Je l’ai dit tout à l’heure, je suis une consommatrice de plateformes. Vous savez tous comment s’appelle la plateforme de l’INA, j’imagine ?

M. Cédric Vial, rapporteur. Madelen !

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le rapporteur, je ne vous faisais pas l’insulte d’imaginer que vous ne le saviez pas.

Sur Madelen, on trouve des choses passionnantes : le débat d’entre-deux tours entre Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand en 1974 – bon moment, diront mes collègues des travées d’en face –, le débat Mitterrand-Giscard de 1981 – bon moment, diront nos collègues de ce côté-ci de l’hémicycle –, le débat Mitterrand-Chirac de 1988 – encore un bon moment, mais, je vous rassure, mes chers collègues de droite, votre tour arrive (Sourires.) –, ou encore le débat de 1995 entre Jacques Chirac et Lionel Jospin : un bon moment pour vous, un moins bon pour nous ! (Nouveaux sourires.) C’est ainsi : c’est l’histoire.

L’histoire, c’est ce qui se transmet, et l’histoire se transmet par l’audiovisuel. Or cette tâche, aujourd’hui, revient à l’INA.

J’ai entendu ce qu’a dit M. le rapporteur il y a un instant sur la mission de formation. En réalité, vous voulez faire de l’INA un prestataire pour les autres médias audiovisuels,…

M. Cédric Vial, rapporteur. C’est l’une de ses missions !

Mme Laurence Rossignol. … au détriment de ce qui est son activité historique principale : le recueil et la conservation de nos documents.

M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.

Mme Colombe Brossel. Lors d’un débat trop rapide en commission, vous nous aviez répondu la même chose, monsieur le rapporteur, en invoquant l’activité de formation de l’INA, et vous aviez développé succinctement les mêmes arguments.

Ce qu’ont essayé de vous dire nos collègues qui ont présenté ces quatre amendements, c’est que l’INA exerce bien d’autres missions. Et personne n’arrive à comprendre ce qu’il va advenir de ces autres missions, qui sont le cœur et le fondement de l’Institut. En guise de réponse, Mme la ministre s’est contentée d’un avis défavorable : nous n’en savons pas davantage.

Je peux entendre ce que vous dites, monsieur le rapporteur, sur l’activité de formation. Mais la formation devient votre seul argument pour défendre l’intégration de l’INA à la réforme ; or, en tout état de cause, elle est loin d’être le cœur de métier de l’Institut. Plus personne, à l’arrivée, n’y comprend rien…

Qu’adviendra-t-il de ses missions d’archivage ? On ne le sait pas. Qu’adviendra-t-il de ses missions de transmission ? On ne le sait pas davantage et cette question n’est évoquée nulle part – je parle non pas uniquement de la formation des salariés de la future holding exécutive, mais de la transmission proprement dite, notamment en direction du jeune public.

On aimerait savoir pourquoi l’INA se retrouve embarquée dans cette aventure !

Vous nous dites que la direction de l’Institut est pour. C’est exact. Mais les salariés, eux, sont radicalement contre. Ils ont bien compris – ils développent d’ailleurs cet argument depuis de nombreux mois – qu’ils étaient considérés comme la poule aux œufs d’or et que personne ne comptait s’appuyer sur leurs compétences, celles qui relèvent de leur cœur de métier.

J’aimerais donc qu’il soit répondu à la question suivante : pourquoi l’INA, si l’on met de côté les activités de formation, qui sont fort nobles – c’est l’ancienne responsable de formation qui vous le dit –, mais qui ne sont pas le cœur de métier de l’Institut ?

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Je vous remercie beaucoup, monsieur le rapporteur, de la qualité de vos arguments, que j’entends. Vous avez raison : l’INA a aujourd’hui une compétence absolument reconnue dans le domaine de l’intelligence artificielle, où elle joue un rôle tout à fait essentiel, comme en matière de formation.

