Dépassons cette analogie historique et ces rapprochements tactiques pour revenir au but premier de cette proposition : redonner toute sa force au vote.

La réforme qui nous est soumise vise en effet à conférer au vote d'un électeur de droite dans un arrondissement de gauche, ou d'un électeur de gauche dans un arrondissement de droite, un effet sur l'élection du maire, ce qui n'est pas le cas dans le système actuel.

Les électeurs lyonnais, marseillais ou parisiens ne seront dès lors plus des citoyens de second rang et leur vote aura la même force que celui des électeurs des 34 875 autres communes françaises. La démocratie locale doit reposer sur la transparence et la confiance mutuelle, non sur des jeux d'appareils. C'est une évidence qu'il faut parfois rappeler.

De surcroît, nos travaux se doivent de conserver leur caractère pondéré, qui fait notre force et rassure nos concitoyens en ces temps difficiles. Cette modération, j'aurais souhaité la trouver tout au long de l'examen de ce texte ; je ne l'ai malheureusement que peu rencontrée.

Ainsi, « L'essentiel », qui offre sur notre site internet une synthèse du rapport de notre collègue Lauriane Josende, que je salue, ne résume pas une situation, mais dresse un constat à charge. Ce document devrait être considéré comme un cas d'école de ce qu'il ne faut pas faire (M. Francis Szpiner s'exclame.), car il s'apparente davantage à un tract politique qu'à un rapport parlementaire.

Permettez-moi de répondre rapidement aux principales critiques formulées contre ce texte.

Il lui est reproché d'être mal préparé ou d'être élaboré dans la précipitation. Notre collègue député Jean-Paul Mattei, rapporteur à l'Assemblée nationale, auquel j'adresse mes salutations, a répondu à ce reproche en proposant, lors de la réunion de la commission mixte paritaire, des évolutions qu'il a qualifiées de substantielles,…

Mme Isabelle Florennes. … et qui étaient destinées notamment à répondre aux préoccupations légitimes exprimées par certains sénateurs lors des discussions en séance publique.

Il a proposé que les maires d'arrondissement siègent de droit au conseil central de Paris, de Lyon ou de Marseille pour y assurer une représentation directe. Il a obtenu que le Gouvernement s'engage à mener une mission flash sur le renforcement des compétences des maires d'arrondissement.

M. Guy Benarroche. Voilà qui nous rassure !

Mme Isabelle Florennes. Enfin, il a obtenu un autre engagement du Gouvernement concernant un projet de loi sur le mode de scrutin des élections sénatoriales, qui tiendra compte des réformes dans ces villes. (Protestations sur les travées du groupe SER.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cela n'a jamais été proposé !

Mme Isabelle Florennes. Enfin, concernant Lyon, il reste ouvert à la discussion sur le maintien simultané des scrutins municipaux et métropolitains.

Mme Isabelle Florennes. Ces réelles avancées ont été accueillies par une fin de non-recevoir polie, mais ferme.

S'agissant du caractère prétendument tardif de cette loi, si nous adoptons ce texte ce soir, il aura force de loi avant que ne commence la période dite de vigilance juridique et de neutralité de six mois précédant les élections municipales de mars 2026.

Mme Isabelle Florennes. C'est aussi la période durant laquelle les dépenses électorales commencent à être comptabilisées.

Ce reproche lié au caractère tardif n'a pas été soulevé lors de l'adoption de la loi du 21 mai 2025 visant à harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales, afin de garantir la vitalité démocratique, la cohésion municipale et la parité.

M. Francis Szpiner. Cela n'a rien à voir !

Mme Isabelle Florennes. Or cette réforme emportera des conséquences bien plus importantes que celle qui nous occupe, puisqu'elle concernera plus de 25 000 communes de moins de 1 000 habitants.

Cette remarque n'a pas été formulée, car cette réforme était jugée nécessaire pour redonner du sens au vote et de la légitimité à l'action municipale, soit exactement les principes qui guident le présent texte.

Enfin, mes chers collègues, en ce qui concerne la prétendue non-conformité à la Constitution des dispositions du texte, je vous engage à relire la décision du Conseil constitutionnel du 28 décembre 1982 relative à la loi originelle. À cette occasion, vous constaterez que les Sages ont livré une interprétation bien précise de la libre administration des communes et que le Conseil a rejeté l'ensemble des griefs qui lui avaient été soumis.

Après l'échec de la commission mixte paritaire et à la veille de cette nouvelle lecture au Sénat, notre groupe conservait l'espoir d'un compromis pragmatique et raisonnable, permettant à nos deux assemblées d'aboutir à un texte commun. Comme je l'indiquais précédemment, Jean-Paul Mattei avait tenté de tracer un chemin, en proposant plusieurs modifications importantes.

Mme Lauriane Josende, rapporteure. Non !

Mme Isabelle Florennes. Malheureusement, nous regrettons de constater que le Sénat s'enferme dans les mêmes caricatures qu'en première lecture.

Malgré tout, notre groupe continuera de soutenir très majoritairement ce texte, convaincu que celui-ci constitue une avancée démocratique importante pour Paris, Lyon et Marseille. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Christian Bilhac applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Ian Brossat.

M. Ian Brossat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà réunis une fois encore pour débattre du mode de scrutin de Paris, de Lyon et de Marseille. Est-ce bien sérieux ? Nous rendons-nous compte collectivement du caractère totalement déconnecté de nos débats ?

Sincèrement, lorsque l'on observe l'état de notre pays, les sujets ne manquent pas ! On apprenait cette semaine que la France compte 600 000 pauvres supplémentaires depuis un an, que le nombre de pauvres en France enregistre un record inégalé depuis 1996 et que les inégalités sociales dans notre pays n'ont jamais été aussi élevées depuis les années 1970. Ces statistiques livrées par l'Insee recouvrent évidemment des réalités humaines.

Or de quoi débattons-nous dans cette enceinte ? Du mode de scrutin de Paris, de Lyon et de Marseille ! Soit de moins d'un Français sur dix. Voilà ce qui nous occupe !

Dans quelques mois, monsieur le ministre, vous ne serez plus ministre et François Bayrou ne sera plus Premier ministre, parce que vous aurez été censurés. Que restera-t-il de votre passage au Gouvernement ? Le tripatouillage du mode de scrutin de Paris, de Lyon et de Marseille.

Voilà ce que laisseront les mois que vous aurez passés à occuper le pouvoir. Tout de même, c'est assez pathétique et cela éclaire d'un jour peu glorieux les priorités de ce gouvernement. Je le répète, tant d'autres sujets mériteraient notre attention, mais nous consacrons des heures et des heures à tripatouiller le mode de scrutin de trois villes.

Les arguments ayant été ressassés dans tous les sens, la vraie question est donc la suivante : pourquoi cet acharnement à vouloir imposer cette réforme ? Au demeurant, tous les arguments dont vous vous prévalez sont tombés les uns après les autres, ainsi que Mme la rapporteure l'a fort bien expliqué.

La réalité, c'est que vous êtes convaincus que, pour faire élire Mme Dati à la mairie de Paris, il faut changer le mode de scrutin, car, avec le mode de scrutin actuel, elle est condamnée à être battue. La réalité, c'est que vous êtes convaincus que tous les échecs enregistrés par la droite en 2001, en 2008, en 2014 et en 2020 sont dus au mode de scrutin actuel.

Pourtant, je vous le dis très clairement : la droite et le centre n'ont pas perdu à Paris lors de ces échéances en raison du mode de scrutin, mais tout simplement parce que le projet que vous avez défendu et, sans doute, les candidats que vous avez présentés ne correspondaient pas aux attentes des Parisiens.

Le sujet n'est donc pas le mode de scrutin. Vous pourrez tripatouiller celui-ci dans tous les sens. La réalité, c'est que, chaque fois que vous défendrez des projets qui sont complètement à côté de la plaque au regard des attentes des habitants de nos villes, vous serez inéluctablement battus.

C'est la raison pour laquelle notre groupe, comme il l'a fait précédemment, votera contre cette réforme. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guy Benarroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà encore une proposition de loi sans avis du Conseil d'État, examinée en quatrième vitesse pour satisfaire un deal de gouvernement !

Ce serait presque drôle, monsieur le ministre, dans une sorte de comique de répétition, si le sujet et les enjeux n'étaient pas si importants. Il s'agit d'un énième deal, mais celui-ci est particulièrement vicieux : c'est un accord électoral. Cette PPL n'a pas été conçue pour améliorer le fonctionnement des institutions locales, mais pour servir des intérêts particuliers.

L'auteur du texte affirme qu'il ne s'agit pas d'un tripatouillage électoral…

Ne pas demander l'avis du Conseil d'État sur un texte aussi important, n'est-ce pas du tripatouillage ?

Tenter de masquer ce refus en faisant réaliser des projections par un ministère de l'intérieur complice, révélant un projet guidé par des intérêts particuliers et non par l'intérêt général, n'est-ce pas du tripatouillage ?

Ne pas lier la question du scrutin à celles des compétences et du statut des mairies d'arrondissement, n'est-ce pas du tripatouillage ?

Vanter un retour au droit commun tout en maintenant ces trois villes dans un statut dérogatoire, en modifiant la prime majoritaire pour s'assurer les voix du Rassemblement national, n'est-ce pas du tripatouillage ?

Créer de facto deux types de primes majoritaires au sein d'une même ville, l'une pour la mairie centrale, l'autre pour les mairies d'arrondissement, n'est-ce pas du tripatouillage ? (M. Francis Szpiner applaudit.)

Annoncer se concentrer uniquement sur le scrutin des mairies et tenter, dans le même temps, de modifier les modalités de désignation des conseillers métropolitains, n'est-ce pas du tripatouillage ?

Ne pas être en mesure de garantir une position cohérente sur la faisabilité, pas même financière, d'un triple scrutin à Lyon, au point que le rapporteur de l'Assemblée nationale a d'abord voulu extraire cette ville de la réforme, n'est-ce pas du tripatouillage ?

Envisager de procéder à cette réforme sans consultation ni prise en compte des élus locaux, n'est-ce pas du tripatouillage ?

Le député auteur de la proposition de loi, premier signataire du texte et candidat malheureux, qui n'a pas été capable de se faire élire conseiller de Paris la dernière fois (Mme Marie-Claire Carrère-Gée et M. Francis Szpiner applaudissent.), dit saluer la volonté du Gouvernement, qui a permis que ce texte poursuive son parcours dans le cadre de la navette parlementaire, conformément à notre Constitution.

Pour autant, ce que la Constitution permet, elle n'y oblige pas. Monsieur Mignola, saluez-vous, comme M. Maillard, le non-respect de la parole donnée par le Premier ministre au président du premier groupe de notre assemblée, ici présent ?

Vous venez maintenant nous raconter une histoire : « Croyez-moi, le Gouvernement s'engage sur des missions flash à propos des compétences. Cela viendra ! » Voilà qui nous rassure, monsieur le ministre ! (Sourires sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

Selon vous, quelle confiance peut-on accorder à de telles paroles après toutes ces manœuvres et alors que ce texte a connu une accélération foudroyante de son examen, pour être adopté dès demain matin à l'Assemblée nationale ?

L'élection directe des conseillers municipaux et du maire sur une même liste à l'échelle de la commune, nous y sommes tous favorables, évidemment. N'en déplaise à certains, les écologistes sont pour le changement de mode de scrutin. À Paris, à Lyon, à Marseille, nous aurions voulu soutenir une réforme attendue et demandée. Mais une vraie réforme, pas ce tripatouillage.

Les écologistes sont favorables à l'élection des maires de ces trois villes sur une liste claire, menée par le candidat au poste de maire, avec un corps électoral constitué de tous les électeurs de la ville. Ils auraient été satisfaits par un texte concerté, assorti d'un avis du Conseil d'État, préparé de longue date avec les élus locaux pour être étudié et discuté de manière apaisée, plus d'un an avant une échéance municipale.

En rapprochant, à juste titre, l'électeur du scrutin, mais sans renforcer les mairies de secteur ni clarifier leur rôle, les auteurs de ce texte ont tout faux. Les mairies de secteur doivent se voir reconnaître leur juste place, une véritable identité juridique, un statut, de véritables compétences de terrain et une refonte de leurs ressources.

Tout ce texte et sa préparation auront été seulement trompeurs. Il y a dans cette réforme une urgence fabriquée, une précipitation qui ne dit pas son nom, derrière laquelle se cache une tentation : celle d'ajuster les règles aux équilibres du moment, de redessiner la carte électorale non pas au nom de l'intérêt général, mais au gré des rapports de force politiques pour pouvoir gagner, notamment à Paris, avec Mme Rachida Dati. Nous ne sommes pas dupes.

Pour ces trois villes, la seule question du mode de scrutin ne peut suffire. Les discussions sur ce point doivent être concomitantes avec celles qui concernent les compétences. Nous l'avons toujours répété : c'est une question de cohérence.

Notre commission a de nouveau rejeté ce texte, car il ne permet pas une discussion globale, nécessaire et sereine de la réforme territoriale tant attendue, celle qui reverrait les niveaux de compétences, les statuts et les scrutins dans le cadre d'une seule et même discussion, cohérente et non précipitée.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Guy Benarroche. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires (GEST) présentera quelques amendements pour tenter d'améliorer le texte, mais il votera bien entendu contre celui. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, quelle curieuse soirée !

Nous savons que le débat qui se tient ce soir ne servira à rien ; nous savons que le ministre, présent au banc du Gouvernement, attendra les deux ou trois heures que durera cette discussion et repartira avec le sentiment du devoir accompli, de manière à permettre à l'Assemblée nationale d'achever son œuvre demain. Ce ministre a été « commis d'office », selon l'assez juste expression de notre collègue Francis Szpiner.

Ce texte aura connu un parcours parlementaire aussi atypique que problématique. Il n'entrait normalement pas dans vos attributions de le porter, monsieur le ministre, mais aucun autre membre du Gouvernement ne souhaitait le défendre. Vous vous êtes donc dévoué et vous l'avez soutenu.

Au fond, je regrette que ne soit pas présente à vos côtés la membre du Gouvernement pour qui ce texte est conçu. Disons les choses telles qu'elles sont, puisque nous sommes entre nous ce soir : vous ne faites tout cela que pour permettre, peut-être, à Mme Dati de réussir enfin à se faire élire maire de Paris – nous ferons en sorte, à gauche, que cela ne soit pas le cas.

Comme je n'ai pas l'ironie, voire l'insolence, de Ian Brossat, je ne sais pas combien de temps vous resterez ministre. Je m'interroge simplement : pourrez-vous un jour considérer comme digne ce que vous avez fait ce soir ?

En effet, vous avez décidé de soutenir une candidate qui, à l'heure où nous parlons, est poursuivie pour corruption et trafic d'influence et qui semble pourtant être la piste que vous avez privilégiée pour, peut-être, ravir enfin la ville de Paris à la gauche. Je vous assure, il est arrivé que la droite dirige Paris, et pendant longtemps, même avec le mode de scrutin actuel !

Il est assez curieux de vouloir mettre à bas quarante ans de décentralisation et de faire en sorte que les deux millions d'habitants de la ville de Paris ne soient plus traités au plus proche de leurs préoccupations, par l'intermédiaire des mairies d'arrondissement.

Vous le savez, les maires d'arrondissement à Paris, de gauche comme de droite, à l'exception de Mme Dati, bien sûr, ne sont pas favorables à votre réforme. Avec le dispositif que vous mettez en avant, vous les transformez en présidents de conseils de quartier, sans aucun pouvoir, sans aucune administration, sans aucune délégation.

Ce texte restera l'archétype du mauvais travail parlementaire et législatif. Nous en avons eu vingt-cinq versions ! Un jour, la prime majoritaire était fixée à 50 %, le lendemain, à 25 %. Un jour, les maires d'arrondissement devaient être membres du Conseil de Paris, le lendemain, ils ne l'étaient plus. Un jour, vous déclariez, monsieur le ministre – je crois encore à la parole ministérielle –, qu'il fallait exclure Lyon du dispositif. Finalement, ce n'est pas le cas. Pourquoi ? Non pas parce que cela aurait été refusé au Sénat : vous ne l'avez tout simplement jamais proposé.

Vous avez ensuite affirmé que, en commission mixte paritaire, le Sénat n'avait pas voulu travailler sérieusement. J'y étais : personne n'a souhaité intervenir, pas même les représentants du groupe RDPI ou du groupe UC qui étaient présents. Personne n'a soutenu le moindre amendement ; personne n'a voulu avancer. Vous réécrivez donc l'histoire.

Vous avez accepté une proposition de loi bricolée par des collègues parlementaires qui, soyons clairs, n'ont jamais réussi à être élus conseillers de Paris et qui ont su vous convaincre, pour des raisons qui m'échappent, mais que nous comprendrons peut-être un jour. Et ce texte, cahin-caha, a progressé jusqu'aux dispositions que nous examinons ce soir.

Nous avons travaillé très sérieusement ces propositions : ces trois villes n'ont plus rien à voir avec ce qu'elles étaient en 1982 ; elles n'ont plus les mêmes compétences, plus les mêmes périmètres, plus les mêmes budgets, mais vous prétendez aujourd'hui qu'il faut revenir au droit commun.

Parlons-en, du droit commun ! Hier encore, à l'Assemblée nationale, vous avez inventé une nouvelle prime majoritaire pour les conseillers communautaires : alors que celle-ci est de 50 % dans toute la France, pour ces villes, elle sera de 25 %. Et vous avez fait de même pour les élections au conseil municipal, qui n'est pas un « conseil central », comme l'a dit Isabelle Florennes dans ce qui était sans doute un lapsus. Vous vous éloignez donc du droit commun.

En réalité, vous racontez des histoires : la seule chose qui compte pour vous, c'est que, au bout du compte, tout cela aboutisse à un texte permettant à Mme Dati d'être auréolée de prestige, de concevoir une liste où elle pourra placer ses amis – sans doute pas ceux qui sont présents ici ce soir, qu'ils me pardonnent ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) –, et, peut-être, de gagner.

Ensuite, bonne chance ! Gérer la ville de Paris est un travail considérable. Nous sommes ici un certain nombre à être ou à avoir été conseillers de Paris. Il faut siéger au Conseil de Paris. Il faut siéger dans les conseils d'arrondissement. Nous avons parmi nous un maire d'arrondissement, un ancien maire d'arrondissement, des adjoints anciens ou actuels qui peuvent en témoigner. Tout cela nous semble préoccupant.

Je ne sais quel vœu vous poursuivez ; je ne sais, alors que la pauvreté explose, que la guerre est à nos portes, que Marseille a failli brûler hier, ce qui vous a amenés à vous précipiter ainsi… Ah oui, j'oubliais : demain, mes chers collègues, nous examinons le texte sur l'audiovisuel public, car cette session extraordinaire est conçue pour Mme Dati ! (Sourires.)

Ces trois villes ne sont donc pas dans la même situation, nous l'avons dit en première lecture, et nous défendrons des amendements pour tenter de vous amener à une meilleure compréhension des choses.

Ma collègue Marie-Arlette Carlotti reviendra tout à l'heure sur les raisons qui font que la situation à Marseille est différente.

Je note, ainsi que je vous le disais tout à l'heure de manière ironique, qu'un ministre chargé des relations avec le Parlement a déposé à l'Assemblée nationale un amendement qui s'est révélé irrecevable ! Cela témoigne tout de même d'un manque de travail, de sérieux et de rigueur. Vous l'avez compris, nous sommes d'une sévérité totale à l'égard de votre travail et de la négation de vos engagements, des promesses du Premier ministre comme de vos propres déclarations dans la presse.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain combat ce texte. Nous présenterons des amendements et nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc.

M. Étienne Blanc. Monsieur le ministre, vous aviez une très belle occasion de revenir sur cette sorte d'anomalie que nous avons connue en 1982, avec le vote d'une loi spécifique pour Paris, Lyon et Marseille.

D'ailleurs, j'admire les discours de Mme de La Gontrie, mais celle-ci oublie d'indiquer que ce texte avait été conçu à l'époque, sous l'autorité de M. Mitterrand, pour protéger M. Defferre.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Il est mort, maintenant !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il s'agissait alors de découpage, et non de mode de scrutin !

M. Étienne Blanc. Aussi, les leçons que l'on nous donne aujourd'hui ne me semblent guère bienvenues.

Le principe qui sous-tendait cette réforme, à savoir rapprocher ce mode de scrutin du droit commun, n'était pas sot, mais comment vous y êtes-vous pris, alors même que notre Constitution prévoit que les textes concernant les collectivités territoriales doivent être examinés en premier lieu au Sénat ? C'est bien normal, d'ailleurs : le Sénat est la chambre des collectivités territoriales. Il a une habitude de travail et peut, sur ces sujets complexes, pratiques et concrets, apporter l'expérience d'élus locaux.

Or vous avez ignoré cette expérience, vous vous êtes affranchi de cette règle et vous avez préparé un texte qui a été présenté à l'Assemblée nationale. Très clairement, celui-ci n'est ni fait ni à faire. Je ne m'attarderai pas sur le cas de Lyon, avec ses trois scrutins et les problèmes afférents aux comptes de campagne.

Je souhaite n'aborder qu'un seul sujet : la compétence des maires d'arrondissement. À Lyon, nous avons une métropole, issue de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam), dont les représentants sont élus au suffrage direct. Elle détient des compétences extrêmement importantes, et sa légitimité, tirée de ce mode d'élection, lui permet de s'imposer aux communes.

Que deviendront, dans votre système, les arrondissements de Lyon, alors que la ville détient déjà si peu de compétences, ou des compétences qu'elle exerce sous l'autorité de la métropole ? C'était cela, le sujet qu'il fallait examiner !

Certes, la proximité qu'incarnent les maires d'arrondissement est une bonne chose, mais encore eût-il fallu en débattre, encore eût-il fallu inscrire dans un texte les compétences qui seraient exercées et les conditions de leur exercice ! Or de tout cela, nous n'avons rien vu.

Vous nous dites qu'il y aura un texte subséquent et que celui-ci nous apportera des réponses. Monsieur le ministre, après avoir affirmé que jamais vous ne feriez adopter cette proposition de loi contre l'avis du Sénat, croyez-vous que l'on puisse vous faire confiance et voter ce texte sans connaître les compétences qui seraient exercées par ces arrondissements sous le signe de la proximité ?

Chez moi, dans le Bugey, une région que vous connaissez bien, on dit : « On n'achète pas dans un sac. » Eh bien, vous ne nous vendrez pas un texte dont nous ne connaissons pas les conséquences. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Le Rudulier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien des choses ont déjà été dites, de nombreux arguments ont été avancés de part et d'autre de l'hémicycle. Quelles que soient les convictions politiques des uns et des autres, cela devrait tout de même interpeller le Gouvernement…

Permettez-moi néanmoins de prendre quelques instants pour évoquer les risques d'inconstitutionnalité de ce texte.

En effet, cette proposition de loi prévoit deux scrutins qui se dérouleront simultanément au même endroit, mais qui n'auront absolument pas la même valeur. Or, pour les électeurs, cela s'apparentera à la même élection, avec la même valeur. Cela nuira donc inévitablement à la compréhension du système, avec le risque d'entraîner de la confusion et de semer davantage d'interrogations dans l'esprit de nos concitoyens.

Je me suis toujours interrogé sur l'idée initiale de l'auteur de ce texte. S'il s'agissait de créer une unité municipale, pourquoi avoir gardé un effet « bastion » pour l'arrondissement, avec une élection qui sera encore plus personnalisée ? La réponse est simple : l'auteur de la proposition de loi s'est aperçu très rapidement qu'il était impossible de supprimer l'arrondissement, étant donné qu'il constitue l'échelon de proximité par excellence.

Que penser, par ailleurs, de l'éventualité qu'un maire d'arrondissement ne puisse pas siéger au sein du conseil municipal au regard du mode de scrutin envisagé, puisqu'il y a décorrélation entre les deux élections ? Nous pourrions ainsi obtenir l'effet contraire de l'objectif de l'auteur, qui était de rapprocher les électeurs de l'élu.

Si l'on voulait essayer de résumer, on pourrait dire que l'auteur de ce nouveau mode de scrutin, peu intelligible pour Paris, Lyon et Marseille, affiche la volonté de simplifier tout en proposant la complexité. On peut dès lors légitimement se demander si cette complexité du mode de scrutin ne portera pas atteinte, in fine, à sa sincérité. Tel est, à mon sens, le premier risque d'inconstitutionnalité.

Le deuxième risque d'inconstitutionnalité, qui est à mon avis beaucoup plus criant, est cette fameuse prime majoritaire de 25 %, dérogatoire au droit commun, puisque, je le rappelle, la même prime majoritaire est de 50 % dans l'ensemble des autres communes.

Différencier la prime majoritaire du droit commun revient à apporter une dérogation à un principe démocratique qui n'est plus justifiée par un régime spécifique, puisque l'idée même de cette proposition de loi est de rapprocher le régime PLM du droit commun.

Si vous lisez bien l'exposé des motifs, il n'y a d'ailleurs aucune justification de la différenciation entre 25 % pour le conseil municipal et 50 % pour les conseils d'arrondissement, ni aucun développement sur les éventuels impératifs d'intérêt général.

Le troisième et dernier risque est, à mes yeux, bien moindre : il s'agit du statut même des arrondissements. Bien que le Conseil constitutionnel fasse rarement preuve d'activisme jurisprudentiel, il pourrait avoir la volonté de le faire et reconnaître que le conseil d'arrondissement, étant donné qu'il dispose d'une élection et d'un budget, est apparenté à une collectivité territoriale. Il pourrait dès lors frapper le texte d'inconstitutionnalité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. La discussion générale est close.

La commission n'ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi.

proposition de loi visant à réformer le mode d'élection des membres du conseil de paris et des conseils municipaux de lyon et de marseille

Article 1er

Le code électoral est ainsi modifié :