M. le président. Il faut conclure.
M. Mathieu Darnaud. Ces principes s’illustrent par une volonté farouche de préserver la paix et d’œuvrer à la stabilité internationale. Toutefois, ils impliquent également, ne l’oublions jamais, le refus catégorique et absolu de voir prospérer le totalitarisme islamique du Hamas, du Hezbollah et de leurs parrains iraniens.
Car, en définitive, c’est là, bien davantage que dans d’artificielles équidistances, que s’incarnera réellement la volonté maintes fois exprimée par la France d’être dans le monde une puissance d’équilibre.
Après tout, Charles de Gaulle disait il y a maintenant longtemps une phrase qui n’a sans doute jamais été aussi juste : « Ce qu’il faut surtout pour la paix, c’est la compréhension des peuples. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – Mme Véronique Guillotin et M. Daniel Chasseing applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Vayssouze-Faure, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Marc Vayssouze-Faure. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, quand le droit international est piétiné, c’est à la diplomatie de trouver la force de le remettre sur pied.
L’exercice est d’autant plus complexe que les attributs du pouvoir ont évolué. La puissance du dialogue a été évincée par la force brutale, qui ne vise pas à construire un ordre politique nouveau, mais qui cherche à détruire les équilibres et, parfois, à restaurer les empires du passé.
Cette force, dans le fracas des bombes, méprise lâchement le droit international, celui que les tyrans de notre siècle ont savamment relégué au silence, que la déraison des États a frontalement saccagé.
Face à la loi de la jungle, il nous faut revenir aux valeurs refuges que nous avons toujours portées ; revenir aux valeurs démocratiques, qui sont le fondement de notre politique ; revenir à la notion de multilatéralisme, qui dirige nos intérêts diplomatiques ; revenir à la règle de l’autodétermination, au cœur de la liberté des peuples ; revenir aux moyens pacifiques, consacrés par l’article 1er du traité de l’Atlantique Nord.
Après celle de 2014, la nouvelle agression de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022 a été l’expression du mépris de ce socle de valeurs. Il s’agit d’un basculement, confirmant que notre continent n’est pas épargné par l’épidémie de brutalité qui s’est emparée du monde.
Des millions d’enfants, de femmes et d’hommes en proie à un espace international plus dangereux aujourd’hui qu’hier, sont les victimes de cette épidémie. Elle nous enjoint d’avoir une pensée pour les civils morts, blessés, endeuillés, plongés dans l’inquiétude, pour les peuples meurtris, ceux que l’on veut effacer, pour les otages, pour nos compatriotes et les personnels de nos ambassades établis dans ces pays directement frappés par les velléités d’hégémonie déchaînée ; une pensée, aussi, pour les opposants politiques progressistes qui militent au péril de leur vie, qui n’ont pas voix au chapitre dans ces États déstabilisés, mais qui trouveront toujours dans cet hémicycle des alliés pour relayer leur voix.
Oui, quand le droit international est piétiné, c’est à la diplomatie de trouver la force de le remettre sur pied. C’est à cela que nous invite la déflagration qui a frappé le Proche et Moyen-Orient ces derniers jours, accélérant la spirale de déstabilisation dans laquelle a été entraînée la région.
Cette déflagration a été marquée par l’offensive israélienne lancée sans sommation dans la nuit du 12 au 13 juin dernier, en réaction à la poursuite du programme nucléaire de l’Iran, qui a ciblé les fabriques de missiles balistiques et les capacités militaires. Les appels à la retenue formulés par les chancelleries occidentales et par l’ONU n’ont pas empêché la riposte iranienne ni arrêté les frappes israéliennes.
Face à l’embrasement, les Européens ont tenté de relancer la voie diplomatique à Genève. Donald Trump s’est empressé de déclarer que l’initiative du Vieux Continent n’était pas crédible et a insulté les règles qui s’imposent aux États en déclenchant, le 22 juin, une frappe visant trois sites nucléaires iraniens.
En retour, l’Iran a ciblé la plus grande base américaine de la région, située au Qatar, après en avoir avisé Washington.
En réalité, il s’agit d’un deal à la Trump, d’une opération de communication bien huilée, d’une transaction indécente : « J’épargne ton régime, tu gardes la face et, en contrepartie, j’affiche ma puissance en annonçant la fin de la “guerre des douze jours”. »
Personne n’est dupe : c’est une supercherie. Rien n’est réglé : ni l’anéantissement de la force nucléaire iranienne ni la fin de la guerre.
Les récents événements sont une invitation à remobiliser nos valeurs refuges. En la matière, la République islamique d’Iran est l’adversaire absolu de nos valeurs, car ce régime opprime son peuple, humilie les femmes, déstabilise le Proche et Moyen-Orient avec ses proxys.
Les démocrates doivent dénoncer la République islamique d’Iran, qui enferme, dans ses geôles, non seulement ses opposants, mais aussi nos compatriotes.
Comment ne pas avoir une pensée émue pour les otages d’État, Cécile Kohler et Jacques Paris ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.) Nous apprenons que leur intégrité physique n’a pas été atteinte par la frappe israélienne ciblant le centre d’incarcération d’Evin, mais le régime continue de les détenir dans des conditions inhumaines. Monsieur le Premier ministre, nous n’attendons qu’une seule image, à laquelle Cécile Kohler et Jacques Paris ont dû rêver des centaines de fois : celle de leurs retrouvailles avec leurs proches.
Nous savons que le Quai d’Orsay est pleinement mobilisé, mais nous demandons au Gouvernement de réaffirmer, une nouvelle fois, devant l’exécutif iranien, qu’il y a urgence à procéder à leur libération.
En plus de s’en prendre à nos concitoyens, la République islamique d’Iran veut l’arme nucléaire. Le régime des mollahs doit-il pouvoir disposer de la bombe atomique ? Jamais ! C’est une condition de notre survie collective.
Nous partageons d’ailleurs la vive inquiétude exprimée par l’Agence internationale de l’énergie atomique face à l’accumulation rapide d’uranium enrichi par l’Iran. Le directeur de cette agence fait d’ailleurs l’objet de menaces inacceptables.
Nous sommes tout aussi préoccupés face aux armes de destruction massive dont s’est dotée, par exemple, la Corée du Nord. Nous devons ainsi appeler tous les pays qui n’ont pas encore signé le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires à le faire.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, vous avez exhorté Téhéran à reprendre sans délai la voie du dialogue avec l’AIEA afin d’aboutir à une solution diplomatique robuste qui réponde aux inquiétudes légitimes de la communauté internationale. Pouvez-vous nous indiquer comment la France compte agir concrètement pour favoriser ce retour à la coopération ?
Le présent débat doit également être l’occasion de s’interroger sur les buts de guerre de l’actuel gouvernement israélien. En effet, l’offensive de la nuit du 12 juin n’est pas simplement liée au fait que l’État hébreu souhaite avoir le monopole de l’arme nucléaire au Proche-Orient. L’horizon de Benyamin Netanyahou, double, consiste également à tenter de défaire un régime par la force et depuis l’extérieur. L’Histoire a toutefois démontré que cette méthode ne mène quasiment jamais à rien, si ce n’est à répandre le chaos et à favoriser l’émergence de groupes déstabilisateurs.
Si l’exécutif israélien a, comme il le prétend, cherché à se défendre afin d’assurer sa sécurité, est-il pour autant fondé à mener une guerre dite préventive, en violation du droit international, précisément au moment où se déroulaient des « développements diplomatiques importants », comme l’a indiqué le secrétaire général adjoint de l’ONU ?
En tout état de cause, face au nouvel équilibre des forces et au risque de fuite en avant, chacun a le devoir de remettre du politique derrière le militaire, de la diplomatie derrière la violence, de la dénonciation derrière l’horreur.
L’horreur aujourd’hui, c’est Gaza ; Gaza, où la tragédie humanitaire s’aggrave chaque jour ; Gaza, où la distribution d’aide vire au chaos ; Gaza, où un peuple marche lentement vers la mort ; une enclave dans laquelle l’accès à la distribution alimentaire devient une arme ; une enclave où la quête de vivres peut brutalement être interrompue par des tirs israéliens, comme cela a encore été le cas le 17 juin dernier à Khan Younès, où cinquante-neuf personnes affamées venues s’approvisionner ont été froidement abattues.
De telles scènes sont devenues récurrentes. Des soldats et des officiers israéliens, chargés de la sécurité de ces centres, décrivent eux-mêmes des scènes pouvant relever de crimes de guerre. Monsieur le Premier ministre, il faut lever le blocus humanitaire et démilitariser l’aide humanitaire.
Au total, depuis les attentats terroristes du 7 octobre perpétrés par le Hamas, ce sont plus de 56 000 Palestiniens, dont 17 000 enfants, qui ont été tués par Tsahal.
Dans ce contexte accablant et après la conduite des opérations israéliennes en Iran, le temps est venu de mettre un coup d’arrêt à l’effroi, à ce qui constitue l’une des plus grandes hontes de ce siècle, tout en exigeant la libération des otages. Monsieur le Premier ministre, l’Europe et la France ont le devoir d’indiquer la porte de sortie diplomatique à Israël.
Donald Trump prétend avoir convaincu l’État hébreu d’accepter les termes d’un cessez-le-feu de soixante jours. Peut-on sérieusement lui faire confiance, à lui, au faiseur de paix autoproclamé qui projetait de manière obscène de faire de Gaza un gigantesque complexe hôtelier après avoir déplacé la population palestinienne ?
Peut-on envisager l’avenir avec ceux qui, après avoir bâti un ordre international basé sur le droit, s’attachent à le massacrer et, au passage, s’apprêtent à abandonner l’Ukraine en annonçant hier la suspension d’une partie de son aide militaire ?
Peut-on confier les clés à l’architecte du chaos, qui, au moment même où il retirait son pays de l’accord de Vienne sur la dénucléarisation de l’Iran, s’est placé en position de responsable de l’escalade qui déstabilise le Moyen-Orient ?
Non, l’avenir de la région ne peut pas s’écrire dans la sûreté avec le fanatisme des mollahs. Mais l’avenir ne peut pas non plus s’écrire avec ceux qui estiment que rétablir la concorde passera par des déflagrations interposées.
La désescalade au Moyen-Orient doit venir de ceux qui croient en la diplomatie, de ceux qui placent la prééminence du droit international et du multilatéralisme au cœur de leur socle intangible de valeurs.
Elle doit venir de ceux qui défendent la solution à deux États, position historique des socialistes.
Elle doit venir de ceux qui se mobilisent activement pour la paix. Je pense aux sociétés civiles, mais aussi à des politiques, tels que l’ancien Premier ministre israélien Ehud Olmert et l’ancien chef de la diplomatie palestinienne Nasser Al-Kidwa.
Elle doit venir de ceux qui entendent contribuer à la stabilité en Cisjordanie, au Liban et dans tout le Moyen-Orient.
Dans ces moments où l’Histoire bascule, comme en 2003 lors de l’intervention des États-Unis en Irak, un pays sait dire au monde ce qui est juste. Ce pays, c’est la France, celle qui a une histoire, celle qui a une mémoire, celle qui cultive donc des valeurs.
Monsieur le Premier ministre, notre pays a la responsabilité de rappeler que le droit et la négociation doivent l’emporter sur la force et le fait accompli.
Si notre diplomatie parvient à mettre fin à ses atermoiements, alors le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain saura être aux côtés de l’exécutif. Il faut, pour cela, des positions constantes et transparentes.
De transparence, c’est pourtant ce dont nous manquons quand le Président de la République reprend subitement ses échanges avec Vladimir Poutine, rompant ainsi avec trois années de silence, et sans prévenir la représentation nationale.
Oui, nous sommes prêts à travailler, à proposer un chemin. Toutefois, encore faudrait-il que nous soyons d’accord sur le socle de valeurs que je viens d’énoncer ; encore faudrait-il que vous vous engagiez à cesser de ponctionner le Quai d’Orsay, de compresser les moyens de notre diplomatie et d’éteindre ainsi la voix de la France ; encore faudrait-il que vous ayez la volonté de définir les intérêts diplomatiques de notre pays dans un cadre partagé, et non à travers une position isolée.
En effet, ce qui permettra de bâtir la politique diplomatique de la France, c’est non pas une succession de débats ponctuels, mais des échanges ininterrompus avec les forces politiques.
Notre formation politique a toujours su prendre ses responsabilités. Monsieur le Premier ministre, faites un pas vers ceux qui veulent construire, soyez à l’écoute de ceux qui ne faiblissent pas sur l’essentiel, placez-vous à la hauteur du chaos que traverse le monde !
Ce qui est en jeu, c’est la parole de la France, la force de nos valeurs. Monsieur le Premier ministre, ces valeurs doivent rester l’expression vivante de notre héritage, celui des Lumières. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Philippe Grosvalet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Olivier Cadic. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, dimanche 22 juin, un assaillant entre dans l’église Saint-Élie à Damas avec des armes et des explosifs. Grégoire, Bachar et Pierre se précipitent sur lui et le plaquent au sol, choisissant de mourir pour sauver près de 250 personnes à l’intérieur de l’édifice.
Le groupe Union Centriste présente ses condoléances à sa béatitude le patriarche Jean X d’Antioche et aux familles des vingt-deux martyrs victimes de cet acte odieux qui visait directement la communauté chrétienne en Syrie.
Lors de notre rencontre, il y a deux mois au nord du Liban, le patriarche Jean d’Antioche m’avait averti des menaces qui pesaient en Syrie sur les chrétiens d’Orient. Mon premier message consiste à relayer à la communauté internationale son appel à ne pas détourner le regard et à œuvrer pour assurer la protection de toutes les communautés religieuses du Moyen-Orient.
Je veux également avoir une pensée pour Cécile Kohler et Jacques Paris, qui, depuis plus de trois ans, endurent le martyre et dont les familles sont rongées par l’angoisse. Je vous remercie, monsieur le Premier ministre, de nous avoir rassurés sur leur sort. Comme l’a déjà fait il y a quelques jours notre collègue Olivia Richard, présidente du groupe d’amitié France-Iran, notre groupe appelle à la libération immédiate de nos compatriotes.
Nous n’oublions pas non plus les cinquante otages retenus par le Hamas dans des souterrains à Gaza depuis le 7 octobre 2023. Nous remercions le Gouvernement et l’ensemble des services du Quai d’Orsay, dont l’efficacité a permis, au cœur de la crise, de favoriser le rapatriement de Français vivant en Iran et en Israël.
À la fin de 2020, à la suite de l’attentat du 11 novembre de Djeddah au cimetière non musulman, j’avais demandé à notre collègue Jean-Baptiste Lemoyne, alors ministre, que le processus de communication de crise soit formalisé et que nos élus fassent l’objet d’une information spécifique. Encore aujourd’hui, le groupe Les Indépendants de l’Assemblée des Français de l’étranger, présidé par Nadia Chaaya, demande régulièrement l’intégration des élus dans les systèmes de gestion de crise.
Au regard des événements récents en Iran et en Israël, il nous apparaît essentiel que les élus des Français de l’étranger puissent jouer leur rôle d’interface avec la communauté française et disposent d’une information officielle.
Depuis la création de la République islamique d’Iran, le régime des mollahs appelle à la destruction de l’État israélien et menace ouvertement les monarchies du Golfe, qui, aujourd’hui encore, pour certaines d’entre elles, dénoncent des ingérences de Téhéran.
Comme vous l’avez dit, monsieur le Premier ministre, la France a été parmi les premiers pays à reconnaître l’État d’Israël, et a toujours manifesté sa solidarité lorsque l’État hébreu a été attaqué.
Les massacres de masse opérés par le Hamas le 7 octobre ont été monstrueux. Ils ont entraîné une réponse justifiée d’Israël pour neutraliser cette organisation terroriste. Nous tenons à rappeler avec force que quarante-deux Français ont été tués dans cette attaque, ce qui fait de la France le premier pays en ce qui concerne le nombre de victimes étrangères.
Toutefois, comme nous l’avions dit, rien ne serait pire que de confondre le Hamas avec la cause palestinienne et sa légitime revendication à disposer d’un État autonome. (M. Rachid Temal s’exclame.) La population palestinienne se retrouve l’otage de cette organisation terroriste soutenue par l’Iran.
Le Hamas n’est pas le seul proxy de l’Iran : à la suite de l’attaque du 7 octobre, le Hezbollah, depuis le Liban, et les Houthis, depuis le Yémen, s’en sont également pris à l’État hébreu.
Comme lors de l’élimination des membres du Hezbollah au Liban avec les bipeurs trafiqués, Israël a choisi l’effet de surprise pour bombarder les infrastructures nucléaires iraniennes.
Dans la nuit du 21 au 22 juin, le président Trump a mis en œuvre l’opération Midnight Hammer pour neutraliser ces infrastructures, qui s’avèrent constituer l’un des plus grands dangers pour la sécurité d’Israël et du Moyen-Orient. Déjà, quelques semaines plus tôt, les Américains avaient frappé à plusieurs reprises les Houthis au Yémen. À l’issue de ces frappes, le régime iranien apparaît affaibli et isolé.
Reste aujourd’hui la question du désarmement du Hezbollah, qui peine à se concrétiser. Cela justifie l’impatience de tous ceux qui souhaitent le retour de la pleine souveraineté de l’État libanais sur l’ensemble de son territoire et au scellement des frontières du pays, aussi bien avec Israël qu’avec la Syrie.
L’avenir du Liban constitue toujours un sujet de préoccupation. Le nouveau gouvernement libanais nourrit beaucoup d’espoirs, sous réserve qu’il parvienne à désarmer le Hezbollah et à se débarrasser de la tutelle iranienne sur ce mouvement.
Le Hezbollah, tout comme les gardiens de la révolution, bénéficie des ressources financières tirées du Captagon, drogue dont le trafic représentait près de 90 % du PIB de la Syrie à la chute du président Assad. Lundi dernier encore, les douanes libanaises ont annoncé une saisie de 866 kilogrammes de ce produit à la suite d’une opération coordonnée avec les autorités saoudiennes.
L’envoyé spécial américain pour la Syrie, Thomas Barrack, aurait fixé le 7 juillet comme ultimatum aux autorités libanaises pour prendre une position claire sur la question du monopole des armes. L’État, à travers l’armée libanaise, doit être l’unique détenteur de la force armée.
En cas de tergiversations, le Liban pourrait être laissé seul face à l’escalade. Monsieur le Premier ministre, Israël ne pourrait-il pas alors reprendre les hostilités contre le Hezbollah, et la communauté internationale durcir les sanctions ?
L’explosion du port de Beyrouth a été la plus grande explosion non nucléaire de l’Histoire. Plus de 200 décès ont été déplorés, parmi lesquels figurent trois Français. On compte également des milliers de blessés et des centaines de milliers de personnes déplacées.
En retrouvant les familles des victimes de cette explosion à Beyrouth le 27 avril dernier, je leur ai remis votre lettre, monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, témoignage de votre indéfectible soutien à leur démarche pour obtenir justice. Votre geste les a profondément réconfortées. Le juge d’instruction Tarek Bitar a repris l’enquête. Le ministre de la justice libanais, Adel Nassar, a entrepris plusieurs réformes pour restaurer la confiance dans le système judiciaire du pays.
Il y a urgence au sujet du port de Beyrouth. Une manœuvre est en cours pour détruire les silos, qui constituent le seul vestige tangible de la catastrophe du 4 août. Ces silos sont un symbole de mémoire collective pour les victimes et tout le peuple libanais. Les faire disparaître serait une insulte à leur souffrance. Ils en appellent à notre soutien pour intercéder auprès de leur gouvernement afin d’empêcher cette décision.
Tout aussi innocentes que les victimes du port de Beyrouth, les plus de 50 000 vies perdues à Gaza, parmi lesquelles on compte 17 000 enfants tués, constituent une véritable honte pour l’humanité.
Le blocage de l’aide humanitaire a transformé Gaza en « lieu de mort », avez-vous dit, monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Nous partageons votre colère devant les centaines de personnes tuées sur les sites de distribution de nourriture.
Aujourd’hui encore, la France a condamné une frappe israélienne qui a causé la mort de deux employés d’une ONG le 26 juin dernier. La protection des civils et des travailleurs humanitaires doit être garantie en toutes circonstances, conformément au droit international humanitaire.
Nous soutenons l’appel du Gouvernement à un cessez-le-feu immédiat à Gaza, à la libération des otages, à l’acheminement sans entrave de l’aide humanitaire et à une solution politique fondée sur deux États, accompagnée de garanties sécuritaires tant pour Israël que pour la Palestine.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, en votre présence, lors du déplacement dans le Golfe que j’ai effectué en avril dernier en compagnie du groupe parlementaire d’amitié France-Pays du Golfe, j’ai eu l’occasion de rencontrer le Premier ministre et le ministre des affaires étrangères du Qatar, ainsi que de nombreux ministres des affaires étrangères du Golfe, dont votre homologue du Koweït.
Tous fondaient leur espoir sur le plan qui devait être présenté à l’ONU le 18 juin dernier par le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, et le Président de la République. Un tel plan apparaissait à tous comme la seule solution sérieuse susceptible de ramener la paix au Moyen-Orient, mais la conférence a été reportée à la suite des frappes d’Israël sur l’Iran. Monsieur le Premier ministre, quand estimez-vous qu’elle pourra se tenir désormais ?
Lors du sommet de sécurité Shangri-La de Singapour le 30 mai dernier, le Président de la République a mis en garde contre les répercussions potentielles de l’agression russe en Ukraine sur la situation à Taïwan. Je le cite : « Si nous considérons que la Russie peut s’emparer d’une partie du territoire ukrainien sans restriction, sans contrainte, sans réaction de l’ordre mondial, que dira-t-on au sujet de ce qui pourrait se passer à Taïwan ? » Le Président de la République a en effet de bonnes raisons de s’inquiéter de la perspective d’une nouvelle escalade.
Le ministre australien de la défense a affirmé de son côté que la Chine est le pays qui opère la plus grande augmentation de capacité militaire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Son homologue des Philippines a qualifié la Chine d’absolument irresponsable et téméraire dans ses actions en mer de Chine méridionale. Le secrétaire américain à la défense a déclaré que le président Xi Jinping aurait fixé à 2027 la date limite à laquelle l’armée chinoise doit être capable d’envahir Taïwan.
Il est urgent de faire émerger une action internationale susceptible de dissuader le parti communiste chinois de rompre le statu quo, sans quoi, dans deux ans, nous pourrions retrouver Taïwan plongée dans une situation analogue à celle que nous observons en Ukraine et au Moyen-Orient.
Vous l’avez dit, monsieur le Premier ministre, tout est lié. Faisons en sorte d’arrêter les conflits avant même qu’ils ne débutent. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Frédérique Puissat et M. Vincent Louault applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Isabelle Florennes applaudit également.)
M. Claude Malhuret. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, « on ne ment jamais autant qu’avant les élections, pendant la guerre et après la chasse », disait Clemenceau.
C’est ainsi que tournent en boucle sur les chaînes d’info les dessins animés où la bombe américaine en Iran perce comme du beurre quatre-vingts mètres de granit avant d’exploser. Même les services de renseignement américains n’arrivent pas à faire semblant d’y croire, malgré les ordres de leur président.
C’est ainsi que les mollahs de Téhéran rabâchent dans leurs communiqués : « même pas mal », comme s’ils avaient gagné la « guerre des douze jours ».
C’est ainsi que Netanyahou tord les déclarations de l’AIEA, pour expliquer que l’Iran était à quinze jours de déclencher l’apocalypse nucléaire.
Personne ne se plaindra de la correction infligée à l’effroyable régime des ayatollahs, mais qui peut croire que le problème est réglé ? La guerre au Proche-Orient dure depuis quatre-vingts ans, avec des trêves et des flambées. Elle continuera tant qu’on n’arrivera pas à imposer la solution qui garantisse à la fois les droits des Israéliens et ceux des Palestiniens.
Je ne vais donc pas ajouter un commentaire au concours de prophéties à court terme pour savoir si le cessez-le-feu est durable ou non, si le détroit d’Ormuz va s’enflammer, ou si les accords d’Abraham ont un avenir.
Je voudrais en revanche évoquer un sujet brûlant pour nous, que ce conflit met en évidence de façon angoissante : où est passée l’Europe ? La guerre d’Ukraine, l’élection de Trump et l’embrasement du Proche-Orient ont révélé ce que personne n’a envie de voir : l’Europe est en train de s’effacer, comme un château de sable se dissout peu à peu au bord du rivage.
Trump la méprise, Vance la déteste, la Chine n’y voit qu’un marché pour ses voitures électriques, la Russie un continent décadent tremblant devant la guerre, et le reste du monde parie sur son déclin.
Quatre ou cinq fois par an, vingt-sept chefs d’État débarquent de leur Mercedes noire, s’engouffrent dans le grand hôtel prestigieux d’une capitale historique, délivrent des discours prédigérés autour de grandes tables rondes ornées de fleurs, accouchent difficilement d’un plus petit dénominateur commun, puis, heureux d’avoir frôlé le désaccord, mais évité le pire, se congratulent de grandes tapes dans le dos avant de gagner le podium de la photo de groupe, avant que chacun ne reprenne son avion.
En cas de crise, le scénario se détraque. Les contraintes de la frénésie médiatique ne peuvent attendre la convocation d’une réunion. C’est alors la course au premier qui trouve une idée.
Depuis le 7 octobre 2023 la France a successivement lancé la proposition baroque d’une coalition générale contre le Hamas, assuré Israël de son soutien inconditionnel puis condamné la dévastation de Gaza, convoqué avec l’Arabie Saoudite une conférence sur les deux États tuée dans l’œuf par les frappes en Iran, avant de proposer désormais plus modestement une aide humanitaire aux Palestiniens, et hier même, d’appeler le boucher de Moscou au téléphone pour lui demander d’aider à trouver une solution sur le nucléaire iranien. Aucune de ces initiatives n’a connu le commencement du début d’un effet.
En Ukraine, le réveil européen après l’invasion s’essouffle. L’Allemagne, après trois ans d’un chancelier qui s’est comporté comme une limande apeurée, a vu son successeur montrer les muscles en annonçant que dès son arrivée les Taurus seraient livrés, avant d’expliquer, une fois au pouvoir, qu’ils ne le seraient pas. La France a proclamé l’économie de guerre en 2022, de manière fort imprudente, car nous en sommes aujourd’hui très loin, trois ans plus tard.
Impuissants, les dirigeants européens sont devenus les commentateurs des événements, campés devant les caméras comme une mouche qui se pose sur l’essieu de la charrette et qui s’étonne de la poussière qu’elle soulève.
« Plus jamais la guerre entre nous ! » : tel était le projet européen. Mais depuis le XXIe siècle, la réalité c’est la guerre avec les autres, les dictatures. Nous avons transmis le fardeau aux Américains, et l’Europe est devenue le continent du pacifisme, oubliant ce que rappelait Mitterrand il y a quarante ans : les pacifistes sont à l’Ouest, les missiles à l’Est.
La chute du mur de Berlin a nourri la fable des dividendes de la paix. Aujourd’hui, l’Europe, c’est le pacifisme plus le désarmement. Dans un monde en guerre où les dictateurs ont juré de prendre la revanche de leur défaite du XXe siècle, c’est un contresens absolu.
La première conséquence de l’impuissance est l’humiliation.
L’humiliation en Iran, où Cécile Kohler et Jacques Paris – à mon tour, j’exprime à leur égard ma solidarité – sont retenus dans des conditions inhumaines. Nous n’arrivons pas à faire cesser leur détention malgré tous nos efforts.
L’humiliation lors du prêche de Vance à Munich, ou encore lorsque Trump a dit aux Européens qu’au Proche-Orient on n’avait pas besoin d’eux ; il a le droit de le croire, mais il pourrait bien regretter un jour son mépris et comprendre, lorsqu’il en aura besoin, en mer de Chine ou ailleurs, tout le sens de la phrase prononcée par Churchill en 1943 : « Il n’y a rien de pire que de combattre avec des alliés, si ce n’est de combattre sans eux. » Mais chacun sait que l’on ne peut demander à Trump et ses tweets de se projeter à cette échéance.
Ses menaces ont conduit les Européens à se prosterner devant lui à La Haye. J’ai rarement été aussi gêné qu’en voyant tant de chefs d’État rivaliser de courbettes.