Toutefois, qu’est-ce qui empêche l’INA, en tant qu’Épic, de constituer des filiales pour travailler ensuite avec les autres structures de l’audiovisuel public ? Vous voyez où je veux en venir, monsieur le rapporteur : plus tard dans le débat, vous nous proposerez que la maison mère, ou la société de tête, puisse créer des filiales pour permettre la synergie entre les différentes composantes de la holding. Ici, c’est la même chose ! Un Épic peut parfaitement constituer une filiale. Et l’on pourrait fort bien imaginer que la filiale de l’Épic INA vende ou mette à disposition ses services en matière de formation et d’intelligence artificielle à toutes les autres composantes de l’audiovisuel public français : rien ne l’interdit.

Il me semble qu’il y a là une solution beaucoup plus souple et beaucoup plus intéressante. Je vais le dire avec un mot d’aujourd’hui : c’est une solution agile ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.

M. Yan Chantrel. L’intégration de l’INA dans une holding audiovisuelle présente plusieurs risques.

Le premier est celui d’une dilution de sa mission patrimoniale, qui a été exposée par mes collègues. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, l’INA a une mission spécifique de conservation, de numérisation, de valorisation et de transmission du patrimoine audiovisuel. Or, dans une holding qui, logiquement, sera davantage centrée sur la production et la diffusion d’actualités, sa mission de transmission de la mémoire risque d’être reléguée au second plan, voire jugée moins prioritaire. Le patrimoine pourrait devenir un outil de marketing plutôt qu’un bien commun.

Une perte d’indépendance fonctionnelle et stratégique pourrait également avoir lieu : l’intégration dans la holding pourrait conduire l’INA à s’aligner sur des stratégies plus globales, avec à la clé une perte de son agilité et de son indépendance en matière de conservation du patrimoine.

Une logique de groupe prévalant désormais, il est possible de surcroît qu’une partie des ressources budgétaires soient réorientées vers les autres entités, plus visibles, que sont France Télévisions et Radio France, au détriment d’une structure peut-être moins rentable, en tout cas moins visible. Les investissements dans la numérisation, les archives ou la formation pourraient également diminuer.

Quid, par ailleurs, d’une certaine confusion des rôles ? L’INA a un rôle de tiers de confiance dans la collecte et la conservation des contenus audiovisuels de l’ensemble des médias publics et privés. Dès lors qu’il sera intégré dans une holding regroupant les producteurs de contenus publics, son impartialité perçue pourra être remise en question, et des risques de conflits d’intérêts pourront se poser.

Je veux soulever enfin le problème juridique du statut. Comme vous le savez, l’INA est un Épic, doté, comme tel, d’un statut spécifique. L’intégration dans une société nationale comme France Médias supposerait une modification législative complexe et, potentiellement, une perte de statut. C’est pourquoi nous souhaitons retirer l’INA de la holding.

M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.

M. Claude Raynal. J’aurais tendance à voir les choses à rebours : je comprends mal l’intégration de l’INA dans la holding, et je vais vous dire pourquoi.

Si je puis m’exprimer ainsi à propos d’un établissement public, son « marché » est bien plus large que le seul secteur public.

Prenons l’hypothèse d’une entreprise privée comprenant en son sein une division susceptible de gagner des marchés hors du giron de l’entreprise : le groupe serait tenté de faire de cette division une entité séparée, afin qu’elle ne dépende pas seulement de ses relations avec lui, mais qu’elle puisse, grâce à la scission, remporter des marchés à l’extérieur.

C’est typiquement la situation que j’ai en vue concernant l’INA. Si vous intégrez l’INA dans une holding publique aux côtés de France Télévisions et de Radio France, vous refermez de toute évidence les marchés de l’INA sur ceux de la holding.

