèles pour apporter des réponses concrètes aux défis contemporains, telle est l'ambition du texte présenté par le député Romain Daubié à la fin de l'année 2023.

Un an et demi plus tard, le Parlement a aujourd'hui l'occasion de transformer cet essai et de parachever l'immense travail mené par les deux chambres pour renforcer cette proposition de loi.

Je salue à cette occasion Martine Berthet et tous les parlementaires de la Haute Assemblée qui se sont fortement mobilisés pendant l'examen de ce texte et qui l'ont considérablement enrichi. Vous savez tous à quel point ce texte est attendu.

Quels défis devons-nous relever ? Neuf millions de mètres carrés de bureaux sont vacants, dont plus de cinq millions en Île-de-France, l'une des zones les plus denses et tendues d'Europe. Entre 10 % et 20 % des immeubles de bureaux sont inoccupés, alors que, dans le même temps, la rareté du foncier et la hausse des coûts obèrent la production de logements neufs.

Nous ne pouvons pas nous y résoudre. Nous devons agir pour que nos villes répondent mieux aux besoins et aux attentes légitimes des Français. La transformation de bureaux en logements n'est plus un tabou ; elle ne relève plus de l'utopie, mais offre un moyen concret de résorber la crise du logement dans les grandes métropoles.

Il nous faut agir sur trois leviers.

Premièrement, il nous faut lever les freins réglementaires à la transformation de bureaux en logements. Telle est la philosophie de ce texte, qui complète utilement les outils déjà mis en place par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Élan).

La faculté de déroger au plan local d'urbanisme (PLU) pour autoriser ces transformations fera gagner de précieux mois aux projets soutenus par les collectivités compétentes, tout comme les bonus de constructibilité pour les résidences étudiantes.

J'ai souhaité prolonger ces travaux en lançant, en mars dernier, un groupe de travail chargé d'identifier et de lever les autres obstacles à la transformation des bureaux, notamment en matière de normes de construction. Celui-ci rendra ses conclusions à l'automne. Dans le cadre de la proposition de loi de simplification du droit de l'urbanisme en cours d'examen au Sénat en ce moment même, de nouvelles facilitations au bénéfice de la surélévation et du logement étudiant sont envisagées.

Deuxièmement, il nous faut adapter notre droit, nos outils et nos modèles à la ville de demain, qui sera plus évolutive et plus diverse dans ses usages.

Je souhaite saluer tout particulièrement l'approche innovante portée par ce texte, avec la création d'un permis multidestination, inspiré du permis à double état mis en œuvre dans le cadre des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

Grâce à l'autorisation anticipée de changement de destination, il sera possible de concevoir des bâtiments évolutifs ou réversibles, prévus dès l'origine pour plusieurs usages successifs. Nous limiterons au passage la charge administrative pesant sur les porteurs de projets et les impacts environnementaux liés à la démolition et à la reconstruction. Il s'agit donc d'une grande avancée. Les élus locaux seront pleinement associés à ces démarches, comme l'a prévu le Sénat dans le texte.

Nous devons appliquer cette même approche innovante au modèle économique de la transformation des bureaux en logements, car il est actuellement difficile de financer ces opérations, lesquelles sont 30 % plus chères que la construction neuve, et d'assurer le portage des actifs, en dépit du soutien de la Banque des territoires et de la détermination des acteurs comme Action Logement ou l'établissement public foncier d'Île-de-France (Epfif), que je tiens à saluer ici.

C'est pourquoi j'ai mis en place un second groupe de travail pour travailler sur ces modèles de financement et de fiscalité et proposer des solutions innovantes.

Avec mon soutien, le préfet de la région Île-de-France a lancé un appel à manifestation d'intérêt qui permettra d'accompagner plusieurs projets, de leur émergence jusqu'à leur mise en œuvre concrète. Je compte sur ce retour d'expérience pour que nous puissions encore améliorer les pratiques et convaincre les financeurs de toute la pertinence de ces transformations.

Troisièmement, nous devons poursuivre notre effort de conviction en faveur des financeurs, mais également des élus et des habitants. Transformer des bureaux en logements peut faire peur, de prime abord ; il nous faut accompagner et rassurer l'ensemble des acteurs.

Sur ce volet aussi, le présent texte a apporté des réponses très pertinentes, notamment la possibilité pour les collectivités de soumettre ces opérations à la taxe d'aménagement en vue de mieux financer les investissements publics qui devront être engagés. L'exonération de taxe sur les bureaux vacants lorsqu'une opération de conversion est déclenchée offrira une incitation supplémentaire.

C'est pourquoi j'avais défendu sans attendre l'inscription dans la dernière loi de finances de ces mesures de bon sens. Celles-ci sont désormais en vigueur, et je remercie le Parlement de son volontarisme à ce sujet.

J'ajouterai un dernier mot : si je suis véritablement enthousiaste et optimiste quant à la dynamique de la transformation de bureaux en logements, je n'en suis pas moins consciente que celle-ci ne constituera pas la solution partout ni la solution à tout.

Nous devons également apporter des réponses à nos territoires ruraux, pour lesquels la rénovation du bâti ancien et l'investissement dans l'amélioration du parc social constituent des enjeux majeurs. Je salue à ce titre l'apport important à ce texte du Sénat, qui a souhaité faciliter la transformation de tout bâtiment en logement, et pas seulement les bureaux. Cela pourra aussi concerner, par exemple, le bâti rural ayant perdu de longue date sa vocation, dans des conditions bien encadrées.

Surtout, nous ne répondrons pas à la crise du logement par la seule résorption de la vacance ; la reprise de la production de logements neufs est indispensable.

Je suis déterminée à travailler avec vous dans l'hémicycle lors du prochain projet de loi de finances et avec les professionnels sur le terrain, pour mener à bien mes grands chantiers : le statut du bailleur privé, sur lequel votre collègue Marc-Philippe Daubresse travaille actuellement dans le cadre d'une mission, afin d'éclairer le Gouvernement et le Parlement sur la voie à suivre, la fiscalité de la construction et le renforcement du financement du logement social.

