Sommaire

Présidence de M. Loïc Hervé

vice-président

Secrétaires :

Mme Nicole Bonnefoy,

Mme Alexandra Borchio Fontimp.

Lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur

Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur

Article 1er

Article 2

Article 3

Article 3 bis

Article 4

Articles 5 à 7

Vote sur l'ensemble

Renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers

Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale

proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers

Article 1er

PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli

vice-président

Article 1er (suite)

Après l'article 1er

Article 1er bis

Après l'article 1er bis

Article 1er ter

Article 2

Après l'article 2 (supprimé)

Article 3

Après l'article 3

Article 3 bis A

Article 3 bis B

Après l'article 3 bis B

Article 3 bis C

Articles 3 ter à 3 septies

Article 3 octies

Après l'article 3 octies

Article 4

Intitulé de la proposition de loi

Vote sur l'ensemble

Profession d'infirmier

Adoption définitive des conclusions d'une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

proposition de loi sur la profession d'infirmier

Article 1er

Article 1er bis A

Article 1er bis

Article 1er ter

Article 1er quater A

Article 1er quater

Article 2

Article 2 bis

Vote sur l'ensemble

Projet parental et discriminations au travail

Adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale

proposition de loi visant à protéger les personnes engagées dans un projet parental des discriminations au travail

Article 1er

Article 2

Vote sur l'ensemble

Ordre du jour

Présidence de M. Loïc Hervé

vice-président

Secrétaires :

Mme Nicole Bonnefoy,

Mme Alexandra Borchio Fontimp.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

 
Dossier législatif : proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine dans l'enseignement supérieur
Article 1er

Lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur

Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine dans l'enseignement supérieur (texte de la commission n° 657, rapport n° 656).

La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a un peu moins d'un an, le 26 juin 2024, la commission de la culture adoptait les conclusions de la mission d'information relative à l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur.

Cette mission, dont j'ai eu l'honneur de conduire les travaux aux côtés de Bernard Fialaire, avait révélé une réalité préoccupante : la banalisation progressive de l'antisémitisme dans nos universités, l'insuffisance des dispositifs de prévention existants et le sentiment d'abandon ressenti par de nombreux étudiants juifs.

Le 10 octobre dernier, nous déposions une proposition de loi visant à traduire les recommandations de cette mission. Le 20 février 2025, ce texte était adopté à l'unanimité par le Sénat, avant d'être voté par l'Assemblée nationale le 7 mai. Le 27 mai, en commission mixte paritaire, un accord a été trouvé entre les deux chambres, à l'unanimité moins une voix.

Permettez-moi de vous exprimer ma grande satisfaction de voir ce cheminement arriver à son terme. À rebours d'un débat public dans lequel beaucoup se sont fourvoyés, cette unanimité parlementaire constitue un signal fort et nécessaire.

La rédaction qui vous est présentée conserve toutes les modifications de fond adoptées par le Parlement avec l'avis favorable du Gouvernement. Elle enrichit chacun des trois piliers du texte.

L'article 1er généralise à tous les établissements d'enseignement supérieur l'obligation d'assurer une formation à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine.

L'article 2 renforce les obligations de prévention et de signalement. Il impose notamment la désignation d'un référent antisémitisme dans chaque établissement et la mise en place de dispositifs de signalement anonyme ; il oblige également les présidents d'université à rendre compte annuellement des actions menées.

L'article 3 modernise le régime disciplinaire en précisant les sanctions applicables aux actes antisémites et en renforçant les procédures de poursuite.

Cette rédaction reflète l'équilibre défendu par le Sénat.

Contrairement à ce que nous avons parfois pu entendre, le texte ne vise pas à hiérarchiser les différentes haines, ce qui serait absurde et contre-productif. Ses dispositions bénéficieront à la lutte contre l'ensemble de ces dérives, qui bien souvent se nourrissent mutuellement.

Dans le même temps, il reconnaît une place singulière à la lutte contre l'antisémitisme. Par son ancienneté et son ancrage dans notre civilisation, par les formes qu'elle a prises et qui continuent d'évoluer, cette haine est spécifique et doit être reconnue en tant que telle pour être véritablement combattue.

Si des données précises restent difficiles à établir en raison de l'insuffisance, que nous déplorons, des dispositifs de signalement, les témoignages recueillis lors de nos travaux révèlent une réalité alarmante : de nombreux étudiants juifs déclarent avoir envisagé de dissimuler leur identité par crainte de discriminations. Cette situation, qui illustre l'ampleur du phénomène, est inacceptable dans la République française. Quand des étudiants renoncent à fréquenter certains lieux et à participer à certains débats par crainte pour leur sécurité, l'essence même de l'université est menacée.

Je salue l'engagement de tous ceux qui ont œuvré à l'adoption du texte : le président de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport, Laurent Lafon, qui a su reconnaître l'urgence de travailler sur ce sujet ; mon collègue rapporteur Bernard Fialaire ; les rapporteurs de l'Assemblée nationale, Constance Le Grip et Pierre Henriet, qui ont fait preuve d'un esprit de coconstruction remarquable ; enfin vous, monsieur le ministre, qui avez contribué à enrichir le volet disciplinaire du texte.

Je salue plus généralement l'esprit de concorde qui a régné dans notre assemblée. Cette démarche collective illustre ce que peut accomplir le Parlement quand il s'empare avec responsabilité de sujets qui engagent l'avenir de notre société.

Ce texte ne permettra évidemment pas de faire face à toutes les difficultés. Il s'agit toutefois d'un indispensable jalon pour refuser que le poison de l'antisémitisme s'insinue plus longtemps dans nos universités, qui doivent redevenir pleinement des lieux de débat contradictoire et d'ouverture humaniste. Ce qui se joue au travers de cette lutte contre l'antisémitisme, c'est la capacité de notre société à préserver son caractère ouvert, pluraliste et démocratique.

Je vous engage donc, mes chers collègues, à voter pour l'adoption des conclusions de la commission mixte paritaire, ce qui permettra l'application de cette loi dès la prochaine rentrée universitaire. En agissant aujourd'hui, nous enverrons un message clair : la République ne transige pas avec l'antisémitisme et l'université française demeurera un espace de liberté et de dignité pour tous ses enfants. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a un mois à l'Assemblée nationale, quatre mois au Sénat, je me présentais devant la représentation nationale pour apporter mon soutien à la proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur.

C'est pour moi un plaisir, probablement l'un des plus grands de ces derniers mois, de revenir dans cet hémicycle pour la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire, qui marque l'aboutissement d'un processus législatif dont nous pouvons tous reconnaître la haute tenue.

Je remercie MM. les rapporteurs Levi et Fialaire d'avoir porté ce texte, après le travail fouillé qu'ils avaient fourni pour l'élaboration de leur rapport d'information, ainsi que les députés Constance le Grip et Pierre Henriet, qui ont fait un grand travail comme rapporteurs à l'Assemblée nationale. Je remercie enfin tous les parlementaires qui ont permis d'enrichir cette proposition de loi depuis les premières discussions au Sénat.

Le vote unanime de la Haute Assemblée était déjà un signal très fort envoyé à tous les étudiants de France, juifs ou non. L'accord auquel est parvenue la commission mixte paritaire est une nouvelle étape importante pour reconnaître le phénomène de l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur et y apporter des réponses appropriées.

Ce texte législatif – j'en suis profondément convaincu – permettra de doter d'outils supplémentaires le ministère et les présidents d'université. Il vient compléter un ensemble de mesures que je soutiens avec force et constance depuis six mois.

En effet, comme vous le savez, la France vit actuellement un moment de hausse préoccupante des actes à caractère antisémite, qui n'ont malheureusement pas épargné le monde universitaire.

C'est pourquoi, dès mon arrivée, j'ai agi de manière résolue, en ayant recours aux outils à ma disposition pour le suivi et la punition des actes identifiés, mais aussi en mobilisant les ressources propres du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, c'est-à-dire la formation et l'approche scientifique des phénomènes observés.

Sur le plan disciplinaire, mon discours n'a pas varié : aucune tolérance n'est envisageable face à des actes antisémites. Je me suis appuyé sur les recteurs pour obtenir des remontées rapides et précises de tous les signalements depuis l'ensemble du territoire. La coopération avec les autres ministères a aussi été déterminante : mes collègues ministres de l'intérieur et de la justice, conscients de l'enjeu, se sont pleinement engagés pour permettre un traitement rapide des signalements au titre de l'article 40 du code de procédure pénale.

Ces mesures de suivi et de signalement étaient absolument nécessaires. Elles répondaient au besoin exprimé par les représentants de l'Union des étudiants juifs de France (UEJF), que j'avais reçus dès les premières semaines de mon ministère.

Néanmoins, il m'a paru important de ne pas en rester là. Au-delà des chiffres, des signalements et de la gestion au cas par cas, il faut comprendre comment il se fait que nous observions, de nos jours, une telle résurgence de l'antisémitisme dans les universités et l'enseignement supérieur.

Cette interrogation m'a conduit à lancer le mois dernier, avec la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) et la Fondation pour la mémoire de la Shoah, un programme de recherche sur l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur. En effet, la recherche a beaucoup à nous apprendre sur ce qui est à l'œuvre, et que nous ne pouvons pas nous contenter de regarder avec stupéfaction.

Comme vous le voyez, depuis six mois, le ministère a joué son rôle. Pour autant, ce texte nous permettra d'agir plus efficacement.

Il permet de réelles avancées, d'une part sur le signalement des actes, avec l'installation de référents « racisme et antisémitisme » dans les établissements au travers de la mission « égalité et diversité », d'autre part sur l'obligation de formation, pour les membres du conseil académique notamment. Le ministère travaillera à une offre en ce sens à l'échelle nationale.

Je souhaiterais également revenir sur une des améliorations importantes permises par ce texte : la mise en place de sections disciplinaires interacadémiques. Je tiens, une fois encore, à saluer le travail parlementaire qui a permis de faire figurer cette disposition dans le texte, sur l'initiative du sénateur Stéphane Piednoir, puis de l'y conserver dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Cette disposition répond à une demande très forte de l'écosystème de l'enseignement supérieur, en particulier des présidents d'université. Elle traduit aussi les recommandations du rapport de Khaled Bouabdallah et Pierre-Arnaud Cresson à propos de l'adaptation des procédures disciplinaires. Ces dernières seront beaucoup plus rapides et efficaces.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez comme moi que l'antisémitisme qui touche l'université ne lui est pas spécifique. Nous ne réglerons d'un coup ni l'erreur, ni l'ignorance, ni la violence trempée dans la bêtise et les préjugés.

Marc Bloch nous avait mis en garde : « L'erreur ne se propage, ne s'amplifie, ne vit enfin qu'à une condition : trouver dans la société où elle se répand un bouillon de culture favorable. En elle, inconsciemment, les hommes expriment leurs préjugés, leurs haines, leurs craintes, toutes leurs émotions fortes. »

Toutefois, nous pouvons réagir, nous pouvons contribuer à prévenir l'erreur et à la corriger. Le texte qui vous est soumis aujourd'hui nous y invite. Vous pouvez compter sur mon engagement et sur celui de l'ensemble de mon ministère pour faire vivre ses dispositions. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP.)

M. le président. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n'est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, il statue d'abord sur les éventuels amendements, puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur

Chapitre Ier

Formation à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine dans les établissements d'enseignement

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine dans l'enseignement supérieur
Article 2

Article 1er

Le code de l'éducation est ainsi modifié :

1° Après la quatrième phrase de l'article L. 121-1, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Ils assurent une formation à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine. » ;

1° bis À la première phrase du 3° de l'article L. 123-2, les mots : « les discriminations » sont remplacés par les mots : « l'antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine » ;

2° À la deuxième phrase du neuvième alinéa de l'article L. 721-2, les mots : « les discriminations » sont remplacés par les mots : « l'antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine » ;

3° Le chapitre Ier du titre VI du livre VII est complété par un article L. 761-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 761-2. – Les établissements d'enseignement supérieur assurent une formation à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine. » ;

4° L'article L. 811-3-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ils reçoivent à ce titre une formation à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine. »

Chapitre II

Prévention, détection et signalement des faits d'antisémitisme, de racisme, de discrimination, de violence et de haine survenant dans l'enseignement supérieur

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine dans l'enseignement supérieur
Article 3

Article 2

I. – Le livre VII du code de l'éducation est ainsi modifié :

1° L'article L. 712-2 est ainsi modifié :

a) Les deux premières phrases du 10° sont ainsi rédigées : « Il installe, sur proposition conjointe du conseil d'administration et du conseil académique, la mission “égalité et diversité” prévue à l'article L. 719-10. Il présente chaque année au conseil d'administration un rapport sur l'exécution du plan pluriannuel en matière d'égalité entre les femmes et les hommes et sur l'activité de la mission “égalité et diversité”, qui rend notamment compte des actions menées par l'université en matière de lutte contre l'antisémitisme et le racisme et des signalements recueillis. » ;

b) (Supprimé)

2° La section 4 du chapitre IX du titre Ier est ainsi rétablie :

« Section 4

« Lutte contre les faits d'antisémitisme, de racisme, de discrimination, de violence et de haine

« Art. L. 719-10. – Les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel créent en leur sein une mission “égalité et diversité” chargée de la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine.

« Ils veillent à ce que la mission “égalité et diversité” dispose des moyens humains et financiers nécessaires à son fonctionnement.

« Au sein de la mission, un référent qualifié est exclusivement chargé de la prévention, de la détection et du traitement des faits d'antisémitisme et de racisme.

« Art. L. 719-11. – La mission “égalité et diversité” assure le fonctionnement d'un dispositif de signalement des faits d'antisémitisme, de racisme, de discrimination, de violence et de haine garantissant l'anonymat des victimes et des témoins. Les signalements sont recueillis par des personnes disposant d'une qualification, d'une formation ou d'une expertise reconnue. Ils sont transmis au président ou au directeur de l'établissement et font l'objet d'un traitement statistique.

« Tout membre du personnel ayant connaissance d'un fait d'antisémitisme, de racisme, de discrimination, de violence ou de haine survenu dans ou en dehors de l'établissement, ayant un lien avec la vie universitaire, le signale sans délai auprès du dispositif mentionné au premier alinéa.

« Le président ou le directeur de l'établissement fait procéder dans les meilleurs délais au retrait des affichages, inscriptions, emblèmes et installations à caractère antisémite, raciste, discriminatoire ou incitant à la haine ou à la violence manifestement visibles des personnels et usagers de l'établissement.

« Chaque année, le Gouvernement transmet au Parlement le bilan quantitatif et qualitatif des signalements de faits d'antisémitisme et de racisme recueillis par le dispositif mentionné au premier alinéa. Ce bilan, établi le cas échéant à partir du rapport prévu à l'article L. 712-2, précise en particulier le nombre de signalements recueillis, la nature des faits signalés, les suites données et les mesures de prévention engagées.

« Art. L. 719-11-1. – Les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel assurent la diffusion auprès de leurs usagers et personnels d'une information claire et accessible sur l'existence et le fonctionnement de la mission “égalité et diversité” mentionnée à l'article L. 719-10 ainsi que du dispositif de signalement mentionné à l'article L. 719-11. Cette information précise la possibilité pour les victimes et les témoins de bénéficier de l'anonymat.

« Art. L. 719-11-2. – Les modalités d'application de la présente section sont fixées par décret. » ;

3° Le chapitre II du titre III est complété par un article L. 732-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 732-4. – La section 4 du chapitre IX du titre Ier du présent livre est applicable aux établissements d'enseignement supérieur privés d'intérêt général. » ;

4° L'article L. 771-12 est ainsi modifié :

a) À la fin de la deuxième phrase, les mots : « entre les hommes et les femmes” » sont remplacés par les mots : « et diversité” prévue à l'article L. 719-10 » ;

b) Après le mot : « universitaires », la fin de la troisième phrase est ainsi rédigée : « et sur l'activité de la mission “égalité et diversité”, qui rend notamment compte des actions menées par l'université en matière de lutte contre l'antisémitisme et le racisme et des signalements recueillis. » ;

c) Après la même troisième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Il présente également un rapport sur l'évaluation de la situation professionnelle des personnes auxquelles l'université a délivré le diplôme national de doctorat au cours des cinq années précédentes. »

II et III. – (Supprimés)

Chapitre III

Procédure disciplinaire

Article 2
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Article 3 bis

Article 3

Le code de l'éducation est ainsi modifié :

1° L'article L. 712-6-2 est ainsi modifié :

a) Après la troisième phrase du dernier alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Il précise les modalités de formation des membres de la section disciplinaire à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine. » ;

b) Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de violence ou de faits d'antisémitisme, de racisme, de discrimination ou d'incitation à la haine, toute personne s'estimant lésée par les agissements de l'enseignant-chercheur ou de l'enseignant poursuivi et s'étant fait connaître est informée de l'engagement de poursuites disciplinaires, de leur déroulement et de leur issue, selon des modalités précisées par décret en Conseil d'État.

2° Le second alinéa de l'article L. 811-5 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il précise également les modalités de formation des membres à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine. » ;

2° bis Après le même article L. 811-5, il est inséré un article L. 811-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 811-5-1. – Dans chaque région académique, une section disciplinaire commune aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel est créée par le recteur.

« Elle est présidée par un membre de la juridiction administrative. Elle comprend des représentants de l'administration des établissements, des représentants du personnel enseignant et des représentants des usagers.

« Elle peut être saisie par le président ou par le directeur de chaque établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel de la région académique. Elle exerce alors, en lieu et place de la section disciplinaire prévue à l'article L. 811-5, le pouvoir disciplinaire à l'égard des usagers.

« Un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'application du présent article. Il précise notamment la composition de la section disciplinaire commune, qui respecte la parité entre les hommes et les femmes, les modalités de désignation des membres et ses règles de fonctionnement. » ;

3° L'article L. 811-6 est ainsi modifié :

a) Au début, sont ajoutés neuf alinéas ainsi rédigés :

« I. – Sont passibles d'une sanction disciplinaire tous faits constitutifs d'une faute disciplinaire, notamment :

« 1° La méconnaissance des dispositions législatives et réglementaires relatives à la vie universitaire ou du règlement intérieur de l'établissement ;

« 2° La fraude ou la tentative de fraude ;

« 3° Les faits de violence ou de harcèlement ;

« 4° Les faits d'antisémitisme, de racisme, de discrimination ou d'incitation à la haine ou à la violence ;

« 5° Les faits susceptibles de porter atteinte à l'ordre ou au bon fonctionnement de l'établissement.

« Les faits commis en dehors de l'établissement sont passibles d'une sanction disciplinaire lorsqu'ils présentent un lien suffisant avec l'établissement ou les activités qu'il organise.

« II. – Pour les faits mentionnés aux 3° à 5° du I, afin d'assurer la protection d'une ou de plusieurs personnes ou de l'établissement ou si les faits reprochés à l'usager sont constitutifs d'un trouble à l'ordre public au sein de l'établissement, le président ou le directeur de l'établissement peut décider d'interdire l'accès de l'usager à tout ou partie des enceintes et locaux de l'établissement dont il a la charge, aux horaires qu'il détermine, jusqu'à l'issue de la procédure disciplinaire. Cette interdiction est assortie de mesures permettant d'assurer la continuité de la formation de l'usager.

« Pour les faits relevant des 3° et 4° du même I, toute personne victime des agissements de l'usager poursuivi et s'étant fait connaître est informée de l'engagement de poursuites disciplinaires, de leur déroulement et de leur issue, selon des modalités précisées par décret en Conseil d'État. » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Ce décret précise également les mesures d'interdiction d'accès aux enceintes et locaux qui peuvent être décidées par le président ou le directeur de l'établissement à l'encontre des usagers faisant l'objet d'une procédure disciplinaire, ainsi que les pouvoirs d'investigation dont dispose le président ou le directeur pour l'établissement des faits susceptibles d'être portés à la connaissance du conseil académique constitué en section disciplinaire. »

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine dans l'enseignement supérieur
Article 4

Article 3 bis

(nouveau) (Supprimé)

Chapitre IV

Application outre-mer

Article 3 bis
Dossier législatif : proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine dans l'enseignement supérieur
Articles 5 à 7 (début)

Article 4

Le code de l'éducation est ainsi modifié :

1° Le tableau du second alinéa du I de l'article L. 165-1 est ainsi modifié :

a) La treizième ligne est ainsi rédigée :

 

«

L. 121-1

Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur

» ;

 

b) La vingt-sixième ligne est ainsi rédigée :

 

«

L. 123-2

Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur

» ;

 

2° Les articles L. 166-1 et L. 167-1 sont ainsi modifiés :

a) Le tableau du second alinéa du I est ainsi modifié :

– la huitième ligne est ainsi rédigée :

 

«

L. 121-1

Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur

» ;

 

– la douzième ligne est ainsi rédigée :

 

«

L. 123-2

Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur

» ;

 

b) Le troisième alinéa du 5° du II est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ils assurent une formation à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine. » ;

3° Le tableau du second alinéa du I de l'article L. 775-1 est ainsi modifié :

a) La treizième ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

 

«

L. 712-2

Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur

L. 712-3

Résultant de la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020

» ;

 

a bis) La seizième ligne est ainsi rédigée :

 

«

L. 712-6-2

Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur

» ;

 

b) Après la quarante-troisième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :

 

«

L. 719-10, L. 719-11 et L. 719-11-1

Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur

» ;

 

c) La quarante-huitième ligne est ainsi rédigée :

 

«

L. 721-2

Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur

» ;

 

d) Après la quatre-vingtième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :

 

«

L. 761-2

Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur

» ;

 

4° Le tableau du second alinéa du I des articles L. 776-1 et L. 777-1 est ainsi modifié :

a) La treizième ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

 

«

L. 712-2

Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur

L. 712-3

Résultant de la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020

» ;

 

a bis) La seizième ligne est ainsi rédigée :

 

«

L. 712-6-2

Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur

» ;

 

b) Après la quarante-cinquième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :

 

«

L. 719-10, L. 719-11 et L. 719-11-1

Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur

» ;

 

c) La cinquantième ligne est ainsi rédigée :

 

«

L. 721-2

Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur

» ;

 

d) Après la quatre-vingt-unième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :

 

«

L. 761-2

Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur

» ;

 

5° Le tableau du second alinéa du I des articles L. 855-1, L. 856-1 et L. 857-1 est ainsi modifié :

a) La cinquième ligne est ainsi rédigée :

 

«

L. 811-3-1

Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur

» ;

 

b) Les septième et huitième lignes sont ainsi rédigées :

 

«

L. 811-5 et L. 811-6

Résultant de la loi n° … du … relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur

L. 821-1 à L. 821-4

Résultant de l'ordonnance n° 2000-549 du 15 juin 2000

»

 

Article 4
Dossier législatif : proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine dans l'enseignement supérieur
Articles 5 à 7 (fin)

Articles 5 à 7

(nouveaux) (Supprimés)

M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d'aucun amendement.

Le vote est réservé.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l'ensemble de la proposition de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.

La parole est à Mme Laure Darcos, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Mme Laure Darcos. « Des jeunes gens antisémites, ça existe donc, cela ? Il y a donc des cerveaux neufs, des âmes neuves, que cet imbécile poison a déjà déséquilibrés ? Quelle tristesse, quelle inquiétude, pour le vingtième siècle qui va s'ouvrir ! » Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces propos d'Émile Zola, dans sa Lettre à la jeunesse, datent de 1897. Près de cent trente ans plus tard, ils sont encore d'actualité.

Malgré la monstruosité qu'a été la Shoah, l'antisémitisme est bien vivace et même profondément enraciné dans notre pays. Il s'est fait une place de premier plan dans de nombreuses universités occidentales, qui sont devenues le théâtre d'actes ignobles contre nos compatriotes de confession juive.

À l'évidence, le pogrom perpétré par les terroristes du Hamas le 7 octobre 2023 a donné à l'antisémitisme une dimension nouvelle, en ravivant l'instrumentalisation du conflit israélo-palestinien. Au sein de l'université, neuf étudiants de confession juive sur dix ont été confrontés à des actes antisémites.

La réalité est glaçante : les agressions physiques, le harcèlement, les messages insultants sur les réseaux sociaux, le refus d'accueillir des étudiants juifs dans des groupes de travail, voire de les côtoyer dans les amphithéâtres, et les bousculades dans les couloirs sont une bien cruelle réalité.

Or ni la violence ni les discriminations n'ont leur place dans l'enseignement supérieur. L'université doit demeurer un lieu de débat et d'échanges, où la raison l'emporte sur toute autre considération.

Bien entendu, rien ne doit nous empêcher de critiquer la politique menée par Benyamin Netanyahou, qui a fait de Gaza un champ de ruines et un tombeau à ciel ouvert. Les souffrances des Gazaouis, affamés et régulièrement déplacés à l'intérieur de leur propre territoire, nous émeuvent profondément.

Dans ce contexte de guerre au Moyen-Orient, désormais élargie à l'Iran, La France insoumise et ses relais d'extrême gauche dans le milieu étudiant emploient sans complexe la pire rhétorique antisémite. C'est pourquoi la proposition de loi examinée aujourd'hui n'est pas seulement un texte important : c'est une nécessité et une urgence absolues.

Permettez-moi tout d'abord de saluer nos collègues Pierre-Antoine Levi et Bernard Fialaire, dont le travail rigoureux dans le cadre de la mission d'information sur la multiplication des actes antisémites dans les universités a été décisif pour l'inscription de cette proposition de loi à notre ordre du jour.

Je souligne aussi la qualité des échanges approfondis que nous avons eus au sein de la commission mixte paritaire dont le Sénat examine aujourd'hui les conclusions. Malgré les manœuvres dilatoires de certains, visant à dénaturer le texte en gommant les spécificités liées à l'antisémitisme, nous sommes parvenus à un accord fidèle à l'esprit qui avait guidé les travaux du Sénat.

La commission mixte paritaire a ainsi conservé les mesures emblématiques adoptées par notre chambre pour prévenir, détecter et poursuivre les actes d'antisémitisme.

Néanmoins, ne soyons pas dupes. Le problème de l'antisémitisme « d'atmosphère », pour reprendre une expression du rapport de MM. Levi et Fialaire, ne se réglera pas au travers d'une simple proposition de loi, aussi ambitieuse et juste soit-elle. Il faudra une prise de conscience collective. Tout doit être fait pour lutter contre les préjugés et les représentations faussées de nos compatriotes juifs. En aucun cas nos étudiants ne doivent être les victimes expiatoires de la fuite en avant organisée par l'extrême gauche, qui n'hésite pas à flatter les plus bas instincts dans une perspective de mobilisation électorale, pour les prochaines élections locales et nationales.

Ensemble, agissons pour fortifier les valeurs républicaines et conforter le pacte social ! La France sera toujours plus forte que les tentatives de déstabilisation et de fracturation organisées par certains mouvements s'inscrivant dans une logique de rupture et de confrontation. La France sera toujours plus forte que l'antisémitisme et la division.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à soutenir sans réserve le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, comme le fera le groupe Les Indépendants que j'ai l'honneur de représenter aujourd'hui à cette tribune. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions.)

M. Max Brisson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons tous, notre vieux pays ne fut pas épargné par l'antisémitisme au cours de sa longue histoire. Il n'en demeure pas moins qu'il fut également, dans le passé, érigé en modèle pour les juifs dispersés dans le monde : « Heureux comme Dieu en France », disait-on dans les ghettos du Yiddishland.

Désormais, ce modèle est malmené, au nom d'un relativisme venu d'outre-Atlantique, au nom aussi de ressorts nouveaux qui ont, sinon supplantés, du moins dépassé un antisémitisme ancien, et ce au cœur même de l'université.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 91 % des étudiants juifs se disent victimes d'actes antisémites, 45 % ont subi des injures et 7 % ont été physiquement agressés en raison de leur confession. Quelque 91 % de ces jeunes Français craignent d'aller à l'université ou s'y rendent la boule au ventre, constamment sur le qui-vive.

Ils s'interrogent in fine sur leur place dans la Nation, car, au-delà même des actes recensés, se propage également un antisémitisme d'atmosphère qui s'installe sur de nombreux campus. Il est fait de harcèlement insidieux, de blagues répétées et de tags anonymes.

Il fallait réagir, et réagir fermement.

Avec cette proposition de loi, sur laquelle un accord a été trouvé en commission mixte paritaire, la première pierre de l'édifice d'une action plus globale et plus forte est posée. J'en remercie, du fond du cœur, Pierre-Antoine Levi et Bernard Fialaire.

Au vu de la gravité des faits rapportés, nous aurions pu croire, après l'adoption de ce texte à l'unanimité par le Sénat en première lecture, que son parcours législatif serait une formalité. Il n'en fut rien ! À l'Assemblée nationale, il n'y eut pas de consensus, mais des débats clivants ; pas de consensus, mais la volonté méthodique de noyer la lutte contre l'antisémitisme parmi toutes les formes de discrimination et de racisme ! Cette méthode indécente se fonde sur une rhétorique finement rodée, dont nous avons pu être témoins en commission mixte paritaire.

C'est pourquoi je tiens à le réaffirmer à cette tribune : oui, il existe une spécificité intrinsèque à l'antisémitisme ; non, nous ne pouvons mettre sur le même plan la lutte contre les discriminations ou les violences sexuelles, aussi légitime soit-elle, et la lutte contre l'antisémitisme, tout simplement parce que cela n'est pas du même ordre. L'antisémitisme est pour une société la pire des alertes, le signal qui annonce le triomphe de l'obscurantisme.

Nous devons donc mettre des mots sur les actes. Oui, l'antisémitisme est étroitement lié, aujourd'hui, à la montée de l'islamisme dans notre pays ! Oui, il existe un lien entre wokisme, islamisme et antisémitisme ! (Exclamations sur les travées du groupe GEST.) Oui, l'antisémitisme est alimenté par des forces politiques qui foulent aux pieds les principes républicains et font régner la terreur sur certains campus ! Oui, si la politique de l'État d'Israël peut et doit être critiquée, comme son gouvernement, l'État juif est bien le seul au monde dont on revendique la disparition ! Là se trouve le nouveau visage de l'antisémitisme : derrière la haine d'Israël se cache bien la haine des juifs !

Il est impératif de mettre fin à cet engrenage et, s'il y a un lieu où il faut le faire, c'est bien l'université.

Là est tout le sens de cette utile proposition de loi : établir une nouvelle définition des motifs justifiant des poursuites disciplinaires ; inciter à sanctionner systématiquement les auteurs d'actes antisémites ; renforcer les relations entre directions et parquets ; créer une section disciplinaire commune aux établissements d'une région académique, conformément à l'amendement adopté sur l'initiative de notre collègue Stéphane Piednoir. Autant de mesures qui devraient permettre de rompre avec l'impuissance, que nous n'avons que trop ressentie lors de nos auditions, des autorités universitaires, lesquelles se contentent trop souvent de renvoyer vers les instances judiciaires, sans sanction interne.

Mes chers collègues, je me réjouis donc de l'issue positive qui se dessine pour cette utile proposition de loi. Si elle marque une étape, elle ne doit en rien être une finalité. Elle doit être le point de départ d'une action plus globale et plus forte, que seul le ministère pourra diligenter.

Vous pouvez compter sur notre soutien, monsieur le ministre. C'est ensemble qu'il faut combattre le poison de l'antisémitisme, qui n'est autre que le pire des cancers pour notre République.

Du fond du cœur, je souhaite ne plus jamais avoir à entendre, comme nous l'avons vécu pendant les auditions, des étudiants juifs, la boule au ventre et les larmes aux yeux, nous dire qu'ils se sentent mal dans notre pays, au cœur de notre République.

Les étudiants juifs, comme tous les juifs de France, ont pourtant toute leur place dans la République et dans nos universités. Ce sont des Français à part entière, qui ont autant que les autres le droit de vivre, d'étudier et de travailler ; voilà ce qu'il faut apprendre à l'université. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour ne jamais plus revoir de tels visages d'étudiants en larmes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Mme Samantha Cazebonne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelques semaines après la réunion, au Sénat, de la commission mixte paritaire et l'accord qui y a été trouvé, je me réjouis de voir aboutir ce texte important, dont les dispositions pourront ainsi être effectives dès la prochaine rentrée universitaire.

Notre pays connaît depuis quelques années, en particulier depuis les attaques terroristes du 7 octobre 2023, une nouvelle vague d'actes antisémites, qui est particulièrement visible dans l'enseignement supérieur.

Le Sénat a souhaité envoyer un signal clair et sans appel aux étudiants juifs comme aux auteurs de ces actes. Il l'a fait en reconnaissant la place particulière qu'occupe l'antisémitisme parmi l'ensemble des formes de racisme, de discrimination, de violence et de haine. Il l'a fait en témoignant de la peur bien réelle qui accompagne ces étudiants.

Il nous faut prendre collectivement conscience de la gravité de la situation. En 2024, le ministère de l'intérieur comptabilisait 1 570 plaintes pour des actes antisémites, alors qu'en 2022 elles étaient au nombre de 436. Nous savons que ces chiffres sont très probablement sous-estimés : les actes antisémites sont peu déclarés et les dispositifs de signalement ne sont pas assez performants. J'en veux pour preuve le fait que neuf étudiants juifs sur dix se déclarent victimes d'actes antisémites.

Aussi, il est nécessaire d'avancer sur cette question. Nos étudiants doivent pouvoir se sentir en sécurité à l'université.

À cette fin, cette proposition de loi donne aux établissements d'enseignement supérieur de nouveaux outils pour protéger leurs étudiants, sans toutefois porter atteinte à leur indépendance ; elle constitue en ce sens une avancée. Le groupe RDPI salue les travaux de la commission mixte paritaire, qui ont permis de maintenir les équilibres et les avancées salutaires proposées dans ce texte.

Pour conclure, je veux à nouveau remercier les auteurs de cette proposition de loi importante et saluer le travail de la commission mixte paritaire. Le groupe RDPI votera évidemment en faveur de ses conclusions, afin de protéger davantage nos étudiants, afin que l'enseignement supérieur soit un lieu d'ouverture, de débats et de lumières, et afin que chacun puisse apprendre et grandir intellectuellement dans un espace sûr. Ne baissons pas les bras face à l'obscurantisme ! (Applaudissements au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions.)

M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à vous remercier de votre soutien. Je salue l'implication de tous ceux qui ont suivi, depuis le début, les travaux de la mission d'information sur l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur, confiés à Pierre-Antoine Levi et moi-même, puis les nouvelles auditions auxquelles nous avons procédé au cours de l'élaboration de cette proposition de loi. Je vous remercie enfin, monsieur le ministre, de votre coopération et du soutien que vous apportez à ce texte.

La commission mixte paritaire a été conclusive, grâce à l'accord trouvé avec Constance Le Grip, présente aujourd'hui dans nos tribunes – je la salue – et Pierre Henriet, rapporteurs pour l'Assemblée nationale. Après l'adoption unanime de notre rapport d'information, puis, dans cet hémicycle, de la proposition de loi qui en était issue, il n'aura manqué qu'une seule voix en commission mixte paritaire. Cette voix manquante, comme les oppositions qui s'étaient fait jour à l'Assemblée nationale, confirme la nécessité de ce texte qu'ensemble nous avons défendu.

M. Laurent Lafon. Absolument.

M. Bernard Fialaire. Ce texte n'est pas une loi qui « réprime les étudiants mobilisés pour la Palestine », comme ont pu l'écrire ceux qui jouent un jeu dangereux, détournant le soutien légitime au peuple palestinien, d'abord par leurs propos ambigus, puis par des comportements qui confinent à l'antisémitisme.

Certaines réactions aux représailles de l'État d'Israël à la barbarie du 7 octobre ont dérapé vers des propos violents, des insultes et des intimidations envers les étudiants juifs ou supposés tels sur le simple fondement de leur nom. C'est précisément pourquoi notre commission, sur l'initiative de son président Laurent Lafon, a demandé un rapport d'information sur ce phénomène. Ce rapport est édifiant sur la situation que subissent les étudiants juifs.

Si la liberté d'expression, comme la liberté académique, doit être défendue sans faiblesse, il est des limites qui ne peuvent être franchies. Tous les racismes, discriminations, violences ou haines doivent être combattus, comme il est rappelé dans ce texte. Aussi, l'antisémitisme ne doit pas être exclu ou oublié parce qu'on le croirait, à tort, révolu, particulièrement à l'université, où l'on attendrait que des esprits éduqués et éclairés soient particulièrement sensibles à ce problème.

Nous ne devons pas céder à l'injonction de choisir entre la mémoire de la Shoah et celle du colonialisme, ou celle de l'esclavage et de ses crimes contre l'humanité. Il n'y a pas de hiérarchie dans l'horreur ; aussi, rien ne peut excuser les dérives antisionistes, lesquelles vont jusqu'à se confondre avec un antisémitisme nouveau. Celui-ci, à distinguer de l'antisémitisme primaire, réactionnaire et violent de l'extrême droite traditionnelle, est exploité à présent par une extrême gauche inconséquente, pour tenter de se rallier une frange radicalisée de la population.

M. Laurent Lafon. Très bien !

M. Bernard Fialaire. Notre texte, que je vous invite bien entendu à voter, se veut une réponse claire et mesurée aux besoins de sensibilisation à la lutte contre l'antisémitisme tout au long du parcours éducatif, de prévention, de détection et de signalement des actes antisémites, et d'adaptation de la procédure disciplinaire à la poursuite des faits d'antisémitisme, de racisme, de violence et de discrimination. L'actualité nous en rappelle encore chaque jour, hélas ! l'intolérable gravité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu'au banc des commissions. – Mme Colombe Brossel applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements au banc des commissions.)

M. Laurent Lafon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par un hasard du calendrier, le Sénat est appelé à se prononcer sur la version définitive de cette proposition de loi le lendemain de la parution du rapport annuel de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), qui dresse un bilan particulièrement sévère de l'action des récents gouvernements en matière de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie.

Dans ce document, la CNCDH écrit : « alors que les actes racistes et antisémites n'ont jamais été aussi élevés, la réponse politique paraît inexistante ». Elle souligne en particulier l'absence de pilotage du plan national de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées à l'origine jusqu'en avril 2024, ainsi que la récente vacance de six mois à la tête de la Dilcrah, tout cela au lendemain des attaques du 7 octobre 2023 et de la recrudescence des actes antisémites qu'elles ont suscités.

Le Sénat, notamment sa commission de la culture, a quant à lui pris la mesure de la situation en lançant dès le premier trimestre 2024 la mission d'information relative à l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur, puis en inscrivant à l'ordre du jour la proposition de loi qui en est issue.

Je tiens à remercier les deux auteurs et rapporteurs de cette proposition de loi ; tout au long de cette année de travail, ils ont fait preuve de sérieux dans leur démarche et de détermination à parvenir à l'adoption de ce texte.

Nous avons ainsi mis en évidence l'inquiétant développement, dans les lieux de transmission du savoir, d'un « antisémitisme d'atmosphère », notion qui me paraît très bien décrire le phénomène diffus et difficile à combattre auquel nous faisons face.

Nous avons également préconisé d'organiser la lutte en trois volets – éducation, prévention et sanction – qui sont déclinés au fil des articles de la proposition de loi.

Au cours de la navette, des ajustements ont été proposés sur chacun de ces trois volets. À cet égard, je voudrais à mon tour saluer Constance Le Grip, corapporteure du texte à l'Assemblée nationale, et la remercier du travail qu'elle a mené dans un contexte beaucoup plus difficile qu'ici.

Certains de ces ajustements ont été retenus avec profit, notamment en ce qui concerne la rénovation du cadre disciplinaire.

Les enrichissements apportés au texte initial par le Sénat, sur l'initiative des rapporteurs, en commission, puis de Stéphane Piednoir, en séance, ont été complétés à l'Assemblée nationale par les rapporteurs et le Gouvernement.

Grâce à ce travail conjoint, la procédure disciplinaire et les mesures conservatoires qui seront à la main des présidents sont désormais définies et encadrées avec précision au niveau législatif.

Les victimes d'actes antisémites ou racistes, ou de violences sexistes et sexuelles, pourront par ailleurs voir leur dossier instruit avec la sérénité et le professionnalisme nécessaires, sous le contrôle d'un magistrat, dans le cadre des sections disciplinaires communes introduites par le Sénat.

Sur d'autres points, la position du Sénat, soutenue par les rapporteurs de l'Assemblée nationale, a prévalu ; je pense notamment au refus d'inscrire dans la loi la définition de l'antisémitisme de l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (IHRA), ou encore à l'intitulé de la proposition de loi.

Des travaux récents ont d'ailleurs confirmé notre diagnostic sur deux aspects. Le rapport des Assises de lutte contre l'antisémitisme a souligné l'irréductible singularité de l'antisémitisme, qui ne peut être entièrement rapproché des autres formes de racisme. Il préconise par ailleurs un usage strictement opérationnel et pédagogique de la définition de l'IHRA.

Nous n'oublions pas, monsieur le ministre, les autres recommandations de la mission d'information, celles qui relèvent de votre pouvoir réglementaire ou de la compétence des établissements dans le cadre de leur autonomie.

Je pense notamment à la mise en place d'une structure publique de recherche et de formation interuniversitaire dédiée à la lutte contre l'antisémitisme et le racisme – vous y avez fait référence tout à l'heure –, que les rédacteurs du rapport des Assises appellent également de leurs vœux, ou encore à la désignation systématique au sein des universités de vice-présidents chargés de la lutte contre ces dérives, mesure qui fait ses preuves, semble-t-il, partout où elle est mise en place.

Mes chers collègues, nous faisons œuvre utile avec cette proposition de loi, qui aura des effets concrets sur l'organisation et la vie des établissements dès la rentrée universitaire prochaine.

En outre, la qualité et la sérénité des débats conduits dans cet hémicycle, ainsi que l'accord finalement trouvé entre les deux chambres du Parlement, permettent d'envoyer aux étudiants victimes et à nos concitoyens dans leur ensemble un indispensable message d'unité et de mobilisation des pouvoirs publics. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et RDSE, ainsi qu'au banc des commissions. – Mme Colombe Brossel et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Mathilde Ollivier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous prononçons aujourd'hui sur les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur.

Le constat est alarmant : notre pays fait face à une montée des paroles et des actes racistes et antisémites, créant un climat de haine et de rejet qui affecte directement le vivre-ensemble.

L'enseignement supérieur n'étant pas extérieur à la société, les universités ne sont pas épargnées par cette résurgence des violences antisémites et racistes, qui doit nous alerter toutes et tous. L'université, lieu d'apprentissage et d'ouverture, ne saurait devenir un espace de peur et d'exclusion.

Comme j'ai pu le dire lors de l'examen de ce texte en première lecture, nous sommes toutes et tous bien conscients du contexte dans lequel nous légiférons. Je le répète : lutter contre les amalgames, c'est lutter contre la montée de l'antisémitisme et du racisme.

Nous ne pouvons accepter que les juifs de France soient assimilés aux crimes de Benyamin Netanyahou. Relativiser les crimes commis envers des juifs, des Israéliens, c'est ne pas reconnaître aux juifs le statut de victimes.

Mettre les mots sur le génocide en cours à Gaza, se battre pour un État palestinien, demander des sanctions françaises et européennes face aux crimes commis par le gouvernement israélien, tout en reconnaissant le droit à la sécurité et à la souveraineté d'Israël dans le cadre des résolutions adoptées par l'ONU, ce n'est pas être antisémite.

Les mots ont un sens.

Cette proposition de loi permet des avancées. Comme en première lecture, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutient une partie des mesures proposées.

Nous soutenons les outils mis en place pour prévenir, détecter et sanctionner les actes antisémites et racistes dans l'enseignement supérieur.

Nous soutenons l'inscription dans ce texte de références à la lutte contre « l'antisémitisme et le racisme, les discriminations, les violences et la haine », phénomènes qui – je le rappelle à mon tour, comme l'ont fait de nombreuses personnes lors des auditions que nous avons menées – doivent être abordés de manière non pas séparée, mais bien conjointe, pour être combattus le plus efficacement possible.

Cependant, à la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire, certains points suscitent des questions, voire nous alertent.

Premièrement, l'incompréhension demeure quant au refus de la majorité sénatoriale, en commission mixte paritaire, de maintenir la référence au racisme dans l'intitulé du texte. En conservant cette référence, dans un objectif de clarté, de transparence et de cohérence avec le contenu du dispositif, nous aurions évité une certaine instrumentalisation des débats. Ce refus est un mauvais signe envoyé, alors même que ces derniers mois ont été marqués par une résurgence d'actes racistes et islamophobes – j'ai notamment une pensée pour Aboubakar Cissé et Hichem Miraoui, ainsi que pour leurs proches.

Deuxièmement, nous nous opposons fermement à l'ajout d'un alinéa sur les interdictions d'accès aux locaux universitaires. Ce point nous inquiète, bien qu'il soit passé relativement inaperçu dans le débat public. L'alinéa en question instaure un régime spécifique d'interdiction d'accès aux locaux, qui permettrait aux chefs d'établissement de frapper d'une telle mesure des étudiants faisant l'objet d'une simple procédure disciplinaire pour trouble à l'ordre public.

Ce glissement est préoccupant : il pourrait affaiblir les droits des étudiantes et étudiants, y compris ceux qui se sont simplement engagés dans des actions de mobilisation, des manifestations ou des blocages pacifiques, soit des formes d'expression politique et syndicale tout à fait légitimes dans le cadre universitaire.

Ce dispositif a été ajouté en commission mixte paritaire et nous n'avons à aucun moment eu l'occasion d'en débattre, ce qui est problématique ; nous nous inquiétons, en particulier, des raisons d'un tel ajout.

Enfin, nous déplorons la façon dont se sont tenus certains débats et la posture du Gouvernement vis-à-vis de ce texte. Je rappelle quelle fut notre indignation devant les propos entendus et les postures adoptées lors de l'audition de responsables d'université par notre commission, dans le cadre des travaux de la mission d'information dont ce texte est issu. Le débat dans notre hémicycle a néanmoins été constructif et les interventions des groupes politiques en séance se sont avérées mesurées. Je regrette qu'il n'en ait pas été de même à l'Assemblée nationale et dans certaines prises de position de membres du Gouvernement.

Plusieurs tentatives ont vu le jour pour intégrer dans la loi la définition de l'antisémitisme de l'IHRA, notamment via l'amendement défendu par Mme la députée Caroline Yadan ; or cette définition est rejetée par de nombreux organismes comme l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne et la Commission nationale consultative des droits de l'homme.

Ces différents points suscitent une inquiétude légitime quant à la mise en œuvre de ce dispositif dans le monde universitaire, notamment chez les étudiantes et les étudiants, ainsi que chez les chercheurs engagés sur les questions internationales.

Au regard de ces éléments, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires a fait le choix de s'abstenir sur les conclusions de cette proposition de loi. Nous y invitent à la fois le parcours parlementaire de ce texte, certaines de ses dispositions et la manière dont le débat a été conduit.

La lutte contre l'antisémitisme, le racisme et les discours de haine doit se poursuivre avec détermination dans toutes les sphères de notre société. Le combat continue ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. David Ros, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. David Ros. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 20 février dernier, le Sénat adoptait à l'unanimité la proposition de loi visant à lutter contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur. Puis, après l'examen du texte par l'Assemblée nationale en séance publique, le 7 mai dernier, au regard des nombreuses modifications adoptées par nos collègues députés, une commission mixte paritaire s'imposait.