M. Cédric Vial, rapporteur. Mais non !

M. Claude Raynal. Pour les entreprises privées du secteur, il sera dès lors beaucoup plus compliqué de s’adresser à l’INA, tout simplement parce que cela reviendra à s’adresser à un concurrent, tandis qu’un INA indépendant peut tout à fait trouver des marchés plus larges que ceux de France Télévisions et de Radio France.

Mes chers collègues, vous avez plutôt l’habitude de défendre, de manière générale, une vision agile de l’économie ; aussi suis-je très étonné qu’en l’espèce vous soyez plutôt favorables à une sorte d’enfermement de l’INA. Il faut au contraire en rester à la vision d’ouverture vers des marchés extérieurs que j’ai décrite, car ceux qui sont susceptibles d’acheter des images et des reportages auprès de l’INA sont nombreux. Conservons cette possibilité ! (Mmes Colombe Brossel et Émilienne Poumirol applaudissent.)

M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, il est minuit dix. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à minuit et demi, afin de poursuivre l’examen de ce texte.

Il n’y a pas d’observation ?…

Mme Laurence Rossignol. Nous sommes pleins de bonne volonté et nous avons plein de choses à dire !

M. le président. Il en est ainsi décidé.

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit au sujet de l’INA : l’INA, c’est notre patrimoine, c’est un outil d’images et de sons que nous devons préserver absolument. Ce patrimoine vivant est mis à la disposition du public ; il est notre mémoire, ouverte à tous. L’INA est un moyen pour l’éducation et la formation, cela a été dit, et il faut savoir également qu’il existe des antennes de l’INA dans toutes les régions de France.

M. Cédric Vial, rapporteur. Il n’y a pas d’antennes !

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Ne soyons pas naïfs : croyons-nous vraiment qu’une fois l’INA intégré dans cette holding il sera encore en mesure de maintenir toutes ces antennes dans nos régions ? Cet archivage, cette sauvegarde du patrimoine, a un coût ; et, nous le savons bien, lorsque des logiques de gestion plus globales s’appliqueront, il y aura des concessions à faire et des décisions à prendre.

Alors, une fois que nous aurons porté ce coup fatal à l’INA, nous viendrons, chacun à notre tour, à la tribune, pour y défendre hypocritement l’antenne de l’INA…

M. Cédric Vial, rapporteur. Quelle antenne ?

Mme Evelyne Corbière Naminzo. … en péril dans nos régions respectives, en invoquant l’éloignement ou le soutien à la ruralité. Ne prenons pas cette décision ! Elle est mauvaise, et même fatale, pour l’INA et pour le patrimoine français. Prenons plutôt une décision d’égalité, qui préserve tous les territoires.

M. Cédric Vial, rapporteur. Quelles antennes ?

Mme Laurence Rossignol. Respectez notre collègue !

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Nous en rediscuterons lors de l’examen du PLF !

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le rapporteur, je ne sais pas si, comme mon collègue, je dois vous remercier de la qualité de vos arguments. Je vous remercie, en tout cas, d’avoir des arguments – c’est déjà pas mal ! – et de nous respecter en expliquant l’avis que vous avez émis.

J’en viens à vous, madame la ministre. Allez-vous enfin prendre le risque de présenter vos arguments, en un mot de parler ? Voyez ce qui s’est passé à propos de la formation : M. le rapporteur a évoqué cette question de la formation, cela ne nous a pas convaincus, mais nous avons pu du moins rebondir, et lui dire en quoi cet argument – mon collègue a parlé d’un argument de qualité, en tout cas, c’est un argument – nous semblait peu recevable.

Mais vous, madame la ministre, quand allez-vous enfin parler ? Quand allez-vous prendre le risque d’argumenter et, par là même, de nous respecter ? « Défavorable ! », pour toute réponse, comme l’a dit l’un de mes collègues, c’est un peu court !

De deux choses l’une : ou bien vous ne voulez pas prendre le risque de présenter vos arguments, ce qui, pour une ministre de la culture, soulève quelques questions ; ou bien vous n’avez pas d’arguments, seconde hypothèse de plus en plus plausible, votre seul souhait étant d’accélérer une concentration autoritaire.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Je m’inscris dans le droit fil des propos de Raymonde Poncet Monge et des orateurs qui l’ont précédée : ils ont dit tout l’intérêt de l’INA en matière de conservation et de valorisation des archives, mais aussi de formation. M. le rapporteur a d’ailleurs très bien expliqué toute la spécificité de l’INA, tant dans sa mission de service public, dont l’importance a été rappelée, que dans sa capacité à se positionner sur d’autres marchés.

La vraie question est la suivante : qu’est-ce qui nous garantit que l’INA, en intégrant la holding, ne sera pas tout simplement dissoute et que ses missions de service public ne deviendront pas complètement inexistantes au sein de cette structure ? Tel est bien le risque ! On le voit d’ailleurs à propos de chacune des entités concernées : le problème est bien celui de la perte de spécificité, mais aussi du financement.

La vraie question, pour ce qui est de l’INA, c’est en effet celle du financement et de la pérennisation de ce financement. On peut légitimement s’interroger : qu’en sera-t-il, au sein de la holding, des budgets réellement orientés vers le financement de l’INA et de ses missions de service public ?

Il est minuit treize et nous allons interrompre notre discussion aux alentours de minuit trente. Il ne vous reste donc pas beaucoup de temps, madame la ministre, pour prendre la parole et pour nous donner vos arguments. C’est quand même un sujet important, l’INA ! Nous avons besoin de comprendre ; des questions très précises vous ont été posées et j’aimerais obtenir quelques réponses.

Faute de telles réponses, je m’interroge vraiment sur votre précipitation à faire adopter ce texte. De ne pas vous entendre – de ne pas entendre vos arguments –, je dois dire que cela nous contrarie !

M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour explication de vote.

M. Rémi Cardon. Pour ma part, j’ai découvert l’INA en cours d’histoire. Aujourd’hui, vous vous y attaquez en essayant de le faire entrer dans une holding alors que nous n’avons aucune information précise sur le fonctionnement futur de cette structure.

L’INA, c’est l’accès gratuit pour tous à plus de quatre-vingts ans d’histoire politique, sociale, culturelle et audiovisuelle. C’est la France qui se regarde, se comprend et se transmet. Ainsi que M. le rapporteur le soulignait tout à l’heure, c’est un acteur de l’innovation, de la recherche, de l’intelligence artificielle et de la formation. Il n’a nul besoin de faire partie d’une quelconque holding ; d’ailleurs, nous ne savons toujours pas en quoi celle-ci serait un facteur de modernisation.

C’est aussi un outil essentiel pour nos enseignants, les chercheurs, les journalistes, les créateurs. Comme je l’ai indiqué, c’est un pilier de l’éducation aux médias, de la lutte contre les fake news – je pense que nous en avons bien besoin aujourd’hui – et de la construction de l’analyse critique, si nécessaire à nos enfants dans un monde qui se polarise avec les réseaux sociaux.

Affaiblir l’INA ou le diluer, pour des raisons purement comptables, dans une holding serait une faute historique. Sans mémoire, il n’y a pas de culture. Sans archives, il n’y a pas de vérité. Sans services publics forts, il n’y a pas de démocratie apaisée ni informée.

Chers collègues, on ne construit pas l’avenir en contraignant ou en effaçant le passé. Sauver l’INA de cette holding, c’est sauver une partie de ce que nous sommes ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. David Ros, pour explication de vote.

M. David Ros. Je souscris aux propos de plusieurs de nos collègues, en particulier à ceux de Claude Raynal sur l’appel au dépassement.

Beaucoup a été dit sur l’INA. J’observe tout de même qu’un sujet a été oublié. En cette période de Tour de France, si vous voulez revoir la victoire d’un Français, en l’occurrence Bernard Hinault en 1985, vous pouvez consulter les archives de l’INA. (Sourires.) Le sport aussi, c’est important.

Plus sérieusement, nous avons évoqué tout à l’heure les spécificités de France Médias Monde. L’INA en présente également. Je pense au patrimoine, à la formation, aux nouvelles technologies à intégrer – il a été fait référence à l’intelligence artificielle – et, plus généralement, à la culture scientifique. À l’heure où de grands pays font fi du patrimoine et de la mémoire ou de la culture scientifiques, il me semble essentiel pour la souveraineté de la France de préserver l’INA.

M. le rapporteur affirme vouloir donner satisfaction à la direction, qui soutient l’intégration de l’Institut dans la holding. Dans ce cas, il faudrait aussi donner satisfaction à tous ceux qui ne souhaitent pas faire partie de la holding. Un peu de logique !

En l’occurrence, il faut prendre en compte l’intérêt général supérieur. Je ne dis pas cela uniquement pour le ministère de la culture, même si nous aimerions bien connaître sa position en la matière. D’autres ministères, comme celui de l’éducation nationale, de la recherche ou des sports, sont aussi concernés.

Nous avons besoin de l’INA, qui doit être un fer de lance de notre souveraineté nationale.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Il est minuit dix-sept : il nous reste 310 amendements à examiner sur 330 !

Je remercie M. le rapporteur de ses explications, ainsi que tous nos collègues du côté droit de l’hémicycle qui se sont abstenus de prendre la parole même s’ils en avaient très envie, ce qui nous aura au moins permis d’examiner vingt amendements depuis quatorze heures trente…

Nous voterons évidemment contre les amendements en discussion commune.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 23, 70 et 223.

J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Les Républicains et, l’autre, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 361 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l’adoption 112
Contre 228

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’amendement n° 226.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 362 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l’adoption 112
Contre 228

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 71, présenté par Mmes S. Robert et Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros et Ziane, Mme Rossignol, MM. Cardon et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Féraud, Mme Féret, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Roiron, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3, première phrase

Supprimer les mots :

, dont elle détient directement la totalité du capital,

La parole est à Mme Karine Daniel.

Mme Karine Daniel. Cet amendement de repli vise à éviter que l’intégralité du capital des sociétés de l’audiovisuel public ne soit détenue par la holding.

Une telle concentration capitalistique est dangereuse, car elle transforme des sociétés publiques autonomes en simples filiales d’un conglomérat.

Quand une holding détient 100 % du capital d’une entreprise, cela lui confère notamment le pouvoir de définir l’orientation stratégique et l’offre des programmes, tout en déterminant les politiques des ressources humaines, influant sur les conditions de travail, l’organisation du personnel et la rémunération. Cela facilite également les restructurations brutales. Si, demain, la holding détient 100 % du capital, rien ne l’empêchera de décider unilatéralement de la fusion de deux rédactions, de la fermeture d’une antenne régionale ou de la suppression d’un service.

C’est ce que l’on observe dans le secteur privé. Ainsi, le quotidien La Lettre avait révélé le recours à des pratiques de gun jumping lorsque Vivendi a racheté Editis : les décisions étaient prises de manière anticipée au sein de la holding avant même le feu vert des autorités européennes, et sans consultation des équipes concernées.

Plus grave encore, une telle concentration capitalistique ouvre la voie à d’éventuelles privatisations futures. Si, demain, un gouvernement décide de céder une partie du service public audiovisuel, il lui suffira de vendre les actions détenues par la holding. C’est exactement ce qui s’est passé avec la société France Télécom, devenue Orange.

Je prendrai un exemple outre-Manche. Même après sa réorganisation en 2017, la BBC a conservé ses structures juridiques distinctes pour ses différentes activités. Conformément à sa charte royale, elle n’a pas procédé à une absorption capitalistique intégrale. Ses activités commerciales, comme la production via BBC Studios ou la diffusion internationale via BBC News, sont exercées par des filiales juridiquement autonomes et séparées de l’organisme public. Chacune de ces entités dispose de sa propre gouvernance et de comptes distincts. Ce modèle permet de garantir une étanchéité claire entre mission de service public et logique commerciale, dans le respect des principes de transparence et d’indépendance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Cédric Vial, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 71.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 363 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l’adoption 112
Contre 228

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 73, présenté par Mmes S. Robert et Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros et Ziane, Mme Rossignol, MM. Cardon et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Féraud, Mme Féret, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Roiron, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3, première phrase

Après le mot :

cohérence

insérer les mots :

, à la diversité

La parole est à Mme Sylvie Robert.

Mme Sylvie Robert. Cet amendement vise à préserver la diversité dans les programmes offerts par l’audiovisuel public et à donner pour mission explicite à la holding de veiller à cette diversité dans ses choix stratégiques.

En effet, comme nous l’avons souligné, la création de cette holding pourrait conduire à l’uniformisation de l’offre de programmes en concentrant tous les pouvoirs éditoriaux dans les mains d’une seule personne. Cette centralisation extrême risque peut-être d’imposer une vision éditoriale unique là où coexistaient auparavant des approches plurielles et complémentaires : France Télévisions, Radio France, l’INA et France Médias Monde.

Il est intéressant de voir qu’un certain nombre de signaux d’alarme sont déjà là. On pourrait craindre une standardisation des contenus dans une logique de rentabilité ou d’audience, qui condamnerait les programmes innovants, des créations originales ou même des contenus de niche, alors que ceux-ci font pourtant la richesse de notre audiovisuel public.

L’exemple britannique est assez intéressant et plaide contre cette réforme. Il faut le savoir, à la BBC, les chaînes locales ont été fusionnées, dans une logique de rationalisation des ressources publiques. Elles ne diffusent des programmes distincts que le matin, partageant maintenant un programme commun l’après-midi et le soir. Est-ce vraiment le modèle que nous voulons pour notre pays ?

Mme Sylvie Robert. Plus inquiétant encore, les rapprochements radio-télé se soldent systématiquement par un appauvrissement de l’offre radiophonique. En témoignent dans le privé les exemples de RTL-M6 ou de RMC-BFM. Les moyens sont redéployés vers la télévision, plus coûteuse à produire. Les audiences radio ont donc chuté respectivement de 27 % et 34 % pour RTL et RMC entre 2017 et 2024.

À quoi mèneraient ces filialisations et ces fusions ? Vraisemblablement à un appauvrissement des contenus et, au final, à une dégradation du service rendu aux citoyens !

C’est pourquoi nous tenons à faire figurer la diversité aux côtés de la cohérence et de la complémentarité dans les prérogatives de la société France Médias.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Cédric Vial, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.

Mme Colombe Brossel. Nous allons défendre plusieurs amendements ayant un objet comparable.

J’aimerais savoir – je ne demande évidemment pas un long développement sur chaque amendement ; ce serait lassant, je peux le comprendre… – pourquoi la commission et le Gouvernement répondent systématiquement « avis défavorable » et « même avis ». Pourquoi n’expliquez-vous pas votre position, sur cet amendement ou sur un autre ? Pourquoi refusez-vous tout amendement de repli, monsieur le rapporteur, madame la ministre ?

Nous proposons simplement d’introduire un certain nombre d’objectifs,…

Mme Sylvie Robert. Et de garde-fous !

Mme Colombe Brossel. … de garde-fous et de garanties dans le texte. En l’occurrence, nous souhaitons y faire figurer une référence à la « diversité » ; nous évoquerons d’autres objectifs ensuite.

Vous ne pouvez pas nous accuser de chercher à éviter le débat de fond et, lorsque nous vous posons des questions de fond, vous contenter de répondre « avis défavorable » ou « même avis ». Je vous demande donc de nous apporter une réponse un peu plus étayée.