Je forme le vœu que le vote de cette proposition de loi soit aujourd'hui la première pierre de ce texte et vous remercie de tout ce que vous avez accompli pour nourrir significativement ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et RDPI.)

Mme la présidente. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux et autres bâtiments en logements

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la transformation des bâtiments de destination autre qu'habitation en habitations
Article 1er bis A

Article 1er

Le titre V du livre Ier du code de l'urbanisme est modifié :

I. – Après le premier alinéa de l'article L. 151-14-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le règlement peut également délimiter des secteurs dans lesquels les logements issus de la transformation de bâtiments à destination autre que d'habitation conformément à l'article L. 152-6-5, sont à usage exclusif de résidence principale, au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986. »

II. – La section 2 du chapitre II est complétée par des articles L. 152-6-5 et L. 152-6-6 ainsi rédigés :

« Art. L. 152-6-5. – I. – En tenant compte de la nature et de la zone d'implantation du projet, l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme peut, à l'occasion de la délivrance d'une telle autorisation, autoriser le changement de destination d'un bâtiment ayant une destination autre que d'habitation en bâtiment à destination principale d'habitation, en dérogeant aux règles relatives aux destinations fixées par le plan local d'urbanisme ou le document en tenant lieu. La dérogation s'applique également aux travaux ou aux constructions d'extension ou de surélévation faisant l'objet de l'autorisation d'urbanisme.

« La dérogation peut être refusée au regard des risques de nuisances pour les futurs occupants, de l'insuffisante accessibilité du bâtiment par des transports alternatifs à l'usage individuel de l'automobile et des conséquences du projet sur la démographie scolaire au regard des écoles existantes ou en construction ou sur les objectifs de mixité sociale et fonctionnelle. Le refus est motivé.

« II. – Lorsqu'elle souhaite accorder la dérogation mentionnée au I, l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme recueille l'avis conforme de l'autorité compétente en matière de plan local d'urbanisme ou de document en tenant lieu. Un avis défavorable ne peut être rendu qu'au regard des critères mentionnés au I.

« Lorsque l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme n'est pas le maire, elle recueille l'avis du maire de la commune où est implanté le bâtiment mentionné au I.

« III. – Dans les zones agricoles, naturelles ou forestières du plan local d'urbanisme, en dehors des secteurs mentionnés à l'article L. 151-13, les changements de destination autorisés en application du présent article sont soumis :

« a) En zone agricole, à l'avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime ;

« b) En zone naturelle, à l'avis conforme de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.

« Pour le changement de destination des bâtiments à destination d'exploitation agricole et forestière, la dérogation ne peut être autorisée en application de la procédure prévue au I et au II du présent article que lorsqu'il est démontré que lesdits bâtiments ont cessé d'être utilisés pour l'exercice d'une activité agricole ou forestière depuis plus de 20 ans.

« Art. L. 152-6-6. – L'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme peut, dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 152-6-5, déroger aux règles des plans locaux d'urbanisme relatives à la proportion de logements d'une taille minimale mentionnées à l'article L. 151-14. »

III. – Le III de l'article L. 153-31 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « logements », sont insérés les mots : « ou les logements issus de la transformation de bâtiments à destination autre que d'habitation , conformément à l'article L. 152-6-5, » ;

b) Après le mot : « urbaniser », sont insérés les mots : « ou aux zones naturelles, agricoles ou forestières ».

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la transformation des bâtiments de destination autre qu'habitation en habitations
Articles 2, 3, 3 bis A et 3 bis B

Article 1er bis A

À la première phrase du premier alinéa du I de l'article L. 1231-2 du code général des collectivités territoriales, après le mot : « dégradé », sont insérés les mots : « et la transformation des bâtiments à destination autre que d'habitation en habitations ».

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Article 1er bis A
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Article 3 bis

Articles 2, 3, 3 bis A et 3 bis B

(Supprimés)

Articles 2, 3, 3 bis A et 3 bis B
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Article 4

Article 3 bis

L'article L. 332-11-3 du code de l'urbanisme est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa du I est ainsi modifié :

a) Les mots : « ou de construction » sont remplacés par les mots : « , de construction ou de transformation de bâtiments de destination autre que l'habitation en bâtiments à destination principale d'habitation » ;

b) Les mots : « des terrains » sont supprimés ;

c) Après le mot : « constructeurs », sont insérés les mots : « , les maîtres d'ouvrage » ;

2° Le premier alinéa du II est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « fonciers, les aménageurs ou les constructeurs qui s'y livrent à des opérations d'aménagement ou de construction » sont remplacés par les mots : « , les aménageurs, les constructeurs ou les maîtres d'ouvrage qui se livrent à des opérations mentionnées au premier alinéa du I du présent article » ;

b) À la seconde phrase, les mots : « de construction » sont supprimés ;

3° Le III est ainsi modifié :

a) La première phrase du premier alinéa est ainsi modifiée :

– après le mot : « déposer », sont insérés les mots : « une déclaration préalable ou » ;

– les mots : « ou de construction » sont remplacés par les mots : « , de construction ou de transformation » ;

b) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

– les mots : « d'aménagement ou de construction, la définition du projet » sont remplacés par les mots : « , sa définition » ;

– les mots : « à édifier » sont remplacés par les mots : « ou des aménagements résultant des opérations conduites » ;

c) Le troisième alinéa est ainsi modifié :

– le mot : « fonciers » est supprimé ;

– les mots : « ou des constructeurs » sont remplacés par les mots : « , des constructeurs ou des maîtres d'ouvrage » ;

– les mots : « des constructions à édifier » sont supprimés.

Article 3 bis
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Article 5 bis

Article 4

Le chapitre Ier du titre III du livre IV du code de l'urbanisme est complété par un article L. 431-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 431-5. – I. – L'autorité compétente en matière de plan local d'urbanisme ou de document en tenant lieu peut, le cas échéant, sur avis conforme du conseil municipal des communes concernées, délimiter des secteurs dans lesquels le permis de construire peut autoriser plusieurs destinations successives du bâtiment. Les secteurs ainsi délimités sont annexés au plan local d'urbanisme ou au document en tenant lieu.