Aussi ai-je participé à cette CMP, le 27 mai dernier, avec mon collègue Yan Chantrel, au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ; grâce au travail préparatoire des rapporteurs du Sénat et de l'Assemblée nationale, ainsi que des présidents de commission – je salue Laurent Lafon –, elle s'est avérée conclusive. Le travail consensuel des deux chambres a permis de revenir globalement au texte voté au Sénat, non dénaturé de ses intentions initiales.

Le texte final qui nous est soumis ce matin est donc le fruit d'un long travail mené par les rapporteurs Pierre-Antoine Levi et Bernard Fialaire, que je salue. Au nom de mon groupe et à titre personnel, je tiens à les remercier : dans la foulée de leur mission flash, ils ont travaillé sur cette proposition de loi avec la volonté d'auditionner toutes celles et tous ceux qui avaient été entendus au cours de leurs travaux d'information. Ils ont pris le temps nécessaire pour que les débats et les échanges puissent être libres et non faussés, en annonçant au préalable que le texte discuté serait amendable, si nécessaire. Et le même état d'esprit a prévalu durant la commission mixte paritaire : merci à tous les deux pour ce travail essentiel et exemplaire !

Essentiel, il l'est sans aucun doute, car le monde de l'éducation – en l'occurrence, celui de l'enseignement supérieur en général et de l'université en particulier – est un symbole universel : lieu du combat de la lumière face aux obscurantismes, il incarne la connaissance et la transmission. Cette valeur de symbole a rendu d'autant plus choquant le constat de l'explosion des actes antisémites au sein de l'enseignement supérieur ces derniers mois.

Ainsi, en 2024, 1 570 actes antisémites ont été recensés en France, contre 436 pour l'année 2022. En 2024, 192 actes antisémites ont été relevés dans le milieu scolaire et, en 2023, on comptait 78 signalements dans le seul enseignement supérieur.

Ces chiffres sont d'autant plus inacceptables, monsieur le ministre, que le plan national de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées à l'origine, dit plan Prado, fut lancé en janvier 2023 par des actions éducatives et préventives menées auprès du public scolaire et étudiant pour réduire les faits constatés.

Mais les attentats terroristes commis par le Hamas le 7 octobre 2023 ont démontré à quel point l'antisémitisme reste tapi dans l'ombre. Il ressurgit mécaniquement, nourri des ressorts de la haine, de la jalousie, de la bêtise humaine et de l'ignorance. Plus grave encore, il est alimenté par certains, qui occupent pourtant des fonctions publiques de premier plan, à des fins partisanes et électoralistes. Il y a là une plaie insupportable et un risque majeur pour notre République. La non-unanimité au sein de la commission mixte paritaire en est une triste illustration – une de plus. Comme le disait à juste titre Frantz Fanon, « quand vous entendez dire du mal des juifs, dressez l'oreille, on parle de vous ».

Le texte vise, en trois articles, à mettre à la disposition des chefs d'établissement un arsenal législatif comprenant la formation à la lutte contre l'antisémitisme, à l'article 1er, la prévention, la détection et le signalement des actes antisémites, à l'article 2, et un encadrement juridique des procédures disciplinaires, à l'article 3.

Signalons par ailleurs que l'atmosphère des auditions, constructive et objective, a permis de retisser un lien de confiance avec des chefs d'établissement universitaire qui, malgré leur engagement quotidien – je tiens à le souligner –, avaient le sentiment d'avoir été injustement accusés de passivité, à tout le moins par certains.

Le travail législatif de l'Assemblée nationale a apporté au texte des changements tout à fait louables, notamment une modification de l'intitulé et l'ajout de mentions inscrites dans le code de l'éducation. Oui, l'objectif de cette proposition de loi est bien de lutter contre l'antisémitisme, le racisme ainsi que les diverses discriminations et la haine. Cependant, le titre retenu in fine, qui renvoie exclusivement à la lutte contre l'antisémitisme, est utile pour insister sur l'objet principal et spécifique de ce texte.

Mes chers collègues, l'adoption de cette proposition de loi permettra la création d'une section disciplinaire commune aux établissements d'une région académique et le prononcé d'une sanction disciplinaire pour les faits susceptibles de porter atteinte à l'ordre public ou au bon fonctionnement de l'établissement, tout en garantissant – c'est important – la continuité pédagogique aux étudiants concernés. Nous serons par ailleurs vigilants à ce que les autres manifestations universitaires étudiantes puissent continuer d'avoir lieu et défendrons sans relâche les libertés académiques.

La mise en œuvre de ce texte permettra enfin le renforcement de la prévention et du signalement, via l'obligation pour chaque établissement de nommer un référent spécifiquement chargé de la lutte contre l'antisémitisme et le racisme.

Je conclurai en levant tout suspense : le groupe socialiste, que j'ai l'honneur de représenter, votera les conclusions de la commission mixte paritaire et ainsi se prononcera pour l'adoption de cette proposition de loi. Nous veillerons par ailleurs à ce que les moyens alloués aux universités, au-delà de leur dotation propre, permettent de rendre cette loi pleinement efficiente. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements au banc des commissions.)

M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Être juif en France aujourd'hui, c'est être seul » : ainsi s'exprimait M. Paul Bernard dans une tribune récemment publiée par un grand quotidien du soir. Il y déplorait que son mal de vivre fasse écho, plus d'un siècle plus tard, au constat accablant de Charles Péguy, qui écrivait, dans Notre jeunesse : « C'est pas facile d'être juif », ajoutant : « Quand ils demeurent insensibles aux appels de leurs frères, aux cris des persécutés, aux plaintes, aux lamentations de leurs frères meurtris dans tout le monde, vous dites : C'est des mauvais juifs. Et s'ils ouvrent seulement l'oreille aux lamentations qui montent du Danube et du Dniepr vous dites : Ils nous trahissent. C'est des mauvais Français. »

Péguy écrivait ces lignes en 1910, quatre ans après la réhabilitation du capitaine Dreyfus et deux ans après la tentative d'assassinat dont ce dernier fut victime lors de la cérémonie du transfert des cendres d'Émile Zola au Panthéon. L'auteur des coups de feu, le journaliste antisémite et nationaliste Louis Grégori, reçut le soutien de l'Action française, qui estimait légitime de « punir deux traîtres ». Inculpé de tentative d'homicide volontaire avec préméditation, il fut acquitté.

Vinrent ensuite les lois antisémites de Vichy, la Shoah et, il y a bientôt vingt mois, les pogroms du 7 octobre. Aujourd'hui, M. Paul Bernard affirme qu'en France la haine antisémite « tranquille » devient une « pensée dominante » partout, et malheureusement aussi dans les amphithéâtres des universités. Dénonçant l'isolement croissant des juifs en France, il lance cet appel : « Il ne dépend que des autres, de tous les Français, de leur main tendue ou refusée, que cette solitude soit abolie. »

Avec le présent texte, nous répondons avec humilité à cet appel. Cette proposition de loi s'inscrit dans la continuité d'une mission d'information qui a établi, de manière incontestable, l'accroissement sans précédent des actes antisémites, manifestes ou latents, dans les universités.

La reconnaissance de cette situation insupportable s'incarne dans le titre même du texte, où le Sénat a tenu à conserver seul le terme « antisémitisme » lors de l'examen en commission mixte paritaire. Ce choix, certes symbolique, est une marque de respect que nous devons aux étudiants juifs : une distinction à la fois compassionnelle, réparatrice et mobilisatrice.

Dans les trois principaux articles du texte, la lutte contre l'antisémitisme est systématiquement associée à celle contre le racisme, les discriminations, les violences et la haine.

J'ai lu avec consternation que ce texte serait une « criminalisation des voix de la paix » ou que son article 3 ouvrirait la voie à des « sanctions arbitraires contre les étudiants mobilisés pour la Palestine ». Comment peut-on confondre ces deux sujets, lutte contre l'antisémitisme et engagement pour la Palestine, sinon en supposant que chaque étudiant juif est forcément complice des crimes commis par le gouvernement de Benyamin Netanyahou à Gaza ? Déduire les opinions d'un individu de sa confession supposée, c'est une forme de racisme et une forme d'antisémitisme. (Très bien ! au banc des commissions. – M. le ministre hoche la tête en signe d'approbation.)

Il n'existe pas de définition de l'antisémitisme dans le droit français, et ce texte n'en propose pas. Seule la loi du 13 juillet 1990, dite loi Gayssot, tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe, en donne un contenu indirect, en sanctionnant notamment la négation des crimes contre l'humanité tels que définis à l'article 6 du statut du tribunal international militaire annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945, dit statut de Nuremberg, en particulier la Shoah et les lois antisémites du régime de Vichy. Le Front national a toujours réclamé l'abrogation de cette loi, et un candidat à l'élection présidentielle, Éric Zemmour, a considéré qu'elle portait atteinte à la liberté d'expression.

Cette proposition de loi ne changera pas les mentalités. Mais je suis intimement persuadé qu'il est possible de lutter contre les préjugés antisémites par une meilleure connaissance de leurs ressorts et par un effort accru en faveur des études sur les cultures juives, qui constituent une part essentielle de l'histoire de notre nation. Je regrette qu'en 2023, monsieur le ministre, lesdites études juives ne soient plus représentées que dans trois centres de recherche en France. Seules six thèses ont été soutenues dans ce champ cette année-là, contre seize en 2010.

Monsieur le ministre, pour prolonger l'esprit de cette loi, il serait utile de mettre en œuvre une politique nationale ambitieuse en faveur des études juives. (Applaudissements.)

M. le président. Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l'ensemble de la proposition de loi dont la commission a ainsi rédigé l'intitulé : proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur.

J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe Union Centriste et, l'autre, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 327 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 326
Pour l'adoption 326
Contre 0

Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures vingt, est reprise à onze heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Articles 5 à 7 (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine dans l'enseignement supérieur
 

2

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers
Article 1er

Renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers

Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers (proposition n° 571, texte de la commission n° 726, rapport n° 725).

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, madame la ministre chargée de l'autonomie et du handicap, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, le parcours des élèves en situation de handicap et, plus généralement, des élèves à besoins éducatifs particuliers est un sujet majeur.

Tout commence à l'école : c'est là que se jouent l'avenir de tous les enfants, leur accès au savoir, à l'autonomie, à l'épanouissement.

Le Gouvernement, sous l'impulsion du Président de la République, est engagé avec détermination, depuis 2017, en faveur de l'inclusion des élèves en situation de handicap.

En 2017, nous accueillions 320 000 élèves. Ils sont 520 000 aujourd'hui.

En 2017, 2 milliards d'euros étaient consacrés à l'école inclusive. Aujourd'hui, ce sont 4,5 milliards d'euros, soit plus du double, qui sont investis pour accompagner la progression du nombre d'élèves à besoins particuliers scolarisés.

Cet engagement massif a permis d'étendre le maillage des unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis) : on compte plus de 11 000 de ces dispositifs aujourd'hui, répartis de façon équilibrée entre premier et second degrés, au bénéfice de plus de 124 000 élèves.

Cet effort se poursuit, avec la création de 300 dispositifs Ulis supplémentaires chaque année, en veillant à renforcer leur présence notamment dans les lycées professionnels, pour garantir à chaque jeune une formation et une insertion adaptées.

Dans le cadre de la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement, nous avons également mis en place des unités d'enseignement maternelle et élémentaire autisme (UEMA et UEEA), en lien étroit avec le secteur médico-social. Ces unités sont désormais présentes dans chaque département.

Nous menons aussi un effort constant pour soutenir nos élèves, grâce à un recrutement massif d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), dont le nombre est passé de 93 000 en 2017 à 143 000 en 2024.

Cette politique repose sur une action résolue, associant mise en place de dispositifs ciblés, outils de suivi personnalisés et attention renforcée à la formation et aux conditions de travail des personnels éducatifs. Elle repose également sur une collaboration étroite avec les familles et sur une coordination renforcée entre temps scolaire et périscolaire, pour assurer la continuité des parcours.

Cette proposition de loi est utile. Elle vise à répondre aux défis persistants soulignés dans le rapport de la Cour des comptes intitulé L'inclusion scolaire des élèves en situation de handicap, publié en septembre 2024.

Parmi ces défis, nous pouvons citer : des démarches administratives complexes pour les familles ; des coordinations encore insuffisantes entre l'éducation nationale et le secteur médico-social ; un besoin d'outils renforcés pour les enseignants et les accompagnants ; enfin, une accessibilité des locaux et des supports pédagogiques encore inégale.

Nous partageons ces constats. C'est pourquoi nous travaillons étroitement avec le ministère chargé de l'autonomie et du handicap.

Si les dispositions de la proposition de loi sont, pour certaines, de nature réglementaire, ce texte peut nous permettre des avancées structurantes. Je pense notamment aux pôles d'appui à la scolarité (PAS).

L'article 1er vise à renforcer le suivi individualisé, par la généralisation du livret de parcours inclusif (LPI). Des progrès notables ont été réalisés depuis le dépôt de la proposition de loi, en octobre 2024 : le nombre de ces livrets est passé de 309 000 à 450 000.

Le livret de parcours inclusif, application numérique dédiée, centralise toutes les informations sur le parcours de l'élève, ses besoins et les aménagements mis en œuvre. Il propose plusieurs plans adaptés à la nature des besoins, allant de difficultés passagères à des troubles reconnus par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

En élargissant le livret à tous les élèves rencontrant des difficultés, nous évitons toute stigmatisation et assurons un suivi fluide d'une classe à l'autre, d'un établissement à un autre.

Aujourd'hui, 70 % des livrets ouverts concernent le premier degré. Les familles peuvent désormais accéder au livret via un système d'information spécifique, tandis que les MDPH peuvent y déposer les projets personnalisés de scolarisation.

Cette dynamique de déploiement témoigne d'une forte appropriation de l'outil par les équipes éducatives et les partenaires, ce dont je me réjouis.

Toutefois, pour garantir l'équité territoriale, assurer la continuité des parcours et inscrire durablement le LPI dans le fonctionnement de l'école inclusive, sa généralisation doit être confortée par une base législative claire.

Voter cet article, c'est donner un ancrage juridique à un outil déjà largement éprouvé, en sécurisant son usage, en affirmant son caractère structurant dans l'accompagnement des élèves à besoins éducatifs particuliers et en permettant une montée en charge cohérente et progressive à l'échelle nationale.

Nous répondrions ainsi à un impératif d'efficacité, de simplification pour les familles et de coordination entre les acteurs.

L'article 1er garantit également la pleine reconnaissance des AESH comme membres à part entière de l'équipe pédagogique. De fait, ces 140 000 personnels jouent un rôle essentiel pour les 330 000 élèves qu'ils accompagnent avec beaucoup d'engagement.

L'article 3 crée les pôles d'appui à la scolarité, expérimentés, cette année scolaire, dans quatre départements préfigurateurs.

Les premières évaluations réalisées par la direction générale de l'enseignement scolaire (Dgesco), la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap) sont très encourageantes.

Ainsi, 3 300 élèves ont bénéficié d'un appui par le PAS, principalement dans le premier degré, qui concentre les trois quarts des demandes, avec un délai de traitement moyen d'une douzaine de jours.

Qualitativement, le partenariat entre l'éducation nationale et le secteur médico-social est jugé fonctionnel. Les familles expriment globalement leur satisfaction et les PAS apportent des solutions concrètes pour éviter des ruptures de parcours, grâce à des réponses coordonnées en amont des notifications MDPH.

L'objectif est de garantir à chaque élève concerné un accompagnement adapté, lisible et mis en œuvre dans des délais compatibles avec les exigences de la scolarité, dans le respect du principe d'égalité d'accès à l'école pour tous.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, ce texte nous permettra d'aller plus loin ensemble, au service d'une école véritablement inclusive et fidèle à notre exigence républicaine d'égalité et de fraternité.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de l'autonomie et du handicap. Monsieur le président, madame la ministre d'État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd'hui pour examiner la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers.

Avant toute chose, je tiens à remercier votre rapporteure, Mme Catherine Belrhiti, et l'ensemble des membres de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport pour le travail qu'ils ont réalisé sur cette initiative de la députée Julie Delpech.

Je veux saisir cette occasion pour redire devant vous mon soutien et celui de l'ensemble du Gouvernement aux familles et leur réaffirmer que notre objectif commun est avant tout l'épanouissement de tous les enfants et adolescents.

Je veux également remercier les acteurs de terrain, les élus, les associations, mais aussi les professionnels de l'éducation nationale et du secteur médico-social, ainsi que les services de l'État, de leur expertise, leur détermination et leur engagement quotidien.

Les enjeux de l'inclusion, d'autant plus lorsqu'ils concernent nos enfants, doivent dépasser les clivages politiques. C'est en ce sens que j'ai organisé, en mai dernier, une première réunion de travail législatif transpartisan sur le handicap, réunissant l'ensemble des groupes parlementaires de l'Assemblée nationale et du Sénat. Je réunirai à nouveau tous les groupes au début du mois de juillet, car c'est tous ensemble que nous pourrons continuer à avancer en faveur d'une société pleinement inclusive.

Depuis la loi fondatrice du 11 février 2005, qui a établi le droit de chaque élève à être scolarisé en milieu ordinaire, notre pays a accompli des avancées importantes en matière d'école inclusive. À l'époque, 150 000 élèves en situation de handicap étaient accueillis dans les établissements scolaires classiques ; aujourd'hui, ce chiffre atteint près de 520 000 élèves. Cette évolution illustre une transformation majeure dans notre manière de considérer le handicap et marque une réelle progression de l'école inclusive.

L'approche que nous défendons n'oppose en rien l'école au secteur médico-social. En revanche, elle place l'école en première ligne, avec un accompagnement progressif des professionnels du médico-social en fonction des besoins spécifiques de chaque enfant.

Avec la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, Élisabeth Borne, je partage la conviction que réussir l'inclusion scolaire exige un appui fort et structuré du médico-social au sein même de l'école.

Aussi, à chaque rentrée, nous consolidons les dispositifs communs, mobilisons davantage de ressources humaines et renforçons les appuis médico-sociaux pour mieux articuler et conjuguer les gestes professionnels des personnels de l'éducation nationale avec ceux du médico-social.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes ; ils traduisent des avancées concrètes pour les enfants et leurs familles, conformément aux engagements formulés par le Président de la République lors de la dernière Conférence nationale du handicap, laquelle est venue confirmer ces investissements, en accordant 400 millions d'euros supplémentaires à l'école inclusive, autant pour les enfants et 110 millions d'euros pour le repérage et l'intervention précoce.

Depuis 2017, ces efforts importants ont permis de renforcer les dispositifs et d'augmenter le nombre de solutions pour les élèves à besoins particuliers.

Ainsi, le nombre de dispositifs Ulis est passé de 8 620 en 2017 à plus de 11 000 aujourd'hui.

Quant aux AESH, acteurs essentiels de l'inclusion, leur nombre est passé de 55 000 équivalents temps plein (ETP) en 2017 à 85 000 aujourd'hui ; ils sont au total 140 000 professionnels.

Grâce à la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement (TND), 326 UEMA et 158 UEEA – il s'agit des unités externalisées d'appui aux enfants en situation d'autisme –, ainsi que plus de 100 professeurs ressources spécialisés dans les TND sont répartis entre les académies.

En outre, dans le cadre du plan « 50 000 solutions » annoncé par le Président de la République, nous poursuivons également la création de places en instituts médico-éducatifs (IME) et développons de nouvelles solutions pour accompagner les jeunes adultes qui sortent de ces derniers. D'ici à la fin de l'année 2025, 15 000 solutions nouvelles auront vu le jour, pour un investissement de 270 millions d'euros, dont près de 8 700 solutions à destination de nos enfants.

Cependant, comme j'ai eu l'occasion de le rappeler, le chemin reste exigeant. En effet, inclure un élève ne signifie pas seulement le scolariser : il faut aussi bien l'accueillir, l'accompagner, adapter les pratiques ! C'est tout le sens du plan de transformation de l'offre médico-sociale, qui permet à des professionnels d'intervenir directement dans les établissements scolaires et d'assurer une meilleure coordination des parcours.

C'est également dans cet esprit que s'inscrivent les pôles d'appui à la scolarité, qui illustrent cette coopération nouvelle entre l'éducation nationale et le secteur médico-social. Actuellement, 100 PAS ont commencé à fonctionner, et leur extension est en cours dans plusieurs territoires, comme La Réunion, la Meuse, le Vaucluse ou la Communauté européenne d'Alsace ; l'objectif est d'en déployer près de 500 à la prochaine rentrée. Chaque académie et chaque agence régionale de santé (ARS) en disposera.

Les 100 pôles d'appui à la scolarité qui existent aujourd'hui correspondent à 100 ETP d'enseignants supplémentaires et à 200 ETP du médico-social auprès des enfants et des enseignants.

Les 400 PAS supplémentaires qui seront mis en œuvre à la prochaine rentrée scolaire représenteront 400 nouveaux ETP d'enseignants et 800 ETP du médico-social.

Pour la rentrée scolaire de 2026, 400 millions d'euros sont prévus pour le médico-social, au service des quelque 3 000 PAS qui seront répartis sur l'ensemble du territoire.

Dans la phase de préfiguration, afin d'évaluer la pertinence des pôles d'appui à la scolarité, plusieurs évaluations ont été conduites. Des données quantitatives ont été récoltées et de nombreux entretiens avec les différents protagonistes ont été réalisés, qui ont démontré tout l'intérêt des PAS, qui permettent de mieux articuler les métiers.

La présente proposition de loi vient compléter ces dispositifs pour l'école inclusive.

L'inscription dans la loi du livret de parcours inclusif pour chaque enfant à besoins éducatifs particuliers, qui figure à l'article 1er, permettra ainsi de faciliter le suivi des besoins de l'enfant tout au long de sa scolarité.

Pour former davantage nos professionnels aux besoins éducatifs particuliers, l'article 3 prévoit, par ailleurs, que la formation initiale et continue des enseignants et des personnels administratifs et techniques porte également sur les adaptations pédagogiques aux besoins des élèves.

Enfin, l'article 3 bis B généralise les pôles d'appui à la scolarité pour accompagner les enfants et leurs familles dans la définition et la mise en œuvre d'aménagements spécifiques, pour mieux soutenir les enseignants et les accompagnants, pour aider à la formulation des demandes de compensation auprès des MDPH et pour mobiliser et coordonner les moyens matériels et humains de l'éducation nationale comme du médico-social.

Vous l'aurez compris, les dispositions qui figurent dans cette proposition de loi vont dans le bon sens. Elles nous engagent à continuer, à mieux faire, à aller plus loin, pour que chaque enfant ait pleinement sa place à l'école. (M. Laurent Burgoa applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport. Monsieur le président, madame la ministre d'État, madame la ministre, mes chers collègues, la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées pose le principe du droit de chaque enfant à une scolarisation en milieu ordinaire.

En l'espace de vingt ans, de nombreux progrès ont été accomplis pour améliorer la scolarisation des enfants en situation de handicap. Je tiens, à cet égard, à saluer l'engagement des gouvernements successifs, qui se sont tous saisis de ce sujet.

Depuis 2006, le nombre d'enfants en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a augmenté de 180 %.

Toutefois, l'école inclusive ne répond pas, aujourd'hui, aux attentes des élèves, des familles et des enseignants.

C'est dans ce contexte que s'inscrit le dépôt par notre collègue députée Julie Delpech de cette proposition de loi, qui vise à renforcer le parcours inclusif des élèves à besoins éducatifs particuliers.

Cette proposition de loi vise notamment à sécuriser et à faciliter le développement du livret de parcours inclusif, lequel doit renforcer le partage des informations entre les différents acteurs intervenant auprès de l'enfant. Il s'agit de l'un des engagements de la cinquième Conférence nationale du handicap.

Le texte initial comprenait également plusieurs dispositions visant à améliorer la formation des accompagnants d'élèves en situation de handicap, mais aussi des enseignants.

Il me semble important de préciser un point : si la commission a supprimé les articles en question, ce n'est pas parce qu'elle est opposée à un renforcement de cette formation, bien au contraire ! Nos travaux et recommandations le montrent. Toutefois, nous estimons que le Gouvernement n'a pas besoin d'un article de loi pour mettre en place cette formation accrue.

Madame la ministre, il s'agit d'un vaste chantier, auquel votre ministère doit mieux s'atteler.

J'en viens maintenant au cœur du texte : la transformation des pôles inclusifs d'accompagnement localisés, ou Pial, en pôles d'appui à la scolarité, ou PAS.

Au nom de la commission, je souhaite exprimer un regret sur les conditions dans lesquelles cette réforme majeure pour l'école inclusive a été examinée à l'Assemblée nationale.

L'article en question est issu d'un amendement déposé par le Gouvernement moins de trois heures avant le début de la séance publique, ce qui a empêché les députés membres de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'examiner en commission ou même de le sous-amender en séance.

Madame la ministre, si le Gouvernement n'est pas soumis au délai limite pour déposer ses amendements, je ne peux que vous enjoindre, au nom de la qualité des débats parlementaires, à nous laisser davantage de temps pour examiner vos amendements, notamment lorsqu'ils sont aussi structurants.

Les pôles d'appui à la scolarité apportent, selon moi, une réponse intéressante au défi de l'amélioration de l'école inclusive.

Leur périmètre d'action est plus large que celui des Pial, car ils incluent tous les élèves à besoins éducatifs particuliers.

Il me semble indispensable que la Nation accompagne davantage ces élèves, ainsi que les enseignants : aujourd'hui, 75 % de ces derniers indiquent rencontrer des difficultés avec des enfants désignés comme « perturbés » ou « à troubles de comportement ».

Les premiers retours d'expérience semblent montrer que les PAS améliorent les délais de réponse : en quelques jours, les familles et les enseignants ont un interlocuteur, et une première série de réponses est apportée dans un délai de quelques semaines à un mois. À titre de comparaison, le délai moyen pour l'examen d'un dossier par les MDPH est de 170 jours ; il peut même atteindre 250 jours dans certains départements.

Les enseignants des quatre départements concernés par les PAS préfigurateurs indiquent trouver une valeur ajoutée à ce système, grâce aux regards croisés de l'éducation nationale et du monde médico-social.

Une difficulté nous a été remontée s'agissant de la mise en œuvre par les PAS des premières réponses apportées. En effet, certains PAS prêtent des ordinateurs ou des stylos lecteurs à des élèves pour tester si cette solution leur convient. La difficulté survient justement lorsque le test est concluant et qu'il faut pérenniser cette aide matérielle : de fait, la prise en charge financière par l'État nécessite de passer devant la MDPH.

Il ne s'agit nullement de remettre en question le monopole de la MDPH pour l'évaluation du handicap et des besoins de l'enfant, mais il faudrait peut-être réfléchir à une procédure accélérée de notification pour les cas où le matériel testé convient à l'élève.

J'en viens aux craintes que les pôles d'appui à la scolarité suscitent. La commission de la culture les a entendues.

Le dispositif proposé par le Gouvernement pose un certain nombre de problèmes, raison pour laquelle nous l'avons modifié. Je le dis très clairement : les garanties que la commission a inscrites dans le texte sont des prérequis à toute mise en œuvre de cette réforme.

La première inquiétude concerne l'association effective du secteur médico-social.

Nous avons inscrit dans le texte le fait que chaque pôle doit être constitué de personnels de l'éducation nationale et du secteur médico-social. J'y insiste, car le croisement des regards avec le médico-social constitue, pour de nombreux enseignants, la valeur ajoutée du PAS.

La deuxième inquiétude a trait au transfert à l'éducation nationale de la définition du handicap. Tout comme vous, mesdames les ministres, j'ai reçu de nombreuses familles qui craignent que l'accompagnement de leur enfant en situation de handicap dépende non plus de ses besoins, mais des moyens de l'éducation nationale.

Là aussi, nous y avons répondu, en prévoyant que la mise en œuvre des notifications MDPH sera soumise à l'avis conforme d'un expert qualifié, spécifiquement désigné en fonction des besoins de l'enfant.

La troisième inquiétude porte sur la complexification de la saisine de la MDPH par les familles en cas d'obligation de saisir préalablement les PAS pour obtenir une réponse de premier niveau.

Nous avons supprimé cette obligation : il faut que les MDPH puissent être directement saisies.

Par ailleurs, nous avons fait de l'accompagnement des familles dans la préparation de leur dossier MDPH une mission à part entière des PAS, sans attendre l'échec de la réponse de premier niveau.

Reste la question des moyens. Je comprends les familles des enfants en situation de handicap qui redoutent que l'extension du périmètre des PAS à l'ensemble des enfants à besoins éducatifs particuliers se fasse à moyens constants, entraînant leur dilution.

Si ce n'est pas une raison suffisante à mes yeux pour rejeter le texte, cela fait peser sur le Gouvernement et sur vous-même, madame la ministre, un impératif moral : celui de donner des moyens suffisants à l'école inclusive, faute de quoi la création des PAS sera, au mieux, un coup d'épée dans l'eau et, au pire, la cause d'une dégradation de la prise en charge des élèves en situation de handicap.

Un nouvel échec, après celui des Pial, dont le rôle a, en définitive, été cantonné à la gestion des AESH, susciterait auprès des familles une très forte désillusion.

Nous attendons de votre part, à l'occasion de l'examen de ce texte, des engagements forts : il vous appartient de nous apporter des garanties fermes sur la mise en œuvre de cette réforme.

Mes chers collègues, de nombreux progrès quantitatifs ont permis de renforcer la scolarité des enfants en situation de handicap et à besoins éducatifs particuliers. Il est toutefois impératif de procéder à un saut qualitatif, face à une école inclusive aujourd'hui au bord de la rupture.

La présente proposition de loi est une tentative d'apporter plusieurs réponses. Son principal apport est de mieux prendre en charge tous les enfants à besoins éducatifs particuliers. Il s'agit d'une attente forte, tant des familles que des enseignants, aujourd'hui en souffrance. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Billon applaudit également.)

M. Max Brisson. Monsieur le président, madame la ministre d'État, madame la ministre, mes chers collègues, il y a un peu plus de vingt ans, sous l'égide de Jacques Chirac, la France se dotait d'une grande loi sur l'égalité des droits et des chances, marquant une avancée majeure et ouvrant la voie à l'école inclusive.

Vingt ans après, des progrès immenses ont été réalisés dans tous les domaines de la vie, et l'inclusion est devenue l'une des composantes essentielles de nos politiques publiques.

Néanmoins, force est de constater qu'il demeure encore, naturellement, beaucoup à faire. S'agissant de l'école inclusive, nous devons tous faire preuve d'humilité.

Nous avons tous, à des degrés divers, exercé des responsabilités ; nous avons apporté des améliorations, mais nous n'avons jamais véritablement été au rendez-vous de cette ambition.

La proposition de loi qui nous réunit aujourd'hui y répond-elle ? J'en doute.

Le texte se résumait, à l'origine, à quelques mesures éparses : rapports, formations, stages, livrets de parcours inclusif… autant de mesures dont la portée n'est que très peu significative et qui relèvent du champ réglementaire et non de celui de la loi.

Le code de l'éducation n'est-il pas déjà suffisamment dense, complexe, obèse, pour qu'on l'épaississe encore par des alinéas prévoyant de simples remises de rapports ?

Le ministre n'est-il pas habilité à décider par lui-même, s'il le souhaite, de la distribution d'un livret de parcours inclusif aux élèves ?

A-t-il réellement besoin de l'aval du législateur pour décider de modules de formation supplémentaires dispensés aux professeurs ?

M. Pierre Ouzoulias. Bien sûr que non !

M. Max Brisson. J'en viens au cœur de cette proposition de loi, l'article 3 bis B, découvert trois heures avant le vote à l'Assemblée nationale, sans même avoir été examiné en commission.

Les Pial ayant été créé par la loi, leur transformation en PAS nécessitait de passer par la loi – Gabriel Attal avait déjà tenté de le faire en 2023, déjà par le biais d'un amendement de dernière minute.

Mesdames les ministres, cette méthode est pour le moins surprenante pour une décision qui mériterait étude d'impact et bilan chiffré !

Pis encore, le rôle du binôme constitué par le médico-social et l'éducation nationale, pourtant au cœur du projet, n'était à l'origine nullement précisé dans le texte. Or il est impératif que l'expertise réalisée par l'éducation nationale, avant l'intervention de la MDPH, soit certifiée et assurée par des personnels compétents, en particulier pour des handicaps tels que l'autisme, qui ne sont pas aussi visibles que d'autres.

Sur ce point, notre rapporteure, Catherine Belrhiti, a proposé une réécriture judicieuse, qui fixe clairement le rôle de chacun et dissipe ainsi le flou existant. C'est une excellente avancée.

D'autres amendements, dont nous allons débattre, visent à en préciser davantage encore les contours, avec le risque cependant que nous écrivions le règlement dans la loi, ce à quoi le texte initial nous contraint malheureusement.

Madame la ministre, la volonté d'anticiper, de prendre les devants et d'ouvrir les PAS à tous les enfants ayant des besoins éducatifs particuliers est compréhensible. Tous les enfants n'ont pas besoin d'une notification des MDPH, et les faire tous passer par ces organismes a engendré un engorgement, auquel s'ajoute le temps de réponse de l'éducation nationale aux notifications signifiées.

Toutefois, un écueil se profile : celui qui conduirait l'éducation nationale à profiter des PAS pour adapter l'école inclusive au nombre d'AESH dont elle dispose ; celui qui, finalement, la conduirait à établir un filtre face à la réalité, à mettre en place une détection pilotée par les moyens.

Même si nous considérons indispensable de faire preuve de responsabilité face à l'augmentation substantielle des budgets de l'école inclusive, victime d'un système dans lequel celui qui notifie ne paie pas, une réelle vigilance s'impose sur ce point.

À cet égard, je salue les amendements de notre collègue Cédric Vial, qui, pour y remédier, propose, entre autres, de définir un référentiel commun d'évaluation du handicap et des indicateurs de prescription pour cadrer les pratiques des MDPH.

Madame la ministre, si votre intention est louable, le véhicule d'une simple proposition de loi n'était pas adapté à l'ambition que nous devons avoir pour l'école inclusive.

M. Pierre Ouzoulias. Exactement !

M. Max Brisson. Notre pays mérite, sur le sujet, une grande loi, qui permettrait à la Nation de fixer enfin les missions qu'elle est en droit d'attendre de son école en matière d'inclusion.

Pour l'heure, je me félicite à nouveau que notre rapporteure ait réussi, par son excellent travail, à remettre sur les rails ce texte pour le moins bancal et à le mettre, à peu près, à la hauteur de l'enjeu.

Pour cette raison, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi, que nous veillerons à améliorer encore en séance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne.

Mme Samantha Cazebonne. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, la proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers est un texte important pour notre système scolaire. En l'adoptant, nous faisons un pas de plus vers une école véritablement ouverte à tous, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.

Cette proposition de loi vise à « franchir une nouvelle étape vers une école pleinement inclusive », vingt ans après l'adoption de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui a instauré le principe du droit à la scolarisation des enfants et des adolescents en situation de handicap.

Des progrès ont été accomplis depuis : 513 000 élèves en situation de handicap étaient scolarisés en milieu ordinaire en 2024, contre 130 000 en 2005, et l'on comptait 134 000 accompagnants d'élèves en situation de handicap en 2024, un chiffre en hausse de 90 % depuis 2013. Toutefois, de nombreux défis persistent pour garantir à ces élèves un accompagnement adapté.

Permettez-moi d'évoquer ici une dimension souvent moins visible, mais tout aussi essentielle : je pense à la situation des élèves à besoins éducatifs particuliers scolarisés dans le réseau de l'enseignement français à l'étranger. Nous comptons près de 400 000 élèves scolarisés dans ce réseau, dont 41 000 enfants à besoins éducatifs particuliers et 3 000 élèves en situation de handicap. Pour l'année 2024, 474 élèves bénéficiaient de l'accompagnement d'un AESH.

Renforcer le parcours inclusif dans ces établissements, c'est prendre en compte la complexité de leurs réalités : un environnement multiculturel, des contraintes logistiques, mais aussi la responsabilité d'offrir à chaque élève, quel que soit son profil, la même qualité d'éducation que celle qui est dispensée sur le sol français.

La mise en œuvre de ce texte, s'il venait à être adopté, devra prendre en compte ces conditions concrètes. Je pense notamment à l'article 1er, qui prévoit la généralisation du livret de parcours inclusif à tous les élèves en situation de handicap.

L'article 1er ter de cette proposition de loi vise à rendre obligatoire l'attribution d'un accompagnant d'élève en situation de handicap. Or dans un établissement français à l'étranger, c'est la famille qui recrute et emploie l'AESH, en contrat local, pour son enfant. L'éducation nationale ne met pas directement à disposition des AESH dans ces établissements, comme c'est le cas en France.

Une bourse permet la prise en charge de l'AESH depuis 2021 pour tous les enfants français, ce que nous saluons, mais, pour certaines familles, ce recrutement et cette prise en charge peuvent se transformer en parcours du combattant. Il n'existe pas de MDPH dédiée aux Français de l'étranger. Celles qui sont situées en France ont donc la charge de ces dossiers complexes, qu'elles gèrent à distance, dans des délais forcément rallongés. Cette situation est à l'origine de ruptures dans la continuité de la prise en charge de ces élèves.

Parmi les solutions déjà envisagées, la création d'une MDPH spécifique aux Français de l'étranger ou, à défaut, d'un guichet unique dans une MDPH définie, au sein de laquelle les agents seraient formés aux spécificités de ces familles, a été évoquée.

Considérons également l'article 3 du point de vue de l'enseignement français à l'étranger. La formation des enseignants et des personnels administratifs et techniques est bien évidemment un enjeu clef pour le meilleur accompagnement des enfants à besoins éducatifs particuliers, via les instituts régionaux de formation de l'opérateur public notamment. Il apparaît également essentiel de pouvoir former au sein des personnels des établissements de l'enseignement français à l'étranger des référents afin d'accompagner les familles.

L'article 3 bis C de la proposition de loi concerne la formation des AESH. À l'étranger, aucune formation n'est requise pour ces professionnels. Des formations sont parfois organisées de manière ponctuelle, dans certains établissements ou certaines zones des instituts régionaux de formation de l'AEFE, en distanciel. Pourquoi ne pas envisager de les pérenniser en leur conférant un caractère régulier, voire obligatoires via l'homologation ?

Près de vingt ans après l'adoption de la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, nous avons le devoir de poursuivre cette ambition. Quel que soit le lieu où un élève français est scolarisé, il doit pouvoir bénéficier des mêmes droits, des mêmes accompagnements, de la même école inclusive.

Je remercie ma collègue députée Julie Delpech pour cette proposition de loi, ainsi que notre commission pour les travaux qu'elle a menés sur ce texte.

Le groupe RDPI, que je représente, votera bien évidemment en faveur de cette proposition de loi, dont je veillerai qu'elle bénéficie aussi aux enfants de l'enseignement français à l'étranger.

M. le président. La parole est à M. Ahmed Laouedj.

M. Ahmed Laouedj. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le groupe RDSE soutient avec conviction cette proposition de loi, qui renforce le cadre instauré par la loi du 11 février 2005 et qui œuvre pour une école véritablement inclusive.

Nous saluons ce texte, qui s'inscrit dans la continuité des engagements républicains en matière d'égalité des chances.

La scolarisation des élèves en situation de handicap a fait des progrès importants. Cependant, cette dynamique a été freinée par plusieurs obstacles : manque de lisibilité des parcours ; complexité administrative ; inégale répartition des moyens ; coopération imparfaite entre acteurs de l'inclusion scolaire.

Il est donc urgent de passer à l'action pour rendre l'école encore plus inclusive pour tous les enfants.

La généralisation du livret de parcours inclusif est un pas en avant fondamental. Cet outil numérique partagé entre les professionnels permettra de formaliser et de garantir la continuité des aménagements pédagogiques pour chaque élève, évitant ainsi les ruptures de parcours.

Cela renforcera la coordination entre tous les acteurs impliqués dans la scolarité de l'enfant – enseignants, AESH et professionnels médico-sociaux.

La réussite de l'école inclusive passe aussi par une culture professionnelle partagée. Les enseignants, les accompagnants, les professionnels médico-sociaux et les acteurs périscolaires doivent travailler ensemble. Le texte met en avant des efforts de structuration importants en matière de formation, mais il est essentiel d'aller plus loin pour garantir une vraie synergie entre tous ces professionnels.

Les AESH, par exemple, jouent un rôle clef, mais souffrent de la précarité de leur statut. Ces professionnels sont aujourd'hui indispensables à la scolarité de plus de 250 000 élèves, mais ils restent dans une situation fragile, liée à la courte durée des contrats, au faible niveau des salaires et à la quasi-absence de reconnaissance de leur fonction.

Pour que l'école inclusive fonctionne réellement, il est impératif de créer un cadre statutaire clair pour les AESH, de garantir une formation qualifiante dès l'entrée dans le métier et de leur offrir de véritables parcours de carrière avec des passerelles vers les filières médico-sociales.

Les AESH sont des héros de l'ombre de l'école inclusive. Il est temps de les traiter avec le respect qu'ils méritent.

Le déploiement des pôles d'appui à la scolarité, qui devraient être opérationnels d'ici à 2027, soulève des interrogations légitimes. Si l'idée est louable, il est crucial que ce dispositif ne se transforme pas en une solution uniforme imposée partout, sans tenir compte des réalités territoriales.

Nous avons besoin d'un calendrier précis, de moyens dédiés et de garanties d'adaptation aux spécificités locales, notamment dans les territoires ultramarins ou en milieu rural. Le pilotage doit être flexible et permettre d'ajuster le dispositif en fonction des besoins réels du terrain. Il est essentiel de nous assurer que ces pôles répondront bien aux besoins des élèves dans toutes les régions de France.

La clarification de l'articulation avec les MDPH et l'avis conforme des professionnels médico-sociaux sont des avancées certes importantes, mais qui ne sont pas suffisantes. Nous devons nous assurer que ces dispositifs seront effectivement opérationnels et qu'ils répondront aux attentes du terrain.

Mesdames les ministres, mes chers collègues, pour que l'école inclusive devienne une réalité, il nous faut un agenda budgétaire et statutaire clair pour concrétiser l'idéal républicain d'une école pleinement inclusive.

L'inclusion des élèves en situation de handicap ne peut être une promesse creuse ; elle doit au contraire se traduire par des actions concrètes.

Le groupe RDSE soutiendra ce texte, mais proposera des amendements pour aller plus loin, notamment sur la reconnaissance du métier d'AESH et le déploiement des PAS. Nous devons transformer l'école inclusive de manière concrète, sans laisser personne de côté. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Marie-Pierre Monier et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je tiens d'abord à remercier notre rapporteure, Catherine Belrhiti, pour son travail rigoureux de réécriture du texte.

Depuis vingt ans, l'école de la République ouvre ses portes à l'inclusivité. Alors qu'en 2005, 150 000 élèves en situation de handicap étaient scolarisés en milieu ordinaire, ils sont aujourd'hui plus de 500 000.

Dans certaines classes, jusqu'à un tiers des effectifs est composé d'élèves à besoins particuliers. C'est un vrai défi pour les équipes éducatives, qui peuvent être dépassées par des classes surchargées.

En résumé, l'école inclusive décroche une mention « très bien » sur le quantitatif, mais un « peut mieux faire » sur le qualitatif.

Dans son dernier rapport, la Cour des comptes pointe notamment trois axes de travail. Elle déplore un « parcours du combattant » en matière administrative et des délais trop longs, qui atteignent 170 jours en moyenne pour une décision MDPH – et parfois 250 ! Par ailleurs, la Cour souligne que le statut d'AESH est encore trop précaire. Enfin, elle relève le manque évident de lien avec le médico-social.

Des améliorations sont donc nécessaires, notamment sur le partage d'information.

Depuis 2021, 450 000 LPI ont été créés. Cet outil est devenu clef. Son inscription dans la loi permet d'en assurer la pérennité. Il doit pouvoir couvrir tous types de profils et de parcours. C'est à ce titre que je présenterai un amendement visant à garantir son effectivité en voie professionnelle.

J'attire également votre attention sur deux points importants.

Premièrement, l'efficacité du LPI est entravée par des problèmes de mise en œuvre et de partage d'informations avec les MDPH.

Prenons l'exemple de l'enseignement privé sous contrat : les psychologues embauchés par les directions diocésaines ne sont pas reconnus comme personnels de l'éducation nationale et ne peuvent donc accéder à ces informations. Madame la ministre d'État, les établissements sont dans l'attente des décrets d'application qui doivent lever ces freins.

Deuxièmement, l'ouverture du LPI est conditionnée à un diagnostic médical. Or, avec un médecin pour 13 000 élèves, la médecine scolaire reste une utopie ; et sans médecin, pas de diagnostic, donc pas de livret… Cette situation n'est pas tenable.

En revanche, je tiens à souligner l'effort constant qui a été fait sur l'accompagnement humain. Le nombre d'AESH a triplé en sept ans. Le texte prévoit un délai d'un mois maximum entre la notification de la décision d'attribution et l'affectation. C'est un progrès pour les familles : actuellement, 10 % des notifications ne sont pas prises en charge à temps.

Mais fixer un délai ne suffit pas : il faut prévoir des moyens pour qu'il soit respecté. À défaut, nous pourrions créer des frustrations légitimes, alors que le déficit d'attractivité de la profession d'AESH accentue déjà ce risque – deuxième métier de l'éducation nationale, c'est aussi l'un des plus précaires. Ces professionnels demandent une vraie reconnaissance.

Au Sénat, plusieurs avancées ont déjà été votées. Je pense à la loi du 27 mai 2024 visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne, de notre collègue Cédric Vial, adoptée l'année dernière. Il reste toutefois du chemin à parcourir, en particulier sur le plan statutaire.

J'en viens à la transformation des PIAL en PAS. Espérons que ce changement de sigle ne soit pas qu'un simple ravalement de façade. L'intention est bonne : mieux accompagner les familles et mieux coordonner les réponses.

Dans les départements pilotes, les résultats sont encourageants. Le délai de première réponse est de onze jours, contre généralement plusieurs mois pour une réponse de la MDPH. Mais soyons lucides : l'expérimentation est récente et prend place dans des départements pionniers en matière d'inclusivité.

Ce nouveau modèle ne doit pas tomber dans les mêmes écueils que les PIAL : pas question que les PAS deviennent de simples outils de gestion ! Ils doivent être de vrais espaces de coopération, pilotés par un binôme alliant professionnels de l'éducation nationale et du médico-social.

Par ailleurs, l'État ne peut être à la fois évaluateur des besoins et attributeur des moyens. Il faut trouver un juste équilibre.

Un mot, enfin, sur l'enseignement privé sous contrat.

Tout d'abord, en matière de gouvernance des PAS, le privé sous contrat est laissé sur le pas de la porte. Pourtant, les spécificités de celui-ci apportent à ces professionnels une expertise propre. Pourquoi ne pas instaurer dans chaque académie un coordonnateur issu du privé sous contrat, en écho aux enseignants référents ?

Ensuite, concernant la formation, un AESH, qu'il soit affecté dans le public ou dans le privé, doit pouvoir bénéficier d'une formation, comme c'est le cas pour les enseignants. Or les établissements du privé sous contrat n'ont ni le budget ni la main pour financer cette formation spécifique.

Par ailleurs, quel que soit le réseau éducatif, l'inclusivité ne doit pas s'arrêter à la fin des cours. Un enfant en situation de handicap sur trois n'est pas accueilli en centre de loisirs ou lors des activités périscolaires. En outre, 40 % des communes déclarent manquer de moyens pour accueillir ce public après l'école.

Nous devrons donc absolument, dans nos prochains débats, nous pencher sur la question du périscolaire.

En conclusion, ce texte est une étape : il sécurise, il clarifie, il responsabilise, mais cette proposition de loi n'aura de sens que si nous y consacrons les moyens nécessaires.

La Cour des comptes pointe une mauvaise gestion des ressources de la politique inclusive, dont le coût global s'élève à 3,7 milliards d'euros par an. En période de tensions budgétaires, l'investissement doit être efficace. Mais avec six ministres en trois ans, six visions, six stratégies et autant de virages, comment maintenir un cap ? Un enfant bien inclus aujourd'hui, c'est un citoyen autonome demain.

Le groupe Union Centriste votera pour l'adoption de ce texte et restera vigilant quant à sa mise en œuvre. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme Marie-Pierre Monier applaudit également.)

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je tiens, en préambule, à exprimer mon désarroi face à cette proposition de loi en provenance de l'Assemblée nationale.

L'accueil des élèves en situation de handicap est une cause juste et noble. Il est certain qu'un grand nombre d'entre eux ont tout à gagner à suivre un cursus pédagogique traditionnel, à la condition expresse de bénéficier de l'aide nécessaire à leur pleine intégration. Ce droit leur est garanti par la loi de février 2005.

Plus de vingt ans après sa promulgation, le constat est amer. Les 513 000 enfants en situation de handicap scolarisés sont encore loin de bénéficier de l'accompagnement qui leur permettrait de profiter pleinement de cette inclusion. Ce décalage entre l'ambition généreuse des objectifs et la faiblesse relative des moyens disponibles engendre beaucoup de déception, voire de la souffrance.

Reconnaissons-le collectivement, mes chers collègues : sans l'extrême dévouement des accompagnants des élèves en situation de handicap et des enseignants eux-mêmes, la situation serait encore bien plus difficile. À ce titre, je les remercie chaleureusement pour leur investissement.

Cependant, les enseignants de nos départements nous alertent fréquemment sur des situations très complexes, qui les placent dans l'impossibilité, faute de moyens, d'apporter à leurs élèves en situation de handicap l'accompagnement nécessaire. Ils se retrouvent souvent en grande difficulté, tant sur le plan pédagogique que physique, confrontés à des situations extrêmes qu'ils doivent gérer sans formation adéquate ni soutien suffisant.

Face à l'ampleur et à la complexité des défis, cette proposition de loi semble dérisoire. Après sa réécriture par notre collègue Catherine Belrhiti, dont je salue la tentative désespérée de sauvetage (Sourires.), ce texte reste quasiment vide de toute disposition normative et de solution pragmatique, à l'exception de l'article 3 bis B introduit par le Gouvernement. Les autres dispositions relèvent, selon moi, du domaine infra-législatif, voire de la simple circulaire.

M. Max Brisson. Absolument !

M. Pierre Ouzoulias. Je me permets à ce titre de rappeler à nos collègues de l'Assemblée nationale que le Parlement, conformément à l'article 24 de la Constitution, « contrôle l'action du Gouvernement » et « évalue les politiques publiques ». Il n'a donc nul besoin de lui demander des rapports pour exercer cette mission constitutionnelle.

M. Max Brisson. Il faut le rappeler !

M. Laurent Lafon, président de la commission. Très bien !

M. Pierre Ouzoulias. Il ne reste donc de ce texte que l'article 3 bis B. Je regrette qu'il n'ait pas donné lieu à un projet de loi en bonne et due forme, précédé d'un bilan approfondi de la mise en œuvre des dispositions relatives à l'école inclusive.

On ne peut qu'adhérer à la volonté de renforcer les liens entre l'éducation nationale et le secteur médico-social, mais il faut toutefois rester vigilant : dans un contexte marqué par une grave pénurie de soins en santé mentale, cette volonté de collaboration ne doit pas masquer un transfert de charges vers les collectivités, en pleine période de restrictions budgétaires.

M. Max Brisson. Vigilance !

M. Pierre Ouzoulias. Je le répète, cette disposition aurait mérité une concertation approfondie avec les collectivités concernées. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST, INDEP, RDSE et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Mathilde Ollivier. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, depuis la loi pour l'égalité des droits et des chances du 11 février 2005, l'école inclusive est un principe inscrit dans la loi. Malheureusement, cette promesse républicaine n'est pas totalement respectée.

En 2024, 23 % des enfants en situation de handicap ne sont toujours pas scolarisés. Environ 11 000 d'entre eux attendent une place en institut médico-éducatif et 450 000 enfants doivent se partager 127 000 accompagnants d'élèves en situation de handicap.

Voilà le point de départ.

La présente proposition de loi partait d'un constat juste et d'une intention que nous partageons : rendre l'école plus inclusive, mieux organisée et plus lisible pour les familles et les personnels associés. Pourtant, le contenu du texte initial ne n'avançait aucune réponse structurelle à la hauteur des besoins. Il s'appuyait essentiellement sur des outils de suivi, comme le livret de parcours inclusif, un rapport annuel ou encore quelques obligations de formation.

Vraiment, mes chers collègues, je me le demande : avons-nous besoin d'une proposition de loi pour généraliser le livret de parcours inclusif ?

Par ailleurs, un trou dans la raquette est rapidement apparu : comment, lorsque l'on évoque le parcours des enfants à besoins éducatifs particuliers, pouvons-nous mettre sous le tapis la question des AESH ? Il est inadmissible que ces derniers soient encore traités, en 2025, comme des variables d'ajustement du système éducatif. Ces personnels, pourtant essentiels à l'inclusion scolaire, cumulent contrats précaires, salaires indécents et absence totale de reconnaissance professionnelle et institutionnelle.

On leur confie des missions fondamentales, tout en les maintenant dans une précarité honteuse. Ce mépris organisé n'est pas une négligence : c'est un choix politique.

Il est grand temps que l'État propose aux AESH un véritable statut, une formation digne et une rémunération à la hauteur de leurs missions.

À la suite de son examen à l'Assemblée nationale, cette proposition de loi a été relativement renforcée. Nous avons soutenu les avancées obtenues à cette occasion et nous continuerons de les défendre. Toutefois, un problème demeure sur la méthode comme sur le fond : il s'agit de la généralisation précipitée des pôles d'appui à la scolarité.

Nous n'avons pas de recul suffisant sur ce dispositif ; introduit par un amendement gouvernemental, il n'a pas fait l'objet d'un bilan préalable. Ces pôles, chargés de définir et d'élaborer des réponses aux besoins des élèves, sont en cours d'expérimentation, et ce depuis moins d'un an, puisqu'ils ont été lancés à la rentrée 2024 dans quatre départements. Comment peut-on justifier leur généralisation sans étude ni rapport solide sur leur efficacité ? Quelles seraient les conséquences budgétaires et structurelles de la mise en place de ce dispositif ?

On nous parle de 500 PAS à la prochaine rentrée, mais avec quelles ressources humaines et au détriment de quoi ? De l'accompagnement du quotidien effectué par les personnels des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased) qui géreraient désormais les PAS ?

Rappelons-le : 500 PAS, c'est 500 personnels de l'éducation nationale. Nous nous battons chaque année pendant des semaines pour obtenir 500 postes supplémentaires lors de l'examen des projets de loi de finances et vous, d'un claquement de doigts, vous en réallouez 500 dans des structures non éprouvées !

Les implications sur le budget et les postes de l'éducation nationale restent floues. Tout cela n'est pas sérieux. Nous débattons aujourd'hui d'une proposition de loi insuffisante, qui manque d'ambition et qui introduit un dispositif aux effets organisationnels et budgétaires incertains.

Ce texte ne traite pas du cœur de l'enjeu de l'école inclusive : des AESH mieux reconnus, moins d'enfants par classe avec plus de temps à consacrer aux élèves, des réseaux d'aide avec des enseignants spécialisés et des psychologues scolaires suffisamment dotés pour accompagner professeurs, parents et enfants dans la prise en compte des besoins particuliers ou du handicap, et des professionnels de santé – infirmières et médecins – permettant un véritable accompagnement au sein de l'éducation nationale.

Nous sommes tous prêts à nous emparer de ces sujets, mais ce texte est malheureusement une occasion manquée. Mon groupe s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.

Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, cette proposition de loi est la troisième en moins de trois ans à porter sur l'inclusion scolaire.

Elle vient après la loi visant à lutter contre la précarité des accompagnants d'élèves en situation de handicap et des assistants d'éducation et la loi visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne.

Par chacune de nos initiatives, nous nous efforçons, à notre échelle de parlementaires, d'améliorer la situation, brique par brique, en restant conscients que les ajustements que nous proposons ne sont pas à la hauteur devant l'ampleur des défis qui persistent.

Nous restons aussi conscients que, même s'ils sont votés, la mise en œuvre de ces textes relève parfois du parcours du combattant. L'exemple de la loi sur l'accompagnement des élèves sur le temps méridien, dont la note de service associée a récemment été abrogée, est à cet égard édifiant. Vingt ans après cette si belle loi de 2005, je regrette que nous soyons réduits à un tel bricolage, alors même que les signaux d'alerte se multiplient.

Je pense bien évidemment au manque de personnels dédiés – enseignants spécialisés, accompagnants d'élèves en situation de handicap, personnel médico-social –, aux délais d'attente douloureux pour les familles, que ce soit en matière de prise de décisions des MDPH ou d'application des notifications, ou encore à l'augmentation des risques psychosociaux des personnels éducatifs.

Il nous faut sans cesse le répéter : pour répondre aux enjeux de l'inclusion scolaire, notre école a besoin de moyens financiers et humains à la hauteur, d'un pilotage national renforcé associant les écosystèmes et de l'éducation nationale et du médico-social, en tenant compte des besoins exprimés au plus près du terrain, et, enfin, d'indicateurs solides, qui ne s'inscrivent pas uniquement dans une approche quantitative.

Disons-le clairement : ce n'est avec cette proposition de loi que nous apporterons une réponse suffisante. Il est d'ailleurs révélateur que la disposition phare que nous en retiendrons soit la généralisation des pôles d'appui à la scolarité, introduite subrepticement par le Gouvernement à la faveur d'un amendement, plutôt que par un véhicule législatif dédié – nous aurons l'occasion d'y revenir.

J'en viens aux principales mesures qui figurent dans ce texte.

La généralisation du livret de parcours inclusif et son inscription dans la loi, à l'article 1er, répond sur le papier à l'impératif d'une meilleure coordination des publics qui accompagnent les élèves au quotidien. Je tiens cependant à vous alerter sur les difficultés de prise en main de l'outil qui nous ont été signalées sur le terrain.

Nous défendrons pour notre part plusieurs amendements visant à préciser les modalités d'accès de différents publics qu'il nous paraît essentiel d'associer à cette démarche.

Nous saluons l'introduction, au fil de la navette, de l'article 1er ter. Ce dernier précise que l'affectation d'un AESH intervient dans un délai d'un mois suivant la notification de la décision d'attribution. Cette mesure concrète enverra un signal clair à l'heure où les affectations mettent des mois, voire des années à se concrétiser, suscitant détresse et incompréhension.

Nous regrettons la disparition de l'Observatoire national de la scolarisation de l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap, initialement prévu à l'article 2.

Dans un contexte où les acteurs de terrain pointent le manque de données qualitatives et quantitatives et où le rapport de la Cour des comptes de septembre 2024 met en lumière les lacunes en matière de suivi statistique, ce recul est regrettable. Nous défendrons à cet égard un amendement visant à le réintroduire.

Plusieurs articles visent à améliorer la formation initiale ou continue des personnels. Cette approche va dans le bon sens, tant ce besoin est fortement identifié. Nous le réaffirmons : pour encourager cette dynamique, il est nécessaire que la formation continue soit effectuée pendant le temps de service. Nous proposerons également de réintroduire une disposition soutenue par le Gouvernement, qui prévoyait que les enseignants et professionnels intervenant auprès des élèves à besoins éducatifs particuliers puissent bénéficier d'une formation pluricatégorielle. C'est par de tels moments, vecteurs de partage de bonnes pratiques, que nous pourrons créer concrètement une culture commune de l'accessibilité.

La question des AESH, chevilles ouvrières de l'école inclusive, dont nous avons souvent parlé au sein de ces murs, est insuffisamment abordée dans ce texte. Parce qu'il y a urgence à enfin sécuriser et professionnaliser les conditions de recrutement et d'exercice de ces personnels, nous soutiendrons une demande de rapport sur leur intégration dans la fonction publique d'État. Il s'agit certes d'une mesure forte, mais cette idée progresse au sein de notre hémicycle.

Enfin, je veux évoquer les pôles d'appui à la scolarité. Cette réorganisation profonde de l'organisation de l'école inclusive survient en catimini, alors même que les bilans des expérimentations menées dans les quatre départements préfigurateurs font état de retours de terrain très hétérogènes.

Si nous prenons bonne note des aménagements et précisions introduits par la rapporteure, il nous paraît dangereux, à ce stade, de procéder dans la précipitation, sans étude d'impact ni garantie sur les moyens qui y seront consacrés, à une telle évolution systémique.

Mes chers collègues, ayons toujours en tête que derrière les décisions que nous prendrons aujourd'hui se trouvent les attentes et les destins des premiers concernés, à savoir les élèves et leurs familles. Ayons pour eux une main tremblante.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sera attentif aux modifications qui seront apportées au texte au cours de nos débats ; pour l'heure, il réserve son vote. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Laure Darcos. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, il y a vingt ans, la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a posé le principe fondateur du droit à la scolarisation en milieu ordinaire pour les enfants en situation de handicap.

Cette réforme a constitué une véritable révolution. En l'espace de deux décennies, le nombre d'élèves handicapés scolarisés en milieu ordinaire a triplé. Aujourd'hui, 513 000 élèves peuvent suivre les mêmes enseignements et accéder aux mêmes apprentissages que leurs condisciples.

Tout n'est pas parfait, loin de là. L'accessibilité reste un objectif encore lointain et les moyens matériels et humains mobilisés sont largement insuffisants. Toutefois, chaque pierre apportée à l'édifice permet de construire une société plus humaine et solidaire.

La proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers revêt une importance décisive. Je tiens à cet égard à saluer le travail de notre rapporteure, Catherine Belrhiti, mais aussi celui de notre collègue députée, Julie Delpech, à l'origine de cette initiative parlementaire.

Le développement du livret de parcours inclusif fait partie des mesures emblématiques du texte. L'objectif est de renforcer le partage d'informations entre les professionnels du secteur médico-social, l'équipe pédagogique, les AESH et les familles, afin de fluidifier le parcours scolaire des enfants concernés et surtout d'en garantir la continuité.

Pour autant, la présente proposition de loi appelle plusieurs observations, car elle ne traite pas certaines problématiques récurrentes. Je pense en particulier à la situation de nos accompagnants d'élèves en situation de handicap. Chevilles ouvrières de l'école inclusive, ils sont devenus absolument indispensables. Leur nombre a d'ailleurs augmenté de 90 % depuis 2013.

Cependant, leur salaire est beaucoup trop faible, pour ne pas dire indécent au regard de leur engagement professionnel. Les formations proposées sont sommaires et les conditions de travail difficiles, notamment quand ils doivent intervenir dans plusieurs établissements éloignés les uns des autres.

Ainsi que le Défenseur des droits l'a rappelé à plusieurs reprises, notre pays n'est pas tout à fait à la hauteur des enjeux. Il est impératif de revaloriser ce métier essentiel et de poser les questions de fond, notamment la création d'un corps spécifique, revendication ancienne qui n'a toujours pas abouti malgré des années de mobilisation.

Un autre aspect majeur de cette proposition de loi est le remplacement des pôles inclusifs d'accompagnement localisés par les pôles d'appui à la scolarité.

Cette mesure d'origine gouvernementale pose question. La création des Pial est relativement récente : cinq années ne suffisent pas, me semble-t-il, pour mesurer tout l'apport d'un dispositif et en évaluer la pertinence.

Les Pial ne concernaient que les élèves en situation de handicap. N'aurait-il pas été plus judicieux de les ouvrir plus largement, notamment aux élèves à besoins éducatifs particuliers, plutôt que de créer ex nihilo un nouveau dispositif ?

Je ne voudrais pas conclure sans évoquer la situation des jeunes sourds. Comme tous les enfants présentant un handicap, ils doivent pouvoir accéder à une scolarité aussi normale que possible, avec des moyens adaptés. Nombre d'entre eux accèdent à la langue française parlée grâce à la langue française parlée complétée, un code manuel syllabique utilisé depuis plus de quarante ans, qui rend totalement intelligible la parole lue sur les lèvres.

Or l'absence de mention explicite de la langue française parlée complétée dans le code de l'éducation empêche le ministère de l'éducation nationale de déployer les ressources nécessaires dans l'environnement scolaire ordinaire. Entendons-nous bien, il s'agit non pas de matériel technique, mais bien d'une personne ayant reçu une formation professionnelle de codeur, de niveau bac+3.

J'avais déposé un amendement pour mettre fin à cette inégalité de traitement, les familles concernées étant contraintes de mobiliser des ressources associatives ou de recourir à un financement personnel. Celui-ci a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution, au motif qu'il implique pour l'éducation nationale l'obligation de prévoir l'accessibilité à des matériels spécifiques dans ce langage. Cette décision absurde malmène tout simplement le principe d'égalité auquel nous sommes tous attachés.

Mesdames les ministres, j'en appelle à votre intervention pour que notre école s'ouvre bien à tous les enfants, notamment aux jeunes sourds, dans une logique inclusive.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra néanmoins ce texte, qui porte des avancées indéniables pour les enfants à besoins éducatifs particuliers. Nous resterons vigilants sur les points que j'ai évoqués. À nous, législateurs, d'être au rendez-vous pour que l'école inclusive soit non pas un vœu pieux, mais une réalité tangible. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE-K. – M. Laurent Somon applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Cédric Vial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Cédric Vial. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, l'intitulé du texte que nous examinons, « proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins particuliers », est une promesse ambitieuse, à la hauteur des attentes des familles, mais aussi du défi républicain de l'égalité des chances.

Je salue tout particulièrement le travail de notre rapporteure, Catherine Belrhiti, et celui de la commission, qui a su transformer un texte aux objectifs modestes en un texte utile qui sera, je l'espère, un véritable levier pour atteindre nos objectifs communs.

Cependant, nous avons le devoir de l'amender encore pour qu'il réponde pleinement à son objet. Mesdames les ministres, en matière d'école inclusive, oui, nous avons mis des moyens, beaucoup de moyens, et pourtant les résultats ne sont pas à la hauteur de nos attentes. Pis, les tensions s'accroissent dans les classes.

M. Cédric Vial. Les enseignants sont en souffrance. Les AESH sont démunis et les enfants bénéficient trop souvent d'un accompagnement inadapté.

Notre boussole doit nous orienter vers les besoins des élèves, qui doivent être au centre de notre politique d'accompagnement, malgré la tentation d'une politique de répartition des moyens qui vient parfois s'imposer inopportunément.

N'oublions jamais que l'accompagnement doit poursuivre deux objectifs : favoriser les apprentissages et l'autonomie de l'élève.

Si un enfant perd du temps d'accompagnement par un AESH en raison d'un manque de moyens, alors c'est un échec, celui de notre système. Si un enfant perd du temps d'accompagnement par un AESH, parce qu'il n'en a plus besoin ou moins besoin, c'est un succès.

Le texte crée un nouveau dispositif, les pôles d'appui à la scolarité, au lieu et place des Pial. Cette transformation élargit leur mission à tous les enfants à besoins éducatifs particuliers. Alors que nous avions déjà les plus grandes difficultés à assurer un accompagnement adapté aux 513 000 enfants en situation de handicap, il est permis d'être dubitatif quant à la possibilité d'y arriver mieux en augmentant significativement le nombre d'enfants à prendre en charge, d'autant plus dans le contexte budgétaire que nous connaissons. Nous y reviendrons, mais cela me fait penser à la fameuse histoire, bien connue dans nos montagnes alpines, de la marmotte qui met le chocolat dans le papier-alu… (Sourires.)

Je suis également inquiet de voir l'éducation nationale devenir à la fois prescriptrice et payeuse. Peut-on vraiment espérer une évaluation objective des besoins quand l'institution elle-même doit aussi équilibrer son budget ? Ce mélange des rôles présente un biais structurel potentiellement délétère. L'important travail réalisé par la commission permet de limiter ce risque sans pouvoir complètement l'éviter pour autant.

Notre responsabilité, ne l'oublions jamais, est de redonner du sens à ce que l'on appelle « l'école inclusive », en rappelant que chacun doit être à sa place selon ses besoins réels – c'est la clef –, en exigeant une accessibilité physique, matérielle et pédagogique, et en s'assurant que la compensation, notamment humaine, soit uniquement un levier et non un palliatif.

Cela passe par la formation des AESH avant leur prise de poste, par la reconnaissance statutaire dans l'équipe pédagogique que ce texte leur accorde – il s'agit d'une avancée importante – et par une meilleure évaluation des besoins avec des référentiels communs, notamment pour les MDPH.

Oui, nous avons besoin d'un pilotage renforcé ; oui, nous devons accompagner les enfants avec humanité et discernement. Ce texte, si nous l'améliorons ensemble, peut représenter un pas utile, mais le travail n'est pas fini. Madame la ministre, j'attends que le ministère de l'éducation nationale reprenne la main pour mieux organiser, mieux former, mieux évaluer et surtout mieux accompagner.

C'est à la manière dont une société traite ses enfants, notamment les plus fragiles d'entre eux, que l'on peut juger de son humanité. (Applaudissements.)

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers
Article 1er (suite)

Article 1er

Le code de l'éducation est ainsi modifié :

1° L'article L. 112-2 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Dans le respect du secret professionnel et médical, il est instauré un outil numérique de partage des informations entre les professionnels intervenant auprès d'un enfant à besoins éducatifs particuliers ou en situation de handicap, le personnel chargé du temps périscolaire lorsque la situation de l'enfant le nécessite, ainsi que ses représentants légaux afin de lui garantir la continuité de son suivi tout au long de sa scolarité.

« Un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'accès à cet outil, les informations qu'il contient ainsi que leur délai de conservation. » ;

2° La neuvième ligne du tableau du second alinéa du I de l'article L. 165-1 est ainsi rédigée :

 

«

L. 112-2

Résultant de la loi n° … du … visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers

» ;

 

3° (nouveau) Après le troisième alinéa de l'article L. 917-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les accompagnants des élèves en situation de handicap sont membres de l'équipe pédagogique. »

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, sur l'article.

M. Yan Chantrel. La France s'est engagée à garantir l'égalité des droits et des chances des personnes en situation de handicap, conformément à la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations unies, qu'elle a ratifiée en 2010. Cet engagement doit s'appliquer à l'ensemble de ses ressortissants, y compris ceux qui résident à l'étranger.

Plusieurs des amendements que j'avais déposés sur ce texte ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution ; or les familles françaises vivant hors de France rencontrent des obstacles majeurs lorsqu'elles souhaitent assurer la scolarisation de leurs enfants en situation de handicap dans un établissement du réseau de l'enseignement français à l'étranger.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Tout à fait !

M. Yan Chantrel. L'absence de personnels formés, le coût parfois prohibitif de l'accompagnement qu'elles doivent assurer elles-mêmes et le vide juridique entourant la reconnaissance du handicap à l'étranger créent de profondes différences.

Il est urgent de mettre fin à une inégalité systémique entre les enfants en situation de handicap, selon qu'ils résident en France ou à l'étranger, et d'assurer la continuité du service public pour celles et ceux qui passent de l'un à l'autre.

J'avais déposé deux amendements en ce sens, l'un visant à inscrire dans le code de l'éducation l'obligation de recrutement d'AESH dans les établissements directement gérés par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'autre visant à confier à l'AEFE une mission de formation, de coordination et de gestion de ces AESH. Malheureusement, ces deux amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution.

Madame la ministre, au nom de toutes les familles et de tous les enfants établis hors de France, qui attendent de pouvoir suivre une scolarité égale à celle de tous les autres, je vous demande de vous engager à créer un cadre juridique clair pour assurer le recrutement, le financement, la formation et la reconnaissance des accompagnants d'élèves en situation de handicap dans les établissements scolaires français à l'étranger, en vous appuyant sur l'expertise de l'AEFE.

J'aurai tout de même l'occasion de défendre un amendement sur ce sujet dans la suite de la discussion. (Mme Colombe Brossel applaudit.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 45 rectifié quater, présenté par Mme Aeschlimann, MM. Burgoa, J.B. Blanc et Naturel, Mme Petrus, MM. Genet et Sido, Mmes Billon et Ciuntu, M. Belin et Mmes Canayer, Evren et Dumas, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 2

Remplacer la référence :

L. 112-2

par la référence :

L. 311-3-1

II. - Alinéa 3

Remplacer les mots :

ainsi que ses représentants légaux

par les mots :

les représentants légaux de l'enfant, ainsi que les collectivités territoriales compétentes,

La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Monsieur le président, si vous me le permettez, je souhaite présenter en même temps l'amendement de repli n° 48 rectifié ter.

Ces deux amendements visent à remédier à une difficulté pratique et à un oubli regrettable du texte, qui apporte tout de même des éléments importants pour faire progresser l'école inclusive. Il s'agit de l'insuffisante association des collectivités locales à l'école inclusive et au livret du parcours inclusif.

Les enfants évoluent dans des bâtiments scolaires gérés et entretenus par les collectivités locales. Par conséquent, ne pas informer ces dernières des aménagements nécessaires pour accueillir les enfants à besoins éducatifs particuliers dans de bonnes conditions est une erreur qui mériterait d'être corrigée.

Permettez-moi de prendre un exemple très concret. Lorsqu'une collectivité doit accueillir dans une école un enfant ayant un déficit visuel, elle doit aménager des rampes pour que l'enfant puisse se mouvoir en sécurité, mais aussi des surfaces podotactiles, par exemple, pour qu'il puisse descendre les escaliers en toute sécurité.

De même, lorsqu'elle accueille un enfant en fauteuil roulant, elle doit veiller à garantir l'accessibilité non seulement dans les salles de classe, mais aussi dans les locaux de restauration scolaire, dans les salles de motricité ou encore dans les équipements sportifs de l'établissement scolaire en question.

Les collectivités ont donc intérêt à être informées le plus tôt possible de l'arrivée d'un enfant en situation de handicap ou présentant des besoins éducatifs particuliers, afin de réaliser les aménagements physiques et spatiaux nécessaires pour l'accueillir dans de bonnes conditions.

Les amendements nos 45 rectifié ter et 48 rectifié ter ont ainsi pour objet d'associer les collectivités locales à la gestion du livret de parcours inclusif. Le premier vise de plus à modifier l'emplacement de cette disposition dans le code de l'éducation, mais ce point est secondaire.

Il s'agit d'un élément capital pour assurer un bon accueil et une bonne progression de l'enfant dans son établissement scolaire.

Par ailleurs, comme le Sénat est la chambre des collectivités locales, nous devons veiller à ce que les communes, les départements et les régions soient suffisamment associés aux différentes politiques publiques. Cette proposition va également dans le sens de l'intérêt évident de l'enfant.

M. le président. L'amendement n° 48 rectifié ter, présenté par Mme Aeschlimann, MM. Burgoa, Naturel et J.B. Blanc, Mme Petrus, MM. Genet et Sido, Mmes Billon et Ciuntu, M. Belin et Mmes Canayer et Evren, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

ainsi que ses représentants légaux

par les mots :

les représentants légaux de l'enfant, ainsi que les collectivités territoriales compétentes,

La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. Le LPI concerne les élèves qui font l'objet d'un programme personnalisé de réussite éducative, d'un projet d'accueil individualisé ou d'un plan d'accompagnement personnalisé. Dans ces deux derniers cas, l'avis d'un médecin est nécessaire.

En ce qui concerne la place de ce dispositif dans le code, il me semble plus cohérent de le rattacher au chapitre relatif aux enfants et adolescents en situation de handicap ou présentant une maladie chronique ou de longue durée. Cela correspond d'ailleurs à l'objet même du projet d'accueil individualisé, qui permet d'assurer l'accueil et l'accompagnement des enfants atteints de troubles de la santé évoluant sur une longue période et rendant nécessaires des aménagements.

Par ailleurs, ces deux amendements visent à élargir aux collectivités territoriales le partage des informations contenues dans le LPI. Ce livret est déjà ouvert à tous les professionnels intervenant auprès des enfants à besoins éducatifs particuliers : à l'école bien sûr, mais aussi aux professionnels qui y interviennent, aux médecins, aux personnels du secteur médico-social, notamment ceux du département, aux éducateurs spécialisés, ainsi qu'aux personnels du périscolaire lorsque la situation l'exige. Il ne me semble donc pas opportun de l'ouvrir davantage, notamment aux élus locaux.

La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Même avis, monsieur le président.

Monsieur Chantrel, Mme la sénatrice Cazebonne a également fait part de sa préoccupation au sujet des élèves scolarisés dans le réseau de l'AEFE. Bien évidemment, la situation y est tout à fait différente, puisqu'un établissement à l'étranger ne peut s'appuyer sur une MDPH ou sur d'autres dispositifs.

Charlotte Parmentier-Lecocq et moi-même sommes tout à fait favorables à réfléchir à l'amélioration de l'accompagnement des élèves en situation de handicap dans les établissements français à l'étranger. Je vous propose que nous travaillions ensemble sur ce sujet, aux côtés de Mme Cazebonne, qui est également très mobilisée sur la question.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour explication de vote.

Mme Marie-Do Aeschlimann. J'ai demandé à tous les échelons quelle était leur implication sur ce sujet, on m'a répondu que ni les communes, ni les départements, ni les régions n'étaient associés au livret de parcours inclusif.

Madame la ministre d'État, auriez-vous l'amabilité de confirmer l'excellente réponse de Mme la rapporteure, à savoir que ce livret est bien ouvert aux personnels des collectivités locales ? Le cas échéant, je retirerai ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Je vous le confirme, madame la sénatrice, les personnels des collectivités qui interviennent dans les établissements scolaires disposent bien de cette information. Il n'y a pas de base de données commune, car cela soulèverait d'autres questions, mais ils disposent naturellement des informations relatives aux handicaps et aux accompagnements nécessaires.

M. le président. Madame Aeschlimann, l'amendement n° 45 rectifié ter est-il maintenu ?

Mme Marie-Do Aeschlimann. Madame la ministre d'État, s'il s'agit de faciliter l'inclusion scolaire et l'accueil des enfants dans les établissements, il serait sans doute préférable d'informer les collectivités le plus tôt possible de l'arrivée d'un enfant en situation de handicap dans une école, pour décider des éventuels aménagements, adaptations ou investissements nécessaires pour l'accueillir dans de bonnes conditions.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. Il n'est pas nécessaire de passer par la loi pour cela !

Mme Marie-Do Aeschlimann. Je prenais l'exemple d'un enfant se déplaçant en fauteuil roulant et celui d'un enfant ayant une déficience visuelle. Lorsqu'une collectivité est informée par le directeur d'école après l'arrivée de l'enfant, les investissements nécessaires à l'aménagement seront réalisés plus tardivement.

J'essaie de rendre la communication plus souple, efficace et rapide pour améliorer l'accueil des enfants dans les établissements scolaires.

Mesdames, vous me répondez que les collectivités sont informées a posteriori ; or je demande d'associer en amont les collectivités au livret de parcours inclusif, pour leur permettre de prendre les décisions nécessaires à l'accueil de l'enfant dans de bonnes conditions.

Monsieur le président, je retire l'amendement n° 45 rectifié ter, mais je maintiens l'amendement n° 48 rectifié ter.

M. le président. L'amendement n° 45 rectifié ter est retiré.

La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Mme Marie-Do Aeschlimann pose une vraie question, mais sa réponse ne me semble pas être la bonne.

Le livret de parcours inclusif comporte en effet des informations qui doivent rester à la seule disposition des professionnels, ainsi que Mme la rapporteure et Mme la ministre d'État l'ont excellemment dit.

En revanche, il est nécessaire d'améliorer le dialogue sur l'accueil des enfants à besoins éducatifs particuliers le plus tôt possible, sans retarder pour autant la mise en place du dispositif.

Mes chers collègues, je souhaite toutefois appeler votre attention sur un écueil : c'est à l'État qu'il revient d'assumer cette compétence. Souvenons-nous de notre récent débat sur la pause méridienne, que les collectivités ont pu être amenées à financer.

Bien entendu, il est toujours nécessaire d'améliorer le dialogue et la diffusion de l'information, mais gardons en tête que nous parlons d'une compétence de l'État, que celui-ci doit assumer. Ainsi que Pierre Ouzoulias l'a très bien souligné, soyons attentifs à tout transfert de charges vers les collectivités en la matière.

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour explication de vote.

Mme Mathilde Ollivier. Nous partageons le même constat : il est nécessaire de mieux inclure les collectivités locales dans la prise en charge des élèves en situation de handicap. Toutefois, le livret de parcours inclusif contient des données personnelles relatives aux enfants. Nous demandons justement, par un amendement que nous défendrons dans la suite de la discussion, d'améliorer la protection de ces données.

Ouvrir l'accès à ce livret à des élus locaux ou aux collectivités locales ne nous semble pas le bon outil pour améliorer l'accueil des élèves en situation de handicap et à besoins éducatifs particuliers.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 48 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 33 rectifié bis, présenté par MM. C. Vial, Burgoa et Sol, Mme Evren, M. Bruyen, Mmes Josende, P. Martin et Garnier, M. J.B. Blanc, Mmes Schalck, Dumont et Ventalon, MM. Chaize et Mouiller, Mme Petrus, MM. Belin, Genet et J.P. Vogel et Mmes Berthet et Lassarade, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer les mots :

à besoins éducatifs particuliers ou

La parole est à M. Cédric Vial.

M. Cédric Vial. Il s'agit d'un amendement de cohérence par rapport à un autre amendement que je présenterai plus tard.

Nous proposons, par cet amendement, de revenir sur l'appellation de « besoins éducatifs particuliers » et donc sur le sens de cette proposition loi, pour insister sur les besoins des enfants en situation de handicap.

Je le conçois, il est nécessaire de prendre en charge tous les accompagnements et de réaliser des plans personnalisés pour tous les enfants à besoins éducatifs particuliers. Néanmoins, je crains que le développement des PAS ne crée des entraves dans la prise en charge des plus de 513 000 enfants en situation de handicap actuellement accompagnés.

En effet, nous nous apprêtons à élargir ce périmètre à davantage d'enfants, sans que la définition des « enfants à besoins éducatifs particuliers » soit très claire et sans disposer d'évaluation précise du nombre d'enfants supplémentaires concernés.

Madame la ministre, combien d'enfants à besoins éducatifs particuliers supplémentaires devraient être pris en charge ? Parlons-nous de 100 000, de 200 000, de 500 000 ou bien même de 1 million d'enfants ? Nous n'en savons rien, alors que nous devons calibrer la taille des PAS et les politiques publiques par rapport au nombre d'enfants qui pourront y être accompagnés. Il faut clarifier ce point.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteur. Cet amendement vise à restreindre le périmètre du LPI, qui inclut actuellement tous les enfants à besoins éducatifs particuliers, aux seuls enfants en situation de handicap. Il s'agit d'une importante restriction : 80 % des LPI sont ouverts pour des enfants à besoins éducatifs particuliers, qui ne sont pas suivis par les MDPH.

Il me semble au contraire nécessaire de renforcer le partage d'informations pour mieux accueillir et accompagner les enfants à besoins éducatifs particuliers : avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Monsieur le sénateur, nous avons eu l'occasion d'échanger sur le sujet et je comprends votre préoccupation. Nous ne devons pas nous détourner des enfants en situation de handicap en cherchant à brasser trop large. Toutefois, les élèves à besoins éducatifs particuliers doivent bien être accompagnés.

Au demeurant, il est précieux que les différents intervenants puissent partager le plan d'accompagnement dans le LPI. En s'assurant que le déploiement de cet outil ne se fait pas au détriment des élèves en situation de handicap, il me semble utile de maintenir sa vocation et de couvrir tous les élèves qui ont besoin d'une attention particulière.

Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.

M. Cédric Vial. Je ne suis pas surpris par vos réponses, mesdames. Même si ce texte rencontre un large consensus auprès des membres de la commission de la culture, il s'agit là d'un point de désaccord qui m'oppose à la rapporteure.

Au-delà du désaccord, j'exprime une inquiétude. Nous nous apprêtons à généraliser un dispositif expérimental sans aucun recul sur sa mise en place, ni aucune vision des moyens qui lui seront dédiés, ni aucune évaluation sérieuse. Nous affichons une intention louable, mais nous ne savons pas où nous mettons les pieds ni quelles seront les conséquences de nos décisions.

Madame la ministre, j'appelle votre attention sur les difficultés techniques que le livret de parcours inclusif pourrait poser à l'échelon local. Il s'agit d'un outil complexe, puisque les droits d'accès seront différents selon le type de professionnel. Il est également nécessaire d'assurer une forme de droit à l'oubli pour qu'une information recueillie en maternelle ne suive pas nécessairement l'élève jusqu'à son entrée au lycée ou à l'université.

Ces précisions relèvent non pas du domaine de la loi, mais davantage de l'action du ministère lui-même. Il faut organiser ces choses, en faisant attention à la gestion des données contenues dans ce livret, qui seront non plus uniquement des appréciations relatives à un handicap ou à un certificat médical, mais aussi des informations relatives à des besoins éducatifs particuliers, définis selon une acception très large.

Madame la ministre, j'espère que vos services seront attentifs à ce point. Malgré ces réserves, je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 33 rectifié bis est retiré.

Mes chers collègues, je vais suspendre la séance ; elle sera reprise à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures,

est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Didier Mandelli.)

PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers.

Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l'examen de l'article 1er.

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers
Après l'article 1er

Article 1er (suite)

M. le président. L'amendement n° 16 rectifié ter, présenté par Mmes Monier et Brossel, MM. Kanner et Chantrel, Mme Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, MM. Ros et Ziane, Mmes Féret, Le Houerou, Lubin, Canalès et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

le personnel chargé du temps périscolaire

par les mots :

et les personnels chargé du temps périscolaire, du pôle d'appui à la scolarité et de la maison départementale des personnes handicapées

La parole est à Mme Colombe Brossel.

Mme Colombe Brossel. Prenons quelques instants pour parler du livret de parcours inclusif, qui constituait le cœur de cette proposition de loi jusqu'à ce que celle-ci soit phagocytée par un amendement intempestif du Gouvernement. Nous nous réjouissons que ce livret trouve une base légale au travers de ce texte, car c'est un outil utile et nécessaire.

La Défenseure des droits s'était saisie du sujet avant l'examen du texte par l'Assemblée nationale et, dans son avis du 5 juin dernier, elle s'est déclarée favorable à la généralisation, sur l'ensemble du territoire pour chaque enfant à besoins particuliers, du livret de parcours inclusif, désormais rebaptisé « outil numérique de partage » par notre rapporteure. Elle a néanmoins jugé opportun que l'on mentionne spécifiquement dans la loi que le coordonnateur du pôle d'appui à la scolarité et les professionnels des maisons départementales des personnes handicapées puissent disposer d'un accès à cet outil.

Notre amendement tend donc à répondre à cette demande, en associant à cet outil, en tant que de besoin, le personnel du pôle d'appui à la scolarité et de la MDPH, au même titre que le personnel chargé du temps périscolaire, mais seulement lorsque la situation de l'enfant le nécessite.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. Cette disposition reviendrait à limiter les informations auxquelles auront accès les MDPH et les PAS ; or ces deux organismes doivent avoir une vision globale des besoins de l'enfant pour évaluer au mieux ses besoins.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Cet amendement vise à traduire une recommandation de la Défenseure des droits. Aussi, le Gouvernement, qui ne l'interprète pas de la même manière que la commission, y est favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement et d'un sous-amendement.

L'amendement n° 1 rectifié ter, présenté par Mme Billon, MM. Lafon, Kern et S. Demilly, Mmes Patru et Doineau, M. Canévet et Mmes Sollogoub, Herzog, Guidez, Tetuanui, Saint-Pé, Vermeillet, Romagny, Housseau et Aeschlimann, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

, y compris en cas de formation professionnelle

La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. Cet amendement vise à garantir la portabilité du LPI pour les élèves à besoins éducatifs particuliers qui s'engagent dans la voie professionnelle. Qu'ils soient sous statut scolaire avec des périodes de formation en milieu professionnel ou en contrat d'apprentissage, leurs besoins doivent être suivis de façon continue.

En 2021, près de 100 000 élèves en situation de handicap étaient scolarisés dans les lycées professionnels – la Cour des comptes souligne d'ailleurs leur surreprésentation dans cette filière. La part des élèves handicapés progresse également au sein des apprentis, qui sont aujourd'hui 1 million.

Or, dans les faits, le suivi pédagogique se rompt souvent au moment du passage vers la voie professionnelle. Les points de rupture sont multiples : les adaptations pédagogiques prévues dans le projet personnalisé de scolarisation ne sont pas toujours transmises ; le suivi par un AESH devient incertain ; et, en entreprise, les besoins spécifiques sont parfois ignorés. Les jeunes en apprentissage sont les plus touchés, leur statut de salarié compliquant la coordination entre l'établissement, l'entreprise et la MDPH. Conséquence : une augmentation du nombre de décrochages, de renoncements et d'échecs. C'est un frein réel à l'inclusion, qui entre en contradiction avec le principe d'égalité des chances que nous soutenons.

Au travers de cet amendement, je propose un premier gage de continuité, en permettant aux équipes éducatives de suivre les besoins de l'élève en voie professionnelle.

Je précise pour finir qu'il n'est évidemment pas ici question d'ouvrir l'accès au LPI à l'employeur ; l'accès au dispositif resterait strictement limité au personnel de l'éducation nationale.

M. le président. Le sous-amendement n° 56, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Amendement n°1, alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

sous statut scolaire

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Ce sous-amendement tend à circonscrire l'application de l'amendement n° 1 rectifié ter aux apprentis qui sont sous statut scolaire, d'autant que l'amendement tend à maintenir l'accès des professionnels de l'éducation nationale au livret ; or l'action de cette dernière ne saurait aller au-delà du parcours scolaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. Actuellement, un jeune peut passer d'un statut scolaire à un statut d'apprentissage et inversement, y compris en cours d'année scolaire. Cela lui permet notamment de ne pas perdre une année scolaire si son apprentissage en entreprise se passe mal ou, au contraire, de commencer son année dans l'attente de trouver un apprentissage.

Avec le sous-amendement du Gouvernement, il n'y aurait plus aucune possibilité d'échange d'informations, pendant la période durant laquelle le jeune est sous statut professionnel, entre les différents acteurs : parents, MDPH, enseignant référent, établissement. Puis, le jour où le jeune repasserait sous statut scolaire, ces échanges redeviendraient possibles.

Par ailleurs, on trouve au sein de certaines classes des jeunes sous statut scolaire et d'autres sous statut d'apprenti, notamment dans l'enseignement agricole. Une telle mesure impliquerait deux modes différents de partage d'informations en fonction du statut de l'élève à besoins éducatifs particuliers ou en situation de handicap.

La commission n'a pu se prononcer sur ce sous-amendement, déposé ce matin, mais, à titre personnel, j'émets à son endroit un avis défavorable.

En revanche, la commission a émis un avis favorable sur l'amendement n° 1 rectifié ter en ce qu'il permet aux jeunes en alternance ou en apprentissage de bénéficier du partage d'informations via le LPI.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 1 rectifié ter si son sous-amendement n° 56 n'est pas adopté.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. J'entends les remarques de Mme la ministre, mais il me semble tout à fait possible de surmonter la difficulté technique qu'elle met en avant.

En outre, les arguments de la commission démontrent qu'il est absolument nécessaire d'adopter mon amendement sans le sous-amendement. Je partage à cet égard la position de Mme la rapporteure, que je remercie, et je ne comprends pas l'utilité du sous-amendement, dont l'adoption mettrait en difficulté les élèves engagés dans la voie professionnelle, alors que – je l'ai indiqué en défense de mon amendement – nombreux sont, parmi ces derniers, ceux qui ont des besoins particuliers et des handicaps ; ils sont même surreprésentés.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Madame la sénatrice Billon, je comprends votre objectif : il faut en effet pouvoir dépasser les statuts.

Simplement, on ne peut s'engager à le faire en l'état, sans avoir examiné l'ensemble des répercussions du dispositif. En outre, il y a d'autres moyens de favoriser cette liaison avec le jeune qu'une inscription dans la loi, notamment en étudiant les différents types de professionnels concernés.

M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.

Mme Colombe Brossel. Nous voterons l'amendement de bon sens de notre collègue Annick Billon.

Je vais profiter du temps de parole qu'il me reste pour être très légèrement taquine à votre égard, madame la ministre. Si l'on avait eu du Gouvernement une vision sur la politique publique de l'école inclusive, quelque vingt ans après son institution, que l'on nous eût soumis un projet de loi, comportant – c'est totalement anecdotique, j'en conviens… – une étude d'impact et des chiffrages, nous n'aurions pas ce type de discussion de marchands de tapis, sans vouloir minimiser l'intérêt de nos débats, mes chers collègues.

Nous sommes tout de même en train de parler – c'est tout aussi anecdotique… – de la scolarisation de près de 500 000 enfants dans ce pays ! Cet échange illustre magnifiquement le hold-up que le Gouvernement est en train de faire sur cette proposition de loi, car il est incapable de respecter le travail du Parlement, de le considérer comme important.

Chacun doit assumer ses responsabilités ; on ne peut pas concevoir ainsi l'avenir de plusieurs centaines de milliers d'enfants de notre pays.

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Lorsque j'ai l'occasion de dire mon plein accord avec Colombe Brossel, je ne m'en prive pas… (Sourires.)

Mme Colombe Brossel. Un miracle laïque ! (Nouveaux sourires.)

M. Max Brisson. Madame la ministre, vous avez des pudeurs soudaines : il faudrait, selon vous, attendre un certain nombre d'études avant d'admettre l'excellente disposition que notre collègue Annick Billon nous propose.

Vous démontrez ce faisant par « a plus b » que, comme nous l'avons souligné lors de la discussion générale, votre méthode n'est pas la bonne.

M. Pierre Ouzoulias. Exactement !

M. Max Brisson. Sur un tel thème, il aurait fallu un projet de loi, embrassant le sujet dans son ampleur, avec une étude d'impact, l'avis du Conseil d'État, bref tout sauf un amendement déposé au dernier moment à l'Assemblée nationale, qui est l'exact contraire de ce que vous venez de dire.

Le Sénat est parfois là aussi pour appeler le Gouvernement à un peu plus de cohérence…

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 56.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 8 rectifié ter, présenté par Mmes Monier et Brossel, MM. Kanner et Chantrel, Mme Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, MM. Ros et Ziane, Mmes Féret, Le Houerou, Lubin, Canalès et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après le mot :

détermine

insérer les mots :

les différents types de situations pour lesquelles le personnel chargé du temps périscolaire a accès à l'outil numérique de partage des informations,

La parole est à Mme Colombe Brossel.

Mme Colombe Brossel. Cet amendement vise à clarifier la notion, figurant à l'alinéa 3 de l'article 1er, de « situation » d'un enfant entraînant un besoin d'accès à l'outil numérique de partage et l'association à cet outil du personnel chargé du temps périscolaire.

La situation ainsi invoquée n'est pas définie et peut donc laisser place aux interprétations les plus diverses selon les territoires. Ce flou législatif peut être porteur d'insécurité juridique et ouvrir la porte à des contentieux qui, en cette matière, peuvent être nombreux. Ce flou est également de nature à créer des disparités sur le territoire : pour une situation semblable, le personnel périscolaire serait associé à l'outil ici, mais non là.

Pour sécuriser le dispositif, notre amendement tend à renvoyer au décret déjà prévu par la loi le soin de préciser les différents cas – les différentes « situations » – permettant au personnel périscolaire d'avoir accès à cet outil.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. Le décret prévu doit préciser les modalités d'application de cet article, ce qui inclut la définition des critères permettant de juger s'il est nécessaire d'ouvrir l'accès des informations contenues dans le LPI au personnel du périscolaire.

Cet amendement étant satisfait, la commission en demande le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 28, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Senée, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après le mot :

outil,

insérer les mots :

notamment pour les familles et les élèves,

La parole est à Mme Mathilde Ollivier.

Mme Mathilde Ollivier. Nous avions abordé le débat sur cet amendement en commission. J'avais alors demandé que les familles et les élèves puissent avoir accès au livret de parcours inclusif. Il m'avait été répondu que c'était déjà le cas pour les familles. Toutefois, cela ne l'est pas pour les enfants.

Nous proposons donc que les élèves puissent également avoir accès au livret de parcours inclusif. Cela correspond à l'une des suggestions de la Défenseure des droits.

Je suis prête à supprimer la référence aux familles et à ne conserver que la mention des élèves, afin de tenir compte de l'objection qui m'a été faite en commission, de sorte que, à partir d'un certain âge, les élèves puissent avoir accès au livret de parcours inclusif les concernant.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. Cet amendement est également satisfait, car le texte de la proposition de loi précise expressément que les représentants légaux de l'élève ont accès au partage d'informations.

Ainsi, même si le dispositif de l'amendement était rectifié, l'avis de la commission resterait défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Même avis.

Le code concerne la famille, donc aussi l'élève, qui est intégré au sein de celle-ci. C'est d'ailleurs déjà ainsi que les choses se passent dans la réalité, le livret est présenté à l'enfant.

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour explication de vote.

Mme Mathilde Ollivier. Vous l'avez dit vous-même, madame la rapporteure, ce sont les représentants légaux de l'élève qui ont accès au livret. Nous demandons que la mention des élèves figure expressément dans la loi. Il est très positif que le LPI soit déjà présenté aux élèves, mais il serait préférable que ces derniers soient explicitement mentionnés dans cet article.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 29, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

et les garanties de protection de ces données

II. – Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnels disposant d'un accès à l'outil numérique bénéficient d'une formation à son utilisation. »

La parole est à Mme Mathilde Ollivier.

Mme Mathilde Ollivier. Au travers de cet amendement, je propose de revenir sur la question de la protection des données contenues dans le livret de parcours inclusif.

Celui-ci contient des données personnelles sur des enfants en situation de handicap. Il est impératif de s'assurer de son strict encadrement et de la protection de ces informations. Nous proposons donc que seul le personnel formé puisse y accéder, comme le recommande la Défenseure des droits. Nous proposons également que les garanties de protection des données soient définies par décret.

La volonté de l'inclusion ne doit pas conduire à de la négligence. Le respect de la vie privée et de la protection des enfants doit rester une priorité, même dans l'usage des outils numériques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. N'alourdissons pas le texte de l'article 1er, au risque de le rendre illisible. Le décret prévu pourra prévoir des formations pour les utilisateurs institutionnels. La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Toutefois, l'examen de cet amendement est pour moi l'occasion d'insister, madame la ministre, sur la nécessité de renforcer la formation des enseignants à l'accompagnement des élèves à besoins éducatifs particuliers, notamment des handicapés. Pouvez-vous donc nous donner plus d'informations sur la nouvelle maquette pédagogique de la formation initiale des enseignants, notamment pour ce qui concerne l'école inclusive ? Une formation à l'utilisation du LPI est-elle par exemple prévue ?

M. Max Brisson. Bonne question !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Même avis sur l'amendement.

Quant à la formation des enseignants en matière d'école inclusive dans la nouvelle maquette pédagogique, elle dure cinquante heures.

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour explication de vote.

Mme Mathilde Ollivier. Je suis prête à retirer cet amendement si le Gouvernement peut fournir des garanties quant à la protection des données figurant dans ce livret et s'engager sur la formation de tout le personnel ayant accès à ce livret, afin que cette formation ait bien lieu et soit pertinente.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Le Gouvernement est tout à fait en mesure de prendre cet engagement. Sans inscrire ces dispositions dans le texte, afin d'éviter de l'alourdir, nous pouvons préciser ces dispositions par décret.

M. le président. Madame Ollivier, l'amendement n° 29 est-il maintenu ?

Mme Mathilde Ollivier. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 29 est retiré.

L'amendement n° 32 rectifié, présenté par MM. Laouedj et Fialaire, Mmes M. Carrère et Pantel, M. Roux, Mme Jouve, MM. Gold et Grosvalet, Mme Guillotin, M. Daubet, Mme Briante Guillemont et M. Cabanel, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par les mots :

et participent, dans la limite de leurs obligations de service, aux réunions des équipes éducatives et des équipes de suivi de la scolarisation prévues à l'article L. 112-2 du présent code

La parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. Cet amendement vise à formaliser la participation des AESH aux réunions des équipes éducatives et de suivi de la scolarisation, dans la limite de leurs obligations de services.

Alors que ces professionnels sont désormais reconnus comme membres de l'équipe éducative, leur présence aux temps de concertation est encore trop souvent aléatoire. La rédaction que nous proposons permettrait de sécuriser leur participation pour garantir la continuité et la cohérence de l'accompagnement des élèves handicapés, sans méconnaître les contraintes liées à leur statut.

Cette disposition permettrait d'aller dans le sens d'une véritable professionnalisation des AESH, sans alourdir leur charge de travail déjà extrêmement pesante.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. La commission demande le retrait de cet amendement au profit de l'amendement n° 34 rectifié ter de Cédric Vial, qui tend à instaurer une réunion trimestrielle entre les AESH, l'équipe pédagogique et les parents.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers
Article 1er bis

Après l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 6 rectifié, présenté par Mme Corbière Naminzo, MM. Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 112-4-1 du code de l'éducation, il est inséré un article L. 112-4-… ainsi rédigé :

« Art. L. 112-4-…. – Lors des épreuves orales des examens nationaux du diplôme national du brevet et du baccalauréat, les candidats bénéficiant d'un plan d'accompagnement personnalisé, d'un projet personnalisé de scolarisation ou d'un plan d'accompagnement global ont droit à une adaptation des critères de notation, en cohérence avec leurs besoins éducatifs particuliers.

« Cette adaptation peut inclure une pondération spécifique des critères d'évaluation, une appréciation différenciée de la communication verbale ou non verbale, ainsi que la prise en compte des modalités de restitution conformes aux aménagements mis en œuvre pendant la scolarité.

« Un arrêté du ministre chargé de l'éducation nationale fixe les modalités d'application du présent article, notamment les critères d'éligibilité, les modalités de constitution des barèmes différenciés et les procédures d'information des jurys d'examen. »

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Cet amendement de ma collègue Mme Corbière Naminzo, qui vous prie de l'excuser de ne pas pouvoir être avec nous cet après-midi, vise à rendre cohérentes les conditions de formation des élèves et les conditions de réalisation des examens y afférents.

Aujourd'hui, malheureusement, on demande à des élèves en situation de handicap de passer des examens dans des conditions qui ne sont absolument pas aménagées, qui ne correspondent pas toujours à leurs capacités. Par exemple, des élèves souffrant de troubles du comportement ne peuvent passer un oral comme les autres : il faut aménager cet examen. Nous proposons donc de rendre cohérent tout le parcours, depuis la formation jusqu'à l'examen.

Je précise que, sur la demande de la commission, nous avons rectifié notre amendement. Initialement, nous proposions une adaptation du barème de notation, nous proposons désormais une adaptation des critères du barème de notation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. Alors que les épreuves du baccalauréat ont lieu en ce moment, nous aimerions connaître, madame la ministre, les adaptations dans le barème de ces épreuves pour les élèves à besoins éducatifs particuliers souffrant d'une pathologie rendant difficile leur prise de parole.

En ce qui concerne cet amendement, eu égard à la modification que vous y avez apportée, mon cher collègue, la commission a émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Les conditions de passation de l'examen et les conditions d'évaluation doivent bien évidemment permettre de mesurer les compétences de l'élève en tenant compte de son handicap. Cela correspond à l'existant, nous y tenons.

En revanche, le fait de remettre en cause les critères d'évaluation déséquilibrerait complètement la valeur du diplôme préparé, qui est reconnue. Cela poserait un véritable problème en créant une rupture d'égalité entre les élèves.

Je fais donc bien la distinction entre les conditions de passation de l'examen et les critères de reconnaissance des compétences. Il faut être très prudent à ce sujet.

Du reste, la jurisprudence du Conseil d'État a toujours été sur cette ligne : avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Ce n'est pas le Conseil d'État qui fait la loi, c'est le Parlement, madame la ministre.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Cela n'empêche pas de citer sa jurisprudence, tout de même !

M. Pierre Ouzoulias. Je vous ai donné un exemple assez fort : un enfant qui souffre de troubles de l'autisme ne peut pas passer un oral comme les autres, ce n'est pas possible. Il faut que son oral soit aménagé pour lui permettre de s'exprimer.

Or, je suis désolé, ce que l'expérience montre, c'est que de telles situations existent. Le cadre légal actuel n'est donc pas satisfaisant. C'est pour cela que nous proposons de le modifier dans un sens favorable à ces enfants. À quoi cela sert-il d'adapter leurs conditions d'apprentissage si, in fine, ils sont soumis à des examens qu'ils ne peuvent passer du fait de leur propre handicap ? Ce n'est pas cohérent.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Non ! Je ne peux pas laisser dire cela !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Je ne peux pas vous laisser dire, monsieur le sénateur, que nous n'acceptions pas d'adapter les conditions de passation des examens, je viens d'expliquer exactement l'inverse !

Vous confondez les conditions de l'examen et les critères d'évaluation.

M. Pierre Ouzoulias. Ce n'est pas la pratique.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Que ce ne soit pas la pratique observée et qu'il faille améliorer les choses, je veux bien le reconnaître, mais vous proposez complètement autre chose.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.

Après l'article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers
Après l'article 1er bis

Article 1er bis

Le premier alinéa de l'article L. 112-2 du code de l'éducation est complété par une phrase ainsi rédigée : « L'équipe pluridisciplinaire consulte l'accompagnant de l'élève en situation de handicap ou l'enseignant de l'élève concerné, en tant que de besoin, à leur demande ou à la demande de l'élève ou de ses représentants légaux s'il est mineur. »

M. le président. L'amendement n° 52, présenté par Mme Belrhiti, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Supprimer les mots :

, à leur demande ou

II. – Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

L'accompagnant de l'élève en situation de handicap ou l'enseignant de l'élève concerné sont également consultés à leur demande.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. Il s'agit d'un amendement rédactionnel, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 34 rectifié ter, présenté par MM. C. Vial, Burgoa et Sol, Mmes Evren, Josende et P. Martin, M. J.B. Blanc, Mmes Schalck, Dumont et Ventalon, MM. Chaize et Mouiller, Mme Aeschlimann, M. Brisson, Mme Petrus, MM. Belin, Genet et J.P. Vogel, Mmes Berthet et Joseph et MM. Sido, P. Vidal et Delia, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Une réunion est organisée une fois par trimestre avec l'enseignant, l'accompagnant de l'élève en situation de handicap, l'enfant en situation de handicap ou ses représentants légaux s'il est mineur et le cas échéant l'éducateur de l'enfant.

La parole est à M. Cédric Vial.

M. Cédric Vial. Cet amendement a pour objet d'instaurer une réunion trimestrielle entre l'équipe pédagogique, qui intégrera désormais les AESH – c'est une avancée qu'il convient de noter –, et les représentants des familles.

Cette réunion convoquée une fois par trimestre sera pour les familles l'occasion de faire le bilan, d'échanger avec l'équipe enseignante, dont l'AESH, sur les besoins particuliers de l'enfant, sur la manière dont les mesures d'accessibilité ou d'accompagnement sont mises en œuvre, afin de savoir si cela lui permet d'atteindre les objectifs fixés, d'améliorer sa scolarité ou son autonomie. Cela devrait paraître naturel si l'on veut prendre soin de ses enfants. La réunion peut être très courte s'il n'y a pas grand-chose à dire, nous ne proposons pas de fixer une durée, mais il est essentiel d'organiser cette rencontre au moins une fois par trimestre.

Rendez-vous-en compte, aujourd'hui, l'AESH n'a pas le droit d'avoir de contact direct avec les parents !

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. Oui !

M. Cédric Vial. Nous proposons de changer les choses de ce point de vue, tout en les encadrant, en intégrant l'équipe enseignante, car il ne s'agit pas de placer l'AESH en ligne directe permanente avec la famille, indépendamment de l'enseignant, qui doit rester maître dans sa classe.

Cette réunion trimestrielle permettra de faire le point et d'associer l'AESH à des mesures éducatives et pédagogiques. Cette mesure s'inscrit dans la droite ligne de ce qu'a décidé la commission, à savoir l'intégration de l'AESH au sein de l'équipe pédagogique. Elle peut représenter, selon moi, une avancée importante pour garantir un suivi qualitatif de l'accompagnement de ces enfants.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. Je remercie M. Vial de son amendement, car il est primordial d'organiser et de systématiser ce temps d'échange périodique entre les enseignants, les AESH et les parents : avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Je remercie à mon tour M. le sénateur de cette proposition. Le Gouvernement émet également un avis favorable sur cet amendement.

Il est extrêmement important de réaffirmer la nécessité de ces temps de partage, qui permettent de mieux se comprendre, d'avancer ensemble, de partager l'information sur la façon dont l'enfant évolue, afin que l'ensemble des adultes qui l'entourent avance de conserve et dans la confiance.

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Cet amendement de Cédric Vial illustre parfaitement la façon dont la Haute Assemblée – le rapporteur, la commission, le Sénat réuni dans l'hémicycle – contribue à améliorer un texte qui, à l'origine, manquait quelque peu, c'est le moins que l'on puisse dire, de cohérence.

Nous avons fait en sorte que les AESH soient membres à part entière de la communauté éducative. Ma chère collègue Maryse Carrère, la communauté éducative n'est pas la communauté pédagogique. Il s'agit simplement d'instaurer un dialogue entre les enseignants et l'AESH, mais le fait que ceux-ci soient intégrés au sein de la communauté éducative ne fait pas d'eux des enseignants. Remettons les choses à leur juste place.

En revanche, ce temps de dialogue entre les parents et l'équipe pédagogique – j'insiste sur ce qualificatif – me semble être une excellente chose. Nous sommes donc en train d'améliorer ce texte par voie d'amendements.

Toutefois, je regrette pour ma part, madame la ministre, que tout cela n'ait pu être décidé simplement par le Gouvernement, dans le cadre de son pouvoir réglementaire. En effet, nous sommes en ce moment en train d'écrire le règlement qui va épaissir la partie législative du code de l'éducation. Nous entrons dans un niveau de détail excessif, nous nous occupons de sujets triviaux, mais nous n'en sommes pas responsables, c'est l'ossature originale du présent texte qui nous conduit aujourd'hui à faire du réglementaire, ce que nous n'aimons pas beaucoup au Sénat.

Simplement, nous nous plions à l'exercice, parce que ces mesures vont dans le bon sens…

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. J'adhère pleinement à ce qui vient d'être dit, il est tout de même curieux de faire figurer dans la loi cette exigence : instituer une réunion…

Cela dit, je vois dans cet amendement quelque chose de fondamental : l'octroi du statut d'éducateur aux AESH. Nous n'avions pas réussi à le faire clairement en raison des règles d'irrecevabilité au titre de l'article 40 de la Constitution, mais, petit à petit, grâce à vos amendements, monsieur Vial, nous sommes en train de donner un cadre d'emploi aux AESH. C'est fondamental et cela représente de surcroît une reconnaissance légitime pour eux.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. Oui !

M. Pierre Ouzoulias. Je vous remercie donc de votre amendement, mon cher collègue.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er bis, modifié.

(L'article 1er bis est adopté.)

Article 1er bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers
Article 1er ter

Après l'article 1er bis

M. le président. L'amendement n° 49 rectifié, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l'article L. 351-1 du code de l'éducation est ainsi rédigé :

« Chaque enfant dont le handicap ou le trouble de la santé invalidant ne permet pas ponctuellement la scolarisation dans les conditions prévues au précédent alinéa a le droit d'être accueilli dans un établissement de santé ou un établissement médico-social, et d'y recevoir un enseignement assuré par des personnels qualifiés relevant du ministère chargé de l'éducation. Ces personnels sont soit des enseignants publics mis à la disposition de ces établissements dans des conditions prévues par décret, soit des maîtres de l'enseignement privé dans le cadre d'un contrat passé entre l'établissement et l'État dans les conditions prévues par le titre IV du livre IV. »

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Douze ans après l'adoption de la loi sur l'école inclusive et vingt ans après la réforme de 2005, le nombre d'enfants handicapés scolarisés à l'école a connu une progression considérable.

Aujourd'hui, près de 500 000 enfants en situation de handicap sont désormais inscrits à l'école, contre environ 155 000 en 2006. Sur le plan statistique, le progrès est indéniable et nous nous en félicitons.

Cependant, sur le terrain, la situation est plus contrastée. Pour beaucoup de parents, le parcours inclusif est un parcours éprouvant, suspendu à l'affectation d'un ou d'une AESH. Les moyens déployés pour le recrutement de ces personnels essentiels à la mise en œuvre de la loi ne sont toujours pas à la hauteur des besoins. Leurs conditions de travail restent insatisfaisantes.

Sans la mobilisation et l'adaptabilité des équipes pédagogiques, sans la détermination des parents et sans l'implication des élus, la loi en question aurait été mise en échec. Dans certains territoires, les collectivités compensent les limites budgétaires du cadre imposé par l'État.

Alors que l'acte I de l'école inclusive n'est pas arrivé à son terme, il paraît prématuré de mettre en œuvre l'acte II.

Dans ce contexte, et malgré la mobilisation et la détermination que je viens d'évoquer, la scolarisation de certains enfants dans les écoles reste aujourd'hui encore matériellement impossible. Nous avons de nombreux témoignages.

Pour les parents, pour les personnels qui les accompagnent, l'annonce de la suppression des établissements spécialisés et l'intégration de leur personnel dans les écoles est inquiétante. La disparition de tels établissements les priverait de toute forme de scolarisation en attente du développement des moyens adéquats dans les écoles.

Cet amendement vise donc à instaurer un droit des enfants en situation de handicap à être accueillis dans une structure adaptée et à y recevoir un enseignement en attente du déploiement des moyens nécessaires. L'objectif est de ne laisser aucun enfant sans solution.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. Actons une réalité : le handicap de certains enfants ne leur permet pas de suivre une scolarisation ordinaire. Cet amendement tend à faciliter leur prise en charge, notamment lorsque, pour une période temporaire, le recours à un établissement médico-social est préférable : avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Le Gouvernement partage complètement l'intention des auteurs de cet amendement. Mais ce qui est proposé est déjà prévu à la fois par la loi de 2005 et par le décret de juillet 2024.

Le problème est plutôt de continuer à construire les solutions médico-sociales nécessaires. Et c'est ce que nous faisons avec le plan des 50 000 solutions, avec des places supplémentaires en instituts médico-éducatifs (IME), avec un certain nombre de places et de solutions externalisées dans l'école. Cela figure déjà dans la loi. Tout dépend ensuite des notifications attribuées par la maison départementale des personnes handicapées.

Cet amendement étant déjà satisfait, le Gouvernement en sollicite le retrait ; à défaut, il y sera défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.

Mme Colombe Brossel. J'aurai besoin de quelques précisions, afin de pouvoir voter de manière éclairée.

Monique de Marco nous propose d'inscrire un certain nombre de dispositions dans la loi. Mme la rapporteure s'y déclare favorable, mais Mme la ministre nous indique que c'est déjà dans la loi et qu'il s'agit simplement d'une question de moyens.

Dès lors, je me pose une question, peut-être un peu naïve. L'article 3 bis B prévoit, à la demande du Gouvernement, de généraliser sur l'ensemble des territoires un dispositif non évalué, celui des pôles d'appui à la scolarité et l'on nous assure qu'il n'y aura aucun problème de moyens. Pourquoi ce qui vaut pour les PAS ne vaudrait-il pas pour ce que Mme de Marco a soulevé ?

Quelles garanties budgétaires avons-nous que les moyens nécessaires seront bien mobilisés par le Gouvernement et, plus précisément, par le ministère de l'éducation nationale ?

Si, dans quelques mois, nous sommes amenés, ce que nous regretterions tous, à vous dire que le système ne fonctionne pas, vous nous répondrez sans doute encore qu'il n'est pas nécessaire d'inscrire les mesures concernées dans la loi et que c'est simplement une question de moyens…

Vous nous demandez de jouer aux apprentis sorciers avec la vie et l'avenir de centaines de milliers d'enfants en situation de handicap. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 49 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er bis.

Après l'article 1er bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers
Article 2

Article 1er ter

Avant le dernier alinéa de l'article L. 351-3 du code de l'éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'une décision d'attribution d'un accompagnement humain est prise par la maison départementale des personnes handicapées au bénéfice d'un élève en situation de handicap en application de l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles, l'affectation d'un accompagnant des élèves en situation de handicap intervient dans un délai d'un mois à compter de la notification de cette décision à la famille. »

M. le président. L'amendement n° 35 rectifié ter, présenté par MM. C. Vial, Burgoa et Sol, Mmes Evren, Josende, P. Martin et Garnier, M. J.B. Blanc, Mmes Schalck, Dumont et Ventalon, MM. Chaize, Mouiller et Brisson, Mme Petrus, MM. Belin, Genet et J.P. Vogel, Mmes Berthet, Joseph et Lassarade et MM. Sido, P. Vidal et Delia, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Remplacer les mots :

des élèves en situation de handicap intervient dans un délai d'un mois à compter de la notification de cette décision à la famille

par les mots :

d'élève en situation de handicap intervient au plus tard le premier jour des vacances scolaires suivant cette décision

II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, lorsque la décision intervient moins d'un mois avant le début d'une période de vacances scolaires, la mise en place de l'accompagnement intervient au plus tard à l'issue des vacances scolaires suivantes. Cette disposition n'est pas applicable pour les demandes formulées dix semaines avant la fin de l'année scolaire pour lesquelles les accompagnants d'élève en situation de handicap sont affectés quinze jours avant le début de l'année scolaire qui suit. »

La parole est à M. Cédric Vial.

M. Cédric Vial. Il s'agit d'une mesure d'organisation.

Actuellement, la MDPH a quatre mois pour se prononcer sur une mesure d'accompagnement, notamment de compensation. Dès que l'éducation nationale reçoit la notification de la MDPH, elle met en place ce qui lui est notifié au fil de l'eau.

Le texte prévoyait un délai d'un mois. Pourquoi pas quinze jours ? Ou trois jours ?

Nous savons bien que l'éducation nationale n'a pas la capacité de procéder ainsi. Lui demander d'organiser les choses au fil de l'eau, c'est en réalité désorganiser tout le système. Quand peut-elle recruter de nouveaux agents ? Si elle doit réorganiser le planning pour ajouter dix-huit heures à un enfant, elle va prendre six heures à trois autres enfants en cours d'année ou au cours du mois. Cela se passe comme ça sur le terrain. Il n'y a aucune réflexion préalable.

En l'occurrence, nous proposons de mettre un peu d'ordre. Comme l'a souligné mon collègue Brisson, cela aurait pu se faire sans nous, mais, visiblement, ce n'est pas le cas.

Nous suggérons donc des affectations par session. Les AESH seraient affectés à la rentrée scolaire après chaque période de vacances – Toussaint, Noël, février, Pâques. Cela permettrait à l'éducation nationale d'avoir des cohortes d'AESH à gérer et de le faire sans désorganiser les plannings chaque semaine ; elle pourrait ainsi procéder aux recrutements nécessaires en fonction des notifications arrivées durant le trimestre précédent.

Même sur la formation, une telle gestion apporterait – nous le verrons tout à l'heure – plus de fluidité et permettrait d'améliorer l'organisation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. Je vois un autre bénéfice au dispositif proposé par les auteurs de cet amendement : les AESH sont recrutés au début des vacances scolaires, ce qui leur laisse la possibilité de se former pendant celles-ci, avant leur prise de poste, et permet aux académies d'organiser des sessions de formation à chaque période de vacances pour intégrer ces nouveaux personnels. Pour les vacances d'été, le recrutement a lieu quinze jours avant le début de l'année scolaire.

En d'autres termes, il s'agit d'une formation sur le temps de travail, mais en dehors du temps de présence devant l'élève. C'est un compromis qui me semble intéressant.

La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Je pense que c'est une avancée importante pour nous permettre de mieux gérer la formation préalable des AESH et de structurer leur arrivée dans les établissements : avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 47 rectifié quater, présenté par Mme Aeschlimann, MM. Burgoa, Naturel et J.B. Blanc, Mme Petrus, MM. Genet et Sido, Mmes Billon et Ciuntu, M. Belin et Mmes Canayer, Evren et Dumas, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Lorsque cette décision mentionne la nécessité d'un accompagnement sur les temps périscolaires, la collectivité territoriale compétente est informée sans délai.

La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Cet amendement vise à garantir la continuité de l'inclusion pour les enfants en situation de handicap, y compris en dehors du temps scolaire.

Nous souhaitons que la maison départementale des personnes handicapées, lorsqu'elle identifie un besoin d'accompagnement humain pour accéder aux activités périscolaires, en informe immédiatement la collectivité territoriale concernée. Ce partage d'informations, aujourd'hui trop souvent défaillant et même inexistant, est indispensable. Il permet aux collectivités d'anticiper, de mobiliser les moyens nécessaires et, surtout, d'assurer à l'enfant son inclusion pleine et entière dans les temps de la vie scolaire et de la vie périscolaire.

Les élus locaux le disent haut et fort : ils ne peuvent pas organiser une inclusion de qualité à l'aveugle. L'inclusion ne se décrète pas d'en haut : elle s'organise concrètement sur le terrain en lien étroit avec tous les acteurs, comme vous l'avez souligné dans votre intervention liminaire, madame la ministre d'État. Mais il faut leur donner les moyens de le faire.

Mes chers collègues, une telle mesure ne saurait suffire si le fonctionnement des MDPH n'était pas renforcé à la hauteur des besoins. Et j'ai moi-même récemment interpellé le Gouvernement sur la MDPH de mon département, les Hauts-de-Seine, où les délais de traitement étaient particulièrement importants, puisqu'ils pouvaient aller jusqu' à douze mois.

Par conséquent, je propose que la notification de la mesure d'accompagnement sur le temps périscolaire soit communiquée sans délai, le plus tôt possible, aux collectivités locales concernées pour faciliter l'accueil de l'enfant dans de bonnes conditions.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. Sur le temps périscolaire, à l'exception de la pause méridienne, c'est la collectivité territoriale qui est compétente et responsable de la mise en place d'un accompagnement humain lorsque celui-ci est prévu par la MDPH. Dès lors, il est important que la collectivité soit effectivement prévenue sans délai pour qu'il puisse être mis en œuvre.

Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.

M. Cédric Vial. Je me réjouis de ce double avis favorable, même si je suis surpris.

Jusqu' à présent, la notification se fait à la famille. Et c'est celle-ci qui est propriétaire de la notification et qui la porte ensuite à connaissance, comme un avis médical. En d'autres termes, c'est secret : la famille n'est pas obligée de porter à connaissance. Parfois, nous le regrettons, notamment sur le temps scolaire, quand nous devons mettre en place des mesures d'accompagnement, ou sur le temps méridien. Mais jusqu'à présent, il fallait attendre que la famille porte la notification à la connaissance de l'établissement ou de la collectivité.

J'y insiste je me réjouis de l'adoption probable de cet amendement. Toutefois, cela signifie que, sur le temps périscolaire, une notification sera adressée directement à la collectivité, alors qu'il n'y en aura pas sur le temps scolaire ou sur le temps méridien.

Je me félicite du dispositif proposé par Mme Aeschlimann. C'est une avancée. Je pense qu'il faudra tout de même réfléchir à une harmonisation des notifications d'ici à la réunion de la commission mixte paritaire, car ce que nous faisons ne me paraît pas très conventionnel.

M. Pierre Ouzoulias. Ce n'est pas faux !

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Durant la discussion générale, j'ai rappelé que l'inclusion ne s'arrête pas à la sortie de l'école.

Je remercie notre collègue Marie-Do Aeschlimann de son amendement, auquel je regrette de ne pas avoir pensé moi-même.

Aujourd'hui, un enfant sur trois n'a pas de solution en centre de loisirs ou en accueil périscolaire. Par conséquent, si nous pouvons avancer sur le sujet, c'est une très bonne chose.

Je voterai cet amendement et je me réjouis du double avis favorable de la commission et du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47 rectifié quater.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er ter, modifié.

(L'article 1er ter est adopté.)

Article 1er ter
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers
Après l'article 2 (supprimé)

Article 2

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 9 rectifié ter est présenté par Mmes Monier et Brossel, MM. Kanner et Chantrel, Mme Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, MM. Ros et Ziane, Mmes Féret, Le Houerou, Lubin, Canalès et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L'amendement n° 22 rectifié est présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le titre IV du livre II de la première partie du code de l'éducation est complété par un chapitre ... ainsi rédigé :

« Chapitre ...

« Observatoire national de la scolarisation et de l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap

« Art. L. 243-1. – L'Observatoire national de la scolarisation et de l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap a pour missions de collecter et de diffuser les données relatives à la scolarisation, la formation et l'insertion professionnelles des personnes en situation de handicap, d'assurer le suivi de la mise en œuvre des politiques publiques en faveur de l'éducation inclusive et de l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap, et de diffuser des études et des analyses sur les parcours scolaires et d'insertion des personnes en situation de handicap.

« La composition, les modes de désignation des membres et les règles de fonctionnement de l'Observatoire sont fixés par décret. » 

La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour présenter l'amendement n° 9 rectifié ter.

Mme Marie-Pierre Monier. Cet amendement vise à rétablir l'Observatoire national de la scolarisation et de l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap, qui était prévu dans la version initiale de la proposition de loi.

Cet observatoire aura pour mission de collecter et de publier des données, études et analyses, et de suivre la mise en œuvre des politiques publiques en faveur de l'éducation inclusive et de l'insertion professionnelle.

Dans son rapport de septembre 2024 sur l'inclusion scolaire des élèves en situation de handicap, la Cour des comptes soulignait les lacunes en matière de suivi statistique des élèves et des intervenants éducatifs, et mettait en avant la nécessité d'une analyse plus fine des données statistiques pour être en capacité de prévoir l'évolution à venir des effectifs et anticiper les besoins du système scolaire pour les accueillir dans des conditions adaptées et mieux prendre en compte les données sur la trajectoire, le temps de scolarisation réelle des élèves, leur performance scolaire ou leur bien-être.

La direction générale de l'enseignement scolaire (Dgesco) a d'ailleurs admis, dans le cadre de ce rapport, qu'il n'existe pas d'outil permettant de mesurer les effets de la politique inclusive sur les réussites éducatives ni les effets des adaptations pédagogiques dont ils bénéficient.

Ce manque d'indicateurs et de données précises pour mieux rendre compte de la politique d'inclusion scolaire est également souligné par les acteurs de terrain, à l'instar des associations représentant les personnes en situation de handicap, des syndicats de personnels enseignants, des collectifs d'AESH.

Par conséquent, la création d'un observatoire indépendant nous permettra de progresser sur ce point, indispensable si nous voulons réellement basculer d'une approche quantitative à une approche qualitative de l'inclusion.

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour présenter l'amendement n° 22 rectifié.

Mme Mathilde Ollivier. La nécessité que ma collègue vient d'évoquer est aussi soulignée par la Cour des comptes, qui, dans son rapport du mois de septembre 2024, déplore l'absence dramatique de données permettant d'évaluer sérieusement l'efficacité de notre politique d'inclusion scolaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. La commission a émis un avis favorable sur ces deux amendements identiques, tout en s'interrogeant sur leur pertinence. (Exclamations amusées.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Si nous partageons tous la nécessité d'avoir des données précises, afin de pouvoir piloter l'action publique sur cette base, les réflexions qui se sont tenues à l'Assemblée nationale nous conduisent à privilégier un rapport.

Un observatoire est une instance de suivi ; or il en existe déjà une : le Comité national de suivi de l'école inclusive (CNSEI). Pour la clarté du suivi et du pilotage des politiques, nous préférons ne pas créer de nouvelle instance, mais plutôt renforcer celle qui existe.

Les données que vous réclamez sont nécessaires, mais l'Assemblée nationale a opté pour la remise d'un rapport : avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Avec tout le respect que j'ai pour mes deux collègues auteures de ces amendements, si nous nous rejoignons sur les objectifs, le dispositif envisagé est, nous le voyons bien, inutile.

À l'heure où nous essayons de limiter les instances et de simplifier, je ne vois pas l'intérêt de ce nouvel observatoire. Je voterai donc contre ces deux amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Nos collègues auteures de ces deux amendements pointent une réalité : la faiblesse de la connaissance de l'école inclusive. Comme nous l'avons souligné au cours de nos débats, la réponse a été essentiellement quantitative. Or il y a un besoin de pilotage et de connaissance.

En commission, la rapporteure a émis un avis favorable, afin de ne pas trop charger la barque en demandes de rapport dans le code de l'éducation, qui n'est pas fait pour cela.

L'éducation nationale a les moyens d'avoir une connaissance plus fine, avec la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) ou le CNSEI. De même, le Sénat peut lancer des missions d'information.

Sachant que nous ne sommes pas favorables aux demandes de rapport et face au très grand nombre de demandes en la matière, Mme la rapporteure, fidèle à l'esprit de consensus qui nous anime, a émis un avis favorable sur ces deux amendements identiques.

Mais, dans cette maison, nous avons décidé de faire la chasse aux comités Théodule : l'heure n'est plus à la création d'observatoires de ceci ou de cela, à plus forte raison quand – Mme la ministre l'a souligné – il en existe déjà.

Par conséquent, et sans vouloir faire de peine à notre rapporteure, dont l'avis favorable m'a au demeurant paru assez nuancé (Sourires.), je vous invite à rejeter ces deux amendements.

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour explication de vote.

Mme Mathilde Ollivier. Le manque d'informations a été souligné par la Dgesco, voire par la Cour des comptes. Mme la rapporteure a dressé le même constat.

Nous sommes tous d'accord ici pour dire que nous manquons de données relatives à l'école inclusive, notamment sur l'accueil des enfants en situation de handicap et à besoins particuliers.

Mme la ministre a indiqué qu'il existe déjà une instance. Comme nous souhaitions avoir un rapport, cette dernière aurait pu le produire ; cela nous aurait permis de disposer des informations qui nous font aujourd'hui défaut…

L'observatoire dont nous proposons la création a le même objet. C'est le sens de nos deux amendements identiques, que je vous encourage à adopter.

M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.

M. Cédric Vial. Nous sommes d'accord sur un point : l'intention.

Nous sommes en désaccord sur deux points : premièrement, il n'est pas nécessaire d'avoir un observatoire ; deuxièmement, il n'est pas vrai qu'il y ait déjà une instance dédiée.

Aujourd'hui, nous manquons d'informations. Je vous invite à consulter un excellent rapport d'information de la commission de la culture, rédigé voilà deux ou trois ans sous l'autorité du président Laurent Lafon et intitulé Modalités de gestion des AESH, pour une école inclusive.

M. Laurent Lafon, président de la commission. Un rapport dont vous êtes l'auteur ! (Sourires.)

M. Max Brisson. Excellent rapport, en effet ! (Sourires.)

M. Cédric Vial. Je vous donne lecture de sa recommandation n° 17 : « Charger la direction de l'évaluation, de la perspective et de la performance (Depp) du ministère de l'Éducation nationale d'un suivi qualitatif, local et national, de la population des AESH, et de la mise en place d'indicateurs, préalables à une évaluation de la performance de la politique publique en faveur de l'accompagnement humain des enfants en situation de handicap. »

À l'époque, et c'est toujours le cas aujourd'hui, nous n'avions pas d'étude de cohorte qui nous aurait permis de savoir d'où viennent les AESH et où ils vont ensuite. Comment peut-on avoir une vraie politique d'évaluation et de suivi sans disposer de ces données ? C'est le travail du ministère et de ses directions, comme la Depp ou la Dgesco. À défaut, nous ne pourrons pas évaluer et suivre efficacement la politique mise en place.

Nous parlons de milliards d'euros et de 150 000 AESH. Nous avons besoin de données. Il n'est pas vrai qu'une instance existe déjà. Mais il n'y a pas besoin d'un nouvel observatoire. Nous souhaitons que ce travail nécessaire soit pris en charge par le ministère.

Mesdames les ministres, nous comptons sur vous pour cela.

M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.

Mme Colombe Brossel. Finalement, nous en sommes réduits à faire des demandes – dans mon amendement suivant, je solliciterai un rapport d'évaluation, au risque de décevoir Max Brisson ! (Sourires.) – dont nous savons qu'elles ne seront pas satisfaites, parce que nous ne disposons pas des informations complètes dont nous avons besoin pour faire notre travail de parlementaires. Il faut tout de même en avoir conscience.

Nous sommes en train de discuter de près de 500 000 enfants en situation de handicap et de celles et de ceux qui sont devenus la deuxième catégorie d'emplois au sein de l'éducation nationale, les AESH, sans avoir les outils pour exercer notre mandat. Je ne sais pas si le ministère de l'éducation nationale et son administration ont les moyens de piloter et d'évaluer cette politique. Comme disait ma grand-mère, poser la question, c'est y répondre !

Notre souci est d'avoir une politique publique qui soit à la hauteur des enjeux, des besoins et des difficultés que vivent les familles, les accompagnateurs, les éducateurs et les enseignants. Or nous n'avons pas les outils adéquats.

Certes, je connais la position de la majorité sénatoriale à cet égard. Mais sans outils d'évaluation de politique publique, on ne fait pas de bonne politique publique. Et c'est malheureusement à cette situation que nous sommes confrontés aujourd'hui…

M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Je suis d'accord pour dire que nous ne manquons pas d'instances. Je pense notamment au CNSEI, auquel les parlementaires devraient effectivement être associés.

M. Cédric Vial. Ils le sont déjà !

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Tant mieux !

Je partage tout ce qui a été indiqué sur la nécessité de mieux structurer notre politique d'évaluation. Nous avons une enquête de rentrée, mais nous manquons vraiment de données de pilotage de cette politique publique.

Je m'engage donc à faire en sorte que mes services effectuent ce travail, en lien avec le Parlement – inutile de créer une nouvelle instance –, afin de définir les informations dont nous avons besoin pour piloter efficacement cette politique.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9 rectifié ter et 22 ter.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'article 2 demeure supprimé.

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers
Article 3

Après l'article 2 (supprimé)

M. le président. L'amendement n° 23, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article L. 112-1 du code de l'éducation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il développe des outils statistiques et rend publiques les données permettant d'évaluer la mise en œuvre des politiques publiques en faveur de la scolarisation et de l'insertion professionnelle des enfants et adolescents en situation de handicap. »

La parole est à Mme Mathilde Ollivier.

Mme Mathilde Ollivier. Je reviens sur le sujet.

Nous n'avons ni données fiables, ni suivi en temps réel de la scolarisation, ni analyse de l'impact sur la réussite scolaire des politiques menées. Résultat : il est impossible de savoir ce qui fonctionne et ce qui échoue.

Par cet amendement, nous proposons de créer une obligation légale pour l'éducation nationale de développer des outils statistiques solides, de publier les données et, enfin, de se donner les moyens d'évaluer pour mieux agir.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. Nous venons d'avoir ce débat : avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 10 rectifié ter, présenté par Mmes Monier et Brossel, MM. Kanner et Chantrel, Mme Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, MM. Ros et Ziane, Mmes Féret, Le Houerou, Lubin, Canalès et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 31 décembre 2025, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport de bilan de l‘expérimentation des pôles d‘appui à la scolarité, menée dans quatre départements. Il évalue l'impact de ce nouvel organe sur l'attribution d'aides aux élèves à besoins éducatifs particuliers ou en situation de handicap et sur les conditions d'exercice des professionnels intervenant auprès de ces élèves.

Il évalue aussi l'impact du passage des pôles inclusifs pour l'accompagnement localisés aux pôles d'appui à la scolarité ainsi que celui de la généralisation des pôles d‘appui à la scolarité.

La parole est à Mme Colombe Brossel.

Mme Colombe Brossel. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain demande au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport. (M. Max Brisson sourit.) Mais pas n'importe quel rapport : un rapport dressant le bilan de l'expérimentation des pôles d'appui à la scolarité menée dans quatre départements.

Dans quelques minutes, nous examinerons « l'amendement coucou » ou « l'amendement hold-up » du Gouvernement qui, se saisissant de cette proposition de loi, sans étude d'impact, sans évaluation, sans chiffrage, sans possibilité réelle d'amender – j'y reviendrai –, nous demande d'élargir à l'ensemble des départements les pôles d'appui à la scolarité.

Nous, nous demandons, avant une généralisation, après une expérimentation, que soit remis au Parlement un rapport d'évaluation.

Honnêtement, je n'ai pas l'impression de demander des choses extraordinaires, ni en termes de politique publique ni au regard de notre rôle de parlementaires.

Sur la base de quels éléments quantitatifs ou qualitatifs nous demandez-vous aujourd'hui de généraliser une expérimentation ? Certes, pas tout à fait aucun, puisque votre conseiller parlementaire a envoyé à Marie-Pierre Monier – nous l'en remercions – des éléments reçus très récemment et qui ne sont pas encore consolidés. Mais ces éléments n'existaient même pas lorsque le Gouvernement a présenté son amendement de généralisation des PAS à l'Assemblée nationale.

Encore une fois, nous parlons de sujets graves, qui touchent à la vie quotidienne de plusieurs centaines de milliers de personnes. Il ne me paraît pas illégitime de demander une évaluation. Elle doit exister : pour généraliser, on évalue.

Nous demandons que cette évaluation soit transmise en toute transparence.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Madame la sénatrice, nous vous avons en effet transmis l'évaluation d'étape qui a été rendue.

Un travail très sérieux est effectué par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap), avec une mission spécifique en cours de la Dgesco.

Nous disposons donc aujourd'hui de différents éléments et nous vous transmettrons le rapport définitif. Cela ne nécessite pas une inscription dans la loi.

En tout état de cause, vous pouvez compter sur moi pour vous transmettre tous les éléments qui nous ont convaincus de l'importance d'accélérer ce déploiement des PAS et d'engager une généralisation, afin de mieux accompagner les élèves en situation de handicap et les élèves à besoins particuliers.

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour explication de vote.

Mme Mathilde Ollivier. Ma question est simple. Nous sommes le 19 juin 2025. L'expérimentation des PAS a commencé au mois de septembre 2024. Pour notre part, nous n'avons pas reçu les éléments qui ont été transmis à nos collègues socialistes. Sur quoi se base l'évaluation ? Sur six mois, de septembre 2024 à mars 2025, de mise en place des PAS ? Est-ce sur cette base que vous comptez généraliser le dispositif à l'ensemble des départements ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Sans anticiper sur le débat que nous aurons dans quelques instants, je tiens à préciser que si nous avons voulu mobiliser pleinement les PAS, c'est parce que ce sont des moyens supplémentaires apportés aux enfants et aux enseignants.

Les PAS représentent des moyens supplémentaires pour répondre aux besoins criants que vous connaissez tous et que vous avez tous décrits.

Il est vrai que la généralisation s'accélère alors que l'expérimentation n'a été lancée que récemment. Toutefois, les PAS ont été présentés devant le Comité national de suivi de l'école inclusive et les acteurs qui participent au dispositif les plébiscitent.

Le Gouvernement a pleinement conscience du fait que nous manquons encore de visibilité sur cette évaluation.

Mme Mathilde Ollivier. Et sur les moyens !

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Nous devons compléter les outils d'évaluation et le faire de façon très rationnelle.

L'école inclusive a besoin, d'abord et avant tout, de moyens supplémentaires ; or c'est précisément ce qu'apportent les pôles d'appui à la scolarité.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre Monier. Je suis d'autant plus inquiète que je ne suis même pas certaine que l'expérimentation ait vraiment duré six mois dans les quatre départements concernés. Certains PAS auraient été mis en place en septembre, d'autres plus tardivement.

Par ailleurs, les représentants de la MDPH de Paris, que nous avons auditionnés, nous ont indiqué que seulement 80 PAS étaient prévus à Paris pour remplacer les 160 Pial actuels. Il semblerait donc que l'on s'inscrive dans une logique de récupération de moyens a minima.

Enfin, je ne vois pas l'urgence qu'il y aurait à généraliser le dispositif dès à présent. Nous aurions très bien pu attendre de disposer d'une année complète d'expérimentation dans les quatre départements.

M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. C'est très simple, madame la sénatrice : l'urgence, c'est de répondre aux besoins des enfants. (Mme Marie-Pierre Monier s'exclame.)

Il s'agit de faire travailler ensemble des enseignants spécialisés de l'éducation nationale et – c'est inédit – des personnels médico-sociaux, afin de mieux évaluer les besoins de nos élèves, d'anticiper les réponses les mieux adaptées et de les mettre en place le plus rapidement possible.

C'est la raison pour laquelle ma collègue Charlotte Parmentier-Lecocq et moi-même souhaitons accélérer.

M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.

Mme Colombe Brossel. Je ne suis pas sûre, madame la ministre, qu'il faille toujours légiférer dans l'urgence.

Prenons un exemple issu des auditions menées par la rapporteure et qui met en lumière un problème qui aurait pu – qui aurait dû – être réglé au niveau ministériel. Car ce n'est pas à nous, parlementaires, d'endosser la responsabilité de décisions qui mettent les familles en difficulté.

Les PAS permettent de prêter aux familles et aux enfants en situation de handicap du matériel adapté sans passer par une notification de la MDPH. Voilà qui est très bien et qui permet de gagner du temps. Parfait ! Sauf qu'à partir du moment où il faut, par exemple, trois heures d'ergothérapeute pour prendre en main ce nouvel équipement, une prise en charge par la MDPH est nécessaire… Cela ne se dit peut-être pas au Parlement, mais vous nous demandez de généraliser un truc de zinzin !

Il y avait pourtant d'autres façons de régler le problème. On aurait pu, par exemple– il y a suffisamment de gens compétents au ministère pour y travailler –, assortir chaque attribution de matériel adapté d'un forfait de trois heures d'ergothérapeute et le problème aurait alors été réglé.

Le fait est que, dans le cadre d'une proposition de loi, toutes les initiatives parlementaires sont soumises à l'article 40 de la Constitution. À la fin, nous voterons donc un texte généralisant les PAS sans avoir réglé ce genre de problème. Et nous devrions tous dire aux familles, aux parents d'enfants en situation de handicap que les PAS permettront d'avoir plus rapidement du matériel adapté ? Ce ne serait que mensonge ; et mentir, quand on élabore des politiques publiques, c'est délétère. (Marques de protestation au banc des ministres, ainsi qu'au banc des commissions.)

Voilà le problème : nous avions les moyens de régler ce type de situation, mais on ne peut pas le faire ici et certainement pas de cette façon.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Mesdames les ministres, bien que très intéressants, vos arguments ne sont pas aussi consistants – je le regrette – que l'aurait été l'étude d'impact d'un projet de loi. (Mmes Colombe Brossel et Marie-Pierre Monier acquiescent.)

Nous avons là une proposition de loi d'appel et vous y répondez par un amendement ; or l'on sent bien que notre discussion est totalement contrainte par ce dispositif, qui n'est absolument pas satisfaisant.

Je doute qu'en travaillant de cette façon nous rendions service à l'éducation inclusive.

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Je souhaite que nous revenions à l'amendement n° 10 rectifié ter de Mme Monier. (Sourires.)

Nous nous y opposons, simplement parce qu'il s'agit d'une demande de rapport.

Nous avons dit et répété que nous trouvions la méthode exécrable. Je rejoins Pierre Ouzoulias : nous sommes en train de bricoler sur un dispositif sans avoir le recul nécessaire.

Inscrire une demande de rapport dans le code de l'éducation n'y changera rien. De grâce, protégez le code de l'éducation ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Permettez-moi, madame la sénatrice, de rebondir sur votre exemple.

Les pôles d'appui à la scolarité permettent précisément à l'enfant de bénéficier immédiatement de l'appui d'un ergothérapeute pour se former à l'outil sans attendre la notification de la MDPH. Puisque des ergothérapeutes sont présents dans les PAS, il s'agit d'avancer en parallèle et de le faire tout de suite. (M. Max Brisson s'exclame.)

Voilà pourquoi il est indispensable d'accélérer et voilà pourquoi, bien évidemment, nous continuerons d'évaluer le dispositif. Nous pouvons très bien le faire en continu, afin de l'ajuster et de l'améliorer.

Je le répète, madame la sénatrice, ces moyens supplémentaires répondront très clairement au type de situation que vous évoquez. L'enfant n'attendra plus six mois ou un an pour être formé à l'outil dont il a besoin.

Voilà ce que sont les pôles d'appui à la scolarité ; voilà pourquoi nous voulons accélérer.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Après l'article 2 (supprimé)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers
Après l'article 3

Article 3

Le code de l'éducation est ainsi modifié :

1° (nouveau) L'article L. 112-5 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette formation porte également sur les adaptations pédagogiques aux besoins de l'élève. » ;

2° (Supprimé)

M. le président. L'amendement n° 13 rectifié ter, présenté par Mmes Monier et Brossel, MM. Kanner et Chantrel, Mme Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, MM. Ros et Ziane, Mmes Féret, Le Houerou, Lubin, Canalès et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Lorsqu'elle est dispensée au titre de la formation continue, cette formation est organisée pendant le temps de service.

La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.

Mme Marie-Pierre Monier. Cet amendement vise à garantir que la formation continue des enseignants et personnels à l'accueil et l'éducation des élèves en situation de handicap ainsi qu'aux adaptations pédagogiques à leurs besoins se déroule durant leur temps de service.

Les missions confiées aux enseignants et personnels de l'éducation sont sans cesse plus nombreuses. Le temps des professeurs hors de l'établissement est déjà amplement occupé par la préparation des cours, la correction des copies, la recherche de matériel pédagogique ou de soutien, les temps de rencontre avec les parents d'élèves ou encore par de multiples réunions.

Pour les enseignants du premier degré, les choses sont claires : un décret précise la destination des 108 heures annuelles d'obligations de service, qui comprennent 18 heures de formation continue.

Dans le second degré, la situation est plus compliquée, puisque la formation continue n'est pas obligatoire et qu'il n'y a pas de différenciation entre temps de service et temps passé devant les élèves.

Comme nous l'avons vu récemment, la tentation est grande pour certains ministres d'imposer des temps de formation continue hors du temps de service.

Cet amendement est donc un amendement d'équité et de bon sens. Dans quelle autre profession imaginerait-on envoyer des personnels en formation durant leur temps de congé ?

M. Max Brisson. Il ne s'agit pas de temps de congé !

Mme Marie-Pierre Monier. C'est aussi un amendement pragmatique, qui tient compte de la réalité du terrain.

Des représentants de syndicats de chefs d'établissement nous expliquaient récemment que l'injonction à former hors du temps scolaire n'était pas opérante pour une simple et bonne raison : les personnels ne répondent pas à l'appel.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. Un récent rapport remis au nom de la commission des finances par notre collègue Olivier Paccaud montre que le nombre d'absences de longue durée non remplacées au collège et au lycée a doublé entre 2018 et 2024. Dans le premier degré, la hausse est de 49 %.

Les raisons en sont multiples. Je pense, par exemple, en cette période de baccalauréat, à la participation aux jurys d'examen. Imposer la réalisation de la formation continue pendant le temps de service entraînerait une nouvelle hausse du nombre d'absences.

Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers
Article 3 bis A

Après l'article 3

M. le président. L'amendement n° 26 rectifié, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la première phrase de l'article L. 112-4 du code de l'éducation, est inséré une phrase ainsi rédigée : « Ce décret garantit que les conditions et délais d'octroi de ces aménagements ne privent pas l'élève, en cours d'année scolaire, de son droit aux aménagements prévus dans le présent article. »

La parole est à Mme Mathilde Ollivier.

Mme Mathilde Ollivier. Chaque année, des élèves en situation de handicap, accompagnés depuis des années, voient leurs aménagements d'épreuves être brutalement refusés à quelques semaines du brevet ou du baccalauréat.

Cette pratique injuste est régulièrement dénoncée par la Défenseure des droits et des cas nous remontent assez fréquemment. Que signifie une telle situation, sinon une rupture du droit à une éducation adaptée ? Comment attendre d'un élève qu'il compose sereinement, dans des conditions qu'il ne connaît pas, qui ne répondent pas à ses besoins et qu'il découvre au dernier moment ?

Au travers de cet amendement, notre groupe demande que soient garantis les délais et les modalités d'octroi des aménagements, de façon à ce que ces élèves ne soient plus privés de leurs droits.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Toutefois, madame la ministre, pouvez-vous nous apporter des éléments de nature à rassurer les élèves et les familles ?

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Nous partageons bien évidemment l'objectif de garantir aux élèves en situation de handicap une continuité des aménagements scolaires, y compris pendant leurs examens.

Un certain nombre de dispositions réglementaires, notamment une circulaire, encadrent déjà spécifiquement les conditions de l'aménagement : délais, pièces à fournir ou encore modalités de traitement.

Quelque 110 000 élèves bénéficient ainsi d'aménagements de ce type pour la session actuelle du baccalauréat.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour explication de vote.

Mme Mathilde Ollivier. J'ai omis de préciser que j'avais modifié mon amendement après son examen en commission : j'ai substitué au mot « scolarité », qui posait problème, les termes « d'année scolaire », espérant en cela faire évoluer l'avis de la commission…

M. Yan Chantrel. C'était bien essayé ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Nos collègues citent abondamment le rapport de la Défenseure des droits. Certes, celle-ci a souligné des dysfonctionnements, mais elle n'a pas demandé pour autant d'évolutions législatives. Et c'est bien là le sujet.

Il est pertinent, toutefois, d'interroger le Gouvernement. Madame la ministre, il existe une réglementation en matière d'aménagements pour les examens, mais sa lecture par l'administration déconcentrée – j'ai eu l'occasion d'en parler avec le recteur de l'académie de Bordeaux encore cette semaine – crée parfois des crispations. Certaines familles, certains élèves, se retrouvent dans situations angoissantes. (Mme la ministre d'État et M. le président de la commission acquiescent.)

Peut-être pourrait-on, sans toutefois recourir à la loi, mais au moyen d'une circulaire ou d'une simple lettre au recteur, rappeler l'attention particulière à porter à l'adaptation des règlements d'examen aux besoins des élèves en situation de handicap…

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 31 rectifié, présenté par MM. Laouedj, Fialaire et Daubet, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold et Grosvalet, Mmes Guillotin, Jouve et Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 112-5 du code de l'éducation, il est inséré un article L. 112-5-... ainsi rédigé :

« Art. L. 112-5-... Dans le cadre des actions de formation continue mentionnées à l'article L. 912-1-2, une formation annuelle conjointe est organisée au sein des écoles et des établissements d'enseignement, à destination des personnels enseignants et des accompagnants des élèves en situation de handicap mentionnés à l'article L. 917-1.

« Cette formation vise à renforcer la coopération entre les membres de la communauté éducative, notamment en matière d'adaptation pédagogique, de connaissance des besoins éducatifs particuliers et de coordination des accompagnements.

« Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'organisation, les contenus et les conditions d'accès à cette formation. »

La parole est à M. Philippe Grosvalet.

M. Philippe Grosvalet. Dans l'objectif déjà évoqué de renforcer la coopération entre professionnels en matière d'adaptation pédagogique, de connaissance des besoins éducatifs particuliers et de coordination des accompagnements, mais également pour répondre à la forte attente des AESH de reconnaissance et de pleine intégration dans l'équipe éducative, cet amendement vise à instaurer une formation annuelle conjointe au sein des écoles et établissements à destination des enseignants et des AESH.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. Je suis favorable, par principe, au développement d'une culture commune entre les AESH et les enseignants, mais n'alourdissons pas le code de l'éducation.

En revanche, il revient au ministère de promouvoir cette culture commune.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Après l'article 3
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers
Article 3 bis B

Article 3 bis A

(Supprimé)

M. le président. L'amendement n° 15 rectifié ter, présenté par Mmes Monier et Brossel, MM. Kanner et Chantrel, Mme Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, MM. Ros et Ziane, Mmes Féret, Le Houerou, Lubin, Canalès et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L'article L. 112-5 du code de l'éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Cette formation est complétée, pour les nouveaux enseignants, par un stage pratique dans une classe d'un établissement scolaire accueillant des élèves en situation de handicap. »

La parole est à Mme Colombe Brossel.

Mme Colombe Brossel. Il s'agit d'alourdir encore le code de l'éducation… (Sourires.)

Il nous paraît absolument indispensable de rétablir la disposition votée à l'Assemblée nationale puis supprimée en commission visant à prévoir, dans le cadre de la formation des enseignants, un stage pratique dans une classe d'un établissement scolaire accueillant des enfants en situation de handicap.

Un tel stage de découverte compléterait utilement la formation théorique.

Nous avons tous été confrontés, les uns et les autres, à de jeunes ou à de nouveaux enseignants qui se disaient fort désarmés lorsqu'ils ont dû accueillir dans leur classe des enfants en situation de handicap. Jamais auparavant, ils n'avaient eu l'occasion d'observer des collègues dans cette situation ni de participer à l'accompagnement scolaire d'un enfant en situation de handicap.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. Nous sommes favorables au principe d'une formation initiale et continuée plus professionnalisante.

Toutefois, la rédaction de cet amendement est floue : rien n'oblige à ce que le stage se fasse dans une classe accueillant un élève en situation de handicap.

Par ailleurs, ne retombons pas dans les travers de la définition du rôle des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé) : à force de préciser le contenu de la maquette pédagogique, l'accumulation de thématiques lui a fait perdre son sens.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Toutefois, je profite de l'occasion pour interroger le ministère sur la nouvelle maquette pédagogique de la formation initiale des enseignants. Madame la ministre, des stages pratiques sont-ils prévus ? Comment la dimension de l'école inclusive est-elle prise en compte ? Nous ne disposons actuellement d'aucune information à ce sujet.

M. Max Brisson. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Nous pourrons probablement présenter à la commission les maquettes détaillées des futures formations.

Je vous confirme d'ores et déjà que des stages pratiques sont prévus très tôt, dès la licence pluridisciplinaire pouvant mener à la profession de professeur des écoles. C'est une avancée importante.

Par la suite, la formation en master comporte des périodes de préprofessionnalisation : un tiers de la formation y est consacré en M1 et la moitié en M2.

Nous aurons sans doute l'occasion d'y revenir en détail, mais, dans ce cadre, des stages en situation sont bien prévus, dans des classes comportant des élèves en situation de handicap.

Nous mettrons donc en œuvre la mesure proposée au travers de cet amendement. Faut-il pour autant l'inscrire dans le code de l'éducation ? Je n'ai pas la réponse à cette question, raison pour laquelle je m'en remets à la sagesse de votre assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 3 bis A demeure supprimé.

Article 3 bis A
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers
Après l'article 3 bis B

Article 3 bis B

I. – L'article L. 351-3 du code de l'éducation est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « horaire, cette » sont remplacés par les mots : « horaire ou une aide mutualisée, la décision est communiquée au pôle d'appui à la scolarité mentionné au troisième alinéa du présent article. Cette » ;

2° Le deuxième alinéa est supprimé ;

3° L'avant-dernier alinéa est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :

« Des pôles d'appui à la scolarité sont créés dans chaque département pour mieux prendre en compte les besoins éducatifs particuliers de l'enfant, notamment de l'enfant en situation de handicap, en vue du développement de son autonomie. Chaque pôle est constitué de personnels de l'éducation nationale et de personnels du secteur médico-social.

« Ils assurent, pour les écoles et les établissements scolaires de l'enseignement public et de l'enseignement privé sous contrat de leur ressort :

« 1° L'accompagnement des enfants à besoins éducatifs particuliers et de leurs familles, la définition et la mise en œuvre d'aménagements spécifiques, en lien avec une personne du secteur médico-social spécialement qualifiée dont la désignation varie en fonction de la nature de leurs besoins ;

« 2° L'accompagnement des familles pour la formulation d'une demande de compensation auprès de la maison départementale des personnes handicapées mentionnée à l'article L. 146-3 du code de l'action sociale et des familles, à laquelle ils transmettent tous les éléments d'appréciation utiles à l'évaluation de la demande ;

« 3° La mise en œuvre des décisions mentionnées au premier alinéa du présent article, dont les modalités sont arrêtées après avis conforme d'une personne du secteur médico-social spécialement qualifiée et désignée, dont la désignation varie en fonction des besoins de l'élève. Ces modalités font l'objet d'une information de l'élève ou de ses représentants légaux s'il est mineur ;

« 4° La mobilisation et la coordination des moyens matériels et humains disponibles de l'éducation nationale et du secteur médico-social ainsi que le soutien aux équipes éducatives en matière de ressources pédagogiques et de formation. » ;

4° (nouveau) Au dernier alinéa, les mots : « aux deux premiers alinéas » sont remplacés par les mots : « au premier alinéa ».

II. – (Non modifié) L'article L. 351-3 du code de l'éducation, dans sa rédaction résultant de la présente loi, est applicable dans les départements ou les territoires dans lesquels sont créés des pôles d'appui à la scolarité. L'article L. 351-3 du code de l'éducation demeure applicable dans sa rédaction antérieure à la présente loi dans les autres départements.

Les pôles d'appui à la scolarité sont créés dans tous les départements au plus tard le 1er septembre 2027. Dès leur création, ils se substituent, dans chaque département ou territoire, aux pôles inclusifs d'accompagnement localisés.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 11 rectifié ter est présenté par Mmes Monier et Brossel, MM. Kanner et Chantrel, Mme Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, MM. Ros et Ziane, Mmes Féret, Le Houerou, Lubin, Canalès et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L'amendement n° 24 est présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour présenter l'article n° 11 rectifié ter.

Mme Marie-Pierre Monier. Nous sommes bien sûr très favorables à l'idée d'améliorer les procédures d'attribution et de notification d'accompagnants pour les élèves en situation de handicap ou à besoins particuliers.

Toutefois, la généralisation des pôles d'appui à la scolarité nous inquiète fortement.

Revenons d'abord sur la méthode. L'article 3 bis B, introduit lors du débat en séance publique à l'Assemblée nationale, prévoit une généralisation dès la rentrée prochaine et, au plus tard, en septembre 2027 dans tous les départements.

Si nous avons régulièrement alerté, dès la première tentative visant à introduire les PAS – de façon cavalière déjà – dans le projet de loi de finances pour 2024, sur la nécessité de prendre le temps du débat, nous imaginions que cette proposition ferait l'objet d'un véhicule législatif dédié, précédé d'un avis du Conseil d'État et d'une étude d'impact. Nous ne nous attendions pas à en débattre au détour d'un simple amendement.

Cette façon de procéder n'est pas à la hauteur de l'enjeu, à l'heure où de nombreuses questions se posent dans les départements où sont menées les expérimentations.

Seule celle de l'Aisne semble être positive, car l'agence régionale de santé (ARS) et la direction académique des services de l'éducation nationale (Dasen) y mènent un véritable travail coopératif qui produit ses fruits.

Cela n'a pas été le cas, en revanche, dans tous les départements et nous avons appris que, dans certains d'entre eux, la coopération a été très difficile.

Notons néanmoins que les structures Pial et PAS continuent d'œuvrer de concert dans l'Aisne. Or la présente proposition de loi prévoit la liquidation des Pial lorsqu'un département basculera vers un PAS, au plus tard le 1er septembre 2027. Cela nous pose question.

Par ailleurs, les missions de ces deux organismes ne sont pas les mêmes. Les départements auront à anticiper le fonctionnement, le transfert et éventuellement l'embauche du personnel nécessaire, les lieux d'accueil, les matériels ou encore l'information des familles.

L'éducation nationale aura davantage de place dans les PAS que dans les Pial. Si l'on peut y voir une avancée, on peut aussi craindre que l'éducation nationale n'influe sur les notifications pour mieux gérer la pénurie d'AESH, dans une logique de prescripteur-payeur d'ailleurs dénoncée à juste titre par notre collègue Cédric Vial en commission.

Au travers de cet amendement, nous souhaitons donc supprimer l'article 3 bis B.

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour présenter l'amendement n° 24.

Mme Mathilde Ollivier. Mesdames les ministres, vous avez indiqué que la généralisation des PAS était l'occasion de mettre les moyens nécessaires pour répondre à l'urgence à laquelle est confrontée l'école inclusive.

Quels sont donc ces moyens ? Vous avez évoqué des enseignants spécialisés qui seraient dédiés aux PAS. Comptez-vous enlever des enseignants spécialisés dans les écoles pour les mettre à disposition des PAS sur des créneaux horaires définis ? S'agit-il simplement de réaffecter globalement aux PAS des moyens existants qui sont absolument nécessaires chaque jour aux élèves ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. Il me semble important de mieux accompagner les élèves à besoins éducatifs particuliers, ainsi que leurs familles, mais aussi les enseignants, qui sont souvent en proie au désarroi dans leur classe.

Les PAS constituent une réponse intéressante, car ils permettent des regards croisés entre l'éducation nationale et le secteur médico-social. Les supprimer serait renoncer à un meilleur accompagnement des enfants à besoins éducatifs particuliers. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

La question des moyens est bien évidemment fondamentale, tant du côté de l'éducation nationale que de celui du secteur médico-social. Sur ces deux points, nous attendons un engagement fort de la part du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Sans suspense, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

J'entends les inquiétudes qui s'expriment et je souhaite que nous puissions les lever au maximum.

Ayant été parlementaire durant plusieurs années avant de rejoindre le Gouvernement, je sais combien il peut être désagréable de se prononcer sur un article issu d'un amendement gouvernemental déposé tardivement.

Nous avons procédé ainsi – je vous assure que nous ne le faisons qu'à dose homéopathique – dans le seul intérêt de nos enfants : nous devons absolument accélérer le déploiement des pôles d'appui à la scolarité pour répondre le plus rapidement possible aux besoins particuliers des enfants en situation de handicap.

En outre, les enseignants réclament également le soutien de professionnels compétents.

Il s'agit donc d'apporter une réponse rapide, qui s'inscrive dans le parcours d'inclusion de l'enfant, parallèlement à une sollicitation de la MDPH, qui peut même intervenir avant.

J'y insiste, qui dit pôles d'appui à la scolarité dit effectifs supplémentaires. Ces moyens supplémentaires permettront un traitement immédiat de la situation de l'enfant et lui apporteront les outils pédagogiques nécessaires, du temps d'accompagnement médico-social et, le cas échéant, un suivi par des professionnels – un ergothérapeute, par exemple.

Nous éviterons ainsi les situations dans lesquelles l'enfant reste sans réponse et sans solution, le temps de solliciter la MDPH. C'est véritablement ce point qui pose problème aujourd'hui aux enfants comme aux enseignants.

J'en viens très concrètement aux moyens, qui sont aussi la raison pour laquelle nous accélérons. Nous prévoyons de recruter un enseignant spécialisé dédié et deux professionnels du secteur médico-social en équivalents temps plein (ETP) par pôle.

Mme Mathilde Ollivier. Où irez-vous les chercher ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Nous le ferons grâce à des budgets supplémentaires. Je le dis très clairement : ces recrutements sont inscrits dans le budget et nous continuerons de les inscrire dans les budgets suivants.

Nos enfants seront ainsi accompagnés par davantage de professionnels issus du secteur médico-social. Pour la rentrée prochaine, cela représente plus de 400 enseignants et plus de 800 professionnels en équivalents temps plein. Nous atteindrons ainsi un effectif de 500 enseignants spécialisés et de plus de 1 000 professionnels médico-sociaux.

J'entends les craintes liées au déploiement du dispositif avant même sa pleine évaluation, ainsi que celles qui sont relatives à l'absence d'étude d'impact ou d'avis du Conseil d'État.

Encore une fois, il nous faut accélérer si nous voulons mettre des moyens supplémentaires à disposition de nos enfants et de nos enseignants, d'où ce calendrier.

Nous avons évalué les premières expérimentations. Certes, elles ne se sont déroulées que dans quatre départements, mais elles représentent tout de même 100 pôles d'appui à la scolarité : ce n'est pas rien.

Des différences dans le rythme d'installation ont en effet été constatées au démarrage. Elles sont aussi liées à la culture locale de rapprochement entre éducation nationale et secteur médico-social. C'est là notre objectif : rapprocher les équipes d'enseignants des équipes de professionnels du médico-social. Nous avons besoin qu'elles travaillent ensemble, pour mieux accompagner les enfants et, surtout, pour ne laisser personne, enfants comme enseignants, sans solution.

Les rapports administratifs de la CNSA et de l'Anap, qui mènent les évaluations et accompagnent la mise en œuvre des PAS, indiquent que le dispositif est perçu comme utile et pertinent. Il viendrait combler un vide entre les dispositifs de droit commun et les notifications de la MDPH.

L'un des atouts des PAS serait en outre la rapidité de prise en charge des enfants : dans un délai de dix à quatorze jours, un binôme souple, composé de représentants de l'éducation nationale et de professionnels du médico-social, définit en effet les besoins de l'enfant concerné.

Par ailleurs, l'écrasante majorité des enfants, des parents et des enseignants ont exprimé un avis favorable au sujet des PAS. Les enseignants disent se sentir écoutés, soutenus et accompagnés quand les familles expriment le sentiment d'être aidées.

Voilà pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement visant à supprimer les pôles d'appui à la scolarité.

Nous sommes naturellement à la disposition de la représentation nationale pour poursuivre l'évaluation du dispositif et pour accompagner son déploiement. Donnons ces moyens à nos enfants et à nos enseignants, pour une école inclusive et pour des réponses rapides adaptées à leurs besoins.

M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.

M. Cédric Vial. Je vais faire acte de contrition. (Sourires.)

Mesdames les ministres, l'histoire des PAS avait bien mal commencé et j'espère que la suite sera plus heureuse.

Ce dispositif a été introduit – vous l'avez dit et c'est assez rare – à la dernière minute, par voie d'amendement parlementaire au projet de loi de finances pour 2024. Il a ensuite été rejeté par le Sénat avant d'être réintroduit à la suite du déclenchement de l'article 49.3 de la Constitution, puis rejeté par le Conseil constitutionnel.

Voilà l'histoire de départ. Malgré tout, vous avez tout de même mis en place les PAS en dehors de tout outil législatif et lancé l'expérimentation sans le feu vert du Parlement.

Et maintenant, parce que nous vous avons alertées à plusieurs reprises sur la nécessité de passer par la loi pour substituer un nouveau dispositif – les PAS – à un dispositif créé par la loi – les Pial –, vous revenez devant nous à la faveur d'un véhicule législatif qui passait par là.

Vous utilisez ce véhicule, parce que vous en avez besoin, mais vous vous en seriez probablement passé si vous aviez pu…

Tout ce qui a été dit est juste : il n'y a pas d'évaluation. Vous nous parlez de moyens alors que nous ne connaissons même pas les arbitrages pour l'année prochaine. Vous avez pris des engagements sur des postes supplémentaires. Pour ma part, je demande à voir…

C'est toute la différence, voyez-vous, entre les mots « potentiellement » et « concrètement ». Potentiellement, nous avons envie de vous croire ; concrètement, nous avons des doutes.

J'ai exprimé mes doutes à la tribune sur l'extension des PAS à un certain nombre de publics. Nous y reviendrons tout à l'heure, mais nous allons probablement au-devant de nouvelles difficultés.

Nous ne disposons en effet d'aucun chiffre sur le nombre d'enfants supplémentaires que cela représente. Si vous en avez, mesdames les ministres, nous sommes preneurs. Pour le moment, nous marchons un peu à la confiance.

Pour ma part, j'avais également proposé, en commission, un amendement de suppression de cet article, avant de le retirer. Ne dit-on pas qu'il faut laisser sa chance au produit ?

Nous avons envie de vous faire confiance cette fois-ci.

Grâce au travail de la commission et grâce à votre écoute, madame la ministre d'État, nous avons pu travailler ensemble et proposer un certain nombre d'amendements, dont certains viendront par la suite, et qui permettront, s'ils sont votés, d'encadrer et d'améliorer un peu les choses.

Je vous encourage maintenant à lever le capot et à regarder ce qu'il y a dans le moteur. C'est là que tout se joue. Il ne s'agit pas seulement de changer le nom d'un dispositif : je maintiens que tout ce que vous voulez faire aujourd'hui sur le handicap aurait pu être fait dans le cadre des Pial, y compris le rapprochement avec le médico-social. Maintenant, il faut s'occuper concrètement de l'organisation, de la gestion et de l'accompagnement des enfants sur le terrain.

Je voterai contre ces amendements de suppression.

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. En complément de ce que vient de dire Cédric Vial, madame la ministre d'État, je voudrais d'abord exprimer mon émotion.

J'étais rapporteur du projet de loi pour une école de la confiance, lorsqu'ont été instaurés les Pial. J'ai vu à l'époque se manifester beaucoup d'opposition à ce dispositif sur les travées de gauche ; aussi, je suis extrêmement heureux de voir nos collègues des mêmes travées défendre ces Pial, qu'ils avaient tant décriés et rejetés. (Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme Mathilde Ollivier. Ce n'est pas ce que nous avons dit !

M. Max Brisson. C'est très bien ! Vous avez changé d'avis ! (Mêmes mouvements.)

J'ai bien écouté, madame la ministre, votre long exposé sous la bienveillance du président de séance. Vous avez décrit quelque chose dont nous partageons l'esprit, mais qui ne se trouvait pas tout à fait dans le texte qui nous a été transmis à l'origine. Vous avez finalement repris ce que Catherine Belrhiti a proposé et ce que les amendements qui vont être votés nous permettront de mettre en œuvre. Nous avons donc largement pris en charge le travail législatif – je ne reviens pas sur le réglementaire – pour assurer cet équilibre entre le médico-social, avec son expertise indispensable, et l'éducation nationale.

Nous avons eu de vrais débats en interne, y compris avec nos collègues de la commission des affaires sociales – certains sont aujourd'hui dans l'hémicycle –, qui étaient réticents à donner la main à l'éducation nationale, qui n'a pas toujours eu en la matière le bilan que l'on aurait pu attendre. Nous avons donc beaucoup écrit au président Philippe Mouiller, qui n'est pas là cette après-midi, de manière à le rassurer sur la qualité de l'expertise de l'éducation nationale.

Je comprends que vous souhaitiez anticiper, madame la ministre ; je comprends que vous ne souhaitiez pas attendre les notifications des MDPH ; je comprends que vous vouliez adopter une approche plus vaste sur la question des élèves à besoins éducatifs particuliers. C'est ce qui nous séparait de mon ami Cédric Vial avant son acte de contrition… (Sourires.)

Je souligne la qualité du travail qui a été réalisé.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Max Brisson. Nous arrivons maintenant à un texte équilibré. Aussi, je regrette vraiment que nos collègues de l'opposition veuillent supprimer non pas l'article tel que voulu par le Gouvernement, mais l'article tel que rédigé par Catherine Belrhiti.

M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.

Mme Colombe Brossel. Je vous remercie, madame la ministre, d'avoir pris le temps d'éclairer ce qui restait pour nous un mystère : vous nous proposiez d'accompagner la politique du Gouvernement, qui avait adopté la stratégie du coucou sur une proposition de loi qui n'abordait pas vraiment cette question de front.

Votre propos appelle plusieurs questions. Vous vous engagez, au nom du Gouvernement, à la création de 400 postes d'enseignants spécialisés et de 800 postes de professionnels du médico-social supplémentaires. Cela veut dire que vous avez obtenu des garanties dans le cadre de la préparation du budget. C'est important de nous le confirmer, parce que vous nous demandez de vous faire confiance et de vous accompagner dans une aventure au sujet de laquelle nous avons peu d'éléments. Pouvez-vous nous assurer que ces créations ne se feront pas dans le cadre d'un redéploiement et que vous n'irez pas chercher des enseignants spécialisés dormants – expression absolument atroce – pour accompagner la création des PAS.

Je n'éprouve aucune nostalgie sur les Pial, car je n'étais pas là au moment de la loi Blanquer, mais je crois que ceux de mes collègues qui étaient alors présents n'en ont pas beaucoup non plus… (Mme Marie-Pierre Monier le confirme.)

Concernant les PAS, quatre territoires ont été évalués avec quatre types de fonctionnement différents. Quel est le meilleur de votre point de vue ? Faut-il ou non garder les Pial ? Dans une expérimentation, quand la famille fait une demande de notification auprès de la MDPH, le PAS ne s'en occupe plus du tout ; dans une autre, il continue d'accompagner les enfants… Quelle est la bonne solution ? Rien n'est précisé dans le texte que vous nous proposez de voter aujourd'hui. Une autre expérimentation n'a même pas encore débuté. Quelles conclusions en tirez-vous ?

La confiance, c'est comme l'amour : il y a les déclarations et il y a les preuves.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Ni contrition ni conversion, mes chers collègues.

Je comprends parfaitement ce qui vous anime, mesdames les ministres, et nous partageons votre volonté d'aller vite pour offrir aux enfants le meilleur cadre. Sur le calendrier, je ferai une petite remarque : j'ai visité un établissement scolaire avec Mme Belloubet, votre prédécesseure, au printemps 2024. Les enseignants lui avaient alors dit, de façon extrêmement ferme, qu'il fallait aménager le dispositif de l'école inclusive, parce qu'ils n'y arrivaient plus et que cela provoquait de la souffrance au travail.

La ministre m'avait dit en sortant que son cabinet y travaillait et qu'un texte serait prochainement déposé pour améliorer le dispositif. C'est le texte que vous avez inclus dans le projet de loi de finances pour 2025. Heureusement, dans notre pays, contrairement à d'autres, les ministres passent, mais les administrations restent et travaillent.

Nous aurions pu avoir un tout autre calendrier et travailler sur un dispositif beaucoup plus ambitieux, qui permette notamment de répondre à une question de fond : est-ce vraiment à l'école seule d'assumer la mission d'accompagner tous les enfants en situation de handicap ? Au banc du Gouvernement, à mon sens, il manque un ministre : celui de la santé.

On ne peut pas concevoir l'accompagnement de ces enfants sans l'implication du ministère de la santé et c'est pourquoi il aurait fallu déposer un grand projet de loi de programme élaboré dans le cadre d'une réflexion pluriministérielle. Nous ne l'avons pas et c'est une immense frustration.

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour explication de vote.

Mme Mathilde Ollivier. Nous sommes d'accord avec vous sur les moyens supplémentaires. Que vous vous engagiez à recruter 500 enseignants et 1 000 professionnels du médico-social supplémentaires, c'est très bien.

Vous nous dites que l'évaluation est excellente et que les familles sont très satisfaites de la mise en place des PAS. Si vous promettez aux parents plus de psychologues scolaires et d'enseignants spécialisés pour l'accompagnement de leurs enfants dans ce nouveau cadre, ils se déclareront bien évidemment très satisfaits. Mais quelle est l'efficacité réelle du service public ? La mise en place des PAS est-elle le moyen le plus efficace d'accompagner les enfants en situation de handicap ? Est-ce là que nous devons affecter en priorité ces moyens humains ? D'autres dispositifs sont-ils plus efficaces ?

Telles sont les questions que nous devons nous poser aujourd'hui alors que nous ne disposons d'aucune évaluation chiffrée suffisamment précise.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre Monier. Pour être franche, je suis inquiète quant au projet de loi de finances. Vous nous dites que vous allez créer 500 postes. Cela veut-il dire qu'il n'y aura pas de suppression ni de redéploiement ? J'imagine que vous allez ressortir l'argument de la baisse des effectifs et je vous répondrai que le taux d'encadrement doit être amélioré…

En ce qui concerne les Pial, je rassure Max Brisson : nous ne les validons toujours pas ! Nous avons des retours négatifs constants d'AESH sur la perte de proximité et le remplacement des accompagnements individuels par des accompagnements mutualisés. Les AESH, qui sont majoritairement des femmes, sont très inquiètes de cette généralisation des PAS : elles y voient un nouveau risque de réduction des accompagnements individuels au profit d'une mutualisation accrue.

Elles considèrent en outre qu'il ne s'agit pas d'une avancée vers une plus grande reconnaissance de leur travail et de leur place au sein des équipes éducatives. Certes, des améliorations seront apportées par le Sénat, mais il n'y a toujours pas de définition de leur périmètre d'intervention. Avez-vous une réponse à leur apporter, madame la ministre ?

Elles espèrent ne pas devenir de simples ressources mobilisables selon les besoins du moment et les manques d'effectifs, c'est-à-dire des variables d'ajustement déconnectées du terrain.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. J'écoute depuis tout à l'heure et il m'est venu une question, qui reviendra sûrement dans les explications de vote sur l'article.

Quelles que soient les opinions des uns et des autres, on doit se demander pourquoi le statut des AESH n'a pas évolué.

Mme Marie-Pierre Monier. Tout à fait !

M. Pascal Savoldelli. Le groupe communiste a essayé d'introduire des mesures à cet égard, mais l'article 40 nous a été opposé. Cette situation devrait nous conduire à nous interroger sur la clarté et l'intelligibilité de nos débats. Je peux entendre tous les arguments, mais il faut tout de même savoir que les AESH constituent le deuxième corps de l'éducation nationale. Il est très important en nombre et en qualité, mais tout est fait pour esquiver le débat sur le statut de ses membres. Je tenais à le regretter devant vous, mesdames les ministres.

M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Malheureusement, monsieur le sénateur, nous ne pouvons aborder l'ensemble des sujets à l'occasion de l'examen de cette proposition de loi.

Je voudrais toutefois répondre sur la question des postes. Ce que j'ai annoncé est prévu pour la prochaine rentrée. Vous vous en souvenez peut-être, lors du budget initial pour 2025, une suppression de 4 000 postes était prévue pour tenir compte de la déprise démographique. Ces postes ont finalement été maintenus et la création de 400 emplois supplémentaires affectés aux PAS a bien été décidée et notifiée aux rectorats.

Monsieur le sénateur Ouzoulias, l'éducation nationale n'est pas seule. La présence de ma collègue Charlotte Parmentier-Lecocq en témoigne. L'éducation nationale ne peut agir seule, elle a absolument besoin des moyens du médico-social. C'est le sens de la création de ces pôles d'appui à la scolarité, où se matérialise la coopération entre l'éducation nationale et le secteur du médico-social pour apporter un accompagnement de qualité.

J'entends que la question du statut des AESH est posée. J'ai demandé à l'inspection générale de mon ministère de conduire une mission sur ce sujet. Il n'est pas simple d'augmenter la quotité de travail proposée aux AESH. Je considère qu'il n'est pas satisfaisant de recourir à des notifications au fil de l'eau. À cet égard, je remercie de nouveau M. le sénateur Vial d'avoir déposé cet amendement qui vise à organiser la prise de fonction de nos accompagnants d'élèves en situation de handicap.

Il n'est pas satisfaisant non plus d'avoir des temps de travail éclatés entre plusieurs établissements pour in fine arriver à un temps de travail qui ne corresponde pas à un temps plein. Il nous faut réfléchir sur tous ces sujets. L'inspection générale de l'éducation nationale est en train d'y travailler et j'espère pouvoir vous faire des propositions sur la base de son rapport.

Une première piste serait de mettre fin aux fonctions éclatées entre plusieurs établissements et de permettre au  AESH d'être rattachés à un établissement pour pouvoir travailler plus étroitement avec l'ensemble de l'équipe pédagogique.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 11 rectifié ter et 24.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ? …

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 328 :

Nombre de votants 332
Nombre de suffrages exprimés 320
Pour l'adoption 114
Contre 206

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 25, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Senée, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement une étude d'impact sur l'opportunité de la généralisation des pôles d'appui à la scolarité. L'étude comprend un bilan de l'ensemble des départements dans lesquels le pôle d'appui à la scolarité a été expérimenté.

La parole est à Mme Mathilde Ollivier.

Mme Mathilde Ollivier. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 53, présenté par Mme Belrhiti, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

mutualisée

insérer les mots :

en précisant les activités principales

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. Lorsque la MDPH notifie une aide mutualisée, elle doit préciser les principales activités sur lesquelles porte l'accompagnement.

Cet amendement s'inscrit dans l'ensemble des modifications que nous avons apportées aux PAS pour renforcer les garanties. Comme c'est le cas actuellement dans le cadre des Pial, la MDPH précisera les principales activités qui font l'objet de l'aide mutualisée avec les PAS.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 3 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Fialaire et Laouedj, Mme Briante Guillemont, MM. Cabanel, Daubet, Gold et Grosvalet, Mmes Jouve et Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« La création d'un pôle d'appui à la scolarité dans un département relève d'une décision conjointe de l'autorité académique et des services compétents de la maison départementale des personnes handicapées. Dans les départements où ils sont créés, les pôles d'appui à la scolarité se substituent aux pôles inclusifs d'accompagnement localisés.

La parole est à M. Philippe Grosvalet.

M. Philippe Grosvalet. La République est indivisible, mais la France est diverse. Nous vous proposons donc de substituer une logique d'adaptation territoriale à une logique de déploiement uniforme. Cet amendement vise ainsi à encadrer les conditions de création des PAS en prévoyant qu'ils ne pourront être institués que par décision conjointe de l'autorité académique compétente et des services de la MDPH.

M. le président. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Fialaire et Laouedj, Mme Briante Guillemont, MM. Cabanel, Daubet et Gold, Mmes Jouve et Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 5, première phrase

Remplacer le mot :

sont

par les mots :

peuvent être

La parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. Je ne vais pas revenir sur le débat qui vient d'avoir lieu.

En 2024, le Sénat avait très clairement rejeté le dispositif des PAS. Il n'y a pas vraiment d'évaluation. De plus, la généralisation de ce dispositif soulève d'importants défis et implique un renfort considérable de moyens humains.

Il s'agit d'un amendement de repli. Nous ne renonçons pas au principe des PAS, mais nous souhaitons permettre un déploiement progressif, fondé sur le volontariat des départements et sur une concertation avec les services de l'État, à partir des structures existantes.

M. le président. L'amendement n° 39 rectifié ter, présenté par MM. C. Vial, Burgoa et Sol, Mme Evren, M. Bruyen, Mmes Josende, P. Martin et Garnier, M. J.B. Blanc, Mmes Schalck, Dumont et Ventalon, MM. Chaize et Mouiller, Mme Petrus, MM. Belin, Genet et J.P. Vogel, Mme Berthet et MM. Sido, P. Vidal et Delia, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

Supprimer les mots :

, notamment de l'enfant

II. – Alinéa 7

Remplacer les mots :

à besoins éducatifs particuliers

par les mots :

en situation de handicap

La parole est à M. Cédric Vial.

M. Cédric Vial. Je pourrais presque dire que c'est un amendement de coordination avec mes amendements rejetés tout à l'heure.

Je proposais d'inscrire dans le périmètre des PAS les seuls enfants en situation de handicap. Nous avons encore tellement à faire pour eux avant d'aller chercher de nouveaux publics. Néanmoins, compte tenu à la fois des évolutions du texte permises par le travail de la commission et des positions du Gouvernement – j'en remercie d'ailleurs Mme Borne –, je retire cet amendement. Je considère que mon avis été entendu ; il reste mon avis, mais j'ai bien compris qu'il fallait que l'on avance.

M. le président. L'amendement n° 39 rectifié ter est retiré.

Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements restant en discussion commune ?

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 46 rectifié quater, présenté par Mme Aeschlimann, MM. Burgoa, J.B. Blanc et Naturel, Mme Petrus, MM. Genet et Sido, Mmes Billon et Ciuntu, M. Belin et Mmes Canayer, Evren et Dumas, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Ils associent, dans leur fonctionnement, les collectivités territoriales concernées afin de coordonner les interventions liées à la scolarisation et à l'accompagnement des élèves à besoins éducatifs particuliers. Les présidents d'exécutifs locaux ou leurs représentants sont consultés lors de l'implantation ou de la réorganisation des pôles sur le territoire de leur commune. »

La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Par cet amendement, je vous propose de mieux associer les collectivités territoriales aux pôles d'appui à la scolarité.

L'une des recommandations du rapport de la Cour des comptes, qui a été cité à plusieurs reprises, consiste à rapprocher l'éducation nationale et le monde médico-social pour améliorer l'école inclusive. Vous l'avez prise en compte, mesdames les ministres, au travers de la création de ces pôles d'appui à la scolarité, ce dont nous devons nous féliciter.

Je vous propose de continuer de suivre les recommandations de la Cour des comptes, qui invitait également le législateur à mieux associer les collectivités locales dans le cadre de l'école inclusive, regrettant « l'absence fréquente de programmation qui permettrait, sur la base d'un diagnostic partagé entre l'éducation nationale et les collectivités territoriales, de planifier les besoins restant à couvrir en termes d'accessibilité bâtimentaire, mais aussi d'aménagement des espaces scolaires en mobiliers adaptés aux élèves en situation de handicap. »

Il serait effectivement regrettable que les PAS, qui sont appelés à devenir des dispositifs structurants de l'école inclusive, n'associent pas davantage les collectivités locales à leurs travaux. C'est pourquoi j'ai choisi de déposer cet amendement.

Afin de rassurer tous ceux qui pensent que cela pourrait induire des charges de fonctionnement supplémentaires pour les collectivités locales – n'est-ce pas, cher Max Brisson ? –, je pourrais rectifier mon propre amendement en retirant la partie faisant référence au fonctionnement, de sorte que l'on n'ait pas l'impression que j'invite les collectivités locales à participer financièrement au fonctionnement des PAS. Autrement dit, je ne souhaite pas laisser penser que je propose un transfert de charge de l'État vers les collectivités territoriales.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. Je crois que la proposition rigidifie encore plus le dispositif. La commission y voit un risque, à moyen terme, de demande de l'État d'une participation financière des collectivités territoriales aux PAS.

Nous venons à peine de régler la situation de la prise en charge des élèves en situation de handicap sur le temps méridien avec la loi Vial. Il y a encore des difficultés d'application localement, me fait-on savoir. N'ouvrons pas une nouvelle brèche vers une participation financière obligatoire des collectivités territoriales à l'école inclusive.

La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Sans nécessairement imposer une charge supplémentaire aux collectivités, je pense que nous avons besoin de travailler main dans la main avec elles sur ces questions.

J'ai du reste pris l'engagement, dans le protocole que j'ai signé avec l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), d'associer les collectivités aux travaux et au fonctionnement de ces pôles d'appui à la scolarité.

Le Gouvernement est favorable à cet amendement. Toutefois, j'y insiste, madame la rapporteure, il ne s'agit pas d'engager les collectivités financièrement.

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Je ne comprends plus de quoi nous parlons. Il est évident que lorsqu'un élève est en situation de handicap dans une école ou un établissement, la collectivité se doit de faire les transformations nécessaires pour que l'élève soit accueilli. C'est le cœur même de l'école inclusive.

Là, nous parlons d'un avis des collectivités sur l'organisation des PAS, c'est-à-dire la structure qui anime le dispositif. Il ne s'agit pas de l'accueil des élèves. Je ne comprends pas cet amendement.

Par ailleurs, je note que Marie-Do Aeschlimann est disposée à faire évoluer son amendement en enlevant toute référence au fonctionnement, mais, connaissant le ministère de l'éducation nationale, je suis prêt à parier qu'à un moment ou à un autre, si les collectivités sont associées au fonctionnement, le Conseil d'État leur demandera de participer au financement dudit fonctionnement.

De toute façon, l'amendement de Marie-Do Aeschlimann porte sur les PAS, qui n'ont pas besoin d'équipements particuliers. Seuls les écoles et les établissements scolaires accueillant des enfants en ont besoin. C'est déjà la règle.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour explication de vote.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Une fois n'est pas coutume, je crois que Max Brisson n'a pas tout à fait saisi ma pensée et je voudrais le rassurer.

À mon sens, une concertation approfondie entre l'éducation nationale et les collectivités territoriales est nécessaire pour l'école inclusive. Aucun maire, aucun président d'exécutif local ne peut dire le contraire. Je propose simplement d'institutionnaliser cette concertation et de la rendre obligatoire, sans aucune charge supplémentaire pour les collectivités.

C'est pourquoi j'avais pris les devants en proposant de faire évoluer cet amendement pour supprimer la référence au fonctionnement, et ce afin d'éviter tout risque de transfert de charges.

Je suis particulièrement surprise de constater qu'ici, au Sénat, on refuse d'associer davantage les collectivités locales à une politique publique considérée comme étant essentielle. Je vous rappelle que nous avons adopté des textes importants sur ce sujet l'an dernier. Nous sommes encore en train d'y travailler dans le bon sens. Nous sommes le Sénat et nous sommes en train de dire que les maires ne seront pas associés – je n'ai pas dit qu'on allait les faire payer –…

M. Pierre Ouzoulias. Ça y ressemble !

Mme Marie-Do Aeschlimann. …  à la mise en place d'un PAS. Ce n'est pourtant pas grand-chose : associer, c'est participer.

M. Max Brisson. Ce n'est pas ce que dit le texte !

Mme Marie-Do Aeschlimann. C'est pourquoi, cher Max Brisson, je propose de supprimer le terme « fonctionnement » pour satisfaire tout le monde et permettre à l'accord que Mme la ministre d'État a passé avec le président de l'AMF d'être mis en œuvre.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 46 rectifié quinquies, présenté par Mme Aeschlimann, MM. Burgoa, J.B. Blanc et Naturel, Mme Petrus, MM. Genet et Sido, Mmes Billon et Ciuntu, M. Belin et Mmes Canayer, Evren et Dumas, et ainsi libellé :

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Ils associent les collectivités territoriales concernées afin de coordonner les interventions liées à la scolarisation et à l'accompagnement des élèves à besoins éducatifs particuliers. Les présidents d'exécutifs locaux ou leurs représentants sont consultés lors de l'implantation ou de la réorganisation des pôles sur le territoire de leur commune. »

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 46 rectifié quinquies.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 54, présenté par Mme Belrhiti, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 9, première phrase

Remplacer la seconde occurrence du mot :

des

par les mots :

de la nature des

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 41 rectifié ter, présenté par MM. C. Vial, Burgoa et Sol, Mmes Evren, Josende et P. Martin, M. J.B. Blanc, Mme Schalck, M. Savin, Mmes Dumont et Ventalon, MM. Chaize, Mouiller et Brisson, Mme Petrus, MM. Belin, Genet et J.P. Vogel, Mmes Berthet et Joseph et MM. Sido, P. Vidal et Delia, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Une fois par trimestre, le coordonnateur du pôle d'appui à la scolarité adresse à la maison départementale des personnes handicapées un bilan sur la mise en œuvre de chacune des notifications intervenues depuis la réalisation du dernier bilan.

La parole est à M. Cédric Vial.

M. Cédric Vial. Par cet amendement, je propose que le coordinateur du PAS puisse faire un bilan, une fois par trimestre, de ce qui a été fait à la suite des notifications de la MDPH. Pourquoi ? Parce qu'il faut renforcer le dialogue entre cette dernière et l'éducation nationale.

Aujourd'hui, une MDPH prescrit dans le noir. Elle prescrit et elle ne sait pas ce qui se passe après. Elle n'a aucun retour et je ne parle même pas d'évaluation. Elle ne sait pas si la prescription qui a été faite d'une aide mutualisée ou d'une aide individuelle a été mise en œuvre ou pas. Elle ouvre des droits et l'éducation nationale dispose.

Si nous voulons qu'il y ait un dialogue entre le médico-social et l'éducation nationale, il faut mettre en place les outils adéquats. En incitant le ministère, une fois par trimestre, à faire le bilan des notifications – cela correspond aussi à la cohorte fixée tout à l'heure au moment du recrutement –, on fait en sorte de responsabiliser la MDPH sur le suivi des mesures d'accompagnement. Le cas échéant, si un écart est constaté avec les notifications, un dialogue devra s'instaurer avec l'éducation nationale. Cependant, il ne devrait pas y en avoir, comme lorsque l'on compare un compte de gestion et un compte administratif : l'ordonnateur et le payeur doivent avoir les mêmes chiffres.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. Cet amendement, s'il est adopté, favorisera un dialogue plus régulier entre le coordonnateur du PAS et la MDPH, ce qui permettra des ajustements au plus près des besoins de l'élève en situation de handicap, notamment à l'occasion du renouvellement de la notification : avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Avis favorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 37 rectifié quater, présenté par MM. C. Vial, Burgoa et Sol, Mme Evren, M. Bruyen, Mmes Josende et P. Martin, M. J.B. Blanc, Mme Schalck, M. Savin, Mmes Dumont et Ventalon, MM. Chaize, Mouiller et Brisson, Mme Petrus, MM. Belin, Genet et J.P. Vogel, Mmes Berthet et Joseph et MM. Sido, P. Vidal et Delia, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'il s'avère que les mesures d'accessibilité ou de compensation notifiées par la maison départementale des personnes handicapées ne tiennent pas suffisamment compte de l'environnement scolaire de l'élève pour une application efficace de ces mesures, l'équipe pluridisciplinaire du pôle d'appui à la scolarité, en accord avec l'enseignant référent et la famille, soumet à la maison départementale des personnes handicapées une contre-proposition. Cette contre-proposition, compatible avec les intérêts de l'enfant, afin de favoriser son apprentissage et son autonomie, est transmise à la maison départementale des personnes handicapées afin d'adapter la prescription après avis de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées. » ;

La parole est à M. Cédric Vial.

M. Cédric Vial. Là encore, il s'agit d'améliorer le dispositif, plus précisément la relation entre le prescripteur et le payeur.

Cette disposition est issue du rapport de la mission d'information que j'avais conduite au nom de la commission de la culture. Il s'agit d'introduire dans la procédure le principe de la contre-proposition. Encore une fois, la MDPH prescrit à l'aveugle, en fonction de la situation de l'enfant, de son handicap. Elle évalue, par exemple, à douze heures d'accompagnement d'AESH les besoins d'un enfant, sans connaître le contexte, notamment la composition de la classe dans laquelle il est affecté. S'il se retrouve dans la même classe qu'un autre enfant ayant le même type de handicap, peut-être qu'un seul AESH suffira pour s'occuper des deux élèves.

Il se peut également que l'enseignant, s'il est spécialisé, ait la capacité de prendre en charge l'enfant, ce qui permettrait un accompagnement plus léger. Au contraire, si l'enseignant est confronté pour la première fois à ce type de difficultés, prévoir un accompagnement supplémentaire pourrait être nécessaire.

Il convient que le ministère de l'éducation nationale, en l'occurrence l'équipe pluridisciplinaire – j'avais proposé que ce soit le coordinateur du PAS pour que la discussion soit collégiale –, puisse formuler une sorte de contre-proposition en fonction de la situation locale, si jamais il n'est pas d'accord avec la proposition de la MDPH, sous réserve que cette dernière l'accepte et adapte sa prescription.

C'est toujours la MDPH qui aura le dernier mot. Nous ne souhaitons pas que ce soit le ministère de l'éducation nationale qui décide. Dans la mesure où un droit est ouvert, il doit être respecté. En revanche, que le ministère puisse négocier en fonction du contexte local nous semble de bonne politique. Toute autre configuration serait une fuite en avant.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.

Il s'agit de l'une des recommandations de Cédric Vial sur la gestion des AESH, afin que la notification corresponde au plus près aux besoins de l'élève.

Je tiens à préciser que la MDPH restera compétente pour définir le contenu de la notification. Elle est libre de refuser les contre-propositions.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement. Il est important de fluidifier le dialogue entre la MDPH et les équipes pluridisciplinaires appelées à se mettre en place.

Comme vous l'avez proposé dans votre précédent amendement, monsieur le sénateur, nous avons absolument besoin de travailler ensemble pour chercher les meilleures solutions. C'est bien le sens de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Il faut marquer les étapes.

L'adoption de cet amendement, après celle de l'amendement n° 41 rectifié ter, permettra d'améliorer grandement le texte. Tout à l'heure, certains ont eu la volonté de supprimer l'article 3 bis B. Or, dans la rédaction issue de nos travaux, il ne manquera pas d'intérêt. Nous verrons ce qu'il en sera de sa mise en œuvre. Cédric Vial a indiqué ses attentes et ses espérances.

Quoi qu'il en soit, nous sommes en train de fortement améliorer le texte. C'est pourquoi je tiens à saluer ces deux amendements, dont l'adoption permet de créer ce dialogue qui semblait n'être pas prévu dans le texte d'origine.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37 rectifié quater.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote sur l'article.

Mme Colombe Brossel. L'ampleur de ce que nous sommes en train de faire cet après-midi méritait le débat que nous avons eu.

Au nom du groupe SER, je remercie la rapporteure du travail qu'elle a accompli. Pour autant, malgré les auditions qui ont été organisées, les travaux en commission et les discussions en séance publique, nous ne sommes pas convaincus.

Nous n'avons pas obtenu de réponse aux questions que nous avons posées, notamment sur l'évaluation.

Nous ne sommes pas convaincus par la méthode, nous l'avons dit. Vingt ans après la loi de 2005, il aurait été normal que le Gouvernement présente un projet de loi avec tout ce que cela implique : ambition politique, vision, étude d'impact.

En votant cet article, puis cette proposition de loi, ne prenons-nous pas le risque, collectivement, de créer de la désillusion ? Voilà la question qui nous est posée.

Nous remercions nos collègues d'avoir essayé d'améliorer un dispositif introduit un peu à la hussarde. Pour autant, nous n'avons pas la garantie de ne pas susciter de désillusions chez les parents d'enfant en situation de handicap, chez tous ceux qui les accompagnent, les enseignants et, bien sûr, les AESH.

Nous savons que nous n'avons pas réglé l'un des sujets majeurs, qui est le statut, la rémunération, la reconnaissance des AESH. C'est la raison pour laquelle nous voterons contre cet article, qui ne nous paraît pas offrir suffisamment de garanties.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote sur l'article.

M. Pascal Savoldelli. Amendements ou non, tout le monde a constaté la pénurie désastreuse de personnel pour accompagner les élèves en situation de handicap.

C'est bien d'en parler concrètement.

Dans le département du Val-de-Marne, le père de Nils Ordonez – je cite son nom avec son accord –, autiste avec un taux d'incapacité de 80 %, cherche désespérément une solution d'accueil adapté. À l'issue de démarches multiples – dossier complet, orienté, égaré, relancé –, zéro réponse !

M. Pascal Savoldelli. Ce n'est pas cela, l'école inclusive.

Autre exemple, une petite fille, dont je tairai le nom en accord avec les parents, a reçu une notification de la MDPH qui a validé son orientation vers une unité d'enseignement en maternelle autisme (UEMA) : aucune place disponible, scolarité sans accueil, famille laissée seule.

Voilà ce qui nous préoccupe ! Malheureusement, mon département n'a pas l'exclusivité de ces situations dramatiques.

Comme je l'ai souligné tout à l'heure, dans ce texte, il fallait aborder la question du statut des AESH. En effet, qui dit statut dit absence de confusion ou de mélange des genres entre les fonctions d'une AESH et celles d'une assistante d'éducation ou de tout autre intervenant adulte.

Cela pose évidemment la question de leur rémunération. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais, si l'on ne crée pas un statut et que l'on n'augmente pas la rémunération, on s'expose à une crise durable de recrutement des AESH, ce qui conduira à abandonner les familles.

C'est vrai pour cet article, mais c'est vrai pour l'ensemble de cette proposition de loi. Il ne peut pas y avoir d'école inclusive digne de ce nom si l'on ne change pas d'ambition dans ce qui relève des prérogatives de l'éducation nationale.

Madame la ministre a raison : il faut évidemment mobiliser d'autres partenaires, j'en suis conscient. Combien sommes-nous à avoir posé la question de l'accompagnement médical, de la place de la médecine dans l'école en matière de prévention, notamment au regard des événements tragiques auxquels nous sommes confrontés ?

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cet article. Il ne s'agit pas de lancer une polémique : c'est argumenté et fondé sur des faits réels connus et reconnus, ainsi que sur des exemples concrets.

M. le président. Je mets aux voix l'article 3 bis B, modifié.

(L'article 3 bis B est adopté.)

Article 3 bis B
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers
Article 3 bis C

Après l'article 3 bis B

M. le président. L'amendement n° 38 rectifié ter, présenté par MM. C. Vial, Burgoa et Sol, Mme Evren, M. Bruyen, Mmes Josende et P. Martin, M. J.B. Blanc, Mme Schalck, M. Savin, Mmes Dumont et Ventalon, MM. Chaize et Mouiller, Mme Aeschlimann, M. Brisson, Mme Petrus, MM. Belin, Genet et J.P. Vogel, Mmes Berthet, Joseph et Lassarade et MM. Sido, P. Vidal et Delia, est ainsi libellé :

Après l'article 3 bis B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 223-5 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ...°De définir en concertation avec les maisons départementales des personnes handicapées un référentiel commun d'évaluation du handicap et des indicateurs de prescription pour les élèves en situation de handicap. »

La parole est à M. Cédric Vial.

M. Cédric Vial. Il s'agit de compléter le code de la sécurité sociale pour y faire figurer une nouvelle compétence dévolue à la CNSA, celle « de définir en concertation avec les maisons départementales des personnes handicapées un référentiel commun d'évaluation du handicap et des indicateurs de prescription pour les élèves en situation de handicap ».

Nous avons aujourd'hui besoin d'une politique nationale du handicap. Chaque MDPH a ses propres règles, ses propres habitudes de prescription – j'allais dire : ses propres mauvaises habitudes.

On note ainsi des différences de notification. Ainsi, dans un département, la proportion entre les notifications individuelles et les notifications mutualisées peut être de 70 contre 30, alors qu'elle peut être de 20 contre 80 dans un autre. Les écarts sont parfois énormes ! Certaines MDPH notifient quasi systématiquement de l'aide individualisée, quand d'autres, à l'inverse, notifient tout aussi quasi systématiquement de l'aide mutualisée.

Il faut donc un référentiel. Il ne s'agit pas de dire que tel handicap vaut tant d'heures d'accompagnement, etc. Pour autant, il faut fixer des lignes directrices. Selon moi, c'est à la CNSA, accompagnée de l'inspection générale ou du ministère de l'éducation nationale, de le faire.

Je regrette que l'on ne se soit jamais saisi de ces questions. Ce n'est pas faute de l'avoir réclamé pendant des années !

On se plaint que le système ne fonctionne pas, que les notifications sont inapplicables dans certains cas, mais il n'y a jamais eu de travail national commun concernant les MDPH.

Je ne prendrai qu'un exemple, la Seine-Saint-Denis. Par délibération, le conseil départemental a décidé de reconnaître le handicap social sans certificat médical, ce qui donne lieu à des notifications des MDPH : l'État finance, via la politique du handicap, sans se poser de questions. Il est pourtant temps de se poser des questions !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. La commission émet un avis favorable sur cet amendement, dont l'adoption permettra une application uniforme de la prise en charge du handicap sur notre territoire et évitera des divergences dans l'interprétation de la loi de 2005 entre les départements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 3 bis B.

Après l'article 3 bis B
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers
Articles 3 ter à 3 septies

Article 3 bis C

Le cinquième alinéa de l'article L. 917-1 du code de l'éducation est ainsi modifié :

1° (Supprimé)

1° bis (nouveau) Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Cette formation obligatoire intervient dans un délai de deux mois suivant leur première affectation. » ;

2° (Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 14 rectifié ter, présenté par Mmes Monier et Brossel, MM. Kanner et Chantrel, Mme Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, MM. Ros et Ziane, Mmes Féret, Le Houerou, Lubin, Canalès et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

dans un délai de deux mois suivant leur première affectation

par les mots :

préalablement à leur première affectation, dans des conditions fixées par décret

La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.

Mme Marie-Pierre Monier. Cet amendement vise à garantir une formation des AESH avant leur première affectation. Il n'est pas raisonnable de permettre à des personnels d'intervenir auprès d'enfants en situation de handicap, même pendant un délai de deux mois, sans qu'ils aient été formés.

Tout le monde constate les dysfonctionnements et les carences dans les formations des AESH. Lorsque celles-ci existent, elles sont expéditives ! Dans le 93, la formation se résume à une réunion Zoom la veille de la rentrée. La formation des AESH, officiellement fixée à 60 heures, est anecdotique, compte tenu de la variété des pathologies existantes, alors qu'elle concerne des personnels pour lesquels aucune qualification préalable hormis le bac n'est requise et que l'on met face à des enfants à difficulté ou à handicaps multiples.

Dans les faits, 60 % des AESH ne seraient pas formés avant leur prise de fonctions. J'espère qu'au sein de cet hémicycle nous sommes tous conscients que l'accompagnement d'enfants en situation de handicap nécessite de réelles compétences, ainsi qu'une bonne connaissance des élèves, des différents types de handicap, des besoins différenciés.

Lors de nos auditions, nous avons appris que certains AESH sont tellement investis, ont tellement le sens des responsabilités et mesurent à un point tel que ces formations sont cruciales qu'ils décident de les financer eux-mêmes, sur leurs propres deniers, bien que leurs revenus soient très modestes. Ces professionnels de terrain sont donc les premiers à réclamer une meilleure préparation et une véritable formation, et non quelques heures dispensées selon le bon vouloir des autorités académiques.

M. le président. L'amendement n° 55, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

dans un délai de deux mois suivant leur première affectation

par les mots :

en partie préalablement à leur première affectation et se poursuit ultérieurement dans des conditions fixées par décret

La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Cet amendement vise à reprendre une disposition proposée par M. Cédric Vial, jugée irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution, qui assure qu'une partie de la formation est dispensée aux AESH avant leur prise de fonctions. Cette mesure sera rendue possible notamment par l'adoption d'un amendement à l'article 3 bis B, qui permet d'organiser ces prises de fonctions postérieurement à des temps de vacances scolaires.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. La commission demande le retrait de l'amendement n° 14 rectifié ter au profit de l'amendement du Gouvernement.

Si la commission n'a pas pu examiner l'amendement n° 55, à titre personnel, j'y suis favorable, car il a pour objet de répondre à la nécessité de ne pas mettre d'AESH non formés devant les élèves, ce qui est une préoccupation récurrente de la commission.

En revanche, il ne faudrait pas que la seconde partie de la formation ne soit jamais proposée, au motif que la formation minimale reçue les premiers jours a été assurée. Nous devrons y faire attention, car nous avons entendu lors de nos auditions que la formation était considérée comme complète lorsque les AESH avaient suivi 70 % du quota horaire fixé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 14 rectifié ter ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre Monier. J'ai les mêmes inquiétudes que Mme la rapporteure.

Tel qu'il est rédigé, l'amendement tend à prévoir une formation minimale avant la première affectation des AESH. Comment se contenter d'une formation minimale pour des personnels qui n'ont jamais été devant des élèves ou qui peuvent se trouver face à des élèves avec plusieurs handicaps ? On le voit, leur condition d'exercice est difficile.

J'espère que ce n'est qu'un début. De ce point de vue, cette disposition constitue un premier pas. J'ai bien compris que mon amendement risquait de ne pas être voté. Par conséquent, nous voterons celui du Gouvernement, avec toutes les réserves que je viens d'émettre.

M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.

M. Cédric Vial. Cette disposition constitue le sommet de la pyramide de tout ce que l'on vient de voter.

La formation est un enjeu important, qui a été rendue possible par l'adoption des amendements précédents.

Les textes prévoient qu'une formation initiale obligatoire de 60 heures doit être suivie dans l'année de la prise de poste. La loi précise qu'elle doit avoir lieu au cours du premier trimestre, c'est-à-dire dans les trois premiers mois.

En pratique, dans le meilleur des cas, cette formation commence au mois de décembre et se poursuit au second semestre. Cela signifie que, pendant trois à six mois, des agents accompagnent des élèves sans avoir aucune formation. Comme ils le disent eux-mêmes, leur agent de formation, c'est Google ! Ils cherchent sur le moteur de recherche ce qu'ils doivent faire pour accompagner un enfant en fonction de son handicap. Il n'est pas raisonnable que cela se passe ainsi aujourd'hui dans un ministère comme celui de l'éducation nationale.

Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale prévoyait que cette formation soit dispensée dans un délai de deux mois après la prise de fonction des AESH. Comme cette formation est étalée sur douze mois, cela ne changerait rien ! Par conséquent, il faut organiser la formation avant la prise de poste. Nous ne demandons pas que cette formation de 60 heures soit intégralement assurée avant la prise de poste – les agents ne prendraient jamais leur poste dans ce cas. En revanche, il faut au moins une formation minimum sur la posture.

Quand on embauche un agent et qu'on le met avec un enfant en situation de handicap dans une salle de classe, probablement pour la première fois, le moins que l'on puisse faire, c'est lui expliquer ce que l'on attend de lui vis-à-vis de l'enfant, de la famille, de l'enseignant, ce qu'est son rôle, ce qu'il n'est pas – surtout ! –, bref, qu'on lui donne quelques codes.

Après sa prise de poste, il pourra suivre le reste de la formation et être ainsi accompagné – sans doute mieux qu'avant grâce aux nouveaux PAS – sur la prise en charge du handicap spécifique de l'enfant dont il aura à s'occuper.

Assurer une formation préalable et s'assurer qu'elle ait lieu me paraît une avancée importante.

Madame Monier, accepteriez-vous de rectifier votre amendement pour le rendre identique à celui du Gouvernement ? (Mme Marie-Pierre Monier acquiesce.) Ces deux approches vont en effet dans le même sens. En outre, cela montrerait que garantir une formation avant la prise de poste des AESH constitue un acte transpartisan fort.

M. le président. Mme Monier, acceptez-vous de rectifier l'amendement n° 14 rectifié ter pour le rendre identique à celui du Gouvernement ?

Mme Marie-Pierre Monier. Oui, monsieur le président.

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 14 rectifié quater, dont le libellé est strictement identique à celui de l'amendement n° 55.

La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Lorsque nous avons eu ce débat, le ton est monté. Je le regrette, chère Marie-Pierre Monier.

Vous proposez un idéal par rapport à une situation qui est aujourd'hui insupportable. Cédric Vial a essayé de construire un dispositif raisonnable et responsable. C'était loin de cet idéal, mais cela allait dans mon sens. L'article 40 est passé par là – on pourrait débattre du recours à l'article 40 ou… du non-recours à celui-ci, parfois. (Sourires.)

Mme la ministre a bien voulu reprendre son amendement et nous proposer une solution médiane. J'espère que nous le voterons tous ensemble. Ce sera un progrès et cela marquera un pas supplémentaire, comme nous en faisons beaucoup cet après-midi, pour un meilleur positionnement, sinon un meilleur statut, des AESH.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 14 rectifié quater et 55.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 17 rectifié ter, présenté par Mmes Monier et Brossel, MM. Kanner et Chantrel, Mme Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, MM. Ros et Ziane, Mmes Féret, Le Houerou, Lubin, Canalès et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette formation prend en compte les différents types de handicap.

La parole est à Mme Colombe Brossel.

Mme Colombe Brossel. Nous avons parlé durée et organisation de la formation des AESH. J'aimerais que l'on évoque maintenant les modules de formation prévus.

Cet amendement vise à rendre obligatoire l'instauration de modules différenciés dans la formation spécifique qui sera dispensée aux AESH lors de leur prise de fonctions et de manière régulière tout au long de leur carrière.

Aujourd'hui, leur prise de fonctions n'est conditionnée qu'à une qualification, le baccalauréat. Quant à la formation, elle est trop souvent aléatoire et parfois inadaptée aux enjeux humains et à la diversité de ceux qui leur sont associés.

Pascal Savoldelli a cité des exemples dans le département du Val-de-Marne. Pour ma part, j'ai rencontré à Paris il y a quelques semaines un jeune homme AESH – c'est rare – accompagnant d'un enfant autiste. Il était précédemment animateur dans un centre de loisirs. Il m'a raconté son immense détresse d'avoir été projeté dans un univers, l'autisme, dont il ne connaissait rien et dont il a appris les bases – seulement les bases – sur son téléphone portable et sur son ordinateur. Ce n'est pas bien. Lui-même disait qu'il n'avait pas été un bon AESH.

Des exemples comme celui-là, nous en avons tous. Il faut construire une meilleure organisation de la formation des AESH. Nous venons de le faire ensemble. Il faut aussi, car c'est tout aussi important, faire en sorte que l'ensemble des types de handicap et leurs particularités soient également inscrits dans la formation des AESH.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

N'alourdissons pas le contenu du code de l'éducation. Par ailleurs, face à la multitude des handicaps, cette formation risque de se limiter à du saupoudrage sans réelle valeur ajoutée pour les AESH.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Il était important de préciser l'organisation de la formation avant la prise de fonctions. Le référentiel de formation des AESH prévoit bien de former aux différents types de handicap. Cet amendement me paraît donc satisfait.

C'est pourquoi le Gouvernement en demande le retrait ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 30 rectifié, présenté par M. Laouedj, Mmes M. Carrère et Pantel, M. Roux, Mmes Guillotin et Jouve, MM. Grosvalet, Gold, Fialaire et Daubet, Mme Briante Guillemont et M. Cabanel, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Lorsque les accompagnants des élèves en situation de handicap sont affectés dans une école maternelle, la formation mentionnée au présent alinéa comprend un module spécifique relatif au développement de la petite enfance et aux troubles précoces du neurodéveloppement. » ;

La parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. La formation actuelle des AESH repose exclusivement sur un tronc commun de 60 heures, uniforme, quel que soit le niveau d'affectation. Elle ne prend pas en compte le fait qu'un accompagnant en maternelle fait face à des défis très différents, comme des repères cognitifs en construction ou encore l'identification de troubles neuro-développementaux détectables dès 3 ou 4 ans.

Il s'agit, par cet amendement d'Ahmed Laouedj, de prévoir un effort de formation plus technique qui ne nécessiterait pas de moyens supplémentaires significatifs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. Là encore, il s'agit de ne pas alourdir le code de l'éducation. En revanche, la formation pourrait être adaptée à la suite de l'affectation pour répondre aux questions spécifiques sur la prise en charge des élèves en maternelle.

Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Même avis.

M. le président. Madame Carrère, l'amendement n° 30 rectifié est-il maintenu ?

Mme Maryse Carrère. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 30 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 3 bis C, modifié.

(L'article 3 bis C est adopté.)

Article 3 bis C
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers
Article 3 octies

Articles 3 ter à 3 septies

(Supprimés)

Articles 3 ter à 3 septies
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers
Après l'article 3 octies

Article 3 octies

(Supprimé)

M. le président. L'amendement n° 18 rectifié ter, présenté par Mmes Monier et Brossel, MM. Kanner et Chantrel, Mme Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, MM. Ros et Ziane, Mmes Féret, Le Houerou, Lubin, Canalès et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Les enseignants et les professionnels intervenant auprès des élèves à besoins éducatifs particuliers peuvent bénéficier, durant leur temps de service, d'une formation pluricatégorielle et interministérielle portant sur l'accueil, l'accompagnement et la prise en compte des besoins de ces élèves.

La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.

Mme Marie-Pierre Monier. Cet amendement a pour objet de rétablir une disposition adoptée par l'Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement et supprimée lors de l'examen en commission au Sénat.

Il est extrêmement important que les intervenants auprès des élèves à besoins éducatifs particuliers, qu'ils soient issus de l'éducation nationale ou du secteur médico-social, puissent bénéficier d'une formation commune pour apprendre à gérer ensemble les problèmes et le parcours de ces élèves. Les acteurs que nous avons reçus sont demandeurs d'une telle formation, estimant que l'on n'avance qu'en mettant en commun les expériences et en confrontant les points de vue.

Une telle approche mettrait fin au cloisonnement qui persiste parfois entre les personnels intervenant auprès des élèves et viendrait nourrir une culture commune de l'accessibilité, in fine bénéfique à l'ensemble des élèves.

À ce titre, mesdames les ministres, mes chers collègues, je souhaite vous faire part d'une anecdote entendue lors d'une audition par mon groupe d'associations gérant des établissements médico-sociaux. Des enseignants ayant sollicité une formation pour être mieux accompagnés dans l'accueil des enfants autistes ont mis à profit ces nouvelles connaissances auprès d'autres élèves dont les comportements en classe étaient compliqués.

À l'heure où certains estiment que l'ambition de l'institution scolaire risque d'arriver à un point de rupture, nous estimons que c'est aussi par de telles solutions opérationnelles, en prise avec les réalités de terrain, que nous pourrons avancer.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement. Le droit permet déjà l'organisation de telles formations.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Même avis pour les mêmes raisons.

C'est bien ce que nous faisons et ce que nous souhaitons continuer à développer pour permettre cette culture commune entre les professionnels du secteur médico-social et ceux de l'éducation nationale.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 3 octies demeure supprimé.

Article 3 octies
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers
Article 4

Après l'article 3 octies

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 7 rectifié ter, présenté par Mmes Monier et Brossel, MM. Kanner et Chantrel, Mme Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, MM. Ros et Ziane, Mmes Féret, Le Houerou, Lubin, Canalès et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 3 octies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 30 septembre 2025, le Gouvernement remet au Parlement un rapport étudiant la possibilité de l'intégration des accompagnants d'élèves en situation de handicap dans la fonction publique d'État et de la création d'un corps de catégorie B dédié. Il précise les modalités d'accès à ce corps dont la formation et les diplômes requis ainsi que le coût de la mesure.

Ce rapport fait l'objet d'un débat au sein des commissions en charge de l'éducation et des finances des deux assemblées.

La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.

Mme Marie-Pierre Monier. Cet amendement vise à étudier la possibilité d'intégration des AESH dans un corps de catégorie B de la fonction publique et de leur octroyer ainsi un véritable statut. Il nous faut y arriver.

Nous l'avons dit, en nombre, les AESH constituent le deuxième corps de l'éducation nationale après les professeurs. Leurs conditions de travail et de vie sont vraiment déplorables, en plus d'une formation qui est anecdotique ou embryonnaire, quand elle n'est pas inexistante.

Seuls 2 % des quelque 150 000 AESH exerceraient à plein temps. Leur salaire est indigne. La moyenne salariale se situe ainsi à moins de 900 euros net par mois du fait du temps partiel subi et de l'impossibilité d'accéder à un temps plein. Ajoutons que ces revenus sont souvent ceux d'une famille monoparentale, les AESH étant dans leur très grande majorité des femmes, souvent des mamans solos.

En raison du manque d'attractivité de la profession auquel s'ajoutent des conditions de travail extrêmement difficiles, malgré un recrutement annuel en hausse, le nombre d'AESH est très insuffisant face à la très forte demande d'enfants en situation de handicap scolarisés en milieu scolaire. Leur nombre a plus que quadruplé en vingt ans, tandis que leurs handicaps ou troubles sont de plus en plus divers et nécessitent des prises en charge de types très différents.

L'absence d'AESH en nombre suffisant implique la mutualisation des personnels auprès des enfants et la prise en charge de plusieurs enfants en même temps souffrant souvent de handicaps ou troubles très différents. On nous a rapporté les cas d'AESH prenant en charge jusqu'à neuf enfants par semaine.

Les temps d'intervention sont aussi extrêmement variables : deux heures auprès de l'un, quatre heures auprès de l'autre. On gère la pénurie en exploitant la précarité de toute une profession.

Il est temps que cela cesse, que les AESH ne soient plus exploités de façon indigne et qu'ils bénéficient d'un statut au sein de la fonction publique. Cela facilitera la mise en œuvre effective de l'école inclusive.

J'espère que le Gouvernement étudiera cette possibilité et nous remettra un rapport avant le 30 septembre prochain.

M. le président. L'amendement n° 27 rectifié, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'article 3 octies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement une étude d'impact analysant les modalités de création d'un corps de la fonction publique pour les accompagnants d'élèves en situation de handicap. Le rapport étudie les modalités de titularisation des accompagnants en exercice. Les hypothèses étudiées relatives au contenu du statut envisagé visent à rendre attractif l'emploi d'accompagnant d'élèves en situation de handicap et à améliorer la qualité de l'accompagnement humain de ces élèves.

La parole est à Mme Mathilde Ollivier.

Mme Mathilde Ollivier. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Un rapport conjoint de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche est en cours, pour réfléchir au meilleur cadre qui pourrait être proposé aux AESH. Chacun s'accorde sur le fait que le cadre actuel n'est pas satisfaisant.

C'est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 21 rectifié quater, présenté par M. Chantrel, Mmes Monier et Brossel, M. Kanner, Mme Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, MM. Ros et Ziane, Mmes Féret, Le Houerou, Lubin, Canalès et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 3 octies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Une commission d'évaluation des besoins d'accompagnement scolaire des enfants handicapés français à l'étranger est instituée auprès de chaque poste diplomatique ou consulaire, dans des conditions fixées par décret. Elle comprend un représentant du poste, un représentant de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, un médecin ou psychologue référent, et un représentant d'association de familles. Les membres de cette commission ne perçoivent ni salaire, ni indemnité, ni avantage de toute nature.

Cette commission peut proposer une équivalence aux décisions de la Maison départementale des personnes handicapées pour ouvrir droit à un accompagnement dans les mêmes conditions que sur le territoire national.

La parole est à M. Yan Chantrel.

M. Yan Chantrel. Il n'existe, pour les familles d'enfants en situation de handicap qui vivent hors de France, aucune procédure consulaire équivalente à celle qu'offrent les MDPH ni aucun équivalent à ces dernières.

Cela ne concerne pas que des expatriés. Certains fonctionnaires détachés se retrouvent discriminés par rapport à leurs homologues en France ou dans une situation de discontinuité du service public si leurs enfants étaient antérieurement scolarisés en France.

À l'heure actuelle, la demande d'aide des familles dont l'enfant nécessite l'accompagnement par un AESH passe par une notification MDPH émise en France, sans prise en compte des spécificités des situations locales en lien avec l'expatriation.

Les familles doivent souvent gérer à distance un dossier complexe, sans soutien. Les délais de traitement sont très longs – un an, voire plus – et l'évaluation peut aussi varier en fonction de la MDPH à laquelle on envoie le dossier. Celle de Paris est la plus sollicitée, mais certaines familles en sollicitent d'autres dans différents départements de notre pays.

Cet amendement vise donc à faciliter la reconnaissance du handicap à l'étranger par l'instauration de commissions d'évaluation auprès des postes consulaires en équivalence avec les MDPH, comme cela se fait d'ailleurs pour d'autres sujets. Il existe des commissions analogues au sein des conseils consulaires.

La création de cette commission est sans coût pour les finances publiques, puisque, sur le modèle des autres commissions qui siègent au sein des conseils consulaires, ses membres seront tous bénévoles. Elle sera d'un grand profit pour toutes ces familles qui doivent avancer les frais d'un accompagnant, parfois durant toute l'année, le temps que leur dossier soit traité et qu'une notification MDPH leur arrive enfin.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. Cet amendement soulève un point important : la détection des élèves en situation de handicap dans les réseaux des établissements français à l'étranger et leur rattachement à une MDPH.

Le système actuel, en effet, manque d'efficacité. En revanche, cet amendement ouvre une brèche dans le monopole actuel des MDPH dans la définition du handicap et l'évaluation des besoins.

La précision apportée par M. Chantrel est bienvenue. Aussi la commission s'en remettra-t-elle à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, vous soulevez les problèmes que pose le dossier MDPH : le caractère fastidieux et lourd des procédures, les délais de réponse très longs et les disparités dans les réponses apportées par les MDPH.

Mon ministère mène actuellement un travail pour harmoniser et accélérer le traitement de ces dossiers, en collaboration avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), avec les départements, qui sont pleinement impliqués dans les MDPH, avec d'autres ministères également, notamment le ministère de l'éducation nationale, qui est également partie prenante dans l'évaluation des besoins des enfants en situation de handicap. L'amendement précédent de M. Vial est ainsi satisfait.

Cependant, ces dossiers doivent toujours être traités par les MDPH, qui notifient les droits. Les départements y jouent un rôle prépondérant et sont à la manœuvre.

Une instance à part, complètement déconnectée des départements, serait une espèce d'ovni juridique. Par conséquent, j'émets un avis défavorable sur cet amendement. Je vous propose plutôt de continuer à simplifier les démarches des parents vivant à l'étranger.

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.

M. Yan Chantrel. Je tiens à apporter une précision, madame la ministre. Évidemment, nous n'envisageons pas un dispositif de remplacement des MDPH. Nous proposons d'apporter à ces dernières une expertise qu'elles n'ont justement pas – c'est le problème. Cela leur faciliterait la vie.

J'ai pris en compte les remarques de Mme la rapporteure en commission et, pour vous rassurer, madame la ministre, j'ai rectifié mon amendement afin que vous puissiez fixer par décret les conditions dans lesquelles cette commission prend ses décisions. Ainsi, vous avez la main et vous pourrez prendre en compte les éléments que vous venez de mettre en avant.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21 rectifié quater.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 3 octies.

Après l'article 3 octies
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers
Intitulé de la proposition de loi (début)

Article 4

(Suppression maintenue)

Article 4
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers
Intitulé de la proposition de loi (fin)

Intitulé de la proposition de loi

M. le président. L'amendement n° 42 rectifié ter, présenté par MM. C. Vial, Burgoa et Sol, Mmes Evren, Josende, P. Martin et Garnier, M. J.B. Blanc, Mmes Schalck, Dumont et Ventalon, MM. Chaize et Mouiller, Mme Petrus, MM. Belin, Genet et J.P. Vogel, Mmes Berthet et Lassarade et MM. Sido, P. Vidal et Delia, est ainsi libellé :

Après le mot :

des

rédiger ainsi la fin de l'intitulé :

élèves en situation de handicap

La parole est à M. Cédric Vial.

M. Cédric Vial. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 42 rectifié ter est retiré.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.

Mme Colombe Brossel. J'expliquerai notre vote en quelques minutes, Marie-Pierre Monier ayant indiqué dans la discussion générale que nous ferions part de notre position à la fin de l'examen du texte.

Je commencerai par faire un rappel sur le calendrier d'examen du texte. Adopté à l'Assemblée nationale le 5 mai dernier, le texte est examiné et adopté au Sénat le 19 juin, à l'issue de quatre heures de discussion cet après-midi. En tout, donc, moins de deux mois.

Nous sommes sur le point de modifier de manière structurante la façon dont sont accompagnés les enfants en situation de handicap dans notre pays dans le cadre de l'école inclusive. Ce n'est pas rien comme décision !

J'ai écouté les explications données par les uns et les autres sur leurs tentatives d'améliorer ce qui nous était proposé. Je persiste à dire que la méthode n'était pas la bonne et que ce n'est pas une bonne façon de faire la loi.

Évidemment, des interrogations subsistent, certaines inquiétudes n'ayant pas été levées au cours de ce débat. Nous n'avons pas obtenu d'éléments objectifs d'évaluation, de réassurance. Nous craignons que, in fine, le pilotage se fasse en fonction non plus des besoins, mais des moyens, le risque étant que le nombre d'AESH qui accompagnent aujourd'hui les enfants en situation de handicap diminue de manière concrète et opérationnelle.

Si cette proposition de loi avait concerné le livret de parcours inclusif (LPI), nous l'aurions évidemment votée. En l'état actuel des choses, nous ne pouvons que nous abstenir sur ce texte, en regrettant à nouveau la méthode. Nous espérons que nous n'aurons pas à nous donner rendez-vous pour constater les désillusions des parents et de l'ensemble des éducateurs.

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Nous avons dit que la méthode n'était pas la bonne. À cet égard, je partage le propos de Colombe Brossel.

Cela dit, nous devons à présent nous prononcer sur un texte que nous avons amélioré. Nous avons répondu en partie à l'attente de nos collègues de la commission des affaires sociales en donnant explicitement sa place dans le texte au secteur médico-social. Nous avons travaillé afin d'instaurer un dialogue entre les MDPH et l'éducation nationale. Nous avons donc également entendu la ministre de l'éducation nationale.

Il était indispensable de mettre fin à la situation actuelle, quand les notifications des MDPH constituaient l'offre d'école inclusive. L'éducation nationale se trouvait ensuite contrainte de courir après les notifications qu'elle ne contrôlait pas. Il fallait rétablir un dialogue, c'était nécessaire. C'est le travail qui a été réalisé par les deux ministres qui sont au banc aujourd'hui.

Nous avons discuté quatre heures de l'école inclusive et enregistré un certain nombre de progrès. Nous serons très attentifs, madame la ministre d'État, madame la ministre déléguée, à la manière dont ce texte sera mis en œuvre.

Vous avez fait des annonces fortes en réponse aux sénatrices et aux sénateurs des groupes d'opposition, mais aussi à mon ami Cédric Vial. Et vous connaissez la ténacité de Cédric Vial : il s'assurera que vos annonces seront suivies d'effets. Après avoir amélioré le texte, nous serons très attentifs à sa mise en œuvre et à son suivi. Nous nous reverrons donc sur ce sujet.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Je souhaite à mon tour remercier la rapporteure de son travail de réécriture, grâce auquel nous allons pouvoir voter ce texte. Son travail nous permet de sécuriser et de responsabiliser les acteurs et de clarifier leur rôle. L'objectif, partagé sur toutes nos travées, est d'agir dans l'intérêt des élèves à besoins éducatifs particuliers, de leur offrir un meilleur accueil, de faciliter le partage des informations et de mettre en œuvre un dispositif plus performant pour les élèves, leurs familles et les acteurs du secteur.

Il s'agit d'une première réponse, qui n'est certes pas totalement satisfaisante, mais nous avançons. Plus de 500 000 élèves attendent, nous pouvons donc nous satisfaire de cette première réponse.

Nous devons néanmoins faire preuve de vigilance sur certains points : je pense à la mise en œuvre des PAS, aux délais entre notification et attribution, aux formations, qui sont absolument nécessaires, à l'accompagnement durant les temps périscolaires et à la médecine scolaire – enfin ! –, mais avec quels moyens ? Nous le verrons lorsque nous aborderons le budget à la rentrée.

Oui, chère Colombe Brossel, dans un monde idéal, nous examinerions un projet de loi, comme nous le souhaitons tous, mais le monde idéal n'existe pas aujourd'hui. Je l'ai dit dans la discussion générale, on a compté six ministres de l'éducation nationale en trois ans, tous n'ayant pas toujours la même vision. Faute de projet de loi, nous adoptons donc des propositions de loi.

Je m'arrête là, car il nous reste deux textes à examiner. Je renouvelle mes remerciements à la commission et à la rapporteure.

M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.

M. Cédric Vial. À mon tour, je tiens à adresser des remerciements, car je pense que nous avons fait œuvre utile. Je remercie d'abord Mme la rapporteure du travail qu'elle a réalisé et qui a abouti à ce texte, certes imparfait, mais qui permet néanmoins de grandes avancées.

Je remercie ensuite les membres de la commission et, plus largement, l'ensemble de mes collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent. Nous avons eu des discussions intéressantes. Un consensus s'est très souvent dégagé sur certaines de nos propositions, comme sur la formation, mais nous éprouvons aussi quelques insatisfactions.

Enfin, je vous remercie, madame la ministre de l'éducation, car vous avez tenu parole. Nous avons échangé, partagé des points de vue, certaines convictions communes, d'autres qui l'étaient un peu moins, pour parvenir à un compromis permettant d'avancer. Nous avons certes encore quelques doutes, que d'autres pourraient qualifier d'espoirs – cela dépend de quel côté on se place.

Nous ferons preuve d'un soutien vigilant. Nous ferions une erreur aujourd'hui en pensant que nous avons changé les choses : nous avons contribué à fixer une ébauche de cadre, à donner une impulsion, mais c'est vous qui avez les cartes en main, madame la ministre. Aussi, je vous en conjure, saisissez-vous du processus dans son intégralité. Nous parlions de véhicule précédemment, il faut à présent mettre les mains dans le cambouis.

À ce stade, madame la ministre, ne laissez pas votre administration, ni à l'échelon local ni à l'échelon national, gérer le processus. Ce sujet est politique. Nous n'avons pas encore correctement mis les choses en place. Nous avons besoin d'une impulsion politique forte pour réussir à mettre en place une école inclusive, une école pour tous finalement, qui soit digne de ce nom. Nous comptons sur vous.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour explication de vote.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Je remercie à mon tour Mme la rapporteure de la qualité de son travail et Mmes les ministres de leur écoute attentive. Elles ont bien su prendre en compte nos idées et nos suggestions. L'école inclusive est une politique des petits pas. Elle est une priorité et une urgence dans notre pays, notamment pour les 500 000 élèves qui ont besoin d'être soutenus. En cet instant, j'ai une pensée pour leurs familles en détresse.

Ce texte comporte des avancées et nous avons l'espoir que les futurs PAS seront efficaces. Je rappelle néanmoins aux deux ministres qu'il est important de continuer à affecter les moyens nécessaires au fonctionnement des MDPH afin d'accélérer le délai de traitement des dossiers. À cet égard, vous me permettrez d'avoir une pensée pour la MDPH des Hauts-de-Seine, pensée à laquelle mon collègue Xavier Iacovelli, j'en suis sûre, s'associera.

Pour améliorer le quotidien des élèves dans leurs établissements scolaires, il faut continuer à mieux associer les collectivités locales. Tel était le sens de plusieurs des amendements que j'ai portés. Je vous remercie d'en avoir accepté un certain nombre.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble de la proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 329 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 227
Pour l'adoption 227

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure. Je remercie chacun d'entre vous. Certes, ce texte n'est pas parfait, mais nous l'avons, tous ensemble – je tiens à le faire remarquer – amélioré autant que possible. Je remercie également les services de la commission, qui ont effectué un travail considérable.

Nous avons réalisé de belles avancées. Nous espérons maintenant que les enfants seront accueillis dans de meilleures conditions et que l'État, bien sûr, nous fournira les moyens nécessaires. Merci beaucoup. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ainsi que sur les travées du groupe SER.)

Intitulé de la proposition de loi (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers
 

3

 
Dossier législatif : proposition de loi sur la profession d'infirmier
Article 1er

Profession d'infirmier

Adoption définitive des conclusions d'une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi sur la profession d'infirmier (texte de la commission n° 680, rapport n° 679).

La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean Sol, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire réunie le mardi 3 juin dernier sur la proposition de loi sur la profession d'infirmier est parvenue à un texte commun.

Des échanges nourris avec notre collègue rapporteure Nicole Dubré-Chirat ont permis d'aboutir à un texte ambitieux, répondant aux attentes de la profession, qui demeure traversée par un sentiment de manque de reconnaissance. Il permettra de rénover le cadre d'exercice des infirmiers et de fluidifier ses évolutions ultérieures, de mieux valoriser la profession et la diversité de ses modalités d'exercice.

Sur l'article 1er, les positions de nos deux chambres ont spontanément convergé. Il réformera profondément le cadre législatif de la profession, qui reste aujourd'hui défini en référence au monopole médical et limité par un décret d'actes ancien, devenu obsolète.

Désormais, la loi fixera les principales missions et conditions d'exercice des infirmiers. Elle renverra au décret le soin de définir les domaines d'activité et de compétence de la profession, et à l'arrêté celui de fixer la liste des actes réalisés, pour simplifier leur mise à jour et limiter le phénomène de glissement d'actes que l'on constate aujourd'hui.

L'article consacre également les notions de consultations et de diagnostics infirmiers, qui se distinguent sans ambiguïté des actes médicaux, et confie aux infirmiers un pouvoir de prescription dans un champ élargi, qui devra être précisé par décret.

Enfin, il consacre l'accès direct aux infirmiers intervenant en soins de premier recours dans le cadre de leur rôle propre. L'assurance maladie requiert encore trop souvent aujourd'hui une ordonnance médicale pour prendre en charge ces actes essentiels.

Le Sénat avait adopté treize amendements sur cet article, visant à sécuriser ses dispositions, à réaffirmer la complémentarité de l'exercice infirmier avec celui des autres professionnels et à valoriser la recherche en sciences infirmières. Leurs apports ont tous été maintenus dans le texte qui vous est soumis.

Enfin, pour ne pas faire peser sur chaque mise à jour de l'arrêté d'actes une contrainte excessive, la commission mixte paritaire a choisi de réécrire les dispositions relatives à la rémunération des infirmiers. Une négociation sera lancée dès la promulgation de la loi. Par la suite, il appartiendra aux partenaires conventionnels et à l'État de revaloriser les infirmiers chaque fois qu'une extension de compétences le justifiera.

L'expérimentation portée par l'article 1er quater ouvrira, en outre, l'accès direct aux infirmiers en exercice coordonné au-delà de leur rôle propre. Nous avions soutenu et sécurisé cette expérimentation, qui permettra d'apprécier l'opportunité d'une évolution des compétences infirmières ou, en leur sein, des périmètres respectifs des rôles propre et prescrit. Là encore, l'ensemble des apports du Sénat ont été préservés.

La commission mixte paritaire a également soutenu l'article 1er bis dans sa version adoptée par le Sénat, qui permettra de mieux reconnaître le rôle des infirmiers dans les soins de premier recours sans effacer, pour autant, la contribution du médecin traitant.

Enfin, nous avions inséré en première lecture un nouvel article 1er bis A visant à consacrer le rôle des infirmiers coordonnateurs au sein des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). La commission mixte paritaire l'a soutenu et amélioré en précisant, conformément au principe d'autonomie professionnelle qui leur est applicable, que ces infirmiers ont vocation à collaborer avec le médecin coordonnateur, sans être placés sous son autorité hiérarchique. Ils exerceront également en lien étroit avec l'encadrement de l'établissement, afin d'assurer la coordination de l'équipe soignante.

Je laisserai ma collègue Anne-Sophie Romagny présenter les autres dispositions du texte et les modifications qui leur ont été apportées par la commission mixte paritaire.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, le texte que nous examinons apporte des améliorations concrètes et attendues au cadre législatif applicable à la profession infirmière. Il nous permet de redire aux près de 600 000 infirmiers notre reconnaissance pour leur contribution essentielle au système de santé.

Nous pensons, mes chers collègues, que cette proposition de loi constitue une étape importante dans l'évolution de la profession. C'est pourquoi la commission vous invite à l'adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Monsieur le président, madame la vice-présidente de la commission des affaires sociales, chère Pascale Gruny, madame la rapporteure, chère Anne-Sophie Romagny, monsieur le rapporteur, cher Jean Sol, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je suis sincèrement très heureux de vous retrouver aujourd'hui pour ce qui constitue l'ultime étape du cheminement parlementaire d'une réforme importante et attendue.

Je l'ai dit dès l'ouverture de nos débats sur cette proposition de loi : nous devons avancer et aller vite pour concrétiser dans la loi la refonte du métier d'infirmier. Et pour cause : c'est une réforme dans laquelle mon ministère, les parlementaires et l'ensemble de la profession s'investissent depuis plus de deux ans. Nous en voyons aujourd'hui l'aboutissement !

Je commencerai par saluer l'important travail transpartisan qui a été effectué sur ce texte. Je salue naturellement les rapporteurs, Mme Anne-Sophie Romagny et M. Jean Sol, avec qui les discussions ont été constantes et constructives, à chaque étape. Enfin, je salue les membres de la commission mixte paritaire et l'ensemble des parlementaires, de tous les groupes politiques, qui se sont investis dans ce texte.

Cette capacité à avancer rapidement, à dialoguer et à coconstruire est pour moi la preuve, s'il en fallait une, que lorsqu'il s'agit de porter des réformes utiles et concrètes pour notre système de santé, pour la santé des Français et pour nos professionnels de santé, nous savons nous rassembler, au-delà des clivages et des considérations partisanes.

Dès mon arrivée au ministère, j'ai dit que je voulais construire ma politique de santé avec le Parlement et les parlementaires. C'est exactement ce que nous avons fait ici. Et c'est dans cet état d'esprit que je veux que nous continuions de travailler ensemble afin de développer des avancées significatives pour les soignants et pour la santé de nos concitoyens.

Sans être exhaustif, je pense notamment ici à la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires, déposée par Philippe Mouiller, le président de la commission des affaires sociales. Ce texte, que vous avez voté en première lecture, permet de mettre en œuvre plusieurs mesures importantes de notre pacte de lutte contre les déserts médicaux.

Je pense aussi à la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par la territorialisation et la formation, que j'avais portée lorsque j'étais député et qui a été adoptée conforme au Sénat mercredi dernier. Ce texte va nous permettre de supprimer définitivement le numerus apertus.

Je pense enfin à la proposition de loi relative à l'instauration d'un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé, du sénateur Jomier, qui a également été adoptée conforme. J'ai saisi cette semaine la Haute Autorité de santé pour qu'elle fixe les ratios que prévoit le texte.

J'en viens au sujet qui nous occupe aujourd'hui.

Je commencerai par souligner combien les infirmières et les infirmiers se sont beaucoup mobilisés, lors de toutes les concertations et dans les dizaines de groupes de travail mis en place depuis 2023, pour préparer cette réforme.

Cette réforme, nous la devons au plus de 640 000 infirmières et infirmiers en exercice et aux plus de 100 000 étudiants qui aspirent à exercer ce formidable et passionnant métier.

Ils sont les chevilles ouvrières de notre système de santé, dans les services hospitaliers, en ville, jusqu'au domicile des patients, y compris sur les terrains de crise, comme à Mayotte, où je me suis déjà rendu à deux reprises depuis que je suis ministre. Ce sont eux qui prennent soin de nos concitoyens en remplissant au quotidien et dans tous les territoires des missions nombreuses, exigeantes, et toujours plus diversifiées.

C'est d'ailleurs pour cela que, conformément à mes engagements, j'ai adressé au directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie une lettre de cadrage ambitieuse, qui nous permettra d'ouvrir des négociations conventionnelles pour traduire en ville les avancées de cette proposition de loi.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, si j'ai tenu à prendre le temps de saluer l'important travail de fond réalisé par les parlementaires et avec la profession depuis le début de la réforme et jusqu'à la réunion de la commission mixte paritaire, c'est parce que c'est ce qui nous permet aujourd'hui d'aboutir à un texte équilibré et ambitieux, à la hauteur des attentes des professionnels et des besoins de notre système de santé.

Le métier infirmier est peut-être celui qui a le plus évolué ces dernières années. Les missions des infirmiers se sont grandement diversifiées et étendues, notamment sous l'effet d'une demande de soins croissante et face à la hausse du nombre de maladies chroniques et de polypathologies. Le métier est dans le même temps devenu plus technique, plus pointu et plus expert.

Le Parlement a d'ailleurs été moteur dans ces avancées, en votant par exemple l'extension des compétences vaccinales, l'accès direct pour certaines activités ou encore l'établissement des certificats de décès. Sur ce dernier point, je salue les travaux menés par la sénatrice Corinne Imbert. Ces mesures s'inscrivent d'ailleurs pleinement dans les orientations de notre pacte de lutte contre les déserts médicaux, que j'ai déjà mentionné.

Mais, aujourd'hui, c'est d'une refonte plus globale que nous avons besoin, ce que ce texte permet. Nous avons désormais une première véritable définition, en propre et dans la loi, du métier d'infirmier. Surtout, avec ce texte, nous sortons de la logique du décret d'actes, devenue trop étroite. Ce décret n'avait d'ailleurs pas été revu depuis 2004.

L'approche de la profession par grandes missions que nous concrétisons est bien plus cohérente, bien plus agile et bien plus réaliste. Elle est un changement d'importance dans notre manière d'envisager le métier ; je dirai même que c'est une petite révolution ! Les cinq grandes missions inscrites dans la proposition de loi sont en parfaite adéquation avec les besoins actuels de notre système de santé.

Le texte consacre par ailleurs la notion de consultation, en s'appuyant sur les quelque 277 diagnostics infirmiers existants et déjà au cœur du raisonnement clinique infirmier. Je l'ai déjà clairement affirmé, mais je le redis sans ambiguïté : la consultation infirmière n'a nullement vocation à concurrencer la consultation médicale.

La philosophie de cette proposition de loi, comme celle de toutes les réformes que je porte, c'est de faire progresser tout le système de santé et d'utiliser toutes les compétences dont notre système est riche et dont nous avons tant besoin pour produire un effet de levier. Il n'est pas question – et il n'en a jamais été question – d'opposer les professions entre elles ; il s'agit bien de faire progresser tout le monde, chacun dans son champ propre de compétences.

C'est exactement dans cet état d'esprit constructif que nous avons cheminé sur l'article 2 du texte. La rédaction, qui a été préservée par la commission mixte paritaire, est, elle aussi, le fruit d'un important travail collectif, réalisé avec vous, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, avec les députés et tous les représentants des différentes spécialités infirmières.

Cet article ouvre la voie à la définition d'une pratique avancée pour chacune des trois spécialités infirmières – de bloc, d'anesthésie et de puériculture –, tout en préservant leurs spécificités. Nous avons atteint notre objectif : que les avancées bienvenues de l'article 2 répondent le plus possible aux attentes des professionnels comme aux impératifs de sécurité des soins.

Je m'en réjouis, car j'ai toujours soutenu la pratique avancée, que je considère comme un levier permettant à la fois de renforcer l'accès aux soins et de dynamiser les carrières infirmières. C'est d'ailleurs moi qui ai signé, en janvier 2025, le décret mettant en œuvre l'accès direct aux infirmiers en pratique avancée (IPA) dans les établissements de santé et dans les structures d'exercice coordonné. De même, j'ai également signé l'arrêté leur ouvrant la primoprescription, le mois dernier.

Nous continuons donc, avec réalisme et ambition, de renforcer et d'accompagner la montée en charge de la pratique avancée en elle-même, comme dans le champ spécifique de l'exercice spécialisé. Sur ce point également, je l'affirme clairement : il n'est pas et il ne sera jamais question d'opposer les infirmiers en pratique avancée et les infirmiers spécialisés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai tenu à rendre hommage à la profession, ainsi qu'au rôle essentiel des infirmiers auprès des patients dans tous les territoires. Ce texte de reconnaissance et de confiance est la traduction en actes de la priorité que nous leur accordons et de leur place centrale dans le système de santé. Il est un jalon majeur dans la transformation de ce métier qui est à l'œuvre ; aussi, je veillerai à ce que les textes d'application de cette loi ambitieuse suivent rapidement.

Les concertations avec la profession aboutiront prochainement à la publication d'un décret en Conseil d'État, qui définira l'exercice du métier d'infirmier au travers des cinq domaines d'activité et de compétence. Un arrêté tendra notamment à fixer la liste de soins concernés. Les autres textes réglementaires devront suivre le même rythme. J'y serai personnellement très attentif, pour que soient traduites dans les faits les nouvelles missions.

M'adressant à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux dire à tous les professionnels que je suis pleinement mobilisé pour que ces mesures fortes puissent rapidement se déployer sur le terrain afin de produire leur plein effet dans leur quotidien et dans celui des Français.

Je tiens aussi à préciser que le travail continue. Je suis tout autant impliqué dans la réingénierie de la formation infirmière qui est en cours, en collaboration avec M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. En effet, elle est tout à fait nécessaire pour traduire dans les cursus les avancées de cette loi et pour moderniser avec la même ambition les études de la prochaine génération d'infirmières et d'infirmiers qui soigneront nos concitoyens.

Depuis toujours, le métier d'infirmier est innovant, sujet à de constants progrès. Il a accompagné toutes les transformations de notre système de santé depuis son origine et nous avons plus que jamais besoin d'infirmiers et d'infirmières pour relever les défis multiples de l'accès aux soins.

Pour cette raison, le Gouvernement continuera de construire avec détermination l'avenir de ce beau métier, un métier si essentiel pour la prise en charge des patients. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDSE.)

M. le président. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

proposition de loi sur la profession d'infirmier

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi sur la profession d'infirmier
Article 1er bis A

Article 1er

I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le dernier alinéa de l'article L. 4161-1 est ainsi modifié :

a) Les mots : « ou aux infirmiers » sont supprimés ;

b) Après le mot : « vaccinations », sont insérés les mots : « , ni aux infirmiers qui effectuent des consultations infirmières dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État ou qui prescrivent les produits de santé et les examens ou effectuent les actes professionnels et les soins figurant sur les listes prévues à l'article L. 4311-1 » ;

2° L'article L. 4311-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 4311-1. – I. – L'infirmier exerce son activité, dans le respect du code de déontologie, dans le cadre de son rôle propre ou sur prescription et en coordination avec les autres professionnels de santé.

« Dans l'exercice de sa profession, l'infirmier entreprend, réalise, organise et évalue les soins infirmiers. Il effectue des consultations infirmières et pose un diagnostic infirmier. Il prescrit les produits de santé et les examens complémentaires nécessaires à l'exercice de sa profession. La liste de ces produits de santé et de ces examens complémentaires est établie par un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale pris après avis de la Haute Autorité de santé et de l'Académie nationale de médecine. Elle est mise à jour au moins tous les trois ans. Les avis mentionnés au présent alinéa sont réputés émis en l'absence de réponse dans un délai de trois mois.

« II. – Les missions de l'infirmier sont les suivantes :

« 1° Dispenser des soins infirmiers préventifs, curatifs, palliatifs, relationnels ou destinés à la surveillance clinique, procéder à leur évaluation et contribuer à la conciliation médicamenteuse ;

« 2° Contribuer à l'orientation de la personne ainsi qu'à la coordination et à la mise en œuvre de son parcours de santé ;

« 2° bis Dans le cadre de son rôle propre, en accès direct, et dans le cadre de son rôle prescrit, participer aux soins de premier recours définis à l'article L. 1411-11 ;

« 3° Participer à la prévention, aux actions de dépistage, à l'éducation à la santé, à la santé au travail, à la promotion de la santé et à l'éducation thérapeutique de la personne et, le cas échéant, de son entourage ;

« 4° Concourir à la formation initiale et à la formation continue des étudiants, de ses pairs et des professionnels de santé placés sous sa responsabilité ;

« 4° bis (Supprimé)

« 5° Exploiter les données probantes dans la pratique professionnelle et concourir à la recherche, notamment dans le domaine des sciences infirmières.

« III. – L'infirmier participe à la mission de service public de permanence des soins dans les conditions fixées à l'article L. 6314-1.

« IV. – Un décret en Conseil d'État, pris après avis des représentants des professionnels concernés, précise les domaines d'activités et de compétences de l'infirmier.

« Un arrêté du ministre chargé de la santé fixe, pour chacun des domaines d'activités, la liste des actes et soins réalisés par les infirmiers. »

II. – (Non modifié)

III (nouveau). – La promulgation de la présente loi donne lieu à une négociation sur la rémunération des infirmiers afin de tenir compte, en fonction des différents lieux d'exercice, des évolutions de compétences envisagées. Cette négociation prend aussi en compte la pénibilité du métier.

Article 1er
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Article 1er bis

Article 1er bis A

Après le premier alinéa du V de l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le personnel des établissements mentionnés aux I et IV bis peut comprendre un infirmier coordonnateur exerçant en collaboration avec le médecin coordonnateur et en lien avec l'encadrement administratif et soignant de l'établissement. Les conditions d'exercice de l'infirmier coordonnateur sont définies par décret. »

Article 1er bis A
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Article 1er ter

Article 1er bis

Au dernier alinéa de l'article L. 1411-11 du code de la santé publique, le mot : « cités » est remplacé par le mot : « mentionnés » et, après le mot : « sociale », sont insérés les mots : « et les infirmiers ».

Article 1er bis
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Article 1er quater A

Article 1er ter

Après l'article L. 4311-3 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4311-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 4311-3-1. – Les infirmiers titulaires d'un diplôme, d'un certificat ou d'un titre de formation mentionné aux articles L. 4311-3 et L. 4311-4 et les infirmiers titulaires du diplôme de formation en pratique avancée mentionné au II de l'article L. 4301-1 informent le conseil départemental de l'ordre dans le ressort duquel se situe leur résidence professionnelle lorsqu'ils interrompent leur activité pour une durée supérieure à un seuil défini par décret. Ce seuil ne peut excéder trois ans.

« Les infirmiers mentionnés au premier alinéa du présent article ayant interrompu leur activité pendant plus de six ans et souhaitant reprendre leur exercice peuvent procéder à une évaluation de leur compétence professionnelle. Lorsque les résultats de l'évaluation le justifient, l'autorité compétente peut proposer à l'infirmier d'effectuer, avant toute reprise d'activité, les mesures d'accompagnement ou de formation qu'elle juge adaptées.

« Un décret détermine les modalités d'application du présent article. »

Article 1er ter
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Article 1er quater

Article 1er quater A

Après l'article L. 4311-4 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4311-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 4311-4-1. – Les infirmières et infirmiers du corps de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur constituent une spécialité infirmière autonome pouvant être sanctionnée par un diplôme de niveau 7.

« À ce titre, ils exercent des missions spécifiques définies par leur cadre statutaire. Leur rôle, principalement éducatif et préventif, s'inscrit dans la politique générale de l'éducation nationale, dont l'objectif est de contribuer à la réussite de tous les élèves et étudiants.

« Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret en Conseil d'État. »

Article 1er quater A
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Article 2

Article 1er quater

I. – À titre expérimental, pour une durée de trois ans et dans cinq départements, dont un département régi par l'article 73 de la Constitution, dans les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique, dans les établissements et les services médico-sociaux mentionnés aux articles L. 312-1 et L. 344-1 du code de l'action sociale et des familles et dans le cadre des structures d'exercice coordonné mentionnées aux articles L. 1411-11- 1, L. 6323-1 et L. 6323-3 du code de la santé publique, l'État peut autoriser les infirmiers à prendre en charge directement les patients pour des actes ne relevant pas de leur rôle propre. Un compte rendu est adressé au médecin traitant et reporté dans le dossier médical partagé du patient.

II. – Un décret, pris après avis de la Haute Autorité de santé et de l'Académie nationale de médecine, précise les modalités de mise en œuvre de l'expérimentation mentionnée au I, les départements retenus ainsi que les conditions d'évaluation de l'expérimentation en vue d'une éventuelle généralisation. Les avis mentionnés au présent II sont réputés émis en l'absence de réponse dans un délai de trois mois.

III. – Au plus tard six mois avant le terme de l'expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation. Ce rapport se prononce notamment sur la pertinence d'une généralisation.

Article 1er quater
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Article 2 bis (début)

Article 2

I. – L'article L. 4301-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) Après le troisième alinéa, sont insérés des 2° bis et 2° ter ainsi rédigés :

« 2° bis Au sein de l'équipe pluridisciplinaire d'un service départemental de protection maternelle et infantile coordonnée par un médecin ;

« 2° ter Au sein d'une équipe pluriprofessionnelle dans un établissement scolaire, en lien avec un médecin ; »

b) Après le 4°, il est inséré un 5° ainsi rédigé :

« 5° En assistance d'un médecin référent dans un service départemental de l'aide sociale à l'enfance ou un établissement d'accueil du jeune enfant. » ;

c) (Supprimé)

c bis) Au septième alinéa, les mots : « qui peuvent » sont remplacés par les mots : « , qui peuvent être définis selon une approche populationnelle et » ;

d) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les avis mentionnés au présent I sont réputés émis en l'absence de réponse dans un délai de trois mois. » ;

2° (Supprimé)

bis. – L'article L. 4301-2 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° À la première phrase du II, après le mot : « avancée », sont insérés les mots : « , à l'exception de ceux mentionnés au III du présent article, » ;

2° Il est ajouté un III ainsi rédigé :

« III. – Par dérogation à l'article L. 4301-1 et au I du présent article, les infirmiers anesthésistes, de bloc opératoire ou puériculteurs titulaires d'un diplôme figurant sur une liste arrêtée par le ministre chargé de la santé peuvent exercer en pratique avancée selon des modalités propres à leur spécialité définies par décret en Conseil d'État. »

II. – (Supprimé)

Article 2
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Article 2 bis (fin)

Article 2 bis

L'article L. 162-12-2 du code de la sécurité sociale est complété par un 9° ainsi rédigé :

« 9° Les conditions de facturation des indemnités kilométriques, incluant notamment une définition nationale de l'agglomération. »

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M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d'aucun amendement.

Le vote est réservé.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l'ensemble de la proposition de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.

La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons aujourd'hui au terme d'un long chemin pour des professionnels indispensables à notre système de santé : les infirmières et les infirmiers de France. Cet accord, trouvé en commission mixte paritaire le 3 juin dernier, était attendu depuis maintenant plus de deux ans par les concernés. Reconnaissons-le : il était temps de répondre au mal-être grandissant, à la perte d'attractivité et à l'essoufflement de la profession, pourtant au cœur de nos soins.

Comme dans de nombreux métiers du médico-social, une part importante des professionnels soignants, tels que les infirmiers, envisage de quitter la profession dans les prochaines années. Cette réalité, déjà largement décrite, reste à mes yeux assez alarmante. Elle illustre avec force la crise d'attractivité qui touche le secteur en raison de formations insuffisantes, d'une rémunération peu valorisante et de conditions de travail de plus en plus difficiles. À cela s'ajoute la question des déserts médicaux, face auxquels nos politiques publiques peinent encore à apporter des réponses à la fois efficaces et acceptées par les territoires.

D'abord, ce texte permet de refonder le socle législatif de la profession. Six grandes missions viennent désormais définir clairement le métier d'infirmier : les soins, la coordination, la mise en œuvre du parcours de santé, la prévention, la formation et la recherche.

Pour la première fois, la loi reconnaît formellement les « consultations infirmières » et le « diagnostic infirmier », deux actes pourtant déjà largement pratiqués, mais jusqu'ici invisibles dans notre droit.

Le changement de paradigme est réel pour la profession : il permet enfin de sortir d'une logique d'actes techniques pour aller vers une approche par compétences et responsabilités.

Ensuite, ce texte ouvre de nouveaux horizons professionnels.

Premièrement, les fameux infirmiers en pratique avancée pourront désormais exercer dans de nouveaux champs : la santé scolaire, la protection maternelle et infantile et l'aide sociale à l'enfance. Force est de constater que nous en avons terriblement besoin.

Deuxièmement, le statut d'infirmier coordonnateur, particulièrement dans les Ehpad, est enfin reconnu dans la loi.

Troisièmement, les infirmiers scolaires sont désormais considérés comme une spécialité infirmière à part entière.

Quatrièmement, mon groupe salue l'expérimentation dans cinq départements, dont au moins un en outre-mer, de l'accès direct à un infirmier, c'est-à-dire sans passer par le médecin traitant, au sein de structures d'exercice coordonné. Nous soutenons pleinement la mesure pour améliorer l'accès aux soins, notamment dans les zones sous-dotées.

Cinquièmement, grâce à un amendement sénatorial, une forme de pratique avancée par spécialité pourra se développer. Je pense aux blocs, à l'anesthésie et à la puériculture. C'est une reconnaissance supplémentaire.

Enfin, par ce texte, le législateur ne s'arrête pas à des questions de structuration : il touche aussi à la vie concrète des professionnels. Ainsi, une procédure facultative est prévue pour la reprise d'activité après une interruption de carrière, une mesure bienvenue dans une profession très féminisée.

La proposition de loi permet également d'engager la discussion sur la pénibilité du métier, un point crucial qu'il faut continuer à faire vivre dans les négociations salariales.

De plus, elle contient l'harmonisation des indemnités kilométriques pour les infirmiers exerçant en milieu rural. Cette mesure de bon sens est enfin à la hauteur des contraintes réelles de terrain.

L'accord trouvé en CMP conserve les grands équilibres : il respecte l'avis de l'Académie nationale de médecine sur les prescriptions tout en consolidant l'autonomie professionnelle des infirmiers ; il permet de clarifier le cadre de l'accès direct sans remettre en cause le rôle du médecin traitant.

Ce compromis est utile, solide et respectueux du travail parlementaire. Il compte parce qu'il reconnaît enfin les compétences réelles des infirmiers, sur lesquelles repose en grande partie notre système de santé, parce qu'il soulage les médecins dans un contexte de forte tension et, surtout, parce qu'il offre des perspectives de carrière attractives, à un moment où le pays a besoin de recruter 80 000 infirmiers supplémentaires d'ici à 2050 afin d'assurer une couverture complète des besoins dans nos territoires.

Comme l'avait mentionné mon collègue Dominique Théophile, je tiens à saluer une nouvelle fois l'esprit de responsabilité qui a présidé à l'élaboration et à l'adoption de ce texte. (Mme Maryse Carrère applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Anne-Sophie Romagny applaudit également.)

Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un contexte de pénurie de soignants et de vieillissement de la population, nous sommes nombreux à constater que les infirmiers occupent une place essentielle auprès des patients – comme cela a toujours été le cas. Ils ont la main qui rassure, le regard qui veille et le geste qui soigne.

La proposition de loi que nous nous apprêtons à voter vise à reconnaître pleinement la réalité de leur exercice, tel qu'il a évolué au fil des années. Elle répond à des attentes anciennes et légitimes de toute une profession, qui agit avec compétence, engagement et discrétion auprès des patients.

Le cadre juridique actuel, fondé sur un décret de 2004, est devenu inadapté. Il ne reflète plus la diversité ni la richesse des missions accomplies quotidiennement par ces professionnels, que ce soit en établissement, en libéral ou dans les structures médico-sociales.

Dans cet esprit, ce texte a pour objet de redéfinir les contours du métier d'infirmier au travers de plusieurs avancées majeures.

Premièrement, il consacre les missions socles de la profession et introduit deux nouvelles notions jusqu'ici réservées au champ médical : la consultation infirmière et le diagnostic infirmier. Par ailleurs, il ouvre un droit de prescription de certains produits de santé et d'examens complémentaires, et autorise l'accès direct pour les soins de premier recours.

Deuxièmement, le texte renforce le rôle des infirmiers en pratique avancée, qui pourront désormais exercer dans des secteurs jusque-là fermés : protection maternelle et infantile (PMI), santé scolaire, aide sociale à l'enfance. Les infirmiers spécialisés – anesthésistes, de bloc, puéricultrices – auront accès à la pratique avancée tout en conservant leur spécialité, suivant leur demande.

Pour ce qui concerne les IPA, le vrai enjeu est de développer le nombre de ces praticiens et leur action en médecine de ville.

Troisièmement, saluons la reconnaissance comme spécialité infirmière des infirmiers coordonnateurs en Ehpad, conformément aux recommandations du Sénat, ainsi que des infirmiers scolaires et universitaires. Je me félicite que la commission mixte paritaire ait finalement choisi de maintenir cette avancée.

Les infirmières scolaires exercent, en effet, une mission singulière, au plus près des élèves, qui va bien au-delà des soins. Elles sont en première ligne, notamment face aux fragilités psychologiques des élèves, sujet cher au groupe du RDSE. Leur rôle est profondément ancré dans l'écoute, la prévention et l'accompagnement. Reconnaître une spécialité dédiée revient à répondre à une attente ancienne de la profession, mais aussi à adresser un signal de reconnaissance indispensable à l'heure où le métier peine à attirer.

Quatrièmement, une expérimentation d'accès direct est lancée dans cinq départements : pendant trois ans, les patients pourront consulter une infirmière en première intention pour des actes ne relevant pas de son rôle propre. En première lecture, le Sénat avait adopté deux amendements identiques, portés par notre groupe et les rapporteurs, visant à réserver l'accès direct, en ambulatoire, aux seuls infirmiers exerçant dans les structures d'exercice coordonné les plus intégrées.

Je me réjouis que la CMP ait conservé la rédaction issue du Sénat. Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), en raison de leur grande diversité, ne garantissent pas toujours un niveau de coordination suffisant entre les professionnels de santé. J'appelle toutefois à la vigilance sur les modalités concrètes de l'expérimentation hors champ de compétences, notamment sur la fluidité de la transmission des informations entre infirmier et médecin, sur le maintien du rôle pivot du généraliste et sur l'évaluation impérative du dispositif avant une éventuelle généralisation.

Cinquièmement, une procédure de reprise d'activité, pour les professionnels ayant interrompu leur carrière, complète utilement la proposition de loi en conciliant exigence de qualité et accompagnement adapté.

Ce texte consensuel est attendu depuis longtemps par les professionnels eux-mêmes. Toutefois, soyons lucides : cette reconnaissance s'accompagne de deux exigences impératives.

En premier lieu, les décrets d'application devront être publiés rapidement. Le précédent de la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist, nous l'a appris : un texte sans décret est une promesse sans effet !

En second lieu, la question de la revalorisation financière ne peut plus être éludée. Le partage des compétences doit s'accompagner d'un partage de la reconnaissance. Cela passe par une meilleure rémunération.

Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE apportera son soutien à ce texte en souhaitant qu'il contribue à renforcer un système de santé en souffrance, qui tient grâce au dévouement de ces professionnels. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Marie-Pierre Richer applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour le groupe Union Centriste. (M. Laurent Burgoa applaudit.)

Mme Anne-Sophie Romagny. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte, dont j'ai eu l'honneur d'être rapporteure aux côtés de Jean Sol, marque une étape décisive et bienvenue dans l'évolution et la reconnaissance de la profession d'infirmier.

Je concentrerai mon propos sur les dispositions que j'ai plus particulièrement suivies en tant que rapporteure.

L'article 2 de la proposition de loi permet d'apporter au statut de la pratique avancée des évolutions attendues par les professionnels.

D'abord, il a pour objet de fixer le cadre législatif nécessaire à la reconnaissance d'une forme de pratique avancée chez les infirmiers de spécialité : anesthésistes, de bloc opératoire et puériculteurs. De fait, un amendement adopté sur notre initiative en première lecture au Sénat a permis de clarifier la rédaction retenue en indiquant que chaque spécialité pourrait se voir reconnaître, en temps voulu, une forme de pratique avancée spécifique, qui ne se recoupe pas avec celle des IPA.

Ensuite, il est prévu à l'article 2 que les domaines d'intervention en pratique avancée puissent « être définis selon une approche populationnelle », ce qui répond à une demande forte des IPA.

Enfin, l'article 2 ouvre l'exercice en pratique avancée à de nouveaux lieux, notamment aux établissements scolaires, afin de permettre aux infirmiers de ces structures d'évoluer professionnellement, s'ils le désirent. Comme dans l'ensemble des terrains d'exercice reconnus pour l'instant, la pratique avancée s'y exercera en lien avec un médecin, ainsi que l'a souhaité notre assemblée.

Le texte de l'article 2 issu du Sénat est équilibré. Il satisfaisait à la fois les infirmiers en pratique avancée, les infirmiers de spécialité et l'Ordre. Aussi la CMP n'y a-t-elle apporté que des modifications d'ordre rédactionnel.

Inséré par le Sénat, l'article 1er quater A a été maintenu à l'issue de la commission mixte paritaire. Il confère un statut d'infirmier de spécialité aux infirmiers de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, et ouvre la voie à un diplôme de niveau bac+5 pour ces professionnels, dont la formation connaît actuellement de trop grandes disparités entre les académies.

En reconnaissant que l'exercice d'infirmier scolaire requiert des qualités et des compétences spécifiques, le législateur envoie un message fort de confiance à ces professionnels qui œuvrent sans relâche pour la santé de nos enfants, dans des conditions de plus en plus dégradées.

L'article 1er ter, qui renforce l'accompagnement à la reprise d'activité, a connu des modifications substantielles lors de la commission mixte paritaire.

En premier lieu, il y est prévu une procédure d'évaluation des compétences pour les infirmiers souhaitant reprendre leur activité après une interruption d'au moins six ans. L'évaluation et, le cas échéant, les formations ou stages complémentaires étaient rendus obligatoires dans le texte issu du Sénat. Sur notre initiative, la CMP a réécrit ce dispositif pour l'inscrire dans une démarche d'accompagnement, fondée sur le volontariat.

Rendre cette procédure contraignante aurait, en effet, envoyé un signal de défiance aux professionnels, contraire à l'esprit du texte. L'objectif est de fluidifier le retour à l'activité en offrant aux infirmiers qui douteraient de leurs compétences la possibilité de les faire évaluer, à leur demande, et de bénéficier s'ils le souhaitent de mesures de formation théorique ou pratique afin d'aborder avec davantage de sérénité leur reprise de fonctions.

En second lieu, afin d'améliorer le suivi de la démographie infirmière, l'article 1er ter dans sa rédaction issue du Sénat faisait obligation aux infirmiers de déclarer à l'ordre toute interruption d'activité excédant une certaine durée, fixée à six ans sur l'initiative du Gouvernement à la suite du débat en séance publique. Comme la commission l'avait alors signalé, ce choix n'aurait pas permis à l'Ordre de disposer d'une visibilité satisfaisante sur les interruptions d'activité. La CMP a donc souhaité renvoyer à un décret la fixation exacte du seuil et borner celui-ci à trois ans.

Enfin, l'article 2 bis, inséré au Sénat et adopté sans modification lors de la CMP, renvoie aux partenaires conventionnels la conception d'une définition uniforme de l'agglomération, afin d'assurer une meilleure équité dans la facturation des indemnités kilométriques.

Le groupe Union Centriste votera en faveur de ce texte, qui constitue une avancée majeure pour la profession d'infirmier. Elle est attendue, légitime et profondément juste. Cette proposition de loi vient saluer l'expertise, l'engagement et la rigueur de celles et de ceux qui, chaque jour, soignent, accompagnent et soulagent les patients avec courage, dans des conditions souvent dégradées. Profitons de cette tribune pour leur exprimer, encore, notre reconnaissance ! Il nous appartient maintenant, mes chers collègues, d'adopter définitivement ce texte afin de permettre son entrée en vigueur rapide. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Marie-Pierre Richer et M. Bernard Jomier applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Mme Céline Brulin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire a trouvé un accord sur la proposition de loi sur la profession d'infirmier. C'est une très bonne nouvelle pour les intéressés, lesquels attendent depuis des années une reconnaissance et une revalorisation de leur métier.

Monsieur le ministre, j'ai bien entendu vos propos sur votre ambition, traduite par la lettre de cadrage que vous mettez en avant pour les futures négociations. Vous ne serez pas surpris d'apprendre que mon groupe sera des plus attentifs et vigilants à ce que les infirmiers libéraux voient leur rémunération effectivement revalorisée.

J'insiste sur le secteur hospitalier, où les salaires restent extrêmement faibles alors que ces derniers sont précisément un élément d'attractivité essentiel. En effet, 50 % des infirmières quittent l'hôpital au cours de leurs dix premières années d'exercice en raison de la faiblesse de la rémunération.

M. Yannick Neuder, ministre. C'est 20 % !

Mme Céline Brulin. Par ailleurs, le Sénat avait souhaité reconnaître la pénibilité du métier. Je tiens à la mettre en avant, même si la CMP n'a pas fait ce choix : il faut absolument la prendre en compte, même si cette profession est très belle, comme chacun dans cet hémicycle l'a décrit avec ses mots.

La reconnaissance des missions du métier, la création de consultations infirmières, l'autorisation de prescrire des médicaments et la consécration d'un accès direct aux infirmiers de premier recours ne seront à nos yeux un réel progrès que si ces mesures se traduisent et se concrétisent par des revalorisations.

De la même manière, le texte reconnaît la pratique avancée dans l'exercice des différentes spécialités. Le Sénat a fait un travail intéressant pour clarifier la différence entre spécialité et pratique avancée. Toutefois, je tiens à préciser qu'il faut financer les formations. De nombreux établissements hospitaliers souhaiteraient pouvoir accompagner les professionnels qui désirent s'orienter vers la pratique avancée, mais n'ont pas les moyens de payer la formation et le remplacement des praticiens concernés.

Je me réjouis particulièrement que la commission mixte paritaire ait refusé la suppression de l'article 1er quater A. Celui-ci a été introduit par le Sénat afin de confier un statut d'infirmier de spécialité aux infirmiers de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur. Les enjeux de santé de notre jeunesse, et spécifiquement de santé mentale – je fais un clin d'œil à Jean Sol, qui est comme moi rapporteur d'une mission d'information sur le sujet –, nécessitent cette consécration.

Je terminerai mon intervention sur les conditions d'études dans les instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi). Nous devons continuer de travailler sur le sujet. Les chiffres montrent une progression importante des abandons dans ces structures, en contradiction avec les besoins de notre pays. Ce problème ne concerne pas uniquement la première année puisque 7 % des étudiants abandonnent en deuxième année et 4 % en troisième année.

Ces chiffres témoignent selon nous d'un profond malaise et d'un manque d'accompagnement pédagogique et social. Selon la très intéressante Enquête bien-être de 2025 de la Fédération nationale des étudiant.e.s en sciences infirmières (Fnesi), les chiffres sont alarmants. Il faut nous pencher sur la question pour apporter des solutions.

Lors de nos débats sur ce texte en première lecture, mon groupe avait déposé un amendement visant à sortir les Ifsi de la plateforme Parcoursup. Monsieur le ministre, vous aviez indiqué partager notre analyse en reconnaissant qu'« il y a quelque chose qui ne va pas » et en ajoutant que vous étiez « favorable à une collaboration avec la commission des affaires sociales du Sénat […] pour travailler sur ce problème ». À la suite de ces propos, le président de la commission des affaires sociales, M. Mouiller, s'était engagé à étendre la mission relative aux dysfonctionnements du Pass (parcours accès santé spécifique) – LAS (licence accès santé) à la question de l'accès aux Ifsi. Notre groupe réitère son souhait d'y participer afin d'avancer au plus vite sur le sujet.

En conclusion, cette proposition de loi crée beaucoup d'attente chez les infirmières et les infirmiers. Notre groupe votera en faveur de ce texte, mais, pour transformer l'essai, il faudra que le Gouvernement tienne ses engagements en matière de revalorisations salariales. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Mme Anne Souyris. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi un léger détour vers ce que sera le quotidien des infirmiers et des infirmières ces prochains jours.

Certes, il fait frais dans cet hémicycle. Pourtant, nous ressentons toutes et tous les effets de la vague de chaleur précoce qui frappe l'Hexagone. Il n'y a pas d'incertitude : le mercure atteindra 38 degrés dans les jours qui viennent. Nous suffoquerons, alors même que l'été n'est pas encore arrivé. Depuis le début des relevés en 1947, il s'agira de la cinquantième vague de chaleur qu'aura subie la France. Les occurrences du phénomène se multiplient avec le réchauffement climatique.

En même temps, nous apprenons que l'objectif des accords de Paris pour le climat de maintenir le réchauffement global à 1,5 degré Celsius d'ici à la fin du siècle n'est désormais plus atteignable. Au contraire, ce seuil devrait être atteint d'ici à la fin de la décennie. Localement, l'Hexagone s'est déjà réchauffé de 1,9 degré Celsius.

L'avenir est au mieux périlleux, au pire sombre pour le climat, la vie dans notre pays et la santé.

Rappelons que, lors de la terrible canicule de 2003, 15 000 personnes sont mortes et que, à l'été 2023, 5 000 personnes ont été tuées par la chaleur.

Le changement climatique fragilise et « embolise », d'un même coup, notre système de santé. Il est donc impératif de le préparer aux effets d'un réchauffement de 1,5, de 2, voire de 4 degrés Celsius.

Malheureusement, pour le climat, je crains que le jour d'une action politique à la hauteur de l'urgence ne soit pas venu. En revanche, pour les soignants et les soignantes, je me réjouis que, après le Ségur de la santé, le législateur reconnaisse enfin le rôle central de la profession infirmière dans notre système de soins.

Les infirmiers et infirmières, actrices de terrain, constituent un maillon essentiel – il faut le répéter ! – de l'accès aux soins dans tous nos territoires. Ils représentent un pilier majeur tant de la prévention en santé, par exemple face aux vagues de chaleur, que de la santé environnementale. Cette profession est indispensable à la santé publique, à la santé scolaire, à la prévention de la perte d'autonomie, à la santé mentale, bref, à notre humanité.

Face aux tensions grandissantes de notre système de soins, liées au changement climatique, au vieillissement de la population et à l'explosion de cas de maladie chronique, face au travail remarquable des infirmiers partout en France, il était temps que nous valorisions ce métier.

À ce titre, je salue les auteurs de la présente proposition de loi, Nicole Dubré-Chirat et Frédéric Valletoux, ainsi que nos rapporteurs, Jean Sol et Anne-Sophie Romagny.

La commission mixte paritaire est parvenue à établir un texte qui préserve les principaux apports des débats parlementaires. Je pense notamment à la reconnaissance de la spécialité infirmière du corps de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, essentielle pour repérer les troubles de santé mentale chez les jeunes et les signes de maladie, ainsi que pour mener des actions de prévention.

L'ouverture d'un accès direct aux infirmières et aux infirmiers pour les soins de premier recours est aussi une bonne chose. Je salue également la création d'une expérimentation pour un accès direct, c'est-à-dire en dehors de leur rôle propre, dans le cadre d'un exercice coordonné.

Si l'ensemble est satisfaisant, nos débats sur la profession ne sont évidemment pas clos. Mon groupe sera attentif en particulier à trois éléments dans les mois à venir.

D'abord, nous veillerons à l'application de la présente loi, en particulier à l'ouverture de discussions conventionnelles et à la revalorisation des revenus infirmiers. Vous en avez fait la promesse, monsieur le ministre ; aussi, mon groupe y sera vigilant.

Ensuite, nous ferons attention au renforcement des moyens accordés à la santé mentale et au devenir de notre proposition de créer une spécialité autonome d'infirmière psychiatrique.

Enfin, nous serons attentifs à l'ouverture de moyens pour doter les infirmières de formations et d'outils visant à prévenir les risques liés au changement climatique et à la santé environnementale.

En conclusion, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera pour ce texte et restera vigilant quant à son application.

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Bernard Jomier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi sur la profession d'infirmier apporte des évolutions attendues par le premier métier paramédical de notre pays. Avec 600 000 professionnelles, les infirmières sont, en effet, un des piliers de notre système de santé.

Je veux tout d'abord saluer leur travail et leur engagement auprès des patients. Mieux reconnaître leur profession est un enjeu fondamental, y compris pour la pérennité de notre système de soins. C'est d'ailleurs en pensant d'abord à elles et aux aides-soignants que j'avais déposé la proposition de loi relative à l'instauration d'un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé, texte définitivement adopté le 23 janvier 2025. Je remercie M. le ministre de travailler actuellement sur les actes réglementaires qu'appelle celui-ci.

Les infirmiers, qui sont à 87 % des infirmières, font partie de ces professionnels qui se rendent encore au domicile des patients. Ils et elles jouent un rôle essentiel pour prendre en charge la perte d'autonomie et accompagner le vieillissement de la population de notre pays. Or, selon une étude de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), les besoins en soins infirmiers progressent plus vite que les effectifs. Il faut être attentif à ne pas manquer d'infirmiers d'ici à quelques années.

Il était donc essentiel de réviser le cadre de la profession. Cette proposition de loi permettra, dès sa promulgation, de mieux définir le métier. En effet, elle reconnaît à ces professionnels un domaine de compétences propres, le précise et structure leur action autour de cinq missions socles. Elle consacre également la recherche en sciences infirmières, ce qui est important.

Mon groupe est satisfait de l'évolution du texte, à l'Assemblée nationale puis au Sénat. À cette occasion, je salue la qualité du travail de nos rapporteurs, Anne-Sophie Romagny et Jean Sol. Je les remercie.

D'abord, le texte inscrit dans la loi la consultation infirmière, qui permettra à ces professionnels d'exercer pleinement leurs missions de prévention et d'éducation thérapeutique, et d'intervenir dans le cadre de leur rôle propre.

Ensuite, cette proposition de loi inscrit dans le droit le diagnostic infirmier, qui existe dans les textes réglementaires depuis tout de même trente ans ! Il s'agit pour l'infirmier non pas d'identifier une pathologie, mais d'analyser les besoins du patient et les risques auxquels il est confronté dans sa situation de santé. Ce diagnostic infirmier, distinct du diagnostic médical, est pratiqué depuis longtemps. Aussi, il est bien délimité.

Si mon groupe est favorable à la consultation et au diagnostic infirmiers, il est, en revanche, réservé quant à l'expérimentation prévue à l'article 1er quater, qui permet l'accès direct aux infirmières et aux infirmiers « pour des actes ne relevant pas de leur rôle propre ». Bien sûr, il faut reconnaître les compétences de ces professionnels : c'est tout l'intérêt de ce texte. Toutefois, nous devons également rester vigilants sur celles des uns et des autres et veiller à ne pas désorganiser les parcours de soins.

L'ouverture de l'exercice en pratique avancée pour les infirmières spécialisées anesthésistes, de bloc opératoire et puéricultrices est un autre enjeu majeur de ce texte. La formulation issue des travaux du Sénat et conservée par la CMP permet d'offrir à ces spécialités l'autonomie permise par la pratique avancée, tout en conservant les conditions d'exercice et de formation. Nous en sommes satisfaits.

Enfin, notre groupe se félicite de la création d'une spécialité pour les infirmières de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur. Cette évolution était attendue par ces professionnelles, là aussi, depuis trente ans, et le Sénat a su entendre leurs justes arguments.

L'exercice infirmier en milieu scolaire et universitaire est en effet spécifique ; il s'articule autour de la prévention, de l'éducation à la santé et, surtout, il vise à assurer la réussite des élèves et des étudiants. En consacrant une spécialité infirmière sanctionnée par une formation de niveau master, nous renforçons à la fois l'attractivité du métier et la qualité du service rendu aux élèves, aux étudiants et à leurs familles. Le maintien de cette mesure était pour nous un enjeu essentiel de la commission mixte paritaire, et nous nous réjouissons de l'avoir obtenu.

S'agissant de reconnaître pleinement la profession infirmière, des chantiers restent bien sûr à traiter, notamment en matière de rémunérations et de conditions de travail. Néanmoins, ce texte contient des avancées importantes et, vous l'aurez compris, notre groupe votera donc en faveur des conclusions de la commission mixte paritaire.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bourcier, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Mmes Anne-Sophie Romagny et Marie-Pierre Richer applaudissent.)

Mme Corinne Bourcier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ignore si l'on peut le qualifier d'historique, mais ce texte marque indiscutablement une étape importante, déterminante, pour la profession d'infirmier.

Pour les 640 000 infirmiers et infirmières exerçant dans notre pays, dont 145 000 en libéral, cette proposition de loi consacre la reconnaissance de leurs compétences, de leur savoir-faire, de leur engagement et, en somme, de leur rôle fondamental auprès des patients.

Demandé depuis vingt ans par les infirmiers, ce texte va enfin contribuer à réorganiser la profession comme maillon de la chaîne de l'accès aux soins.

Il contribuera à fluidifier le parcours de soins dans un système actuellement défaillant, puisque 6,7 millions de personnes n'ont pas de médecin traitant.

Son objet – je tiens à y insister – n'est absolument pas de remplacer le médecin traitant : il est de donner aux infirmiers les capacités et le droit de mener des entretiens reconnus comme des consultations et d'établir un diagnostic infirmier, ce qu'ils font déjà depuis longtemps ; désormais, ces actes seront reconnus et, surtout, rémunérés.

Les infirmiers pourront désormais effectuer des prescriptions simples, mais essentielles, comme des prescriptions de paracétamol ou autres antalgiques de niveau I, les mêmes que nous pouvons tous acheter en pharmacie, mais que l'infirmier n'a pourtant pas le droit de prescrire… Ils pourront prescrire aussi d'autres produits et examens.

Le texte sur lequel nous devons nous prononcer aujourd'hui préserve l'équilibre trouvé lors de son examen au Sénat.

En effet, il garantit – c'est impératif – que les missions des infirmiers s'exerceront toujours en « coordination » avec le médecin traitant. Le diagnostic infirmier ne remplacera pas le diagnostic médical, et un compte rendu intégral du suivi réalisé par l'infirmier devra être versé dans le dossier médical partagé du patient.

Leurs missions sont enfin définies : réalisation et évaluation des soins, orientation de la personne, participation à la prévention et à la formation.

Le texte accorde aussi une meilleure reconnaissance de la pratique avancée. Les IPA, piliers indispensables, pourront désormais exercer dans les services de protection maternelle et infantile, de santé scolaire et d'aide sociale à l'enfance.

Nous saluons le maintien dans la proposition de loi, à l'issue de la CMP, de l'amendement de notre collègue Daniel Chasseing, dont l'adoption marque la reconnaissance des infirmiers coordonnateurs en Ehpad : c'est une avancée significative pour tous ceux qui jouent un rôle fondamental dans beaucoup de ces établissements.

À titre personnel, je salue la suppression, que j'avais également proposée, de la mesure imposant aux infirmiers qui arrêtent d'exercer pendant plusieurs années d'être soumis à une évaluation et, éventuellement, à une remise à niveau. Si je comprenais bien l'objectif de cette mesure, je la trouvais néanmoins injuste, les autres professionnels de santé n'y étant pas soumis.

Ce texte est réellement un texte positif : il répond aux attentes de la profession, aux besoins des patients et respecte le champ de compétence des différents professionnels.

Mais, nous y avions insisté lors de son examen en première lecture, il ne sera une vraie réussite qu'à plusieurs conditions.

Tout d'abord, il faudra que les décrets soient rapidement publiés, et qu'ils respectent, bien sûr, l'esprit de cette PPL.

Ensuite – je dirais même « surtout » –, les négociations qui seront menées cet été devront être à la hauteur des attentes, alors que la liste des actes médicaux infirmiers (AMI) n'a pratiquement pas évolué depuis 2009. C'est indispensable pour renforcer l'attractivité de la profession et pour envoyer le bon message à celles et ceux qui sont déjà en activité et à qui il arrive de perdre espoir dans un métier dont l'exercice peut s'avérer extrêmement difficile.

Enfin, je tiens de nouveau à remercier et à féliciter vivement Nicole Dubré-Chirat, députée de Maine-et-Loire, et Frédéric Valletoux, qui sont à l'origine de cette proposition de loi. Je remercie aussi nos rapporteurs, Anne-Sophie Romagny et Jean Sol, de leur travail.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Richer, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Anne-Sophie Romagny applaudit également.)

Mme Marie-Pierre Richer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, adoptée à l'unanimité par le Sénat le 5 mai dernier, a naturellement fait l'objet d'un accord en commission mixte paritaire. Nous nous en félicitons.

Ce texte, enrichi par les travaux du Parlement, marque une étape décisive dans l'évolution et la reconnaissance du métier d'infirmier. Ce faisant, des réponses concrètes sont apportées aux patients, dont le parcours de soins sera facilité et fluidifié.

Nous sommes satisfaits de retrouver dans le texte de la CMP la majorité des apports du Sénat. Nous saluons, à cet égard, le travail accompli par les rapporteurs Anne-Sophie Romagny et Jean Sol.

Ces améliorations ont notamment permis d'éviter d'opposer entre eux les professionnels de santé et d'apaiser les tensions.

Je pense au rétablissement de l'avis de l'Académie nationale de médecine sur la liste des produits et examens pouvant être prescrits par les infirmiers et à la consécration du principe de coordination interprofessionnelle.

De notre point de vue, les missions de l'infirmier doivent toujours avoir vocation à être exercées en complémentarité avec les autres professions de santé qui interviennent dans la prise en charge des patients, au premier rang desquelles les médecins.

Ce texte contient de nombreuses avancées attendues par la profession. Je pense particulièrement à la consultation infirmière et au diagnostic infirmier.

Nous avons également soutenu l'expérimentation d'un accès direct aux infirmiers au-delà de leur rôle propre, dans le cadre d'un exercice coordonné.

La commission mixte paritaire a pu trouver une formulation permettant de rendre effective la reconnaissance du statut d'infirmier coordinateur en Ehpad ; nous nous en félicitons.

Nous saluons par ailleurs le maintien des mesures adoptées sur l'initiative des sénateurs de notre groupe.

Je pense à la reconnaissance du métier d'infirmier scolaire comme une spécialité autonome : le rôle pivot de ces infirmiers dans le système éducatif et sanitaire sera ainsi reconnu.

Je pense également à la mesure visant à recentrer les domaines d'intervention des infirmiers en pratique avancée sur une approche populationnelle.

Quant à l'article tendant à renvoyer aux partenaires conventionnels l'uniformisation de la définition de l'agglomération retenue pour le calcul des indemnités kilométriques, afin d'assurer une meilleure équité entre professionnels dans la facturation de ces indemnités, il constitue une réelle avancée.

Par ailleurs, nous sommes satisfaits de la nouvelle rédaction de l'article qui conditionne la reprise d'activité des infirmiers à une évaluation des compétences. Le caractère obligatoire de la procédure, qui n'existe pour aucune autre profession de santé, nous semblait en effet trop rigide. Ainsi, les infirmiers qui le souhaiteront auront la possibilité de solliciter l'avis du Conseil national de l'ordre des infirmiers pour évaluer leurs acquis et leurs compétences et déterminer si une formation est nécessaire.

Toutes ces mesures doivent maintenant trouver leur traduction concrète.

Le texte permet d'acter l'ouverture d'une négociation conventionnelle sur la question essentielle de la rémunération ; nous espérons que celle-ci pourra aboutir dans les meilleurs délais.

Compte tenu des attentes et de l'urgence qu'il y a à faire entrer ce texte en vigueur, nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour veiller à la publication rapide des décrets d'application. Après avoir entendu votre intervention, je ne doute pas de votre action en ce sens !

Notre groupe votera avec conviction en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. le président. Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l'ensemble de la proposition de loi sur la profession d'infirmier.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 330 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 341

La proposition de loi est adoptée définitivement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures onze.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 2 bis (début)
Dossier législatif : proposition de loi sur la profession d'infirmier
 

4

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les personnes engagées dans un projet parental des discriminations au travail
Article 1er

Projet parental et discriminations au travail

Adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à protéger les personnes engagées dans un projet parental des discriminations au travail (proposition n° 568, texte de la commission n° 717, rapport n° 716).

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de l'autonomie et du handicap. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes saisis aujourd'hui d'une proposition de loi examinée il y a quelques semaines à l'Assemblée nationale.

La question de l'assistance médicale à la procréation (AMP) n'est pas une question marginale : 15 % des couples sont confrontés à l'infertilité et une naissance sur trente se fait dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation.

Si les causes de l'infertilité sont réparties entre hommes et femmes, le poids du traitement repose essentiellement sur les femmes.

Une étude internationale de référence a évalué la durée moyenne d'un parcours d'assistance médicale à la procréation à plus de sept ans, dont plus de quatre ans de soins, durée à laquelle il faut ajouter les neuf mois de grossesse.

Par sa longueur, sa lourdeur et ses difficultés, un parcours d'assistance médicale à la procréation peut évidemment avoir des effets directs sur la vie professionnelle des femmes en renforçant les inégalités professionnelles et en exposant certaines d'entre elles, ainsi que certains conjoints, à des comportements discriminatoires de la part de leurs employeurs.

Trop souvent, en effet, l'annonce d'une grossesse expose encore à des comportements discriminatoires ; l'annonce d'un projet de grossesse dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation y expose tout autant, voire davantage, et ce parfois avant même le début effectif de la grossesse.

La Défenseure des droits est régulièrement saisie de discriminations liées à la grossesse, mais aussi de cas impliquant des projets d'assistance médicale à la procréation. Je vous renvoie notamment à une décision intervenue en 2020 et qui a donné lieu à une transaction pénale décidée par le Défenseur des droits.

Des organisations syndicales et des associations sont régulièrement interpellées par des salariés rencontrant des difficultés pour faire appliquer la loi.

Notre cadre juridique en matière de lutte contre les discriminations au sein du monde du travail est très complet : il couvre un grand nombre de situations, et l'enjeu est de renforcer à la fois la prévention, l'identification et la sanction des pratiques discriminatoires.

Par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, le législateur a explicitement affirmé le droit à la non-discrimination, offrant aux femmes en parcours d'AMP une protection juridique identique à celle dont bénéficient les « femmes en état de grossesse ».

La même loi a également prévu des autorisations d'absence pour les actes médicaux nécessaires. De telles autorisations sont également possibles pour les conjoints.

Alors que le recours à l'assistance médicale à la procréation augmente et que cette technique a été ouverte aux femmes seules et aux couples de femmes par la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique, le Gouvernement partage la volonté des auteurs de la présente proposition de la loi de renforcer, clarifier et préciser certaines dispositions du code du travail.

En amont de l'examen du texte par l'Assemblée nationale, le Gouvernement, et tout particulièrement les services du ministère chargé du travail et de l'emploi, a beaucoup travaillé avec la rapporteure, Mme Prisca Thevenot, pour consolider le dispositif initial.

L'article 1er complète ainsi les dispositions du code du travail qui concernent l'interdiction des refus d'embauche, des ruptures de contrat de travail et des mutations forcées : les femmes en parcours d'AMP bénéficieront des mêmes protections que les femmes enceintes. Ces protections seront aussi élargies à la personne accompagnant un parcours d'AMP ou participant à un projet d'adoption.

À l'article 2, l'extension du régime des autorisations d'absence permettra de mieux tenir compte de la réalité de la procédure et de mieux concilier vie personnelle et vie professionnelle.

Quand le projet parental est conçu par un homme et une femme, les hommes ne sont pas uniquement des accompagnants : il arrive fréquemment que la recherche de l'infertilité nécessite des actes médicaux qui concernent les hommes.

Afin de prendre en compte les projets d'adoption, la proposition de loi intègre les entretiens obligatoires préalables à l'obtention d'un agrément dans le cadre d'une procédure d'adoption parmi les raisons ouvrant droit à une autorisation d'absence.

L'ensemble des modifications que vous proposez d'apporter au code du travail constituent des précisions utiles qui contribueront à mieux protéger les salariés engagés dans une procédure d'AMP ou un projet d'adoption.

L'infertilité a des causes médicales, sociétales, comportementales et environnementales.

Les techniques d'AMP permettent d'y apporter des réponses et il est important que la société n'oppose pas d'obstacles supplémentaires à un projet parental qui, s'il est éminemment personnel, n'en est pas moins d'intérêt général au moment où la France traverse une crise démographique inédite.

Le présent texte envoie aussi un message aux salariés qui ne font pas toujours valoir leurs droits et aux employeurs qui n'ont pas toujours le bon réflexe : tout projet parental doit être protégé des discriminations.

Cette proposition de loi a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Le texte a été adopté sans modification par la commission des affaires sociales du Sénat. J'invite évidemment votre assemblée à le voter. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Annick Petrus, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui une proposition de loi déposée par la députée Prisca Thevenot et adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 5 mai 2025. Elle vise à mieux protéger contre les discriminations au travail les personnes engagées dans un parcours d'AMP ou d'adoption. Ces parcours, déjà exigeants et parfois douloureux sur le plan personnel, ne doivent pas être alourdis par des obstacles professionnels.

Avant de présenter les articles de ce texte, permettez-moi de rappeler brièvement le droit en vigueur.

Le principe de non-discrimination est un pilier du droit du travail. Il s'applique à l'embauche comme tout au long du contrat, et couvre un large éventail de critères : le sexe, l'âge, la situation familiale, le handicap, les convictions religieuses, entre autres. Depuis 2016, les femmes engagées dans un parcours d'AMP bénéficient d'un régime de protection renforcée, comparable à celui dont bénéficient les salariées enceintes.

Par ailleurs, le législateur a prévu des autorisations d'absence pour les femmes salariées en parcours d'AMP, ainsi que pour leurs partenaires, afin qu'ils puissent honorer leurs rendez-vous médicaux. Ces droits s'inscrivent dans une volonté d'adapter le droit du travail à l'évolution des parcours de parentalité.

Dans certains territoires, notamment ultramarins, les démarches d'adoption ou d'AMP peuvent se heurter à des contraintes supplémentaires d'ordre géographique ou administratif. Ce texte permettra aussi de sécuriser juridiquement les familles concernées, où qu'elles vivent.

La présente proposition de loi trouve son origine dans un constat de bon sens : les contraintes imposées par une procédure d'adoption ou un parcours d'AMP peuvent avoir un impact sur l'organisation du temps de travail. Elles sont souvent connues de l'employeur, ce qui peut, dans de rares cas, conduire à des attitudes discriminatoires.

L'article 1er étend la protection contre les discriminations, déjà applicable aux femmes engagées dans une AMP, à toutes les personnes, femmes et hommes, engagées dans un projet parental. Il s'agit d'inscrire dans le code du travail l'interdiction de tout refus d'embauche, de tout licenciement et de toute mutation qui seraient motivés par un tel projet, et d'appliquer à ces cas le régime probatoire protecteur prévu en matière de discrimination. Ainsi la charge de la preuve sera-t-elle inversée, ce qui est de droit commun en matière de discrimination.

Il est vrai que le droit actuel couvre déjà en grande partie ces situations via plusieurs motifs de discrimination. Mais l'inscription explicite dans la loi présente un double intérêt : renforcer la sécurité juridique des salariés concernés et affirmer clairement une orientation politique.

C'est une mesure à la fois symbolique et nécessaire.

Il me paraît important de rappeler que ce texte ne constitue en rien un procès fait aux employeurs. La grande majorité d'entre eux agit avec discernement et responsabilité. Il s'agit ici de mieux encadrer les pratiques et d'éviter les abus isolés.

L'article 2 va plus loin encore. Il étend le bénéfice des autorisations d'absence aux hommes en parcours d'AMP, à leurs partenaires en tant qu'accompagnants, ainsi qu'à toute personne engagée dans une procédure d'adoption. Cette mesure vise à faciliter la conciliation entre engagement parental et contraintes professionnelles.

Nombre d'entreprises ont déjà mis en place de telles dispositions par la négociation collective ou par bienveillance. Mais l'harmonisation légale permet de garantir une équité de traitement sur l'ensemble du territoire.

Mes chers collègues, si je vous invite à soutenir ce texte, qui a été adopté par la commission des affaires sociales dans sa grande majorité, c'est parce qu'il répond à une attente réelle et contribue à une société plus juste.

Mais cela ne doit pas nous dispenser d'une réflexion plus large sur la manière dont la loi traite des discriminations.

Depuis 2012, le code du travail a été modifié en moyenne tous les deux ans pour y ajouter de nouveaux motifs de discrimination. Il nous faut nous interroger : les discriminations sont-elles mieux combattues pour autant ?

En outre, une énumération trop longue des motifs de discrimination risque d'introduire des oublis, voire des contradictions entre les différents codes. Ce texte n'échappe pas à cet écueil, puisqu'il n'inscrit pas dans le code de la fonction publique le motif ajouté au code du travail.

Mais, plus fondamentalement, gardons-nous de donner à penser que seules les discriminations énumérées par la loi seraient interdites. C'est bien toute différence de traitement injustifiée, à situation comparable, qui doit être sanctionnée, quel qu'en soit le motif.

En dépit de ces réserves, et puisque le Gouvernement n'a pas engagé la procédure accélérée, le vote conforme reste le seul moyen de garantir une entrée en vigueur rapide. Cette avancée est attendue par les familles concernées. Elle mérite d'être inscrite sans tarder dans notre droit.

C'est donc sans modification que je vous invite à adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vouloir un enfant ne devrait jamais être un frein à la vie professionnelle : cette conviction simple, mais essentielle, inspire la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui. Elle traduit une volonté de mieux concilier deux dimensions fondamentales de la vie : travail et projet parental. Elle répond à une réalité de plus en plus visible dans notre société, celle de femmes et d'hommes engagés dans un parcours de procréation médicalement assistée ou dans une procédure d'adoption et confrontés à des difficultés professionnelles liées à cet engagement.

Ces parcours sont souvent longs, exigeants, parfois éprouvants, tant sur le plan physique que sur le plan émotionnel. Ils nécessitent des absences, des démarches, des traitements, et peuvent être à l'origine d'incompréhensions, voire de discriminations.

Aussi cette proposition de loi répond-elle à un objectif simple : mieux protéger les salariés qui vivent de telles situations.

L'article 1er élargit les protections accordées actuellement aux femmes enceintes ou engagées dans un parcours d'AMP. Ces garanties concernent l'embauche, la rémunération ou encore le maintien du contrat de travail. Le texte prévoit de les étendre aux hommes engagés dans un projet d'AMP et de les ouvrir aux salariés engagés dans une procédure d'adoption.

D'aucuns pourraient s'interroger sur l'opportunité d'adopter cet article. En effet, le code du travail interdit déjà les discriminations fondées sur la situation familiale, le sexe ou l'état de santé, et les juges en font une interprétation large. Mais l'extension explicite du régime de protection à l'ensemble des salariés engagés dans un projet parental, femmes et hommes, est une mesure symbolique et un signal envoyé aux employeurs.

L'article 2, quant à lui, élargit le régime des autorisations d'absence. Il permet aux hommes, comme aux femmes, de se voir accorder du temps pour les actes médicaux et les démarches administratives liés à leur projet parental. Il ouvre également ces droits aux agents publics.

C'est une mesure de bon sens ! Elle marque un réel progrès pour les hommes engagés dans une démarche d'AMP comme pour les futurs parents engagés dans une procédure d'adoption. Ils pourront ainsi s'absenter pour se rendre aux rendez-vous nécessaires, sans craindre de devoir poser un jour de congé ou justifier longuement leur absence.

Mais, comme l'a rappelé la rapporteure, encore faut-il que ce droit soit connu. Nombre de salariés ignorent encore l'existence de ces autorisations d'absence. L'effectivité du droit suppose une information claire, à destination des employeurs comme des salariés – voilà un point de vigilance.

Au fond, ce texte est porté par une idée simple : nul ne doit être pénalisé dans sa vie professionnelle pour avoir souhaité devenir parent. Il reconnaît que vouloir fonder une famille ne devrait jamais être un motif d'inquiétude au travail.

Le groupe du RDSE salue cette avancée. Il y voit une réponse équilibrée, respectueuse des droits individuels, et en phase avec les évolutions de notre société. Le droit du travail, en effet, ne doit pas rester figé : il doit accompagner les réalités de la vie en soutenant les parcours, en protégeant les choix et en encourageant une société plus juste, plus attentive, plus humaine.

Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE apportera son soutien à cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau.

Mme Élisabeth Doineau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la loi peut-elle changer les comportements ? Il y a là, peut-être, un sujet de baccalauréat… (Sourires.) Quant à nous, nous le pensons, et nous y travaillons.

Le texte dont nous discutons aujourd'hui est une réponse à un phénomène qui fait peu de bruit, mais est bien réel : celui des difficultés rencontrées par certains de nos concitoyens lorsqu'ils s'engagent dans un parcours d'assistance médicale à la procréation ou dans un parcours d'adoption.

Le nombre de personnes engagées dans de tels parcours ne cesse de croître, pour ce qui est en tout cas de l'AMP, sous l'effet notamment de l'évolution des modèles familiaux et du recul de l'âge de la parentalité. En 2022, 158 000 tentatives d'AMP ont été recensées et, en 2021, 2 072 agréments ont été délivrés en vue d'une adoption. Il s'agit d'apporter une réponse claire aux discriminations, parfois subtiles, que peuvent rencontrer ces personnes.

Ces parcours, déjà éprouvants par leur complexité et par leur durée, ne devraient pas de surcroît exposer celles et ceux qui les empruntent à des obstacles supplémentaires dans leur vie professionnelle.

Certes, des protections contre les discriminations liées à la grossesse ou à l'état de santé, de même que des mesures spécifiques pour les salariées engagées dans une assistance médicale à la procréation, existent déjà dans le droit du travail et la fonction publique. Cependant, le « projet parental » n'est pas encore reconnu comme un motif autonome de discrimination.

La proposition de loi que nous étudions vise à combler cette lacune, par cohérence et par clarté, mais surtout par justice. Aucun salarié ne devrait avoir à choisir entre construire un projet familial et mener une carrière professionnelle. Il est de notre responsabilité de garantir à chacun un cadre protecteur, conforme aux principes fondamentaux de notre droit et aux aspirations légitimes de nos concitoyens.

Je tiens à saluer ici le travail rigoureux et constructif conduit par notre rapporteure au Sénat, Annick Petrus.

Je vais à mon tour revenir sur les apports de l'article 1er – on sait que la pédagogie est l'art de la répétition…

Mme Laurence Rossignol. À ce stade, c'est du dévouement !

Mme Élisabeth Doineau. L'article 1er consacre une avancée importante en matière de lutte contre les discriminations, en étendant explicitement la protection juridique au « projet parental ». Cette disposition vise à sécuriser les parcours de parentalité, qu'ils relèvent de l'assistance médicale à la procréation ou d'un projet d'adoption, ainsi qu'à garantir l'égalité de traitement des personnes concernées.

La nouvelle rédaction des articles du code du travail étend ainsi les protections spécifiques à la grossesse aux hommes et aux femmes engagés dans ces démarches. Par cette mesure, la législation française s'adapte aux réalités contemporaines et affirme sa volonté de construire un cadre professionnel plus inclusif et respectueux de la vie de chacun.

Pour prolonger et donner toute sa portée au principe de non-discrimination affirmé à l'article 1er, l'article 2 introduit des droits concrets et encadrés. Il permet aux conjointes et aux hommes engagés dans une AMP de bénéficier, au même titre que les femmes, d'autorisations d'absence. Il ouvre également ce droit aux personnes qui ont un projet d'adoption.

Enfin, il veille à garantir une stricte égalité entre agents publics et salariés du secteur privé, en assurant à chacun les mêmes droits, quel que soit le statut professionnel. Ce faisant, l'article 2 participe à l'élargissement des droits à l'ensemble des personnes engagées dans un parcours de parentalité, sans distinction de sexe ni de statut, renforçant ainsi l'effectivité du principe d'égalité et la reconnaissance des divers modèles familiaux.

Ce texte marque une avancée nécessaire, mais il ne réglera pas à lui seul l'ensemble des discriminations vécues.

Je pense notamment à celles que subissent encore de nombreuses femmes à leur retour au travail après leur congé de maternité. J'ai hier encore reçu par courriel le témoignage d'une femme dont le travail a été vidé de sa substance à son retour…

Ces pratiques sont illégales sur le papier. Pourtant, elles demeurent peu sanctionnées.

Comment rendre effectives les lois que nous votons ? Tel est l'objectif qui doit nous animer, en tant que législateur.

Si je soutiens cette proposition de loi, j'invite à une réflexion collective sur nos pratiques et à affronter ces réalités que la loi peine parfois à saisir et à encadrer. Trop souvent, les propositions de loi que nous examinons manquent d'une vision d'ensemble et apportent une réponse imparfaite à une situation précise. Nous sommes loin de l'esprit originel des lois !

Cependant, il faut aussi savoir faire preuve de pragmatisme et saluer les avancées quand elles sont devant nous.

À l'heure où la natalité redevient un enjeu central pour notre nation, aucun salarié ne devrait avoir à choisir entre construire un projet familial et mener une carrière professionnelle.

Aussi, le groupe Union Centriste votera en faveur de ce texte, avec la volonté de poursuivre ce travail d'amélioration. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani.

Mme Silvana Silvani. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, déposée par l'ancienne ministre Prisca Thevenot, visait à protéger les personnes engagées dans un projet parental des discriminations au travail.

Certainement en écho aux injonctions au réarmement démographique du président Emmanuel Macron, ce texte a souhaité s'attaquer à un sujet sérieux, dans un contexte de baisse de la natalité.

De fait, on constate un écart entre le nombre d'enfants désirés, qui s'établit à plus de 2 enfants par couple, et l'indicateur conjoncturel de fécondité, qui est de 1,62 enfant par femme. Cet écart témoigne des obstacles que rencontrent les couples pour concrétiser leur projet parental.

Cette situation conduit de nombreux couples à se tourner vers les techniques d'assistance médicale à la procréation ou à entrer dans un parcours d'adoption.

Or ces démarches constituent des parcours complexes, longs, physiquement et émotionnellement éprouvants et difficilement conciliables avec les exigences du monde professionnel.

Elles induisent des absences ou des retards au travail et entraînent une fatigue et des douleurs qui affectent les capacités, donc la productivité du salarié.

Dans ce contexte, l'ancienne ministre chargée du renouveau démocratique a déposé une proposition de loi qui prévoyait d'étendre la protection contre les discriminations au motif du « projet parental » et ajoutait explicitement celui-ci à la liste des motifs interdits de discrimination.

En commission, l'auteure a dû réécrire intégralement son texte, puisque, comme vous l'avez rappelé, madame la rapporteure, non seulement le code du travail prévoit déjà l'application des dispositions protectrices spécifiques à la grossesse aux femmes bénéficiant d'un parcours de PMA, mais la rédaction d'origine était moins protectrice que la jurisprudence en la matière.

Elle a donc transformé la proposition de loi en étendant le bénéfice des dispositions protectrices aux conjoints.

L'extension aux conjoints de la protection des salariés contre les discriminations est en soi une bonne chose. Cette protection permet aux salariés de bénéficier des autorisations d'absence, donc d'améliorer l'implication des partenaires dans le projet parental.

Cependant, elle est déjà reconnue par la jurisprudence ! Au final, le texte ne crée donc pas de droits nouveaux pour les conjoints.

En réalité, cette proposition de loi a une portée essentiellement symbolique : elle inscrit dans le droit du travail une protection, en espérant que cela fera évoluer les mentalités plus rapidement dans les entreprises.

Toutefois, je tiens à préciser que cette protection ne sera effective que si elle s'accompagne d'un renforcement des capacités de contrôle de l'inspection du travail, ce qui, à ma connaissance, n'est pas prévu à ce jour.

En conclusion, le groupe CRCE-K votera, sans illusion et sans passion, en faveur de ce texte.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi vise à mieux protéger des discriminations au travail les personnes engagées dans un parcours d'adoption ou de procréation médicalement assistée.

Le texte prévoit d'étendre aux hommes engagés dans un projet parental dans le cadre d'une AMP et aux personnes qui adoptent les dispositions protectrices qui existent dans le code du travail pour les femmes enceintes et les femmes en parcours AMP.

Nous approuvons surtout l'article 2, qui permettra aux hommes salariés suivant des traitements de bénéficier d'autorisations d'absence, aux femmes salariées d'accompagner leur conjoint recevant de tels traitements et aux personnes en parcours d'adoption de prendre part aux entretiens obligatoires à l'obtention de l'agrément.

Dans une perspective féministe, rappelons que l'infertilité est autant féminine que masculine, mais que ce sont les femmes qui doivent principalement assumer ses conséquences…

Cet article, en donnant une valeur législative aux autorisations d'absence des agents publics prévue par la circulaire du 24 mars 2017 relative aux autorisations d'absence dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation, permettra un alignement des droits des agents publics sur ceux des salariés du secteur privé.

À cet égard, nous partageons la remarque que nous avons entendue lorsque nous avons auditionné la direction générale de l'administration et de la fonction publique, à savoir que ces dispositions qui enrichissent le code du travail doivent trouver leurs modalités d'inclusion dans le code de la fonction publique.

En effet, dans le code du travail, ces dispositions s'appuient déjà sur le principe que toute décision en matière de rémunération, de formation, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle ou de mutation ne peut être prise sur le fondement du sexe, de la grossesse ou de la situation de famille.

Nous voterons cette proposition de loi. Notons néanmoins l'absence de contentieux qui l'aurait rendue nécessaire ! Nous devons encore et toujours veiller à ne pas rendre la loi bavarde. Notre rôle de législateur est d'éviter des lois peu pertinentes, car non justifiées par une nécessité législative.

Le texte présenté a d'ailleurs fait l'objet d'une réécriture complète à l'Assemblée nationale à la suite des auditions de la direction générale du travail et de la Défenseure des droits, qui ont fait valoir que la création d'un critère spécifique de discrimination était inutile et pourrait même s'avérer contre-productive.

De fait, on compte déjà vingt-cinq critères de discrimination interdits par la loi, dont plusieurs couvrent le projet parental. Par exemple, la cour d'appel de Douai a reconnu une discrimination liée à l'état de santé à une salariée inscrite dans un parcours d'AMP qui s'était vu reprocher ses absences par son employeur – la cour a condamné la société employeuse pour ce motif.

Attention à ne pas multiplier inutilement les motifs de discrimination, lesquels peuvent déjà être inclus dans une discrimination déjà énoncée – et jugée comme telle, à l'instar de la discrimination spécifique qui nous réunit aujourd'hui.

Bien que l'air du temps soit au « réarmement démographique », la motivation de cette proposition de loi doit rester de permettre aux personnes qui le souhaitent de mener à bien un projet parental.

À cet égard, ce texte s'insère implicitement dans ce que le Président de la République a nommé le « tabou du siècle » : l'infertilité masculine et féminine.

Je tiens d'ailleurs à dire que le tabou entoure aussi certaines des causes de ce mal ! En effet, il y a parmi celles-ci des facteurs environnementaux, à l'image de l'exposition aux perturbateurs endocriniens, à la pollution atmosphérique, aux métaux lourds, aux solvants et aux pesticides.

Dans un contexte de régression environnementale et sanitaire et de libération des règles encadrant l'usage des pesticides, au mépris des avis des agences de sécurité sanitaire française et européenne, qui alertent sur les conséquences de ces décisions sur la fertilité, la suppression des zones à faibles émissions, qui limitaient la pollution atmosphérique, nous semble, de ce point de vue, devoir être dénoncée.

Cela étant rappelé, nous voterons évidemment cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je n'ai toujours pas compris si cette proposition de loi créait réellement quelque chose de nouveau.

J'ai entendu nombre de mes collègues dire qu'elle était avant tout symbolique. Si j'ai bien saisi, elle permettra tout de même aux conjoints de bénéficier d'autorisations d'absence.

J'ai entendu plusieurs fois qu'elle allait bénéficier aux hommes qui accompagnent une compagne ou une épouse en parcours d'AMP, mais je tiens à rappeler qu'elle profitera aussi aux femmes qui se trouvent dans cette situation d'accompagnement – « les salariés » peuvent aussi bien être des hommes que des femmes.

Je précise, du reste, que les dispositions du texte ne concernent pas les personnes en parcours de gestation pour autrui (GPA), dont je rappelle qu'elle est illicite dans ce pays. J'en profite pour dire une nouvelle fois que nous sommes hostiles à l'exploitation reproductive du corps des femmes.

Cela étant dit, cette proposition de loi est assez symptomatique de ce que fait le Parlement depuis quelques mois : examiner des propositions de loi en attendant que le Gouvernement lui soumette des projets de loi.

Nous allons bien entendu voter celle qui nous est présentée ce soir. Nous, socialistes, sommes toujours favorables à tout ce qui vise à protéger et à conforter les droits des salariés !

Mais, aux députés qui ne sont pas à court d'initiatives pour protéger les femmes, en particulier les mères, au travail, je voudrais rappeler que la maternité nuit encore aujourd'hui à 74 % des femmes au travail, et particulièrement aux femmes ouvrières, puisque seulement 54 % de celles qui ont un enfant travaillent, contre 74 % pour celles qui n'en ont pas.

Faire progresser l'environnement de la maternité, ce n'est pas de faire de la cosmétique avec le code du travail ! C'est garantir des horaires adaptés aux deux parents ; c'est développer des modes de garde ; c'est protéger les crèches, contrairement à ce qui se passe, par exemple, dans mon département du Val-de-Marne, où le conseil départemental ferme des crèches départementales dans de nombreuses communes. J'en profite pour dire au Gouvernement que les élus sont très préoccupés par ces fermetures de crèche, qui vont impacter les femmes et les couples qui travaillent !

Le Gouvernement a été saisi de ce sujet par les maires. Nous espérons qu'il réagira et viendra au secours de ces communes, qui souhaitent développer le meilleur environnement pour les parents et pour les mères qui travaillent.

S'intéresser au travail des femmes, c'est aussi, bien sûr, s'intéresser au travail des femmes cadres, qui sont plus de 40 % à avoir indiqué qu'elles avaient réduit leur temps de travail une fois devenues mères, et s'intéresser à la situation et à la condition sociale des femmes ouvrières, préoccupation qui me paraît souvent absente des nombreuses propositions de loi cosmétiques que nous voyons arriver ici.

Je souhaitais interpeller le Gouvernement à ce sujet. Madame la ministre, préoccupez-vous de l'accueil des jeunes enfants ! Préoccupez-vous des crèches, notamment de celles du Val-de-Marne !

Bien entendu, nous voterons cette proposition de loi. En réalité, je ne vois vraiment pas comment nous pourrions voter contre…

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bourcier.

Mme Corinne Bourcier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en principe, je ne suis pas particulièrement favorable à l'idée d'étendre sans cesse les motifs de discrimination possibles dans la loi. Si toutes les formes de discrimination doivent être activement et fermement combattues dans toutes les sphères de la vie, y compris la sphère professionnelle, je pense que les formulations prévues par le code du travail devraient rester suffisamment larges pour couvrir un maximum de cas.

Vous l'avez rappelé, madame la rapporteure, vingt-sept motifs de discrimination sont aujourd'hui listés dans l'article du code du travail concerné. Pourtant, il en manque encore certainement ! Les motifs de discrimination possibles au travail sont si nombreux qu'ils ne pourront jamais tous figurer dans la loi.

Celle-ci prévoit déjà, par exemple, que la situation familiale, la grossesse ou l'état de santé ne peuvent faire l'objet de discriminations au travail.

Néanmoins, il est des cas particuliers qui nécessitent un traitement particulier. Je pense notamment à la grossesse, qui fait légitimement l'objet de dispositions spécifiques, mais aussi aux procédures d'AMP et d'adoption.

Ces deux procédures sont l'objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui.

La particularité de ces procédures, qui sont de vrais parcours du combattant pour ceux et celles qui s'y engagent, est qu'elles nécessitent de nombreux rendez-vous tout au long du processus. Ainsi, qui dit AMP dit examens, traitements, interventions, attente entre chaque étape de la procédure, qui, au total, peut durer deux ans, voire plus. Comme certaines femmes ont pu en témoigner, « l'AMP prend toute la place ».

Si ces procédures empiètent pleinement sur la vie personnelle, elles prennent aussi de la place dans la vie professionnelle : tous les rendez-vous médicaux ne peuvent pas toujours être organisés en dehors du temps de travail. C'est une réalité.

Il existe un régime d'autorisations d'absence des salariés qui leur permet de se rendre à ce type de rendez-vous médicaux sur leur temps de travail, mais le faire jouer est de nature à rendre le projet de parentalité du salarié ou de la salariée décelable par l'employeur.

C'est pourquoi la présente proposition de loi prévoit de protéger contre les discriminations les salariés ayant un projet parental d'AMP ou d'adoption de la même manière que les femmes enceintes.

À mon sens, la protection contre les discriminations liées à la situation familiale pourrait s'appliquer aux situations d'adoption ou d'AMP. À cet égard, si nous soutenons le dispositif de l'article 1er, ce n'est cependant pas dans celui-ci que réside, à nos yeux, le véritable intérêt du texte.

Ce dernier présente surtout l'intérêt d'étendre aux hommes le bénéfice des autorisations d'absence pour leur permettre de se rendre à des rendez-vous médicaux dans le cadre d'une AMP, et non plus seulement à titre d'accompagnant de leur partenaire.

Je rappelle que, dans le cadre d'une procédure d'AMP, les hommes aussi peuvent avoir à subir des examens ! C'est donc une question d'équité entre les femmes et les hommes que de reconnaître aux salariés des deux sexes cette possibilité d'absence.

La proposition de loi étend aussi ces autorisations d'absence pour les rendez-vous organisés dans le cadre d'une procédure d'adoption.

Par ailleurs, elle étend aux agents publics le système d'autorisations d'absence, dans le cadre d'une adoption comme d'une AMP, prévu pour les salariés du privé.

Notre groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra évidemment ces dispositifs.

Plus largement, je souhaite, pour terminer, rappeler qu'il est toujours difficile aujourd'hui pour une femme, dans certains milieux professionnels et dans certaines entreprises, d'être enceinte ou en congé de maternité. Cela aussi est une réalité !

Pour certaines d'entre elles, cette situation se traduit encore par une mise en retrait au sein de l'entreprise. D'autres, avant même de subir une éventuelle discrimination, ressentent une appréhension, voire une crainte profonde à l'idée d'annoncer leur grossesse à leur employeur et de partir en congé.

Pourtant, la loi les protège. Au-delà de modifications législatives, c'est donc encore sur les mentalités et les pratiques qu'il faut agir.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Richer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Pierre Richer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, plus de 3 millions de Français et de Françaises sont directement touchés par l'infertilité dans notre pays. Un couple sur quatre en désir d'enfant ne parvient pas à concevoir après douze mois d'essai, selon les données de l'Institut national d'études démographiques (Ined) et de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

S'il relève de l'intime, ce sujet est aussi un enjeu de société et de santé publique majeur, qui a des conséquences certes individuelles, mais aussi collectives, économiques, sociales et démographiques.

L'infertilité touche autant les hommes que les femmes. Ses causes sont multiples et en partie méconnues. L'âge est un facteur important pour les deux partenaires, et on peut regretter un réel manque d'information sur ce point. Les couples n'ont pas forcément le sentiment d'une urgence, alors que l'horloge biologique réduit rapidement leur possibilité d'avoir un enfant. Sont également mis en cause les modes de vie moderne, le tabagisme, la pollution de l'environnement et les perturbateurs endocriniens, ce qui pourrait expliquer que les personnes concernées soient de plus en plus jeunes.

Cette situation conduit de nombreux couples à se tourner vers les techniques d'assistance médicale à la procréation ou à entrer dans un parcours d'adoption.

Depuis la naissance d'Amandine, en 1982, premier « bébé-éprouvette » né en France par fécondation in vitro (FIV), la procréation médicalement assistée s'est largement développée grâce à la recherche médicale : 10 % à 15 % des couples y ont recours, et près d'un bébé sur trente naît aujourd'hui grâce à la cette technique.

Ces chiffres illustrent des chemins de vie souvent douloureux. Une tentative d'AMP ne conduit à une grossesse que dans 20 % des cas. Les parcours durent souvent plusieurs années. La plupart du temps, ils s'achèvent lorsque le nombre de tentatives prises en charge par la sécurité sociale est épuisé, soit six inséminations et quatre FIV.

Le sujet reste tabou et, derrière ces chiffres, la réalité vécue par les couples est toujours largement méconnue.

Le couple entre généralement dans une démarche d'AMP après une série d'examens concluant à une infertilité, dont l'annonce représente une première épreuve.

La procédure d'AMP est ensuite particulièrement lourde, surtout pour la femme, aussi bien physiquement que psychologiquement. Une fois la démarche engagée, il lui faut subir une série d'examens invasifs et de traitements hormonaux très contraignants, dont des piqûres quotidiennes, afin de procéder à une stimulation ovarienne, dans le but de prélever des ovocytes, puis une implantation d'un ou plusieurs embryons, quand il s'agit d'une FIV.

Tout au long du parcours, qui dure parfois de nombreuses années, des difficultés peuvent survenir, éprouvant le couple et le soumettant au doute et au découragement.

Ce parcours demande une grande disponibilité et entraîne une fatigue physique et psychique que la femme doit parvenir à concilier avec sa vie professionnelle, sans que son entourage, bien souvent, le sache.

Aussi notre droit a-t-il évolué afin de protéger ces femmes dans le cadre de leur travail. Le texte que nous examinons aujourd'hui représente une étape de cette évolution. Il comporte peu de mesures, le droit français étant déjà très protecteur.

Toutefois, il apparaît nécessaire de préciser plusieurs points, ce que le texte présenté par la députée Prisca Thevenot rend possible. Il a été réécrit en ce sens par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale.

Actuellement, un ensemble de protections est garanti par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé pour toute femme engagée dans un parcours d'AMP.

Au même titre que la femme enceinte, cette dernière ne peut pas subir de discrimination à l'embauche et ne saurait être ni licenciée ni mutée. En cas de litige sur ces points, il appartient à l'employeur de communiquer les éléments qui justifient sa décision : il a la charge de la preuve.

L'article 1er de la proposition de loi, d'une part, étend le champ des discriminations à la rémunération, la formation, l'affectation, la qualification, la classification ou la promotion professionnelle. D'autre part, il élargit le bénéfice de cette protection aux hommes amenés à bénéficier de traitements médicaux dans le cadre d'une AMP ainsi qu'aux parents engagés dans un parcours d'adoption, puisqu'ils forment un projet parental ponctué de nombreuses démarches administratives.

Ces avancées consacrent à mon sens une approche véritablement égalitaire de la parentalité.

Cette préoccupation se retrouve également dans le régime des absences des salariés concernés.

Le code du travail prévoit déjà qu'une femme peut se rendre aux examens médicaux obligatoires liés à l'assistance médicale à la procréation. Son conjoint, partenaire de Pacs ou concubin bénéficie, afin de l'accompagner, de trois autorisations d'absence par protocole engagé.

Cependant, là encore, ces droits ne visent pas les hommes en cours de traitement. L'article 2 prévoit donc explicitement qu'un homme pourra bénéficier des mêmes absences rémunérées. Et, fait également nouveau, il pourra être accompagné de son épouse, de sa partenaire de Pacs ou de sa concubine.

De même, à l'article 1er, le texte étend le périmètre de l'autorisation d'absence aux couples en voie d'adoption, lorsque ceux-ci doivent prendre part aux entretiens obligatoires nécessaires à l'obtention d'un agrément.

L'article 2, enfin, permet aux agents publics de bénéficier du même régime de protection que les salariés du secteur privé.

Ces dispositions semblent aller de soi, mais il ne faudrait pas minimiser leur importance. Par peur d'évoquer un sujet tabou, de nombreux couples choisissent le silence et se trouvent en difficulté pour justifier leurs absences dans leur milieu professionnel. Le présent texte, au-delà de sa portée juridique, vise à libérer la parole.

Je tiens à saluer l'écoute et le travail de la rapporteure, dont il s'agit du premier rapport, qui laisse le texte inchangé afin de faciliter son adoption rapide.

Cette proposition de loi a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale. J'espère, sans en douter réellement, après avoir entendu les précédentes interventions, qu'il suivra la même voie ce soir, traduisant ainsi notre volonté de permettre à chacun de réaliser son projet de parentalité dans des conditions sereines et favorables à la natalité.

Notre groupe apportera bien évidemment son soutien à ce texte qui s'inscrit pleinement dans notre vision d'une société plus humaine et, comme vous l'avez rappelé, chère madame Petrus, plus juste. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile.

M. Dominique Théophile. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner une proposition de loi visant à lutter contre les discriminations dont peuvent être victimes les personnes engagées dans un projet parental, que ce soit par un parcours de procréation médicalement assistée ou dans le cadre d'une procédure d'adoption.

Je tiens à saluer d'abord le travail de ma collègue députée, Prisca Thevenot, à l'origine de ce texte qui répond à une réalité sociale souvent invisibilisée.

Il me semble opportun de le rappeler ici : notre société connaît un véritable bouleversement des schémas familiaux dits traditionnels. Or ces évolutions sont à la fois positives et porteuses de défis en matière de politique familiale.

Il n'existe plus aujourd'hui un seul modèle, mais bien une pluralité de schémas, incluant par exemple des familles recomposées ou monoparentales, qui présentent chacun des besoins propres.

Mon collègue Xavier Iacovelli a exprimé plusieurs fois sa volonté de lancer un grand plan national des familles, afin de remettre en question la pertinence de nos politiques publiques, encore trop souvent calquées sur un modèle unique et qui ne tiennent pas suffisamment compte des réalités et des besoins spécifiques de ces nouvelles configurations familiales.

Notre pays connaît un déclin démographique, incontestable. En 1973, la France enregistrait 888 000 naissances, contre seulement 663 000 en 2024, soit une baisse de 25 % en cinquante ans.

Le Président de la République a parlé d'un besoin de « réarmement démographique ». Et il a raison : il est temps d'agir, et nous pensons que ce texte s'inscrit pleinement dans cette logique. Derrière cette baisse, en effet, il y a aussi une réalité médicale souvent tue : celle de l'infertilité.

Aujourd'hui, un couple sur six consulte pour des difficultés à concevoir. En 2022, 158 000 tentatives d'assistance médicale à la procréation ont été réalisées, aboutissant à près de 28 000 naissances. Autrement dit, presque un enfant sur trente en France est aujourd'hui issu d'un parcours d'AMP.

Soyons clairs : les femmes sont majoritairement concernées par ce processus de projet parental.

Non seulement ce sont elles qui, pour l'essentiel, subissent les injections, les rendez-vous médicaux à répétition, les effets secondaires, mais elles sont aussi les plus touchées en matière de discriminations professionnelles. Or c'est précisément ce problème que nous touchons du doigt par ce texte.

L'article 1er inscrit dans la loi l'interdiction de toute discrimination fondée sur l'existence d'un tel projet, envers tant les hommes que les femmes.

C'est une disposition que le droit actuel couvre déjà, en pratique, mais il nous paraît bienvenu à tous, au regard des discussions en commission et de l'absence d'amendements en séance, de l'affirmer clairement dans la loi.

Ce geste législatif, en effet, même s'il est symbolique, envoie un signal fort aux employeurs : celui du respect de tous les parcours parentaux, sans exception.

L'article 2, quant à lui, étend le bénéfice des autorisations d'absence aux hommes, et non plus seulement aux femmes, lorsqu'ils sont engagés dans une procédure d'adoption.

C'est un ajustement simple, qui va dans le sens de l'égalité entre les sexes, du partage des responsabilités parentales et d'une prise en compte réaliste des évolutions familiales.

En effet, si notre code du travail protège aujourd'hui les femmes enceintes, il reste encore des zones grises pour celles et ceux qui suivent un protocole d'AMP ou un processus d'adoption.

Quelques jours d'absence sont parfois autorisés, mais il n'existe aucune garantie contre un licenciement déguisé, une mutation subie ou une promotion qui s'éloigne.

Cette proposition de loi est également un impératif d'égalité entre les femmes et les hommes, car ce sont une fois encore les femmes qui paient le prix fort dans leur corps, dans leur emploi et dans leur avenir professionnel.

C'est aussi un enjeu d'émancipation, parce que le travail reste un levier d'indépendance, de liberté et de dignité. Or il est inacceptable que le choix de devenir parent, surtout par des voies aussi exigeantes, soit un frein à l'épanouissement professionnel.

Mes chers collègues, par l'adoption de cette proposition de loi, protégeons celles et ceux dont le projet parental passe par un parcours long, incertain et médicalisé, en leur évitant cette double peine, à savoir subir en outre de possibles discriminations à l'emploi. (Mme la rapporteure applaudit.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à protéger les personnes engagées dans un projet parental des discriminations au travail

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les personnes engagées dans un projet parental des discriminations au travail
Article 2 (début)

Article 1er

(Non modifié)

I. – (Supprimé)

II. – Le code du travail est ainsi modifié :

1° (Supprimé)

2° L'article L. 1225-3-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1225-3-1. – Les articles L. 1225-1 à L. 1225-3 et L. 1142-1 sont applicables aux salariés engagés dans un projet parental dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation définie à l'article L. 2141-1 du code de la santé publique ou d'une adoption au sens du titre VIII du livre Ier du code civil. »

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les personnes engagées dans un projet parental des discriminations au travail
Article 2 (fin)

Article 2

(Non modifié)

I. – À la première phrase de l'article L. 622-1 du code général de la fonction publique, après le mot : « parentalité », sont insérés les mots : « , notamment les autorisations d'absence prévues à l'article L. 1225-16 du code du travail, ».

II. – L'article L. 1225-16 du code du travail est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, au début, les mots : « La salariée » sont remplacés par les mots : « Les salariés » et le mot : « bénéficie » est remplacé par le mot : « bénéficient » ;

2° Au troisième alinéa, après la première occurrence du mot : « ou », sont insérés les mots : « de la personne » ;

3° Après le même troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les salariés engagés dans une procédure d'adoption, au sens du titre VIII du livre Ier du code civil, bénéficient d'autorisations d'absence pour se présenter aux entretiens obligatoires nécessaires à l'obtention de l'agrément prévu à l'article L. 225-2 du code de l'action sociale et des familles. Le nombre maximal d'autorisations d'absence est défini par décret.  – (Adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l'ensemble de la proposition de loi visant à protéger les personnes engagées dans un projet parental des discriminations au travail.

(La proposition de loi est adoptée définitivement.)

Article 2 (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger les personnes engagées dans un projet parental des discriminations au travail
 

5

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 23 juin 2025 :

À seize heures et le soir :

Trois conventions internationales examinées selon la procédure d'examen simplifié :

Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Suriname (procédure accélérée ; texte de la commission n° 751, 2024-2025) ;

Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Chypre sur la coopération lors des opérations d'évacuation à partir de la région du Moyen-Orient via le territoire de la République de Chypre dans le cadre d'une situation de crise (procédure accélérée ; texte de la commission n° 728, 2024-2025) ;

Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention d'entraide judiciaire en matière pénale du 28 mai 1996 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale du Brésil (procédure accélérée ; texte de la commission n° 753, 2024-2025) ;

Projet de loi, rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024 (texte n° 718, 2024-2025) ;

Projet de loi, rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'approbation des comptes de la sécurité sociale de l'année 2024 (texte n° 729, 2024-2025).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinq.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER