M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Bayrou, Premier ministre. Madame la présidente Cukierman, je l'ai dit et je le répète : à mes yeux, pour avoir suivi minute par minute, depuis quatre mois, les négociations qui se sont déroulées avec tous les participants au conclave, représentants des salariés ou représentants des entreprises, des progrès considérables ont été accomplis. Comme beaucoup l'ont dit, l'accord était à portée de la main : on était à quelques centimètres de la réussite du conclave. (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.)
Allons-nous laisser ces progrès sans suite ? Ma réponse est non.
Nous allons, autant que possible, prendre en compte la totalité des concessions consenties et des compromis dessinés par les salariés et les entreprises.
M. Pascal Savoldelli. C'est vaporeux, ça !
M. Rachid Temal. Que faites-vous du Parlement ?
M. François Bayrou, Premier ministre. … et cela n'a rien à voir, monsieur le président Kanner, avec la menace d'une censure. Puis-je vous rappeler que nous sommes tous les jours sous la menace de la censure ? Il n'y a pas de majorité à l'Assemblée nationale et chacun s'en est aperçu !
M. Pascal Savoldelli. Il y a une majorité populaire contre les retraites !
M. François Bayrou, Premier ministre. Il est donc inutile de penser, comme Chantecler, que c'est le chant du coq qui fait se lever le soleil.
Mme Laurence Rossignol. Répondez plutôt à Mme Cukierman !
M. Rachid Temal. … vers la fin…
M. François Bayrou, Premier ministre. … sur la voie, tracée par les Français eux-mêmes via leurs représentants, des progrès de la société française. Je suis un défenseur de la démocratie sociale ; tout le monde ici le sait. La présidente Cukierman peut donc être assurée que ce travail ne sera ni oublié ni annulé. (Mme Cécile Cukierman fait la moue.) Nous allons l'assumer devant les Français dans le cadre des responsabilités gouvernementales qui sont les nôtres. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. – MM. Emmanuel Capus, Daniel Chasseing et Loïc Hervé applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour la réplique.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le Premier ministre, votre totem d'immunité reposait sur deux choses : l'organisation d'une négociation sur la réforme des retraites et le retour devant le Parlement avec un projet de loi. Quatre mois se sont écoulés, vous l'avez rappelé, et vous n'avez respecté aucune des conditions de l'accord que vous aviez passé avec les parlementaires socialistes. Vous affirmiez pourtant le 16 janvier – ce sont vos propres termes – « que cette discussion aurait lieu sans totem ni tabou ». « Comme je l'ai indiqué hier au Sénat, ajoutiez-vous, le Parlement aura, en tout état de cause, le dernier mot. »
Or vous avez déclaré dès le début du conclave que le retour de l'âge légal à 62 ans était exclu des issues possibles et vous avez ajouté que les propositions qui seraient émises devaient permettre de dégager 6 milliards d'euros pour équilibrer le système. Vous avez donc sciemment dénaturé la négociation et empêché le dialogue social, auquel vous semblez si attaché, de se tenir avec sérénité.
Il y a dix jours, vous annonciez qu'il existait un chemin pour un accord. Hier et encore aujourd'hui, vous nous répondez qu'un chemin existe pour sortir de l'impasse. Pardonnez-moi, monsieur le Premier ministre : si je crois en votre goût de la randonnée, je ne vous accompagnerai toutefois pas dans le Jurançon, de crainte de m'égarer sur un de vos fameux « chemins » qui ne sont, de fait, que des impasses.
L'abrogation – oui ! – demeure à ce jour fortement attendue et exigée par une grande majorité de nos concitoyens. Elle reste la seule issue pour ce qui est de répondre à leurs attentes, y compris celles qui ont trait à la pénibilité et au temps de travail. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
Salutations à un sénateur
M. le président. Avant de lui donner la parole, je souhaite saluer notre doyen, Jean-Marie Vanlerenberghe.
Sénateur du Pas-de-Calais depuis 2001, il a décidé de mettre un terme le 31 août prochain à son mandat, après vingt-quatre années passées au sein de notre Haute Assemblée.
Au nom du Sénat, je veux le remercier de son engagement, au sein d'abord de la commission des affaires culturelles, puis de la commission des affaires sociales, dont il a été vice-président, puis rapporteur général pendant sept ans ; Alain Milon s'en souvient particulièrement bien.
Au cours de ses mandats successifs, il a contribué à de nombreux travaux du Sénat en matière sociale. Je fais référence aux projets de loi de financement de la sécurité sociale, mais également aux textes relatifs à l'amélioration de notre système de soins, à l'évolution de notre système de retraite ou encore aux transformations du marché de l'emploi. En 2005, il a présidé la mission d'information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante, dont les travaux ont fait date ; je m'en souviens personnellement.
Je tiens à lui exprimer la gratitude du Sénat. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent et applaudissent longuement.)
conclave sur les retraites (ii)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour le groupe Union Centriste.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, mes chers collègues, je vous remercie ; je ne suis pas sûr de mériter toutes ces louanges, mais je les accepte bien volontiers. (Exclamations amusées.)
Monsieur le Premier ministre, le conclave s'est achevé, mais pas par une fumée blanche, comme nous l'espérions. Je le regrette. Mais, comme vous, je pense qu'il ne faut pas en rester là.
Voilà cinq mois, vous aviez décidé de confier aux partenaires sociaux le soin de réviser la réforme des retraites, en précisant alors qu'il s'agissait d'une discussion ouverte, sans tabou, sans totem, pas même sur l'âge d'ouverture des droits, tout en ajoutant qu'il fallait respecter l'équilibre du système en 2030.
C'était une chance inespérée pour le paritarisme et le dialogue social, auquel vous êtes attaché, comme nous tous.
C'était, en quelque sorte, un retour aux sources pour les partenaires sociaux, syndicats et patronat, qui, pendant longtemps, avait la gestion exclusive du système de retraite, notamment celui du secteur privé. C'est d'ailleurs toujours le cas du régime complémentaire, l'Agirc-Arrco, qui, avec 86 milliards d'euros de réserves pour environ 100 milliards d'euros de dépenses, est un exemple de bonne gestion à saluer.
Vous avez donné aux partenaires sociaux l'occasion de reprendre la gouvernance du système de retraite pour les 80 % de salariés du secteur privé. J'ai d'ailleurs noté que l'ensemble des participants au conclave étaient favorables au rapprochement des régimes de base et complémentaire, toujours pour le privé.
Les premières conclusions faisaient même état d'avancées sur des questions essentielles, comme la pénibilité, le droit des femmes et des mères de famille, entre autres. Je pense donc, comme vous, qu'une voie de passage existe.
Monsieur le Premier ministre, que comptez-vous faire désormais pour le système de retraite ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes INDEP, RDSE, RDPI et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le sénateur Jean-Marie Vanlerenberghe, certains sénateurs l'ignorent peut-être, mais j'aurais pu ajouter mes compliments à ceux, relayés par de nombreux applaudissements, de M. le président, et ce depuis le premier jour de mon engagement politique.
Naturellement, beaucoup n'ont pas suivi cette longue histoire de militantisme et d'amitié entre nous. En vous voyant, je revis un épisode bien particulier : tout jeune garçon, venant de passer l'agrégation, j'étais allé sonner à la porte du parti politique qui est toujours le nôtre, le vôtre et le mien ; j'avais à peine 20 ans, et celui qui m'a accueilli derrière la porte était un certain Jean-Marie Vanlerenberghe. (Exclamations amusées.) C'est dire si cette histoire n'est pas récente !
Dans cette histoire, il y a des convictions. Et parmi ces convictions, il y a l'attachement, qui n'est pas partagé sur toutes les travées, à l'idéal de démocratie sociale : pour nous, il est des domaines qui relèvent non pas du politique, mais de la société civile organisée et des corps intermédiaires ; c'est ainsi que l'on peut apaiser une société au lieu de perpétuellement la rendre plus conflictuelle.
M. Rachid Temal. Comme avec le conclave…
M. François Bayrou, Premier ministre. Vous et moi considérons – Dieu sait que nous en avons parlé des milliers de fois ! – que les retraites sont l'un de ces domaines. Vous et moi n'avons eu de cesse de croire que la responsabilité des partenaires sociaux pouvait être engagée et bienfaisante. Et nous le croyons encore. Nous pensons que cette négociation sur les retraites peut aboutir positivement et qu'elle a en tout cas fait considérablement progresser les choses.
Je vous confirme notre détermination, celle du Gouvernement – je suis sûr que vous l'approuvez –, pour que rien ne soit perdu du chemin parcouru et que le travail de concertation des organisations syndicales et patronales puisse être mené à son terme.
Permettez-moi de vous adresser devant le Sénat des remerciements affectueux ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes RDSE, RDPI, INDEP et Les Républicains.)
remise en cause des énergies renouvelables et programmation énergétique de la france
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Anne Souyris. Qui aurait pu prédire que la droite et l'extrême droite allaient s'allier pour attaquer l'écologie ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Les scientifiques nous indiquent que l'objectif de limiter le réchauffement climatique global à 1,5 degré Celsius n'est plus atteignable.
Après les zones à faibles émissions (ZFE), le zéro artificialisation nette (ZAN) et MaPrimeRénov', les Républicains et le Rassemblement national se trouvent un nouveau point commun : se faire les chantres de la décroissance des énergies renouvelables. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
L'énergie solaire et éolienne, ses entreprises et ses employés, la réduction des gaz à effet de serre : tout cela a failli être abandonné hier à l'Assemblée nationale grâce à vos amis, monsieur le ministre ! Fessenheim, déjà arrêtée, aurait été rouverte grâce à une extrême droite toute puissante.
Voilà ce que nous proposent Laurent Wauquiez et l'extrême droite : le retour à la lampe à huile, le backlash écologique, le climato-négationnisme ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Hier, l'Assemblée nationale a rejeté la proposition de loi Gremillet et son moratoire. Tant mieux !
Mais aujourd'hui, soyons concrets. Le Gouvernement maintient-il l'inscription de cette proposition de loi à l'ordre du jour du Sénat le 8 juillet ? Publiera-t-il le décret de programmation de l'énergie avant la deuxième lecture ? Oubliant les promesses d'Emmanuel Macron, la coalition gouvernementale va-t-elle définitivement fermer le ban d'une programmation énergétique ambitieuse pour les énergies renouvelables, qui, seule, peut protéger notre souveraineté et le climat ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie.
M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie. Madame la sénatrice, votre question, dont je vous remercie, me donne l'occasion de réaffirmer ici que le cap de notre politique énergétique reste inchangé. Ce cap, c'est la sortie de la dépendance aux énergies fossiles.
C'est un enjeu non seulement climatique – vous l'avez rappelé –, mais également de souveraineté, quand ces énergies représentent 60 % de notre consommation énergétique, pèsent à hauteur de 70 milliards d'euros sur notre balance commerciale et nous mettent à la merci de pays qui exportent et qui, pour certains, sont désormais hostiles à la France et à l'Europe.
Nous maintenons donc ce cap, et nous allons l'atteindre, grâce à une stratégie reposant sur deux jambes : notre mix énergétique combine en effet le nucléaire et les énergies renouvelables.
La proposition de loi préparée par le sénateur Daniel Gremillet, dont je tiens à saluer ici le travail, fournissait un cadre : une loi de programmation. Elle a – vous l'avez indiqué – été totalement dénaturée lors des débats à l'Assemblée nationale, avec des amendements absurdes du point de vue industriel, comme sur la réouverture de Fessenheim,…
M. Jacques Fernique. En effet, c'est absurde !
M. Marc Ferracci, ministre. … extrêmement fragiles du point de vue juridique, notamment au regard du droit européen, voire dévastateurs – je fais référence à ce fameux moratoire sur les énergies renouvelables – pour nos filières industrielles et l'économie dans nos territoires.
C'est la raison pour laquelle ce texte a été rejeté ; c'était, me semble-t-il, nécessaire. Il va poursuivre son cheminement. Il est inscrit à l'ordre du jour des travaux du Sénat le 8 juillet. La sérénité doit reprendre ses droits dans les débats.
Le décret relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) est réclamé par les filières industrielles. Il est également nécessaire pour mettre notre politique nucléaire en cohérence avec ce que nous souhaitons faire. Mais il ne sera pris qu'une fois que la représentation nationale aura pu débattre, voter et converger sur un texte. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour la réplique.
Mme Anne Souyris. Monsieur le ministre, le « et et » à la place du « ni ni », cela donne parfois du « en même temps ». Mais à quoi cela aboutit-il ? Quel est le chemin ? Pour l'instant, nous ne le voyons pas.
Le texte qui avait été examiné au Sénat était déjà très insatisfaisant. Vous prétendez vouloir combiner le nucléaire et les énergies renouvelables ? En l'occurrence, il manquait les énergies renouvelables…
N'oubliez pas que la droite et l'extrême droite sont en train de saccager l'écologie et l'accord de Paris. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous avez pris des engagements.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Anne Souyris. J'espère que vous les tiendrez. Vous devrez faire des choix. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
réforme du scrutin de paris, lyon et marseille
M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Muriel Jourda. Monsieur le Premier ministre, vous avez jugé utile d'inscrire à l'ordre du jour un texte modifiant les modes de scrutin applicables aux villes de Paris, Lyon et Marseille.
M. Bruno Sido. Une absurdité !
Mme Muriel Jourda. Ce texte est apparu de façon assez tardive, au regard non seulement de la date des élections municipales, mais également de celle de l'ouverture de la période électorale, au mois de septembre prochain.
Ce caractère tardif et une certaine impréparation du texte ont été soulignés par le président Larcher, puis par le président du groupe Les Républicains, M. Mathieu Darnaud, lors de la séance des questions d'actualité au Gouvernement du 19 février dernier. Vous aviez alors répondu : « […] seul le Parlement sera souverain – pas le Gouvernement ! Je n'imagine pas qu'un texte puisse être adopté sur ce sujet sans qu'un accord soit trouvé entre l'Assemblée nationale et le Sénat. »
Dès lors, je n'ai pas imaginé que vous passeriez outre l'avis de la chambre des territoires, en particulier sur un texte concernant les collectivités territoriales. Or, lorsque nous avons été saisis du texte, nous avons constaté qu'en plus d'être tardif, celui-ci avait été rédigé avec une légèreté quasiment irréparable. Nous l'avons donc rejeté à une assez forte majorité au Sénat.
Vous avez pourtant immédiatement convoqué une commission mixte paritaire. Au regard de la faiblesse des propositions qui nous ont été adressées, celle-ci n'a pu être conclusive ; c'était hier matin. Et je lis dans les journaux que vous souhaiteriez continuer ce processus législatif. Mais je ne crois pas nécessairement ce que je lis dans les journaux.
Monsieur le Premier ministre, pouvons-nous savoir ce que vous imaginez désormais pour ce texte ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER, CRCE-K et GEST, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Le Premier ministre !
M. Patrick Mignola, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la présidente Jourda, à vous plus qu'à quiconque, je répondrai : « Les institutions, rien que les institutions, mais toutes les institutions. » (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le Gouvernement exerce ses responsabilités, dans un contexte où il n'y a pas de majorité à l'Assemblée nationale et où les deux chambres sont parfois en désaccord. Le cycle institutionnel nous permet d'aller vers le compromis. Et c'est dans cet esprit-là que le Premier ministre nous demande de travailler.
M. Roger Karoutchi. Ce n'est pas ce qu'il avait dit !
M. Patrick Mignola, ministre délégué. À défaut, qu'arriverait-il aux textes d'origine sénatoriale que le Gouvernement soutient ? Je pense aux propositions de loi Duplomb, Gremillet ou visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux (Trace). (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Et alors !
M. Patrick Mignola, ministre délégué. Sur ces textes, il est possible qu'il y ait des divergences profondes, fondamentales, entre l'Assemblée nationale et le Sénat.
M. Jacques Grosperrin. Où est le Premier ministre ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué. J'entends évidemment vos préventions légitimes – elles ont d'ailleurs été relayées aujourd'hui encore par le président du Sénat – quant à un éventuel dernier mot donné à l'Assemblée nationale. Mais nous n'en sommes pas là.
M. Rachid Temal. Alors, où en sommes-nous ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué. Comme nos institutions le prévoient, lorsqu'une commission mixte paritaire n'est pas conclusive, les deux chambres sont saisies chacune pour une nouvelle lecture. Compte tenu de ce que je viens d'indiquer, le souhait du Gouvernement est de tout faire pour qu'un compromis soit envisagé.
Je tiens à rendre hommage à la rapporteure Lauriane Josende et au rapporteur Mattei, qui ont travaillé ensemble et qui, s'appuyant sur le cabinet du ministre de l'intérieur, ont pu émettre des propositions conformes aux attentes du Sénat, en particulier s'agissant du rôle des maires d'arrondissement et de la répartition des compétences avec les mairies centrales. (Mmes Marie-Claire Carrère-Gée et Catherine Dumas protestent.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C'est faux !
M. Patrick Mignola, ministre délégué. Certes, j'ai bien compris que ces propositions n'ont pas été examinées très longtemps et que certains échanges, pas tous, n'ont pas été caractérisés par toute la bonne foi que nous aurions pu espérer. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Désormais, l'engagement du Gouvernement est de travailler à ce compromis dans le cadre d'une nouvelle lecture dans chaque chambre.
Mme Catherine Dumas. On n'en veut pas !
M. Patrick Mignola, ministre délégué. C'est à ce prix que nous saurons faire fonctionner nos institutions. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda, pour la réplique.
Mme Muriel Jourda. Monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, le 3 juin dernier, vous avez vous-même déclaré : « Le Gouvernement va prendre une décision en concertation avec les deux assemblées et les groupes parlementaires qui les composent. C'est forcément une décision collective. » Lorsque j'entends ce que vous me répondez aujourd'hui, je me demande lequel de nous deux est de bonne foi. (Mmes et MM. les sénateurs du groupe Les Républicains se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et INDEP.)
justice fiscale
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Thierry Cozic. Monsieur le Premier ministre, au mois de février dernier, alors que tout nous conduisait à la censure, le Parti socialiste a pris ses responsabilités, afin de doter notre pays d'un budget.
Contre la non-censure, nous actions avec vous, par écrit, diverses mesures. Parmi celles-ci figurait la création d'un dispositif fiscal visant à taxer les hauts patrimoines, générant ainsi 4 milliards d'euros de recettes, afin de rétablir un semblant de justice fiscale, que huit années de macronisme ont totalement détruite.
Force est de le constater aujourd'hui, vous avez décidé de nous payer en billets de Monopoly.
Dois-je rappeler que l'attelage gouvernemental qui est le vôtre n'est pas plus légitime qu'au lendemain des dernières législatives, dont les résultats ont clairement appelé à votre départ de la gestion des affaires du pays ? L'alliance des perdants ne saurait imposer ses vues à ceux qui sont arrivés en tête, surtout en matière budgétaire : le trou béant du Trésor est encore perceptible à l'œil nu.
Alors que le mur du budget sur lequel vous allez vous écraser se rapproche, vous, vous discutez tranquillement de sa couleur.
Prochainement, vous allez encore nous demander de venir dans une de ces réunions où tout est déjà décidé à l'avance pour mieux vous prévaloir d'une concertation factice qui ne trompe plus personne. Car nous l'avons bien compris, à part des économies sonnantes et trébuchantes, qui pèseront majoritairement sur les plus fragiles, rien ne trouve grâce à vos yeux.
Sur les retraites, la tenue de vos engagements n'est guère plus satisfaisante, et c'est très logiquement que notre famille politique a déposé une motion de censure.
Monsieur le Premier ministre, comptez-vous respecter vos engagements en matière de justice fiscale ou envisagez-vous de nouveau une fuite en avant, vous contraignant à un tango mortifère avec l'extrême droite ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Ian Brossat applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur Thierry Cozic, rien n'est décidé d'avance. Ces sujets vont sans doute nous occuper dans les mois à venir. Ainsi que M. le Premier ministre l'a indiqué, comme il n'y a pas de majorité à l'Assemblée nationale – vous le savez parfaitement –, c'est bien dans la concertation que nous allons travailler.
En accord avec le Premier ministre, la ministre chargée des comptes publics, Amélie de Montchalin, et moi-même allons recevoir dans les semaines qui viennent les présidents et présidentes des groupes politiques, les présidents de commission et les rapporteurs généraux, afin d'écouter les propositions et d'élaborer un projet de loi de finances. Le Premier ministre en donnera les premières lignes vers le milieu du mois de juillet, et nous poursuivrons la concertation à la rentrée, afin de rechercher les voies et moyens de trouver l'accord le plus large possible.
Vous avez abordé deux sujets ayant effectivement fait l'objet de discussions plus particulières avec votre groupe et avec vos collègues de l'Assemblée nationale.
Sur les retraites, M. le Premier ministre a, me semble-t-il, été parfaitement clair : comme les partenaires sociaux étaient à quelques centimètres d'un accord, nous allons rechercher comment franchir ces derniers centimètres.
Sur la fiscalité, les engagements qui ont été pris seront évidemment tenus. Imaginer le contraire serait mal connaître M. le Premier ministre. Nous préciserons le détail des dispositions au fur et à mesure. Vous l'avez bien compris, c'est dans le dialogue que ce texte va se construire.
Je vous confirme notre entière disponibilité pour le préparer avec vous et vos collègues, afin – je l'espère – d'avoir un projet de budget équilibré, efficace et utile à la rentrée prochaine. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour la réplique.
M. Thierry Cozic. Monsieur le ministre, vous parlez de « concertation ». Mais la concertation implique aussi le respect des engagements pris. En ne respectant pas les vôtres, vous vous exposez à la censure, vous plaçant ainsi dans la main de l'extrême droite, ce qui – M. Barnier pourrait en témoigner – n'est pas la position la plus confortable… Ne jouez pas le budget de la France à la roulette russe ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
statut de l'élu local
M. le président. La parole est à Mme Marie-Jeanne Bellamy, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Jeanne Bellamy. Monsieur le Premier ministre, cela fait des années que les maires de France attendent un véritable statut de l'élu local. Cela fait plus d'un an que le Sénat a répondu à cet appel, avec une proposition de loi conforme à leurs attentes et adoptée à l'unanimité au sein de notre Haute Assemblée.
Aujourd'hui, les injures et diffamations publiques contre les maires sont quotidiennes. Les menaces contre leur personne ou leurs biens sont de plus en plus fréquentes, les agressions physiques se banalisent et leur charge mentale ne cesse d'augmenter.
Alors que lassitude et découragement se multiplient, nombre de maires renoncent à se représenter ou rencontrent des difficultés à constituer leur liste, faute de candidats, à moins de neuf mois des prochaines municipales.
Nos élus ne demandent pas la promesse des grands soirs. Ils souhaitent simplement une reconnaissance concrète de leur engagement, une meilleure protection et des conditions d'exercice compatibles avec une vie personnelle et professionnelle.
Après de nombreux reports, l'Assemblée nationale se saisit enfin du texte, à partir du 7 juillet prochain. Mais que la route est longue, dès lors que la procédure accélérée n'a pas été actée !
Monsieur le Premier ministre, vous qui êtes maire et attaché à ce mandat, pouvez-vous prendre l'engagement solennel devant le Sénat que ce texte sera bien inscrit à l'ordre du jour du Sénat dès le mois de septembre et que tout sera mis en œuvre pour qu'il soit promulgué avant la fin de l'année ? Il y a urgence ; les élus ne peuvent plus attendre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.
M. Rachid Temal. Bon anniversaire !
M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Madame la sénatrice Bellamy, nous partageons évidemment votre analyse. Pour preuve, le texte que vous évoquez est inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale le 7 juillet.
Vous l'avez souligné, ce texte est attendu par tous les élus de France ; ancien maire de Dijon, j'en sais moi-même toute l'importance. La volonté unanime qui s'était exprimée ici l'an dernier prévaudra également – je l'espère – à l'Assemblée nationale.
Avec Françoise Gatel, qui a été à l'origine de cette proposition de loi lorsqu'elle siégeait parmi vous, je tiens à faire en sorte que le texte soit examiné par les députés, puis qu'il revienne devant vous au mois de septembre.
Vous l'avez rappelé, les élus de France attendent de meilleures conditions d'exercice de leur mandat, une véritable protection fonctionnelle face aux agressions et aux insultes auxquelles ils sont soumis et la fin de ce fameux conflit d'intérêts public-public qui les oblige à se déporter sans cesse, à tel point que le simple fait de réunir un conseil municipal relève désormais d'une gymnastique mathématique ! Ils souhaitent également que le renouvellement puisse être facilité ; c'est pourquoi nous souhaitons favoriser la présence, notamment, d'étudiants sur les listes, par la mise en place d'un statut d'élu.
Je le dis ici avec force : nous attendons tous ce texte. Je le défendrai au nom du Gouvernement devant l'Assemblée nationale, et je serai ravi de revenir ensuite le défendre devant le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe RDSE.)