« Sous réserve des dispositions du présent article, le permis de construire mentionné au premier alinéa est délivré dans les conditions de droit commun. Les règles de prorogation et les règles de caducité de droit commun s'appliquent aux travaux autorisés par le permis de construire au titre de l'état initial de la construction.

« II. – Lorsqu'un permis de construire porte sur plusieurs destinations possibles :

« 1° Le permis comporte la mention expresse des différentes destinations autorisées ;

« 2° À la demande de l'autorité compétente en matière d'autorisations d'urbanisme, le permis mentionne la première destination de la construction ;

« 3° Les modifications ultérieures des règles du plan local d'urbanisme relatives aux destinations sont sans incidence sur la validité du permis délivré pendant 20 ans à compter de la délivrance du permis.

« III. – Si les pièces fournies à l'appui de la demande de permis de construire permettent de vérifier la conformité des états futurs du projet, propres à ses destinations postérieures à l'ensemble des règles d'urbanisme applicables au moment de sa délivrance, le permis autorise ces états futurs par anticipation, sans qu'il puisse être exigé ultérieurement de nouvelle autorisation d'urbanisme. La durée de validité de cette autorisation par anticipation est limitée à 20 ans à compter de la date de délivrance du permis.

« IV. – Le propriétaire informe le maire de la commune et, le cas échéant, l'autorité compétente en matière d'autorisations d'urbanisme de chaque changement de destination ou d'état. L'information est transmise soit lors du dépôt de l'autorisation d'urbanisme nécessaire à la réalisation des travaux liés au changement de destination, soit, lorsqu'en application des II ou III, aucune autorisation d'urbanisme n'est requise, au moins trois mois avant le changement effectif de destination.

« V. – Un décret en Conseil d'État définit les conditions d'application du présent article. »

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Article 4
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la transformation des bâtiments de destination autre qu'habitation en habitations
Article 6 (début)

Article 5 bis

À la première phrase du 2° de l'article L. 151-28 du code de l'urbanisme, après le mot : « habitation », sont insérés les mots : « ou la réalisation de résidences universitaires définies à l'article L. 631-12 du même code ».

Article 5 bis
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Article 6 (fin)

Article 6

La loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis est ainsi modifiée :

I. – Après le premier alinéa du I de l'article 9, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la modification de la destination de parties privatives à usage autre que d'habitation, à l'exception des locaux commerciaux, en locaux d'habitation contrevient à la destination de l'immeuble, elle est soumise à l'approbation de l'assemblée générale qui statue à la majorité prévue à l'article 24. »

II. – Au 2° de l'article 50, la référence : « deuxième » est remplacée par la référence : « troisième ».

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Mme la présidente. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d'aucun amendement.

Le vote est réservé.

Vote sur l'ensemble

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l'ensemble de la proposition de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.

La parole est à Bernard Buis, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Bernard Buis. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que la France traverse une crise du logement sans précédent, il aura fallu attendre plus d'un an pour que la navette parlementaire de cette proposition de loi arrive à son terme. Il s'agit d'un délai particulièrement inhabituel, puisque la commission mixte paritaire a été convoquée le 20 mai dernier, soit quasiment un an, jour pour jour, après l'adoption du texte en première lecture au Sénat, le 22 mai 2024.

Pourtant, face au besoin pressant des Français, nous ne pouvons plus attendre. Le constat est clair : notre pays fait face à une crise profonde du logement. Inflation, hausse des taux d'intérêt, difficultés rencontrées par les collectivités pour construire de nouveaux bâtiments, tous ces facteurs ont pour conséquence de diminuer l'offre et d'entraîner une explosion des prix des loyers, en particulier dans les grandes agglomérations.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : en Île-de-France, sur 4,4 millions de mètres carrés de bureaux vacants, un quart serait en état de vacance structurelle, un chiffre considérable lorsque l'on sait à quel point il est difficile de se loger, en particulier pour les étudiants. Or plus de 87 000 d'entre eux auraient commencé l'année universitaire 2023-2024 sans logement et plus de 1,5 million d'entre eux serait mal logé.

Par ailleurs, selon l'Insee, entre 1996 et 2022, le prix de l'immobilier a été multiplié par 4,8 dans l'agglomération lyonnaise, par 4,3 à Paris, par 3,4 dans l'agglomération marseillaise ou encore par 2,9 dans les agglomérations de moins de 10 000 habitants. Ces données particulièrement alarmantes justifient que le Parlement légifère, afin de faciliter la transformation des bureaux en logements.

Pour autant, cette proposition de loi ne vise pas seulement la transformation des bureaux vacants. Elle concerne tout bâtiment de destination autre qu'habitation. Cela permet d'inclure les hôtels, les garages et les bâtiments d'enseignement, lesquels peuvent accueillir de nouveaux lieux de vie pour nos concitoyens.

La crise que nous traversons est en effet non plus seulement une crise du logement, mais une crise sociale et économique, qui fragilise l'égalité des chances. Dans ce contexte, la souplesse doit guider notre action : nous devons mobiliser tous les leviers disponibles.

Depuis la crise sanitaire et l'essor du télétravail, de nombreux locaux de bureaux sont devenus vacants. Or en dépit de forts besoins, la production de logements par transformation de locaux d'activités reste stable depuis dix ans. À peine 2 % des bureaux vacants seraient reconvertis chaque année, un pourcentage faible, qui s'explique par les différents obstacles – financiers, techniques et économiques – freinant les transformations. Il nous faut donc aujourd'hui inciter à rénover des bâtiments pour les transformer en logements.

Tel est l'objectif de ce texte.

L'article 1er ouvre la loi la voie à une dérogation au plan local d'urbanisme pour permettre ces transformations, même lorsque la règle locale ne l'autorise pas.

Autrement dit, il sera désormais possible de déroger, au cas par cas, aux règles fixées par les documents d'urbanisme en matière de destination des bâtiments pour des opérations de transformation d'immeubles de bureaux ou d'administrations publiques en logements. Un pas important du chemin menant à la simplification est par là franchi.

Mieux encore, le texte précise que certains secteurs pourront être réglementés, afin de réserver à la résidence principale les logements issus de la transformation de bâtiments agricoles ou forestiers.

L'article 4 instaure par ailleurs un permis de construire à destinations multiples, qui permet d'intégrer, dès la conception, les différents usages dont un projet immobilier pourra faire l'objet, ce qui contribuera à favoriser les reconversions.

Mes chers collègues, ce texte apporte de la flexibilité et de la souplesse. Si, en raison de l'amplitude et du caractère multifactoriel de la crise du logement, cette proposition de loi ne peut résoudre cette dernière à elle seule, elle apporte une pierre à un édifice dont le chantier de construction est loin d'être achevé.

Parce que nous devons mobiliser tous les moyens pour résoudre cette crise, notre groupe votera bien évidemment pour l'adoption des présentes conclusions. (M. Claude Kern applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ahmed Laouedj, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Ahmed Laouedj. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les faits sont accablants et hélas ! révélateurs d'une crise économique et sociale du logement : chute des volumes de la construction neuve, forte baisse du nombre de transactions dans l'ancien, blocage du parcours résidentiel.

Cette crise possède une dimension politique forte, car, à défaut de pouvoir accéder à la propriété comme les générations précédentes, nos concitoyens éprouvent un sentiment de déclassement.

Alors que, parallèlement, le nombre de résidences secondaires et de meublés de tourisme, notamment en zones tendues, va croissant, cette situation est vécue comme une injustice d'autant plus grande qu'elle entrave des projets de vie, met à mal le pacte social et menace la solidarité et la cohésion nationales.

Malgré vos efforts, que je salue, madame la ministre, les chiffres ne sont toujours pas bons. Par les récentes baisses de la réduction du loyer de solidarité, à hauteur de 200 millions d'euros, d'une part, et du taux du livret A, d'autre part, vous avez certes redonné des marges de manœuvre aux bailleurs sociaux, mais les effets de ces dispositions peinent encore à se faire ressentir. Le nombre de demandes de logements sociaux a atteint un niveau record au cours du premier semestre 2025, en s'établissant à 2,8 millions.

Face à un tel marasme, cette proposition de loi ne pourra constituer qu'une toute petite partie de la solution. Elle n'est qu'un levier d'action supplémentaire qui permettra de mobiliser davantage de réservoirs fonciers, en attendant la proposition de loi de simplification du droit de l'urbanisme et du logement que nous examinerons ici même dans une dizaine de jours.

L'ampleur de la crise dans laquelle nous sommes englués oblige à solliciter tout moyen permettant d'augmenter le stock de logements disponibles.

Je me réjouis donc que la commission mixte paritaire ait conservé l'élargissement à l'ensemble des bâtiments ayant une destination autre qu'habitation du champ des bâtiments susceptibles de bénéficier de la dérogation aux destinations prévues par le zonage du PLU. Ce périmètre élargi, qui inclut notamment les locaux commerciaux, contribuera à renforcer l'efficacité de cette dérogation.

Cette disposition sera particulièrement utile dans le cadre des opérations de requalification des entrées de ville. Ces zones, qui font actuellement l'objet de vastes plans de reconversion, constituent des gisements de foncier et de locaux dont la mobilisation permettrait la création de plusieurs centaines de milliers de nouveaux logements.

En rendant possible la reconversion de tous les bâtiments ayant une destination autre qu'habitation en logements, ce texte se donne pour objectif de contribuer à réduire les inégalités sociales qui, nous le savons, sont nombreuses s'agissant de l'accès au logement.

Je ne puis que donc que féliciter la commission mixte paritaire d'avoir précisé le dispositif de sorte que les logements issus de la transformation qu'il rend possible seront à usage exclusif de résidence principale. En ne favorisant pas l'accroissement du nombre de résidences secondaires et de meublés de tourisme, cette mesure de bon sens contribuera à répondre aux besoins réels des territoires.

Je déplore toutefois le non-rétablissement de l'application de la part départementale de la taxe d'aménagement. Cette disposition, qui figurait dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, n'affectait pas trop lourdement le coût des opérations et, partant, leur équilibre économique, mais elle aurait permis aux départements de financer notamment les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) et les espaces naturels sensibles.

Une telle suppression me paraît d'autant plus inopportune que les départements connaissent déjà de grandes difficultés financières et font face à un manque d'ingénierie. Je m'efforcerai donc d'obtenir sa réintroduction lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2026.

Cette proposition de loi n'est certes pas la grande loi logement que nous attendons depuis des années, mais elle est un texte utile, qui contribuera à élargir la palette des outils à la disposition des collectivités territoriales pour accroître l'offre de logements.

On ne peut toutefois que déplorer la fragmentation des textes et l'absence d'une réelle vision stratégique. Le contexte politique actuel n'excusera pas éternellement nos atermoiements en matière de politique du logement, madame la ministre.

La crise est là ! Elle s'aggrave de jour en jour et affecte tous les pans de la politique du logement. Relance de la construction et de l'accession de la propriété, financement du logement social, traitement des copropriétés en difficulté, hébergement d'urgence, manque de logements aménagés pour les personnes en situation de handicap : les problématiques, nombreuses, appellent des solutions dont la pertinence dépend seulement de l'exactitude du diagnostic établi et des symptômes identifiés.

En tout état de cause, le groupe du RDSE votera cette proposition de loi. (M. Claude Kern applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour le groupe Union Centriste.

M. Claude Kern. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'objet de ce texte est clair : il s'agit de libérer, de recycler et de transformer tout potentiel foncier inexploité.

La reconnaissance par ce texte de cette ambition de réversibilité du bâti constitue une grande avancée. Elle survient dans le contexte d'une crise du logement que nous ne connaissons que trop bien et qui nous impose de mobiliser toutes les réserves foncières disponibles pour les transformer en logements, en logements étudiants ou en logements sociaux, dans une perspective de sobriété foncière.

Cette sobriété n'est pas un gros mot. La crise du logement est d'autant plus aiguë dans les métropoles, où se trouve également le plus important potentiel de transformation.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : plus de 9 millions de mètres carrés de bureaux sont vacants en France, dont plus de 5,6 millions en Île-de-France. Avec l'essor du télétravail, 27 % des surfaces de bureaux pourraient de plus être libérées, soit 3,3 millions de mètres carrés supplémentaires et l'équivalent de 50 000 logements, sans artificialiser un seul mètre carré de sol.

En 1994 déjà, le ministre du logement Hervé de Charette estimait que la transformation de bureaux en logements était « un impératif économique et social ». Quelque trente ans plus tard, cet impératif est plus actuel que jamais.

Pourtant, seuls 2 000 logements issus de conversions sont créés chaque année. C'est trop peu, quand on estime que jusqu'à 150 000 logements, susceptibles d'accueillir 340 000 personnes, pourraient être créés rien qu'en région parisienne. Il est donc impératif d'agir, et c'est justement ce que ce texte entend rendre possible.

Tel est notre premier motif de satisfaction : cette proposition de loi propose en effet des leviers d'action concrets pour faciliter les conversions. Je pense en particulier aux permis de construire à destinations multiples, innovation éprouvée avec succès sur le village olympique. Cette mesure illustre le changement de paradigme par lequel nous choisissons d'intégrer la réversibilité des bâtiments dès leur conception.

Par ailleurs, le volet fiscal de ce texte, qui a été introduit dans l'article 111 de la loi de finances pour 2025 du 14 février 2025, traduit l'impératif d'une fiscalité incitative, permettant de concilier la création de nouveaux logements et le financement d'équipements publics.

Notre deuxième motif de satisfaction a trait aux apports du Sénat. Toute autosatisfaction mise à part, nous pouvons reconnaître la sagesse qui a conduit notre assemblée à conforter la philosophie même du texte, initialement centré sur les bureaux, en élargissant son périmètre à d'autres bâtiments – hôtels, garages, etc. Ce sont autant de gisements fonciers qui seront désormais mobilisables pour construire la ville sur la ville, arrêter l'irrésistible étalement urbain et revitaliser nos communes.

Notre troisième motif de satisfaction tient enfin à l'inscription de ce texte dans une dynamique plus large.

Dans quelques jours, nous examinerons la proposition de loi de simplification du droit de l'urbanisme et du logement du député Huwart. Ce texte, complémentaire, ouvre de nouvelles perspectives, s'agissant notamment du devenir des zones d'activités économiques en entrée de ville, dont le potentiel foncier est estimé à 55 000 hectares, soit l'équivalent de 70 millions de mètres carrés.

Partout, sur notre territoire national, des initiatives donnent l'exemple et méritent d'être saluées : une friche devenue quartier à Strasbourg ou à Dijon, l'ancienne préfecture de Paris transformée en hôtel, commerces et restaurants, ou encore le siège du Conseil national des professions de l'automobile (CNPA) reconverti en résidence étudiante à Suresnes.

En tant que législateur, c'est à nous, mes chers collègues, qu'il revient d'enlever les verrous normatifs pour accélérer de tels projets. Je salue à ce titre la vigilance et la réactivité de Mme la ministre chargée du logement, qui s'est notamment engagée à publier d'ici à l'été plusieurs décrets d'application indispensables afin d'accélérer la bonne mise en œuvre des textes adoptés.

En conclusion, le groupe Union Centriste votera en faveur de ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Ian Brossat, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

M. Ian Brossat. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous voterons ce texte, qui vise à faciliter la transformation d'immeubles de bureaux et, plus largement, d'immeubles tertiaires en logements. Nous souscrivons en effet à l'objectif qui a présidé à ce texte et sommes convaincus qu'il faut miser sur ce vaste vivier identifié.

Cette proposition de loi comporte des avancées susceptibles de faciliter, sur le plan technique, la transformation d'immeubles tertiaires en logements.

Elle permettra notamment d'effectuer des changements de destination pour les bureaux situés dans des zones où le PLU ne prévoit pas de logements et de majorer le volume constructible au bénéfice de logements étudiants. Ce texte donne également aux collectivités la possibilité de s'appuyer sur l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) pour leurs projets de transformation d'immeubles de bureaux en logements.

Nous voterons cette proposition de loi dans le contexte d'une terrible crise du logement, laquelle frappe à la fois les classes populaires et les plus modestes, mais aussi de plus en plus de personnes issues des classes moyennes, des jeunes, des étudiants et des familles qui ont du mal à se loger.

Nous voterons ce texte, car, notre pays ne produisant pas suffisamment de logements, nous devons nous saisir de l'occasion de transformer des immeubles de bureaux obsolètes et des immeubles tertiaires en logements.

Si ce texte comporte donc d'importantes avancées, je souhaite insister sur deux points.

Lorsque j'étais adjoint en charge du logement à la maire de Paris, j'ai observé que les plus belles opérations de transformation d'immeubles de bureaux en logements, en particulier en logements sociaux, ont été réalisées grâce à la cession, par l'État, de biens à des prix bien en dessous des prix du marché.

Ainsi, les anciens bureaux du ministère de la défense, rue Saint-Dominique, ont été transformés en 254 logements sociaux, dont une partie a été affectée à des militaires, ce qui était assez logique au regard de la destination initiale de l'immeuble. Malgré la mauvaise volonté de la maire d'arrondissement de l'époque – elle est du reste toujours en poste –, ce projet a vu le jour, si bien que des assistantes maternelles, des policiers et des caissières peuvent désormais vivre dans l'un des arrondissements les plus cossus de Paris, et tout s'est très bien passé.

Je forme le vœu que l'État montre l'exemple et continue de céder des biens en dessous du prix du marché pour que d'autres opérations du même type voient le jour. Malheureusement, du fait des contraintes budgétaires, la tentation est grande de céder ces biens au plus offrant. Aussi, depuis plusieurs années, l'État n'effectue plus de telles cessions. J'estime pourtant que, si nous voulons défendre le logement et le logement social, ces cessions offrent une occasion que nous ne pouvons pas laisser passer. Il serait donc utile d'identifier de nouveaux biens.

Il me paraît par ailleurs nécessaire d'adopter une taxation plus lourde et, partant, plus désincitative des immeubles de bureaux vides, que leurs propriétaires laissent parfois vacants durant des années.

Comme vous le constatez, mes chers collègues, si cette proposition de loi va dans le bon sens, notre groupe a des suggestions pour aller plus loin !

Mme la présidente. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (M. Daniel Salmon applaudit.)

Mme Antoinette Guhl. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le texte issu de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bâtiments de destination autre qu'habitation en habitations apporte très certainement des ajustements utiles pour faciliter les opérations de transformation – s'il est difficile de l'affirmer aujourd'hui, l'avenir nous le dira.

Comme je l'ai indiqué en mai 2024, les écologistes soutiennent de longue date de telles transformations. Telle était du reste la première proposition figurant dans le programme que nous avions élaboré en vue des élections municipales de 2014, il y a donc plus de dix ans.

Oui, dans un contexte de crise du logement, il faut réutiliser les surfaces vacantes. Oui, des bureaux vides, chauffés, éclairés et climatisés sont un problème écologique majeur. Et oui, il est indécent de laisser des millions de mètres carrés inoccupés, alors que 14,6 millions de nos concitoyens rencontrent des difficultés pour se loger.

Soyons toutefois lucides, mes chers collègues : ce texte ne répond pas à l'ampleur de la crise. Il n'impose en effet aucune contrainte sociale, n'encadre ni les loyers ni les prix de sortie et ne prévoit aucun fléchage prioritaire vers les publics les plus en difficulté. Surtout, comme souvent, il laisse les collectivités seules, sans moyens supplémentaires.

Ce texte fait au fond le pari que la souplesse urbanistique suffira à loger ceux qui, aujourd'hui, ont des difficultés de logement. Or c'est un leurre !

Dans le même temps, quelque 4 millions de personnes sont mal logées, 2 millions attendent un logement social et des milliers vivent dans un hébergement précaire et dorment dans un hôtel, voire dans leur voiture.

Or que faisons-nous ? Nous empilons de petits dispositifs, qui pour les zones tendues, qui pour l'habitat indigne, qui pour les copropriétés dégradées, certes utiles à leur hauteur, mais insuffisants. Aujourd'hui, ce sont les bureaux ; demain, ce sera autre chose… Il n'y a là ni stratégie globale ni cohérence ni vision politique de ce que nous voulons pour le logement.

Cela me désole profondément, mes chers collègues, tout comme me désolent deux dispositions de ce texte.

L'article 1er, tel qu'il a été adopté par le Sénat, permet de déroger aux règles du PLU relatives à la taille minimale des logements. Je le dis clairement, nous sommes contre cette mesure.

Vous me répondrez, mes chers collègues, qu'il vaut mieux faire de petits logements que pas de logements du tout. Eh bien non ! Nous avons déjà eu ce débat dans cet hémicycle : lorsque nous légiférons, nous devons nous assurer que nous favorisons la mise sur le marché de logements confortables, qui respectent la qualité de vie et la dignité de leurs futurs habitants.

L'article 5 bis étend par ailleurs le bonus de constructibilité aux logements étudiants privés. La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale réservait cette disposition aux gestionnaires publics, ce qui était à la fois plus responsable et plus respectueux des engagements de l'État. Dans un marché caractérisé par la spéculation, nous savons en effet ce que permettra cette extension : plus de logements étudiants, peut-être, mais souvent à des loyers prohibitifs.

Or la précarité étudiante explose. Un étudiant sur dix vit dans un parking, dans une laverie ou dans sa voiture. Telle est la réalité, mes chers collègues.

Alors oui, il faut transformer les bureaux, mais nous ne croyons pas que la dérégulation produira de la justice. Nous ne croyons pas non plus que la ville durable se construira sans mixité sociale. Nous voulons une politique du logement qui place les droits avant les rendements.

En mai 2024 – il y a déjà un an –, lors de l'examen initial de ce texte, j'indiquais que nous voterions cette proposition de loi. C'est bien ce que nous allons faire, comme nous avons voté d'autres mesures ciblées. Mais ces petites lois ne suffisent pas. Elles ne résolvent pas la crise structurelle du logement.

En 1846, ici même, au Sénat, Victor Hugo déclarait : « Vous nous mettez en présence d'une petite loi ; je la vote avec empressement, mais j'en provoque une grande. Cette grande loi, c'est une loi d'ensemble. »

Nous en sommes là nous aussi, mes chers collègues. Nous voterons ce texte, mais nous voulons provoquer une grande loi, une loi d'ensemble, une loi qui change la donne, une loi qui reconnaisse enfin que se loger est un droit et que le logement n'est ni une variable d'ajustement budgétaire ni un segment d'investissement.

Il est temps d'assumer une politique du logement à la hauteur de la crise. Les écologistes y sont prêts. Je pense que cet hémicycle y est prêt également. Les Français l'attendent, et le pays en a besoin. (M. Daniel Salmon applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Christian Redon-Sarrazy. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, presque un an jour pour jour après l'adoption de cette proposition de loi par le Sénat, la commission mixte paritaire qui s'est tenue à l'Assemblée nationale le 20 mai dernier fut conclusive. La navette parlementaire de ce texte, pour le moins étendue dans le temps, s'achève donc.

Pour rappel, cette proposition de loi avait pour objectif d'accélérer la mobilisation des bureaux vacants en vue de la création de logements, en adoptant des règles d'urbanisme et de copropriétés pertinentes et en prévoyant un régime fiscal adapté. Afin de favoriser les projets de construction réversibles, elle instaure également un permis de construire à destinations multiples. Elle comporte, enfin, des dispositions visant à favoriser la réalisation de résidences étudiantes.

Le 22 mai 2024, le groupe socialiste avait voté en faveur de ce texte. Compte tenu de l'ampleur de la crise du logement dans notre pays, il aurait été difficile de ne pas soutenir une proposition de loi portant une ambition absolument essentielle, à la fois pour répondre aux besoins de construction de logements, tenir nos objectifs de réduction de l'artificialisation et lutter contre l'étalement urbain : repenser l'urbanité, notamment en facilitant la transformation de tout le bâti existant non utilisé, aussi bien dans les zones tendues que dans les zones rurales.

La commission mixte paritaire a adopté conforme trois articles sur treize : l'article 1er bis, qui prévoit la transmission de données sur la vacance des locaux commerciaux et professionnels aux services déconcentrés de l'État compétents en matière d'aménagement et d'environnement ; l'article 5, qui permet aux centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) de recourir aux marchés de conception-réalisation ; enfin, l'article 7, qui prévoit l'abaissement de la majorité nécessaire à l'adaptation de la répartition des charges de copropriété en cas de transformation de bureaux en logements.

Les conclusions de la commission mixte paritaire nous ont donné satisfaction sur plusieurs points qui nous paraissaient essentiels et sur lesquels nous demeurions vigilants.

Nous souhaitions tout d'abord que cette proposition de loi contribue à augmenter l'offre de logements pour les ménages. En ce qui concerne le volet fiscal, nous nous félicitons donc qu'un maire ou un président d'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) puisse appliquer la servitude dite de résidence principale à l'ensemble des opérations de transformation de tout bâtiment en logements.

Autre acquis de nos discussions, l'ANCT pourra soutenir les petites collectivités locales dans la conception, la définition et la mise en œuvre des projets de transformation de bureaux en logements.

Mon groupe avait proposé d'introduire cette possibilité par voie d'amendement, car, en zone rurale, les opérations de transformations de bâtiments publics vacants – anciennes trésoreries, bureaux de poste, bâtiments d'école –, qui peuvent être utilement changés en logements requièrent de l'ingénierie et des compétences de gestion des coûts. L'ANCT pourra donc accompagner les élus, en particulier lors de la phase d'identification et d'étude du potentiel de ces locaux vacants susceptibles d'être transformés en habitations.

L'Assemblée nationale avait par ailleurs conditionné la dérogation, prévue à l'article 6, permettant le changement de destination d'un lot de copropriété pour la transformation de locaux tertiaires en logements, à l'occupation des logements à titre de résidence principale pour une durée minimale de trois ans.

Le Sénat ayant supprimé cette disposition, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain était favorable à son rétablissement, qui permettra d'éviter que les locaux ainsi transformés ne soient versés au marché de la location de courte durée.

Enfin, avec ma collègue Florence Blatrix Contat, en commission mixte paritaire, j'ai regretté que le volet fiscal, qui a été retiré du texte et inséré dans la loi de finances pour 2025, n'assujettisse les opérations de transformation qu'à la part communale de la taxe aménagement, exonérant ces dernières de la part départementale de cette même taxe.

Cet assujettissement n'aurait pourtant eu qu'un effet très limité sur le coût des opérations et, partant, sur l'équilibre économique de ces dernières, alors qu'il aurait sans doute permis aux départements de financer notamment les CAUE.

Il est inutile de rappeler que les départements connaissent des difficultés et qu'ils ont besoin de ces ressources, comme il est inutile de rappeler que les communes ont besoin de l'ingénierie des CAUE. Je ne doute pas que nous en débattrons de nouveau, sans doute dès cet automne.

En tout état de cause, je vous invite à adopter cette proposition de loi, mes chers collègues. Ce texte pragmatique tente en effet d'apporter des réponses à la crise du logement. Il ne saurait toutefois se substituer – tant s'en faut ! – à la définition et à la mise en œuvre de la véritable politique globale du logement qui nous manque cruellement depuis 2017. Nous souhaitons donc que ce texte ne soit qu'une étape.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Claude Kern applaudit également.)

M. Vincent Louault. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous le savons tous, le secteur du logement est actuellement à la peine. Les chiffres de l'Union sociale pour l'habitat sont alarmants : le nombre des demandes de logement social s'élève à 2,8 millions. Un nouveau record a ainsi été atteint cette année.

Face à ce profond marasme, si la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux et autres bâtiments en logements renforce les outils laissés à la disposition des élus locaux afin d'organiser leurs territoires, elle ne pourra répondre à elle seule à la crise du logement. Néanmoins, des opérations de reconversion ont le mérite de constituer des solutions ponctuelles non négligeables et d'apporter de la flexibilité.

Aussi, ce texte présente un intérêt à bien des égards et sera suivi de deux autres initiatives parlementaires : d'une part, la proposition de loi de simplification du droit de l'urbanisme et du logement, que nous examinerons dans cet hémicycle le 17 juin prochain ; d'autre part, la proposition de loi visant à clarifier les obligations de rénovation énergétique des logements et à sécuriser leur application en copropriété, déposée par notre collègue Amel Gacquerre, qui sera débattue prochainement à l'Assemblée nationale.

Au cours des travaux de la CMP, je suis heureux que députés et sénateurs aient fait preuve d'un esprit de consensus en levant les divergences entre les deux chambres, afin de parvenir à une rédaction commune.

Cette proposition de loi transpartisane répond à un véritable besoin, clairement identifié dans de nombreux territoires. En effet, la situation du logement est très inquiétante, marquée par un énorme déficit de constructions et une insuffisance de l'offre telle que les demandes de logement social ne peuvent pas être satisfaites.

Aussi, ce texte est le bienvenu, car il permet, de façon pragmatique, d'augmenter l'offre, alors que le marché du logement est totalement figé. Il fait donc œuvre utile en accélérant et en simplifiant la transformation de bureaux en logements, transformation qui ne peut se faire sans les élus locaux, car ce sont eux qui connaissent le mieux les particularités de leurs territoires et les besoins des habitants.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Claude Kern applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour le groupe Les Républicains.

M. Stéphane Sautarel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi visant à faciliter la transformation des bâtiments de destination autre qu'habitation en habitations, dans sa version issue des travaux du Sénat menés voilà plus d'un an, contenait un article 2 à vocation fiscale et portant assujettissement des opérations de transformation de bureaux en logements à la taxe d'aménagement.

En ma qualité de rapporteur pour avis, au nom de la commission des finances, sur les articles relatifs au volet fiscal de ce texte, j'avais alors défendu cette mesure et les conditions y afférentes. En complément de l'intervention de la rapporteure pour le Sénat, Martine Berthet, je concentrerai mon propos sur ce volet du présent texte.

Cet article permettait aux collectivités ayant institué la taxe d'aménagement d'y assujettir, à la condition qu'elles en aient délibéré en ce sens, les opérations de transformation de bureaux en logements.

Cette mesure avait pour objectif d'inciter les collectivités à favoriser les opérations de transformation, considérées comme plus vertueuses sur le plan environnemental, par rapport aux opérations de démolition-reconstruction, qui sont soumises à cette taxe dans le droit en vigueur. Un tel assujettissement était en outre justifié par la nécessité, pour accueillir de nouveaux habitants, de procéder à des aménagements supplémentaires.

Un amendement de la commission des finances du Sénat avait ainsi été adopté, tendant à réécrire l'article 2, lequel article avait été voté sans modification par le Sénat en séance publique.

Ainsi rédigé, l'article 2 supprimait la nécessité pour les communes de procéder à une délibération spécifique dès lors que la taxe d'aménagement avait déjà été instituée, l'objectif étant d'accélérer sa mise en œuvre, tout en leur laissant la liberté, si elles le souhaitaient, d'exonérer les opérations de transformation.

Par ailleurs, cet article étendait l'assujettissement à la taxe d'aménagement à toutes les opérations de création de logements à partir de tous types de locaux non destinés à l'habitation, sans le limiter aux seules transformations de bureaux.

Ensuite, cet article prévoyait que seule la part communale de la taxe d'aménagement s'appliquait à ces opérations, en cohérence avec l'objectif d'encourager les élus chargés de la délivrance des autorisations d'urbanisme.

De plus, nous avions fait le choix de transférer dans cet article 2 les dispositions relatives à l'assiette de la taxe d'aménagement sur les opérations de transformation de bureaux en logements, laquelle faisait l'objet de l'article 3 de la proposition de loi initiale.

Enfin, nous avions décidé d'introduire, dans l'assiette, un abattement de 50 % visant à prendre en compte l'existence d'équipements déjà financés par la taxe d'aménagement ou la taxe locale d'équipement lors de la construction initiale de l'immeuble.

Il se trouve que les dispositions de l'article 2 ont été reprises à l'article 111 de la loi de finances pour 2025, moyennant une modification de la date d'entrée en vigueur. C'est pourquoi la commission mixte paritaire l'a supprimé, puisqu'il était devenu sans objet.

Les articles 3, 3 bis A et 3 bis B, qui définissent l'assiette de la taxe d'aménagement pour les opérations de transformation de bureaux en logements, ainsi que des mesures d'exonération et de reversement facultatif, ont aussi été supprimés, car ils sont devenus sans objet ou l'étaient dès l'origine.

Nous aurons la liberté de revenir, si nous le souhaitons, dans le projet de loi de finances pour 2026 sur l'assujettissement de ces opérations à la part revenant aux départements pour le financement, en particulier, des espaces naturels sensibles (ENS) et des CAUE. Il est d'ailleurs préférable que les mesures fiscales figurent en loi de finances.

Plus largement, je me réjouis des avancées que permet ce texte sur trois points majeurs : tout d'abord, l'élargissement de son champ à d'autres locaux que les bureaux, à savoir les locaux commerciaux, les parkings, les hôtels et les bâtiments agricoles – c'est très important en milieu rural –, à la condition, concernant ces derniers, qu'ils ne soient plus affectés à l'activité agricole depuis vingt ans ; ensuite, la création d'une servitude pour résidence principale, pour ne pas perdre l'objectif de vue ; enfin, l'instauration d'un permis de construire portant sur plusieurs destinations possibles, avec une validité de vingt ans, ce qui constitue une innovation heureuse.

Des mesures dérogatoires aux PLU, à la main des maires, sont ainsi introduites pour permettre de faciliter les conversions de bâtiments à des fins de logements – résidences principales et résidences étudiantes. Cette mesure de souplesse était attendue – comme bien d'autres, d'ailleurs – pour enfin relancer la politique du logement dans notre pays.

Nous sommes donc impatients d'examiner d'autres textes destinés à apporter de nouvelles réponses, pleinement conscients que nous sommes que la présente proposition de loi ne constitue qu'une part de la réponse.

Je me réjouis en tout cas que ces opérations puissent ainsi désormais se réaliser plus facilement, avec une fiscalité incitative. Je remercie tous ceux qui ont contribué à cette avancée. Par conséquent, notre groupe votera bien entendu le texte issu de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP. – M. Bernard Buis applaudit également.)

Mme la présidente. Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l'ensemble de la proposition de loi dont la commission a ainsi rédigé l'intitulé : proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux et autres bâtiments en logements.

(La proposition de loi est adoptée définitivement.) – (Applaudissements.)

Article 6 (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à faciliter la transformation des bâtiments de destination autre qu'habitation en habitations
 

3

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 10 juin 2025 :

À neuf heures trente :

Questions orales.

À quatorze heures trente et le soir :

Explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à réduire l'impact environnemental de l'industrie textile (texte de la commission n° 459, 2024-2025) ;

Proposition de loi relative à l'organisation, à la gestion et au financement du sport professionnel, présentée par M. Laurent Lafon (texte de la commission n° 670, 2024-2025) ;

Proposition de loi visant à renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation afin d'adapter les normes aux territoires, présentée par M. Rémy Pointereau et plusieurs de ses collègues (procédure accélérée ; texte de la commission, n° 666, 2024-2025).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures trente-cinq.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER