Sommaire
Présidence de M. Xavier Iacovelli
Mise au point au sujet d'un vote
Programmation pour la refondation de Mayotte et Département-Région de Mayotte
projet de loi de programmation pour la refondation de mayotte
projet de loi organique relatif au département-région de mayotte
Vote sur l'ensemble du projet de loi
Vote sur l'ensemble du projet de loi organique
Emploi des salariés expérimentés et évolution du dialogue social
Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire sur un porjet de loi
Réforme de l'audiovisuel public
Discussion en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Demande de vérification du quorum
Demande de renvoi en commission
Demande de renvoi à la commission (suite)
proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle
(À suivre)
Présidence de M. Xavier Iacovelli
vice-président
Secrétaires :
M. Fabien Genet,
Mme Véronique Guillotin.
1
Mise au point au sujet d'un vote
M. le président. La parole est à M. Olivier Bitz, pour une mise au point au sujet d'un vote.
M. Olivier Bitz. Monsieur le président, le 2 juillet 2025, lors du scrutin public n° 335 sur l'ensemble du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, Mme Olivia Richard souhaitait voter contre.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle figurera dans l'analyse politique du scrutin.
2
Accord avec le Panama
Adoption définitive en procédure simplifiée et en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama et de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama (projet n° 651, texte de la commission n° 818, rapport n° 817).
Pour ce projet de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d'examen simplifié.
Je vais donc le mettre aux voix.
projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république du panama et de la convention d'extradition entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république du panama
Article 1er
(Non modifié)
Est autorisée l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama, signée à Panama le 11 juillet 2023, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Article 2
(Non modifié)
Est autorisée l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama, signée à Panama le 11 juillet 2023, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur ce projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l'adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
3
Programmation pour la refondation de Mayotte et Département-Région de Mayotte
Adoption définitive des conclusions de commissions mixtes paritaires sur un projet de loi et un projet de loi organique
M. le président. L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions des commissions mixtes paritaires chargées d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte et du projet de loi organique relatif au Département-Région de Mayotte (textes des commissions nos 832 rectifié et 833, rapport n° 831).
La conférence des présidents a décidé que ces textes feraient l'objet d'explications de vote communes.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Agnès Canayer, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me félicite de pouvoir vous présenter aujourd'hui le compromis issu des commissions mixtes paritaires sur les deux projets de loi concernant la refondation de Mayotte, qui étaient attendus par tous les Mahorais.
Je salue l'engagement des élus mahorais, notamment des sénateurs, qui, par leur détermination, nous ont montré la voie du compromis que nous vous proposons.
Néanmoins, ce compromis ne se fait pas sans concessions importantes de la part du Sénat.
La première porte sur la suppression des titres de séjour territorialisés en 2030. En effet, au Sénat, nous avions estimé qu'il faudrait reposer cette question une fois que les mesures de lutte contre l'immigration illégale, notamment familiale, adoptées dans ce texte et renforcées par le Sénat, auraient produit leurs effets.
L'Assemblée nationale a eu une autre perception, considérant qu'il fallait prendre dès aujourd'hui l'engagement de cette suppression en 2030. Au Sénat, monsieur le ministre, vous y étiez fermement opposé. Je sais que la navette parlementaire a fait bouger les lignes. Aujourd'hui, dans un souci d'apaisement à Mayotte, nous vous proposons de rallier cette proposition.
L'autre concession du Sénat porte sur l'article 19, à savoir sur la procédure de prise de possession anticipée en matière d'expropriation.
Il règne à Mayotte un certain désordre du cadastre et de la propriété foncière ; nous avons bien compris que cette mesure, qui visait à accentuer et à accélérer les procédures d'expropriation pour mettre en œuvre les engagements de 4 milliards d'euros d'investissements promis par le Gouvernement aurait permis à ce dernier d'être dans les temps de la refondation d'ici à 2031.
Là encore, le manque d'acceptabilité à Mayotte, en raison sans doute d'un défaut de pédagogie sur les enjeux limités de cette mesure, ne nous a pas permis de la maintenir.
Nous avons accepté ce renoncement, afin de parvenir à un compromis plus large et global sur ce texte, en veillant également à inscrire dans le rapport annexé que le Gouvernement ne saurait être tenu pour responsable des délais en cas de procédures d'expropriation prolongées.
Le dernier compromis porte sur l'article 15. L'Assemblée nationale a considéré que, en matière de convergence sociale, il fallait instaurer une étape en ce qui concerne le Smic, de manière qu'au 1er janvier 2026, il y ait une convergence à hauteur de 87,5 % du Smic à Mayotte. Nous avons accepté de renforcer les mesures de compensation par rapport aux entreprises, notamment par l'entrée en vigueur de loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (Lodéom) à partir de 2027.
Qu'est-ce que le Sénat a gagné ? Quels sont les acquis que nous avons pu introduire dans ce texte ? En effet, ceux-ci sont nombreux également.
Le premier concerne les pouvoirs renforcés du préfet – c'est une constante des positions du Sénat. Le préfet aura, durant ce temps de la refondation et dans la lignée des annonces du Premier ministre, la maîtrise sur l'ensemble des services déconcentrés de l'État et des agences à Mayotte. Il s'agit là, à notre sens, d'un enjeu d'efficacité réelle.
Nous avons aussi tenu les digues en ce qui concerne le rapport annexé. Nous avons considéré que celui-ci est la feuille de route du Gouvernement : il ne devait donc contenir que des engagements fermes de sa part, de manière que nous puissions assurer notre contrôle vigilant sur la base de ces engagements.
Nous avons obtenu une déclinaison financière pour disposer d'une véritable visibilité, ainsi que la mise en place d'un comité de suivi. Le Sénat y sera attentif, pour assurer la réalisation des investissements et des équipements tant attendus par les Mahorais.
Enfin, nous avons obtenu, à l'article 31, concernant la refonte des institutions de Mayotte, que la désignation des élus locaux du nouveau Département-Région de Mayotte se fasse dans le cadre de treize sections, au sein d'une circonscription unique, de manière à assurer une meilleure représentativité de tout le territoire mahorais. Là aussi, les élus locaux y étaient attentifs.
Mes chers collègues, considérant que nous ne pouvons pas aller à l'encontre de la volonté des élus mahorais, portée par les sénateurs avec force et engagement, nous vous proposons aujourd'hui d'adopter ce compromis, qui permettra au Gouvernement de respecter les promesses prises et tant attendues par les Mahorais. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi qu'au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.
M. Manuel Valls, ministre d'État, ministre des outre-mer. Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, après l'Assemblée nationale hier, l'acte que vous allez accomplir aujourd'hui, je l'espère, est crucial, pour ne pas dire historique – je parle sans emphase.
Depuis plus de six mois que j'ai l'honneur d'être à la tête du ministère des outre-mer, j'ai fait de la situation de Mayotte, meurtrie par le cyclone Chido, une priorité absolue, à la demande du Premier ministre.
J'ai déjà pu décrire devant vous, à de nombreuses reprises, l'engagement total du Gouvernement dans la gestion de crise, dans le lancement de la reconstruction et, désormais, de la refondation de Mayotte.
Non seulement l'État n'a pas abandonné Mayotte, mais il a choisi de ne pas se contenter de répondre à la crise et décidé de franchir une étape décisive pour l'archipel. Je reconnais humblement que cette volonté est sans doute liée aux stigmates laissés par Chido et au fait que Mayotte était au cœur, pendant quelques semaines, des préoccupations de la presse et de nos compatriotes. Tout cela a révélé une situation qui était insupportable, et il fallait agir.
Une étape – c'est là l'essentiel – va être franchie vers une meilleure protection des Mahorais, vers l'égalité réelle, vers un développement concret et puissant du territoire, au service de la population.
Cet engagement, nous le devons à Mayotte et aux Mahorais, liés indéfectiblement à la France. Tant de fois, ils ont manifesté leur attachement à notre pays, depuis les référendums actant le maintien dans la République jusqu'à celui qui a mis en place la départementalisation.
Nous le leur devons, car, malgré tout ce chemin parcouru, les nombreux plans mis sur la table et les améliorations bien sûr évidentes, nos compatriotes mahorais expriment encore souvent – leurs élus en sont les porte-parole – un sentiment d'abandon et surtout de doute ou de scepticisme face à de nouveaux engagements.
Ce qui se joue à Mayotte dépasse la seule réalité de l'archipel. Il s'agit de la restauration de la crédibilité de la parole publique et, à travers elle, du lien de confiance entre la population et l'État.
À l'heure des ingérences étrangères et de la volonté de déstabiliser la France, il est plus que jamais nécessaire d'agir et de concrétiser la promesse républicaine à Mayotte.
En présentant ce projet de loi à la fin du mois d'avril 2025, le Gouvernement proposait d'ores et déjà au Parlement un texte majeur et ambitieux.
Je pense aux nombreuses mesures de lutte contre l'immigration clandestine, encore renforcées par le Sénat, chers Agnès Canayer et Olivier Bitz, et contre l'habitat illégal, chère Micheline Jacques.
Je pense aussi aux articles visant à renforcer le contrôle des armes.
Je pense également au principe de l'accélération de la convergence sociale, par ordonnance, en vue d'une effectivité au plus tard en 2031. J'entends les critiques, le scepticisme et les doutes, mais, depuis la départementalisation, c'est la première fois qu'un gouvernement inscrit dans la loi la convergence sociale. C'est un effort inédit, massif, mais c'est aussi un enjeu de justice et d'égalité. Je remercie, à ce titre, la rapporteur Christine Bonfanti-Dossat.
Je pense, de surcroît, à la mise en place d'une zone franche globale, défendue par Stéphane Fouassin et Georges Patient.
De même, je pense aux mesures d'accompagnement de la jeunesse de Mayotte – grande priorité des années à venir –, aux dispositifs visant à renforcer l'attractivité du territoire pour les fonctionnaires – il y a beaucoup à faire dans ce domaine –, ainsi qu'à la transformation du conseil départemental en Département-Région de Mayotte, à la condition qu'il ait les moyens de ses compétences, et à la révision du mode de scrutin.
Je pense enfin, évidemment, aux engagements nouveaux portés par le rapport annexé et aux investissements qu'il prévoit.
Une concertation étroite a été menée avec le conseil départemental, les maires et les forces vives mahoraises. J'entends que cela n'a pas suffi, mais je me suis rendu à plusieurs reprises sur place. Le travail se poursuit, à Paris, bien sûr, mais aussi sur le terrain. Je salue, naturellement, la concertation et le travail conduits avec vos collègues Salama Ramia et Saïd Omar Oili, dont chacun connaît l'engagement exigeant.
Au cours des derniers mois, le Parlement s'est emparé de ce texte et en a progressivement encore renforcé l'ambition. Grâce à l'engagement des sénateurs et des députés, il est désormais plus solide, plus puissant et donc plus crédible pour les Mahorais.
Sur l'initiative des rapporteurs Olivier Bitz et Agnès Canayer, des outils de suivi et de contrôle de l'application de la loi ont été ajoutés au texte. Tout cela me paraît plus efficace que les demandes de rapports à répétition, que vous avez, à juste titre, écartées lors de la commission mixte paritaire.
Sur l'initiative unanime des rapporteurs de l'Assemblée nationale, la décision d'abroger le titre de séjour territorialisé au 1er janvier 2030 a été prise. Je sais que cela a été l'un de vos débats, mais le compromis qui a été bâti à l'Assemblée nationale était, à mon sens, intelligent. De ce point de vue, d'ailleurs, je veux rendre devant vous un nouvel hommage à Olivier Marleix, qui s'était impliqué sur ce dossier.
De nombreuses mesures de convergence sociale ont aussi été directement inscrites dans le texte même. Le projet qui vous est soumis, mesdames, messieurs les sénateurs, prévoit une première étape ambitieuse de rapprochement du niveau du Smic net au 1er janvier 2026 et un accompagnement des entreprises pour ce faire, ainsi qu'un déploiement de la protection universelle maladie et un allégement des démarches d'attribution de la complémentaire santé solidaire.
Sur l'initiative du Gouvernement et grâce au soutien de vos rapporteurs Olivier Bitz et Agnès Canayer, le niveau d'investissements prévu pour les six prochaines années, au départ de 3 milliards d'euros, a été porté à 4 milliards d'euros.
Chacun, dans cet hémicycle a apporté sa contribution, sur toutes les travées. Je vous en remercie sincèrement.
Dans un contexte politique difficile – sans parler du contexte financier –, dans lequel il n'est pas toujours évident de trouver du sens, il faut mesurer l'engagement de ce gouvernement pour Mayotte depuis plus de six mois.
Pour mémoire, 500 millions d'euros de dépenses d'urgence ont été engagés entre décembre 2024 et janvier 2025, et des dizaines de millions d'euros ont été dépensées pour accompagner les collectivités, souvent en difficulté, aider la filière agricole, soutenir les entreprises, mais aussi les salariés avec l'activité partielle, ou pour mettre en place un prêt à taux zéro, afin d'aider les particuliers à reconstruire leur toit.
Je mesure parfois l'écart entre les annonces et la réalité sur le terrain, mais je reste convaincu que les choses avancent et continueront de progresser.
Une mission interministérielle dédiée à la reconstruction et à la refondation, dirigée par le général Pascal Facon, a également été créée. Des militaires ont été mobilisés pour reconstruire les écoles et les complexes sportifs ou pour réparer les fuites d'eau. Deux projets de loi et une proposition de loi du député Philippe Gosselin ont été défendus pour renforcer les conditions d'accès à la nationalité. Par ailleurs, un établissement public de reconstruction est en train d'être mis en place ; son directeur général sera désigné dans quelques jours.
Surtout, le Gouvernement, avec votre soutien, acte dans ce texte des actions déterminantes et inscrit les financements correspondants pour changer durablement le visage de Mayotte.
Nous avons prévu de mettre fin aux coupures d'eau. Nous savons que nous aurons encore des difficultés dans les prochains mois tant que l'usine et la retenue ne sont pas livrées. Il faut donc malheureusement encore patienter et trouver des solutions pour faire face à ces problèmes.
Nous mettrons aussi fin aux rotations scolaires, inacceptables dans notre République. L'école est la priorité des priorités.
Nous développerons également l'intermodalité, la gestion durable des déchets, la lutte contre l'insécurité, et nous engagerons la construction d'un nouvel aéroport à Grande-Terre. Certes, ce projet a souvent été annoncé, mais la décision a, cette fois, bel et bien été prise. Ces investissements auront un impact direct sur la vie quotidienne des Mahorais.
Le compromis que les parlementaires ont trouvé en commission mixte paritaire avant-hier consacre un engagement sans précédent de l'État pour Mayotte.
En ce qui concerne la convergence sociale, je l'ai dit, une première hausse du Smic net est inscrite directement dans le texte pour le 1er janvier 2026.
Vous l'avez souligné, madame le rapporteur, il n'était pas question pour le Gouvernement de renoncer à cette hausse ou de la reporter : c'est un acquis social majeur et la preuve de la priorité donnée au travail.
Pour accompagner au mieux cette augmentation, un dispositif ciblé a été préparé par le Gouvernement : il consiste à renforcer à Mayotte la réduction générale de cotisations sur les bas salaires.
Concrètement, au 1er janvier 2026, d'une part, le point de sortie des allégements de cotisations sera augmenté à 1,6 Smic, au lieu de 1,4 Smic, et, d'autre part, le champ de la réduction générale de cotisations sera étendu aux contributions d'assurance chômage. Ces mesures seront donc prises, comme je viens de le dire, au 1er janvier 2026. Elles ne seront pas repoussées à la Saint-Glinglin !
Ce dispositif consiste à avancer de dix ans ce qui était prévu en matière d'allégements de cotisations. Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) est maintenu dans cette période et la Lodéom sera déployée à compter du 1er janvier 2027. Notre proposition est donc plus favorable aux entreprises et mieux ciblée que celle qui aurait consisté à déployer la Lodéom plus tôt. Elle est aussi plus sociale, car ce décalage aurait dû également conduire à reporter la hausse du Smic, ce qui est, je le répète, hors de question pour nous.
J'ajoute que je regrette, moi aussi, malgré l'important engagement de vos rapporteurs, que l'article 19 du projet de loi n'ait pu être rétabli. Celui-ci permettait d'élargir temporairement la procédure de prise de possession anticipée de terrains aux infrastructures les plus essentielles et les plus urgentes pour Mayotte.
Il s'agissait seulement, face au désordre foncier persistant sur l'archipel, d'étendre une procédure qui existe déjà et qui garantit l'ensemble des droits des propriétaires, pour accélérer la construction du port et de l'aéroport, notamment. On aurait pu trouver un compromis, y compris sur ces deux infrastructures.
Je regrette les raccourcis et les procès d'intention qui ont nui à l'acceptation de cette mesure, alors que nous nous étions largement concertés pour trouver une rédaction de compromis. Cela aura évidemment des conséquences directes sur le rythme de construction de ces infrastructures.
Nous devrons, ensemble, avec les élus du territoire, trouver les bonnes procédures pour y remédier. Il est vrai – vous avez eu raison de rechercher ce compromis, ou du moins de prendre les décisions qui s'imposaient – que, face à certaines incompréhensions ou à des messages qui peinent à passer, il convient parfois de reculer pour mieux progresser.
Néanmoins, l'essentiel n'est pas là. L'essentiel, c'est que, en votant ce texte, mesdames, messieurs les sénateurs, vous allez aider le Gouvernement à porter une ambition politique sans précédent pour Mayotte et participer à cet engagement massif et puissant. Après cette adoption, j'y consacrerai toute mon énergie. L'essentiel sera la mise en œuvre, avec une stratégie planifiée, qui sera présentée cet après-midi devant le Comité interministériel des outre-mer par le général Facon. Nous le devons aux Mahorais.
C'est à eux, si vous le permettez, mesdames, messieurs les sénateurs, que j'adresserai mes mots de conclusion.
Mahoraises, Mahorais, ce texte est historique. Vous l'attendez depuis de nombreuses années. Je sais le scepticisme qui est le vôtre. Mais je souhaite vous donner confiance dans l'action de l'État, ainsi que dans la détermination qui sera la mienne pour que ce texte ne soit pas qu'un vœu pieux. Il ne peut pas l'être et ne le sera pas !
Tout au long de ces derniers mois, je me suis battu, avec de nombreux sénateurs et députés engagés, pour que nous puissions collectivement construire un projet de loi ambitieux, sérieux et solide, malgré toutes les difficultés et parfois face à toutes les démagogies.
Mahoraises, Mahorais, je veux vous dire ma fierté pour l'action que je mène pour vous. Elle est possible grâce au soutien et à l'engagement du Premier ministre, que je remercie. Le choix qu'il a fait d'élever le ministère des outre-mer au rang de ministère d'État ne relève pas que de la sémantique. Cette journée atteste que c'est très concret.
Ce matin, j'ai reçu le rapport parlementaire de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les conséquences des essais nucléaires en Polynésie française.
Dans un instant, nous allons adopter définitivement, je l'espère, un projet de loi de programmation pour Mayotte.
Cet après-midi, nous allons tenir un Comité interministériel des outre-mer qui actera des mesures importantes pour Mayotte, mais aussi pour lutter contre la vie chère. Le débat se poursuivra avec la présentation au conseil des ministres d'une loi sur ce sujet, qui sera débattue à l'automne par le Parlement.
Le Gouvernement prendra aussi, avec le ministre de l'intérieur, des mesures contre le narcotrafic, qui mine la République dans tous les territoires.
Ce soir, je poursuivrai les négociations entamées il y a une semaine à l'Élysée, puis à Bougival, pour construire un avenir commun en Nouvelle-Calédonie.
Jamais, mesdames, messieurs les sénateurs, les territoires d'outre-mer n'ont été aussi présents dans le débat public, aussi écoutés et aussi entendus par le Gouvernement. Jamais, depuis très longtemps, ils n'ont été aussi présents dans l'action du Gouvernement. Et jamais les Mahorais n'ont eu, au travers de ces deux textes de loi et de l'action que nous menons, une réponse aussi claire à leurs attentes. Il faut désormais agir pour eux ! (Mme Salama Ramia et MM. Marc Laménie et Olivier Bitz applaudissent.)
M. le président. Nous passons à la discussion des textes élaborés par les commissions mixtes paritaires sur le projet de loi et le projet de loi organique.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale les textes élaborés par les commissions mixtes paritaires, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble de chacun de ces textes.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur le projet de loi.
projet de loi de programmation pour la refondation de mayotte
TITRE IER
OBJECTIFS DE L'ACTION DE L'ÉTAT POUR MAYOTTE
Article 1er
I. – Le rapport annexé à la présente loi est approuvé.
II. – (Supprimé
RAPPORT ANNEXÉ
INTRODUCTION
Le 14 décembre 2024, le cyclone Chido frappait l'archipel de Mayotte en plein cœur, causant de nombreux dégâts humains, matériels et environnementaux. Ce phénomène d'une ampleur inédite constitue la catastrophe naturelle la plus importante de l'histoire récente de notre pays.
Le 12 janvier 2025, la tempête tropicale intense Dikeledi touchait à son tour Mayotte. Le coup porté par deux fois par ces épisodes météorologiques a profondément affecté l'existence quotidienne et l'activité des Mahorais, qui vivaient déjà dans des conditions très difficiles, a affaibli une économie déjà fragile et a durablement modifié les paysages et le cadre de vie des habitants.
Le plan « Mayotte debout », présenté par le Premier ministre le 30 décembre 2024, se compose de plusieurs mesures visant à répondre à l'urgence mais ayant également vocation à être mises en œuvre dans les phases de reconstruction et de refondation.
L'État a répondu présent pour gérer la crise et répondre aux urgences immédiates. La loi n° 2025-176 du 24 février 2025 d'urgence pour Mayotte a ensuite été promulguée pour constituer l'outil législatif au service de la reconstruction de Mayotte. Elle vise à faciliter le rétablissement des conditions de vie des Mahorais au moyen de l'adaptation des règles de construction, d'urbanisme ou de commande publique. Elle comprend également différentes mesures de soutien aux habitants et aux entreprises sur le plan économique et social.
La présente loi de programmation porte quant à elle l'ambition de donner aux Mahorais les moyens d'exercer leurs droits et de vivre décemment, en paix et en sécurité à Mayotte, cent unième département français, situé dans l'océan Indien.
L'État souhaite porter une ambition à la hauteur de l'attachement des Mahorais à la France – réaffirmé avec constance au gré des consultations successives depuis 1974 -, qui sera un levier puissant dans la période de reconstruction et de refondation. L'État s'engage à améliorer considérablement l'association des élus mahorais et des forces vives du territoire (conseil économique, social et environnemental, conseil cadial, associations) à ce chantier d'une ampleur inédite, notamment dans le cadre de l'établissement public dédié à la reconstruction.
Le positionnement stratégique de Mayotte dans le canal du Mozambique appelle un renforcement de l'intégration régionale, dans une logique de rayonnement dans l'océan Indien.
Les atouts exceptionnels de Mayotte doivent être confortés. À titre d'exemple, l'extraordinaire patrimoine naturel mahorais – symbolisé par sa biodiversité marine (coraux, tortues), son lagon à double barrière et sa zone économique exclusive formant le premier parc marin français ainsi que ses forêts primaires et secondaires, riches d'une biodiversité indigène et endémique à forte valeur écologique – doit faire l'objet d'une approche équilibrée entre protection et développement durable.
Par ce texte, l'État entend créer les conditions de l'épanouissement à Mayotte de la jeunesse mahoraise – source de vitalité et artisane du Mayotte de demain – et apporter des réponses concrètes aux espoirs placés dans la République et ses promesses de sécurité, de stabilité, d'égalité et de prospérité. Mayotte, territoire où près d'un habitant sur deux est âgé de moins de 18 ans, attend des signaux clairs pour entretenir la confiance en l'avenir. Des perspectives d'émancipation en matière d'acquisition de savoirs, d'opportunités d'emploi, d'accès à la culture et à la pratique sportive seront définies.
Particulièrement exposée aux aléas naturels, Mayotte doit être considérée comme un territoire vulnérable qu'il convient de protéger. La prévention des risques naturels et le développement d'une véritable culture de la gestion de crise et du risque doivent constituer des priorités de l'État, en lien avec les collectivités.
Chido et Dikeledi, mais aussi la crise de l'eau de 2023, ont mis en lumière l'ampleur des défis qu'il convient de relever afin de donner aux Mahorais la capacité de développer leur territoire. Si la départementalisation a permis d'engager Mayotte dans un processus de développement, une loi de programmation ambitieuse doit venir se substituer aux multiples plans stratégiques dont le pilotage et la mise en œuvre concrète ne peuvent être considérés comme satisfaisants. À ce titre, le renforcement des institutions locales, par l'affirmation de la collectivité unique et de ses compétences et la mise en cohérence des ressources des collectivités territoriales avec la réalité démographique du territoire, sont des impératifs pour réussir la refondation.
Par le présent rapport, l'État reconnaît sans ambiguïté que les paramètres socio-économiques hors normes du territoire et le rythme actuel de la convergence économique et sociale ne permettent pas le développement et l'attractivité de Mayotte.
La pression démographique – exercée principalement par l'immigration clandestine – constitue un facteur majeur de déstabilisation du territoire qui met directement en péril la paix civile et la cohésion sociale à Mayotte, affaiblit les services publics et dégrade la qualité de vie des Mahorais.
Ainsi, la loi réaffirme le principe selon lequel la refondation de Mayotte impose de prendre des mesures fortes visant à lutter plus efficacement contre l'immigration clandestine et l'habitat illégal.
L'État s'engage aussi à garantir l'accès des Mahorais aux biens et aux ressources essentiels :
– l'accès à l'eau potable et à l'assainissement constitue une priorité ;
– une trajectoire de souveraineté alimentaire reposant sur le développement de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture sera soutenue ;
– une stratégie de gestion durable des déchets sera mise en œuvre pour réduire la part de l'enfouissement en dotant Mayotte des équipements nécessaires à leur recyclage et à leur valorisation ;
– l'offre de soins sera mise en adéquation avec les besoins des Mahorais ;
– l'offre de logements fera l'objet d'une augmentation massive au titre de la reconstruction.
La loi consacre une trajectoire de convergence économique et sociale marquée par l'alignement du salaire minimum de croissance (SMIC) net sur le niveau national en décembre 2031, avec une étape intermédiaire à 87,5 % au 1er janvier 2026. Pour accompagner cet alignement du SMIC, le dispositif d'exonération de cotisations patronales pour les employeurs d'outre-mer (dit LODEOM) sera élargi au territoire de Mayotte à compter du 1er janvier 2027.
La refondation de Mayotte nécessite de créer les conditions de l'attractivité. Pour y parvenir, des mesures ciblées en soutien aux entreprises, telles que la mise en place d'une zone franche globale, seront mises en œuvre.
Plus globalement, le présent rapport présente un programme d'investissements prioritaires dans les infrastructures essentielles afin de soutenir la triple ambition de la refondation : protéger les Mahorais, garantir l'accès aux biens et aux ressources essentiels et développer les leviers de la prospérité de Mayotte.
1. La refondation de Mayotte impose de prendre des mesures fortes visant à lutter plus efficacement contre l'immigration clandestine et l'habitat illégal
1.1. Un renforcement nécessaire du dispositif opérationnel de lutte contre l'immigration clandestine, qui constitue une source de déstabilisation majeure de la société mahoraise
L'immigration clandestine constitue une menace pour le pacte social à Mayotte. L'objectif prioritaire est double : lutter plus efficacement contre les départs clandestins vers Mayotte et augmenter significativement les retours depuis Mayotte de personnes en situation irrégulière.
L'opération « Mayotte place nette » a permis l'éloignement de 4 200 étrangers en situation irrégulière, qui viennent s'ajouter aux 50 000 reconduites menées au cours de la période 2022-2023.
La lutte contre ce phénomène migratoire reposera sur le rétablissement et le renforcement des capacités de surveillance, de détection et d'interception, à terre comme en mer.
L'étude technico-opérationnelle relative à la lutte contre l'immigration clandestine à Mayotte réalisée par la direction des entreprises et partenariats de sécurité et des armes (DEPSA) du ministère de l'intérieur servira de base à cet effort de renforcement capacitaire.
En matière de détection :
– le renouvellement de l'ensemble des radars et l'acquisition de moyens optroniques, balises et drones seront poursuivis ;
– la mise en œuvre de bases avancées pour l'interception en mer sera également étudiée ;
– le remplacement des moyens nautiques de la gendarmerie maritime figure parmi les priorités.
En matière d'interception :
– une trajectoire d'augmentation du nombre d'intercepteurs opérationnels vingt-quatre heures sur vingt-quatre sera mise en œuvre. Cela impliquera le renouvellement et l'augmentation de la flotte actuelle ;
– un chantier naval dédié à la maintenance en condition opérationnelle sera mis en place ;
– le projet de ponton opérationnel sur l'îlot Mtsamboro visant à réduire les temps de ralliement des zones d'interception sera concrétisé ;
– la création d'une zone d'attente à l'horizon 2027, en vue de ne pas admettre sur le territoire les étrangers interceptés en mer ou à l'issue de débarquements sauvages, et d'un nouveau local de rétention administrative de 48 places en 2026 pour les interpellations à terre.
De manière générale, la mobilisation de l'ensemble des forces de défense et de sécurité ainsi que des services du ministère de la justice et du ministère des affaires étrangères devra s'accroître afin de faire face aux conséquences d'une pression migratoire croissante en provenance des Comores, de Madagascar et, depuis près de deux ans, des pays de l'Afrique des Grands Lacs.
Le durcissement de la lutte contre l'immigration clandestine reposera donc sur le renforcement des moyens et des effectifs. Par ailleurs, les nombreuses mesures législatives prévues dans ce domaine par la présente loi participeront de cet objectif prioritaire pour Mayotte.
Sur le sujet spécifique du droit du sol, le Gouvernement soutient la restriction des conditions d'acquisition de la nationalité française.
Les efforts engagés dans la lutte contre l'économie informelle, alimentée par l'emploi non déclaré d'étrangers en situation irrégulière et source de concurrence déloyale pour les professionnels mahorais, seront poursuivis. L'économie informelle contribue à la fuite des capitaux, ce qui justifie ainsi le renforcement du contrôle des changes.
Dans le cadre de l'opération « Mayotte place nette », 30 hectares de cultures illégales ont été détruits, 136 745 € de saisies douanières réalisés, 4 tonnes de pêches illégales et 300 000 € d'avoirs criminels saisis.
Enfin, la lutte contre l'immigration clandestine passera également par le maintien d'un rapport exigeant avec les États voisins, notamment avec les Comores. Tout en ménageant des espaces de dialogue, la France devra être particulièrement exigeante sur la lutte contre les départs clandestins, sur les retours de ressortissants en situation irrégulière et, plus généralement, pour réaffirmer sans cesse l'appartenance de Mayotte à la République française.
Le ministère des affaires étrangères prend toute sa part de cet effort et restera fortement mobilisé en soutien à l'atteinte de cet objectif :
– dans le cadre d'un dialogue exigeant avec les pays d'origine, notamment avec les Comores, sur le volet migratoire, qui permet de faire valoir la priorité que constitue pour la France la lutte contre l'immigration clandestine à Mayotte ainsi que la lutte contre les trafics associés. La coopération en matière de retour a vocation à être renforcée dans le cadre du dialogue migratoire global que la France conduit avec les Comores, conformément au plan d'action conjoint de La Valette (PACV), incluant notamment un soutien accru aux garde-côtes comoriens et une lutte renforcée contre les causes profondes des migrations ;
– dans le cadre de la négociation en cours d'accords bilatéraux avec les pays de la région des Grands Lacs, d'où proviennent un nombre croissant de personnes arrivant à Mayotte avec l'aide de réseaux criminels. Ces accords permettront de définir les procédures opérationnelles permettant l'identification et la documentation des étrangers en situation irrégulière, en vue de leur retour. Bien que l'obligation pour un État d'admettre le retour de ses nationaux découle de la coutume internationale, un cadre juridique précis facilite les procédures (délais, documents reconnus, points de contact, etc.) ;
– dans le cadre de la lutte renforcée contre les causes profondes des migrations par le « plan de développement France-Comores » (PDFC), qui incorpore des actions de coopération dans des secteurs clés de la prévention des départs tels que la santé, l'éducation, la formation professionnelle et l'agriculture. Une revue de ces actions de coopération est engagée pour viser à davantage d'efficacité dans la lutte contre les causes profondes des migrations ;
– dans le cadre d'un appui à la modernisation de l'état civil aux Comores (AMECC), qui a permis des avancées significatives dans la réforme du cadre juridique de l'état civil. La seconde phase de ce projet (démarrée en 2024) vise à rendre opérationnelles ces réformes par l'informatisation et le recensement à vocation d'état civil.
1.2. La nécessité de mieux contrôler l'accès au territoire mahorais
Mayotte a intégré le champ d'application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) le 26 mai 2014, date de l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2014-464 du 7 mai 2014 portant extension et adaptation à Mayotte du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (partie législative). Un arrêté du 4 février 2015 relatif aux documents et visas exigés pour l'entrée sur le territoire de Mayotte précise le régime de circulation et les conditions d'entrée des étrangers des pays tiers. L'ordonnance a eu pour objectif de transposer les directives européennes relatives à la migration légale et au retour à la suite de l'accession de Mayotte au statut de région ultrapériphérique et de rapprocher le droit applicable du droit commun, sauf adaptations nécessaires.
Les dispositions législatives adoptées depuis lors se sont appliquées à Mayotte, sous réserve de certaines adaptations, en particulier celles motivées, selon la décision du Conseil constitutionnel n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018, par les « caractéristiques et contraintes particulières » qui permettent au législateur, « afin de lutter contre l'immigration irrégulière à Mayotte, d'y adapter, dans une certaine mesure, non seulement les règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers, mais aussi celles régissant l'acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France ».
Au regard de la situation spécifique de Mayotte, il apparaît nécessaire de mieux contrôler l'accès au territoire mahorais au regard de la pression migratoire particulière que celui-ci subit.
Un meilleur contrôle passe par un durcissement des conditions d'accès au séjour pour l'immigration familiale en les adaptant à la situation particulière de Mayotte, par une amélioration des dispositifs de lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité et par une réponse à l'urgence de la situation migratoire au moyen de mesures exceptionnelles en matière de lutte contre l'immigration irrégulière et de facilitation des éloignements.
1.3. Les outils de la fermeté face à l'habitat illégal, qui constitue une entrave à la réalisation des projets du territoire visant à améliorer le quotidien des Mahorais
Au titre de la reconstruction, une feuille de route « du bidonville au logement » sera finalisée afin d'accélérer la résorption de l'habitat illégal et insalubre, en lien avec les collectivités territoriales et les acteurs du logement.
Une opération d'intérêt national (OIN) devant mobiliser l'ensemble des outils existants et s'appuyer sur un régime et des moyens d'exception pour mieux résorber les zones d'habitat informel, dynamiser les projets d'aménagement, développer l'ingénierie de projet et tenir le calendrier des procédures sera mise en œuvre, en lien avec les collectivités territoriales.
Le Gouvernement transmettra aux élus locaux concernés le contenu détaillé de cette opération d'intérêt national. Cette opération, fondée sur des outils juridiques renforcés, sur une mobilisation exceptionnelle de l'ingénierie et sur des moyens dérogatoires, devra associer les élus et les parlementaires de Mayotte à son élaboration, à sa mise en œuvre et à son suivi.
Les trois collectivités concernées (Mamoudzou, Dembéni et Koungou), qui comptent 57 % de l'habitat précaire de Mayotte, doivent délibérer prochainement pour confirmer leur adhésion à ce projet d'OIN.
Depuis 2019, des opérations d'évacuation et de démolition sont réalisées dans le cadre de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique. Les opérations « Wuambushu » en 2023, puis « Mayotte place nette » en 2024 ont permis de passer le cap du millier d'hébergements résorbés.
Les opérations de résorption de l'habitat indigne vont également se poursuivre avec la destruction programmée de près de 1 300 constructions.
Le renforcement de la réponse de l'État repose sur une action ciblée visant les constructions sans droit ni titre dans un secteur d'habitat informel, en particulier par le renforcement des outils prévus par la loi n° 2024-322 du 9 avril 2024 visant à l'amélioration et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement.
La présente loi porte des dispositifs ambitieux visant à renforcer la lutte contre l'habitat illégal. Toutefois, elle passera aussi, et même avant tout, par un renforcement des effectifs de sécurité présents sur l'île mais aussi par la lutte contre l'immigration clandestine.
2. La refondation repose sur une triple ambition : protéger les Mahorais, garantir l'accès aux biens et aux ressources essentiels et développer les leviers de la prospérité de Mayotte
2.1. Protéger les Mahorais
2.1.1. Protéger les Mahorais face aux aléas naturels
Les aléas « vent cyclonique » et « sismique » touchent l'ensemble de Mayotte. 92 % du territoire est aussi concerné par d'autres aléas « risques naturels » que sont les glissements de terrain, les inondations, la submersion marine et le recul du trait de côte.
Les épisodes sismo-telluriques liés à l'éruption du volcan Fani Maoré à 50 kilomètres à l'Est de Mayotte ont produit un enfoncement de 13 centimètres en Grande Terre et jusqu'à 19 centimètres en Petite Terre. Cela renforce l'exposition de certains quartiers au risque d'inondation et l'accélération de l'érosion du trait de côte.
La réalisation des campagnes scientifiques et la mise en service des outils de surveillance et de prévision seront soutenues par l'État, de même que la réparation et l'amélioration du système de surveillance sismologique. Le déploiement en Petite Terre du radar de Météo France destiné à la prévision, à l'anticipation et à la mesure des phénomènes météorologiques et sismiques constitue une priorité.
Les actions de connaissance des sous-sols et des phénomènes géologiques (recherche d'emplacements de forage, connaissance du continuum terre-mer) seront également accompagnées.
La préservation de la population et le développement du territoire imposent d'utiliser tous les outils de la prévention des risques :
– connaissance des aléas ;
– planification spatiale ;
– choix d'aménagement et d'urbanisme ;
– normes de construction et équipements spécifiques ;
– préparation des acteurs du territoire, dont les acteurs de la sécurité civile, les entreprises et la population dans son ensemble.
La politique de prévention des risques doit reposer en premier lieu sur la mise en œuvre des plans de prévention des risques (PPR). Le déploiement de 17 PPR naturels communaux traitant des mouvements de terrain, des inondations et des séismes et d'un PPR littoral traitant de la submersion marine et du recul du trait de côte à l'échelle du territoire sera effectué d'ici 2027.
L'émergence d'une culture et d'une mémoire du risque représente un enjeu fort. L'État mettra en place de manière prioritaire un plan d'actions de sensibilisation aux risques naturels. Le concours de l'observatoire national des risques naturels sera recherché. Une démarche globale d'étude et de recherche sur la résilience des habitats et des systèmes homme-environnement sera proposée, dans l'objectif de faire de Mayotte un laboratoire de l'adaptation au changement climatique.
En matière de prévention des inondations, l'État veillera à la bonne mise en œuvre du plan de gestion des risques d'inondations (PGRI) couvrant la période 2022-2027.
Au plus tard le 1er mars 2026, le Gouvernement transmet au comité de suivi de la loi de programmation pour la refondation de Mayotte un bilan des plans Orsec établis sur les risques à Mayotte ainsi que des préconisations d'évolution.
Ce bilan sera complété de recommandations portant sur la création d'une réserve de moyens destinée à la sauvegarde et au soutien des populations.
2.1.2. Protéger les Mahorais face à l'insécurité
La refondation nécessite de prendre les mesures nécessaires au maintien durable de l'ordre public, en lien avec la lutte contre l'immigration irrégulière.
Pour l'année 2024, les forces de sécurité intérieure font état de :
– 227 procédures relatives à des violences intrafamiliales ;
– 1 940 faits d'atteinte volontaire à l'intégrité physique, dont 5 homicides et 35 tentatives d'homicide ;
– 2 255 faits d'atteinte aux biens ;
– 2 354 faits d'atteinte à la tranquillité publique ;
– 169 faits de violence dans les transports scolaires.
Grâce au renforcement des infrastructures et des effectifs, l'État s'engage à garantir aux Mahorais la sécurité et la tranquillité publiques.
Le doublement des effectifs de police et de gendarmerie depuis 2017 a permis et permet toujours de conduire des opérations (« Shikandra », « Wuambushu », « Mayotte place nette ») qui ont obtenu des résultats significatifs en matière d'arrestations et d'éloignements.
Les opérations « Wuambushu » et « Mayotte place nette » ont notamment permis l'arrestation de 160 cibles prioritaires.
La stratégie de l'État en matière de lutte contre l'insécurité reposera sur une action en profondeur et de long terme, que des opérations spécifiques pourront accélérer.
Pour renforcer les effectifs, l'État organisera la formation de 300 gendarmes et policiers auxiliaires mahorais pour assister les unités locales et se préparer à exercer les missions de sécurité.
L'engagement de l'État en matière de maintien durable de l'ordre public consiste, par ailleurs, à faciliter le dispositif de prolongation des postes des gardiens de la paix et des officiers, lorsque ceux-ci souhaitent s'établir à Mayotte au-delà de la durée maximale de six ans.
La création d'une antenne de l'Office de lutte contre le trafic illicite de migrants (OLTIM) en 2023 renforce la lutte contre les filières de passeurs, et en priorité les filières africaines. En 2023, six filières ont été démantelées et de lourdes condamnations, allant jusqu'à sept ans d'emprisonnement, ont été prononcées.
L'État engagera un renforcement spécifique des moyens de la gendarmerie avec :
– la création des brigades de Dzoumogné (10 gendarmes) et Bandrele (10 gendarmes) et du peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG) de Dembéni (20 gendarmes) ;
– le renfort du centre opérationnel de renseignement de la gendarmerie (5 gendarmes) ;
– des renforts de police judiciaire (10 effectifs).
La mise en adéquation du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) avec les besoins exprimés par les autorités locales sera réalisée d'ici le 31 décembre 2026.
Le maintien de l'effort opérationnel et le renforcement des effectifs et des moyens des forces de sécurité s'accompagneront d'investissements pour soutenir le système judiciaire et carcéral :
– la construction d'une cité judiciaire sera engagée, avec un objectif de début des travaux en 2025 ;
– un centre éducatif fermé sera construit. L'objectif de lancement des travaux sera également fixé à 2025 ;
– un deuxième centre pénitentiaire, d'une capacité de 400 places et incluant un centre de semi-liberté de 20 places, sera construit. Le début des travaux est prévu en 2027.
La montée en puissance des effectifs de police et de gendarmerie à Mayotte s'accompagnera d'une action de formation. Tous les magistrats affectés à Mayotte seront formés à la lutte contre les violences intrafamiliales, en particulier les violences sexuelles.
Le nombre d'intervenants sociaux dans les commissariats et les gendarmeries va croître à mesure que seront déployés des effectifs supplémentaires de police et de gendarmerie.
En lien avec le secteur associatif, le dispositif « nouveau départ » sera déployé à Mayotte au plus tard le 1er janvier 2026 en vue d'organiser une prise en charge rapide, globale et adaptée des victimes.
Enfin, la présente loi comprend des mesures visant à renforcer les capacités d'action des forces de sécurité intérieure. Les dispositions sont notamment relatives aux visites domiciliaires aux fins de recherche d'armes, à la remise des armes ou à la possibilité offerte aux officiers et agents de police judiciaire de traverser un local tiers – y compris un domicile – pour pénétrer dans les lieux à usage professionnel.
2.1.3. Mayotte, une priorité de la stratégie de défense française dans l'océan Indien
Dans un contexte de concurrence régionale et internationale et de militarisation accélérée qui modifient les équilibres actuels et augmentent le niveau de menace dans la zone, la protection de Mayotte et des territoires sous souveraineté française dans le canal du Mozambique constitue une priorité de la stratégie de défense française dans l'océan Indien.
Ainsi, le positionnement des forces armées dans la zone sud de l'océan Indien (FAZSOI) en tant que force de souveraineté et force de présence continuera à être affirmé par la conduite de missions de souveraineté dans les zones maritimes afférentes à Mayotte et d'actions de coopération régionale avec les forces armées de la zone sud de l'océan Indien.
Les FAZSOI poursuivront leur action de lutte contre la piraterie, la pêche illicite et les trafics de toute nature, en particulier le narcotrafic.
L'État sera particulièrement vigilant face à toute tentative d'ingérence étrangère ou de développement du fondamentalisme religieux visant à déstabiliser le territoire et mettre en péril la paix civile à Mayotte.
Le fondamentalisme religieux ne doit pas venir fragiliser le modèle de l'islam mahorais, qui repose sur l'autorité des cadis et l'entraide et qui représente l'un des ciments du vivre-ensemble de l'archipel, dans le respect de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.
La présence stratégique d'unités des FAZSOI sur l'île sera confortée et renforcée. Le 5e régiment étranger bénéficiera d'une augmentation de ses effectifs de 30 % à l'horizon 2030, avec la mise en place des capacités supplémentaires prévues dans la loi de programmation militaire, parmi lesquelles figurent des moyens du génie.
Le format de la base navale de Mayotte sera adapté afin de participer à la surveillance permanente des approches maritimes du territoire mahorais (via le poste de commandement de l'action de l'État en mer) et d'assurer le soutien des bâtiments de la marine nationale basés ou faisant escale à Mayotte. L'augmentation du nombre des navires intercepteurs des forces de sécurité intérieure fera l'objet d'une étude particulière afin de permettre la sélection d'un lieu propice aux opérations de maintenance spécifiques à ces vecteurs.
2.2. Garantir aux Mahorais l'accès aux biens et aux ressources essentiels
Le 3 février 2025, le ministère des armées a décidé la création d'un bataillon temporaire de reconstruction de l'île, afin d'engager les premiers chantiers, en préalable de la reconstruction pérenne de Mayotte. Entre 350 et 400 soldats sont ainsi mobilisés au service des Mahorais. Le bataillon temporaire de reconstruction en renfort restera mobilisé, autant que de besoin, sur les chantiers revêtant un caractère d'urgence, en liaison avec les collectivités territoriales. À terme, il cédera ses missions aux moyens du génie, qu'il est prévu de déployer de manière durable à Mayotte, dans le cadre de la loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030.
2.2.1. Garantir l'accès des Mahorais à l'eau potable et à l'assainissement : des investissements programmés
L'accès à l'eau potable constitue une priorité pour éviter la précarisation chronique des Mahorais déjà soumis à de fortes carences. Les épisodes récurrents de stress hydrique affectent directement la qualité de vie des habitants et freinent le développement économique.
Les collectivités territoriales de Mayotte ont délégué leurs compétences de distribution d'eau et de gestion de l'assainissement collectif au syndicat mixte « Les Eaux de Mayotte » (LEMA), maître d'ouvrage des principaux travaux relatifs à l'alimentation en eau potable et à l'assainissement des eaux usées.
Le syndicat LEMA fait l'objet d'un accompagnement de l'État dans le cadre d'un contrat d'accompagnement renforcé (2024-2027). Un contrat de progrès 2022-2026 définit les objectifs et les performances du syndicat en matière de gouvernance, de gestion du patrimoine et de qualité du service rendu aux usagers en matière d'eau potable et d'assainissement.
Le sous-investissement dans la production et le réseau de distribution durant plusieurs décennies, l'impact de la pression démographique sur l'équilibre entre l'offre et la demande ainsi que des épisodes de sécheresse récurrents expliquent cette situation.
Pour remédier à celle-ci, le « plan eau Mayotte » portant sur des actions à mener entre 2024 et 2027 est en cours de mise en œuvre, pour un montant cumulé de 730 millions d'euros d'investissement. Ce plan a été précédé d'une réorganisation du syndicat LEMA.
Le « plan eau Mayotte » doit permettre d'éviter les crises récurrentes liées au manque d'eau potable et d'améliorer le réseau d'assainissement, notamment en prévoyant des études et des travaux destinés :
– à équiper Mayotte d'une deuxième usine de dessalement à Ironi Bé, opérationnelle en 2026, d'une troisième retenue collinaire opérationnelle et de réservoirs tampons ;
– à promouvoir la réalisation de nouveaux forages et de captages supplémentaires en rivière ;
– à développer un programme de recherche de fuites et de réparations ;
– à améliorer l'assainissement collectif : financement de nouvelles stations d'épuration, extension des réseaux et remise à niveau des anciennes installations.
L'État s'engage à la réalisation des deux infrastructures prioritaires que représentent la deuxième usine de dessalement d'Ironi Bé et la troisième retenue collinaire d'Ouroveni.
Dans le cadre de l'accompagnement du syndicat LEMA, l'État poursuit un objectif de fin des « tours d'eau » au profit d'une eau courante disponible en continu sur tout le territoire d'ici la fin de l'année 2026.
L'enjeu de ces prochaines années est ainsi le maintien de l'effort d'investissement et d'entretien des installations. Cela concernera en particulier la sécurisation de l'usine de dessalement de Petite Terre, qui est exposée à l'érosion du trait de côte et pour laquelle des travaux d'extension seront réalisés. Un calendrier des travaux de sécurisation de cette usine de dessalement sera élaboré avant le 1er décembre 2025 et transmis au comité de suivi de la loi de programmation pour la refondation de Mayotte.
Un plan de rénovation et de redimensionnement des infrastructures de distribution d'eau potable sera mis en œuvre afin de garantir les principes de continuité, d'égalité et d'adaptabilité du service public.
Dans l'attente de la mise en service effective des futures infrastructures stratégiques (deuxième usine de dessalement, troisième retenue collinaire), l'État s'engage, en lien avec les collectivités territoriales, à étudier toute solution nouvelle susceptible de soutenir la résilience du territoire à court terme.
En matière d'assainissement, les différents projets contenus dans le contrat de progrès 2022-2026 seront réalisés. Il s'agit principalement de travaux sur les réseaux et les stations de traitement des eaux usées.
En complément des 60 millions d'euros d'investissements prévus en 2025, l'État s'engage à augmenter les moyens alloués au « plan eau Mayotte » en fonction des besoins.
2.2.2. Garantir aux Mahorais un accès régulier et financièrement abordable à l'électricité
Face aux aléas naturels, l'État mettra en œuvre les mesures nécessaires afin de garantir la résilience des installations de production et de distribution d'électricité. L'équipement systématique en groupes électrogènes des services d'intérêt général doit notamment contribuer à la résilience.
Pour l'électricité comme pour l'ensemble des fluides, l'opportunité d'enfouissement des réseaux fera l'objet d'une analyse systématique en cas de travaux.
Pour répondre aux attentes de la population mahoraise en termes de qualité du service public de la production, de la distribution et de la commercialisation de l'électricité, une nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie sera très prochainement adoptée. L'engagement de l'État au sein d'Électricité de Mayotte, de façon directe ou indirecte, sera examiné dans ce cadre.
2.2.3. Établir une trajectoire de souveraineté alimentaire pour le territoire passant par le développement de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture
Mayotte dispose d'un plan de souveraineté alimentaire depuis le 7 juillet 2023. Ce plan fixe une trajectoire à l'horizon 2030, avec par exemple un objectif de taux de couverture des besoins de 90 % à 100 % pour les fruits et légumes frais, de 10 % de production locale pour la volaille de chair et de 100 % pour les œufs.
Un plan régional de l'agriculture durable 2023-2029 a également été approuvé le 11 septembre 2024. Il définit 78 actions concourant à l'objectif de faire du secteur primaire un moteur majeur du développement endogène et durable.
Malgré les dégâts causés par le passage de Chido et Dikeledi, l'État réaffirme l'objectif de mise en œuvre des plans stratégiques d'ici 2030. Les principaux axes sont :
– la mise à jour du cadastre relative aux terres agricoles ;
– l'amélioration de l'accès aux ressources foncières et la réhabilitation des pistes rurales dans les zones à potentiel agricole ;
– le soutien à la professionnalisation de l'agriculture et l'amélioration des conditions d'exploitation ;
– le reboisement du territoire ;
– le soutien à la structuration des filières, la montée en gamme des produits de l'agriculture et la valorisation des modèles agricoles mahorais ;
– l'accompagnement des acteurs agricoles dans leurs démarches financières.
L'État accompagnera étroitement les professionnels du secteur dans l'accomplissement des démarches relatives au fonds de secours pour les outre-mer (FSOM), dont l'objet est d'indemniser les pertes de récolte et de fonds des exploitations, ainsi qu'au régime d'aide exceptionnelle en faveur des exploitations agricoles de Mayotte à la suite des pertes agricoles considérables causées par le passage de Chido.
Une attention toute particulière sera portée au redressement et au développement :
– des filières fruitières et maraîchères, pour réduire le plus possible le délai de retour en production ;
– du secteur agroalimentaire local, qui a vocation à être l'un des piliers de la souveraineté alimentaire, en particulier grâce à la production laitière, de volailles et d'œufs ;
– des filières d'excellence telles que la production de vanille ou d'ylang-ylang.
Une attention particulière sera également portée à la nécessité de sécuriser l'usage agricole de l'eau dans les exploitations, par l'investissement dans des équipements de prélèvement d'eau agricole et de récupération des eaux de pluie.
Alors que la filière agricole a été particulièrement affectée par le passage du cyclone Chido, l'État se positionne en soutien des agriculteurs pour la relance des exploitations et des cultures afin d'accélérer la production de fruits et légumes sur le territoire.
Dans cette période de réorganisation de l'agriculture mahoraise, l'État sera particulièrement vigilant sur l'augmentation des moyens de lutte contre l'agriculture informelle et l'importation illégale de pesticides.
La structuration de la filière pêche est nécessaire pour que le territoire bénéficie des retombées économiques issues de la ressource halieutique de la zone économique exclusive. Cette structuration implique la création d'un comité régional des pêches maritimes et des élevages marins à l'horizon 2027. L'État soutiendra sa mise en place ainsi que celle d'une structure préfiguratrice de ce comité.
L'État accompagnera les investissements nécessaires à la formation des pêcheurs professionnels et à la structuration des points de débarquement des produits de la pêche, en particulier par la mise en place de pontons, la mise en service des halles de pêche, le financement des poissonneries et la transformation locale.
L'État apportera un appui, en particulier par la mobilisation du fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l'aquaculture, aux éventuels projets engagés par les collectivités territoriales ou les professionnels pour relancer le secteur de l'aquaculture.
Pour soutenir la professionnalisation des filières, l'État veillera à la cohérence de l'offre de formation initiale et de formation continue disponible sur le territoire, qu'il s'agisse des métiers de la mer ou de l'agriculture.
Les recettes liées aux redevances des armateurs seychellois constituent des fonds prioritaires pour le développement de la filière pêche mahoraise.
2.2.4. Garantir l'accès à une éducation de qualité dans le département le plus jeune de France
L'engagement structurant de l'État consiste à mettre totalement fin à la rotation scolaire et au dispositif de classes itinérantes en vue de la rentrée 2031. Les parents de l'enfant qui naîtra après 2025 sauront que, lorsqu'il entrera au cours préparatoire, il bénéficiera de vingt-quatre heures d'école par semaine.
Le dynamisme de la population scolaire est avéré, avec +34 % d'élèves entre 2013 et 2023. Il manquait globalement 1 200 classes avant le cyclone Chido pour répondre aux besoins.
Il y sera remédié avec un investissement d'ampleur. L'État devait déjà contribuer, dans le cadre du contrat de convergence et de transformation, à la construction des classes de primaire et à l'augmentation des capacités dans le secondaire à hauteur de 680 millions d'euros ainsi qu'à l'extension de l'université de Mayotte à hauteur de 12 millions d'euros. Dans ce cadre, l'école pour tous sera affirmée comme une priorité, notamment par le déploiement des pôles d'appui à la scolarité et de dispositifs de scolarisation destinés aux élèves en situation de handicap.
En complément, face à l'ampleur des dommages liés au cyclone, l'État participera à la reconstruction des bâtiments publics, sur la base d'une enveloppe de 100 millions d'euros votée dans la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025, et assumera un rôle de conduite d'opérations dans cette période de crise.
À Mayotte, permettre à chaque élève de bénéficier d'un repas équilibré et adapté aux besoins nutritionnels des enfants répond à un enjeu fort de santé publique et d'éducation à l'alimentation. Certains enfants ne bénéficient que d'un repas par jour servi à l'école. D'ici 2031, l'État s'engage à travailler avec chaque commune et chaque établissement public de coopération intercommunale (EPCI) pour développer une solution de restauration durable et de qualité accessible à chaque élève. Les cantines scolaires seront approvisionnées en priorité par des aliments issus de la production locale du département.
Le Gouvernement transmettra au comité de suivi de la loi de programmation pour la refondation de Mayotte un état détaillé des mesures prévues dans le cadre du plan d'investissement majeur destiné à mettre fin, à l'horizon 2031, au système de rotation scolaire à Mayotte et à garantir, dès la rentrée de cette année-là, un enseignement de 24 heures hebdomadaires pour chaque élève de cours préparatoire. Le Gouvernement précise également les objectifs, le calendrier et les moyens associés au plan d'attractivité et de fidélisation des enseignants prévu en 2025, destiné à renforcer la présence et la stabilité du corps enseignant dans le département de Mayotte.
L'université de Mayotte conduira une politique d'ouverture régionale en vue d'offrir des mobilités à ses étudiants à l'échelle de l'océan Indien. Cet Erasmus de l'océan Indien contribuera à sa montée en puissance en vue de devenir une université de plein exercice.
Dans le cadre de la refondation, l'offre de formation de l'université de Mayotte sera renforcée afin d'orienter un nombre plus important d'étudiants vers l'enseignement. Se prémunir contre l'instabilité des équipes suppose de former au maximum des enseignants issus du territoire. En complément, au cours de l'année 2025, il sera établi un plan d'attractivité et de fidélisation des enseignants. Ses modalités font l'objet d'un dialogue social. Il reposera à la fois sur des incitations indemnitaires renforcées et sur une valorisation des années d'exercice à Mayotte dans le déroulement de la carrière des enseignants.
L'État propose un plan pour renforcer la filière professionnelle et développer des formations en adéquation avec les besoins de reconstruction du territoire.
Le ministère chargé de l'emploi sera tout particulièrement impliqué dans le soutien à l'apprentissage et à la formation continue.
2.2.5. Mettre en adéquation l'offre de soins avec les besoins des Mahorais
Mayotte est caractérisée par une dynamique démographique, le niveau de vie médian le plus faible de France, trois quarts de la population vivant sous le seuil de pauvreté, une alimentation peu variée et une prévalence importante de l'obésité.
Concernant les maladies non transmissibles, un sur-risque est constaté à Mayotte par rapport à l'hexagone concernant l'hypertension artérielle (HTA), la santé bucco-dentaire défaillante, le diabète de type 2, l'infarctus du myocarde et les maladies coronariennes, les insuffisances respiratoires chroniques, les accidents vasculaires cérébraux (AVC) et la cirrhose hépatique.
L'État s'engage à la fois à développer l'offre de soins et à renforcer sa politique de santé publique ou de prévention.
Le système de soins mahorais est principalement organisé autour du centre hospitalier de Mayotte (CHM), qui concentre la totalité des capacités hospitalières et qui réalise également l'essentiel des consultations et des soins de premier recours.
L'État effectuera des travaux d'ampleur pour moderniser le site du CHM de Mamoudzou. Il développera l'offre de soins sur l'ensemble du territoire mahorais, avec la montée en puissance des centres médicaux de référence et la réouverture de tous les dispensaires. Un calendrier d'investissement pour les travaux de modernisation du CHM de Mamoudzou et pour la réouverture de l'ensemble des dispensaires de l'île sera assuré avant le 31 décembre 2025.
Les centres médicaux de référence, au nombre de quatre, maillent le territoire de Mayotte et organisent les prises en charge médicales de premier recours. Leur plateau technique sera étoffé selon une logique de complémentarité entre les sites. Un calendrier pour la réorganisation territoriale des centres médicaux de référence sera élaboré avant le 31 décembre 2025.
L'État s'engage à renforcer l'offre de soins à Mayotte par la construction d'un second site hospitalier, qui demeure une priorité absolue. Un plan d'investissement et un calendrier des travaux pour la construction du second site hospitalier seront élaborés avant le 31 décembre 2025 et transmis au comité de suivi de la loi de programmation pour la refondation de Mayotte.
La restructuration de l'offre de soins mahoraise et la consolidation du maillage territorial doivent s'accompagner d'une démarche renforcée visant à attirer et à fidéliser les professionnels de santé à Mayotte. Dans la continuité des efforts déjà engagés ces dernières années, le Gouvernement présentera en 2025 un plan d'attractivité et de fidélisation visant à mieux valoriser l'engagement des professionnels de santé à Mayotte, à consolider l'offre de formation (notamment avec la création d'un deuxième institut de formation en soins infirmiers au plus tard en 2026 et la création d'un institut régional du travail social) et à structurer des partenariats avec des établissements de l'hexagone.
L'État s'engage également à étudier les modalités de création de centres de santé et de maisons de santé pluriprofessionnelles afin de favoriser le regroupement de médecins et d'autres professionnels de santé et d'offrir des structures collectives pour l'exercice de la médecine libérale. Des mesures pouvant favoriser l'installation de pharmacies d'officine à proximité de ces structures seront également envisagées.
L'État s'engage par ailleurs à créer les conditions du développement de la médecine de ville. À la suite du cyclone, l'agence régionale de santé a accompagné les professionnels dans leur reprise d'activité, en proposant notamment une aide de 5 000 € pour permettre d'opérer les premiers travaux nécessaires de restructuration du bâti et de réouverture de l'offre de soins libérale.
Enfin, le Gouvernement veille à accompagner une politique de santé publique pour le territoire. À titre d'exemple, des actions d'information et d'accès aux services de santé en matière de sexualité et de procréation, notamment à la contraception, à l'interruption volontaire de grossesse et aux dépistages et aux traitements des infections sexuellement transmissibles (IST), seront menées en faveur de la santé sexuelle des Mahoraises et des Mahorais. Un plan d'investissement et un calendrier pour la mise en place des actions d'information et d'accès aux services de santé en matière de sexualité et de procréation à Mayotte seront élaborés avant le 31 décembre 2025.
Dans le champ du handicap, 31,3 millions d'euros seront déployés avant 2031 au titre du développement de nouvelles solutions. Concernant les personnes âgées, 9,1 millions d'euros seront affectés au développement d'une offre médico-sociale.
La maison départementale des personnes handicapées (MDPH) continuera d'être accompagnée pour faciliter les parcours des personnes.
2.2.6. Atteindre l'égalité réelle en 2031 par une convergence économique et sociale
La convergence économique sera créatrice de richesses pour le plus grand nombre et facilitera la convergence sociale.
La convergence sociale consiste à aligner progressivement le système de protection sociale de Mayotte (santé, famille, retraites, emploi), autant en matière de prestations sociales et de droits que d'obligations et de sources de financement.
Le processus de convergence sociale engagé avec la départementalisation devait se faire « en une génération », soit d'ici 2036. L'État s'engage à accélérer cette convergence sociale en vue d'une effectivité dès 2031, avec une trajectoire soutenable, tant pour l'économie que pour la société mahoraise, post cyclone Chido. En vue de faciliter la transition, la hausse des cotisations sociales pourra, sans s'éloigner trop fortement de celle des prestations pour assurer une soutenabilité d'ensemble, être plus progressive, pour s'achever au plus tard en 2036.
Ce processus de convergence démarrera le plus rapidement possible, avec une évolution progressive du niveau des prestations et de celui des cotisations et de la fiscalité qui les financent. Ainsi, dès le 1er janvier 2026, sera enclenché un processus de convergence selon un calendrier précis et selon des modalités offrant de la visibilité aux acteurs économiques.
Le processus de convergence doit également permettre une revalorisation des pensions de retraite, afin d'améliorer le niveau de vie des retraités à Mayotte.
En complément, en 2026, la complémentaire santé solidaire gratuite sera attribuée automatiquement aux bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés et de l'allocation spéciale pour les personnes âgées et la protection universelle maladie sera déployée à Mayotte, pour améliorer l'accès aux soins.
L'État affirme un principe de priorité du travail et de la reconnaissance, notamment pécuniaire, de celui-ci. C'est pourquoi la convergence du SMIC net sera effective au plus tard en 2031, selon un calendrier qui sera défini en lien avec les acteurs économiques et sociaux. La mise en place de la zone franche globale rendra, par ailleurs, ce renchérissement du coût du travail soutenable pour les entreprises. Dès l'alignement du SMIC net à Mayotte sur le SMIC net national, la prime d'activité sera, en cohérence, également fixée à 100 % de sa valeur nationale.
Un appui à la structuration des filières sera également mis en place, avec l'appui des financements « France 2030 ». Il devrait en résulter une amélioration du financement des entreprises par le secteur bancaire ; Bpifrance sera particulièrement mobilisée sur ce sujet. L'innovation et l'accès au numérique doivent également constituer des priorités de la future stratégie dédiée à Mayotte.
La convergence du SMIC net débutera dès le 1er janvier 2026 afin qu'il atteigne, en 2026, 87,5 % du montant du SMIC net en vigueur dans l'hexagone. La convergence des prestations sociales, tant attendue depuis vingt ans, sera mise en œuvre en parallèle de la hausse du SMIC. La hausse du niveau des allocations individuelles de solidarité, notamment du revenu de solidarité active (RSA) et de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), accompagnera ainsi celle du SMIC net. Le niveau des prestations familiales convergera également progressivement à partir de 2027. La convergence des prestations familiales et des aides sociales sera donc réalisée à l'horizon 2031 selon les modalités précisées par les ordonnances ainsi que par plusieurs articles de la présente loi.
Dans le champ du handicap, 22 millions d'euros seront déployés pour de nouvelles solutions pour les personnes en situation de handicap lourd et 7 millions pour des formes d'hébergement adaptées.
Concernant l'organisation de la sécurité sociale, la caisse de mutualité sociale agricole d'Armorique est aujourd'hui gestionnaire de la protection sociale des agriculteurs mahorais, sauf pour les prestations familiales et l'accueil de proximité, assurés par la caisse de sécurité sociale de Mayotte. Dans des délais permettant d'assurer la continuité et la qualité du service rendu, la caisse de sécurité sociale de Mayotte renforcera progressivement son implication dans la gestion des exploitants agricoles en vue de l'assurer si les conditions opérationnelles sont réunies.
2.2.7. Augmenter massivement l'offre de logement dans le cadre de la reconstruction
En complément des actions engagées en faveur de la résorption de l'habitat illégal, l'État doit porter une politique ambitieuse en matière de construction de logements neufs, en lien avec les opérateurs et les collectivités territoriales.
L'objectif de reconstruction de 24 000 logements au cours des dix prochaines années, avec une livraison de 1 500 logements dès 2027, sera ajusté à la lumière des conclusions de la mission inter-inspections chargée de l'évaluation des dégâts causés par le cyclone Chido. En matière de logement social, la déclinaison territoriale du futur plan logement dédié aux outre-mer (PLOM) définira, dès 2025, un objectif de constructions annuelles de logements sociaux comprenant un objectif spécifique de logements locatifs très sociaux, partagé avec l'ensemble des acteurs. L'accessibilité sera pensée en amont de chaque projet.
Les constructions nécessaires au titre de l'offre sanitaire et médico-sociale seront notamment considérées comme prioritaires.
La réalisation des projets de renouvellement urbain portés par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) à Mayotte constitue un objectif prioritaire de l'État, qui continuera à accompagner les collectivités territoriales dans ces opérations. Les conventions de renouvellement urbain de Koungou, Mamoudzou et Petite Terre, qui représentent 119 millions d'euros d'investissement, dont 71 millions d'euros d'aides de l'ANRU, sont aujourd'hui engagées entre 70 % et 100 % et l'ensemble des investissements seront engagés d'ici juin 2026.
La création d'un nouvel établissement public dans le prolongement de la loi d'urgence pour Mayotte, une politique volontariste de titrisation associant le conseil départemental et une meilleure délimitation des zones à bâtir au moyen du schéma d'aménagement régional doivent permettre de mieux mobiliser le foncier au profit de la construction de logements.
La régularisation du cadastre fera l'objet d'un plan d'action spécifique mis au point par l'État et les collectivités territoriales. L'État veillera à associer la commission d'urgence foncière, acteur essentiel de cette phase de régularisation foncière, à la réalisation de ces travaux et à renforcer ses moyens d'action. Il s'engage à fournir un calendrier indiquant des objectifs annuels en matière de régularisation.
L'établissement public de la reconstruction viendra renforcer significativement l'ingénierie à Mayotte, nécessaire pour réaliser efficacement et rapidement les infrastructures ou opérations d'aménagement d'ampleur attendues par la population.
Aménageurs, bailleurs et constructeurs pourront bénéficier des simplifications du droit de l'urbanisme prévues par les récents textes pour accompagner l'effort de reconstruction. La création prochaine de l'opération d'intérêt national (OIN) à Mamoudzou, Dembéni et Koungou permettra aussi de mobiliser des outils spécifiques.
L'État sera vigilant vis-à-vis des coûts de construction et de l'accès aux matériaux. Les règles de construction et celles qui régissent l'approvisionnement en matériaux feront ainsi l'objet d'un travail d'adaptation, comme l'a prévu la loi n° 2025-176 du 24 février 2025 d'urgence pour Mayotte, sans négliger les impératifs de qualité et de sécurité pour les Mahorais, notamment en matière d'adaptation aux aléas naturels.
Un plan de formation des artisans et des très petites et petites et moyennes entreprises (TPE/PME) sera décliné rapidement, tandis que les Mahorais bénéficieront de conseils s'agissant de l'autoconstruction. L'information de la population sur les dispositifs d'aide et d'accompagnement en matière d'habitat sera notamment améliorée grâce à l'Agence d'information sur le logement de Mayotte (ADIL 976), agréée le 7 février 2025.
2.2.8. Veiller à la préservation de l'environnement grâce à la gestion durable des déchets, à la transition énergétique et à la restauration de la forêt
98 % des déchets ménagers et assimilés à Mayotte sont traités par enfouissement. Le territoire dispose d'une importante marge de progression en termes de développement des filières d'économie circulaire.
La sortie du tout-enfouissement constitue une priorité en matière de traitement des déchets.
L'enjeu pour Mayotte est de s'engager dans une trajectoire ambitieuse en matière de rattrapage structurel, qui reposera sur le développement :
– des infrastructures nécessaires au rattrapage ;
– des filières de valorisation et de recyclage ;
– des démarches innovantes de prévention des déchets (réemploi, réparation).
Un calendrier des investissements traduisant ce rattrapage structurel ainsi que le rattrapage du traitement des déchets laissés par les suites du cyclone Chido sera transmis avant le 31 décembre 2025 au comité de suivi de la loi de programmation pour la refondation de Mayotte.
À court terme, l'État engagera une réflexion prioritaire sur l'hypothèse de l'installation d'une unité de valorisation énergétique.
Dans cet effort de rattrapage, l'État soutiendra les investissements relatifs aux déchèteries fixes ou mobiles, au fonctionnement optimal de l'actuelle installation de stockage des déchets non dangereux (ISDND) de Dzoumogné ou aux centres de tri multifilières.
L'État veillera à la mobilisation de l'ensemble des acteurs de la gestion durable des déchets : éco-organismes, collectivités, syndicat, entreprises, population, associations. L'accompagnement de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) sera recherché.
La refondation de Mayotte doit conduire à sortir le territoire de la dépendance aux énergies fossiles, importées à hauteur de 98 %.
La politique énergétique guidée par les programmations pluriannuelles de l'énergie (PPE) sera mise à jour afin de doter le territoire d'objectifs au moins jusqu'à l'horizon 2028.
La stratégie qui sera définie veillera notamment à prévoir des projets en matière de conversion à la biomasse liquide des installations actuelles et à fixer des objectifs en matière d'augmentation de la puissance installée en photovoltaïque.
Une stratégie de reboisement sera mise en œuvre pour restaurer la forêt mahoraise, qui représente 16 % du territoire. Son élaboration et sa mise en œuvre reposeront sur une coopération entre les services de l'État, l'Office national des forêts et le conseil départemental, avec l'appui du Conservatoire botanique national de Mascarin.
Cette stratégie accordera une importance toute particulière à la lutte contre les mises en culture illégales durant la saison des pluies, à la lutte contre les incendies dès le retour de la saison sèche ainsi qu'à la lutte contre les espèces exotiques envahissantes.
3. Développer les leviers de la prospérité de Mayotte
3.1. Le préalable d'un recensement exhaustif pour bâtir l'avenir de Mayotte
L'État s'engage à réaliser un recensement démographique exhaustif de la population résidant à Mayotte. À l'issue de ce recensement, l'État procèdera à une actualisation de ses dotations attribuées aux collectivités territoriales de Mayotte, afin de refléter les données démographiques actualisées. Cette actualisation interviendra dès la transmission des données provisoires aux communes.
Ce recensement devra intervenir dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi.
3.2. Grandir et se construire à Mayotte : créer les conditions d'un épanouissement de la jeunesse sur le territoire
Dans le cadre de la refondation, l'État s'engage à réaliser les investissements nécessaires pour donner à la jeunesse mahoraise des perspectives d'épanouissement à Mayotte.
L'État poursuivra le développement des services et des infrastructures nécessaires à une société épanouie et apaisée. Les équipements et les infrastructures du sport et de la culture seront soutenus (mise à niveau et aux normes des équipements existants) et développés (financement de nouveaux équipements en cas de carences sur le territoire concerné).
La refondation de Mayotte accordera une part importante à l'accompagnement des actions culturelles.
Le pôle culturel de Chirongui, unique équipement culturel professionnel de l'île, consacré aux arts contemporains pourra servir de source d'inspiration pour renforcer le maillage des institutions culturelles du territoire.
Une attention particulière sera portée à la sécurisation et à la mise en valeur des monuments historiques. L'accès à la culture et la connaissance du patrimoine historique de Mayotte contribueront à l'éveil des jeunes habitants de Mayotte.
Au-delà de l'action en faveur de l'école précédemment évoquée, l'État s'engage en matière d'offre périscolaire. Il sera déployé dès 2025 un fonds de soutien au développement des activités périscolaires. Celui-ci se traduira par un financement au titre des activités périscolaires de chaque élève. En parallèle, le fonds pour le développement de la vie associative verra sa dotation doubler en 2025 pour soutenir les associations de bénévoles.
L'État s'engage à faire de l'orientation des jeunes vers l'emploi une priorité et à favoriser les dispositifs d'insertion professionnelle et sociale des jeunes à Mayotte. Dans ce cadre, à partir du 1er janvier 2026, les moyens de la mission locale seront adaptés au nombre de jeunes à accompagner et aux difficultés du territoire.
L'insertion de la jeunesse mahoraise sera par ailleurs soutenue par l'extension du service militaire adapté (SMA), avec la création d'une antenne à Chirongui pour un montant de 14 millions d'euros. La reconstruction du site de Combani – particulièrement affecté par le passage de Chido – fera l'objet d'une mobilisation financière de l'État à hauteur de 10 millions d'euros.
Le régiment du service militaire adapté de Mayotte accompagne près de 700 bénéficiaires par an, volontaires stagiaires et volontaires techniciens. Il atteint un taux d'insertion de 85 %.
Son offre repose sur 22 filières de formation professionnelle et de remobilisation vers l'emploi (bâtiment et travaux publics, services, sécurité, logistique, restauration). Les formations s'adaptent chaque année aux besoins du territoire.
L'État s'engage à accueillir 1 000 volontaires par an à partir de 2031, en visant un taux de féminisation largement accru. En complément, les équipes d'encadrement seront densifiées pour offrir une formation d'une qualité encore renforcée et permettre l'accueil de parents célibataires.
Parmi ces volontaires, certains seront affectés aux opérations de recensement conduites par l'Institut national de la statistique et des études économiques.
L'État s'engage par ailleurs à faciliter l'engagement des jeunes. Afin de dynamiser leur engagement, le cadre du service civique sera temporairement adapté pour permettre aux jeunes de s'engager et d'agir au bénéfice de la population de Mayotte.
3.3. Travailler et vivre à Mayotte : attirer et fidéliser les talents en créant les conditions de l'attractivité
L'attractivité de Mayotte est un enjeu majeur car Mayotte a besoin de tous les talents pour franchir les nouvelles étapes décrites dans le présent rapport.
Ce besoin d'attractivité est multiple : pour le secteur privé, pour le secteur public et pour le maintien ou le retour des forces vives de Mayotte.
On peut d'ores et déjà noter deux facteurs communs à cette démarche d'attractivité : la poursuite de l'amélioration de la situation sécuritaire et l'augmentation de l'offre de logements, toutes deux prévues dans la stratégie de refondation.
L'offre de logements pour les fonctionnaires, notamment ceux qui viennent en renfort dans cette phase d'accompagnement de Mayotte, sera dynamisée par le recours à des prototypes, expérimentés dès 2025. D'autres solutions de logement seront encouragées, incluant le logement des étudiants.
Parmi les missions de l'établissement public figureront une mobilisation et une optimisation du foncier public pour mettre à disposition davantage de logements.
De plus, il sera procédé à une révision complète des quartiers prioritaires de la ville, qui s'attachera à la mise en cohérence avec les zones prioritaires scolaires.
Au sein des services de l'État sera mise en place une cellule « attractivité, mobilité, proximité » chargée d'accompagner les agents publics dans la recherche d'un logement en vue de leur arrivée à Mayotte.
Il sera déployé de nouvelles incitations pour les agents de la fonction publique, en particulier la possibilité de choix d'affectation après une durée de poste à Mayotte de trois ans au minimum. En parallèle, des missions plus courtes seront largement autorisées, dans une logique de « réalisation personnelle » au service de nos compatriotes mahorais.
Dans les secteurs les plus en tension, des plans d'attractivité et de fidélisation seront déployés. Cela vaut en particulier pour les professionnels de santé et les professionnels du secteur médico-social.
3.4. Créer de la valeur à Mayotte : créer les conditions du développement économique
Créer les conditions du développement économique à Mayotte implique de prendre les mesures concourant :
1° Au désenclavement de Mayotte : le développement des infrastructures portuaires et aéroportuaires constitue une priorité en termes d'investissement ;
2° À la fluidification des échanges sur le territoire :
a) La mise en place d'un réseau de transport multimodal reposant sur la modernisation des infrastructures ainsi que sur le développement des transports interurbains et des navettes maritimes devra être réalisée ;
b) Le réseau 5G sera déployé sur l'ensemble du territoire dès 2025 ;
c) D'ici 2027, le réseau de fibre optique sera déployé sur l'ensemble du territoire, avec un appui financier public de 50 millions d'euros dans le cadre du plan « France très haut débit » ;
3° À la relance de l'activité des entreprises locales :
a) Une zone franche globale sera mise en place à compter du 1er janvier 2026 pour relancer un tissu économique durement touché par Chido et Dikeledi et accélérer la transition de l'économie informelle vers l'économie déclarée. Une attention particulière sera portée aux microentreprises, qui constituent la majeure partie des entreprises mahoraises et se caractérisent par une certaine vulnérabilité en termes de trésorerie et de capitalisation. À cette fin, l'État se fixe pour objectif de déterminer le poids et les caractéristiques du secteur informel mahorais afin de valoriser les initiatives innovantes et pérennes, d'accompagner la sortie des activités concernées du secteur informel et de lever les freins à cette sortie ;
b) Les filières économiques locales particulièrement affectées par Chido seront accompagnées pour se relever et poursuivre les objectifs des stratégies de développement élaborées avant le passage du cyclone. Cela sera notamment le cas de la filière touristique. Le rétablissement et le développement de l'offre hôtelière, la formation des acteurs du tourisme ainsi que la relance des activités touristiques emblématiques du territoire telles que la plongée sous-marine ou les excursions nautiques contribueront à la diversification de l'activité économique et au renforcement de l'attractivité du territoire et, ce faisant, participeront à l'amélioration de la qualité de vie des Mahorais ;
4° À développer la coopération régionale et renforcer l'intégration de Mayotte dans son environnement régional :
a) Conformément aux décisions prises par le comité interministériel des outre-mer (CIOM) le 18 juillet 2023 et comme rappelé par le Président de la République à l'occasion de la conférence des ambassadeurs le 6 janvier 2025, les territoires ultramarins doivent être mieux associés à la politique étrangère de la France. Dans l'objectif de mieux intégrer les enjeux de coopération régionale et d'attractivité des territoires d'outre-mer et d'améliorer l'accompagnement des collectivités territoriales ultramarines à l'international, le ministre des affaires étrangères, en lien avec le ministre chargé des outre-mer, renforcera les mécanismes permettant d'associer les collectivités d'outre-mer à la politique étrangère de la France, sur la base d'une stratégie concertée qui sera adoptée lors de la conférence de coopération régionale pour l'océan Indien ;
b) Par la convention signée entre l'État et le conseil départemental de Mayotte le 11 mars 2024, un comité pour l'insertion régionale de Mayotte (CIRM) a été établi comme cadre privilégié de dialogue entre l'État et le département. Le CIRM est chargé de proposer des orientations pluriannuelles en matière de coopération, de définir une feuille de route annuelle qui décline ces orientations pour l'année à venir, d'identifier la formation nécessaire à certains agents territoriaux aux enjeux internationaux et au protocole diplomatique, sur financement du Département de Mayotte, afin de contribuer à la montée en compétence de l'encadrement de Mayotte et d'assurer le suivi des initiatives de coopération engagées dans le cadre de la convention ;
c) Le développement de liens de coopération avec les pays de la zone est à poursuivre :
– dans le sud-ouest de l'océan Indien (zone Commission de l'océan Indien), l'État poursuivra, en cohérence avec la convention de coopération signée avec le conseil départemental de Mayotte en mars 2024, son soutien au déploiement de la stratégie de coopération régionale du conseil départemental, à la mise en œuvre du programme INTERREG « canal du Mozambique » piloté par le conseil départemental de Mayotte, à l'insertion de Mayotte dans la stratégie indopacifique et au déploiement de représentants du conseil départemental dans les postes diplomatiques de la région ;
– dans la région élargie, l'État encouragera les relations entre Mayotte et la Tanzanie, le Kenya, l'Afrique du Sud et le Mozambique ainsi que le dialogue avec la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), afin de soutenir la reconstruction et le développement de Mayotte ;
d) L'État poursuivra ses efforts afin de développer la coopération régionale, autour de Mayotte, sur les secteurs stratégiques suivants :
– environnement : actions de lutte contre l'érosion de la biodiversité, notamment dans le parc naturel marin, au moyen de programmes tels que « VARUNA », permettant des échanges d'expériences entre les gestionnaires des aires marines protégées du sud-ouest de l'océan Indien ;
– agriculture : construction d'une technopole pour promouvoir l'innovation et la recherche, notamment dans le domaine de l'agro-transformation, qui revêt une importance cruciale pour les territoires insulaires, ainsi que la promotion de la production régionale et du développement de filières d'approvisionnement régional dans un cadre normatif contrôlé ;
– économie : conclusion de conventions de partenariat avec des chambres de commerce et d'industrie des pays voisins (Kenya notamment) ;
– numérique : développement de la coopération régionale en matière de connectivité numérique. Le data center en service à Mayotte depuis 2022 (ITH Center) est un modèle en partenariat avec celui de La Réunion et offre son savoir-faire en Afrique de l'Est (Kenya) ;
– formation professionnelle : poursuite des actions visant à renforcer la formation et l'employabilité des jeunes Mahorais, en particulier dans le secteur de l'hôtellerie-restauration aux Seychelles et à Maurice ;
e) De nouvelles coopérations permettant de surmonter les obstacles actuellement rencontrés, notamment en matière de connectivité (aérienne, maritime), pourront être initiées. Un enjeu majeur de coopération régionale est en effet l'amélioration des connexions maritimes (profiter de la position géographique de Mayotte pour développer le port et faire baisser les coûts de transports et d'approvisionnement) et aériennes dans la zone ;
5° Dans ce contexte, la Commission de l'océan Indien (COI) constitue un cadre de coopération à exploiter.
Lors de sa présidence en 2021-2022, la France a décliné un programme ambitieux autour de l'économie bleue, thématique cruciale pour les États insulaires, afin de penser des stratégies adaptées et durables face aux défis environnementaux. Elle a joué à cette occasion un rôle pilote aux côtés de ses partenaires, en menant des projets concrets (journées de nettoyage de plages, formations de pêcheurs, etc.) dans les pays de la COI ainsi que dans les pays côtiers d'Afrique australe et orientale (Afrique du Sud, Kenya, Mozambique, Tanzanie). Mayotte étant déjà intégrée au programme de la COI en matière de sécurité et sûreté maritimes, le plaidoyer pour son intégration aux autres programmes de la COI sera renforcé, notamment en matière de sécurité sanitaire, d'adaptation au changement climatique et de coopération agricole ;
6° Une réflexion sur les dispositions spécifiques supplémentaires pour les régions ultrapériphériques (RUP) pourrait être menée au niveau européen :
a) Pour mémoire, la législation européenne est applicable dans les RUP mais, afin de tenir compte de leurs spécificités, des adaptations aux politiques européennes ont été introduites (Cour de justice de l'Union européenne, Mayotte, 2015) ;
b) Ces mesures concernent notamment les politiques douanières et commerciales, la politique fiscale, les zones franches, les politiques dans les domaines de l'agriculture et de la pêche et les conditions d'approvisionnement en matières premières et en biens de consommation de première nécessité ;
c) La France fait de l'intégration des spécificités des territoires ultramarins aux négociations dans le cadre du prochain cadre financier pluriannuel une priorité. La France demande également l'intégration de ces spécificités préalablement à la production de tout nouvel acte réglementaire ou directive.
I. – Infrastructures portuaires : envisager le passage du port de Longoni sous compétence de l'État en vue de sa modernisation et de son extension
Le port de Longoni doit être considéré comme une infrastructure stratégique pour le développement économique de Mayotte et comme un vecteur d'intégration régionale.
En vue de l'amélioration de la capacité de débarquement, de manutention et de stockage des marchandises, l'État s'engage à soutenir les investissements en matière de modernisation et d'extension des infrastructures portuaires.
Situé sur une route maritime majeure par laquelle transitent 30 % du commerce mondial de pétrole, au cœur d'une zone renfermant des stocks d'hydrocarbures et des ressources halieutiques importants, le port de Longoni doit conforter et affirmer son positionnement stratégique dans le canal du Mozambique.
L'État s'engage dans la transformation du port de Longoni en grand port maritime au terme de la délégation de service public. Un audit financier du port de Longoni sera réalisé avant la fin de l'année 2025.
La transformation du port de Longoni en grand port maritime doit préserver les intérêts de la collectivité territoriale et de l'État.
II. – Infrastructures aéroportuaires : garantir la desserte internationale de Mayotte
La desserte aérienne internationale de Mayotte sera garantie par la construction d'un nouvel aéroport, dont l'implantation est envisagée sur Grande Terre. Il devra s'inscrire dans le cadre d'une plateforme logistique avec le port de Longoni.
L'État prend l'engagement, afin de garantir le désenclavement de Mayotte et de favoriser le développement économique, de conduire les procédures, de mettre en place les financements et de conduire les investissements nécessaires au maintien opérationnel à Mayotte d'un aéroport adapté aux avions long-courriers et de grande capacité et permettant par tout temps les vols directs vers l'hexagone. L'État engage une réflexion sur les infrastructures nécessaires à l'installation d'une zone aéroportuaire à Mayotte, dont l'aménagement de la route départementale n° 2. Cette réflexion, en lien avec l'élaboration du schéma d'aménagement régional, intègre le développement de l'urbanisation utile notamment à l'implantation des logements liés à l'activité aéroportuaire.
La décision déterminant, après concertation, les principes relatifs au nouvel aéroport de Mayotte doit être prise en 2025 et la déclaration d'utilité publique en 2026.
Le renforcement des infrastructures visant à garantir l'accès aux biens et aux ressources essentiels contribue également à créer les conditions du développement économique et de la prospérité.
Faute d'instrument juridique permettant d'accélérer la réalisation des infrastructures prioritaires, l'atteinte des objectifs fixés par le présent rapport dépendra des délais d'expropriation.
4. Programmes d'investissements prioritaires dans les infrastructures et politiques publiques essentielles à Mayotte
Les investissements présentés ci-dessous sont issus du contrat de convergence et de transformation en vigueur et de différents plans d'actions ministériels ou interministériels :
(En millions d'euros) |
|||||
Crédits en soutien aux collectivités territoriales au titre de la reconstruction |
|||||
2025 |
2026 |
2027 |
|||
Autorisations d'engagement |
100 |
200 |
0 |
||
Crédits de paiement |
35 |
125 |
140 |
(En millions d'euros) |
||
Thème |
Eau et assainissement |
|
Phases |
2025-2027 |
2028-2031 |
Actions |
Ajustement des investissements du volet 1 et mise en œuvre des volets 2 et 3 du plan eau Mayotte |
Contrat de progrès eau et assainissement |
Autorisations d'engagement |
350 |
380 |
Total |
730 |
(En millions d'euros) |
||||
Thème |
Santé |
|||
Phases |
2025-2027 |
2028-2030 |
||
Actions |
Travaux au centre hospitalier de Mayotte |
122 |
Poursuite des travaux d'extension du centre hospitalier de Mamoudzou |
122 |
Planification d'un deuxième site hospitalier à Combani |
10 |
Construction d'un deuxième site hospitalier à Combani |
153 |
|
Autorisations d'engagement |
132 |
275 |
||
Total |
407 |
(En millions d'euros) |
|
Thème |
Lutte contre l'immigration clandestine |
Phase |
2025-2027 |
Action |
Renforcement des capacités de détection, de reconnaissance et d'interception par voies maritime et aérienne |
Autorisations d'engagement |
52 |
(En millions d'euros) |
||||
Thème |
Système judiciaire et carcéral |
|||
Phases |
2025-2027 |
2028-2031 |
||
Actions |
Études relatives à la construction d'un deuxième établissement pénitentiaire |
2 |
Réalisation d'un deuxième établissement pénitentiaire |
290 |
Réalisation d'une cité judiciaire |
124 |
|||
Réalisation d'un centre éducatif fermé |
14 |
|||
Autorisations d'engagement |
2 |
428 |
||
Total |
430 |
(En millions d'euros) |
|
Thème |
Construction d'établissements scolaires |
Phase |
2025-2029 |
Action |
Poursuite de la construction de nouvelles salles de classe, de la rénovation des écoles dégradées et du développement de la restauration collective |
Autorisations d'engagement |
400 |
(En millions d'euros) |
|
Thème |
Université de Mayotte |
Phase |
2025-2029 |
Action |
Reconstruction et extension de l'université |
Autorisations d'engagement |
17,7 |
(En millions d'euros) |
|
Thème |
Culture et sport |
Phase |
2025-2029 |
Actions |
Accompagnement de la réhabilitation d'équipements |
Protection du patrimoine et développement des infrastructures culturelles |
|
Développement des infrastructures sportives |
|
Autorisations d'engagement |
17 |
(En millions d'euros) |
|
Thème |
Logement |
Phase |
2025-2029 |
Action |
Soutien à la construction de logements et d'aménagements, y compris opérations de résorption de l'habitat insalubre |
Autorisations d'engagement |
200 |
(En millions d'euros) |
|
Thème |
Aéroport |
Phase |
À compter de la déclaration d'utilité publique (2026) |
Action |
Réalisation d'une piste longue en Grande Terre afin de garantir la desserte internationale de Mayotte |
Autorisations d'engagement |
1 200 |
(En millions d'euros) |
|
Thème |
Transports terrestres et maritimes |
Phase |
2025-2029 |
Actions |
Fluidification de la circulation |
Développement des mobilités alternatives et des transports en commun |
|
Remise à niveau du réseau routier national |
|
Autorisations d'engagement |
104 |
(En millions d'euros) |
|
Thème |
Environnement |
Phase |
2025-2029 |
Actions |
Maîtrise des risques |
Évaluation et suivi de l'impact du cyclone Chido sur la biodiversité |
|
Aménagement durable du littoral |
|
Autorisations d'engagement |
17,4 |
(En millions d'euros) |
|
Thème |
Agriculture et pêche |
Phase |
2025-2029 |
Actions |
Déclinaison du plan stratégique national 2023-2027 |
Réalisation d'équipements au profit de la pêche professionnelle |
|
Autorisations d'engagement |
12 |
(En millions d'euros) |
|
Thème |
Déchets |
Phase |
2025-2029 |
Action |
Accompagnement du rattrapage structurel et développement de l'économie circulaire |
Autorisations d'engagement |
6,9 |
(En millions d'euros) |
|
Thème |
Déploiement de la fibre |
Phase |
2025-2029 |
Action |
Déploiement du réseau de fibre optique sur l'ensemble du territoire |
Autorisations d'engagement |
50 |
Ce premier chiffrage traduit l'engagement financier de l'État en faveur des infrastructures prioritaires de Mayotte.
Les évaluations des dommages et des besoins à la suite des dégâts causés par le cyclone Chido seront confirmées et affinées, en lien avec les ministères compétents, par la mission inter-inspections chargée de l'évaluation des dégâts et des besoins et la mission de reconstruction et de refondation de Mayotte. C'est sur cette base que la programmation des investissements pourra être précisée.
Une programmation annuelle des investissements sera présentée au Parlement avant le 31 décembre 2025.
5. La reconstruction et la refondation de Mayotte appellent un renforcement des services de l'État et des collectivités territoriales
5.1. La mission chargée de la reconstruction de Mayotte garantira la continuité de l'action de l'État, en lien étroit avec un État territorial renforcé dans ses moyens et ses effectifs
La mission chargée de la reconstruction et de la refondation de Mayotte animera le travail interministériel et donnera l'impulsion attendue à tous les services centraux, en travaillant en miroir avec les équipes qui seront déployées à Mayotte, au sein de la préfecture et du futur établissement public.
Elle sera également chargée de la rédaction et de la mise en œuvre d'une stratégie quinquennale 2026-2031 intégrant les quatre dimensions de l'approche globale : sécurité, développement, coopération, institutions. Cette stratégie quinquennale sera présentée aux parlementaires élus à Mayotte et à l'association des maires de Mayotte et fera l'objet d'un avis du conseil départemental de Mayotte avant sa mise en œuvre.
Positionnée auprès de la direction générale des outre-mer et animée par le cabinet du ministre chargé des outre-mer, cette mission interministérielle, dirigée par le préfigurateur chargé de coordonner la reconstruction, couvrira les principaux champs de politique publique concernés par la reconstruction : établissements scolaires, santé, économie, sécurité et migration, agriculture, logement et urbanisme.
Une équipe projet consacrée à la reconstruction et à la refondation de Mayotte doit être mise en place auprès du représentant de l'État à Mayotte. Cette équipe doit être dimensionnée et pourvue en compétences pour couvrir spécifiquement chacun des champs de l'action publique concernés par la reconstruction.
5.2. Le renforcement des collectivités territoriales repose sur la mise en adéquation du statut et des moyens avec l'ampleur inédite du défi à relever
Le Gouvernement entend refonder Mayotte avec les collectivités territoriales. L'État s'engage à faciliter l'exercice de leurs compétences par les institutions démocratiques locales.
D'abord, l'État s'engage à mettre à la disposition des collectivités territoriales les compétences en ingénierie de l'établissement public de refondation institué par la loi n° 2025-176 du 24 février 2025 d'urgence pour Mayotte. De même, pour le temps de la refondation et via l'établissement public, seront mobilisés en faveur de Mayotte les établissements publics nationaux les mieux à même d'accompagner les collectivités, notamment le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) et l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).
Une équipe interministérielle, comportant des représentants des différents ministères impliqués dans la refondation du territoire, à l'image de la mission interministérielle de reconstruction installée en janvier 2025, placée auprès du représentant de l'État, vient en soutien de l'assemblée de Mayotte et de ses services. L'équipe apportera son expertise aux services de l'assemblée pour rédiger, dans un délai de deux ans, un schéma régional d'aménagement et de développement qui priorise les investissements publics et clarifie leurs financements. L'élaboration de ce schéma sera réalisée avec le soutien de l'ensemble des services de l'État et en liaison avec le ministère chargé des outre-mer. « Expertise France » s'associe aux services de l'assemblée de Mayotte pour préparer les dossiers de demandes de fonds européens.
L'État entend ensuite accroître les marges de manœuvre des collectivités territoriales. Le recensement de la population permettra d'adapter les moyens des communes à la réalité de leur population.
L'action de lutte contre l'habitat illégal signifiera la fin de dépenses liées à la présence de populations bénéficiant de services sans acquitter de contributions locales.
En complément, la fiabilisation du cadastre et les procédures d'acquisition par prescription vont développer les bases fiscales et donc les recettes des collectivités territoriales, en particulier la taxe foncière sur les propriétés bâties.
C'est le développement économique de Mayotte qui doit générer une dynamique de hausse des recettes fiscales des collectivités territoriales. C'est pourquoi la convergence économique est conçue comme la clé de l'ambition territoriale, sociale et institutionnelle pour Mayotte.
5.3. La refondation de Mayotte doit se traduire par un état des lieux des compétences exercées par la collectivité
5.3.1. Mettre en œuvre un transfert progressif des compétences régionales et départementales non exercées par la collectivité de Mayotte
Afin d'achever le processus de départementalisation engagé en 2011, l'État s'engage à doter l'assemblée de Mayotte et son président des moyens nécessaires pour mener à bien la reconstruction du territoire mahorais.
Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, l'État se prononcera sur l'opportunité et les modalités d'un transfert à la collectivité de Mayotte, à l'horizon 2028, des compétences en matière de routes, de collèges, de lycées ainsi que de gestion des fonds européens. Le transfert ne deviendrait effectif qu'une fois :
– le réseau des routes remis en état ;
– et les collèges et lycées réhabilités ou reconstruits par l'État.
Le transfert de compétences inclurait :
– la mise à disposition par l'État, pendant une période transitoire, des agents publics aujourd'hui chargés de mettre en œuvre ces politiques publiques ;
– et un programme de formation des agents de la collectivité de Mayotte, afin de garantir la continuité et la qualité du service.
5.3.2. Réévaluer les transferts financiers de l'État vers la collectivité de Mayotte
La mise en œuvre de ce transfert s'appuie sur une étude comparative du niveau actuel des compensations versées à la collectivité de Mayotte et du coût réel de l'exercice de ces compétences transférées. Sur la base de cette étude, une dotation de rattrapage est attribuée à la collectivité de Mayotte.
Une clause de réexamen biennal prévoit l'actualisation des ressources destinées à compenser tout transfert, toute création, toute extension ou toute modification de compétence.
6. Une évaluation associant l'ensemble des acteurs
La présente loi et les investissements prévus dans le présent rapport feront l'objet d'une évaluation régulière, associant l'ensemble des acteurs.
Un comité de suivi de la présente loi sera institué auprès du Premier ministre afin de veiller au suivi de la mise en œuvre et à l'évaluation des mesures prévues par la présente loi et le présent rapport annexé et d'en rendre compte au Parlement. Présidé par une personnalité désignée par le Premier ministre, ce comité sera notamment composé de trois députés et de trois sénateurs, de représentants des élus locaux et de représentants de l'État.
Un rapport intermédiaire évaluant les résultats de la reconstruction et de la refondation de Mayotte et la réalisation des investissements sera remis au Parlement avant le 1er juillet 2028. Il pourra donner lieu à un débat au Parlement.
Article 1er bis AA
I. – Les investissements prioritaires dans les infrastructures et les politiques publiques essentielles à Mayotte au cours de la période 2025-2031 sont présentés dans les tableaux du présent I. Ces investissements peuvent être réévalués afin d'assurer la reconstruction et la refondation de Mayotte.
(En millions d'euros) |
|||
Crédits en soutien aux collectivités territoriales au titre de la reconstruction |
|||
2025 |
2026 |
2027 |
|
Autorisations d'engagement |
100 |
200 |
0 |
Crédits de paiement |
35 |
125 |
140 |
(En millions d'euros) |
||
Thème |
Eau et assainissement |
|
Phases |
2025-2027 |
2028-2031 |
Actions |
Ajustement des investissements du volet 1 et mise en œuvre des volets 2 et 3 du plan eau Mayotte |
Contrat de progrès eau et assainissement |
Autorisations d'engagement |
350 |
380 |
Total |
730 |
(En millions d'euros) |
||||
Thème |
Santé |
|||
Phases |
2025-2027 |
2028-2031 |
||
Actions |
Travaux au centre hospitalier de Mayotte |
122 |
Poursuite des travaux d'extension du centre hospitalier de Mamoudzou |
122 |
Planification d'un deuxième site hospitalier à Combani |
10 |
Construction d'un deuxième hospitalier à Combani |
153 |
|
Autorisations d'engagement |
132 |
275 |
||
Total |
407 |
(En millions d'euros) |
|
Thème |
Lutte contre l'immigration clandestine |
Phases |
2025-2027 |
Action |
Renforcement des capacités de détection, de reconnaissance et d'interception par voies maritime et aérienne |
Autorisations d'engagement |
52 |
(En millions d'euros) |
||||
Thème |
Système judiciaire et carcéral |
|||
Phases |
2025-2027 |
2028-2031 |
||
Actions |
Études relatives à la construction d'un deuxième établissement pénitentiaire |
2 |
Réalisation d'un deuxième établissement pénitentiaire |
290 |
Réalisation d'une cité judiciaire |
124 |
|||
Réalisation d'un centre éducatif fermé |
14 |
|||
Autorisations d'engagement |
2 |
428 |
||
Total |
430 |
(En millions d'euros) |
|
Thème |
Construction d'établissements scolaires |
Phases |
2025-2029 |
Action |
Poursuite de la construction de nouvelles salles de classes, de la rénovation des écoles dégradées et du développement de la restauration collective |
Autorisations d'engagement |
400 |
(En millions d'euros) |
|
Thème |
Université de Mayotte |
Phases |
2025-2029 |
Action |
Reconstruction et extension de l'université |
Autorisations d'engagement |
17,7 |
(En millions d'euros) |
|
Thème |
Culture et sport |
Phases |
2025-2029 |
Actions |
Accompagnement de la réhabilitation d'équipements |
Protection du patrimoine et développement des infrastructures culturelles |
|
Développement des infrastructures sportives |
|
Autorisations d'engagement |
17 |
(En millions d'euros) |
|
Thème |
Logement |
Phases |
2025-2029 |
Action |
Soutien à la construction de logements et d'aménagements, y compris opérations de résorption de l'habitat insalubre |
Autorisations d'engagement |
200 |
(En millions d'euros) |
|
Thème |
Aéroport |
Phases |
À compter de la déclaration d'utilité publique (2026) |
Action |
Réalisation d'une piste longue en Grande Terre afin de garantir la desserte internationale de Mayotte |
Autorisations d'engagement |
1200 |
(En millions d'euros) |
|
Thème |
Transports terrestres et maritimes |
Phases |
2025-2029 |
Actions |
Fluidification de la circulation |
Développement des mobilités alternatives |
|
Remise à niveau du réseau routier national |
|
Autorisations d'engagement |
104 |
(En millions d'euros) |
|
Thème |
Environnement |
Phases |
2025-2029 |
Actions |
Maîtrise des risques |
Évaluation et suivi de l'impact du cyclone Chido sur la biodiversité |
|
Aménagement durable du littoral |
|
Autorisations d'engagement |
17,4 |
(En millions d'euros) |
|
Thème |
Agriculture et pêche |
Phases |
2025-2029 |
Actions |
Déclinaison du plan stratégique national 2023-2027 |
Réalisation d'équipements au profit de la pêche professionnelle |
|
Autorisations d'engagement |
12 |
(En millions d'euros) |
|
Thème |
Déchets |
Phases |
2025-2029 |
Action |
Accompagnement du rattrapage structurel et développement de l'économie circulaire |
Autorisations d'engagement |
6,9 |
(En millions d'euros) |
|
Thème |
Déploiement de la fibre |
Phases |
2025-2029 |
Action |
Déploiement du réseau de fibre optique sur l'ensemble du territoire |
Autorisations d'engagement |
50 |
II. – Avant le 31 décembre 2025, le Gouvernement remet au Parlement une programmation annuelle des investissements prévus au I.
Article 1er bis A
I. – Un comité de suivi, placé auprès du Premier ministre, est chargé de veiller au suivi de la mise en œuvre et à l'évaluation de la présente loi et d'en rendre compte au Parlement.
Ce comité est présidé par une personnalité désignée par le Premier ministre. Il est composé :
1° De trois députés et de trois sénateurs ainsi que des parlementaires élus à Mayotte ;
2° De deux membres de la Cour des comptes, désignés par cette cour ;
3° De quatre représentants de l'État ;
3° bis Du représentant de l'État à Mayotte ;
4° Du président de l'assemblée de Mayotte, du président de l'association des maires de Mayotte et du président de l'association des intercommunalités de Mayotte.
Les membres du comité exercent leurs fonctions à titre gratuit.
Les documents communiqués par le Gouvernement au comité de suivi sont transmis, pour information, aux commissions permanentes chargées des questions institutionnelles de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Ce comité remet, avant le 1er juillet 2028, un rapport public intermédiaire évaluant l'impact de la reconstruction et de la refondation de Mayotte et la réalisation des investissements.
II. – Le comité de suivi est institué dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi.
Article 1er bis
Jusqu'au 31 décembre 2030, le représentant de l'État à Mayotte dirige l'action de l'ensemble des services et des établissements publics de l'État ayant un champ d'action territorial à Mayotte, qui sont placés pour emploi sous son autorité, à l'exclusion de l'établissement public chargé de coordonner les travaux de reconstruction de Mayotte mentionné à l'article 1er de la loi n° 2025-176 du 24 février 2025 d'urgence pour Mayotte.
Un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'application du présent article.
TITRE II
LUTTER CONTRE L'IMMIGRATION CLANDESTINE ET L'HABITAT ILLÉGAL
Chapitre Ier
Durcir les conditions d'accès au séjour en les adaptant à la situation particulière de Mayotte
Article 2
L'article L. 441-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un 1° AA ainsi rédigé :
« 1° AA Au 2° de l'article L. 412-2, les références : “L. 423-7,” et “L. 423-23,” sont supprimées ; »
1° bis Le 1° A est abrogé ;
2° Le 8° bis est complété par les mots : « et, à la fin, les mots : “, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1” sont supprimés » ;
2° bis Le 8° ter est ainsi rédigé :
« 8° ter L'article L. 423-8 est ainsi modifié :
« a) Au premier alinéa, après la première occurrence du mot : “enfant”, sont insérés les mots : “depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins trois ans” ;
« b) Le second alinéa est supprimé ;
« c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« “La preuve de la contribution effective ne peut être apportée que par des justificatifs nominatifs.” ; »
3° Après le même 8° ter, il est inséré un 8° quater ainsi rédigé :
« 8° quater Au premier alinéa de l'article L. 423-10, les mots : “en France et titulaire depuis au moins trois années” sont remplacés par les mots : “régulièrement et de manière ininterrompue en France depuis au moins cinq années et titulaire” ; »
4° Après le 10°, il est inséré un 10° bis ainsi rédigé :
« 10° bis Au premier alinéa de l'article L. 423-23, après le mot : “étranger”, sont insérés les mots : “résidant habituellement depuis au moins sept ans à Mayotte” et, à la fin, les mots : “, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1” sont supprimés ; ».
Article 2 bis A
I. – L'article L. 441-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est abrogé.
II. – Le I du présent article entre en vigueur le 1er janvier 2030.
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Article 2 ter
Après le 13° de l'article L. 441-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un 13° bis ainsi rédigé :
« 13° bis Pour l'application du 2° de l'article L. 434-7, ne peut être considéré comme normal un logement édifié ou occupé sans droit ni titre ou relevant de l'habitat informel ; ».
Chapitre II
Améliorer les dispositifs de lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité
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Chapitre III
Mieux lutter contre l'immigration irrégulière et faciliter l'éloignement
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Article 6 bis
Le 4° de l'article L. 761-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est abrogé.
Article 7
I. – Après le 5° de l'article L. 761-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un 5° bis ainsi rédigé :
« 5° bis L'article L. 741-5 est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :
« “Lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision, l'étranger accompagné d'un mineur qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 peut, pour le temps strictement nécessaire à l'organisation de l'éloignement, qui ne peut excéder quarante-huit heures, être placé dans des lieux spécialement adaptés à la prise en charge des besoins de l'unité familiale.
« “Les caractéristiques de ces lieux, qui sont indépendants des lieux de rétention et qui garantissent aux membres de la famille une intimité adéquate, dans des conditions qui tiennent compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, sont définies par décret en Conseil d'État.
« “En cas d'impossibilité matérielle de procéder à l'éloignement pour une raison étrangère à l'administration, l'autorité administrative peut proroger ce placement pour une nouvelle durée de vingt-quatre heures.
« “L'étranger qui fait l'objet d'une décision de placement ou de prorogation de placement en application des deuxième et quatrième alinéas du présent article peut la contester devant le magistrat du siège du tribunal judiciaire dans un délai de quarante-huit heures. Le magistrat du siège du tribunal judiciaire statue, par ordonnance, dans les quarante-huit heures suivant sa saisine.
« “Sous réserve de ces adaptations, les chapitres Ier à IV du titre IV du présent livre sont applicables.” ; ».
I bis. – Le III de l'article 86 de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration est ainsi rédigé :
« III. – Le 1° de l'article 40 s'applique à Mayotte à compter du 1er janvier 2027. Le 3° du même article 40 s'applique à Mayotte à compter du 1er juillet 2028. »
II. – Le I entre en vigueur le 1er juillet 2028.
Article 8
La section 2 du chapitre Ier du titre IV du livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complétée par un article L. 441-10 ainsi rédigé :
« Art. L. 441-10. – À Mayotte, un document de séjour peut, par une décision motivée, être retiré à tout étranger majeur exerçant l'autorité parentale sur un étranger mineur capable de discernement dont le comportement constitue une menace pour l'ordre public, lorsque la soustraction, par l'étranger majeur, à ses obligations légales compromet la santé, la sécurité, la moralité et l'éducation de l'étranger mineur et contribue directement à ce que le comportement de celui-ci constitue une telle menace.
« La décision de retrait peut intervenir au plus tôt un mois et au plus tard six mois après qu'un avertissement a été adressé à l'étranger majeur, par courrier ou au cours d'un entretien, si les conditions prévues au premier alinéa sont toujours réunies. L'intéressé est préalablement mis à même de présenter ses observations, dans les conditions prévues à l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration.
« Par dérogation au premier alinéa du présent article, une carte de résident ou une carte de résident permanent ne peut être retirée, dans les conditions prévues aux deux premiers alinéas, que lorsque le comportement de l'étranger mineur constitue une menace grave pour l'ordre public. En cas de retrait, l'article L. 611-1 n'est pas applicable. En cas de retrait de la carte de résident d'un étranger qui ne peut pas faire l'objet d'une décision d'expulsion en application des articles L. 631-2 ou L. 631-3, une autorisation provisoire de séjour lui est délivrée de droit et, en cas de retrait d'une carte de résident permanent, une carte de séjour temporaire lui est délivrée de droit.
« La décision de retrait ne peut être prise si l'étranger est titulaire d'un document de séjour délivré en application du 6° de l'article L. 411-1 ou des articles L. 424-1, L. 424-9 ou L. 424-13. »
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Article 9
I. – Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Après l'article L. 561-10-4, il est inséré un article L. 561-10-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 561-10-5. – À Mayotte, avant de procéder à une opération de transmission de fonds mentionnée au 6° du II de l'article L. 314-1 à partir d'un versement d'espèces, les personnes énumérées aux 1° à 1° quater de l'article L. 561-2 vérifient, à titre de mesure de vigilance complémentaire, la régularité du séjour de leur client s'il n'est pas ressortissant d'un État membre de l'Union européenne. Cette vérification s'effectue par la présentation de l'original de tout document de séjour.
« L'absence de justification de la régularité du séjour dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article fait obstacle à l'opération de transmission de fonds. » ;
2° Le chapitre IV du titre VII du livre V est complété par un article L. 574-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 574-7. – Est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende le fait de faire procéder ou de participer, pour le compte d'un étranger en situation irrégulière, à une opération de transmission de fonds mentionnée au 6° du II de l'article L. 314-1 à partir d'un versement d'espèces aux fins de faire obstacle à l'exécution de la mesure de vigilance prévue à l'article L. 561-10-5.
« L'étranger condamné en application du premier alinéa du présent article encourt l'interdiction du territoire français pour une durée de dix ans au plus. »
II. – Le I est applicable à compter du premier jour du deuxième mois suivant celui de la publication de la présente loi.
Chapitre IV
Renforcer la lutte contre l'habitat informel
Article 10
I. – La loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer est ainsi modifiée :
1° Le I de l'article 11-1 est ainsi modifié :
a) Au début de la première phrase du premier alinéa, les mots : « À Mayotte et » sont supprimés ;
b) Au dernier alinéa, les mots : « ou au livre foncier » sont supprimés ;
2° Après le même article 11-1, il est inséré un article 11-2 ainsi rédigé :
« Art. 11-2. – I. – À Mayotte, lorsque des locaux ou des installations édifiés sans droit ni titre constituant un habitat informel, au sens du deuxième alinéa de l'article 1er-1 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, forment un ensemble homogène sur un ou plusieurs terrains d'assiette et présentent des risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques, le représentant de l'État dans le département peut, par arrêté, ordonner aux occupants de ces locaux et de ces installations d'évacuer les lieux et aux propriétaires de procéder à leur démolition à l'issue de l'évacuation. L'arrêté prescrit toutes mesures nécessaires pour empêcher l'accès et l'usage de cet ensemble de locaux et d'installations au fur et à mesure de leur évacuation.
« Un rapport motivé établi par les services chargés de l'hygiène et de la sécurité placés sous l'autorité du représentant de l'État dans le département et une proposition de relogement ou d'hébergement d'urgence sont annexés à l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent I.
« Le même arrêté précise le délai accordé pour évacuer et démolir les locaux et les installations mentionnés au même premier alinéa. Ce délai ne peut être inférieur à quinze jours à compter de la notification de l'arrêté et de ses annexes aux occupants et aux propriétaires. Lorsque le propriétaire n'occupe pas le local ou l'installation, le délai accordé pour procéder à la démolition est allongé de huit jours à compter de l'évacuation volontaire des lieux.
« À défaut de pouvoir identifier les propriétaires, notamment en l'absence de mention au livre foncier, la notification les concernant est valablement effectuée par affichage à la mairie de la commune et sur la façade des locaux et des installations concernés.
« II. – Lorsqu'il est constaté, par un procès-verbal dressé par une personne mentionnée au premier alinéa de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme, qu'un local ou une installation a été construit depuis moins de sept jours sans droit ni titre dans un secteur d'habitat informel, au sens du deuxième alinéa de l'article 1er-1 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 précitée, le représentant de l'État dans le département peut, par arrêté, ordonner au propriétaire de procéder à la démolition dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de l'acte.
« Si le local ou l'installation est occupé, le représentant de l'État dans le département ordonne aux occupants d'évacuer les lieux dans un délai qui ne peut être inférieur à quinze jours à compter de la notification de l'arrêté. Lorsque le propriétaire n'occupe pas le local ou l'installation, le délai accordé pour procéder à la démolition est allongé de vingt-quatre heures à compter de l'évacuation volontaire des lieux.
« À défaut de pouvoir identifier les propriétaires, notamment en l'absence de mention au livre foncier, la notification les concernant est valablement effectuée par affichage à la mairie de la commune et sur la façade des locaux et des installations concernés.
« III. – L'obligation d'évacuer les lieux et l'obligation de les démolir résultant des arrêtés mentionnés aux I et II du présent article ne peuvent faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration des délais accordés pour y procéder volontairement, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi par le propriétaire ou l'occupant concerné, dans les délais d'exécution volontaire, d'un recours dirigé contre ces décisions sur le fondement des articles L. 521-1 à L. 521-3 du code de justice administrative. L'État supporte les frais liés à l'exécution d'office des mesures prescrites. »
II. – Jusqu'au 13 décembre 2034, le représentant de l'État à Mayotte peut, de manière motivée, compte tenu des circonstances locales et notamment de l'état du parc de logement et d'hébergement ainsi que des possibilités de relogement, déroger à l'obligation d'annexer une proposition de relogement ou d'hébergement d'urgence à l'arrêté prévu au I de l'article 11-2 de la loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer.
Article 10 bis
(Supprimé)
TITRE III
PROTÉGER LES MAHORAIS
Chapitre Ier
Renforcer le contrôle des armes
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Article 12
Le chapitre II du titre IV du livre III du code de la sécurité intérieure est complété par une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Injonctions préfectorales
« Art. L. 342-9. – À Mayotte, si les circonstances font craindre des troubles graves à l'ordre public résultant de violences commises sous la menace ou avec usage d'une arme, le représentant de l'État dans le département peut ordonner par arrêté, sur tout ou partie du territoire, la remise des armes, des munitions ou de leurs éléments relevant des catégories A à D définies à l'article L. 311-2 ainsi que des objets susceptibles de constituer une arme dangereuse pour la sécurité publique.
« La durée de conservation des armes remises en application du premier alinéa du présent article ne peut excéder trois mois. Elle peut être renouvelée pour une même durée si les conditions prévues au même premier alinéa continuent d'être remplies.
« L'arrêté précise les motifs de la mesure, le territoire ainsi que les armes et les objets concernés par l'obligation, les conditions de la remise, le délai à l'expiration duquel le détenteur doit avoir procédé à celle-ci, la durée de conservation des armes et des objets remis, les cas dans lesquels il peut y être dérogé pour motif légitime et les peines encourues en application de l'article L. 317-6 en cas de non-respect des mesures prises en application du présent article.
« Les armes et les objets remis en application du premier alinéa du présent article donnent lieu à la délivrance d'un récépissé.
« Leur conservation est confiée aux services de la police nationale ou de la gendarmerie territorialement compétents.
« Lorsque les conditions prévues au même premier alinéa ne sont plus remplies, et au plus tard à l'échéance du délai de conservation prévu par l'arrêté préfectoral, les armes et les objets remis sont rendus à leur propriétaire en l'état où ils étaient lors de leur dépôt. S'il apparaît que les armes étaient détenues irrégulièrement, il est procédé à leur destruction.
« Les détenteurs des armes et des objets remis en application dudit premier alinéa peuvent décider de les remettre à l'État aux fins de destruction, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.
« Le non-respect des mesures prises en application du présent article est puni des peines prévues à l'article L. 317-6. Le tribunal peut ordonner, en outre, la confiscation des armes, des munitions et de leurs éléments dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition. »
Chapitre II
Renforcer la lutte contre l'emploi d'étrangers sans titre
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Article 13 bis
(Supprimé)
TITRE IV
FAÇONNER L'AVENIR DE MAYOTTE
Chapitre Ier
Garantir aux Mahorais l'accès aux biens et aux ressources essentiels
Article 14
I. – Par dérogation aux deux derniers alinéas du VI de l'article 156 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, à Mayotte, les enquêtes de recensement :
1° Sont exhaustives pour toutes les communes de Mayotte en 2025 et peuvent s'étendre sur l'année 2026 ;
2° Ne sont pas réalisées au titre de l'année 2026.
Un décret définit les modalités d'organisation de ces enquêtes.
II. – Par dérogation au X de l'article 156 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 précitée, le premier décret authentifiant, en application du VIII du même article 156, les chiffres de la population de Mayotte est publié en 2026.
III. – Au dernier alinéa du IV de l'article 252 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, l'année : « 2025 » est remplacée par l'année : « 2026 ».
IV. – La dotation forfaitaire prévue au III de l'article 156 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 précitée est versée aux communes avant les enquêtes de recensement prévues au I du présent article.
Article 15
I. – Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi afin de rendre applicable à Mayotte, sous réserve d'adaptations tenant compte des caractéristiques et des contraintes particulières du territoire, la législation en vigueur dans l'hexagone dans les matières relatives :
1° Aux prestations de sécurité sociale, à l'exception de l'aide médicale de l'État, à l'aide sociale et à la prise en charge des frais de santé ;
2° Aux cotisations, contributions et impositions affectées au financement des régimes de sécurité sociale ;
3° À l'organisation et à la gestion des régimes de sécurité sociale ;
4° Aux règles applicables à l'offre de soins ;
5° Aux contrôles et à la lutte contre la fraude, aux échanges d'informations et aux contentieux relatifs à la sécurité sociale et à l'aide sociale ;
5° bis (nouveau) Aux conditions dans lesquelles, à compter du 1er janvier 2026, la réduction définie à l'article 28-7 de l'ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l'amélioration de la santé publique, à l'assurance maladie, maternité, invalidité, décès et autonomie, au financement de la sécurité sociale à Mayotte et à la caisse de sécurité sociale de Mayotte intègre les contributions dues par l'employeur au titre de l'assurance chômage prévues au 1° de l'article L. 5422-9 du code du travail et s'applique aux gains et rémunérations inférieurs au salaire minimum de croissance versé à Mayotte, majoré de 60 % ;
6° Aux conditions dans lesquelles, à partir du 1er janvier 2027, les exonérations définies à l'article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale sont rendues applicables à Mayotte et l'article 244 quater C du code général des impôts est abrogé.
Les ordonnances procèdent aux modifications nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes, améliorer la cohérence rédactionnelle des textes, harmoniser l'état du droit, remédier aux erreurs et insuffisances et abroger les dispositions obsolètes ou devenues sans objet.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de chaque ordonnance.
II. – À partir de 2026 et jusqu'en 2036, le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport sur les disparités constatées en matière de montants et de conditions d'accès aux prestations sociales versées à Mayotte, comparées à celles versées dans l'hexagone et dans les autres territoires relevant de l'article 73 de la Constitution.
Ce rapport présente notamment les ordonnances prises en application du premier alinéa du I du présent article au cours de l'année écoulée et les autres mesures à caractère législatif ou réglementaire applicables à Mayotte prises dans les matières mentionnées aux 1° à 6° du même I et indique si elles respectent le calendrier proposé dans le rapport prévu à l'article 36 de la loi n° 2025-176 du 24 février 2025 d'urgence pour Mayotte.
Ce rapport précise :
1° Les montants moyens versés par type de prestation ;
2° Les taux de recours et de non-recours observés pour chaque prestation ;
3° Les délais moyens de traitement des dossiers et de versement des prestations ;
4° Les disparités d'effectivité et de qualité du service public dans l'instruction des droits et le suivi des bénéficiaires ;
5° Les obstacles à l'harmonisation des régimes et les moyens envisagés pour réduire les écarts.
Le rapport formule, le cas échéant, des recommandations pour garantir une convergence progressive des droits et une amélioration de l'accès aux prestations pour les habitants de Mayotte.
Tous les trois mois jusqu'à la publication de l'ensemble des ordonnances prévues au I du présent article, le Gouvernement adresse au Parlement un tableau de bord de l'état d'avancement de l'élaboration des ordonnances. Ce tableau présente les principales dispositions et orientations arbitrées et les données d'impact utiles.
III. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant des 5° bis et 6° du I est compensée à due concurrence par la majoration de l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Article 15 bis A
(Supprimé)
Article 15 bis B
I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l'article L. 1110-3-1 est complété par les mots : « ou au motif qu'elle bénéficie de la protection complémentaire en matière de santé prévue à l'article 21-13 de l'ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l'amélioration de la santé publique, à l'assurance maladie, maternité, invalidité, décès et autonomie, au financement de la sécurité sociale à Mayotte et à la caisse de sécurité sociale de Mayotte » ;
2° À l'article L. 1511-1, les mots : « “de la protection complémentaire en matière de santé prévue à l'article L. 861-1 du code de la sécurité sociale ou” sont supprimés et les mots : » sont supprimés.
II. – L'ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l'amélioration de la santé publique, à l'assurance maladie, maternité, invalidité, décès et autonomie, au financement de la sécurité sociale à Mayotte et à la caisse de sécurité sociale de Mayotte est ainsi modifiée :
A. – L'article 19 est ainsi modifié :
1° Le II est ainsi modifié :
a) Le 1° est ainsi modifié :
– les mots : « majeure de nationalité française résidant » sont remplacés par les mots : « exerçant une activité professionnelle, au sens de l'article L. 111-2-2 du code de la sécurité sociale, ou résidant de façon stable et régulière » et les mots : « les seules prestations en nature » sont remplacés par les mots : « la prise en charge des frais de santé » ;
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'appréciation de la stabilité de la résidence et de la régularité du séjour à Mayotte ; »
b) Le 2° est abrogé ;
c) À la fin du 3°, les mots : « les établissements ou services mentionnés aux 1° et 4° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles » sont remplacés par les mots : « le service de l'aide sociale à l'enfance ou les services et établissements de la protection judiciaire de la jeunesse » ;
2° Au III, les mots : « qui sont à sa charge, qu'ils soient légitimes, naturels, reconnus ou non, adoptifs, pupilles de la nation dont l'affilié est tuteur, » sont remplacés par les mots : « n'exerçant pas d'activité professionnelle qui sont à sa charge, à condition que la filiation, y compris la filiation adoptive, soit légalement établie ou qu'ils soient pupilles de la Nation » ;
3° Au début du premier alinéa du IV, les mots : « Nonobstant les dispositions du 2° du II, » sont supprimés ;
B. – Après le même article 19, il est inséré un article 19-1 ainsi rédigé :
« Art. 19-1. – I. – Toute personne travaillant ou, lorsqu'elle n'exerce pas d'activité professionnelle, résidant à Mayotte de manière stable et régulière bénéficie, en cas de maladie ou de maternité, de la prise en charge de ses frais de santé dans les conditions fixées par la présente ordonnance.
« L'exercice d'une activité professionnelle et les conditions de résidence à Mayotte sont appréciés dans les conditions prévues à l'article 19.
« Un décret en Conseil d'État prévoit les conditions dans lesquelles les personnes qui résident à Mayotte et cessent de remplir les conditions de résidence stable et régulière bénéficient, dans la limite d'un an, d'une prolongation du droit à la prise en charge des frais de santé mentionnée aux articles 19, 20 et 20-1 et, le cas échéant, à la protection complémentaire en matière de santé prévue à l'article 21-13.
« II. – Par dérogation au I du présent article, les ayants droit mentionnés au III de l'article 19 bénéficient de la prise en charge de leurs frais de santé.
« Le statut d'ayant droit prend fin, à une date fixée par décret, l'année au cours de laquelle l'enfant atteint l'âge de sa majorité.
« L'enfant qui a atteint l'âge de seize ans peut demander, selon des modalités prévues par décret, à bénéficier, à titre personnel, de la prise en charge de ses frais de santé en cas de maladie ou de maternité.
« Les services mentionnés au 3° du II du même article 19 bénéficient, pour le compte de la personne mineure résidant à Mayotte dont ils ont la charge, de la prise en charge de ses frais de santé en cas de maladie ou de maternité. » ;
C. – Le dernier alinéa de l'article 20 est supprimé ;
D. – L'article 21-2-1 est ainsi modifié :
1° Le a est ainsi modifié :
a) Les mots : « à l'article L. 160-1 » sont remplacés par les mots : « mentionnée à l'article L. 115-6 » ;
b) Les mots : « au 2° » sont remplacés par les mots : « de résidence régulière mentionnée au 1° » ;
c) Sont ajoutés les mots : « et le mot “général” est remplacé par les mots : “mentionné au I du même article 19” » ;
2° Au dernier alinéa, la référence : « 2° » est remplacée par la référence : « 1° » ;
E. – L'article 21-13 est ainsi modifié :
1° Le 2° est ainsi modifié :
a) Le a est ainsi rédigé :
« a) Au premier alinéa, les références aux articles L. 815-1 et L. 821-1 sont remplacées respectivement par les références aux articles 28 et 35 de l'ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte ; »
b) Le b est ainsi rédigé :
« b) Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : “Sont également réputés satisfaire à ces conditions les bénéficiaires des allocations mentionnées aux articles 28 et 35 de l'ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 précitée ainsi que les membres de leur foyer, au sens de l'article L. 861-1 du présent code.”; »
2° Le 3° est ainsi modifié :
a) Le a est abrogé ;
b) Le c est ainsi rédigé :
« c) À la première phrase du dernier alinéa, les mots : “de l'allocation mentionnée à l'article L. 815-1 ou d'une des allocations mentionnées à l'article 2 de l'ordonnance n° 2004-605 du 24 juin 2004 simplifiant le minimum vieillesse” sont remplacés par les mots : “des allocations mentionnées aux articles 28 et 35 de l'ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte et les membres de leur foyer”. »
III. – Le I entre en vigueur le 1er juillet 2026, à l'exception du E, qui entre en vigueur le 1er janvier 2026.
Article 15 bis
À compter du 1er janvier 2026, le montant du salaire minimum de croissance net à Mayotte est relevé pour atteindre 87,5 % de sa valeur applicable en métropole, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Article 16
I. – L'article 23-8 de l'ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte est ainsi rédigé :
« Art. 23-8. – Le régime de retraite complémentaire mentionné à l'article L. 921-2-1 du code de la sécurité sociale est rendu applicable à Mayotte à une date fixée par décret, et au plus tard deux ans après la promulgation de la loi n° … du … de programmation pour la refondation de Mayotte. »
II. – Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la mise en œuvre de l'article 23-7 de l'ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte.
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Article 17 bis AA
(Supprimé)
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Article 18
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 4031-1 est ainsi rédigée : « Une union régionale interprofessionnelle des professionnels de santé de Mayotte rassemble les représentants des différentes catégories de professionnels de santé exerçant à titre libéral. » ;
1° bis (nouveau) À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 4031-3, après la première occurrence du mot : « et », sont insérés les mots : « l'union régionale interprofessionnelle des professionnels de santé de Mayotte mentionnée à l'article L. 4031-1 ainsi que » ;
1° ter (nouveau) À la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 4031-4, après le mot : « santé », sont insérés les mots : « et de l'union régionale interprofessionnelle des professionnels de santé de Mayotte mentionnée à l'article L. 4031-1 » ;
2° L'article L. 4031-7 est ainsi rédigé :
« Art. L. 4031-7. – Au moins un représentant de chaque profession de santé siège au sein de l'union régionale interprofessionnelle des professionnels de santé de Mayotte. Les règles de désignation et de fonctionnement de l'union sont définies par décret en Conseil d'État. »
Chapitre II
Favoriser l'aménagement durable de Mayotte
Article 19
(Supprimé)
Article 19 bis A
I. – L'avant-dernier alinéa du I de l'article L. 561-3 du code de l'environnement est ainsi modifié :
1° La deuxième phrase est complétée par les mots : « ou par l'établissement public de l'État à Mayotte mentionné à l'article L. 321-36-8 du code de l'urbanisme » ;
2° La dernière phrase est complétée par les mots : « ou l'établissement public de l'État à Mayotte mentionné au même article L. 321-36-8 ».
II (nouveau). – Le I du présent article entre en vigueur à la date prévue à l'article 4 de l'ordonnance n° 2025-453 du 23 mai 2025 relative à la transformation de l'établissement public foncier et d'aménagement de Mayotte.
Article 19 bis B
L'article L. 5723-1 du code des transports est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À Mayotte, les ports relevant de l'État auxquels s'applique le livre III de la présente partie figurent sur une liste fixée par décret en Conseil d'État. »
Article 19 bis
Le projet d'aéroport à Mayotte destiné à accueillir la piste longue adaptée aux vols long-courriers est assimilé à une opération d'aménagement définie à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme pour ce qui concerne les dispositions relatives au déroulement de l'enquête d'utilité publique prévues par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
Article 19 ter
I. – La concertation postérieure au débat public, engagée en application de l'article L. 121-14 du code de l'environnement, relative au projet de piste longue adaptée aux vols long-courriers à Mayotte est poursuivie jusqu'à la décision du maître d'ouvrage prise à l'issue d'une procédure de consultation du public dans les conditions suivantes :
1° Un dossier destiné au public est établi par le maître d'ouvrage. Il comporte tous les éléments nécessaires à l'information du public, notamment les objectifs et les caractéristiques principales du projet, son coût estimé et une présentation des solutions alternatives envisagées, y compris celles concernant les ressources de sol nécessaires à la réalisation des travaux et à leur transport. Il présente également les enjeux socio-économiques du projet, l'identification des principaux effets sur l'environnement ou l'aménagement du territoire ainsi que les principales caractéristiques des équipements qui pourraient être créés ou aménagés en vue de sa desserte ;
2° Le dossier est mis à la disposition du public par voie électronique et mis en consultation sur un support papier dans les locaux de la préfecture ainsi que dans les espaces France Services et les mairies des communes d'implantation du projet, pendant un mois. Le public peut adresser ses observations et ses propositions par voie électronique ou postale au maître d'ouvrage dans un délai d'un mois à compter de la mise à disposition du dossier ;
3° Le garant désigné par la Commission nationale du débat public pour veiller à la bonne information et à la participation du public établit, dans un délai d'un mois à compter de la clôture du dépôt des observations et des propositions, le rapport final de la concertation engagée en application du même article L. 121-14, qui comprend notamment une synthèse des observations et des propositions présentées dans le cadre de la procédure de participation du public ;
4° Dans un délai de deux mois à compter de la clôture du dépôt des observations et des propositions, le maître d'ouvrage, par un acte motivé et publié, indique les enseignements qu'il tire, les mesures qu'il juge nécessaire de mettre en place à ce titre et les éventuelles modifications du projet et décide du principe et des conditions de poursuite du projet. Cet acte abroge et se substitue à la décision du 7 mai 2012 prise par l'État sur le principe et les conditions de la poursuite du projet de piste longue adaptée aux vols longs courriers de l'aéroport de Mayotte.
II. – Le projet décidé par le maître d'ouvrage à l'issue de la procédure de consultation du public prévue au I du présent article n'est pas soumis :
1° À l'article L. 121-12 du code de l'environnement ;
2° À l'article L. 103-2 du code de l'urbanisme.
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Article 21
I. – L'article 59 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « et à Mayotte » sont supprimés ;
2° Après le même premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« À Mayotte, à titre expérimental et jusqu'au 31 décembre 2031, les conditions mentionnées au même deuxième alinéa ne sont pas applicables aux marchés publics de conception-réalisation relatifs à la réalisation d'établissements ou de services d'accueil du jeune enfant, d'écoles élémentaires et maternelles, de collèges et de lycées de l'enseignement public, de sites de restauration scolaire, de résidences universitaires au sens de l'article L. 631-12 du code de la construction et de l'habitation ainsi que de constructions affectées à l'enseignement supérieur public.
« Si le titulaire d'un marché mentionné au deuxième alinéa du présent article n'est pas lui-même une microentreprise, une petite ou moyenne entreprise ou un artisan, la part minimale qu'il s'engage à confier, directement ou indirectement, à des microentreprises, à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans est fixée à 30 % du montant prévisionnel estimé du marché, sauf lorsque la structure économique du secteur concerné ne le permet pas. » ;
3° Au début du second alinéa, les mots : « Le présent article est applicable » sont remplacés par les mots : « Le premier alinéa et, tant qu'il s'applique aux marchés publics de conception-réalisation relatifs à la réalisation d'écoles élémentaires et maternelles, le deuxième alinéa sont applicables » ;
4° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Six mois avant le terme de chacune de ces expérimentations, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation. Les modalités d'évaluation de ces expérimentations sont fixées par décret. »
II. – En tant qu'il concerne la réalisation de collèges, de lycées, de résidences universitaires au sens de l'article L. 631-12 du code de la construction et de l'habitation ainsi que de constructions affectées à l'enseignement supérieur public, l'article 59 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance est applicable aux marchés publics pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d'appel à la concurrence est envoyé à compter de la promulgation de la présente loi.
Article 21 bis A
(Supprimé)
Article 21 bis
Le I de l'article 17 de la loi n° 2025-176 du 24 février 2025 d'urgence pour Mayotte est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent I est également applicable aux marchés de travaux soumis au code de la commande publique, qui ont pour objet l'édification de constructions temporaires nécessaires à la continuité des services publics de l'enseignement scolaire et de l'enseignement supérieur et à l'hébergement des élèves et des étudiants en vue de pallier les conséquences du cyclone Chido et des événements climatiques mentionnés au premier alinéa du présent I et qui répondent à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 3,5 millions d'euros hors taxes. »
Article 21 ter A
I. – L'ordonnance n° 2025-453 du 23 mai 2025 relative à la transformation de l'établissement public foncier et d'aménagement de Mayotte est ratifiée.
II. – L'ordonnance n° 2025-454 du 23 mai 2025 portant diverses mesures d'adaptations et de dérogations temporaires aux règles de construction à Mayotte afin d'accélérer sa reconstruction à la suite du passage du cyclone Chido est ratifiée.
Article 21 ter
(Supprimé)
Chapitre III
Créer les conditions du développement de Mayotte
Article 22
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le I de l'article 44 quaterdecies est ainsi modifié :
a) Le 2° est complété par les mots : « ou, pour les exploitations situées à Mayotte, d'une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens des articles 34 et 35, d'une activité professionnelle au sens du 1 de l'article 92 ou d'une activité agricole » ;
b) Après la première phrase du dernier alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, les dispositions du 2° élargissant le champ des activités éligibles à Mayotte s'appliquent aux impositions dues respectivement au titre des années 2025 à 2029, au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2025 et jusqu'aux exercices ouverts à compter du 31 décembre 2029. » ;
2° Le dernier alinéa du III du même article 44 quaterdecies est complété par une phrase ainsi rédigée : « Par exception, pour les exploitations situées à Mayotte, le taux de l'abattement est fixé à 100 % pour l'impôt sur le revenu dû au titre des années 2025 à 2029 et pour l'impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2025 et jusqu'aux exercices ouverts à compter du 31 décembre 2029. » ;
3° Le dernier alinéa du III de l'article 1388 quinquies est complété par une phrase ainsi rédigée : « Par exception, pour les exploitations situées à Mayotte, le taux de l'abattement est fixé à 100 % de la base d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties. »
II. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le I de l'article 44 quaterdecies est ainsi modifié :
a) Après la référence : « 199 undecies B », la fin du 2° est supprimée ;
b) La deuxième phrase du dernier alinéa est supprimée ;
2° La dernière phrase du dernier alinéa du III du même article 44 quaterdecies est supprimée ;
3° La dernière phrase du dernier alinéa du III de l'article 1388 quinquies est supprimée.
III. – Le II entre en vigueur le 1er janvier 2031.
IV. – Au plus tard le 1er juin 2030, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les dispositifs fiscaux prévus au présent article, précisant notamment les principales caractéristiques de leurs bénéficiaires et évaluant leur efficacité et leur coût.
V. – (Supprimé)
Article 22 bis
I. – À la fin de l'article 28 de la loi n° 2025-176 du 24 février 2025 d'urgence pour Mayotte, l'année : « 2026 » est remplacée par l'année : « 2030 ».
II. – (Supprimé)
Article 23
À Mayotte, par dérogation à l'article 5 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine et jusqu'au 1er janvier 2030, chaque commune est considérée comme un quartier prioritaire de la politique de la ville.
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Article 24 bis
I. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° A (nouveau) Au 4° des articles L. 181-5, L. 181-46 et L. 271-4, aux cinquième et septième alinéas de l'article L. 181-40, au second alinéa des articles L. 181-42 et L. 951-6, à la fin des cinquième et septième alinéas de l'article L. 181-40, au second alinéa des 1° et 2° de l'article L. 181-43, aux sixième et neuvième alinéas de l'article L. 181-44, au 2° des articles L. 371-4, L. 691-2 et L. 571-4, aux articles L. 571-5, L. 571-6, L. 571-8, L. 571-10 et L. 781-51, au premier alinéa des articles L. 571-7 et L. 571– 9 et au 3° de l'article L. 841-4, les mots : « de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture » sont remplacés par les mots : « d'agriculture » ;
1° Au premier alinéa de l'article L. 951-3, après le mot : « Martinique », sont insérés les mots : « , de Mayotte » ;
2° Au premier alinéa des articles L. 951-4 et L. 951-5, après le mot : « Martinique », sont insérés les mots : « , à Mayotte » ;
3° L'article L. 951-11 est abrogé.
I bis (nouveau). – Au du 6° de l'article L. 1521-2-2 du code du travail, les mots : « de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture » sont remplacés par les mots : « d'agriculture ».
II. – Le présent article entre en vigueur dès la constitution effective d'un comité régional des pêches maritimes et des élevages marins à Mayotte, et au plus tard le 31 décembre 2027.
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Chapitre IV
Accompagner la jeunesse de Mayotte
Article 26
L'article L. 1803-5 du code des transports est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elle peut être également attribuée aux élèves relevant du second cycle de l'enseignement secondaire ayant leur résidence habituelle à Mayotte lorsqu'ils justifient de l'impossibilité de suivre la formation qu'ils ont choisie dans cette collectivité. »
Article 27
I. – Il est institué un fonds de soutien en faveur des communes de Mayotte et, lorsque les dépenses relatives à l'organisation des activités périscolaires des écoles leur ont été transférées, des établissements publics de coopération intercommunale, afin de contribuer au développement d'une offre d'activités périscolaires au bénéfice des élèves des écoles publiques ou privées sous contrat du premier degré pour lesquels sont organisées des activités périscolaires dans le cadre d'un projet éducatif territorial prévu à l'article L. 551-1 du code de l'éducation.
Les aides apportées par le fonds de soutien sont calculées en fonction du nombre d'élèves éligibles scolarisés dans la commune et comportent :
1° Un montant forfaitaire par élève scolarisé dans une école remplissant la condition mentionnée au premier alinéa du présent I ;
2° Une majoration forfaitaire par élève, lorsque les élèves sont scolarisés dans des écoles maternelles et élémentaires publiques dont les enseignements sont répartis sur neuf demi-journées par semaine ou sur huit demi-journées par semaine comprenant cinq matinées ou dans les écoles privées sous contrat, lorsque les enseignements dispensés sont répartis sur neuf demi-journées par semaine ou sur huit demi-journées par semaine comprenant cinq matinées à condition, dans ce dernier cas, que l'organisation de la semaine scolaire dans ces écoles soit identique à celle des écoles publiques situées sur le territoire de la même commune.
Lorsque la commune a transféré à un établissement public de coopération intercommunale la compétence en matière de dépenses relatives à l'organisation des activités périscolaires des écoles, elle reverse les aides qu'elle a perçues à cet établissement.
Les aides sont versées aux communes qui reversent, le cas échéant, la part correspondant aux élèves scolarisés dans les écoles privées sous contrat aux organismes de gestion de ces écoles privées. Toutefois, la commune peut demander aux autorités académiques que cette part soit versée directement aux organismes de gestion de ces écoles.
Les aides versées au titre du fonds pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques ne sont pas prises en compte dans le calcul des dépenses de fonctionnement des classes sous contrat mentionnées à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 442-5 du code de l'éducation.
Un décret définit les modalités d'application du présent article.
II. – Le I entre en vigueur le jour de la rentrée scolaire 2025.
Chapitre V
Favoriser l'attractivité du territoire
Article 28
I. – Le chapitre Ier du titre VI du livre V du code général de la fonction publique est complété par un article L. 561-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 561-2. – Le fonctionnaire de l'État affecté à Mayotte dans un emploi d'une administration de l'État ou d'un établissement mentionné à l'article L. 3 qui justifie d'une durée minimale de trois années de services accomplis dans cet emploi bénéficie d'une priorité de mutation dans tout emploi vacant correspondant à son grade au sein du département ministériel dont il relève ou d'un établissement public sous tutelle.
« Le fonctionnaire hospitalier peut bénéficier de la priorité de mutation définie au présent article. Un décret en Conseil d'État détermine la liste des emplois, des corps, des grades et des fonctions éligibles et précise les critères de détermination des catégories d'agents bénéficiaires.
« La priorité de mutation définie au présent article ne prévaut pas sur celles mentionnées aux articles L. 442-5, L. 442-6, L. 512-19 et L. 512-20. Elle ne se cumule pas avec celle résultant de l'application du 3° de l'article L. 512-19. »
II. – Sont seuls pris en compte au titre de la durée de services mentionnée au premier alinéa de l'article L. 561-2 du code général de la fonction publique les services accomplis à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi.
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TITRE V
MODERNISER LE FONCTIONNEMENT INSTITUTIONNEL DE LA COLLECTIVITÉ
Chapitre Ier
Dispositions concernant le code général des collectivités territoriales
Article 30
I. – (Supprimé)
II. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2334-7-3, le mot : « Département » est remplacé par le mot : « Département-Région » ;
2° (Supprimé)
3° Au b du 1° de l'article L. 2334-33 et au 2° de l'article L. 2334-37, le mot : « Département » est remplacé par le mot : « Département-Région » ;
4° À la première phrase du B de l'article L. 2334-42, les deux occurrences du mot : « Département » sont remplacées par le mot : « Département-Région » ;
5° Au premier alinéa du I de l'article L. 2336-3, le mot : « Département » est remplacé par le mot : « Département-Région » ;
6° L'article L. 2336-4 est ainsi modifié :
a) À la dernière phrase du I, après le mot : « exception », sont insérés les mots : « du Département-Région » et le mot : « Département » est remplacé par le mot : « Département-Région » ;
b) Aux premier et second alinéas du II, après le mot : « exception », sont insérés les mots : « du Département-Région » ;
7° L'article L. 2564-2 est ainsi modifié :
a) Au 1°, la dernière occurrence du mot : « Département » est remplacée par le mot : « Département-Région » ;
b) À la fin du 2°, les mots : « au conseil général » sont remplacés par les mots : « à l'assemblée de Mayotte » ;
8° Aux première et seconde phrases du premier alinéa du III de l'article L. 3334-3, le mot : « Département » est remplacé par le mot : « Département-Région » ;
9° Au quatrième alinéa de l'article L. 3334-4, les mots : « la collectivité départementale » sont remplacés par les mots : « le Département-Région » ;
10° Aux première et deuxième phrases du deuxième alinéa de l'article L. 3334-16-2, la première occurrence du mot : « Département » est remplacée par le mot : « Département-Région » ;
10° bis À la seconde phrase du II de l'article L. 3335-2, le mot : « Département » est remplacé par le mot : « Département-Région » ;
11° À l'article L. 3441-1, les mots : « , de Mayotte et de la Réunion » sont remplacés par les mots : « et de La Réunion et le Département-Région de Mayotte » ;
12° L'article L. 3441-9 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du deuxième alinéa et aux 2° et 3°, les mots : « du conseil départemental » sont remplacés par les mots : « de l'assemblée » ;
b) Au septième alinéa, les mots : « départemental de la collectivité départementale » sont remplacés par les mots : « à l'assemblée » ;
c) À l'avant-dernier alinéa, les mots : « de la collectivité départementale » sont remplacés par les mots : « du Département-Région » ;
13° À l'article L. 3442-1, les mots : « , de Mayotte » sont supprimés ;
14° Au premier alinéa du I de l'article L. 4332-9, le mot : « Département » est remplacé par le mot : « Département-Région » ;
15° Au premier alinéa des articles L. 4432-9 et L. 4432-12, à l'article L. 4433-2, à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 4433-3, au premier alinéa des articles L. 4433-4-2 et L. 4433-4-3, à la première phrase de l'article L. 4433-4-3-1 et au premier alinéa de l'article L. 4433-4-5, les mots : « , de Mayotte » sont supprimés ;
16° Au deuxième alinéa de l'article L. 4433-4, les mots : « et le conseil départemental de Mayotte sont saisis » sont remplacés par les mots : « est saisi » ;
17° L'article L. 4433-4-5-3 est abrogé ;
18° L'article L. 4433-4-6 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, la première occurrence du signe : « , » est remplacée par le mot : « et » et les mots : « et pour Mayotte » sont supprimés ;
b) Au deuxième alinéa, la première occurrence du signe : « , » est remplacée par le mot : « et » et les mots : « et à Mayotte » sont supprimés ;
19° Au deuxième alinéa du II de l'article L. 4433-4-7, les mots : « du conseil général » sont remplacés par les mots : « de l'assemblée » ;
20° Au premier alinéa de l'article L. 4433-4-10, les mots : « , de Mayotte » sont supprimés ;
21° Au premier alinéa de l'article L. 4433-7, le mot : « Département » est remplacé par le mot : « Département-Région » ;
22° Au deuxième alinéa de l'article L. 4433-10-6, les mots : « et Martinique, du Département à Mayotte » sont remplacés par les mots : « , en Martinique et à Mayotte » ;
23° Au 2° de l'article L. 4433-10-7, le mot : « département » est remplacé par le mot : « Département-Région » ;
24° À l'article L. 4433-11, le mot : « Département » est remplacé par le mot : « Département-Région » ;
25° Au premier alinéa de l'article L. 4433-12, les mots : « , de Mayotte et de la Réunion » sont remplacés par les mots : « et de La Réunion et le Département-Région de Mayotte » ;
26° Au premier alinéa de l'article L. 4433-15, la deuxième occurrence du mot : « et » est remplacée par le signe : « , », les mots : « le Département » sont supprimés et le mot : « saisis » est remplacé par le mot : « saisies » ;
27° L'article L. 4433-15-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « , le Département » sont remplacés par les mots : « et le Département-Région » ;
b) Au deuxième alinéa, le mot : « Département » est remplacé par le mot : « Département-Région » ;
28° L'article L. 4433-17 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « , de Mayotte et de la Réunion » sont remplacés par les mots : « et de la Réunion et le Département-Région de Mayotte » et le mot : « associées » est remplacé par le mot : « associés » ;
– au début de la seconde phrase, les mots : « Elles sont consultées » sont remplacés par les mots : « Ils sont consultés » ;
b) Au troisième alinéa, les mots : « , de Mayotte et de la Réunion » sont remplacés par les mots : « et de La Réunion et le Département-Région de Mayotte » ;
28° bis La première phrase de l'article L. 4433-19 est ainsi modifiée :
a) Les mots : « , de Mayotte et de la Réunion » sont remplacés par les mots : « et de La Réunion et le Département-Région de Mayotte » ;
b) Le mot : « elles » est remplacé par le mot : « ils » ;
28° ter Au premier alinéa de l'article L. 4433-20, les mots : « , de Mayotte et de la Réunion sont consultées » sont remplacés par les mots : « et de La Réunion et le Département-Région de Mayotte sont consultés » ;
28° quater Aux articles L. 4433-21 et L. 4433-23, les mots : « , de Mayotte et de la Réunion » sont remplacés par les mots : « et de La Réunion et le Département-Région de Mayotte » ;
28° quinquies L'article L. 4433-22 est ainsi modifié :
a) Les mots : « , de Mayotte et de la Réunion » sont remplacés par les mots : « et de La Réunion et le Département-Région de Mayotte » ;
b) Le mot : « elles » est remplacé par le mot : « ils » ;
29° L'article L. 4433-24 est ainsi modifié :
a) Les mots : « , de Mayotte » sont supprimés ;
b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« L'assemblée de Mayotte est saisie pour avis par le représentant de l'État à Mayotte, avant le 31 décembre de chaque année, des orientations générales de la programmation des aides de l'État en faveur de l'habitat pour l'année suivante, arrêtées après avis du conseil territorial de l'habitat.
« Ces orientations générales portent sur la répartition des aides par dispositif, d'une part, et sur la répartition des aides par bassin d'habitat, d'autre part. » ;
30° Au premier alinéa de l'article L. 4433-27, les mots : « , de Mayotte et de la Réunion » sont remplacés par les mots : « et de La Réunion et le Département-Région de Mayotte » et le mot : « elles » est remplacé par le mot : « ils » ;
31° L'article L. 4433-28 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « , de Mayotte et de la Réunion est tenu informé » sont remplacés par les mots : « et de La Réunion et l'assemblée de Mayotte sont tenus informés » ;
b) Au second alinéa, les mots : « au conseil régional » sont remplacés par les mots : « aux conseils régionaux de Guadeloupe et de La Réunion et à l'assemblée de Mayotte » ;
32° À l'article L. 4433-31, les mots : « , de Mayotte et de la Réunion » sont remplacés par les mots : « et de La Réunion et le Département-Région de Mayotte » et le mot : « elles » est remplacé par le mot : « ils » ;
33° À la première phrase du premier alinéa du D de l'article L. 4434-3 et à la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 4434-4, les mots : « , de Mayotte et de La Réunion » sont remplacés par les mots : « et de La Réunion et dans le Département-Région de Mayotte » ;
34° L'article L. 5831-2 est ainsi modifié :
a) Au 1°, la dernière occurrence du mot : « Département » est remplacée par le mot : « Département-Région » ;
b) À la fin du 2°, les mots : « au conseil général » sont remplacés par les mots : « à l'assemblée de Mayotte » ;
35° Après le livre II de la septième partie, dans sa rédaction résultant de la loi organique n° du relative au Département-Région de Mayotte, le livre III est ainsi rétabli :
« LIVRE III
« DÉPARTEMENT-RÉGION DE MAYOTTE
« TITRE IER
« DISPOSITIONS GÉNÉRALES
« CHAPITRE UNIQUE
« Art. L. 7311-1. – Le Département-Région de Mayotte constitue une collectivité territoriale de la République régie par l'article 73 de la Constitution qui exerce les compétences dévolues aux départements et régions d'outre-mer.
« Sous réserve des dispositions du présent livre, le Département-Région de Mayotte exerce les compétences que les lois attribuent aux régions ainsi que celles que définit le titre III du livre IV de la quatrième partie pour tenir compte des mesures d'adaptation rendues nécessaires par la situation particulière des régions d'outre-mer.
« Sous réserve des dispositions du présent livre, le Département-Région de Mayotte exerce les compétences que les lois attribuent aux départements ainsi que celles que le titre IV du livre IV de la troisième partie attribue aux départements d'outre-mer.
« Art. L. 7311-2. – Le Département-Région de Mayotte comprend la Grande-Terre, la Petite-Terre ainsi que les autres îles et îlots situés dans le récif les entourant.
« Art. L. 7311-3. – Sous réserve des adaptations prévues au présent livre, le Département-Région de Mayotte est régi par les première, troisième et quatrième parties du présent code, à l'exception des dispositions suivantes :
« 1° Dans la troisième partie : les titres Ier et IV du livre III et les articles L. 3334-16 à L. 3334-16-2, L. 3441-2 à L. 3441-7 et L. 3443-2 ;
« 2° Dans la quatrième partie :
« a) Le livre Ier ;
« b) Au livre II : l'article L. 4221-2 et le titre III ;
« c) Au livre III : les chapitres Ier et II du titre Ier, l'article L. 4313-1, la seconde phrase de l'article L. 4313-2, le titre II, les chapitres Ier et III du titre III, la section 2 du chapitre II du même titre III, le 2° de l'article L. 4332-1 et le titre IV ;
« d) Au livre IV : le chapitre Ier et les sections 1 et 2 du chapitre II du titre III et les articles L. 4433-4 à L. 4433-4-10, L. 4433-24-1, L. 4434-8 et L. 4434-9.
« Art. L. 7311-4. – Pour l'application du présent code à Mayotte :
« 1° La référence au département, au département d'outre-mer, à la région ou à la région d'outre-mer est remplacée par la référence au Département-Région de Mayotte ;
« 2° La référence au conseil régional ou au conseil départemental est remplacée par la référence à l'assemblée de Mayotte ;
« 3° La référence au président du conseil régional ou au président du conseil départemental est remplacée par la référence au président de l'assemblée de Mayotte ;
« 4° La référence aux conseillers régionaux ou aux conseillers départementaux est remplacée par la référence aux conseillers à l'assemblée de Mayotte ;
« 5° La référence au conseil économique, social et environnemental régional est remplacée par la référence au conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l'éducation de Mayotte.
« Art. L. 7311-5. – Le plan d'aménagement et de développement durable élaboré sur le fondement des articles L.O. 6161-42 et L.O. 6161-43, dans leur rédaction antérieure à la loi organique n° 2010-1486 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte, et entré en vigueur le 22 juin 2009 est assimilé au schéma d'aménagement régional prévu aux articles L. 4433-7 à L. 4433-11.
« Il est révisé dans les conditions prévues à l'article L. 4433-10.
« TITRE II
« ORGANISATION DU DÉPARTEMENT-RÉGION DE MAYOTTE
« CHAPITRE IER
« Organes du Département-Région de Mayotte
« Section 1
« Dispositions générales
« Art. L. 7321-1. – Les organes du Département-Région de Mayotte comprennent l'assemblée de Mayotte et son président, assistés du conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l'éducation de Mayotte.
« Section 2
« L'assemblée de Mayotte
« Art. L. 7321-2. – La composition de l'assemblée de Mayotte et la durée du mandat des conseillers à l'assemblée de Mayotte sont déterminées par le chapitre Ier du titre II bis du livre VI bis du code électoral.
« Section 3
« Le conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l'éducation de Mayotte
« Sous-section 1
« Dispositions générales
« Art. L. 7321-3. – L'assemblée de Mayotte est assistée d'un conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l'éducation de Mayotte.
« Sous-section 2
« Organisation et composition
« Art. L. 7321-4. – Le conseil peut comprendre des sections, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.
« Les sections peuvent émettre des avis. Le conseil se prononce sur les avis et les rapports établis par les sections avant leur transmission à l'autorité compétente.
« Art. L. 7321-5. – La composition du conseil, les conditions de nomination de ses membres ainsi que la date de son installation sont fixées par décret en Conseil d'État.
« Lorsqu'un organisme est appelé à désigner plus d'un membre du conseil, il procède à ces désignations de telle sorte que l'écart entre le nombre des hommes désignés et le nombre des femmes désignées ne soit pas supérieur à un. La même règle s'applique à la désignation des personnalités qualifiées.
« Les conseillers à l'assemblée de Mayotte ne peuvent être membres du conseil.
« Sous-section 3
« Fonctionnement
« Art. L. 7321-6. – Le conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l'éducation de Mayotte établit son règlement intérieur.
« Art. L. 7321-7. – Le conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l'éducation de Mayotte élit en son sein au scrutin secret, dans les conditions prévues par son règlement intérieur, son président et les membres de sa commission permanente.
« Art. L. 7321-8. – L'assemblée de Mayotte met à la disposition du conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l'éducation de Mayotte les moyens nécessaires à son fonctionnement. Ces moyens permettent notamment d'assurer le secrétariat des séances du conseil et de ses sections et commissions. L'assemblée de Mayotte met également les services de la collectivité territoriale ou une partie de ceux-ci à la disposition du conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l'éducation de Mayotte, à titre permanent ou temporaire, notamment pour lui permettre de réaliser des études sur tout projet à caractère économique, social, environnemental, culturel, éducatif ou sportif relevant de sa compétence.
« Les crédits nécessaires au fonctionnement de ce conseil consultatif et, le cas échéant, à la réalisation de ses études font l'objet d'une inscription distincte au budget du Département-Région de Mayotte.
« Ils sont notifiés chaque année, après le vote du budget, au président de ce conseil par le président de l'assemblée de Mayotte.
« Le président de ce conseil organise et dirige les agents et les services mis à la disposition du conseil.
« Sous-section 4
« Garanties et indemnités accordées aux membres du conseil
« Art. L. 7321-9. – L'article L. 3123-1, les premier et dernier alinéas de l'article L. 3123-19 et l'article L. 3123-26 sont applicables au président, aux vice-présidents et aux membres du conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l'éducation de Mayotte.
« Art. L. 7321-10. – Les membres du conseil perçoivent, pour l'exercice effectif de leurs fonctions, une indemnité fixée par l'assemblée de Mayotte dans la limite d'un plafond mensuel déterminé par référence aux indemnités maximales prévues aux articles L. 3123-16 et L. 3123-17. Cette indemnité varie en fonction de la présence des membres aux réunions du conseil ou de ses formations et de leur participation à ses travaux.
« Ils ont en outre droit au remboursement des frais supplémentaires pouvant résulter de l'exercice des mandats spéciaux dont ils sont chargés par le conseil, dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 3123-19.
« Un décret en Conseil d'État définit les modalités d'application du premier alinéa du présent article.
« Art. L. 7321-11. – Indépendamment des autorisations d'absence dont ils bénéficient en application de l'article L. 7321-9, le président, les vice-présidents et les membres du conseil ont droit à un crédit d'heures leur permettant de disposer du temps nécessaire à la préparation des réunions du conseil et des commissions dont ils font partie.
« Ce crédit d'heures, forfaitaire et trimestriel, est fixé par référence à la durée hebdomadaire légale du travail.
« Il est égal :
« 1° À l'équivalent du double de cette durée pour le président et les vice-présidents ;
« 2° À l'équivalent de 60 % de cette durée pour les membres du conseil.
« En cas de travail à temps partiel, le crédit d'heures est réduit à due proportion.
« Les heures non utilisées pendant un trimestre ne sont pas reportables.
« L'employeur est tenu d'accorder aux membres du conseil, sur leur demande, l'autorisation d'utiliser le crédit d'heures prévu au présent article. Ce temps d'absence n'est pas payé par l'employeur.
« Le temps d'absence utilisé en application de l'article L. 7321-9 et du présent article ne peut dépasser la moitié de la durée légale du travail au cours d'une année civile. Il est assimilé à une durée de travail effective pour la détermination de la durée des congés payés, du droit aux prestations sociales et des droits découlant de l'ancienneté.
« Art. L. 7321-12. – Le président, les vice-présidents et les membres du conseil ont droit à une formation adaptée à leurs fonctions. L'assemblée de Mayotte met à la disposition du conseil les moyens nécessaires à la prise en charge de leurs frais de déplacement, de séjour et d'enseignement, au titre des moyens de fonctionnement prévus à l'article L. 7321-8.
« Les modalités d'application du présent article sont déterminées par décret.
« Section 3 bis (Division supprimée)
« Sous-section 1 (Division supprimée)
« Art. L. 7321-12-1. – (Supprimé)
« Sous-section 2 (Division supprimée)
« Art. L. 7321-12-2. – (Supprimé)
« Sous-section 3 (Division supprimée)
« Art. L. 7321-12-3 à L. 7321-12-5. – (Supprimés)
« Section 4
« Le conseil territorial de l'habitat
« Art. L. 7321-13. – Dans le Département-Région de Mayotte, il est institué un conseil territorial de l'habitat composé, pour moitié au moins, de conseillers à l'assemblée de Mayotte.
« Sa composition, ses modalités de fonctionnement et ses attributions sont précisées par décret en Conseil d'État.
« Section 5
« Le centre territorial de promotion de la santé
« Art. L. 7321-14. – Dans le Département-Région de Mayotte, il est institué un centre territorial de promotion de la santé chargé de veiller à ce que les réformes du système de santé et de soins s'orientent vers les besoins spécifiques de la collectivité.
« Il est composé, d'une part, de professionnels de santé ainsi que de représentants de la sécurité sociale, de l'administration et des divers organismes impliqués dans le maintien et la promotion de la santé à l'échelon local, choisis selon une procédure et des modalités arrêtées par l'assemblée de Mayotte, et, d'autre part, pour moitié au moins, de conseillers à l'assemblée de Mayotte.
« CHAPITRE II
« Régime juridique des actes pris par les autorités de la collectivité
« Art. L. 7322-1. – Les décisions prises par le Département-Région de Mayotte en application de l'article L. 4433-15-1 du présent code et des articles L. 611-18 et L. 611-19 du code minier sont soumises à l'article L. 3131-1 du présent code.
« TITRE III
« ADMINISTRATION ET SERVICES DU DÉPARTEMENT-RÉGION DE MAYOTTE
« CHAPITRE IER
« Compétences du président de l'assemblée de Mayotte
« Art. L. 7331-1. – Pour l'application à Mayotte de l'article L. 3221-3, les mots : “des articles L. 2122-4 ou L. 4133-3” sont remplacés par les mots : “de l'article L. 2122-4”.
« CHAPITRE II
« Compétences de l'assemblée de Mayotte
« Art. L. 7332-1. – L'assemblée de Mayotte peut créer des établissements publics dénommés agences, chargés d'assurer la réalisation des projets intéressant la collectivité ainsi que le fonctionnement des services publics territoriaux.
« Art. L. 7332-2. – L'assemblée de Mayotte peut, de sa propre initiative ou sur saisine du Premier ministre ou du ministre chargé de l'outre-mer, adresser au Premier ministre des propositions de modification ou d'adaptation des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ou en cours d'élaboration ainsi que des propositions relatives aux conditions du développement économique, social et culturel de la collectivité.
« Elle peut également faire au Premier ministre des remarques ou des suggestions concernant le fonctionnement des services publics de l'État dans la collectivité.
« Le Premier ministre accuse réception dans un délai de quinze jours et fixe le délai dans lequel il apportera une réponse au fond. Un rapport annuel indique les suites qui ont été données à ces propositions. Ce rapport est rendu public.
« CHAPITRE III
« Compétences du conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l'éducation de Mayotte
« Art. L. 7333-1. – Le conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l'éducation de Mayotte exerce ses compétences dans les conditions fixées au titre IV du livre II de la quatrième partie et à la section 2 du chapitre III du titre III du livre IV de la même quatrième partie, dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux dispositions de la présente partie.
« Il peut émettre un avis sur toute action ou tout projet du Département-Région en matière économique, sociale, d'environnement, de culture ou d'éducation dont il est saisi par le président de l'assemblée de Mayotte ou dont il décide de se saisir lui-même.
« CHAPITRE IV
« Attributions du Département-Région de Mayotte en matière de coopération régionale
« Art. L. 7334-1 A. – (Supprimé)
« Art. L. 7334-1. – L'assemblée de Mayotte peut adresser au Gouvernement des propositions en vue de la conclusion d'engagements internationaux concernant la coopération régionale entre la République française et les États ou territoires de l'océan Indien ou les États ou territoires des continents voisins de l'océan Indien ou en vue de la conclusion d'accords avec des organismes régionaux des aires correspondantes, y compris des organismes régionaux dépendant des institutions des Nations unies.
« Art. L. 7334-2. – L'assemblée de Mayotte est consultée sur les propositions d'actes de l'Union européenne qui concernent la collectivité par le ministre chargé de l'outre-mer. Le second alinéa de l'article L. 4433-3-1 est applicable.
« Elle peut adresser au Gouvernement des propositions pour l'application des traités sur l'Union européenne et sur le fonctionnement de l'Union européenne.
« Art. L. 7334-3. – L'assemblée de Mayotte est saisie pour avis de tous les projets d'accords concernant la coopération régionale en matière économique, sociale, technique, scientifique, culturelle, de sécurité civile ou d'environnement entre la République française et les États de l'océan Indien.
« Elle se prononce au cours de la première réunion qui suit sa saisine.
« Art. L. 7334-4. – Dans les domaines de compétence de l'État, les autorités de la République peuvent délivrer pouvoir au président de l'assemblée de Mayotte pour négocier et signer des accords avec un ou plusieurs États ou territoires situés dans la zone de l'océan Indien ou sur les continents voisins de l'océan Indien ou avec des organismes régionaux des aires correspondantes, y compris des organismes régionaux dépendant des institutions des Nations unies.
« Dans le cas où il n'est pas fait application du premier alinéa, le président de l'assemblée de Mayotte peut être associé ou participer, au sein de la délégation française, aux négociations d'accords de même nature. Il est associé ou participe, au sein de la délégation française, à la négociation des projets d'accords mentionnés au premier alinéa de l'article L. 7334-3.
« Le président de l'assemblée de Mayotte peut être chargé par les autorités de la République de les représenter au sein des organismes régionaux relevant des catégories mentionnées au premier alinéa du présent article. Les autorités de la République le munissent des instructions et pouvoirs nécessaires.
« Art. L. 7334-5. – Dans les domaines de compétence de la collectivité, l'assemblée de Mayotte peut, par délibération, demander aux autorités de la République d'autoriser son président à négocier, dans le respect des engagements internationaux de la République, des accords avec un ou plusieurs États, territoires ou organismes régionaux mentionnés à l'article L. 7334-4.
« Lorsque cette autorisation est accordée, les autorités de la République sont, à leur demande, représentées à la négociation.
« À l'issue de la négociation, le projet d'accord est soumis à la délibération de l'assemblée de Mayotte pour acceptation. Les autorités de la République peuvent ensuite autoriser, sous réserve du respect des engagements internationaux de celle-ci, le président de l'assemblée de Mayotte à signer l'accord.
« Art. L. 7334-6. – Le Département-Région de Mayotte peut adhérer, en qualité de membre ou de membre associé, à une banque régionale de développement ou à une institution de financement dont la France est membre régional, membre associé ou participante au capital. Sur proposition de son président, l'assemblée de Mayotte peut demander aux autorités de la République d'autoriser son président à négocier et à signer tout instrument tendant à cette adhésion et à la participation au capital de cette banque ou institution de financement, dans les conditions prévues à l'article L. 7334-5.
« Art. L. 7334-7. – Dans les domaines de compétence du Département-Région de Mayotte, le président de l'assemblée peut, pour la durée de l'exercice de ses fonctions, élaborer un programme-cadre de coopération régionale précisant la nature, l'objet et la portée des engagements internationaux qu'il se propose de négocier, dans le respect des engagements internationaux de la République, avec un ou plusieurs États, territoires ou organismes régionaux mentionnés à l'article L. 7334-4.
« Le président de l'assemblée soumet ce programme-cadre à la délibération de l'assemblée de Mayotte, qui peut alors demander, dans la même délibération, aux autorités de la République d'autoriser son président à négocier les accords prévus dans ce programme-cadre.
« Lorsque cette autorisation est expressément accordée, le président de l'assemblée peut engager les négociations prévues dans le programme-cadre. Il en informe les autorités de la République, qui, à leur demande, sont représentées à la négociation.
« Le président de l'assemblée soumet toute modification de son programme-cadre à la délibération de l'assemblée. Ces modifications sont approuvées par les autorités de la République, dans les mêmes conditions que la procédure initiale.
« À l'issue de la négociation, le projet d'accord est soumis à la délibération de l'assemblée pour acceptation. Les autorités de la République peuvent ensuite autoriser, sous réserve du respect des engagements internationaux de celle-ci, le président de l'assemblée à signer l'accord.
« Art. L. 7334-8. – Les accords internationaux portant à la fois sur des domaines de compétence de l'État et sur des domaines de compétence du Département-Région de Mayotte sont, dans les cas où il n'est pas fait application du premier alinéa des articles L. 7334-4 et L. 7334-7, négociés et signés par les autorités de la République. À sa demande, le président de l'assemblée de Mayotte ou son représentant participe, au sein de la délégation française, à la négociation de ces accords.
« Le président de l'assemblée de Mayotte ou son représentant participe, au sein de la délégation française, à sa demande, aux négociations avec l'Union européenne intéressant la collectivité.
« Le président de l'assemblée de Mayotte peut demander à l'État de prendre l'initiative de négociations avec l'Union européenne en vue d'obtenir des mesures spécifiques utiles au développement de son territoire.
« Art. L. 7334-9. – Le Département-Région de Mayotte peut, avec l'accord des autorités de la République, être membre associé des organismes régionaux mentionnés au premier alinéa de l'article L. 3441-3 ou observateur auprès de ceux-ci. L'assemblée de Mayotte peut saisir le Gouvernement des propositions tendant à l'adhésion de la France à de tels organismes.
« Art. L. 7334-10. – Le Département-Région de Mayotte peut, dans des conditions déterminées par une convention avec l'État, désigner des agents publics chargés de le représenter au sein des missions diplomatiques de la France.
« Il offre aux agents publics mentionnés au premier alinéa un régime indemnitaire, des facilités de résidence et des remboursements de frais qui tiennent compte des conditions d'exercice de leurs fonctions. Les conditions d'application du présent alinéa sont précisées par décret en Conseil d'État.
« Il peut instituer une représentation, à caractère non diplomatique, auprès des institutions de l'Union européenne. Il en informe le Gouvernement.
« Art. L. 7334-11. – Le fonds de coopération régionale institué pour Mayotte est alimenté par des crédits de l'État et peut recevoir des dotations du Département-Région de Mayotte, de toute autre collectivité publique et de tout organisme public.
« Le comité de gestion du fonds de coopération régionale, placé auprès du représentant de l'État et composé paritairement de représentants de l'État et de représentants de l'assemblée de Mayotte, arrête la liste des opérations éligibles au fonds de coopération régionale ainsi que le taux de subvention applicable à chacune d'elles.
« Un décret en Conseil d'État définit les modalités d'application du présent article.
« Art. L. 7334-12. – Des représentants de l'assemblée de Mayotte participent aux travaux de l'instance de concertation des politiques de coopération régionale dans la zone de l'océan Indien prévue au II de l'article L. 4433-4-7.
« Art. L. 7334-13. – L'assemblée de Mayotte peut recourir à des sociétés d'économie mixte locales et à des sociétés d'économie mixte régies par la loi n° 46-860 du 30 avril 1946 tendant à l'établissement, au financement et à l'exécution de plans d'équipement et de développement des territoires relevant du ministère de la France d'outre-mer pour la mise en œuvre des actions engagées dans le cadre des compétences qui lui sont dévolues en matière de coopération régionale.
« Art. L. 7334-14. – Dans le Département-Région de Mayotte, il est créé une commission de suivi de l'utilisation des fonds européens.
« Coprésidée par le représentant de l'État et le président de l'assemblée de Mayotte, cette commission est en outre composée des parlementaires élus sur le territoire de la collectivité, d'un représentant du conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l'éducation de Mayotte, d'un représentant de l'association des maires, de représentants des chambres consulaires et de représentants des services techniques de l'État.
« Cette commission établit un rapport semestriel sur la consommation des crédits.
« TITRE IV
« SERVICES PUBLICS LOCAUX
« CHAPITRE UNIQUE
« Services d'incendie et de secours
« Art. L. 7341-1. – Les articles L. 1424-1 à L. 1424-12, L. 1424-17 à L. 1424-19, L. 1424-22, L. 1424-24 à L. 1424-44 et L. 1424-50 sont applicables à Mayotte, sous réserve des adaptations suivantes :
« 1° La seconde phrase du second alinéa de l'article L. 1424-12 est supprimée ;
« 2° (Supprimé)
« 3° Les trois premiers alinéas de l'article L. 1424-17 sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :
« “Les biens affectés par l'assemblée de Mayotte au fonctionnement du service d'incendie et de secours de Mayotte et nécessaires au fonctionnement du service départemental d'incendie et de secours sont mis à la disposition de celui-ci, à titre gratuit, à compter de la date fixée par une convention, sous réserve de l'article L. 1424-19.
« “Cette convention conclue entre, d'une part, l'assemblée de Mayotte et, d'autre part, le service départemental d'incendie et de secours règle les modalités de la mise à disposition, qui doit intervenir dans un délai d'un an à compter de la première réunion du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours.” ;
« 4° L'article L. 1424-18 est ainsi modifié :
« a) À la première phrase, les mots : “la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale ou” sont supprimés ;
« b) À la seconde phrase, les mots : “de la commune, de l'établissement public de coopération intercommunale ou” sont supprimés ;
« 5° L'article L. 1424-22 est ainsi rédigé :
« “Art. L. 1424-22. – À défaut de signature de la convention prévue à l'article L. 1424-17 dans le délai fixé au même article L. 1424-17, le représentant de l'État dans le département règle, dans un délai de six mois, la situation des biens mis à la disposition du service départemental d'incendie et de secours, après consultation du comité local mentionné à l'article L. 1711-3.
« “Sa décision est notifiée au président du conseil général et au président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours dans un délai d'un mois.” ;
« 6° Les cinquième à avant-dernier alinéas de l'article L. 1424-35 sont ainsi rédigés :
« “À compter de 2015, le montant prévisionnel des contributions mentionnées au quatrième alinéa, arrêté par le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours, est notifié aux maires et aux présidents des établissements publics de coopération intercommunale avant le 1er janvier de l'année en cause.
« “À compter de 2015, le montant global des contributions des communes et des établissements publics de coopération intercommunale tient compte des charges respectives de l'assemblée de Mayotte, des communes et des établissements publics de coopération intercommunale.
« “Pour l'exercice 2015, si aucune délibération n'est prise dans les conditions prévues au troisième alinéa, la contribution de chaque commune et de chaque établissement public de coopération intercommunale est calculée, dans des conditions fixées par décret, en fonction de l'importance de sa population, de son potentiel fiscal par habitant et de ses charges.” ;
« 7° L'article L. 1424-36 est ainsi rédigé :
« “Art. L. 1424-36. – Jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention prévue à l'article L. 1424-17, le montant minimal des dépenses directes et indirectes relatives aux biens mentionnés à ce même article, à l'exclusion des contributions mentionnées à l'article L. 1424-35, réalisées chaque année par le Département-Région de Mayotte est fixé par une convention passée entre le service départemental d'incendie et de secours, d'une part, et le conseil général de Mayotte, d'autre part.
« “À défaut de convention, jusqu'à l'entrée en vigueur de celle prévue à l'article L. 1424-17, le montant minimal des dépenses mentionnées au premier alinéa du présent article est fixé par le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours en tenant compte des charges respectives du Département-Région de Mayotte et des communes.” ;
« 8° Au premier alinéa de l'article L. 1424-41, les mots : “au 1er janvier 1996” sont remplacés par les mots : “à la date de la première réunion du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours” ;
« 9° À la fin du premier alinéa de l'article L. 1424-44, les mots : “dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi n° 96-369 du 3 mai 1996 relative aux services d'incendie et de secours” sont supprimés ;
« 10° et 11° (Supprimés)
« TITRE V
« FINANCES DE LA COLLECTIVITÉ
« Art. L. 7350-1. – Le livre VI de la première partie est applicable au Département-Région de Mayotte, dans la mesure où il n'est pas contraire au présent titre.
« Art. L. 7350-2 et L. 7350-3. – (Supprimés)
« CHAPITRE IER
« Budgets et comptes
« Art. L. 7351-1 et L. 7351-2. – (Supprimés)
« Art. L. 7351-3. – Le rapport sur les orientations budgétaires mentionné à l'article L. 1612-26 présente un état d'avancement des mesures prévues par le plan de convergence couvrant le territoire du Département-Région de Mayotte.
« Art. L. 7351-4 à L. 7351-11. – (Supprimés)
« Art. L. 7351-12. – Pour l'application de l'article L. 1612-34, le lieu de mise à disposition des budgets pour le Département-Région de Mayotte est l'hôtel du Département-Région. Ces documents peuvent également être mis à la disposition du public dans chaque canton, dans un lieu public.
« Art. L. 7351-13. – Pour l'application de l'article L. 1612-35, les documents budgétaires sont assortis en annexe de la présentation de l'évolution des dépenses consacrées à la formation professionnelle des jeunes mentionnée à la première phrase de l'article L. 4313-2, en distinguant notamment les données financières relatives à l'apprentissage, à l'enseignement professionnel sous statut scolaire et aux formations continues en alternance.
« Art. L. 7351-14. – (Supprimé)
« CHAPITRE II
« Dépenses
« Art. L. 7352-1. – Ne sont pas obligatoires pour le Département-Région de Mayotte les dépenses mentionnées aux 7°, 8°, 10° bis, 11° et 14° de l'article L. 3321-1.
« Les cotisations au régime général de la sécurité sociale mentionnées à l'article L. 3123-20-2 s'entendent des cotisations obligatoires pour l'employeur au titre du régime de sécurité sociale applicable à Mayotte.
« Sont également obligatoires pour le Département-Région de Mayotte :
« 1° Les dépenses dont il a la charge en matière de transports et d'apprentissage à la date de la première réunion suivant le renouvellement du conseil général de Mayotte en 2011 ;
« 2° Toute dépense liée à l'exercice d'une compétence transférée par l'État à compter de la même date ;
« 3° Les dépenses liées à l'organisation des transports scolaires ;
« 4° Les dépenses d'entretien et de construction des ports maritimes de commerce et de pêche qui lui sont transférées.
« Art. L. 7352-2. – (Supprimé)
« CHAPITRE III
« Ressources
« Art. L. 7353-1. – Les ressources attribuées au Département-Région de Mayotte en application du IV de l'article 12 de l'ordonnance n° 2012-576 du 26 avril 2012 portant extension et adaptation à Mayotte du code de la construction et de l'habitation ainsi que de diverses lois relatives au logement sont composées d'une part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques et sont affectées au financement par le Département-Région de Mayotte du fonds de solidarité pour le logement.
« Art. L. 7353-2. – Pour leur application à Mayotte, les articles L. 3332-1, L. 3332-2 et L. 3332-3 sont ainsi rédigés :
« “Art. L. 3332-1. – Les recettes fiscales de la section de fonctionnement comprennent le produit des impositions de toute nature affectées au Département-Région de Mayotte ou instituées par lui.
« “Art. L. 3332-2. – Les recettes non fiscales de la section de fonctionnement comprennent notamment :
« “1° Le revenu et le produit des propriétés du Département-Région de Mayotte ;
« “2° Le produit de l'exploitation des services et des régies du Département-Région de Mayotte ;
« “3° Le produit du droit de péage des bacs et passages d'eau sur les routes et chemins à la charge du Département-Région de Mayotte, des autres droits de péage et de tous les autres droits concédés à la collectivité par des lois ;
« “4° Les dotations de l'État ;
« “5° Les subventions de l'État et les contributions des communes, de leurs groupements et des tiers aux dépenses de fonctionnement ;
« “6° Les autres ressources provenant de l'État, de l'Union européenne et d'autres collectivités ;
« “7° Le produit des amendes ;
« “8° Les remboursements d'avances effectués sur les ressources de la section de fonctionnement ;
« “9° Le produit de la neutralisation des dotations aux amortissements ;
« “10° La reprise des subventions d'équipement reçues ;
« “11° Les dons et legs en espèces, hormis ceux mentionnés au 7° de l'article L. 3332-3.
« “Art. L. 3332-3. – Les recettes de la section d'investissement comprennent notamment :
« “1° Le produit des emprunts ;
« “2° La dotation de soutien à l'investissement des départements ;
« “3° Les versements au titre du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée ;
« “4° Les subventions de l'État et les contributions des communes, de leurs groupements et des tiers aux dépenses d'investissement ;
« “5° Le produit des cessions d'immobilisations ;
« “6° Le remboursement des prêts consentis par la collectivité territoriale de Mayotte ;
« “7° Les dons et legs en nature et les dons et legs en espèces affectés à l'achat d'une immobilisation financière ou physique ;
« “8° Les amortissements ;
« “9° Le virement prévisionnel de la section de fonctionnement et le produit de l'affectation du résultat de fonctionnement.”
« Art. L. 7353-3. – Le taux des droits assimilés au droit d'octroi de mer auxquels sont soumis les rhums et spiritueux fabriqués et livrés à la consommation locale dans le Département-Région de Mayotte est fixé par délibération de l'assemblée de Mayotte dans les limites prévues à l'article 22 de la loi de finances rectificative pour 1963 (n° 63-778 du 31 juillet 1963), modifiée par l'article 13 de la loi de finances rectificative pour 1972 (n° 72-1147 du 23 décembre 1972) et complétée par l'article 20 de la loi de finances rectificative pour 1976 (n° 76-1220 du 28 décembre 1976). Le produit de ces droits constitue une recette du budget du Département-Région de Mayotte.
« CHAPITRE IV (Division supprimée)
« Art. L. 7354-1 et L. 7354-2. – (Supprimés)
« TITRE VI
« COMPENSATION DES TRANSFERTS DE COMPÉTENCES
« CHAPITRE UNIQUE
« Art. L. 7361-1. – Pour l'application du chapitre IV du titre Ier du livre VI de la première partie, l'évaluation des dépenses exposées par l'État au titre de l'exercice des compétences transférées au Département-Région et aux communes de Mayotte et la constatation des charges résultant des créations et extensions de compétences sont soumises, avant la consultation de la commission consultative sur l'évaluation des charges mentionnée à l'article L. 1211-4-1, à l'avis d'un comité local présidé par un magistrat des juridictions financières et composé à parité de représentants de l'État désignés par le représentant de l'État à Mayotte et de représentants des collectivités territoriales de Mayotte. La composition et les modalités de fonctionnement du comité local sont fixées par décret. » ;
36° Le livre IV de la septième partie, dans sa rédaction résultant de la loi organique n° … du … relative au Département-Région de Mayotte, est ainsi modifié :
a) L'article L. 7321-1 devient l'article L. 7421-1 ;
b) L'article L. 7322-1 devient l'article L. 7422-1 ;
c) Les articles L. 7323-1, L. 7323-2, L. 7323-3, L. 7323-4, L. 7323-5 et L. 7323-6 deviennent respectivement les articles L. 7423-1, L. 7423-2, L. 7423-3, L. 7423-4, L. 7423-5 et L. 7423-6 ;
c bis) Au dernier alinéa de l'article L. 7423-4, tel qu'il résulte du c du présent 36°, la référence : « L. 7323-5 » est remplacée par la référence : « L. 7423-5 » ;
d) Les articles L. 7324-1, L. 7324-2 et L. 7324-3 deviennent respectivement les articles L. 7424-1, L. 7424-2 et L. 7424-3 ;
e) Au premier alinéa de l'article L. 7424-1, tel qu'il résulte du d du présent 36°, la référence : « L. 7323-1 » est remplacée par la référence : « L. 7423-1 » ;
f) À l'article L. 7424-2, tel qu'il résulte du même d, la référence : « L. 7324-1 » est remplacée par la référence : « L. 7424-1 » ;
g) Les articles L. 7331-1, L. 7331-2 et L. 7331-3 deviennent respectivement les articles L. 7431-1, L. 7431-2 et L. 7431-3 ;
37° Le livre VII de la première partie, le livre V de la troisième partie et le chapitre VII du titre III du livre IV de la quatrième partie sont abrogés.
III. – Le présent article entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er janvier 2026.
Par dérogation au premier alinéa du présent III, la section 3 du chapitre Ier du titre II du livre III de la septième partie du code général des collectivités territoriales relative au conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l'éducation de Mayotte entre en vigueur à la date de la première réunion de l'assemblée de Mayotte suivant le prochain renouvellement général des conseils départementaux. Le conseil économique et social régional ainsi que le conseil de la culture, de l'éducation et de l'environnement de Mayotte continuent de fonctionner selon les dispositions prévues au titre III du livre IV de la quatrième partie du même code jusqu'à cette date.
IV. – Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dressant un état des lieux des transferts de compétences départementales et régionales à la collectivité de Mayotte déjà effectués, évaluant l'adéquation des ressources allouées à la collectivité au regard de ses besoins et appréciant l'opportunité d'un transfert des compétences départementales et régionales exercées aujourd'hui par l'État, dont la gestion des fonds européens. Ce rapport comprend une étude comparative avec les autres collectivités régies par l'article 73 de la Constitution.
Chapitre II
Dispositions modifiant le code électoral
Article 31
Le livre VI bis du code électoral est ainsi modifié :
1° Après le mot : « Guyane », la fin de l'intitulé est ainsi rédigée : « , à l'assemblée de Martinique et à l'assemblée de Mayotte » ;
2° À l'article L. 558-1 A, la première occurrence du mot : « et » est remplacée par le signe : « , » et, après le mot : « Martinique », sont insérés les mots : « et les conseillers à l'assemblée de Mayotte » ;
3° Après le titre II, il est inséré un titre II bis ainsi rédigé :
« TITRE II bis
« ÉLECTION DES CONSEILLERS À L'ASSEMBLÉE DE MAYOTTE
« CHAPITRE IER
« Composition de l'assemblée de Mayotte et durée du mandat
« Art. L. 558-9-1. – Les conseillers à l'assemblée de Mayotte sont élus pour six ans en même temps que les conseillers départementaux. Ils sont rééligibles.
« Art. L. 558-9-2. – L'assemblée de Mayotte est composée de cinquante-deux membres.
« CHAPITRE II
« Mode de scrutin
« Art. L. 558-9-3. – Mayotte forme une circonscription électorale unique, composée de treize sections dont la délimitation est fixée conformément au tableau ci-après :
« |
Section |
Composition de la section |
Section 1 Bandraboua |
Villages de Bandraboua, Dzoumogne et Bouyouni de la commune de Bandraboua et villages de Longoni, Kangani et Trévani de la commune de Koungou |
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Section 2 Bouéni |
Communes de Bouéni et de Kani-Kéli et villages de Bambo Est, M'Tsamoudou et Dapani de la commune de Bandrele |
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Section 3 Dembéni |
Communes de Dembeni et villages de Bandrele, Hamouro et Nyambadao de la commune de Bandrele |
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Section 4 Dzaoudzi |
Commune de Dzaoudzi-Labbatoir |
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Section 5 Koungou |
Villages de Koungou, Majicavo-Koropa et Majicavo-Lamir de la commune de Koungou |
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Section 6 Mamoudzou-1 |
Villages de Passamainty, Tsoundzou 1, Tsoundzou 2 et Vahibé de la commune de Mamoudzou |
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Section 7 Mamoudzou-2 |
Villages de Mtsapéré et Kavani de la commune de Mamoudzou |
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Section 8 Mamoudzou-3 |
Villages de Mamoudzou et Kaweni de la commune de Mamoudzou |
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Section 9 Mtsamboro |
Communes d'Acoua et de Mtsamboro et villages de Handréma et Mtsangamboua de la commune de Bandraboua |
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Section 10 Ouangani |
Communes de Chiconi et Ouangani |
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Section 11 Pamandzi |
Commune de Pamandzi |
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Section 12 Sada |
Communes de Chirongui et Sada |
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Section 13 Tsingoni |
Communes de M'Tsangamouji et Tsingoni |
« Le nombre de sièges prévu à l'article L. 558-9-2 est réparti entre les sections en fonction de leur population respective, à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. En cas d'égalité de moyenne, le dernier siège est attribué à la section dont la population est la plus importante ; en cas de nouvelle égalité, il est attribué à la section dont la population a le plus augmenté en valeur absolue depuis le recensement précédent. Chaque section se voit attribuer au moins deux sièges ; si nécessaire, les derniers sièges répartis selon la méthode décrite aux deux premières phrases du présent alinéa sont réattribués de sorte que chaque section dispose d'au moins deux sièges.
« Au plus tard le 15 janvier de l'année du renouvellement de l'assemblée de Mayotte, un arrêté du représentant de l'État à Mayotte répartit les sièges entre chacune des sections en fonction du dernier chiffre authentifié de leur population, conformément aux dispositions du présent article.
« Art. L. 558-9-4. – Les conseillers à l'assemblée de Mayotte sont élus au scrutin de liste à deux tours, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation. Chaque liste est constituée de treize sections. Elle comprend un nombre de candidats égal au nombre de sièges dans chaque section, conformément à l'arrêté préfectoral mentionné au dernier alinéa de l'article L. 558-9-3, augmenté de deux par section.
« Au premier tour de scrutin, il est attribué à la liste qui a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés dans la circonscription un nombre de treize sièges, répartis à raison d'un siège pour chaque section.
« Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis, au sein de chaque section, entre toutes les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés sur l'ensemble de la circonscription, au prorata des voix obtenues par chaque liste dans la section, à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne.
« Si aucune liste n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un second tour.
« Il est attribué à la liste qui a obtenu le plus de voix à ce second tour dans la circonscription un nombre de treize sièges, répartis à raison d'un siège pour chaque section. En cas d'égalité de suffrages entre les listes arrivées en tête, ces sièges sont attribués à la liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la plus élevée. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis au sein de chaque section entre toutes les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés au second tour sur l'ensemble de la circonscription, au prorata des voix obtenues par chaque liste dans la section, à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne.
« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège dans une section, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité de suffrages, le siège est attribué au plus âgé des candidats susceptibles d'être proclamés élus.
« Les sièges sont attribués aux candidats dans l'ordre de présentation pour chaque section.
« CHAPITRE III
« Plafond des dépenses électorales
« Art. L. 558-9-5. – Pour l'application du dernier alinéa de l'article L. 52-11, la référence à l'indice des prix à la consommation des ménages, hors tabac, est remplacée par la référence à l'indice local des prix à la consommation des ménages, hors tabac, de l'Institut national de la statistique et des études économiques. » ;
4° À la fin du dernier alinéa de l'article L. 558-11, les mots : « ou de Martinique » sont remplacés par les mots : « , de Martinique ou de Mayotte » ;
5° Aux première et seconde phrases de l'article L. 558-13, les mots : « ou de Martinique » sont remplacés par les mots : « , de Martinique ou de Mayotte » ;
6° L'article L. 558-14 est ainsi rédigé :
« Art. L. 558-14. – L'article L. 118-3 est applicable aux candidats à l'élection des conseillers à l'assemblée de Guyane, à l'assemblée de Martinique et à l'assemblée de Mayotte. » ;
7° À l'article L. 558-15, les mots : « ou à l'assemblée de Martinique » sont remplacés par les mots : « , à l'assemblée de Martinique ou à l'assemblée de Mayotte » ;
8° Au premier alinéa de l'article L. 558-16, les mots : « ou à l'assemblée de Martinique » sont remplacés par les mots : « , à l'assemblée de Martinique ou à l'assemblée de Mayotte » ;
9° À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 558-17, les mots : « ou à l'assemblée de Martinique » sont remplacés par les mots : « , à l'assemblée de Martinique ou à l'assemblée de Mayotte » ;
10° L'article L. 558-18 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Les mandats de conseiller à l'assemblée de Guyane, de conseiller à l'assemblée de Martinique et de conseiller à l'assemblée de Mayotte sont incompatibles. » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « ou à l'assemblée de Martinique » sont remplacés par les mots : « , à l'assemblée de Martinique ou à l'assemblée de Mayotte » ;
10° bis À la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 558-22 et au deuxième alinéa de l'article L. 558-23, après le mot : « articles », est insérée la référence : « L. 118-3, » et la référence : « , L. 558-14 » est supprimée ;
11° À la fin de l'article L. 558-28, les mots : « et des conseillers à l'assemblée de Martinique » sont remplacés par les mots : « , à l'assemblée de Martinique et à l'assemblée de Mayotte » ;
12° À la fin de l'intitulé du chapitre VII du titre III, les mots : « et des conseillers à l'assemblée de Martinique » sont remplacés par les mots : « , à l'assemblée de Martinique et à l'assemblée de Mayotte » ;
13° Au premier alinéa de l'article L. 558-32, les mots : « ou à l'assemblée de Martinique » sont remplacés par les mots : « , à l'assemblée de Martinique ou à l'assemblée de Mayotte » ;
14° Au troisième alinéa de l'article L. 558-33, les mots : « ou à l'assemblée de Martinique » sont remplacés par les mots : « , à l'assemblée de Martinique ou à l'assemblée de Mayotte » ;
15° À l'article L. 558-34, les mots : « ou à l'assemblée de Martinique » sont remplacés par les mots : « , à l'assemblée de Martinique ou à l'assemblée de Mayotte ».
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TITRE VI
DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES
Article 34
I A. – Le Département-Région de Mayotte succède au Département de Mayotte dans tous ses droits et obligations, y compris en matière budgétaire et comptable.
I B. – Pour l'application à Mayotte des dispositions législatives autres que celles modifiées par la présente loi :
1° La référence au Département de Mayotte est remplacée par la référence au Département-Région de Mayotte ;
2° La référence au conseil général ou au conseil départemental de Mayotte est remplacée par la référence à l'assemblée de Mayotte ;
3° La référence aux conseillers généraux ou aux conseillers départementaux de Mayotte est remplacée par la référence aux conseillers à l'assemblée de Mayotte ;
4° La référence au président du conseil général ou au président du conseil départemental de Mayotte est remplacée par la référence au président de l'assemblée de Mayotte.
I. – Le code des juridictions financières est ainsi modifié :
1° Au 12° de l'article L. 131-2, les deux occurrences des mots : « du conseil départemental » sont remplacées par les mots : « de l'assemblée » ;
2° Le II de l'article L. 212-9 est ainsi modifié :
a) Au 1°, le mot : « Département » est remplacé par le mot : « Département-Région » ;
b) Au 2°, les mots : « au conseil départemental » sont remplacés par les mots : « à l'assemblée » ;
c) Au 3°, les mots : « du conseil départemental » sont remplacés par les mots : « de l'assemblée ».
II. – Au dernier alinéa du XIII de l'article 21 de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, la référence : « L.O. 7311-7 » est remplacée par la référence : « L.O. 7411-7 ».
III. – (Supprimé)
IV. – Au premier alinéa du I de l'article 6-3 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen, après le mot : « Martinique, », sont insérés les mots : « conseiller à l'assemblée de Mayotte, ».
V. – Le I de l'article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est ainsi modifié :
1° Au 2°, après les mots : « exécutif de Martinique, », sont insérés les mots : « de président de l'assemblée de Mayotte, » ;
2° Au 3°, après les mots : « exécutifs de Martinique, », sont insérés les mots : « les conseillers à l'assemblée de Mayotte, ».
VI. – Le présent titre entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er janvier 2026.
Les I, IV et V du présent article s'appliquent à compter du premier renouvellement général des conseils départementaux suivant l'entrée en vigueur de la présente loi.
Articles 35 à 37
(Supprimés)
Article 38
Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport recensant et évaluant les plans stratégiques applicables à Mayotte.
Article 39
(Supprimé)
Article 40
Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les modalités d'un retour à la norme concernant le circuit de distribution des médicaments à Mayotte, afin notamment de sécuriser les circuits d'approvisionnement et de renforcer le rôle des pharmacies d'officine.
Articles 41 à 53
(Supprimés)
M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Le vote est réservé.
Je donne à présent lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique.
projet de loi organique relatif au département-région de mayotte
Article 1er
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Au sixième alinéa de l'article L.O. 1112-10, après le mot : « Martinique », sont insérés les mots : « , le Département-Région de Mayotte » ;
2° L'article L.O. 1114-1 est ainsi modifié :
a) Au 2°, le mot : « Département » est remplacé par le mot : « Département-Région » ;
b) Le 3° est complété par les mots : « autres que le Département-Région de Mayotte » ;
3° À l'article L.O. 3445-1, les mots : « , de Mayotte » sont supprimés ;
4° À l'article L.O. 3445-9, les mots : « les conseils départementaux de la Guadeloupe et de Mayotte peuvent être habilités » sont remplacés par les mots : « le conseil départemental de la Guadeloupe peut être habilité » et les mots : « de leur » sont remplacés par le mot : « du » ;
5° À l'article L.O. 4435-1, les mots : « , de Mayotte » sont supprimés ;
6° À l'article L.O. 4435-9, les mots : « les conseils régionaux de la Guadeloupe et de Mayotte peuvent être habilités » sont remplacés par les mots : « le conseil régional de la Guadeloupe peut être habilité » et le mot : « leur » est remplacé par le mot : « la » ;
7° Les articles L.O. 1711-2, L.O. 3511-1, L.O. 3511-3 et L.O. 4437-2 sont abrogés ;
8° Le livre III de la septième partie devient le livre IV et est ainsi modifié :
a) À l'intitulé du titre Ier, les mots : « et de Martinique » sont remplacés par les mots : « , de Martinique et de Mayotte » ;
b) À l'intitulé des chapitres Ier et II du titre Ier, les mots : « par les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique » sont supprimés ;
c) Les articles L.O. 7311-1, L.O. 7311-2, L.O. 7311-3, L.O. 7311-4, L.O. 7311-5, L.O. 7311-6, L.O. 7311-7, L.O. 7311-8 et L.O. 7311-9 deviennent respectivement les articles L.O. 7411-1, L.O. 7411-2, L.O. 7411-3, L.O. 7411-4, L.O. 7411-5, L.O. 7411-6, L.O. 7411-7, L.O. 7411-8 et L.O. 7411-9 ;
d) À l'article L.O. 7311-1, les mots : « et de Martinique » sont remplacés par les mots : « , de Martinique et de Mayotte » ;
e) À la première phrase de l'article L.O. 7311-3, la référence : « L.O. 7311-2 » est remplacée par la référence : « L.O. 7411-2 » ;
f) L'article L.O. 7311-4 est ainsi modifié :
– au premier alinéa, la référence : « L.O. 7311-2 » est remplacée par la référence : « L.O. 7411-2 » ;
– à la première phrase du dernier alinéa, la référence : « L.O. 7311-5 » est remplacée par la référence : « L.O. 7411-5 » ;
g) À la première phrase du second alinéa de l'article L.O. 7311-5, la référence : « L.O. 7311-4 » est remplacée par la référence : « L.O. 7411-4 » ;
h) L'article L.O. 7311-7 est ainsi modifié :
– au premier alinéa, la référence : « L.O. 7311-6 » est remplacée par la référence : « L.O. 7411-6 » ;
– aux deuxième et troisième phrases du second alinéa, la référence : « L.O. 7311-5 » est remplacée par la référence : « L.O. 7411-5 » ;
i) À la fin de la seconde phrase du dernier alinéa de l'article L.O. 7311-8, la référence : « L.O. 7311-5 » est remplacée par la référence : « L.O. 7411-5 » ;
j) Au premier alinéa de l'article L.O. 7311-9, la référence : « L.O. 7311-6 » est remplacée par la référence : « L.O. 7411-6 » ;
k) Les articles L.O. 7312-1, L.O. 7312-2 et L.O. 7312-3 deviennent respectivement les articles L.O. 7412-1, L.O. 7412-2 et L.O. 7412-3 ;
l) À l'article L.O. 7312-1, les mots : « et de Martinique » sont remplacés par les mots : « , de Martinique et de Mayotte » ;
m) L'article L.O. 7312-2 est ainsi modifié :
– à la fin du deuxième alinéa, la référence : « L.O. 7312-1 » est remplacée par la référence : « L.O. 7412-1 » ;
– à la fin du dernier alinéa, la référence : « L.O. 7311-2 » est remplacée par la référence : « L.O. 7411-2 » ;
n) À l'article L.O. 7312-3, les mots : « L.O. 7311-3 à L.O. 7311-9 » sont remplacés par les mots : « L.O. 7411-3 à L.O. 7411-9 » ;
o) L'article L.O. 7313-1 devient l'article L.O. 7413-1.
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M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Le vote est réservé.
Explications de vote communes
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi et du projet de loi organique dans les rédactions résultant des textes élaborés par les commissions mixtes paritaires, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à M. Marc Laménie, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (M. Olivier Bitz applaudit.)
M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, à l'issue des commissions mixtes paritaires conclusives qui se sont tenues hier dans un esprit constructif et positif, j'ai constaté l'ampleur du travail de fond mené tant par les députés que par nos collègues sénateurs.
Les documents remis sur table aux sept députés et sept sénateurs, ainsi qu'à leurs suppléants, ne totalisaient pas moins de 200 pages. Ce travail considérable mérite le respect et la reconnaissance de tous.
C'est donc un texte majeur pour Mayotte, composé de deux volets – un projet de loi ordinaire et un projet de loi organique –, que nous allons voter ce matin. Il s'agit d'un texte d'ampleur, qui a l'ambition de répondre à la quasi-totalité des principales problématiques des Mahorais : immigration irrégulière, habitat insalubre, insécurité, retard dans le secteur économique et social ou de l'éducation nationale. Bref, de très nombreux sujets importants sont abordés.
Il était temps. Mayotte est le cent unième département français, mais il est aussi le plus pauvre et celui qui souffre le plus d'une immigration incontrôlée. Nous l'avons vu après le passage de Chido, l'habitat même se révèle être dangereux pour un archipel exposé aux cyclones et qui compte pourtant 40 % d'habitations en tôle.
Je salue d'ailleurs les interventions – vous les avez rappelées, monsieur le ministre d'État – des militaires, des sapeurs-pompiers, des policiers, des gendarmes, des bénévoles et, plus largement, de l'ensemble de nos forces de sécurité.
Qu'est-ce qui a vraiment été fait ces dernières années pour l'archipel ? Des promesses, nombreuses, et quelques actions, c'est vrai, mais bien trop insuffisantes, au regard de l'ampleur de la réalité. Même de nombreux services de base, comme l'accès à l'eau ou à l'électricité, font encore défaut en 2025.
Comment peut-on accepter que des centaines de milliers de nos compatriotes n'aient accès à l'eau qu'un jour sur deux ? Comment peut-on accepter que les enfants n'aillent pas à l'école toute la journée, car il n'y a pas assez de classes pour tous ?
À Mayotte, il faut donc des écoles, des offres de formation pour les jeunes, une nouvelle piste aéroportuaire, des centres de santé, des milliers de logements neufs, un nouvel hôpital et des moyens considérables, notamment maritimes, pour assurer le contrôle de l'immigration.
Nous sommes encore très loin de la réalisation de tous ces projets nécessaires, dont certains sont promis depuis plus de dix ans. La situation actuelle est très compliquée. Pourtant, nous parlons bien d'un département français depuis 2011 !
Il s'agit d'agir pour Mayotte non pas seulement au nom de la solidarité nationale, mais également au nom de la justice et de l'égalité en matière de développement, auxquelles les Mahorais ont droit, comme tous les autres Français. La distance géographique ne saurait nous éloigner de notre responsabilité envers un seul de nos territoires.
Le projet de loi de refondation de Mayotte, dont notre groupe avait salué la version adoptée au Sénat il y a quelques semaines – je salue, à ce titre, le travail réalisé par l'ensemble des commissions –, porte désormais la responsabilité de la réalisation de tous ces projets promis et attendus depuis longtemps.
En ce qui concerne les modifications apportées en commission mixte paritaire, nous regrettons que la déterritorialisation des titres de séjour en 2030 ait été retenue. Si nous comprenons évidemment la demande des Mahorais, nous pensons que cette décision est précipitée tant que l'État ne sera pas capable d'assurer la maîtrise de l'immigration sur le territoire.
Enfin, nous comprenons la déception de nos collègues mahorais à ne voir s'appliquer la Lodéom qu'à partir de 2027. Toutefois, il fallait aussi entendre que l'échéance de 2026 paraissait trop rapprochée pour être appliquée à certaines entreprises ; d'où l'importance d'accompagner l'ensemble du monde économique, notamment en ce qui concerne l'alignement du Smic.
Néanmoins, le texte contient le préalable indispensable aux avancées dont Mayotte a besoin : il fixe des objectifs. Il nous faudra être vigilants pour que les prochains projets de loi de finances portent les moyens de leur réalisation.
Malgré ces quelques réserves, le groupe Les Indépendants – République et Territoires sera solidaire et soutiendra ce projet de loi. (M. Olivier Bitz applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Micheline Jacques, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Micheline Jacques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bientôt sept mois après le passage de Chido sur Mayotte, nous parvenons au terme du processus législatif qui encadre la reconstruction avec les conclusions des commissions mixtes paritaires relatives au projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte et au projet de loi organique relatif au département-région de Mayotte. Ces textes permettront la mobilisation de 3,2 milliards d'euros, un montant à la hauteur des enjeux.
Mayotte se trouvait déjà dans une situation de grande fragilité du fait de la forte pression démographique, d'infrastructures essentielles insuffisantes, de l'immigration clandestine étouffante et de la départementalisation inachevée, que Chido est venu heurter de plein fouet.
À cet égard, si l'Insee estime la population de l'île à 321 000 habitants, les maires, sentinelles de la réalité du territoire, l'évaluent autour du double, soit quelque 600 000 personnes.
La situation sécuritaire, également alarmante, achève un tableau justifiant que la reconstruction s'accompagne d'une politique structurelle.
Plus largement, notre groupe considère que ce texte ne suffira pas à résoudre toutes les difficultés ni à conduire Mayotte sur la voie d'un développement durable. Nous nous félicitons néanmoins de l'accord trouvé en CMP, preuve de la volonté collective de donner au plus vite à l'action publique les moyens nécessaires.
Je ne reviendrai que sur quelques points saillants.
Le projet de loi de programmation entérine des avancées économiques et sociales telles que l'alignement du Smic à 87,5 % du niveau national, la mise en œuvre des mesures d'exonération de charges patronales issues de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer ou encore l'instauration de zones franches globales, qui accompagneront la relance tout en rattrapant certains retards. Je pense, en matière de logement, à la généralisation des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).
La CMP a adopté conforme l'article 10, permettant au préfet de déroger à l'obligation de relogement, sur décision motivée, et ce jusqu'en 2034. Cet aménagement, que j'ai eu l'honneur de défendre au nom de la commission des affaires économiques, vise à sécuriser constitutionnellement le dispositif.
La lutte contre l'immigration est l'autre point nodal de l'avenir de Mayotte.
À cet égard, le groupe Les Républicains se félicite d'avoir renforcé les mesures de lutte contre l'immigration clandestine, contre les reconnaissances frauduleuses de paternité, contre l'habitat illégal et contre le travail illégal. Il a également renforcé le contrôle des armes.
Le Sénat avait souhaité une évaluation des dispositifs dérogatoires en matière d'immigration et de nationalité applicables à Mayotte, avec la remise au Parlement d'un rapport dans un délai de trois ans. Cet état des lieux nous était apparu comme un préalable à la suppression du visa territorialisé.
Toutefois, l'Assemblée nationale ayant supprimé le caractère territorialisé des visas de manière transpartisane, cette mesure nous a semblé suffisamment consensuelle. De surcroît, elle fait écho à une demande forte de la population, chez qui l'immigration peut faire l'effet d'une trappe se refermant sur l'archipel.
C'est pourquoi, fidèles à l'esprit de recherche du consensus qui a animé notre groupe, nous avons considéré que les conditions étaient réunies pour accepter la « déterritorialisation » des visas en 2030.
De même, les sénateurs avaient prévu, à l'article 19, de doter l'État de moyens facilitant l'expropriation, en vue de la réalisation d'infrastructures publiques essentielles, resserrées aux réseaux publics d'eau et d'assainissement, aux transports, aux structures hospitalières et aux établissements pénitentiaires.
Or, depuis le texte d'urgence du début de l'année, cette mesure est mal accueillie localement. De fait, alors que l'expropriation doit s'accompagner d'une juste rémunération pour ne pas se transformer en spoliation, des expériences de mise à disposition de l'État de foncier, menées depuis plus de dix ans sans indemnisation, ont suscité de farouches oppositions.
Je veux, sur ce sujet, souligner l'intervention décisive de notre collègue Salama Ramia, qui a montré le rôle traditionnel des femmes mahoraises dans les questions foncières. Elle a ainsi emporté notre conviction que le dispositif de l'article 19 n'était, en l'état, pas adapté au contexte culturel, social et économique de Mayotte.
En outre, les besoins d'expropriation ont été évalués à 120 kilomètres carrés sur 370, alors que de nombreux défis pèsent encore sur le foncier.
Les sénateurs LR ont donc choisi d'entendre cette demande, car la reconstruction ne saurait se faire contre la population ; au contraire, cette dernière doit être placée au centre. Nous saisissons cette occasion pour le réaffirmer. Nous tenons cependant à exprimer nos réserves appuyées quant à la perte de temps incompressible que l'absence de procédure d'expropriation facilitée engendrera.
Disposant d'un recul suffisant, quatorze ans après la départementalisation, le Gouvernement accompagne le projet de loi de reconstruction d'un projet de loi organique visant à compléter le statut – aujourd'hui à mi-chemin entre département et collectivité territoriale unique – afin d'améliorer le cadre de l'action publique locale.
Pas plus qu'une loi de programmation, la question institutionnelle ne saurait, à elle seule, constituer une réponse. Cette occasion mérite toutefois d'être saisie pour apporter des améliorations bienvenues.
Nous avons ainsi obtenu le maintien du découpage de la circonscription en treize sections.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Micheline Jacques. Ce mode de scrutin nous semble en effet garantir une répartition équilibrée et la représentative de chacune des communes du territoire. Il n'y a donc pas lieu d'y revenir.
Le groupe LR adoptera les conclusions de la CMP sur les deux textes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Salama Ramia, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Salama Ramia. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, après sept mois de travaux cumulés, utiles pour répondre aux besoins urgents de Mayotte, puis pour assurer sa refondation, je me réjouis que les travaux de cette commission mixte paritaire aient porté leurs fruits.
En préambule, permettez-moi de souligner les efforts inédits de ce gouvernement en faveur de Mayotte, par l'impulsion de M. le ministre des outre-mer, Manuel Valls.
Outre le volet financier et un engagement pluriannuel sans précédent, le changement dans la méthode de travail est suffisamment important et satisfaisant pour être souligné.
On entend, ici et là, des craintes quant à l'engagement financier réel de l'État, mais, pour reprendre les mots de M. le ministre, « c'est une obligation morale de s'y tenir » pour Mayotte. Nous nous en assurerons dans le cadre de l'examen du prochain projet de loi de finances.
Venons-en au fond de cette CMP, finalement conclusive.
Quatre points ont particulièrement mobilisé notre attention : le premier était une nécessité communément partagée par tous ; le deuxième était une exigence et un besoin exprimé par le monde économique ; le troisième était une revendication de la population locale ; le quatrième provenait des élus. Toutes nos attentes ont été entendues.
Sur le premier point, nous avons obtenu le maintien de la suppression du titre de séjour territorialisé dès 2030. Cette revendication de longue date a pu être arrachée afin de permettre à la cocotte-minute migratoire qu'est Mayotte de s'éteindre enfin. Nous nous en réjouissons et demandons à l'État de s'y tenir, en prenant toutes les dispositions utiles pour rendre cette mesure effective. Nous resterons également attentifs aux moyens matériels et humains promis aux Mahorais.
Le deuxième point crucial concerne l'application de la Lodéom à Mayotte, dernier département et région d'outre-mer (Drom) encore écarté de ce dispositif. Nous avons plaidé pour son entrée en vigueur dès le 1er janvier 2026, parallèlement à l'alignement du Smic, prévu à la même date. C'est un premier pas louable pour les salariés, qui verront leur pouvoir d'achat progresser.
Toutefois, lorsque nous avons défendu cet alignement, l'objectif était clair : compenser la hausse des charges patronales induite par la revalorisation du Smic avec l'aide immédiate de la Lodéom. Finalement, celle-ci n'entrera en vigueur à Mayotte qu'au 1er janvier 2027, ce qui laissera aux entreprises le soin d'absorber seules la hausse des cotisations en 2026, dans un contexte où elles n'ont pas de matelas financier suffisant.
Les TPE et PME de Mayotte, qui constituent l'essentiel de notre tissu économique, n'ont pas la trésorerie pour attendre 2027. Elles risquent de disparaître avant même de pouvoir bénéficier de cette zone franche, ce qui constituerait un non-sens social, économique et budgétaire.
Aussi, j'appelle le Gouvernement à revoir le calendrier afin que la Lodéom s'applique dès 2026, simultanément à l'alignement du Smic, pour éviter un choc économique pour nos TPE et nos PME, déjà essoufflées après la crise sociale et sécuritaire traversée par Mayotte.
En troisième lieu, la suppression du régime d'expropriation simplifié participe au maintien d'un climat social apaisé à Mayotte. L'attention du Gouvernement est toutefois appelée sur la nécessité d'utiliser la faculté d'exproprier par le droit commun avec parcimonie, afin d'éviter une nouvelle crise sociale. À Mayotte, la terre est plus qu'un héritage et la transmission de père en fils est porteuse de sens.
Le quatrième et dernier point concerne le découpage de la circonscription électorale de Mayotte en treize sections.
Mes chers collègues, ces mesures d'équilibre répondent globalement aux attentes de tout un chacun. En tant que sénatrice mahoraise, je tiens à saluer l'investissement de mes collègues sénateurs et sénatrices issus de l'ensemble des groupes qui composent notre Haute Assemblée. Vous avez su être à l'écoute et vous unir pour servir une cause : l'intérêt des Mahorais. Je veux vous en remercier.
Parce que ce texte est indispensable au renouveau de Mayotte, le groupe RDPI lui apportera naturellement son soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, Mayotte traverse une crise sans précédent. Aux défis structurels de pauvreté, de sous-développement et d'accès aux services publics s'est ajoutée, avec le passage des cyclones, une catastrophe naturelle d'une ampleur dramatique.
Mayotte est le département le plus pauvre de France, avec un PIB trois fois inférieur à la moyenne nationale. À ce jour, 77 % de sa population vit sous le seuil de pauvreté et la moitié de ses jeunes est sans emploi, sans diplôme, sans perspectives.
L'accès à l'eau potable, aux soins, à l'école, aux services essentiels demeure un combat quotidien pour des dizaines de milliers de nos concitoyens. Mayotte est française, mais elle reste encore trop souvent à distance de la promesse républicaine.
Dans ce contexte, le projet de loi de refondation présenté par le Gouvernement constitue une étape nécessaire.
Il engage des moyens importants, définit une trajectoire budgétaire de près de 4 milliards d'euros et annonce la transformation institutionnelle de l'île en département-région. Nous saluons ces avancées.
Nous saluons également les mesures relatives à la convergence sociale. Je pense en particulier à l'alignement progressif du Smic, qui constitue un engagement indispensable pour rétablir une forme d'égalité entre les citoyens de Mayotte et ceux de l'Hexagone.
Mais à ce volet de développement s'ajoute un pan du texte auquel la majorité du groupe RDSE ne peut adhérer. De fait, ce projet de loi ne se limite pas à organiser la reconstruction, il durcit aussi sensiblement le droit des étrangers à Mayotte, au risque de porter atteinte à l'égalité des droits et à l'unité de notre droit.
Ce texte maintient la possibilité de placer en rétention des familles avec enfants, une pratique profondément incompatible avec le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant. Nous y sommes opposés.
De la même façon, nous ne pouvons souscrire à l'article 8, qui autorise le retrait d'un titre de séjour à un parent en raison du seul comportement de son enfant.
Le texte conserve des mesures de restriction bancaire sur les transferts de fonds, qui risquent elles aussi de pénaliser les populations les plus précaires, sans apporter de réponse efficace au financement des filières clandestines.
Enfin, le projet de loi prévoit d'exclure l'aide médicale de l'État (AME) des prestations sociales pouvant être étendues à Mayotte.
Ces mesures, loin de tarir les flux, risquent d'accroître la précarité et l'illégalité. Elles organisent une forme de double droit, contraire à notre idéal républicain. Nous ne croyons pas que l'empilement de dérogations et de dispositifs coercitifs puisse régler les causes profondes des déséquilibres migratoires dans la région.
Le groupe du RDSE ne nie pas les tensions migratoires qui affectent Mayotte. Il ne sous-estime ni l'ampleur des défis ni l'exaspération d'une partie de la population, mais nous refusons de croire que la multiplication des mesures d'exception constitue une réponse à la hauteur de l'enjeu.
Nous refusons que Mayotte devienne un laboratoire juridique à part, où des pratiques que nous refusons en métropole deviendraient acceptables, au nom de l'éloignement géographique.
Nous le savons, la régulation des flux migratoires exige une stratégie globale : un renforcement de la coopération régionale ; une relance de l'aide publique au développement vers les Comores et les pays de la région ; un soutien aux politiques éducatives, sanitaires et agricoles locales. Or, sur ces sujets essentiels, le texte reste silencieux ou trop timide.
Pour toutes ces raisons, la majorité du groupe du RDSE s'abstiendra sur ce projet de loi.
Nous saluons bien évidemment les avancées obtenues, notamment sur le foncier et le soutien au développement économique et partageons l'objectif de refondation que défend ce texte. Toutefois, nous déplorons la persistance d'un droit d'exception en matière migratoire, contraire à nos principes républicains les plus fondamentaux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées des groupes GEST et SER. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Bitz, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Olivier Bitz. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire réunie sur le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte et sur le projet de loi organique qui l'accompagne est parvenue à un accord. La qualité du travail mené avec les rapporteurs de l'Assemblée nationale, que je salue, a permis l'émergence d'un compromis à la hauteur des enjeux et des liens qui unissent Mayotte à la République.
Le texte issu de la CMP s'écarte sur plusieurs points de celui qu'avait adopté le Sénat. Comme tout compromis, il a comporté une part de concessions, et la population mahoraise a été entendue.
Plusieurs points importants ont été actés par la CMP.
Je pense, en premier lieu, à la suppression de l'article 19 relatif à la prise de possession anticipée. Victime d'un malentendu quant à sa portée réelle, cet article a cristallisé les angoisses et les tensions. Considérant que l'on ne pourra pas redresser Mayotte contre les Mahorais, la CMP en a pris acte et s'est accordée sur sa suppression.
Je veux remercier ici tout particulièrement Salama Ramia, qui a fait preuve, sur le sujet, de beaucoup de force de conviction et d'énergie.
Nous en resterons donc à la procédure d'expropriation de droit commun – et aux délais qui vont avec… Nous avons, à cet égard, tenu à rappeler que la mesure de l'atteinte des objectifs fixés en la matière devra tenir compte de l'allongement des délais qui résultera de la mise en œuvre du régime de droit commun.
En deuxième lieu, la suppression du titre de séjour territorialisé, à compter du 1er janvier 2030, constitue une autre concession majeure consentie par le Sénat.
Si celui-ci a accepté cette mesure, c'est pour qu'elle serve d'aiguillon à l'action du Gouvernement : on peut espérer que la perspective de la suppression du titre territorialisé le conduise à obtenir des résultats rapides en matière de lutte contre l'immigration irrégulière.
Cette suppression n'est toutefois pas gravée dans le marbre : il nous appartiendra, d'ici à 2030, notamment dans le cadre du bilan à mi-parcours prévu par le Sénat à l'article 2 bis, de prendre la mesure de l'évolution de la situation migratoire à Mayotte et de sa compatibilité avec la suppression du titre de séjour territorialisé.
En dernier lieu, des avancées importantes ont été décidées sur la convergence économique et sociale. Le Sénat a accepté une augmentation du Smic net à 87,5 % du montant de celui en vigueur en métropole dès 2026, ainsi que la mise en place, à compter du 1er janvier 2027, du dispositif d'allégement de cotisations patronales dit Lodéom.
Notre Haute Assemblée a, parallèlement, pu faire valoir de nombreux apports.
Ainsi, l'article 1er bis consacre l'autorité du préfet de Mayotte, pour la durée de la programmation, sur l'ensemble des services de l'État intervenant dans l'archipel, afin de favoriser la coordination et l'efficacité de l'action de l'administration.
La CMP a également conservé la rédaction du Sénat en ce qui concerne le mode de scrutin pour l'élection des membres de la nouvelle assemblée de Mayotte. Elle a fait droit aux arguments que nous avons avancés en faveur d'un découpage de la circonscription électorale en treize sections, au lieu de cinq, ce qui devrait permettre de mieux conjuguer les objectifs de représentation du territoire et de stabilité de l'assemblée.
Pour ce qui concerne la lutte contre l'immigration irrégulière, qui constitue le principal facteur de déstabilisation de l'archipel, les apports du Sénat ont été intégralement conservés. Je pense notamment aux dispositions renforçant les conditions de délivrance des titres de séjour pour motif familial ou améliorant le cadre juridique de la rétention des familles accompagnées de mineurs.
Enfin, les articles 19 bis et 19 ter, qui permettront d'accélérer les procédures nécessaires à la construction de l'aéroport comprenant la piste longue tant attendue à Mayotte, ont été rétablis sur notre initiative et figurent bien dans le texte adopté par la CMP.
Mes chers collègues, au-delà des divergences que nous pouvons avoir sur certaines dispositions, je constate avec satisfaction le consensus qui règne parmi nous pour réaffirmer l'ambition de la République pour Mayotte.
Cette réponse d'ampleur se traduit par un programme d'investissements de la part de l'État d'un montant supérieur à 4 milliards d'euros sur la période 2026-2031.
Le projet de loi confère également à l'État et aux collectivités territoriales les moyens juridiques d'agir en faveur du développement de Mayotte. Il leur revient désormais de s'en saisir.
Quant à nous, législateurs, il nous appartiendra de veiller à la bonne application de cette loi et de la programmation qu'elle fixe. Éclairé par le comité de suivi créé sur son initiative, le Sénat portera une attention toute particulière au respect par le Gouvernement des engagements ambitieux qui sont inscrits dans le texte.
Au bénéfice de ces observations, le groupe Union Centriste votera ces deux projets de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mmes Véronique Puissat et Agnès Canayer, ainsi que M. Marc Laménie, applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, les attentes et les besoins sont immenses à Mayotte. Ils sont le résultat d'un abandon de l'État depuis des décennies.
En mai dernier, quand nous discutions de ce projet de loi pour la refondation de Mayotte, j'exprimais ma vive préoccupation face à plusieurs des dispositions proposées. Alors que les Mahorais ne demandent que l'intégration, le respect et l'égalité, certaines mesures du texte maintiennent encore Mayotte à distance du droit commun.
Je pense au retrait des titres de séjour des parents lorsque leur enfant constitue une prétendue menace pour l'ordre public.
Je pense encore à la possibilité d'enfermer des enfants dans des unités familiales de rétention.
Ces mesures sont aussi inhumaines qu'inefficaces.
Les atteintes répétées au droit du sol à Mayotte depuis plusieurs années n'ont en rien endigué les flux migratoires ni amélioré la situation de l'île. Les droits fondamentaux ne peuvent être bafoués au nom de la lutte contre l'immigration et cette tâche ne peut dispenser l'État d'investir dans les services publics à Mayotte.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà notre ambition : l'égalité de la République, l'égalité des chances, l'égalité des droits, l'égalité sociale, y compris quand on vit à Mayotte ou quand on y est né.
La CMP a permis des avancées notables, à commencer par la fin de la territorialisation des titres de séjour, demande largement partagée par les élus mahorais. Cette mesure d'exception bloquait trop de jeunes à Mayotte, piégés et sans solution pour étudier ou se former hors de l'île.
Je salue également la suppression par la CMP de l'article 19, qui permettait des expropriations dérogatoires. Cette victoire du Parlement, dans un contexte où les Mahorais font déjà face à une forte insécurité foncière, impose au Gouvernement de se conformer au droit commun en la matière.
De fait, nous avons toutes les raisons de nous inquiéter de la situation du logement à Mayotte, où la moitié de la population vit dans des bidonvilles non raccordés, sans eau potable ni assainissement ou électricité.
En guise de réponse, le projet de loi facilite les destructions de bidonvilles, sans obligation pour l'État de reloger les familles. Il est pourtant évident que ces destructions ne résoudront en rien la crise du logement !
La lutte contre l'habitat indigne doit impérativement passer par une grande mobilisation de l'État pour la construction des logements sociaux qui font cruellement défaut à Mayotte. La reconstruction ne doit pas seulement obéir à l'urgence immédiate ; elle doit aussi être pensée en considérant l'avenir. C'est l'anticipation qui doit commander un tel projet de loi.
À cet égard, quelle part du texte aura été consacrée à l'adaptation au changement climatique ? Mayotte demeure impréparée à des phénomènes tels que les puissants cyclones que nous connaissons désormais ou la montée des eaux. Les dernières grandes marées ont pourtant provoqué d'importantes inondations. Rappelons que 80 % des constructions de l'archipel sont situées en zone littorale.
Nous regrettons que le projet de loi pour la refondation de Mayotte soit une occasion manquée de propulser ce territoire dans la transition énergétique, en le faisant bénéficier du développement des énergies renouvelables comme le solaire photovoltaïque.
Si la création d'une chambre d'agriculture et d'une chambre de la pêche va dans le bon sens, la grande précarité alimentaire que connaissent de nombreux Mahorais rend nécessaire de doter Mayotte de tous les moyens d'atteindre l'autonomie alimentaire. Il faut renforcer et diversifier les filières locales pour rompre avec la dépendance croissante de l'île aux importations de produits transformés de faible qualité.
Là où 77 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, où au moins un habitant sur deux a moins de 20 ans et où le Smic est toujours inférieur de 400 euros par rapport à la métropole, nous serons très attentifs à ce que l'alignement des prestations sociales promis par ce projet de loi soit bien effectif en 2031. Nous resterons tout aussi attentifs à ce que les promesses de construction d'écoles et d'un second hôpital soient tenues et traduites en engagements concrets, chiffrés, dans chaque loi de finances.
Le groupe CRCE-K s'abstiendra sur le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte et votera pour le projet de loi organique relatif au département-région de Mayotte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Mme Antoinette Guhl. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, Mayotte est une île exceptionnelle.
Oui, par sa nature luxuriante, ses mangroves profondes, ses lagons turquoise, ses récifs coralliens, ses tortues marines, ses forêts primaires, l'archipel de Mayotte est exceptionnel. C'est un trésor de biodiversité, un patrimoine naturel rare, qui devrait faire la fierté de la République.
Avant même le passage du cyclone Chido, ce patrimoine était déjà fragile et menacé par les effets conjoints du changement climatique, de l'urbanisation incontrôlée ou encore du plastique, qui a envahi ses côtes.
Aujourd'hui, dans ce projet de loi de refondation comme, d'ailleurs, dans la loi d'urgence, on en fait trop peu. Il n'y figure aucune stratégie de résilience écologique adaptée aux réalités insulaires de Mayotte. Quels enseignements tirons-nous de ce cyclone ?
Monsieur le ministre, vos projets de loi successifs ne répondent pas aux attentes des écologistes que nous sommes. Vous auriez pu proposer une réponse à la hauteur de l'exception, une réponse qui anticipe les prochaines fureurs climatiques et qui protège la faune et la flore, d'une richesse incroyable.
Le peuple mahorais, lui aussi, est exceptionnel. Il résiste. Malgré les ravages du cyclone, les toitures arrachées, le manque d'eau, les Mahorais trouvent la force de reconstruire, de s'entraider, de tenir debout. Ils sont résilients, mais combien de temps pourront-ils l'être encore ?
Mayotte est aussi, aujourd'hui, un territoire d'exception au sein même de notre République, par son niveau de pauvreté, par le manque criant d'accès aux droits, par les mesures dérogatoires que l'État y impose. Fin du droit du sol, multiplication des expulsions, violence administrative, contrôles au faciès, état d'urgence permanent : à Mayotte, le droit commun ne s'applique plus. L'île est devenue un laboratoire sécuritaire où l'on teste des lois que l'on n'oserait jamais appliquer ailleurs en France.
La commission mixte paritaire vient de le confirmer, en validant plusieurs dispositions régressives et profondément préoccupantes : le retrait du titre de séjour aux parents dont les enfants sont accusés de troubler l'ordre public, sans jugement individuel, dans une logique de punition collective que nous jugeons indigne ; une restriction supplémentaire de l'accès à la nationalité française par l'ajout de nouveaux justificatifs pour les enfants nés à Mayotte, affaiblissant encore le droit du sol déjà restreint sur l'île ; une accélération des démolitions de bidonvilles, dans un contexte où les solutions de relogement sont quasi inexistantes, au mépris du droit au logement et de la dignité humaine.
Autrement dit, la CMP entérine une refondation à double visage avec, certes, quelques avancées – je pense à la revalorisation du Smic ou encore aux investissements –, mais aussi un durcissement sécuritaire, une logique d'exclusion sociale, un renforcement des mesures dérogatoires. Alors que la situation appelle des réponses sociales, écologiques et humaines fortes, vous répondez par la répression.
Mayotte est française, mais elle est traitée comme une sous-France. Cette réalité est insupportable. Elle dit quelque chose de plus large sur la manière dont notre République oublie, relègue, exclut, sur la façon dont nous parlons d'universalité tout en pratiquant l'exception. Je crois en notre République, en l'État de droit, en ce qui fait que la France est exceptionnelle. Je ne veux pas d'exception sur son territoire.
La République est une et indivisible ou elle n'est pas ! Si nous voulons qu'elle soit vivante et vivace en métropole, elle doit aussi l'être à Mayotte. Il faut y garantir l'accès aux services publics, à la justice sociale, à la dignité humaine. Mayotte a besoin de plus de République : la vraie, celle qui soigne, celle qui protège, celle qui respecte.
C'est pourquoi, en responsabilité, nous voterons contre ce texte. Nous voterons, en revanche, en faveur du projet de loi organique relatif au département-région de Mayotte. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Saïd Omar Oili. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, nous sommes enfin arrivés à la fin du processus d'examen du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte. Ce texte était très attendu par la population après la catastrophe du cyclone Chido, qui a frappé lourdement notre archipel voilà maintenant près de sept mois.
J'avais exprimé très clairement mes principales revendications au début des discussions sur ce projet de loi : la suppression de l'article 19, qui instaurait un système dérogatoire du droit commun pour les expropriations ; la fin des cartes de séjour territorialisées ; la mise en œuvre de la convergence sociale dans des délais plus courts.
Il faut reconnaître que des avancées réelles ont été obtenues après des débats parlementaires parfois tendus avec le Gouvernement.
Nous avons obtenu la suppression de l'article 19 relatif aux expropriations, la fin des cartes de séjour territorialisées, dans un délai que j'estime trop long – en 2030 –, mais le processus est engagé. Sur la convergence sociale, une avancée limitée a été actée : l'augmentation du Smic dès 2026. Le bilan est, pour reprendre une expression célèbre, « globalement positif », notamment pour ce qui concerne les revendications prioritaires.
Je note aussi que, parmi les trente amendements que j'avais déposés sur le rapport annexé, c'est-à-dire le document de programmation, seize ont été retenus.
Pour ces raisons, je voterai le projet de loi. Toutefois, j'émets des réserves sur les dispositions qui limitent les droits fondamentaux des personnes et qui constituent des atteintes à nos principes républicains relatifs aux libertés publiques et aux droits de l'homme.
Je comprends les raisons qui conduisent les collègues de mon groupe à s'abstenir. D'autant que, s'agissant des dispositions censées permettre de lutter contre l'immigration clandestine, vous me permettrez de douter de leur efficacité. À l'occasion de la rédaction d'un rapport que j'ai publié, intitulé Mayotte : 25 ans de lutte contre l'immigration clandestine, j'ai pu mesurer l'échec de telles mesures. Vous avez été destinataire de ce bilan, monsieur le ministre d'État, et je vous invite à le lire très attentivement, car il s'appuie sur des données publiques non contestables.
Faire des lois c'est très bien, les évaluer c'est encore mieux. Il est indispensable de procéder à cette évaluation à Mayotte, un territoire atypique de la République dont les réalités sociales, culturelles, économiques et religieuses spécifiques sont très souvent incomprises par les administrations centrales.
Mayotte n'est pas lisible pour les fonctionnaires d'État, qui reproduisent de bonne foi des politiques publiques applicables dans l'Hexagone. Il nous appartient – nous, parlementaires élus de ces territoires – de faire remonter nos spécificités et d'ajuster les lois à ces réalités.
Enfin, je voudrais terminer mon propos par une alerte concernant la mise en œuvre de la programmation contenue dans le rapport annexé.
Nous serons très mobilisés sur le suivi des mesures et des moyens déployés, lequel doit se faire en toute transparence. L'administration se doit d'être exemplaire lors de la transmission des rapports et des données. Je déplore qu'il ait fallu, lors de la préparation de ce projet de loi, écrire trois courriers pour obtenir des données et réclamer plusieurs fois la transmission de rapports... Vous le savez, monsieur le ministre d'État, la défiance de la population mahoraise envers les autorités publiques est très importante. Or cette pratique de non-transmission des documents ne fait que l'alimenter.
Le suivi de l'application de cette loi doit être exemplaire. Elle représente sans doute la dernière chance de redonner confiance à la population mahoraise envers l'action publique, après la catastrophe du cyclone Chido.
Je vous demande, monsieur le ministre d'État, ainsi qu'au Gouvernement, d'être à la hauteur des enjeux de ce territoire. Faites tout pour ne pas décevoir la population mahoraise, très meurtrie après le passage de ce cyclone. Pour notre part, nous resterons très vigilants, voire très exigeants quant à l'application de cette loi. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
Vote sur l'ensemble du projet de loi
M. le président. Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 351 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 244 |
Pour l'adoption | 228 |
Contre | 16 |
(Le projet de loi est adopté définitivement.) (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu'au banc de la commission.)
Vote sur l'ensemble du projet de loi organique
M. le président. Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je vais mettre aux voix l'ensemble du projet de loi organique relatif au Département-Région de Mayotte, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 352 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 278 |
Pour l'adoption | 278 |
Le Sénat a adopté définitivement le projet de loi organique.
La parole est à M. le ministre d'État.
M. Manuel Valls, ministre d'État. Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je souhaite vous exprimer ma reconnaissance, car je suis très fier de l'adoption de ces projets de loi.
Je pense avant tout à Mayotte et aux Mahorais, lesquels attendent aujourd'hui plus que jamais, avec beaucoup d'exigence, la mise en œuvre de ces textes. Vous pouvez compter sur mon implication totale dans le suivi de ces mesures et je sais pouvoir compter sur le soutien du Sénat à cet égard.
Je vous remercie. Encore une fois, vous avez toute ma reconnaissance. (MM. Marc Laménie et Pierre-Antoine Levi applaudissent.)
4
Emploi des salariés expérimentés et évolution du dialogue social
Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire sur un porjet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social (texte de la commission n° 839, rapport n° 838).
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire (CMP), réunie mardi soir sur le projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social, est parvenue à un texte commun.
Celui-ci est conforme à la ligne tracée par la majorité sénatoriale : assurer une transposition fidèle et complète des mesures de l'accord national interprofessionnel (ANI) nécessitant l'intervention du législateur.
En effet, le respect de la parole des partenaires sociaux imposait aux deux rapporteurs de ce texte de se limiter à la stricte retranscription des mesures contenues dans l'accord. Le Gouvernement s'y était engagé, le Parlement y a veillé, jusque très tard hier soir. Nous aboutissons à un texte qui a d'ores et déjà été salué par l'ensemble des partenaires sociaux.
Sans revenir sur le parcours des négociations, qui ont été menées par les partenaires sociaux jusqu'à la fin du mois de juin, ce qui nous a conduit à travailler dans un temps contraint, nous pouvons tout d'abord nous féliciter de constater que le dialogue social interprofessionnel ait été renoué et que les ANI se multiplient.
J'en profite pour souligner de nouveau que le travail de retranscription du Gouvernement a été salué par tous les partenaires sociaux auditionnés et que nous avons collectivement pu démontrer notre attachement au paritarisme. Je vous remercie sincèrement, madame la ministre, d'avoir travaillé en ce sens.
J'ajouterai une note plus personnelle : nous tenons à remercier nos collègues députés, Stéphane Viry et Nicolas Turquois, qui ont pleinement partagé notre philosophie. Cet esprit de fidélité à la parole des partenaires sociaux nous a conduits à revenir sur certaines évolutions intervenues à l'Assemblée nationale.
Les thèmes de la négociation de branche instaurée par l'article 1er, relatif à l'emploi et au travail des salariés expérimentés, ont ainsi été modifiés. Deux d'entre eux ont été rendus facultatifs, et non plus obligatoires, afin de correspondre à la lettre de l'ANI.
De même, à l'article 2, la mobilisation du fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle (Fipu) a été replacée parmi les thèmes abordés sur une base facultative lors des négociations d'entreprise.
L'article 4 crée un contrat de valorisation de l'expérience afin de faciliter le recrutement de demandeurs d'emploi senior, dans la droite ligne du CDI « senior » défendu par la majorité sénatoriale – un petit clin d'œil à notre ami René-Paul Savary... Afin de correspondre à la volonté exprimée par les signataires de l'ANI, et conformément au texte adopté par le Sénat, la CMP a réduit de deux ans à six mois le délai de carence avant la réembauche d'un salarié par l'employeur.
Enfin, nos travaux se sont concentrés sur la transposition de l'ANI en faveur des reconversions et transitions professionnelles, conclu le 25 juin dernier, et donc examiné par la seule Assemblée nationale. Pour cela, nous avons innové durant la préparation de la CMP en réunissant par trois fois, avec nos corapporteurs de l'Assemblée nationale, l'ensemble des organisations patronales et syndicales signataires. Ces auditions nous ont permis de faire évoluer le texte afin d'assurer une plus grande fidélité à l'accord.
Concernant l'article 10, qui a trait aux dispositifs de reconversion professionnelle à la main des employeurs, nous avons précisé que le régime du licenciement économique ne trouvait pas à s'appliquer dans le cas d'une rupture d'un commun accord avec le salarié.
Par ailleurs, dans leur ANI du 25 juin dernier, les partenaires sociaux ont aussi souhaité modifier le pilotage du projet de transition professionnelle (PTP), dispositif à l'initiative du salarié. Ils ont donc prévu de transférer les fonds issus des contributions des employeurs de France Compétences vers l'association paritaire Certif Pro. Cette dernière serait chargée de répartir les fonds entre les associations régionales « Transitions Pro » (ATpro), en lieu et place de l'opérateur de l'État.
L'article 12, introduit par l'Assemblée nationale, visait à transposer ces dispositions et nous a posé davantage de difficultés. S'il reconnaissait une existence légale à l'instance paritaire Certif Pro, il ne lui donnait pas directement le pilotage du financement du PTP. Il créait plutôt une commission paritaire au sein de France Compétences, selon un schéma quelque peu baroque. De manière unanime, cet article ne convenait pas aux partenaires sociaux.
Le texte issu des travaux de la CMP s'est rapproché des dispositions prévues dans l'ANI. Nous avons décidé que Certif Pro serait compétente pour arrêter la répartition des fonds, ainsi que pour définir les règles, critères et priorités de prise en charge des PTP. France Compétences devrait ensuite gérer opérationnellement les flux financiers en fonction des décisions de l'instance paritaire. Il n'a toutefois pas été possible d'aller plus loin en CMP, en raison des règles de recevabilité des initiatives parlementaires au titre de l'article 40 de la Constitution.
Fort heureusement, l'amendement du Gouvernement, examiné aujourd'hui, parachève cette transposition en retenant le pilotage exact souhaité par les partenaires sociaux. Je remercie Mme la ministre de rester ainsi fidèle à l'esprit dans lequel ce texte a été présenté et discuté depuis quelques semaines.
En définitive, le travail conduit par le Sénat, dans le respect de la philosophie de l'article L. 1 du code du travail, illustre une fois encore que, lorsque la démocratie sociale et la démocratie parlementaire se conjuguent, l'intérêt général s'en trouve grandi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Billon et M. Marc Laménie applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, cher Philippe Mouiller, mesdames les rapporteures, chères Frédérique Puissat et Anne-Marie Nédélec, mesdames, messieurs les sénateurs, après une lecture très constructive dans chacune des deux chambres, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord sur le projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social.
L'économie générale du projet de loi est bien connue : il s'agit de la transposition législative des trois accords du 14 novembre 2024 portant sur l'assurance chômage, l'emploi des travailleurs expérimentés et le dialogue social.
Depuis son adoption par le Sénat, début mai, d'autres éléments ont été intégrés au texte. Comme nous l'anticipions, et pour perdre le moins de temps possible, il a ainsi pu prendre en compte les résultats de deux autres négociations : la négociation paritaire sur l'assurance chômage du 27 mai dernier et, comme nous l'avions évoqué ensemble, l'ANI du 25 juin dernier sur les transitions et les reconversions professionnelles. Ces dispositions sont intégrées respectivement à l'article 9 bis, pour l'assurance-chômage, et aux articles 10, 11 et 12, pour les transitions et reconversions professionnelles.
Ces cinq accords, intervenus en neuf mois, nous autorisent à nous réjouir de la vitalité du dialogue social et du sens des responsabilités dont ont fait preuve les partenaires sociaux dans un contexte politique difficile. Je tiens aussi à souligner la très large représentativité de ces accords.
Nous avons veillé – j'en remercie en particulier le Sénat – à ce que ce projet de loi transcrive fidèlement la volonté et les intentions des partenaires sociaux. Depuis novembre dernier, et de manière très intense pour les récents accords, de nombreux échanges ont permis d'associer pleinement les partenaires sociaux. Il me semble important de préciser que ces échanges préparatoires ont eu lieu avec toutes les organisations représentatives.
Nous avons veillé, également, à ce que les rapporteurs soient étroitement associés tout au long de la procédure. Je tiens à remercier très chaleureusement les deux rapporteures du Sénat, Frédérique Puissat et Anne-Marie Nédélec, avec lesquelles j'ai échangé hier encore par téléphone. Leur travail, leur investissement et leur écoute ont joué un rôle important et permis de faciliter les choses.
Par rapport au texte dont nous avons débattu en mai dernier, une disposition nouvelle concerne l'assurance chômage.
L'article 9 bis intègre l'accord signé le 27 mai 2025 pour revoir certains paramètres du mécanisme de bonus-malus créé en 2019. Cette disposition législative ajuste le dispositif pour le recentrer, en excluant notamment du champ du dispositif les fins de contrats pour inaptitude ou faute lourde.
En mai, quand vous avez été saisis de ce projet de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, la négociation sur les transitions et les reconversions était en cours et nous ne savions pas si elle aboutirait. Nous l'espérions, mais nous n'avions aucune certitude. Un accord est intervenu le 25 juin, à quelques jours de l'examen en séance publique à l'Assemblée nationale. La mobilisation des partenaires sociaux et des services du ministère ont permis que ce résultat puisse être pris en compte.
Portant sur les transitions et les reconversions professionnelles, les article 10, 11 et 12 permettront trois avancées très concrètes, dont nos salariés et nos entreprises pourront se saisir rapidement.
La première consiste en la création d'un dispositif unique de reconversion, interne ou externe – au lieu de deux auparavant –, à la main de l'entreprise, et un dispositif de transition à la main du salarié.
La seconde avancée permet de mieux cibler et de mieux orienter les projets de transition professionnelle initiés par des salariés vers les métiers qui comptent, qui assurent une insertion professionnelle et qui sont les plus rémunérateurs.
La troisième avancée repositionne l'entretien professionnel afin de permettre un suivi des compétences et du parcours professionnel du salarié.
Ces trois avancées, qui permettent de mieux répondre aux restructurations économiques, seront aussi utiles aux entreprises en bonne santé qui doivent apporter des réponses à l'usure professionnelle de leurs salariés en leur permettant de changer de métier en milieu de carrière.
Les nouvelles dispositions relatives aux transitions et aux reconversions professionnelles complètent les avancées intervenues en faveur de l'emploi des seniors et s'intègrent dans notre stratégie en faveur de l'emploi des 50 ans et plus. Ainsi posons-nous, les unes après les autres, les briques qui doivent permettre leur maintien dans l'emploi et faciliter leur recrutement au même titre que n'importe quel salarié.
Ces évolutions législatives sont d'autant plus importantes qu'elles interviennent à un moment où les fondamentaux de notre économie se transforment rapidement sous le coup des grandes transitions et où nous devons mieux accompagner les salariés, les entreprises et les territoires touchés par des restructurations afin d'assurer une meilleure continuité professionnelle et salariale.
Sur la gouvernance relative à la gestion et la répartition des fonds du PTP, nous faisons le choix d'être fidèles à l'accord trouvé par les partenaires sociaux au sein de l'ANI. J'en suis personnellement très heureuse et je tiens à vous en remercier de nouveau, mesdames les rapporteures.
L'ajout de cette disposition n'a pas pu s'opérer en CMP en raison des règles de recevabilité financière. Aussi, le Gouvernement a déposé un amendement que j'aurai l'honneur de présenter dans quelques minutes.
Le Parlement a joué lui aussi son rôle pour assurer une transcription loyale des différents accords.
Sous réserve de l'adoption de l'amendement du Gouvernement qui sera discuté dans quelques minutes, je vous invite à adopter le texte établi par la commission mixte paritaire.
Je n'ai qu'un regret : l'examen des conclusions de la CMP à l'Assemblée nationale n'aura lieu qu'en septembre. Ce délai retarde d'autant la promulgation de la loi, quand ces outils sont attendus par nos salariés et nos entreprises. Je regrette ce temps perdu, alors que les partenaires sociaux ont joué le jeu et tenu les délais, tout comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, mesdames les rapporteures.
Nous avons bien travaillé ensemble, pour les entreprises et les salariés de ce pays. Nous nous retrouverons cet automne pour d'autres rendez-vous importants. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mmes les rapporteurs et M. Marc Laménie applaudissent également.)
M. le président. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n'est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, il statue d'abord sur les éventuels amendements, puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social
TITRE Ier
RENFORCER LE DIALOGUE SOCIAL SUR L'EMPLOI ET LE TRAVAIL DES SALARIÉS EXPÉRIMENTÉS
Article 1er
Le chapitre Ier du titre IV du livre II de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L'article L. 2241-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, la référence : « 5° » est remplacée par la référence : « 5° bis » ;
b) Après le 5°, il est inséré un 5° bis ainsi rédigé :
« 5° bis Sur l'emploi et le travail des salariés expérimentés, en considération de leur âge ; »
c) (Supprimé)
2° L'article L. 2241-2-1 est ainsi rétabli :
« Art. L. 2241-2-1. – L'accord de branche conclu dans le cadre des négociations prévues au 5° bis de l'article L. 2241-1 peut comporter un plan d'action type pour les entreprises de moins de trois cents salariés.
« Si, à l'issue d'une négociation sur l'emploi et le travail des salariés expérimentés, en considération de leur âge, avec les organisations syndicales de salariés représentatives dans l'entreprise, un accord collectif n'a pu être conclu, l'employeur peut appliquer le plan d'action prévu au premier alinéa du présent article au moyen d'un document unilatéral, après avoir informé et consulté par tous moyens le comité social et économique, s'il en un existe dans l'entreprise, ainsi que les salariés. » ;
3° Au a du 1° de l'article L. 2241-5 et à l'article L. 2241-6, la référence : « 5° » est remplacée par la référence : « 5° bis » ;
4° (Supprimé)
5° La sous-section 3 de la section 3 est complétée par un paragraphe 5 ainsi rédigé :
« Paragraphe 5
« Salariés expérimentés
« Art. L. 2241-14-1. – Les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels se réunissent, une fois tous les trois ans, pour engager, après établissement d'un diagnostic, une négociation sur l'emploi et le travail des salariés expérimentés, en considération de leur âge.
« Cette négociation porte sur :
« 1° Le recrutement de ces salariés ;
« 2° Leur maintien dans l'emploi ;
« 3° L'aménagement des fins de carrière, en particulier les modalités d'accompagnement à la retraite progressive ou au temps partiel ;
« 4° La transmission de leurs savoirs et de leurs compétences, en particulier les missions de mentorat, de tutorat et de mécénat de compétences ;
« 5° (Supprimés)
« Les informations nécessaires à la négociation sont déterminées par voie réglementaire.
« Art. L. 2241-14-2. – La négociation prévue à l'article L. 2241-14-1 peut également, s'agissant des mêmes salariés, porter notamment sur :
« 1° Le développement des compétences et l'accès à la formation ;
« 2° Les effets des transformations technologiques et environnementales sur les métiers ;
« 2° bis Les modalités de management du personnel ;
« 3° Les modalités d'écoute, d'accompagnement et d'encadrement de ces salariés ;
« 4° La santé au travail et la prévention des risques professionnels ;
« 5° L'organisation du travail et les conditions de travail. »
Article 2
Le chapitre II du titre IV du livre II de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° Après l'article L. 2242-2, il est inséré un article L. 2242-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2242-2-1. – Lorsqu'une ou plusieurs sections syndicales d'organisations représentatives sont constituées dans les entreprises et les groupes d'entreprises, au sens de l'article L. 2331-1, d'au moins trois cents salariés, l'employeur engage, au moins une fois tous les quatre ans, en plus des négociations mentionnées à l'article L. 2242-1, une négociation sur l'emploi, le travail et l'amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés, en considération de leur âge. » ;
2° À l'article L. 2242-4, les mots : « et L. 2242-2 » sont remplacés par les mots : « , L. 2242-2 et L. 2242-2-1 » ;
3° À la fin du 1° de l'article L. 2242-11, les mots : « à l'article L. 2242-2 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 2242-2 et L. 2242-2-1 » ;
4° À l'article L. 2242-12, les mots : « à l'article L. 2242-2 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 2242-2 et L. 2242-2-1 » ;
5° Après le 3° de l'article L. 2242-13, il est inséré un 4° ainsi rédigé :
« 4° Tous les trois ans, dans les entreprises d'au moins trois cents salariés mentionnées à l'article L. 2242-2-1, une négociation sur l'emploi, le travail et l'amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés, en considération de leur âge, dans les conditions prévues à la sous-section 5 de la présente section. » ;
6° Au 6° de l'article L. 2242-21, les mots : « l'emploi des salariés âgés et la transmission des savoirs et des compétences, » et, à la fin, les mots : « et l'amélioration des conditions de travail des salariés âgés » sont supprimés ;
7° La section 3 est complétée par une sous-section 5 ainsi rédigée :
« Sous-section 5
« Salariés expérimentés
« Art. L. 2242-22. – Dans les entreprises d'au moins trois cents salariés mentionnées à l'article L. 2242-2-1, l'employeur engage, tous les trois ans, une négociation sur l'emploi, le travail et l'amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés.
« Cette négociation est précédée d'un diagnostic et porte sur les matières mentionnées à l'article L. 2241-14-1 du présent code.
« La négociation peut également porter sur les matières mentionnées à l'article L. 2241-14-2. Dans ce cadre, l'employeur examine les possibilités de mobilisation du fonds d'investissement pour la prévention de l'usure professionnelle prévu à la section 5 du chapitre Ier du titre II du livre II du code de la sécurité sociale.
« Les informations nécessaires à la négociation sont déterminées par voie réglementaire. »
TITRE II
PRÉPARER LA DEUXIÈME PARTIE DE CARRIÈRE
Article 3
I. – Le code du travail est ainsi modifié :
A. – L'article L. 2312-18 est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ces informations comportent également un bilan de la mise en œuvre des actions de formation entreprises à l'issue des entretiens mentionnés à l'article L. 6315-1 ou des périodes de reconversion mentionnées à l'article L. 6324-1. » ;
2° Au dernier alinéa, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième » ;
B. – L'article L. 4624-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le cas échéant, la mise en œuvre des mesures, lorsqu'elles sont formulées à l'issue des visites prévues aux articles L. 4624-1, L. 4624-2 et L. 4624-2-3 organisées après celle de mi-carrière prévue à l'article L. 4624-2-2, est abordée lors de l'entretien professionnel mentionné à l'article L. 6315-1. » ;
C. – À l'intitulé du chapitre V du titre Ier du livre III de la sixième partie, après le mot : « Entretien », sont insérés les mots : « de parcours » ;
D. – L'article L. 6315-1 est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est remplacé par huit alinéas ainsi rédigés :
« I. – À l'occasion de son embauche, le salarié est informé qu'il bénéficie d'un entretien de parcours professionnel avec son employeur au cours de la première année suivant son embauche.
« Tout salarié restant employé dans la même entreprise bénéficie d'un entretien de parcours professionnel tous les quatre ans. Celui-ci est consacré :
« 1° Aux compétences du salarié et à ses qualifications mobilisées dans l'emploi actuel ainsi qu'à leur évolution possible au regard des transformations de l'entreprise ;
« 2° À sa situation et à son parcours professionnels, au regard des évolutions des métiers et des perspectives d'emploi dans l'entreprise ;
« 3° À ses besoins de formation, qu'ils soient liés à son activité professionnelle actuelle, à l'évolution de son emploi au regard des transformations de l'entreprise ou à un projet personnel ;
« 4° À ses souhaits d'évolution professionnelle. L'entretien peut ouvrir la voie à une reconversion interne ou externe, à un projet de transition professionnelle, à un bilan de compétences ou à une validation des acquis de l'expérience ;
« 5° À l'activation par le salarié de son compte personnel de formation, aux abondements de ce compte que l'employeur est susceptible de financer et au conseil en évolution professionnelle.
« L'entretien de parcours professionnel ne porte pas sur l'évaluation du travail du salarié. Il est organisé par l'employeur et réalisé par un supérieur hiérarchique ou un représentant de la direction de l'entreprise et se déroule pendant le temps de travail. » ;
b) La première phrase du second alinéa est ainsi modifiée :
– après le mot : « entretien », sont insérés les mots : « de parcours » ;
– sont ajoutés les mots : « , si le salarié n'a bénéficié d'aucun entretien de parcours professionnel au cours des douze mois précédant sa reprise d'activité » ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les entreprises de moins de trois cents salariés, le salarié peut, pour la préparation de cet entretien, bénéficier d'un conseil en évolution professionnelle mentionné à l'article L. 6111-6. L'employeur, pour la préparation de ce même entretien, peut bénéficier d'un conseil de proximité assuré par l'opérateur de compétences mentionné à l'article L. 6332-1 dont il relève. L'employeur peut également être accompagné par un organisme externe lorsqu'un accord de branche ou d'entreprise le prévoit. » ;
2° Le II est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, après le mot : « entretien », sont insérés les mots : « de parcours » et le mot : « six » est remplacé par le mot : « huit » ;
– après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu'il s'agit du premier état des lieux après l'embauche, il peut être réalisé sept ans après l'entretien mentionné au premier alinéa du I. » ;
b) Au deuxième alinéa, le mot : « six » est remplacé par le mot : « huit » et, après le mot : « entretiens », sont insérés les mots : « de parcours » ;
c) À l'avant-dernier alinéa, le mot : « six » est remplacé par le mot : « huit » ;
3° À la fin du III, les mots : « professionnels différente de celle définie au I » sont remplacés par les mots : « de parcours professionnels différente de celle définie au I, sans que celle-ci excède quatre ans » ;
4° Sont ajoutés des IV et V ainsi rédigés :
« IV. – L'entretien de parcours professionnel mentionné au I est organisé dans un délai de deux mois à compter de la visite médicale de mi-carrière prévue à l'article L. 4624-2-2. L'employeur ne peut avoir accès aux données de santé du salarié.
« Les mesures proposées, le cas échéant, par le médecin du travail en application de l'article L. 4624-3 sont évoquées au cours de cet entretien.
« En plus des sujets mentionnés au I du présent article, sont abordés au cours de cet entretien, s'il y a lieu, l'adaptation ou l'aménagement des missions et du poste de travail, la prévention des situations d'usure professionnelle, les besoins en formation et les éventuels souhaits de mobilité ou de reconversion professionnelle du salarié.
« À l'issue de l'entretien, le document écrit mentionné à l'avant-dernier alinéa du I du présent article récapitule, sous forme de bilan, l'ensemble des éléments abordés en application du présent IV.
« V. – Lors du premier entretien de parcours professionnel qui intervient au cours des deux années précédant le soixantième anniversaire du salarié, sont abordées, en plus des sujets mentionnés au I, les conditions de maintien dans l'emploi et les possibilités d'aménagements de fin de carrière, notamment les possibilités de passage au temps partiel ou de retraite progressive. » ;
E. – La première phrase du dernier alinéa de l'article L. 6321-1 est complétée par les mots : « , dont l'élaboration peut tenir compte des conclusions des entretiens mentionnés à l'article L. 6315-1 » ;
F. – À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 6323-13, la première occurrence du mot : « six » est remplacé par le mot : « huit ».
II. – Les entreprises ou, à défaut, les branches ayant conclu un accord en application du III de l'article L. 6315-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, engagent une négociation en vue de réviser ces accords pour les rendre conformes au présent article.
L'article L. 6315-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la présente loi, s'applique à compter du 1er octobre 2026 aux accords collectifs d'entreprise ou de branche en cours de validité à cette date portant sur la périodicité des entretiens professionnels.
TITRE III
LEVER LES FREINS AU RECRUTEMENT DES DEMANDEURS D'EMPLOI SENIORS
Article 4
I. – À titre expérimental, pendant les cinq années suivant la promulgation de la présente loi, peuvent être conclus des contrats, dits de valorisation de l'expérience, soumis aux dispositions régissant les contrats de travail à durée indéterminée sous réserve de celles prévues au présent article, entre toute entreprise et toute personne qui, au moment de son embauche, remplit l'ensemble des conditions suivantes :
1° Être âgée d'au moins soixante ans, ou d'au moins cinquante-sept ans si une convention ou un accord de branche étendu le prévoit ;
2° Être inscrite sur la liste des demandeurs d'emploi mentionnée au 3° du I de l'article L. 5312-1 du code du travail ;
3° Ne pouvoir bénéficier d'une pension de retraite de base de droit propre à taux plein d'un régime légalement obligatoire, à l'exception de celles attribuées au titre des régimes mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 161-22-1-2 du code de la sécurité sociale ou en application de l'article L. 6 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;
4° Ne pas avoir été employée dans cette entreprise ou, le cas échéant, dans une entreprise appartenant au même groupe, au cours des six mois précédents.
Pour l'application du 4° du présent I, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise et celles qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.
Les missions devant être exercées dans le cadre de ce contrat peuvent être précisées par convention ou accord de branche étendu.
II. – Lors de la signature du contrat, le salarié remet à l'employeur un document, transmis par l'organisme mentionné au premier alinéa de l'article L. 222-1 du code de la sécurité sociale, mentionnant la date prévisionnelle à laquelle il remplira, le cas échéant, les conditions pour bénéficier d'une retraite à taux plein. En cas de réévaluation ultérieure de cette date, le salarié en informe son employeur et lui transmet une version mise à jour de ce même document.
III. – L'employeur peut mettre à la retraite le salarié dès lors que celui-ci a atteint l'âge mentionné au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale, ou l'âge mentionné à l'article L. 161-17-2 du même code s'il justifie d'une durée d'assurance au moins égale à celle mentionnée à l'article L. 161-17-3 dudit code.
IV. – Les articles L. 1237-6 et L. 1237-7 du code du travail sont applicables aux mises à la retraite effectuées en application du III.
Si ni les conditions de mise à la retraite prévues au III et au premier alinéa du présent IV, ni celles prévues à l'article L. 1237-5 du code du travail ne sont réunies, la rupture du contrat de travail par l'employeur constitue un licenciement.
V. – L'employeur est exonéré, jusqu'à la fin de la troisième année suivant la publication de la présente loi, de la contribution mentionnée à l'article L. 137-12 du code de la sécurité sociale au titre des indemnités versées à l'occasion des ruptures de contrats de travail effectuées en application du III du présent article.
VI. – Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard six mois avant le terme de l'expérimentation, un rapport d'évaluation de l'expérimentation prévue au présent article. Ce rapport présente notamment le bilan du recours au contrat de valorisation de l'expérience ainsi que le montant des exonérations qui y ont été associées.
TITRE IV
FACILITER LES AMÉNAGEMENTS DE FIN DE CARRIÈRE
Article 5
Le second alinéa des articles L. 3121-60-1 et L. 3123-4-1 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée : « La justification apportée par l'employeur rend notamment compte des conséquences de la réduction de la durée de travail sollicitée sur la continuité de l'activité de l'entreprise ou du service ainsi que, si elles impliquent un recrutement, des difficultés pour y procéder sur le poste concerné. »
Article 6
I. – L'article L. 1237-9 du code du travail est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du dernier alinéa est ainsi rédigée : « Sous réserve du dernier alinéa, l'indemnité est attribuée lorsque le salarié fait valoir ses droits à pension de vieillesse de droit propre au titre du régime de base auquel il est affilié à raison de l'emploi qu'il occupe dans l'entreprise. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoir la possibilité d'affecter l'indemnité de départ à la retraite au maintien total ou partiel de la rémunération du salarié en fin de carrière lorsque celui-ci, à sa demande et en accord avec son employeur, passe à temps partiel ou à temps réduit par rapport à la durée maximale légale ou conventionnelle de travail exprimée en jours. Si le montant de l'indemnité de départ qui aurait été due au moment où il fait valoir ses droits à retraite est supérieur au montant des sommes affectées à son maintien de rémunération, le reliquat est versé au salarié. »
II. – Le II de l'article L. 161-22-1-5 du code de la sécurité sociale est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° Aux assurés dont l'indemnité de départ à la retraite est affectée au maintien total ou partiel de leur rémunération en application du dernier alinéa de l'article L. 1237-9 du code du travail. »
Article 7
Le code du travail est ainsi modifié :
1° L'article L. 1237-5 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « atteint », sont insérés les mots : « , y compris avant son embauche, » ;
b) Au septième alinéa, après le mot : « bénéficier », sont insérés les mots : « ou continuer de bénéficier » ;
2° L'article L. 1237-5-1 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, les mots : « À compter du 22 décembre 2006, » sont supprimés ;
b) Le second alinéa est supprimé ;
3° Les deux derniers alinéas de l'article L. 1524-10 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« “Art. L. 1237-5-1. – Aucune convention ou accord collectif prévoyant la possibilité d'une mise à la retraite d'office d'un salarié à un âge inférieur à celui fixé au second alinéa de l'article 6 de l'ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte ne peut être signé ou étendu.” »
TITRE V
AMÉLIORER LA QUALITÉ DU DIALOGUE SOCIAL
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TITRE VI
ASSURANCE CHÔMAGE
Article 9
L'article L. 5422-2-2 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elles peuvent également être modulées en tenant compte soit de ce que le demandeur d'emploi n'a jamais bénéficié de l'allocation d'assurance, soit de ce qu'il n'en a plus bénéficié depuis un nombre d'années défini. »
Article 9 bis
Au 1° de l'article L. 5422-12 du code du travail, après le mot : « démissions, », sont insérés les mots : « des licenciements mentionnés à l'article L. 1226-2-1 et des licenciements pour faute grave ou faute lourde, ».
TITRE VII
TRANSITIONS PROFESSIONNELLES
Article 10
I. – (Supprimé)
I bis. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° L'article L. 1237-19-1 est ainsi modifié :
a) Après le 4° bis, il est inséré un 4° ter ainsi rédigé :
« 4° ter Le cas échéant, les modalités de conclusion d'une convention individuelle de rupture entre l'employeur et le salarié dans le cadre de la période de reconversion mentionnée à l'article L. 6324-1 ; »
b) Après le 7°, il est inséré un 7° bis ainsi rédigé :
« 7° bis Le cas échéant, les mesures mentionnées au II de l'article L. 6324-9 ; »
2° L'article L. 1242-3 est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Au titre de la période de reconversion mentionnée à l'article L. 6324-1 du présent code, pour une durée d'au moins six mois. » ;
3° L'article L. 2242-21 est complété par un 7° ainsi rédigé :
« 7° Sur les modalités d'organisation des périodes de reconversion externe, prévues à l'article L. 6324-9.
« L'accord conclu sur ce thème dans le cadre du présent article vaut conclusion de l'accord mentionné à l'article L. 6324-9. » ;
4° L'article L. 2312-26 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du I, après le mot : « employeur », sont insérés les mots : « , les périodes de reconversion mentionnées à l'article L. 6324-1 » ;
b) Après le 4° bis du II, il est inséré un 4° ter ainsi rédigé :
« 4° ter Les informations sur la mise en œuvre des périodes de reconversion mentionnées à l'article L. 6324-1 ; »
5° L'article L. 6123-5 est ainsi modifié :
a) Au 1°, les mots : « et des reconversions ou promotions par alternance mentionnées à l'article L. 6324-1, » sont supprimés ;
b) Au c du 3°, après le mot : « alternance », sont insérés les mots : « ainsi que pour le financement des périodes de reconversion mentionnées à l'article L. 6324-1, en intégrant les fonds correspondant aux droits acquis au titre du compte personnel de formation du salarié mobilisés en application de l'article L. 6324-10, dans la limite des crédits ouverts par la loi de finances, » ;
6° Le chapitre IV du titre II du livre III de la sixième partie est ainsi rédigé :
« CHAPITRE IV
« Période de reconversion
« Section 1
« Objet
« Art. L. 6324-1. – Tout salarié souhaitant bénéficier d'une mobilité professionnelle interne ou externe à l'entreprise peut bénéficier d'une période de reconversion ayant pour objet l'acquisition d'une des qualifications prévues aux 1° et 3° de l'article L. 6314-1 ou d'un ou de plusieurs blocs de compétences. Il peut bénéficier du conseil en évolution professionnelle pendant son temps de travail.
« La période de reconversion peut également permettre l'acquisition du socle de connaissances et de compétences mentionné aux articles L. 6121-2 et L. 6323-6.
« Art. L. 6324-2. – Dans le cadre de la période de reconversion, le salarié bénéficie d'actions de formation mentionnées au 1° de l'article L. 6313-1.
« Ces actions de formation peuvent être consécutives aux périodes mentionnées à l'article L. 5135-1.
« Le salarié peut bénéficier de l'acquisition d'un savoir-faire par l'exercice en entreprise d'une ou de plusieurs activités professionnelles en relation avec les qualifications recherchées.
« Il peut également bénéficier des actions permettant de faire valider les acquis de l'expérience mentionnées au 3° de l'article L. 6313-1.
« Art. L. 6324-3. – I. – Lorsque le salarié bénéficie d'une période de reconversion interne à l'entreprise, les modalités d'organisation de cette période, notamment sa durée, font l'objet d'un accord écrit. Pendant la période de reconversion, le contrat de travail est maintenu et le salarié perçoit sa rémunération sans modification.
« II. – Lorsque le salarié bénéficie d'une période de reconversion externe à l'entreprise, son contrat de travail est suspendu. Un accord écrit détermine les modalités de la suspension du contrat, notamment sa durée ainsi que les modalités d'un éventuel retour anticipé du salarié en cas de rupture de la période d'essai dans l'entreprise d'accueil. Cette période de reconversion dans une autre entreprise prend la forme d'un contrat à durée indéterminée mentionné au premier alinéa de l'article L. 1221-2 ou d'un contrat à durée déterminée d'au moins six mois mentionné au 5° de l'article L. 1242-3, qui précise les modalités d'organisation de la période de reconversion et prévoit une période d'essai dans les conditions prévues à la section 4 du chapitre Ier du titre II du livre II de la première partie et aux articles L. 1242-10 et L. 1242-11.
« Section 2
« Déroulement de la période de reconversion
« Art. L. 6324-4. – La durée des actions de formation mentionnées au premier alinéa de l'article L. 6324-2 est comprise entre 150 heures et 450 heures, réparties sur une période ne pouvant excéder douze mois, à l'exception de celles permettant l'acquisition du socle de connaissances et de compétences mentionné au second alinéa de l'article L. 6324-1.
« Un accord d'entreprise ou de branche, conclu dans les conditions prévues à l'article L. 6324-8, peut prévoir des durées de formation ainsi qu'une période de réalisation plus longues, dans la limite de 2 100 heures de formation sur une période ne pouvant excéder trente-six mois.
« Art. L. 6324-5. – Pendant la durée des actions mentionnées à l'article L. 6324-2, le salarié bénéficie de la législation de la sécurité sociale relative à la protection en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles.
« Art. L. 6324-6. – Les organismes publics ou privés de formation mentionnés à l'article L. 6325-2 ne peuvent subordonner l'inscription en formation d'un salarié en période de reconversion au versement par ce dernier d'une contribution financière de quelque nature qu'elle soit, à l'exception de la mobilisation de son compte personnel de formation prévue à l'article L. 6324-10.
« Art. L. 6324-7. – I. – Dans le cadre d'une période de reconversion mentionnée au II de l'article L. 6324-3, lorsque, au terme de la période d'essai prévue par le contrat de travail conclu avec l'entreprise d'accueil, le salarié et l'employeur de l'entreprise d'accueil souhaitent poursuivre leurs relations contractuelles, le contrat de travail avec l'entreprise d'origine est rompu selon les modalités applicables à la rupture conventionnelle mentionnée à l'article L. 1237-11 ou, lorsque le contrat de travail est à durée déterminée, d'un commun accord en application de l'article L. 1243-1.
« La rupture du contrat de travail est exclue du champ d'application des dispositions relatives au licenciement pour motif économique prévues au chapitre III du titre III du livre II de la première partie.
« II. – Dans le cadre d'une période de reconversion mentionnée au II de l'article L. 6324-3, lorsque, au terme de la période d'essai prévue par le contrat de travail conclu avec l'entreprise d'accueil, l'une ou les deux parties ne souhaitent pas poursuivre leurs relations contractuelles, le salarié retrouve dans l'entreprise d'origine son poste initial ou un poste équivalent avec une rémunération au moins équivalente. En cas de refus du salarié de réintégrer l'entreprise, le contrat de travail à durée indéterminée avec l'entreprise initiale est rompu selon les modalités prévues à l'article L. 1237-11 ou, lorsque le contrat de travail est à durée déterminée, d'un commun accord en application de l'article L. 1243-1.
« Section 3
« Négociation collective dans le cadre de la période de reconversion
« Art. L. 6324-8. – Un accord d'entreprise ou de branche peut préciser les modalités de mise en œuvre de la période de reconversion, notamment sa durée, dans les conditions prévues à l'article L. 6324-4, les certifications permettant d'en bénéficier ainsi que les salariés prioritaires.
« Art. L. 6324-9. – I. – Les périodes de reconversion mentionnées au II de l'article L. 6324-3 sont mises en œuvre dans les entreprises dans le cadre des accords mentionnés à l'article L. 1237-17, sous réserve des dispositions suivantes.
« 1° Dans les entreprises de cinquante à moins de trois cents salariés pourvues d'un délégué syndical, l'employeur engage une négociation collective dès lors qu'au moins 10 % de l'effectif de l'entreprise a vocation à bénéficier d'une période de reconversion externe sur une période de douze mois à compter de la date de début de la négociation. Si, à l'expiration d'un délai de trois mois, aucun accord n'est conclu, un procès-verbal de désaccord est établi dans les conditions définies à l'article L. 2242-5 et l'employeur peut définir unilatéralement les modalités de la période de reconversion externe.
« 2° Dans les entreprises d'au moins trois cents salariés ainsi que dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire, au sens des articles L. 2341-1 et L. 2341-2, comportant au moins un établissement ou une entreprise d'au moins cent cinquante salariés en France, l'employeur engage une négociation portant sur la définition des modalités d'organisation des périodes de reconversion externe.
« 3° Dans les entreprises de moins de cinquante salariés et les entreprises de cinquante à moins de trois cents salariés dépourvues d'un délégué syndical, l'employeur peut fixer unilatéralement la période de reconversion externe. Lorsque l'entreprise dispose d'un comité social et économique, celui-ci est obligatoirement consulté.
« II. – Les accords mentionnés au I du présent article ou, le cas échéant, la décision unilatérale de l'employeur portent notamment sur :
« 1° La prise en charge de l'écart éventuel de rémunération du salarié dont le contrat de travail est suspendu pendant la période de reconversion professionnelle externe ;
« 2° Les conditions dans lesquelles la durée de la période de reconversion professionnelle et des actions de formation mentionnée à l'article L. 6324-4 peut être augmentée ;
« 3° Le montant des indemnités versées au titre de la rupture du contrat de travail du salarié bénéficiant d'une période de reconversion professionnelle, qui ne peut être inférieur à celui des indemnités légales ;
« 4° Les conditions dans lesquelles les frais pédagogiques des actions mentionnées à l'article L. 6324-2 peuvent être pris en charge en tout ou partie, avec l'accord du salarié, par la mobilisation de son compte personnel de formation.
« Section 4
« Financement
« Art. L. 6324-10. – Les actions de formation mentionnées à l'article L. 6324-2 sont financées selon les modalités prévues au I de l'article L. 6332-14-1. Elles peuvent faire l'objet d'un cofinancement par la mobilisation du compte personnel de formation du salarié, sous réserve de son accord. Pour une période de reconversion interne, le montant des droits mobilisés ne peut excéder la moitié des droits inscrits sur le compte personnel de formation du salarié. Pour une période de reconversion externe, le montant des droits mobilisés n'est pas limité.
« Les accords mentionnés à l'article L. 6324-9 ou, le cas échéant, la décision unilatérale de l'employeur peuvent prévoir que, en période de reconversion, la rémunération du salarié et les frais annexes à la formation peuvent être pris en charge par l'opérateur de compétences, en application du II de l'article L. 6332-14-1, dans des conditions déterminées par décret.
« Section 5
« Dispositions d'application
« Art. L. 6324-11. – Les mesures d'application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d'État. » ;
7° Après le 1° du I de l'article L. 6332-1, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis D'assurer le financement des périodes de reconversion selon les niveaux de prise en charge fixés par les branches, dans la limite de la dotation allouée par France compétences. Ce financement est attribué selon des critères définis par le conseil d'administration de l'opérateur de compétences, sur proposition des branches, et relatifs notamment à l'ancienneté et à l'âge des salariés concernés, à la forte mutation de l'activité exercée et au risque d'obsolescence des compétences, dans le respect d'un montant moyen fixé par décret ; »
8° L'article L. 6332-3 est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° Des périodes de reconversion. » ;
9° Le 5° des I et II de l'article L. 6332-14 est abrogé ;
10° Après le même article L. 6332-14, il est inséré un article L. 6332-14-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6332-14-1. – I. – L'opérateur de compétences prend en charge, au titre de la section financière mentionnée au 3° de l'article L. 6332-3, les frais pédagogiques des périodes de reconversion mentionnées à l'article L. 6324-1.
« II. – L'opérateur de compétences peut également prendre en charge, dans les conditions prévues au I du présent .article, les frais annexes aux actions de formation mentionnées à l'article L. 6324-2 et la rémunération des salariés bénéficiant d'une période de reconversion, sous réserve de la conclusion des accords mentionnés à l'article L. 6324-9. »
II. – (Supprimé)
III. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2026.
IV. – Les articles L. 6123-5, L. 6324-1 à L. 6324-10 et L. 6332-14 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la présente loi, s'appliquent aux actions engagées pour lesquelles l'avenant qui précise la durée de la reconversion ou de la promotion par l'alternance a été conclu avant le 1er janvier 2026.
Article 11
I. – La section 1 du chapitre III du titre II du livre Ier de la sixième partie du code du travail est ainsi rétablie :
« Section 1
« Conseil national de l'orientation et de la formation professionnelles pour le développement des compétences
« Art. L. 6123-1. – I. – Le Conseil national de l'orientation et de la formation professionnelles pour le développement des compétences, placé auprès du ministre chargé de la formation professionnelle, a pour missions de :
« 1° Favoriser, au niveau national, la concertation et la coordination en matière d'orientation et de formation professionnelles pour le développement des compétences des actifs ;
« 2° Contribuer au débat public, notamment en assurant le suivi des études et des évaluations produites au niveau national sur ces sujets et, le cas échéant, en proposant des indicateurs de suivi.
« II. – Le conseil exerce ses missions en lien avec le Comité national pour l'emploi mentionné à l'article L. 5311-9 et contribue, en tant que de besoin, à ses travaux.
« Le conseil est composé de représentants de l'État et des régions ainsi que des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel. Chaque collège dispose d'un nombre égal de voix.
« Le secrétariat du conseil est assuré par l'institution paritaire nationale mentionnée à l'article L. 6323-17-5-1.
« III. – Un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'application du présent article, notamment la composition ainsi que les modalités d'organisation et de fonctionnement du conseil. »
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2026.
Article 12
I. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° L'article L. 6123-5 est ainsi modifié :
a) Le 3° est ainsi modifié :
– le a est complété par les mots : « lorsqu'il est mobilisé par son titulaire au moyen du service dématérialisé mentionné à l'article L. 6323-9 » ;
– le g est complété par les mots : « , selon la répartition déterminée en application du 2° bis de l'article L. 6323-17-5-1, pour le financement du projet de transition professionnelle mentionné à l'article L. 6323-17-1, en intégrant les fonds correspondant aux droits acquis au titre du compte personnel de formation du salarié mobilisés en application du premier alinéa du même article L. 6323-17-1, selon des modalités prévues par convention et dans la limite des crédits ouverts par la loi de finances » ;
b) (nouveau) Au 5°, le mot : « et » est remplacé par les mots : «, selon la répartition déterminée en application du 2° bis de l'article L. 6323-17-5-1, ainsi que des fonds pour le financement » ;
c) (nouveau) Le e du 10° est complété par les mots : « sous réserve des missions assurées par l'instance paritaire nationale mentionnée à l'article L. 6323-17-5-1 » ;
2° Après l'article L. 6123-7, sont insérés des articles L. 6123-7-1 et L. 6123-7-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 6123-7-1. – Lorsqu'il délibère sur les questions relatives au conseil en évolution professionnelle, le conseil d'administration de France compétences s'appuie sur les recommandations de la commission chargée du conseil en évolution professionnelle instituée au sein de France compétences.
« Art. L. 6123-7-2. – (Supprimé)
3° Le II de l'article L. 6323-17-2 est ainsi modifié :
a) (nouveau) La deuxième phrase du deuxième alinéa est complétée par les mots : « conformément aux orientations définies par l'instance paritaire nationale mentionnée à l'article L. 6323-17-5-1 » ;
b) À la fin de la première phrase du dernier alinéa, les mots : « France compétences » sont remplacés par les mots : « l'instance paritaire nationale mentionnée à l'article L. 6323-17-5-1 » ;
4° L'article L. 6323-17-3 est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Trois mois avant la fin de la formation, l'employeur notifie au salarié, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, la possibilité dont il bénéficie, à l'issue de la formation, de retrouver son poste ou, à défaut, un poste équivalent assorti d'une rémunération au moins équivalente.
« Dans la lettre de notification, l'employeur précise que le salarié dispose d'un mois à compter de la réception de celle-ci pour faire connaître sa décision à l'employeur.
« À défaut de réponse dans le délai imparti, le salarié est réputé accepter de réintégrer l'entreprise à l'issue de l'action de formation. » ;
5° Après l'article L. 6323-17-5, sont insérés des articles L. 6323-17-5-1 et L. 6323-17-5-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 6323-17-5-1. – Une instance paritaire nationale, constituée sous la forme d'une association, composée de représentants des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel, est créée pour :
« 1° Animer et coordonner le réseau des commissions paritaires interprofessionnelles régionales mentionnées à l'article L. 6323-17-6 ;
« 2° Définir les orientations nationales en matière de financement des transitions professionnelles et notamment les règles, critères et priorités de prise en charge du projet de transition professionnelle mentionné à l'article L. 6323-17-1 ;
« 2° bis (nouveau) Déterminer la répartition entre les commissions paritaires interprofessionnelles régionales mentionnées à l'article L. 6323-17-6-1 des fonds mentionnés au g du 3° et au 5° de l'article L. 6123-5 pour le financement de projets de transition professionnelle mentionnés à l'article L. 6323-17-1 ;
« 3° Participer à l'animation de la commission mentionnée à l'article L. 6123-7-1 ;
« 4° Veiller à la mise en œuvre et au bon fonctionnement du système d'information commun aux commissions paritaires interprofessionnelles régionales.
« Une convention pluriannuelle d'objectifs et de moyens est conclue entre l'instance paritaire nationale et l'État. Elle détermine les modalités du financement de l'instance paritaire nationale, son cadre d'intervention, notamment les moyens humains affectés à ses missions, ainsi que les objectifs et les résultats attendus dans la mise en œuvre de ses missions. Cette convention est rendue publique lors de sa signature et lors de son renouvellement. Un décret précise le contenu, la périodicité et les modalités d'évaluation de cette convention.
« Art. L. 6323-17-5-2. – I. – Lorsqu'une personne exerce une fonction de salarié dans un organisme de formation ou dans un établissement de crédit, elle ne peut exercer une fonction de salarié dans l'instance paritaire nationale mentionnée à l'article L. 6323-17-5-1.
« Le cumul des fonctions d'administrateur dans l'instance paritaire nationale et dans un opérateur de compétences et d'administrateur ou de salarié dans un établissement de crédit est porté à la connaissance des organes de direction de l'instance paritaire nationale ainsi qu'à celle du commissaire aux comptes, qui établit, s'il y a lieu, un rapport spécial.
« II. – Les membres du conseil d'administration de l'instance paritaire nationale ne peuvent prendre part aux travaux, aux débats et aux délibérations qu'après avoir complété ou actualisé leur déclaration d'intérêts. » ;
6° Au deuxième alinéa de l'article L. 6323-17-6, les mots : « sous réserve du caractère réel et sérieux du projet » sont remplacés par les mots : « sur la base d'un montant forfaitaire ».
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2026, à l'exception du b du 3° du I du présent article et du 4° de l'article L. 6323-17-5-1 du code du travail, qui entrent en vigueur le 1er janvier 2028. Six mois avant cette date, l'instance paritaire nationale mentionnée au même article L. 6323-17-5-1 transmet au ministre chargé de la formation professionnelle une étude sur les conditions opérationnelles dans lesquelles la mission mentionnée au 4° dudit article L. 6323-17-5-1 est assurée.
M. le président. Nous allons maintenant examiner les amendements déposés par le Gouvernement.
Article 2
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 13
Compléter cet alinéa par les mots :
, en considération de leur âge
II. – Alinéa 15, seconde phrase
Après les mots :
prévu à
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
l'article L. 221-1-5 du code de la sécurité sociale.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Cet amendement rédactionnel vise à corriger une erreur de référence au code de la sécurité sociale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Le vote sur l'article 2, modifié, est réservé.
Article 12
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
– le g est ainsi rédigé :
« g) À l'instance paritaire nationale mentionnée à l'article L. 6323-17-5-1 pour le financement du projet de transition professionnelle mentionné à l'article L. 6323-17-1, en intégrant les fonds correspondant aux droits acquis au titre du compte personnel de formation du salarié mobilisés en application du premier alinéa du même article L. 6323-17-1, selon des modalités prévues par convention et dans la limite des crédits ouverts par la loi de finances » ;
II. – Alinéa 6
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
b) Le 5° est ainsi rédigé :
« 5° De verser à l'instance paritaire nationale mentionnée à l'article L. 6323-17-5-1 des fonds pour le financement de projets de transition professionnelle mentionnés à l'article L. 6323-17-1 ; »
b bis) Après le 5° , il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 5° bis De verser aux commissions paritaires interprofessionnelles régionales mentionnées à l'article L. 6323-17-6 des fonds pour le financement de projets de reconversion professionnelle mentionnés au 4° du I de l'article L. 4163-7 selon des modalités déterminées par décret ; »
III. – Alinéa 19
Remplacer le mot :
créée
par les mots :
agréée par l'autorité administrative
IV. – Alinéa 22
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 2° bis Répartir entre les commissions paritaires interprofessionnelles régionales mentionnées à l'article L. 6323-17-6 et verser les fonds mentionnés au g du 3° et au 5° de l'article L. 6123-5 ; »
V. – Alinéa 25, après la deuxième phrase
Insérer deux phrases ainsi rédigées :
Les frais de gestion dont bénéficie l'instance paritaire nationale sont déduits des fonds qu'elle reçoit de France compétences en application du g du 3° de l'article L. 6123-5. Ils sont fixés par la convention pluriannuelle d'objectifs et de moyens, dans la limite d'un plafond fixé par arrêté du ministre chargé de la formation professionnelle.
VI. – Après l'alinéa 25
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Un commissaire du Gouvernement, nommé par arrêté du ministre chargé de la formation professionnelle, assiste de droit, avec voix consultative, aux séances de toutes les instances de délibération et d'administration de l'instance paritaire nationale. Il est destinataire de toute délibération du conseil d'administration et a communication de l'ensemble des documents relatifs à la gestion de l'association.
« L'instance paritaire nationale est soumise au contrôle économique et financier de l'État.
VII. – Après l'alinéa 29
Insérer treize alinéas ainsi rédigés :
7° Après l'article L. 6323-17-6, sont insérés deux articles ainsi rédigés :
« Art. L. 6323-17-6-1. -I. – L'agrément prévu à l'article L. 6323-17-5-1 est accordé à l'instance paritaire nationale mentionnée au même article en fonction :
« 1° De sa capacité financière et de ses performances de gestion ;
« 2° De son mode de gestion paritaire ;
« 3° De son aptitude à assurer ses missions compte tenu de ses moyens ;
« 4° De l'application d'engagements relatifs à la transparence de la gouvernance et à la publicité des comptes.
« II.- En cas de refus d'agrément par l'autorité administrative, celle-ci émet des recommandations permettant de satisfaire les critères mentionnés au I. À compter de la notification de ces recommandations, les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs concernées disposent d'un délai de deux mois pour apporter les mesures correctrices et les transmettre à l'autorité administrative.
« III. – À défaut d'agrément ou en cas de dysfonctionnement répété ou de défaillances de l'instance paritaire nationale, l'autorité administrative désigne un administrateur provisoire.
« Art. L. 6323-17-6-2.- Un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'application des articles L. 6323-17-5-1, L. 6323-17-5-2 et L. 6323-17-6-1, notamment :
« 1° Les règles relatives à la constitution, aux attributions, au fonctionnement de l'instance paritaire nationale ;
« 2° Les conditions dans lesquelles l'agrément de l'association paritaire nationale peut être accordé, refusé ou retiré ;
« 2° Les conditions dans lesquelles un administrateur provisoire peut être nommé en cas de dysfonctionnement répété ou de défaillance de l'instance paritaire nationale ;
« 3° Les règles applicables aux excédents financiers dont est susceptible de disposer l'instance paritaire nationale et les conditions de reversement de ces fonds à France compétences.
VIII. – Alinéa 30
Après les mots :
à l'exception
insérer les mots :
du 1° et du a du 3° du I du présent article et du 2° bis de l'article L. 6323-17-5-1 du code du travail, qui entrent en vigueur le 1er janvier 2027, ainsi que
La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Cet amendement vise à transposer strictement l'article 2 de l'ANI en faveur des transitions et reconversions professionnelles s'agissant du pilotage des fonds pour le financement du projet de transition professionnelle.
Il tend à confier à la nouvelle instance paritaire reconnue dans la loi, Certif Pro, les crédits relatifs au projet de transition professionnelle en vue de les répartir dans les régions auprès des associations régionales « Transitions Pro », les ATpro, dans la limite des crédits votés en loi de finances. Il s'agit d'une enveloppe fermée.
Cette mesure permettra de revenir sur certaines dispositions issues de la CMP, qui n'avait pu retranscrire que de manière imparfaite l'accord des partenaires sociaux laissant la gestion financière à France Compétences. La rédaction finale de l'amendement a été élaborée avec les rapporteurs et les partenaires sociaux.
Si cet amendement était adopté, le schéma de gouvernance de gestion et de financement des PTP, conçu par les partenaires sociaux dans l'ANI du 25 juin dernier, pourrait donc aboutir.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. La commission n'ayant pas eu le temps de se réunir, les rapporteures émettent, à titre personnel, un avis favorable sur cet amendement qui tend à compléter parfaitement le travail réalisé. Le dispositif proposé a été approuvé par les partenaires sociaux, patronat et syndicats.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Pas tous !
Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. Si !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements précédemment adoptés par le Sénat, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole à Mme Anne-Marie Nédélec, pour le groupe Les Républicains.
Mme Anne-Marie Nédélec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme du parcours législatif de ce texte, du moins devant notre chambre. Je crois qu'il s'agit ici non pas seulement d'une simple transposition législative de plusieurs accords nationaux interprofessionnels, mais d'un moment significatif dans l'affirmation d'une démocratie sociale vivante, exigeante et responsable.
Car c'est bien cela que nous devons saluer en premier lieu : le respect scrupuleux du dialogue social. Trois ANI, puis deux autres accords conclus en cours de navette ont balisé les contours de ce projet de loi. Chaque avancée législative proposée ici est le fruit d'une négociation entre partenaires sociaux, dans l'esprit de l'article L. 1 du code du travail et nous avons eu à cœur, avec ma collègue rapporteure, de respecter cet équilibre.
Il faut également dire un mot de la méthode. Ce texte a fait l'objet d'échanges nourris entre l'Assemblée nationale et le Sénat, entre les rapporteurs et les partenaires sociaux, consultés à chaque étape. Cela nous a permis d'aboutir à un texte cohérent, fidèle à la lettre comme à l'esprit des accords – c'est une satisfaction.
À ce titre, nous avons parfois dû revenir sur certaines dispositions adoptées par l'Assemblée nationale lorsqu'elles s'éloignaient du cadre strict de la transposition. C'était non pas un caprice, mais une exigence de loyauté à l'égard de ceux qui ont négocié ces accords. On peut cependant regretter, à l'instar de Mme la ministre, que ce texte ne soit pas soumis dès demain au vote de nos collègues députés, comme c'était initialement prévu, mais seulement à la rentrée prochaine, ce qui retardera son application.
Je veux maintenant revenir sur l'article 10, qui a suscité des débats nourris dans notre hémicycle en juin dernier. Le Gouvernement proposait initialement une habilitation à légiférer par ordonnance pour transposer un ANI encore en discussion. Nous avons été nombreux à dire notre opposition à cette méthode et, mes chers collègues, nous avons eu raison ! Il était essentiel de rester cohérent par rapport à l'esprit qui habitait ce texte, à savoir une retranscription fidèle des accords.
Et d'accords, il n'y en avait point au moment où nous discutions de cet article. Ils sont intervenus sur les transitions et les reconversions professionnelles durant le travail législatif et ont pu être intégrés, non sans difficulté, dans le texte final.
Nous avons donc pu enrichir ce texte, l'ancrer dans la réalité des besoins exprimés par les partenaires sociaux, tout en gardant une cohérence d'ensemble.
C'est pourquoi, concernant l'article 12, il est tout à fait compréhensible que les organisations syndicales et patronales souhaitent prendre la main sur la gestion des fonds dédiés aux formations professionnelles. Il s'agit non pas d'un rejet de l'État, mais de l'expression d'une volonté de mieux piloter, au plus près du terrain, les dispositifs qu'elles ont eux-mêmes imaginés et qu'elles financent. Le paritarisme peut fonctionner quand nous le laissons s'exprimer pleinement.
Au fil de nos travaux, nous avons par ailleurs senti une évolution très nette dans la prise de conscience des partenaires sociaux sur le défi que représente l'emploi des salariés expérimentés. Allonger la durée de la vie professionnelle, comme l'ont fait depuis longtemps nos voisins et partenaires, nécessite de repenser l'organisation du travail et des carrières : cela implique des évolutions sur le recours à la formation, à la reconversion, à des entretiens professionnels adaptés et à des dispositifs innovants, comme le contrat de valorisation de l'expérience.
Les articles du texte consacrés à l'aménagement de fin de carrière vont dans le bon sens : retraite progressive facilitée, temps partiel négocié, sécurisation de l'embauche après 60 ans... Ils permettent d'inventer une trajectoire soutenable à la fois pour les salariés et pour les entreprises, qui doivent anticiper leurs besoins futurs.
Enfin, je veux souligner que ce texte incarne une méthode et une vision partagées. Il est le résultat d'un dialogue constant, d'un compromis exigeant, mais constructif. C'est un texte non pas parfait, mais juste, parce qu'il respecte la parole donnée aux partenaires sociaux, parce qu'il renforce la capacité d'agir des branches et des entreprises, et parce qu'il donne des garanties concrètes aux salariés expérimentés.
Vous l'avez compris, le groupe Les Républicains souhaite que ce texte soit adopté dans sa version issue des travaux de la commission mixte paritaire. Il est à la hauteur des enjeux et c'est ainsi, très concrètement, que nous faisons vivre la démocratie sociale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP. – Mme Maryse Carrère applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Dominique Théophile. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte rappelle que le progrès social se construit non pas dans l'opposition stérile, mais dans le dialogue, la négociation et le compromis. La proposition de loi dont nous examinons aujourd'hui les conclusions issues de la commission mixte paritaire en est la démonstration.
Ce texte vise à transposer dans la loi trois accords nationaux interprofessionnels successivement conclus en novembre 2024 et en juin 2025. Trois ANI, trois piliers d'une même ambition : favoriser l'emploi des salariés expérimentés, renforcer le dialogue social et accompagner les reconversions professionnelles dans un monde du travail en mutation.
Malheureusement, le marché du travail peine à intégrer durablement les extrémités de la vie active, les jeunes qui entrent comme les seniors qui approchent de la sortie. Les chiffres sont clairs : en 2023, le taux d'emploi des 60-64 ans atteignait 38,9 % en France contre plus de 65 % en Allemagne et 68,9 % en Suède. La moyenne européenne est de 51 %.
Cet écart est préoccupant : derrière ces données, se cachent des carrières écourtées, des compétences gaspillées et des parcours professionnels fragilisés.
À l'autre bout de la pyramide des âges, le constat est tout aussi préoccupant. Le taux d'emploi des jeunes a baissé de 0,6 point en 2024, selon l'Insee, et l'on sait que 62 % des primo-entrants ont moins de 25 ans. Leur taux de chômage reste structurellement élevé.
Il me faut le dire, notre pays ne valorise pas suffisamment ses seniors et ses jeunes. Nous ne pouvons plus tolérer ce paradoxe. C'est dans ce contexte exigeant que les partenaires sociaux ont négocié trois ANI. Ce projet de loi vise à leur conférer une portée normative en sécurisant leur application par une transcription fidèle dans la loi. Il comporte neuf articles, auxquels l'Assemblée nationale a ajouté des dispositions issues de l'ANI du 25 juin dernier.
Rappelons les principaux axes de ce texte.
Les articles 1 et 2 rendent obligatoires les négociations sur l'emploi des salariés expérimentés dans les branches comme dans les entreprises de plus de 350 salariés. Il s'agit non plus de proposer, mais d'exiger que le sujet figure à l'agenda social.
L'article 3 prévoit un entretien professionnel à 60 ans, couplé à la visite médicale de mi-carrière. L'objectif est d'anticiper les besoins d'adaptation des postes et d'accompagner les transitions de fin de parcours.
L'article 4 crée le contrat de valorisation de l'expérience, un CDI destiné aux demandeurs d'emploi de plus de 60 ans, voire dès 57 ans selon les branches. Ce contrat, expérimenté pendant trois ans, permet une mise à la retraite dès l'âge du taux plein, offrant visibilité à l'employeur et sécurité au salarié.
L'article 8 modernise le dialogue social en supprimant la limite de trois mandats successifs pour les élus du comité social et économique. Il s'agit de mieux valoriser l'engagement syndical, qui est un levier de transformation dans l'entreprise.
L'article 9 traite des jeunes primo-entrants. Il assouplit l'accès à l'assurance chômage, en abaissant la durée minimale d'affiliation de 130 à 108 jours. Cela représente cinq mois d'activité au lieu de six ; pour de nombreux jeunes, cette évolution est essentielle.
Enfin, les députés ont introduit les dispositions de l'ANI du 25 juin sur les reconversions professionnelles. Il s'agit de trois mesures fortes : la création d'une période de reconversion sécurisée, la mise en place d'une instance quadripartite nationale et la structuration d'une gouvernance paritaire dédiée aux transitions. Ces apports permettent au texte de répondre aux défis de demain : transitions professionnelles, formation continue, adaptation des compétences.
Je me réjouis que les équilibres du texte aient été conservés par la commission mixte paritaire. Le fait qu'un accord ait pu être trouvé est une excellente nouvelle. C'est la preuve que le dialogue social peut aussi inspirer le dialogue législatif.
Le groupe RDPI se félicite que ces trois ANI puissent être désormais inscrits dans notre droit. C'est une reconnaissance du travail des partenaires sociaux et un gage d'efficacité pour tous les acteurs.
Somme toute, ce texte est équilibré, concerté et porteur de solutions concrètes, raison pour laquelle mon groupe le votera. (Applaudissements au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'évolution démographique de notre pays, le vieillissement de la population active, les tensions sur le marché du travail : autant de réalités qui rendent impérieuse la question de l'emploi des salariés dits expérimentés. En effet, combien de salariés voient leur carrière s'interrompre brutalement à 58 ans ou 59 ans ? Combien peinent à retrouver un emploi ou à se former ?
Ce projet de loi, issu de plusieurs accords nationaux interprofessionnels, apporte une réponse pragmatique. Il traduit un compromis fondé sur le dialogue social, ce socle essentiel de notre modèle républicain. Le groupe du RDSE salue la méthode qui a présidé à son élaboration.
Le texte vient ainsi renforcer le dialogue social autour de l'emploi des seniors, avec l'obligation pour les branches professionnelles et les entreprises de plus de 300 salariés de négocier tous les quatre ans sur l'emploi et les conditions de travail des salariés expérimentés. Il s'agit d'une avancée notable, car nous savons que les solutions doivent souvent se construire au plus près des réalités des entreprises et des bassins d'emploi.
Il instaure également un nouvel entretien de parcours professionnel, en l'articulant notamment avec la visite médicale de mi-carrière. C'est un moment clé pour anticiper les évolutions de carrière et éviter que l'usure professionnelle ne devienne une fatalité.
Il expérimente en outre le contrat de valorisation de l'expérience, pour les demandeurs d'emploi de 60 ans et plus. Ce contrat vise à lever certains freins à l'embauche. Sera-t-il suffisant pour faire évoluer les mentalités ? L'avenir le dira, mais il va dans la bonne direction.
Nous devons en effet faire évoluer le regard porté sur les seniors dans l'entreprise : leur expérience et leur savoir-faire sont trop souvent sous-estimés, alors qu'ils peuvent être un levier de compétitivité et de cohésion sociale.
Nous le savons : la lutte contre les discriminations liées à l'âge est loin d'être gagnée. En France, le taux d'emploi des 60-64 ans atteint difficilement 39 %, contre 65 % en Allemagne et 70 % en Suède. Derrière ces chiffres, il y a des parcours brisés, une perte de savoir-faire et une fracture sociale qui s'accentue.
Pour accompagner ces évolutions, le texte facilite aussi les aménagements de fin de carrière : passage à temps partiel, versement anticipé d'une partie de l'indemnité de départ à la retraite, clarification des règles pour les salariés en situation de cumul emploi-retraite. Ce sont là des mesures de bon sens qui contribuent à sortir d'une vision binaire du travail et permettent des transitions en douceur.
Le projet de loi prolonge cette dynamique en intégrant les conclusions de l'ANI du 25 juin dernier sur les reconversions professionnelles. Création d'une période de reconversion unique, simplification des dispositifs existants, meilleure orientation vers les métiers en tension... Nous saluons ces mesures : elles vont dans le bon sens pour accompagner les mutations économiques, sans laisser sur le bord du chemin les salariés en transition.
Cette réforme des transitions professionnelles est une chance pour sécuriser les parcours et accompagner chacun dans les transformations du marché du travail, qui s'accélèrent avec la révolution numérique, les enjeux de transition écologique et les nouvelles formes d'organisation du travail.
Enfin, le texte renforce le dialogue social en supprimant la limite de trois mandats successifs pour les élus du comité social et économique. Il s'agit de garantir à la fois le renouvellement des instances et la stabilité des représentants, essentielle face aux mutations du monde du travail. Associer l'expérience des élus du personnel à l'ouverture vers de nouveaux profils est indispensable pour nourrir un dialogue social efficace.
Mes chers collègues, ce texte ne changera pas tout, nous le savons. Il n'épuisera pas à lui seul les défis que pose le vieillissement de la population active ni ceux du maintien dans l'emploi des seniors. Mais il a le mérite de traduire fidèlement l'esprit de compromis auquel ont abouti les partenaires sociaux.
Le groupe du RDSE le votera, par sens des responsabilités, mais avec vigilance. L'accès à l'emploi des seniors ne doit pas rester une promesse sans lendemain. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)
M. Olivier Henno. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à saluer le travail remarquable des rapporteures, Anne-Marie Nédélec et Frédérique Puissat. Leur engagement constant a permis de transposer avec rigueur et fidélité les accords nationaux interprofessionnels conclus entre les partenaires sociaux, comme l'a souligné Mme la ministre.
Je veux aussi saluer l'engagement des rapporteurs, leur capacité à dialoguer et la vigilance dont elles ont fait preuve en ce qui concerne l'article 10. Le Sénat n'aime pas les ordonnances : il faut le réaffirmer chaque fois que nous le pouvons. Le choix fort qu'elles ont fait rappelle une exigence : que le Parlement demeure garant des équilibres sociaux et du respect de la démocratie sociale. Les rédactions des articles 10, 11 et 12 ont permis au Parlement de débattre des conclusions de l'ANI signé en juin dernier.
Je salue la qualité des travaux de la commission mixte paritaire, qui a eu pour seul guide le respect des ANI. Au moment d'adopter ses conclusions, je tiens à rappeler combien ce texte est fondamental.
Fondamental, d'abord, car ces accords sont un succès du paritarisme. Notre groupe fait partie de ceux qui se réjouissent, et moi plus encore, quand les syndicats de salariés et les syndicats patronaux trouvent un accord, et de ceux qui déplorent les échecs du paritarisme. Je pense à celui du conclave sur les retraites, alors que nous étions si près d'une conclusion positive. Le pays sort toujours gagnant de miser sur le dialogue social, à l'image de ce que l'on appelle le modèle rhénan.
Fondamental, aussi, parce que j'ai la conviction que la France ne retrouvera le chemin de la prospérité et de la création de richesse que par l'investissement et le travail.
En clair, il faut que ceux qui ont un emploi travaillent un peu plus et que ceux qui ne travaillent pas trouvent le chemin de l'emploi ; mais il faut aussi que ceux qui, comme les seniors, ont un emploi puissent travailler plus longtemps s'ils le veulent.
Voilà notre défi collectif : favoriser l'emploi des jeunes et celui des seniors. La France ne peut plus se priver du potentiel de ces derniers : dans de nombreux secteurs, ils constituent le socle de la transmission des savoirs, des repères professionnels et de cette culture d'entreprise si précieuse.
Comme le disait Raymond Barre, une société qui ne valorise pas ses anciens est une société qui oublie d'où elle vient et où elle va. Les chiffres sont sans appel. En 2023, seuls 58,4 % des 55-64 ans étaient en emploi en France, contre 78 % en Suède. Ce décalage met en lumière des freins persistants à l'embauche comme au maintien dans l'emploi.
Le texte apporte des solutions concrètes et équilibrées.
Il crée le contrat de valorisation de l'expérience, qui sera expérimenté sur cinq ans, permettant aux plus de 60 ans de trouver un emploi dans un cadre sécurisé, tout en facilitant leur embauche. Il s'agit d'une mesure pragmatique et socialement responsable.
Il instaure une obligation de négociation pour les branches et les entreprises de plus de 300 salariés autour de l'emploi, de la formation, des conditions de travail et de la fin de carrière des seniors. C'est un levier puissant pour des solutions adaptées aux réalités du terrain.
Il renforce l'entretien professionnel, désormais articulé avec un bilan médical de mi-carrière – indispensable –, afin de prévenir l'usure professionnelle et d'accompagner les transitions choisies.
Il améliore les dispositifs de retraite progressive et le temps partiel de fin de carrière, en clarifiant les droits et en limitant les refus injustifiés.
L'ANI reconnaît la valeur des seniors, anticipe les ruptures de parcours et offre un cadre incitatif aux entreprises sans contrainte ni stigmatisation. Il s'appuie sur le dialogue social, les accords des partenaires sociaux et la parole des représentants du personnel.
Il faut aussi noter la suppression du plafond de trois mandats dans les grandes entreprises. C'est une mesure cohérente qui permettra de préserver une mémoire sociale et une expertise syndicale et de répondre à la crise des vocations représentatives.
Mes chers collègues, les seniors constituent un potentiel. Ils peuvent construire, diriger, former, transmettre et créer de la richesse. Il est temps que notre droit du travail, notre économie et nos entreprises reconnaissent pleinement cette richesse humaine et professionnelle.
C'est pourquoi le groupe UC votera résolument en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi qu'au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si le taux d'emploi des seniors augmente en France depuis les années 2000, c'est en raison non pas des entreprises qui continuent de licencier les travailleurs expérimentés et qui refusent de recruter au-delà de 50 ans, mais des réformes des retraites successives qui ont allongé la durée de cotisation et repoussé l'âge de départ en retraite.
Si le nombre de travailleurs seniors augmente, c'est parce qu'ils sont obligés de rester au travail pour bénéficier d'une pension de retraite digne. Les travailleurs expérimentés continuent de subir des périodes de chômage de longue durée, des freins à l'embauche multiples et des discriminations liées à l'âge.
Dans ce contexte, les syndicats de salariés et les représentants du patronat avaient été invités à engager une négociation nationale interprofessionnelle sur les mesures permettant de favoriser le maintien et le retour en emploi des seniors.
L'ANI du 14 novembre 2024 sur l'emploi des salariés expérimentés, signé par trois organisations patronales et quatre des cinq organisations syndicales, que nous avons examiné le 4 juin dernier apporte des progrès extrêmement limités par rapport aux enjeux.
Nous avions dénoncé l'obligation de négociation qui ne concerne que les entreprises de plus de 250 salariés, ce qui exclut la moitié des entreprises et 72 % des salariés de notre pays.
Nous avions également dénoncé la création du contrat de valorisation de l'expérience pour les chômeurs de plus de 57 ans. Ce contrat supplémentaire, qui repose sur des exonérations de cotisations patronales, s'ajoute à de multiples dispositifs. La commission d'enquête sur les aides publiques, créée sur l'initiative du groupe communiste et dont le rapporteur était notre collègue Fabien Gay, a montré que nous avions dépensé 211 milliards d'euros pour la seule année 2023, et ce sans contrôle !
Cet argent jeté par les fenêtres servira le 15 juillet prochain de justification au Premier ministre pour imposer aux travailleurs et aux retraités des mesures de régression sociale.
Lors des débats à l'Assemblée nationale, de nombreuses interventions ont critiqué la pertinence du dispositif d'exonération de cotisations.
Au Sénat, aucun des amendements déposés par la gauche n'avait été retenu au nom du strict respect de l'accord national interprofessionnel. Je tiens à faire remarquer que ce ne fut pas le cas à l'Assemblée nationale : quinze amendements ont été adoptés en commission et vingt-huit en séance publique. Et ils n'étaient pas tous rédactionnels, loin de là !
Des amendements ont ajouté dans le périmètre des négociations obligatoires la santé au travail et la prévention des risques professionnels, ainsi que l'organisation et les conditions de travail des salariés expérimentés.
Le Gouvernement lui-même a inséré dans le texte le résultat de l'ANI du 25 juin sur les transitions professionnelles des actifs. Cet accord prévoit notamment de faire de l'entretien professionnel un véritable outil de gestion de carrière pour le salarié.
L'entretien de parcours professionnel obligatoire, qui aura désormais lieu tous les quatre ans, permettra d'aborder les compétences du salarié et ses qualifications mobilisées dans l'emploi actuel, ainsi que sa situation et son parcours professionnel au regard de l'évolution des métiers dans l'entreprise.
La commission mixte paritaire, qui s'est réunie hier soir, est parvenue à un accord. Sans surprise, elle est revenue sur les modifications introduites par l'Assemblée nationale en rendant facultative la négociation, jusque-là obligatoire, de certains thèmes, ce qui revient à les renvoyer dans les méandres de la négociation sociale.
Certains amendements ajoutés par l'Assemblée nationale ont été maintenus par la commission mixte paritaire, notamment en ce qui concerne la prise en compte des pratiques managériales dans les négociations.
Ces modifications du projet de loi montrent qu'il existe une voie entre le respect de la démocratie sociale et l'apport de la démocratie parlementaire, sans que nous nous enfermions dans une forme d'autocensure.
En conclusion, nous devrons attendre que le Gouvernement nous présente un projet de loi sur le travail qui prévoie des mesures ambitieuses pour améliorer les conditions de travail. En effet, le maintien en emploi des salariés n'est possible que si l'on réduit la pénibilité au quotidien et que l'on s'attaque à l'usure professionnelle. À défaut, le nombre de seniors ni en emploi ni en retraite, qui représentent déjà 21 % des travailleurs entre 55 ans et 61 ans, continuera de progresser. Parmi ces seniors, ce sont les femmes, ouvrières et employées, qui subissent les plus longues périodes de privation d'emploi après 50 ans.
Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après la première lecture de ce texte, nous nous étions quittés avec un projet de loi transposant trois accords interprofessionnels.
Près d'un mois plus tard, nous revenons dans cet hémicycle, sommés de voter, sans examen en commission, un texte qui contient un quatrième accord, qui n'a pas été signé à l'unanimité des organisations syndicales – nous n'aurons toutefois pas l'occasion de débattre des réserves qu'il a soulevées.
Après avoir amendé l'ancien article 10, qui permettait au Gouvernement de légiférer par ordonnance pour la transposition de l'ANI sur les transitions et les reconversions professionnelles, nous nous retrouvons finalement à devoir le voter ici, sans avoir pu l'amender en commission ou en séance ni même en débattre, sous le prétexte de respecter des accords dont, je l'ai dit, certains n'ont pas fait l'unanimité chez les partenaires sociaux. De surcroît, ce que nous nous apprêtons à voter, j'y insiste, ne correspond pas à la stricte application desdits accords.
Nous n'aurons donc pas voix au chapitre pour amender certaines dispositions issues de cet ANI, dont celle qui crée une nouvelle « période de reconversion », laquelle, même quand elle concerne des reconversions internes à l'entreprise, pourra être financée via la mobilisation de 50 % du compte personnel de formation (CPF) du salarié.
Avec le nouvel article 10, qui entérine cette période de reconversion, on s'empresse d'ajouter que cette mobilisation du CPF se fera « sous réserve de l'accord du salarié », occultant une fois encore, comme dans les situations dites de volontariat, que le lien de subordination, propre au rapport salarial, rend quelque peu contraint l'accord du salarié d'aliéner une partie de son CPF pour une reconversion interne. Pourtant, il s'agit bien de former le salarié sur un autre poste de l'entreprise ; mais de cela, le Sénat ne débattra pas non plus.
Pareillement, nous ne connaîtrons pas l'impact financier de la fusion des dispositifs de transitions collectives et de reconversion et de promotion par l'alternance (Pro-A), qui bénéficiaient de financements propres, liés à leurs missions spécifiques.
Ces dispositions auraient mérité une seconde lecture. L'intronisation de celles-ci sans possibilité d'amendement au Sénat semble encore le fait d'une méthode peu soucieuse de la démocratie parlementaire, tout comme les tergiversations sur la création de l'espace stratégique prévu dans l'ANI, qui ont conduit le Gouvernement à retirer son amendement à l'Assemblée nationale pour finalement en déposer un autre, plus conforme, sous la pression des partenaires sociaux.
Concernant l'ensemble du texte, nous maintenons nos réserves quant au CDI « salarié expérimenté » en raison de l'ouverture d'une nouvelle niche d'exonération de cotisations sociales, qui coûtera 123 millions d'euros, alors même que le Gouvernement ne cesse de multiplier les annonces sur les coupes budgétaires antisociales, passant de la sous-indexation des pensions à la TVA sociale et qu'une commission d'enquête du Sénat révèle que les dispositifs d'aides publiques aux entreprises s'accumulent sans évaluation.
Bien sûr, des modifications positives ont amélioré le texte. Je pense à l'introduction d'une obligation de négociation sur la santé au travail – mais seulement à partir de 250 salariés – ainsi que sur l'organisation du travail et les conditions de travail, comme nous l'avions relevé en première lecture.
Mais alors que le texte issu de l'Assemblée nationale avait limité les effets d'aubaine, en empêchant l'embauche d'un travailleur en CDI salarié expérimenté ayant travaillé dans la même entreprise dans les deux ans, le texte de la CMP a rétabli la limite à seulement six mois.
Nous regrettons que cette limitation de bon sens n'ait pas été conservée, alors même que l'article 9 bis, introduit par le biais d'un amendement issu des rangs parlementaires du dit socle commun, a été maintenu dans le texte Cet amendement aurait dû, à mon avis, être déclaré irrecevable en tant que cavalier législatif.
Cet article exclut en effet du calcul du bonus-malus de l'assurance chômage les licenciements pour inaptitude en cas d'impossibilité de reclassement dans l'entreprise, délestant les entreprises et les secteurs concernés de leur responsabilité quant aux conditions de travail.
Alors que le texte prétendait, à l'origine, lutter contre le chômage des travailleurs seniors, voilà que passe subrepticement un article pour invisibiliser les sorties par inaptitude de travailleurs dont le retour à l'emploi reste problématique.
Cette dernière disposition, qui s'ajoute au va-et-vient d'amendements gouvernementaux sans possibilité pour le Sénat – ou plutôt pour une partie de notre assemblée, mais pas pour les rapporteures – d'en débattre, nous conduit à ne pas voter en faveur d'un texte escamotant notre rôle de législateur.
Comme trop souvent durant cette session extraordinaire, le Sénat, ou tout du moins une partie de notre assemblée, n'est pas respecté. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
Mme Annie Le Houerou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lors des débats au Sénat, nous avons eu l'occasion de saluer les avancées du projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social.
Nous reconnaissons le travail des rapporteurs Frédérique Puissat et Anne-Marie Nédélec, qui a été mené dans les conditions très difficiles imposées au Sénat. J'en profite pour saluer le travail de ma collègue Monique Lubin, que je représente aujourd'hui et qui a travaillé sur ce texte pour notre groupe socialiste.
Nous saluons ce texte pour ce qu'il dit de la résilience du dialogue social en France. Il intègre en effet à la loi le contenu de pas moins de cinq accords sur lesquels ont réussi à s'entendre les partenaires sociaux depuis novembre dernier. C'est un élément positif, malgré les difficultés qui ont pu être rencontrées.
Nous avons bien pris note du fait que tous les syndicats n'ont pas signé l'intégralité des accords faisant l'objet du présent texte.
Nous savons également que le processus de transposition d'un point des accords de juin sur les transitions et les reconversions par le Gouvernement a dû être retravaillé avec les syndicats.
Nous avons constaté avec un grand soulagement que les partenaires sociaux ont enfin pu reprendre la main sur l'assurance chômage et sécuriser la situation jusqu'au 31 décembre 2028.
Nous avions déjà marqué notre accord quant aux dispositions reprenant fidèlement les accords nationaux interprofessionnels.
Au titre des avancées figurent les mesures renforçant la retraite progressive, qui peuvent servir de levier pour l'emploi des salariés dits expérimentés. Je pense notamment à l'encadrement des motifs de refus de l'employeur concernant une demande de passage à temps partiel ou à temps réduit dans le cadre de la retraite progressive.
Pour ce qui concerne l'assurance chômage, nous nous sommes réjouis que l'article 9 permette l'adaptation des conditions d'activité antérieure requises pour ouvrir des droits à une allocation. La durée de ces droits est également concernée, ce qui est une bonne chose.
Nous avons approuvé les mesures de renforcement du dialogue social sur l'emploi et le travail des personnes expérimentées. La mise en place d'une obligation quadriennale de négociation à destination des entreprises d'au moins 300 salariés portant sur l'emploi, le travail et l'amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés a également rencontré tout notre soutien.
Au titre des réserves qui étaient les nôtres, figuraient des craintes concernant d'éventuels effets d'aubaines liés à la mise en place du contrat de valorisation de l'expérience. Si les syndicats se sont voulus rassurants à ce propos, ils n'ont pas levé toutes nos inquiétudes face à la mise en place d'une nouvelle niche sociale.
Nous avions d'ailleurs déposé un amendement pour supprimer l'exonération de la contribution patronale spécifique de 30 % sur le montant de l'indemnité de mise à la retraite si elle survenait dans le cadre d'un contrat de valorisation de l'expérience.
Nos réserves portaient aussi sur les modalités de mise à la retraite à partir de 67 ans que prévoit ce texte. Il nous semble évident que cela pénalisera des salariés qui, ayant atteint un taux plein, peuvent avoir un montant de pension insuffisant et vouloir retarder leur départ pour obtenir une retraite décente.
Les modifications au texte apportées par le Gouvernement et les parlementaires de gauche, notamment lors des débats à l'Assemblée nationale, nous paraissent par ailleurs satisfaisantes, même si certaines ont été abandonnées lors des travaux de la commission mixte paritaire. Je pense au délai de carence, ramené de deux ans à six mois.
Je dois tout de même déplorer les mauvaises conditions d'examen du texte par le Parlement, qui sont de la responsabilité du Gouvernement. Le fait qu'un accord interprofessionnel fasse l'objet d'un consensus entre les partenaires sociaux ne prive pas le Parlement de son droit de regard sur ses dispositions et sa transposition, et ce dans de bonnes conditions de débat.
C'est pourquoi je déplore que les députés aient découvert la veille de leur examen les amendements du Gouvernement. Je déplore également que nous n'ayons pu, au Sénat, discuter véritablement du titre VII de ce texte et des amendements, qui ont été déposés au dernier moment.
Nous prenons bonne note de la création d'un nouveau dispositif de reconversion professionnelle – la période de reconversion –, qui est conforme à l'ANI.
Il en va de même de la création d'un conseil national quadripartite, placé auprès du ministre chargé de la formation professionnelle. Nous avons compris qu'un travail avait été fait avec le Gouvernement pour rendre au mieux l'accord trouvé entre partenaires sociaux.
Enfin, nous prenons également note de la création d'une instance paritaire, qui aura notamment un regard en matière de répartition des fonds destinés aux commissions paritaires régionales et de l'obligation instaurée pour l'employeur, dans le cadre du projet de transition professionnelle, de notifier au salarié bénéficiaire, trois mois avant la fin de la formation, son droit à réintégrer son poste ou un poste équivalent.
Ce sont ces avancées, ainsi que la fidélité du texte aux accords nationaux interprofessionnels, qui nous amènent à voter en faveur du projet de loi, malgré nos réserves. L'adoption du texte ne dispense cependant pas le Gouvernement de s'attaquer plus frontalement aux problématiques qui y sont traitées, notamment en ce qui concerne l'emploi des seniors.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Marc Laménie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mes trois collègues du groupe Les Indépendants membres de la commission des affaires sociales et moi-même n'avons aucun doute quant à l'adoption de ce texte.
C'est avec satisfaction que notre chambre pourra ainsi achever ses travaux à la fin de cette session extraordinaire, même si le projet de loi ne pourra malheureusement pas être examiné dans l'immédiat par l'Assemblée nationale, ce que nous regrettons.
Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. Tout à fait.
M. Marc Laménie. Tout le mérite revient aux membres de la commission des affaires sociales : nous proposons enfin des mesures concrètes en faveur de l'emploi des salariés expérimentés, qui pourront être appliquées dès les prochains mois.
En matière d'emploi des seniors, nous sommes clairement en retard, ainsi que l'ensemble des sénateurs ayant pris la parole à la tribune l'ont rappelé. Seuls 38 % des 55-64 ans ont un emploi en France, alors que dans l'Union européenne le taux moyen d'emploi des seniors est de 50,9 %. Nos voisins affichent quant à eux des taux bien plus élevés : 65 % en Allemagne, et jusqu'à 75 % aux Pays-Bas. Chez nous, le décrochage est encore plus alarmant à partir de 60 ans.
Je le sais, ce constat a maintes fois été rappelé, mais il me semble nécessaire d'insister sur ces chiffres, qui illustrent l'ampleur du retard à rattraper en la matière. Pourtant, ce projet de loi ne pourra pas tout. Nous devons continuer d'agir pour garantir l'accès à l'emploi des plus de 55 ans.
Au-delà de la lutte contre leur invisibilisation dans le monde professionnel, il s'agit également d'une nécessité pour la santé des finances de notre système de protection sociale. Une hausse de 5 points du taux d'emploi des seniors permettrait de créer 5 milliards d'euros de recettes supplémentaires pour notre système de retraite. Rappelons l'importance du budget de la sécurité sociale, qui représente 650 milliards d'euros, toutes branches confondues.
Si nous alignions notre taux d'emploi des seniors sur la moyenne européenne, le gain atteindrait 14 milliards d'euros. Ces marges budgétaires ne doivent pas être négligées, surtout dans le contexte actuel.
Par ailleurs, les salariés expérimentés sont une richesse incontestable pour les entreprises. Qu'il s'agisse de leur parcours, de leur savoir-faire ou de leur expérience, ils apportent une plus-value irremplaçable.
Le projet de loi permet notamment d'améliorer la gestion de la seconde partie de carrière. Désormais, lors de l'entretien professionnel qui suit la visite médicale de mi-carrière, les sujets de la formation, de la prévention de l'usure professionnelle et d'une éventuelle reconversion professionnelle devront systématiquement être abordés.
Toutefois, s'arrêter là ne suffit pas. Il faut également préparer la fin de carrière. Avant le soixantième anniversaire du salarié, un entretien devra ainsi permettre d'aborder des options de transition vers la retraite, notamment la retraite progressive. Aujourd'hui, en raison d'un manque d'information tant chez les salariés que chez les employeurs, ce dispositif demeure trop peu utilisé en France. À peine 35 000 personnes y ont recours, alors qu'entre 700 000 et 800 000 personnes partent à la retraite chaque année. Il est essentiel de mieux faire connaître cette possibilité.
Je l'indiquais précédemment, ce projet de loi ne pourra pas tout, notamment en raison de la complexité des codes concernés, en particulier du code du travail. Il prévoit des outils, certes, mais il faut instaurer une véritable culture de la préparation de la fin de carrière dans les entreprises pour améliorer l'emploi des seniors.
Le texte oblige également les entreprises de plus de 300 salariés et les branches professionnelles à tenir des négociations sur l'emploi des seniors. Il offre également à l'employeur la possibilité d'échelonner le versement de l'indemnité de départ à la retraite pour que celle-ci puisse constituer un complément de rémunération lors d'une retraite progressive.
Par ailleurs, le texte instaure l'expérimentation du contrat de valorisation de l'expérience. Ce CDI est réservé aux demandeurs d'emploi qui ne remplissent pas les conditions pour bénéficier d'une retraite à taux plein et qui sont âgés de 60 ans et plus, ou de 57 ans et plus si un accord de branche le prévoit. L'employeur sera ainsi autorisé à mettre un salarié à la retraite dès lors que celui-ci remplit les conditions de liquidation d'une retraite à taux plein, tout en étant exonéré de la contribution patronale sur l'indemnité de mise en retraite. Cet outil nous semble pleinement pertinent en faveur de l'emploi de nos seniors.
Enfin, ce texte intègre également l'accord de juin dernier sur la reconversion professionnelle, qui vise à faciliter les transitions professionnelles externes et internes des salariés, et à encourager les périodes de conversion.
Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire respecte donc le contenu des accords nationaux interprofessionnels de novembre 2024 et de juin 2025. Le groupe Les Indépendants votera en sa faveur. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi qu'au banc des commissions.)
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Bravo !
M. le président. Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l'emploi des salariés expérimentés et relatif à l'évolution du dialogue social dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements précédemment adoptés par le Sénat.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 353 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 307 |
Pour l'adoption | 307 |
Contre | 0 |
Le Sénat a adopté.
M. Khalifé Khalifé. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. En quelques mots, je voudrais exprimer notre satisfaction d'être parvenus au terme de l'examen de ce texte.
Je salue l'engagement de nos deux rapporteures et le travail qu'elles ont accompli. L'exercice n'était pas simple.
D'une part, il fallait respecter les accords conclus par les partenaires sociaux et fidèlement les retranscrire, ce qui peut devenir un peu frustrant, car nous pouvons parfois être tentés de les amender. Nous l'avons démontré, le Sénat défend largement les valeurs de dialogue et de confiance.
D'autre part, certaines difficultés sont apparues : les accords étaient en partie incomplets, et si le texte les transcrit fidèlement, certains de ses articles proposent également quelques ouvertures.
Je salue la démarche des rapporteures, qui ont souhaité revenir vers les partenaires sociaux et organiser des tables rondes pour valider ces ajouts, afin que nous disposions directement d'un retour de l'ensemble des partenaires sociaux. Je les remercie d'avoir retenu cette méthode, un peu particulière.
Je comprends les frustrations de ceux qui auraient voulu porter d'autres mesures, mais il était pour nous essentiel d'achever l'examen de ce texte dans le respect des accords des partenaires sociaux, en accord avec la majorité gouvernementale, qui, avant-hier soir, a su finaliser certains arbitrages en adoptant un état d'esprit constructif vis-à-vis des propositions du Sénat.
Mon seul regret est que la dernière partie de l'examen du projet de loi soit renvoyée à la fin du mois de septembre, même si nous connaissons les difficultés qui ont empêché l'inscription du texte à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale avant la fin de la session extraordinaire. Je regrette le message que cela envoie aux partenaires sociaux, que nous avons mobilisés et auxquels nous avons demandé de respecter un calendrier. J'espère que le texte pourra être examiné très rapidement en septembre prochain, afin que les partenaires sociaux puissent prendre leurs dispositions. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi qu'au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Au nom du Gouvernement, je souhaite exprimer toute ma reconnaissance au Premier ministre Michel Barnier qui, le premier, avait souhaité relancer le dialogue social dans notre pays, en me demandant – j'étais déjà ministre du travail et de l'emploi – de remettre les partenaires sociaux autour de la table, ce qui a permis d'aboutir aux trois premiers accords signés.
Je remercie encore une fois les partenaires sociaux d'avoir adopté un tel esprit de compromis. En neuf mois, ils sont parvenus à conclure cinq accords importants sur des sujets qui concernent nos concitoyens au quotidien et sur lesquels des décisions étaient attendues.
Je remercie naturellement le Sénat de la qualité de nos débats ; je salue en particulier les rapporteures qui, jusqu'au bout, ont veillé à retranscrire le plus fidèlement possible l'esprit et la lettre de ces accords. Je les remercie d'avoir nourri un tel dialogue avec les partenaires sociaux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous pouvez compter sur ma détermination à poursuivre le dialogue social dans un esprit constructif qui complète, selon moi, le travail de la démocratie représentative et qui peut devenir, ainsi que nos débats l'illustrent, une source d'apaisement et de réalisation du compromis.
Je regrette profondément que l'Assemblée nationale n'ait pu trouver le temps d'examiner ce texte avant la fin de la session extraordinaire. Encore une fois, ces outils sont attendus et par les salariés et par les entreprises. J'espère que ce texte sera examiné à la fin du mois de septembre prochain, ce qui permettra à ces outils d'être très rapidement disponibles. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC, ainsi qu'au banc des commissions. – M. Khalifé Khalifé applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante,
est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Loïc Hervé.)
PRÉSIDENCE DE M. Loïc Hervé
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Réforme de l'audiovisuel public
Discussion en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, rejetée par l'Assemblée nationale, relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (proposition n° 797, texte de la commission n° 825, rapport n° 824).
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Rachida Dati, ministre de la culture.
Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de la culture, cher Laurent Lafon, monsieur le rapporteur, cher Cédric Vial, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons près de deux ans après l'examen en première lecture, au Sénat, de la proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle.
Monsieur le président Lafon, les constats que vous aviez posés lors de la présentation de votre texte se confirment aujourd'hui, avec encore davantage d'acuité.
Aux côtés du rapporteur Jean-Raymond Hugonet, vous indiquiez alors déjà « qu'il était indispensable de donner plus de force à notre audiovisuel public, en regroupant ses talents dans une même structure ».
Les constats sont anciens et partagés. Permettez-moi de citer les travaux, au Sénat, de Jean-Pierre Leleux et André Gattolin en 2015, ceux de Catherine Morin-Desailly en 2018, ou encore le rapport d'information Hugonet-Karoutchi de 2022, qui préconisait le regroupement des entreprises de l'audiovisuel public « pour créer un acteur cohérent, puissant et innovant ».
La même orientation se retrouve du côté de l'Assemblée nationale, avec le rapport d'information de Quentin Bataillon et Jean-Jacques Gaultier en 2023, confirmé par les travaux de Virginie Duby-Muller et Jérémy Patrier-Leitus cette année.
Je tiens aussi à remercier le rapporteur du texte au Sénat, Cédric Vial, dont chacun connaît la ténacité. Il a permis d'enrichir le texte à chaque étape et de veiller à son équilibre.
Enfin, je n'oublie pas les différents rapports d'inspection rendus sur le sujet ni, bien sûr, le rapport de Laurence Bloch, qui partage la même conviction et aboutit aux mêmes conclusions que nous, en s'appuyant tout autant sur une expérience incontestable que sur un attachement concret à l'audiovisuel public, que personne ne saurait remettre en cause.
Contrairement à ce que j'entends parfois, le texte que nous nous apprêtons à examiner s'appuie sur une multitude de travaux étayés, émanant de diverses personnalités aux parcours très différents, ainsi que sur des travaux parlementaires très minutieux et fournis qui, depuis dix ans, vont tous dans le même sens.
Je l'affirmais avant même d'arriver au ministère de la culture et l'ai répété en prenant mes fonctions : l'audiovisuel public est l'un des piliers de notre démocratie. C'est un élément de notre patrimoine ; c'est un patrimoine vivant, un vecteur d'intégration, d'ouverture, d'émancipation. Au fond, il s'agit de la traduction même de la méritocratie. C'est parce qu'il doit pouvoir continuer de jouer pleinement ce rôle que cette réforme est indispensable.
Nous sommes entrés dans une période de profonde mutation. En 2023 déjà, monsieur le président Lafon, vous affirmiez que « le paysage a beaucoup changé depuis l'arrivée [des grandes plateformes] en 2014 », ce qui a « profondément modifié les usages de chacun d'entre nous ».
Ce phénomène ne fait que s'amplifier, s'accélérer, voire s'aggraver. Les modes de consommation se transforment : les contenus d'information, de culture ou de divertissement sont de plus en plus consommés sur les plateformes ou les réseaux sociaux. Des pans entiers de la population, en premier lieu les jeunes, désertent les médias traditionnels que sont la radio et la télévision, dont l'audience vieillit. Celle-ci touche majoritairement les plus de 50 ans, voire les plus de 65 ans, et les catégories socioprofessionnelles supérieures. Dans ce contexte concurrentiel, les groupes privés, eux, se structurent et s'organisent.
Face à cette situation, je le répète, nous avons deux solutions. La première, la solution de facilité, parfois même le cynisme, est la tentation de l'immobilisme, plus confortable, car elle ne froisse personne. Elle revient aussi à courir le risque d'un fort affaiblissement généralisé que certains, je peux vous le dire, espèrent.
La deuxième solution, c'est la défense d'un audiovisuel public fort, c'est-à-dire d'un audiovisuel public qui se transforme pour s'adapter aux nouveaux usages en diffusant mieux ses contenus, afin de continuer de s'adresser à tous et de préserver son rôle essentiel dans notre société.
Le débat sur ce sujet a malheureusement été confisqué à l'Assemblée nationale, au mépris de tous les Français, profondément attachés à ce service public – je le rappelle, ce sont eux qui le financent –, et au mépris des milliers de salariés qui attendent de la clarté sur l'avenir du secteur.
Les Français attendent de leurs responsables politiques qu'ils s'engagent, qu'ils écoutent et qu'ils répondent à leurs préoccupations. Quand ils élisent leurs représentants, c'est pour que ces derniers parlent en leur nom, et non entre eux. Je souhaite que le débat puisse être mené à son terme au Sénat, dans un climat apaisé, puisque, évidemment, nous avons le temps nécessaire.
M. Yan Chantrel. Pas vraiment !
Mme Rachida Dati, ministre. Arrêtons les caricatures. J'y insiste, cette réforme n'est rien d'autre qu'une réforme de la gouvernance. Un constat me semble unanime : la nécessité de renforcer les coopérations. Pour y parvenir, certains ont fait le pari de rapprochements par le bas, sans gouvernance commune.
Force est de constater que cette stratégie n'a pas permis d'atteindre les objectifs fixés. D'ailleurs, deux présidentes de deux entreprises de l'audiovisuel public l'ont constaté dans un courrier, évoquant une coopération par le bas pour aboutir à une gouvernance unique.
Il faut monter d'un cran, aller plus loin pour armer notre audiovisuel public face à la puissance des bouleversements en cours. Ce choix, retenu par le président Lafon dans sa proposition de loi, que le Sénat avait adoptée en première lecture, nous vous proposons de le faire de nouveau. L'audiovisuel public a besoin d'un chef d'orchestre, d'une capacité à arbitrer avec un président-directeur général unique, de sortir des fonctionnements en silo, d'avoir des stratégies réellement coordonnées. J'entends certains, à gauche, promettre « un combat politique, sociétal, moral » sur ce texte.
Mme Raymonde Poncet Monge. Absolument !
Mme Rachida Dati, ministre. Ce texte ne consiste en rien d'autre qu'à rassembler les forces de l'audiovisuel public pour que celui-ci s'adresse à tous les Français sur notre territoire national. Je le redis, ils financent tous ce service ; nous le leur devons. L'audiovisuel public n'appartient pas à un petit club. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
De quel combat politique, sociétal et moral parle-t-on ? Mesdames, messieurs les sénateurs, ne vous trompez pas de combat, ce texte avait déjà été adopté en première lecture au Sénat.
Mme Sylvie Robert. Non, ce n'est pas le même texte !
Mme Rachida Dati, ministre. Certains se trompent de combat. Vous vous attaquez à ma personne, (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.) souvent de manière très indigne, soit dit en passant, mais nous sommes tous comptables de l'intérêt général.
Mme Laurence Rossignol. Ne soyez pas égocentrique !
Mme Rachida Dati, ministre. C'est le seul combat qu'il faut mener pour préserver l'audiovisuel public. Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne peux imaginer que nous ne partagions pas ce combat.
Mme Corinne Féret. Quel argument !
Mme Rachida Dati, ministre. Je ne peux imaginer que nous ne partagions pas le combat pour un audiovisuel public fer de lance de la lutte contre la désinformation ; pour un audiovisuel public levier puissant de promotion et de soutien à notre création culturelle et artistique ; pour un audiovisuel public qui continue de s'adresser à tous les Français, quels que soient leur âge, leur catégorie sociale ou leur origine ; pour un audiovisuel public qui reste ainsi un patrimoine commun. Pour cela, il est nécessaire de faire évoluer la gouvernance du secteur.
Mesdames, messieurs les sénateurs, beaucoup a été dit et beaucoup a été caricaturé. Nous avons tous une responsabilité face à un contexte géopolitique qui engendre de plus en plus d'ingérences étrangères, de désinformation et d'instabilité. La force de notre pays, c'est l'audiovisuel public et tous ceux qui ont fait le choix d'y travailler pour que notre pays demeure une grande démocratie et pour permettre à tous de s'élever grâce à ce patrimoine commun.
La seule ambition de ce texte est de permettre à l'audiovisuel public de se battre à armes égales pour répondre aux enjeux qui lui font face. La seule ambition de ce texte, c'est de donner à l'audiovisuel public les moyens de jouer pleinement son rôle et de s'adresser à tous. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Cédric Vial, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen de cette proposition de loi intervient à un moment décisif, alors que les fondations mêmes de notre modèle audiovisuel sont mises à l'épreuve par des bouleversements profonds, qu'ils soient technologiques, économiques ou culturels.
Ce texte n'est ni une réforme technique ni un ajustement marginal : il s'inscrit dans une histoire longue, celle des grandes mutations du secteur audiovisuel, où se succèdent, depuis la création de la RTF à la Libération, le démantèlement de l'ORTF en 1974, l'avènement des radios libres en 1981, la création de Canal+, première chaîne payante, la privatisation de TF1 ou le passage de trois à six chaînes dans les années 1980, l'arrivée de la TNT et l'ouverture à plus de vingt-cinq chaînes au début des années 2000, la fusion de France 2, France 3, France 4 et France 5 dans une société unique, France Télévisions, puis le passage aux box numériques, à la VOD, l'explosion des plateformes numériques, la démocratisation des smartphones et, aujourd'hui, la domination croissante des réseaux sociaux.
Dans le même temps, nous sommes passés du walkman au lecteur CD, puis à l'iPod, à Deezer et à Spotify. À chaque époque, il a fallu s'adapter. À chaque génération, il a fallu répondre à une rupture.
Aujourd'hui, la révolution numérique à laquelle nous assistons est d'une tout autre ampleur. Cette rupture systémique touche tout à la fois aux modes de distribution, à la création, à l'édition des programmes et aux défis de l'intelligence artificielle dans un écosystème devenu globalisé.
Il est donc de la responsabilité du législateur de donner au service public les moyens de se transformer pour s'adapter aux défis immenses qui l'attendent. Telle est précisément la raison d'être de cette proposition de loi déposée par notre collègue Laurent Lafon, dont je salue l'esprit d'initiative, la clairvoyance et la ténacité, et appuyée par la détermination de Mme la ministre Rachida Dati.
Je le sais, beaucoup de nos concitoyens, et certains aussi parmi vous, mes chers collègues, s'interrogent. Pourquoi maintenir l'audiovisuel public dans un monde saturé de chaînes privées, de contenus numériques gratuits, d'accès illimité à l'information ? Pourquoi le réformer et, surtout, pourquoi continuer de le défendre ?
L'audiovisuel public n'est pas un luxe républicain, il est un pilier de notre démocratie.
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
M. Cédric Vial, rapporteur. Dans un monde où l'information est omniprésente, mais souvent biaisée, déformée ou instrumentalisée, l'existence d'un pôle de médias indépendant, rigoureux, impartial et pluraliste est une garantie de stabilité et une condition de notre souveraineté culturelle et nationale.
Lors de la pandémie de covid, de la crise des « gilets jaunes », de la guerre en Ukraine ou des périodes électorales, à chaque fois l'audiovisuel public a été là pour expliquer sans hystériser, pour informer sans céder à la caricature. Je ne dresse pas là un tableau idéal ; il y a bien sûr des dérapages, des voies et des besoins d'amélioration, mais ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain.
Aujourd'hui, l'audiovisuel public compte un grand nombre de succès. Les Français ne s'y trompent pas. Selon un sondage récent pour La Croix, seuls 12 % d'entre eux estiment que l'existence d'un service public audiovisuel est une mauvaise chose.
Radio France est aujourd'hui le leader incontesté du podcast et ses antennes connaissent de véritables succès d'audience.
France Télévisions rassemble encore, chaque année, plusieurs des plus fortes audiences nationales et propose des programmes populaires et d'autres plus exigeants ou confidentiels.
L'Institut national de l'audiovisuel (INA) est également un fleuron de notre service public, avec une politique innovante d'éditorialisation de ses archives qui rencontre un public grandissant.
France Médias Monde promeut la francophonie et porte une vision française de l'actualité dans un monde en profonde mutation.
Pourtant, il ne s'agit pas de sanctuariser l'existant. Si l'audiovisuel public est indispensable, il faut aussi dire les choses clairement : il doit être profondément réformé pour faire face aux trois défis et enjeux de notre époque.
Il y a d'abord un enjeu numérique : la télévision linéaire perd du terrain chaque année au profit des plateformes, qui sont en train de révolutionner les modes de distribution, comme en attestent encore très récemment les accords passés entre TF1 et Netflix ou France Télévisions et Amazon Prime.
Les jeunes regardent de moins en moins la télévision ; ils consomment plutôt des contenus en streaming et en podcast et s'informent sur TikTok, Meta ou YouTube, souvent sans filtre, ni vérification, ni médiation. Ces nouveaux usages sont non pas seulement ceux d'une génération, mais aussi ceux des usagers de demain : la plupart des revenus publicitaires se concentrent désormais sur les géants du web, qui profitent d'une asymétrie de notre réglementation à leur profit.
Ensuite, l'enjeu est économique et culturel. En France, le secteur audiovisuel et cinématographique représente 260 000 emplois et 12,6 milliards d'euros de valeur ajoutée, soit plus que l'industrie automobile. C'est à notre modèle culturel que nous le devons, que l'on appelle aussi « exception » culturelle : il permet à notre pays, malgré son poids démographique, de jouer dans la cour des grands dans le secteur du cinéma, de la fiction, de l'animation ou du documentaire grâce aux aides à la création et à la production indépendante, dont le plus gros contributeur est l'audiovisuel public. Ce modèle est stratégique pour notre souveraineté culturelle et industrielle.
Enfin, les enjeux touchent à la concurrence. Partout en Europe, les médias publics se réorganisent. En France, les groupes privés se restructurent et se consolident, investissent massivement dans le numérique. Les plateformes se transforment, se diversifient et se développent. Les technologies évoluent. Ces signaux ne sont que les premiers d'une redéfinition complète de notre écosystème, devenu international, au sein duquel nos réglementations nous protègent autant qu'elles peuvent nous freiner. Pendant ce temps, notre audiovisuel public, malgré ses talents et ses réussites, reste fragmenté, cloisonné et ralenti par des structures inadaptées aux défis qui s'imposent à lui. Il est temps d'agir.
La création de France Médias, telle que proposée au travers de ce texte, répond à ce besoin d'adaptation et de clarté. Il s'agit non pas d'une fusion brutale, mais de la création d'une société de tête, chargée de construire et de piloter une stratégie commune, légère dans sa forme, mais forte dans sa vision. Elle rassemblera France Télévisions, Radio France, l'Institut national de l'audiovisuel ainsi que – je le souhaite et nous en débattrons tout à l'heure, mes chers collègues – France Médias Monde, sans effacer leurs identités et, surtout, sans diluer leurs missions. Elle permettra de mutualiser des fonctions support, d'éviter des doublons et de libérer des moyens pour renforcer les missions éditoriales et mettre le paquet sur le numérique.
Ce nouveau pilotage rendra la gouvernance plus cohérente. Nous avons précisé à nouveau la composition du conseil d'administration de la holding et renforcé le rôle de contrôle interne des administrateurs, afin de garantir l'impartialité de l'information, mais aussi le respect des règles d'éthique et de déontologie dans la préparation des programmes. Le conseil d'administration sera doté d'un président exécutif avec un mandat clair, nommé de manière indépendante par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), qui devra respecter une procédure transparente tout en garantissant la confidentialité des candidatures pour en favoriser la qualité.
Les évolutions que nous vous proposons permettront également de renforcer le contrôle du Parlement sur les orientations qui seront assignées au conseil d'administration par l'intermédiaire des conventions stratégiques pluriannuelles (CSP).
Elles visent aussi à garantir un meilleur usage de l'argent des contribuables. La dotation à l'audiovisuel public est désormais garantie par la loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public que nous avons adoptée l'année dernière, sur l'initiative du Sénat.
En rationalisant les moyens, en simplifiant les processus et en coordonnant les politiques numériques, nous pouvons obtenir des économies de gestion, comme l'ont montré plusieurs rapports, notamment le rapport d'information de nos collègues Karoutchi et Hugonet, dans les pas desquels nous nous inscrivons.
Nous proposons non pas une fusion administrative, mais une réforme fondée sur la raison, véhicule d'une ambition partagée : il s'agit de rendre le service public plus lisible, plus agile et plus fort.
Notre société est traversée par des sentiments contradictoires envers le service de l'audiovisuel public
Ceux qui ne l'aiment pas préfèrent ne rien changer, le laissant s'étioler et espérant ainsi le voir disparaître. Ceux qui affirment l'aimer l'aiment tel qu'il est ou, devrais-je dire, tel qu'il était, au point qu'ils refusent, eux aussi, tout changement, comme si l'immobilisme était une forme de fidélité. Comme l'aurait dit Jean Ferrat, ils l'aiment à perdre la raison ; or c'est justement la raison et notre responsabilité qui nous commandent d'agir en créant les conditions pour que l'audiovisuel public continue de remplir ses missions.
J'espère que nos débats seront à la hauteur de cette ambition et de cet enjeu. Voter cette réforme revient non pas à soutenir l'audiovisuel public d'hier, mais à bâtir celui de demain. C'est défendre une information fiable dans un monde incertain, c'est soutenir l'emploi, la culture et l'innovation, c'est répondre aux défis du numérique, du pluralisme et de notre souveraineté culturelle, c'est souhaiter un audiovisuel public qui inspire confiance, capable de parler à tous les Français et de rester un bien commun.
Je l'affirme sans provocation : oui, le Sénat est une chambre conservatrice et de traditions, mais il est étonnant de voir que, sur ce sujet, c'est la gauche qui incarne le conservatisme quand la droite et le centre assument une volonté réformatrice et progressiste. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Éric Kerrouche. Bien sûr…
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport. Très bien !
M. Cédric Vial, rapporteur. Mes chers collègues, cette réforme n'est ni de droite ni de gauche. (Marques d'ironie sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Mme Laurence Rossignol. Elle est populiste !
M. Yan Chantrel. Elle est trumpiste !
M. Cédric Vial, rapporteur. Elle est républicaine, stratégique et nécessaire. Elle est de notre temps, tout simplement ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Exception d'irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi, par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dossus, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (n° 825, 2024-2025).
La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la motion. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – Mme Evelyne Corbière Naminzo applaudit également.)
M. Guillaume Gontard. Madame la ministre, pourriez-vous préciser à la représentation nationale au nom de quelle urgence vous vous êtes sentie obligée d'inscrire à l'ordre du jour ce texte, qui vient tout juste d'être rejeté par l'Assemblée nationale, en fin de session extraordinaire ? La navette parlementaire ne pourra pas se terminer avant l'automne prochain. Pourquoi tordre le bras des parlementaires et corseter notre droit d'amendement en précipitant à ce point cette discussion ?
J'y insiste : depuis six mois, le Gouvernement navigue à vue, subissant des initiatives parlementaires plus ou moins heureuses ou surfant sur celles-ci, puis, à l'approche de l'été, il se précipite pour accélérer l'examen de certains textes sans que l'on comprenne les raisons de cette urgence.
Hier, nous examinions la proposition de loi visant à réformer le mode d'élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et de Marseille, tripatouillage électoral mal ficelé qui ne permet pas de se pencher sur le sujet principal : la répartition des compétences entre mairie centrale et arrondissements, et les moyens budgétaires.
Aujourd'hui, c'est d'une réforme à la truelle de l'audiovisuel public qu'il s'agit pour mettre ce dernier sous tutelle politique et raboter encore ses moyens.
Ces deux propositions de loi du bloc central ont connu un parcours parlementaire chaotique, ce qui témoigne de leur qualité douteuse. De fait, elles ne sont accompagnées d'aucune étude d'impact malgré les conséquences considérables qu'elles emportent.
Ces deux propositions de loi ont un point commun : votre capacité, madame la ministre, à être candidate à la mairie de Paris. Quelle est l'urgence sinon celle de votre propre ambition ? Vous me l'accorderez : pour la défense de l'intérêt général, on repassera ! Vos contraintes de calendrier nous réunissent aujourd'hui, avec la complicité de la majorité sénatoriale faisant fi des droits les plus évidents des parlementaires.
Reprenons ce calendrier. Lundi 30 juin, la proposition de loi est rejetée sans débat à l'Assemblée nationale, signe de sa piètre qualité. Mardi 1er juillet après-midi, nous apprenons que le texte sera examiné en commission au Sénat le jeudi 3 juillet au matin. L'échéance pour le dépôt d'amendement est fixée au mercredi 2 juillet, à 18 heures. Mercredi 2 juillet, la conférence des présidents confirme la dérogation au délai de deux semaines prévu entre l'examen en commission et celui en séance, s'appuyant sur le premier alinéa de l'article 17 bis de notre règlement. Cette décision survient après l'expiration du délai de dépôt des amendements de commission.
M. Lafon a usé de ses prérogatives pour déroger aux deux jours ouvrés entre l'expiration du délai de dépôt d'amendement et la réunion de la commission de la culture, sans quoi les sénateurs n'auraient pas pu amender le texte en commission. Avouez que nous marchons sur la tête !
Dans sa décision n° 2015-712, le Conseil constitutionnel a pourtant considéré « que la faculté reconnue au président de la commission saisie au fond de fixer un autre délai pour le dépôt des amendements doit permettre de garantir le caractère effectif de l'exercice du droit d'amendement […] ; qu'il appartiendra au président de la commission de concilier cette exigence avec les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire. »
Pourquoi massacrer ainsi notre droit d'amendement et la sincérité du débat ? En l'occurrence, le problème est que le président de la commission, M. Lafon, est juge et partie : cette proposition de loi, qui végète depuis 2023, est la sienne. Il fut un temps où le Sénat s'enorgueillissait de sa capacité à bien faire la loi, à trouver des compromis et à respecter les droits de l'opposition.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C'était avant…
M. Roger Karoutchi. Avant que vous ne soyez là !
M. Guillaume Gontard. Ce temps est révolu. Depuis juin 2022 et l'absence de majorité absolue à l'Assemblée nationale, la majorité sénatoriale règne sans partage dans le but d'instaurer un rapport de force permanent entre les droites, encore aggravé par l'entrée des Républicains au Gouvernement.
Aux macronistes l'Assemblée, aux Républicains le Sénat et aux autres le spectacle d'un socle qui n'a rien de commun et d'un gouvernement qui a tout d'un poulet sans tête !
Le débat n'existe plus entre nous. La majorité sénatoriale court après l'extrême droite, tolère à peine la discussion et laisse ses rapporteurs constituer sous nos yeux un musée des horreurs : lois climaticides, de casse sociale, islamophobes et de répression des libertés publiques, au mépris assumé de la Constitution.
Dans le cas présent, haro sur le service public de l'audiovisuel ! La dérive a débuté dès l'arrivée d'Emmanuel Macron à la présidence de la République. En 2017, après un documentaire sur le financement de sa campagne, l'intéressé qualifiait l'audiovisuel public de « honte » de la République. Depuis, les scandales et soupçons de corruption et de conflit d'intérêts ont émaillé tous les gouvernements, jusqu'à la ministre sur le banc aujourd'hui. Même la gestion de notre assemblée est loin d'être irréprochable. Avec autant d'affaires, le journalisme d'investigation vous dérange…
Ainsi s'enchaînent les pressions des droites contre la présidente de France Télévisions, les saisines sans fondement de l'Arcom, les procès bâillons, les attaques sur les plateaux contre des journalistes ou les demandes d'éviction des présentateurs du journal de 20 heures lorsqu'ils ne sont pas assez révérencieux. Voilà en réalité le fondement de votre socle commun : la détestation de la presse libre et indépendante.
Je dois concéder que la méthode est bien rodée. Une première étape a été franchie en 2022 avec la fin de la redevance audiovisuelle, remplacée par l'allocation d'une fraction de la TVA. Cet impôt forfaitaire était inégalitaire, mais le remplacer par une taxe non progressive n'est pas un progrès. Surtout, ce changement de financement met l'audiovisuel public à la merci du Parlement et du Gouvernement.
À ce titre, le financement a baissé de 776 millions d'euros depuis 2017. Madame la ministre, vous citez la BBC comme source d'inspiration, mais sachez qu'elle dispose d'un budget deux fois plus élevé !
Ces contraintes budgétaires empêchent les journalistes de faire correctement leur travail. Entre 2012 et aujourd'hui, le nombre d'équivalents temps plein (ETP) est passé à France Télévisions de 10 500 à 8 800, soit autant de journalistes, de techniciens, de monteurs et de mixeurs en moins. Les formats les plus chers sont les premiers touchés.
D'abord, il en a été ainsi de la couverture locale. La fusion de France 3 et de France Bleu a abouti à constituer une entité à l'identité incohérente, à manquer de matériel et à supprimer 50 % des journaux locaux dans les matinales. Vous assurez vouloir reconquérir l'audience populaire, mais vous sacrifiez l'actualité de proximité dont cette audience est friande. Les journalistes, pour leur part, ont des zones toujours plus grandes à couvrir avec moins de postes. Ils restent pendant des années dans le « précariat » concernant leur planning ou leur statut de pigiste. Comment fournir une information de qualité dans ces conditions ?
Ensuite, les contraintes budgétaires ont frappé la couverture internationale. Alors que l'actualité géopolitique nécessite un solide réseau de correspondants, celui-ci est réduit à peau de chagrin. France Télévisions compte quatre fois moins de bureaux à l'étranger que la BBC, son bureau Afrique a même été supprimé en 2016. Mes chers collègues, vous qui vous alarmez des sentiments antifrançais, ne démembrez pas France Médias Monde : excluez cette structure de la holding !
Enfin, la grande victime de votre saignée sera l'investigation. Vérifier ses sources, mener des recherches, protéger des témoins : par nature, cette activité suppose des moyens importants. Sans la cellule investigation de Radio France, aurions-nous eu connaissance des scandales des eaux de Nestlé, des Uber Files et des Pandora Papers, parmi tant d'autres ?
Le risque de disparition de l'investigation dans l'audiovisuel public est réel. Des émissions comme Cash Investigation ou Complément d'enquête sont réalisées par des entreprises externes, qui doivent passer par un guichet unique pour proposer des documentaires d'investigation à France Télévisions, groupe qui, depuis le rachat de Canal+ par Vincent Bolloré, a un monopole sur ce créneau. Aussi, pour obtenir des contrats, les réalisateurs excluent certains sujets ou certaines informations. En 2022, lors d'une audition de la commission d'enquête du Sénat sur la concentration des médias en France, un syndicat d'auteurs-réalisateurs de documentaires affirmait que 60 % de ces professionnels s'autocensuraient.
La muselière financière que vous mettez sur la bouche des journalistes fait taire les voix les plus critiques. Comme le disait Thomas Sankara à la tribune de l'ONU en 1984, « je crie au nom des journalistes qui sont réduits soit au silence, soit au mensonge, pour ne pas subir les dures lois du chômage. »
Cette pression financière ne vous suffit pas. Votre texte mettra encore davantage les médias publics sous tutelle politique en les réunissant dans une holding dirigée par un PDG unique, au nom, bien sûr, de l'efficacité et des économies. Pourtant, d'après les estimations, les besoins immobiliers, la convergence des moyens d'information et l'alignement des rémunérations induits par la holding coûteront au moins 150 millions d'euros.
Votre véritable motivation est donc le contrôle politique de l'information. D'ores et déjà, la censure se renforce. Mme Lapix vient d'être remerciée, ses questions étant jugées trop dérangeantes. L'an dernier, avant les élections européennes, le directeur de l'information de France Télévisions a demandé aux magazines d'investigation du groupe un moratoire sur les portraits de responsables politiques. Entraver l'information des citoyens en pleine période électorale, il fallait oser !
Avec cette proposition de loi, vous voulez planter le dernier clou dans le cercueil de l'indépendance des médias publics. Nous imaginons sans peine l'avenir de nos chaînes si vous y parvenez : des interviews complaisantes avec le pouvoir, des plateaux réunissant quelques « toutologues » naviguant en taxi entre les studios de l'Ouest parisien sans connaître le reste du pays et des émissions de divertissement abrutissantes, soit, en somme, le modèle des chaînes privées, où les milliardaires contrôlent toujours plus étroitement l'information.
Madame la ministre, nous ne vous laisserons pas faire. Depuis la révolution de 1789, la liberté d'expression est une valeur fondamentale de notre République, affirmée dans l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. À ce titre, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 84-181, a élevé le pluralisme de la presse au rang d'objectif de valeur constitutionnelle : « l'objectif à réaliser est que les lecteurs qui sont au nombre des destinataires essentiels de la liberté proclamée par l'article 11 de la Déclaration de 1789 soient à même d'exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions ni qu'on puisse en faire l'objet d'un marché ».
Notre cap est celui-ci : puisque nous aimons l'audiovisuel public, nous ferons tout pour envoyer votre réforme dans les poubelles de l'histoire ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
M. le président. Y a-t-il un orateur contre la motion ?…
Quel est l'avis de la commission ?
M. Cédric Vial, rapporteur. Je m'estime heureux de savoir déjà que le débat porte sur l'audiovisuel public, car, à écouter le tableau que vous avez décrit, monsieur Gontard, j'ai eu l'impression d'entendre une fiction !
Mme Audrey Linkenheld. Même pas !
M. Cédric Vial, rapporteur. Premièrement, vous évoquiez la difficulté à déposer des amendements. Pourtant, 380 l'ont été, contre une centaine lors de l'examen du texte en première lecture dans cet hémicycle, alors même que la rédaction actuelle, rejetée par l'Assemblée nationale, n'est pas une surprise : il s'agit du texte du Sénat que nous avons adopté voilà deux ans.
Mme Cécile Cukierman. Il y a eu des élections depuis !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. La commission a amendé le texte entre-temps ! Il ne faut pas mentir !
M. Cédric Vial, rapporteur. Deuxièmement, vous parliez de la proposition de loi organique comme si elle mettait le financement de l'audiovisuel public à la main du politique. C'est l'inverse ! Même si le Parlement vote les abondements lors de l'examen du projet de loi de finances comme pour toute autre politique publique, ce texte garantit que les variations infra-annuelles sont précisément mises à l'écart du politique. Comme vous avez pu le constater, des crédits ont été gelés cette année, mais le financement de l'audiovisuel public n'a pas changé d'un euro, pour la première fois depuis la suppression de la redevance.
Troisièmement, vous parliez de la gêne qu'aurait pu occasionner la fusion de France 3 et de France Bleu, mais celle-ci n'a pas encore eu lieu ! Vous dénoncez donc la situation actuelle et, par cette réforme, nous souhaitons justement accorder de nouveaux moyens et décider d'une nouvelle stratégie pour ces antennes. (Mme Sylvie Robert s'exclame.) Garantir la proximité des services est notamment un enjeu.
J'y insiste : vous critiquez ce qu'il se passe actuellement dans les rédactions de France Télévisions, ou plutôt ce que vous jugez qu'il s'y passe, et non pas ce qui adviendra à la suite de l'adoption de cette réforme. Pour renoncer à un changement, vous prenez pour argument des dysfonctionnements que vous jugez néfastes. À tout le moins, votre propos ne m'a pas semblé convaincant.
Après l'adoption de cette réforme, des membres de l'Arcom seront nommés de manière indépendante au sein des conseils d'administration. L'un d'entre eux aura la responsabilité de veiller à l'impartialité de l'information – l'Arcom s'en charge déjà – et un autre aux règles d'éthique et de déontologie dans la définition des programmes. Cette mesure répond donc en partie aux dysfonctionnements que vous dénoncez.
L'avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission de la culture, l'autre, du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 354 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 99 |
Contre | 241 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mmes S. Robert et Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros et Ziane, Mme Rossignol, M. Chaillou, Mmes de La Gontrie et Féret, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Roiron, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, d'une motion n° 2.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44 alinéa 3 du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (n° 825, 2024-2025).
La parole est à Mme Colombe Brossel, pour la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Colombe Brossel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au début de l'été, en toute fin de session extraordinaire, notre assemblée est appelée à débattre en deuxième lecture de la proposition de loi, rejetée par l'Assemblée nationale, relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle.
À la suite de l'adoption d'une motion de rejet par l'Assemblée nationale, voilà que l'avenir des six entités constituant le service public de l'audiovisuel français est entre les mains du Sénat, par votre seule volonté, madame la ministre.
En effet, vous êtes parvenue à imposer votre calendrier personnel. Dès lors, l'avenir de France Télévisions, de Radio France, de France Médias Monde et de l'INA se joue au mépris du respect élémentaire dû au Parlement, alors même que la jeune sénatrice que je suis a pu constater que la rigueur et le sérieux avec lesquels notre chambre travaille constituent, en temps normal, l'une de nos marques de fabrique plus qu'appréciée.
Sur la forme, la réalité est là : par caprice et pour votre bon plaisir, vous avez décidé de tout faire voler en éclats. Nous faisons face à une situation au-delà du raisonnable, les délais raccourcis ne nous permettant pas d'envisager un examen serein. Que dire du fait de ne pas passer par un projet de loi, ce qui nous prive d'étude d'impact ? Cette situation pose de vraies questions en matière d'élaboration de la loi et de respect du Parlement.
Sur le fond, la proposition de loi soumise à notre examen a été adoptée par le Sénat il y a deux ans. À l'époque – je parle sous le contrôle de Sylvie Robert, en ayant une pensée affectueuse pour notre ancien collègue David Assouline –, la proposition de loi visait avant tout à faciliter les coordinations entre les différentes entités de l'audiovisuel public. En effet, le texte avait pour objet de renforcer, au travers de la création d'une holding non exécutive, les synergies et de permettre des rapprochements tout en limitant les dépenses dans la situation budgétaire déjà complexe que chacun avait en tête.
Mes chers collègues, pourquoi les sénatrices et sénateurs socialistes font-ils le choix, en responsabilité, de poser la question préalable en ouverture de nos débats ?
M. Roger Karoutchi. Parce que c'est ainsi !
Mme Colombe Brossel. La raison est simple : comme nous l'avons indiqué en commission la semaine dernière, ce texte, n'en déplaise à nos collègues de la droite sénatoriale, a profondément changé de nature.
Mme Sylvie Robert. Absolument !
Mme Colombe Brossel. De coordinations en rapprochements, il nous est proposé, à la suite des débats qui ont commencé à l'Assemblée nationale il y a de cela un an, d'approuver ni plus ni moins qu'une fusion de quatre des six entités de l'audiovisuel public.
La gouvernance du patrimoine commun que représente l'audiovisuel public, auquel les Français demeurent profondément attachés, se trouve radicalement transformée. De fait, la création d'une holding exécutive, avec à sa tête une main unique et toute-puissante, entraînera le découpage des différentes entités.
En les recevant il y a quelques semaines, vous disiez, madame la ministre, trouver inspirantes les conclusions du rapport de l'ancienne directrice de France Inter, Laurence Bloch. Une fois de plus, preuve est faite que nous n'avons pas, ici comme ailleurs, les mêmes sources d'inspiration…
Reprenons dans l'ordre et tentons d'analyser les conséquences du chamboule-tout que vous voulez imposer.
Premièrement, une holding serait créée. Elle permettrait d'imprimer une vision stratégique tout en veillant à la complémentarité des offres. Pour qui regarde la télévision ou écoute la radio, il semble pourtant que tout, actuellement, garantit la complémentarité.
Par ailleurs, des incertitudes – le mot est faible – demeurent quant au périmètre de la future structure. Le sort de France Médias Monde est en suspens. La majorité sénatoriale est attachée à son entrée dans la holding, mais on peine à savoir si cette volonté est attachée à une holding de coopération ou à la nouvelle holding exécutive.
En outre, personne ne parvient à comprendre ce que vient faire l'Institut national de l'audiovisuel dans cette galère. Où est la cohérence s'agissant d'un établissement public à caractère industriel et commercial qui n'a pas les mêmes missions que les autres entités ? Ses salariés sont chargés d'œuvrer à la conservation du patrimoine audiovisuel et à la mise en valeur de celui-ci.
La réforme envisagée aurait pour but de renforcer l'audiovisuel public. Voilà un objectif étonnant : y a-t-il plus puissant que l'audiovisuel français ? Pour la bonne information des plus éloignés de nos débats, je livrerai quelques chiffres. France Télévisions et Radio France sont respectivement le premier groupe de télévision gratuite et le premier groupe de radio français, avec une part d'audience respective de 29,3 % et 29,8 % en 2023. À l'échelle internationale, Radio France Internationale (RFI) et France 24 représentent de vrais porte-voix de la puissance du réseau audiovisuel, notamment en Afrique. En matière de radio, la dernière vague d'audience rendue publique par Médiamétrie pour la période avril-juin 2025 confirme la place privilégiée de France Inter avec plus de 7 millions d'auditeurs par jour, pour la quatrième année consécutive. Ne cherchez plus, le compte y est !
A contrario, on nous parle de synergie et de complémentarité, mais – je reviens sur ce point, monsieur le rapporteur – le rapprochement depuis 2018 d'ICI, anciennement France Bleu, avec France 3 ne brille pas de mille feux !
M. Laurent Lafon, président de la commission. Nous sommes d'accord !
Mme Colombe Brossel. Deuxièmement, des synergies seraient recherchées. Battons en brèche une idée reçue : les coopérations existent déjà. C'est le cas pour les achats de contenus, mais aussi en matière de création éditoriale. En la matière, je pense à l'offre éducative de France Télévisions, Lumni. À celles et à ceux qui se demandent pourquoi utiliser plusieurs micros, nous répondons que deux ou trois valent mieux qu'un.
En effet, la diversité du paysage actuel garantit celle du traitement de l'information : les choix éditoriaux ne sont pas les mêmes entre France 2 et les antennes d'ICI. Nous avons pu nous en rendre compte à de nombreuses reprises, notamment lors de la couverture du procès des viols de Mazan. La complémentarité des points de vue et des travaux journalistiques était une véritable avancée démocratique.
L'offre est bien complémentaire : arrêtons d'évoquer des regroupements à tout-va. Il ne viendrait à l'idée de personne de regrouper Air France et la SNCF au motif que, dans les deux cas, il s'agit de transport…
La gouvernance est le troisième et dernier point que je souhaite évoquer. Ainsi donc, la concentration du pouvoir exécutif dans les mains d'une seule et unique personne serait le gage d'une plus grande « efficacité », sans que l'on ait la moindre idée du rôle qui sera celui des futurs directeurs généraux. De surcroît, dans le nouveau paysage, les salariés, qui sont pourtant plus de 16 000, ne seront plus représentés que par deux collègues au sein du conseil d'administration : drôle d'idée de la représentativité, quand on sait par ailleurs que les sujets ne manqueront pas dans un contexte de polyvalence accrue pour les personnels et de dégradation des conditions de travail par une harmonisation moins-disante…
Au bout du compte, ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : tant sur le fond que sur la forme, c'est une réforme à marche forcée que l'on tente de nous imposer. Et nous résisterons, car ce qui se joue là est essentiel : il s'agit de lutter contre la remise en cause, que nous ne pouvons accepter, de l'intégrité et de l'autonomie des différentes maisons de l'audiovisuel public.
Les sénatrices et sénateurs socialistes refusent ce qui n'est autre qu'une mise au pas de l'audiovisuel public. Notre groupe refuse d'ouvrir cette fenêtre qui, demain, permettrait de faire advenir les conditions d'une future privatisation. Nous sommes déterminés à tout mettre en œuvre pour garantir les principes démocratiques de l'audiovisuel face à d'éventuelles évolutions politiques à venir.
Assurément, nous ne souhaitons pas qu'en France, comme c'est déjà le cas de l'autre côté des Alpes, il soit demain possible de supprimer toute limitation du temps de parole du Gouvernement dans les débats électoraux, et que les messages gouvernementaux puissent être diffusés sans médiation journalistique. Le modèle de Mme Meloni n'est définitivement pas le nôtre.
Notre modèle, c'est celui dans lequel 66 % des Français interrogés déclarent faire confiance aux médias publics.
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
Mme Colombe Brossel. Alors que les fausses informations pullulent, cette confiance est nécessaire. Elle est rendue possible par le professionnalisme et la capacité d'innovation des journalistes. Ils sont des piliers au service d'une information de qualité, sourcée, riche de la confrontation des idées, émergeant depuis un écosystème capable de garantir le respect du pluralisme. Voilà ce qui permet de créer un lien de confiance.
Or force est de constater que les fondements de l'audiovisuel public comme service public de confiance, diffuseur d'information, de divertissement et de création, à l'unisson des aspirations de la société, sont plus que jamais menacés.
Au moment de conclure mon propos, je ne peux m'empêcher de penser au long film – pour le coup, un mauvais film – du parcours parlementaire de cette proposition de loi. Celui-ci suscite en moi un réel sentiment d'incompréhension. Madame la ministre, cinq de vos prédécesseurs, s'exprimant de façon pour le moins inhabituelle, ont dit leur refus de ce débat, le qualifiant qui d'« inopérant », qui de « [perte de] temps ». Et, d'un même mouvement – là encore, c'est loin d'être toujours le cas –, toutes les organisations syndicales pointent un contresens historique. On a rarement raison seul, même lorsque l'on est ministre…
Pourquoi tant de haine et de défiance de la part du Gouvernement ? Répondre à cette question, c'est donner un motif suffisant et impérieux de voter avec nous cette motion de procédure. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. Y a-t-il un orateur contre la motion ?…
Quel est l'avis de la commission ?
M. Cédric Vial, rapporteur. Sans surprise, l'avis de la commission est défavorable. (Oh ! sur les travées du groupe SER.)
Je vais donner quelques éléments de réponse.
Vous avez parlé de la force du service public en France par rapport à ce que l'on observe ailleurs en Europe. Je vous rappelle que dix-neuf pays européens sur vingt-sept ont organisé une concentration et un rapprochement des médias radiophoniques et télévisuels.
M. Max Brisson. Eh oui !
M. Cédric Vial, rapporteur. Seuls huit pays ont conservé une organisation telle que celle qui prévaut dans notre pays : la France, donc, l'Allemagne, la Bulgarie, la Lettonie, la République tchèque, la Roumanie et la Suède. Telle est la réalité européenne aujourd'hui.
Par ailleurs, madame Brossel, vous avez parlé de fusion ; mais, justement, il n'est pas question de fusion : nous créons une holding. J'y insiste : la logique de cette réforme n'est pas une logique de fusion ; vous faites donc une petite erreur d'interprétation de la lettre de ce texte. (Mmes Colombe Brossel et Sylvie Robert protestent.)
Je veux aussi revenir en deux mots sur ce que vous avez dit au sujet de l'INA. Vous semblez ne pas comprendre ce que vient faire l'INA dans le regroupement ; or son intégration est une chance pour cet organisme. Au-delà des missions d'archivage et de dépôt légal qu'il exerce pour l'ensemble du secteur audiovisuel, public comme privé, l'INA est aussi le principal organisme de formation pour tous les métiers de l'audiovisuel. C'est une occasion unique pour l'INA, du point de vue de ses missions de formation comme d'archivage et d'éditorialisation, que de pouvoir intégrer un groupe comme celui-ci – je le dis en tant qu'administrateur de cet organisme.
Vous avez dénoncé le manque d'efficacité du rapprochement entre France 3 et France Bleu, mais nous sommes bien d'accord avec vous, ma chère collègue : c'est précisément l'une des raisons de cette réforme. On a testé ce que l'on appelle les « coopérations par le bas », en demandant à deux chaînes dotées chacune de leur propre organisme de pilotage de se mettre d'accord pour créer une organisation nouvelle : cela ne fonctionne pas – au pire, par leurs stratégies respectives, l'une et l'autre se tournent le dos ; au mieux, les arbitrages sont longs, voire inexistants. C'est justement parce que l'on constate que la méthode que vous préconisez ne fonctionne pas qu'il convient de franchir une étape supplémentaire, afin de construire un vrai média de proximité. Chacun doit le comprendre, à plus forte raison ici, dans la chambre des territoires.
Un dernier mot : vous vous êtes glorifiée des résultats en part de marché de l'audiovisuel public. Vous n'avez pas complètement tort, je l'ai dit dans mon intervention liminaire : certains résultats, exprimés en part de marché, sont intéressants. Mais parlons en valeur absolue : aujourd'hui, moins de 27 % des jeunes regardent la télévision au moins une fois par jour ; les audiences décrochent sur toutes les chaînes linéaires et à la radio.
Mme Audrey Linkenheld. Ça n'a rien à voir !
M. Cédric Vial, rapporteur. Il faut donc qu'une stratégie soit construite pour aller chercher ces usagers là où ils sont, c'est-à-dire sur le numérique. (Exclamations sur des travées des groupes SER et CRCE-K.) En d'autres termes, il faut une stratégie numérique forte. Or l'organisation actuelle de l'audiovisuel public ne le permet pas.
Mme Sylvie Robert. C'est une blague !
M. Cédric Vial, rapporteur. Je confirme l'avis défavorable de la commission sur cette motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, ministre. Défavorable.
Mme Laurence Rossignol. Aucune explication ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission. Je dirai quelques mots en réponse à certains des points qui ont été abordés, mais nous aurons l'occasion d'y revenir tout au long de cette journée et de celle de demain – peut-être aussi de samedi, de dimanche ou des jours suivants.
Mme Sylvie Robert. Y compris lundi !
M. Roger Karoutchi. Plutôt mardi…
M. Laurent Lafon, président de la commission. Concernant le temps qui a été dévolu à l'analyse de ce texte, je veux rappeler que la réflexion sur la création d'une holding n'est pas un sujet nouveau, en particulier pour le Sénat et en particulier pour la commission de la culture. Je veux rappeler également– c'est une façon de leur rendre hommage – que les premiers à avoir évoqué l'idée d'une holding furent Jean-Pierre Leleux et André Gattolin. Je précise qu'André Gattolin, lorsqu'il fait cette proposition, en 2015, est encore membre du groupe écologiste…
Mme Cécile Cukierman. On sait où il est allé après !…
M. Laurent Lafon, président de la commission. En un sens, l'idée de la holding vient donc aussi de la gauche : c'est bien, mes chers collègues, vous avez eu sur ce sujet un moment de lucidité.
J'ai relu – c'est intéressant, je vous invite à le faire – les motifs exposés à l'époque par André Gattolin et Jean-Pierre Leleux pour proposer cette holding. On pourrait reprendre mot pour mot les éléments de leur analyse, qui consonne avec celle que vient de livrer Cédric Vial, notre rapporteur. De quelle réalité, encore plus criante aujourd'hui, prenaient-ils acte en 2015 ? Une révolution technologique, constataient-ils, touche de plein fouet les médias : l'apparition d'internet, des réseaux sociaux et, depuis 2015, des plateformes. Conséquence : les médias traditionnels tels que nous les connaissons – le linéaire – perdent chaque année un public toujours plus nombreux. Le diagnostic est connu, notamment pour ce qui est des jeunes.
Chacun a pu prendre connaissance des chiffres publiés cette semaine par Médiamétrie dans le cadre de son enquête sur les audiences de la radio : 550 000 auditeurs quotidiens de moins en l'espace d'une année, 2,5 millions de moins en l'espace de cinq ans, 5,6 millions de moins en l'espace de dix ans ! C'est un phénomène structurel : chaque année, la radio « classique » perd 15 % de ses auditeurs.
M. Thomas Dossus. Et les podcasts ?
M. Laurent Lafon, président de la commission. Et je pourrais donner des chiffres exactement analogues sur la télévision.
Il faut donc s'adapter. C'est là tout l'enjeu – il n'y en a pas d'autres – de cette réforme : s'adapter pour mieux défendre notre audiovisuel public, le mettre en position de toucher tous les publics et de concurrencer des acteurs dont aucun des orateurs qui sont intervenus jusqu'à présent n'a parlé.
Il existe en effet, dans le champ médiatique, une concurrence exacerbée, qui n'est pas une concurrence franco-française. Ce n'est plus la concurrence que nous connaissions il y a dix ans : c'est la concurrence des plateformes américaines, de Facebook, de Google. Si l'audiovisuel public veut peser face à ces nouveaux acteurs et s'il veut avoir les moyens de résister, le regroupement est indispensable. C'est tout le sens de la réforme que nous vous proposons. (M. Claude Kern applaudit.)
Mme Annick Billon. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.
M. Yannick Jadot. Aujourd'hui, vous le savez, mes chers collègues, toutes nos démocraties sont menacées : toutes nos démocraties sont menacées d'illibéralisme et de tendances autocratiques. Or, à chaque fois qu'un pouvoir veut organiser cette dérive illibérale, il s'attaque aux médias.
Il s'attaque aux médias de deux manières.
Première méthode : organiser une hégémonie des médias qui défendent non pas la liberté d'expression, mais le droit à la propagande – exemplairement, en France, le groupe Bolloré.
M. Roger Karoutchi. Oh là là…
M. Yannick Jadot. Le groupe Bolloré, depuis des semaines, depuis des mois, attaque systématiquement le service public de l'audiovisuel ; et il le fait, malheureusement, avec votre concours, madame la ministre.
Vous avez dénoncé la fermeture de C8, et l'on sait pourtant les propos qui étaient tenus sur cette chaîne. Il y a quelques semaines, accordant une interview au JDNews, qui est clairement un journal d'extrême droite, vous avez expliqué votre réforme, mais vous n'avez pas eu un mot – pas un ! – de défense du service public. Ce que défend le groupe Bolloré, c'est le droit à la parole raciste, c'est le droit à la parole homophobe, c'est le droit à la parole climatosceptique !
Et que font les pouvoirs, à chaque fois, dans ce genre de cas ? Ils cherchent à reprendre en main le service public, à le piloter politiquement. Autrement dit, on laisse la porte grande ouverte à la propagande et l'on réduit le service public, sa capacité d'investigation, sa capacité d'enquête et sa liberté d'expression, donc le droit à l'information.
C'est pourquoi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera cette motion de rejet. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
Demande de vérification du quorum
M. le président. Mes chers collègues, en application de l'article 51 du règlement, je suis saisi d'une demande écrite de vérification du quorum
En application de l'article 51, alinéa 3, du règlement du Sénat, la constatation du nombre des présents est effectuée sur la demande écrite de trente sénateurs dont la présence doit être constatée par appel nominal.
Il va donc être procédé à l'appel nominal des signataires de la demande de vérification du quorum.
Huissiers, veuillez effectuer cet appel.
(L'appel nominal a lieu. – Ont signé cette demande et répondu à l'appel de leur nom : Mme Colombe Brossel, M. Yan Chantrel, Mme Sylvie Robert, M. Jean-Marc Vayssouze-Faure, Mme Annie Le Houerou, Mme Corinne Féret, Mme Émilienne Poumirol, M. David Ros, M. Lucien Stanzione, M. Rémi Cardon, M. Guillaume Gontard, M. Ronan Dantec, Mme Raymonde Poncet Monge, Mme Monique de Marco, M. Thomas Dossus, Mme Ghislaine Senée, M. Yannick Jadot, M. Christian Redon-Sarrazy, Mme Laurence Rossignol, Mme Cécile Cukierman, Mme Cathy Apourceau-Poly, Mme Evelyne Corbière Naminzo, Mme Michelle Gréaume, M. Éric Kerrouche, M. Pierre Ouzoulias, M. Thierry Cozic, M. Rémi Féraud, Mme Karine Daniel, M. Christophe Chaillou, Mme Corinne Narassiguin, Mme Audrey Linkenheld, Mme Marie-Pierre de La Gontrie et Mme Viviane Artigalas.)
M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, la présence d'au moins trente signataires ayant été constatée, il peut être procédé à la vérification du quorum.
Vérification du quorum
M. le président. Je vais procéder à la vérification du quorum.
(La vérification du quorum a lieu.)
M. le président. Mes chers collègues, je constate que la majorité absolue des sénateurs n'est pas présente.
Cette constatation étant faite, je déclare que le Sénat n'est pas en nombre pour procéder au vote.
Aux termes de l'article 51, alinéa 3, de notre règlement, le vote ne peut avoir lieu moins d'une heure après la constatation de l'absence de quorum.
Je vais donc suspendre la séance pour une heure. Elle sera reprise à seize heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures trente,
est reprise à seize heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
Question préalable (suite)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 2, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission, l'autre, du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 355 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l'adoption | 99 |
Contre | 242 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour un rappel au règlement.
M. Éric Kerrouche. L'article 51, alinéa 3, du règlement, que nous venons d'utiliser, permet une vérification du quorum sur la demande écrite de trente sénateurs dont la présence est dûment constatée. Néanmoins, à l'alinéa 4 du même article, les modalités d'utilisation de cette procédure dans le temps ne sont pas spécifiées.
Or il semble que lesdites modalités découlent d'une décision du bureau datant de 2006, inscrite dans un guide intitulé « La procédure législative », qui spécifie le nombre de demandes de vérification du quorum qui peuvent être présentées par jour de séance.
Nous faisons simplement remarquer que, si le règlement du Sénat fait l'objet d'une validation collective perpétuelle, il n'en va pas de même pour ce document relatif à la procédure législative. Quant à la décision du bureau de 2006, elle est si ancienne que nombre d'entre nous n'ont pu l'entériner, le bureau n'ayant d'ailleurs plus rien à voir avec ce qu'il était à l'époque.
Par conséquent, la limitation à une seule demande de vérification du quorum par jour de séance pose problème. Nous demandons que ce point puisse être explicité et éclairci, car il fait partie des conditions du débat. Nous ne pouvons pas complètement exploiter le règlement, dans la mesure où, encore une fois, celui-ci n'a pas été mis à jour eu égard aux éléments que je viens d'exposer.
Mme Laurence Rossignol. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour un rappel au règlement.
M. Roger Karoutchi. Ayant eu le bonheur, avec un collègue socialiste devenu ensuite sénateur En Marche, d'élaborer la réforme du règlement de 2015 sur laquelle nous « vivons » toujours, je me permets d'intervenir, toutes arguties mises à part. L'article 51, alinéa 4, du règlement, auquel fait allusion notre collègue, dispose clairement qu'une fois constatée l'absence de quorum il y a une heure de suspension, après quoi l'on peut voter. Par conséquent, le vote n'est pas en débat.
Deuxième élément, tout aussi clair : depuis toujours, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, la possibilité de demander la vérification du quorum est limitée à une fois par journée de séance.
M. Guillaume Gontard et Mme Raymonde Poncet Monge. C'est un usage !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n'est écrit nulle part !
M. Roger Karoutchi. Mes chers collègues, vous pouvez demander que le règlement soit modifié ou précisé, mais vous ne pouvez pas inventer une règle qui n'existe pas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – Mme Laure Darcos applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour un rappel au règlement.
Mme Laurence Rossignol. Mon rappel au règlement se fonde lui aussi sur l'article 51 du règlement, et en particulier sur l'alinéa 4 dudit article.
Cet alinéa précise que le vote qui n'a pu avoir lieu faute de quorum peut avoir lieu une heure après la vérification, mais il ne dit rien des votes suivants.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme Laurence Rossignol. Notre collègue Roger Karoutchi a fait un véritable effort de pédagogie ; si j'ai bien compris ce qu'il nous explique, la règle dont nous sommes en train de débattre s'applique en vertu d'une forme de droit coutumier :…
Mme Raymonde Poncet Monge. C'est l'usage, rien de plus…
Mme Laurence Rossignol. … on a l'habitude de procéder de cette manière à l'Assemblée nationale et au Sénat.
En ce qui nous concerne, nous, parlementaires, nous avons beaucoup de respect pour le droit coutumier, mais nous sommes attachés à des règles plus formelles. Nous cherchons donc dans le règlement du Sénat, tel qu'il est rédigé, sur quelle base légale se fonde votre référence à une limite d'une seule vérification du quorum par journée.
M. Roger Karoutchi. C'est la règle ! Cela s'appelle le droit parlementaire.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n'est écrit nulle part !
M. le président. Mes chers collègues, acte est donné de vos rappels au règlement.
En ce qui me concerne, en tant que président de séance, j'applique une tradition constante du Sénat (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.)…
Mes chers collègues, puis-je terminer ma phrase ? Le sujet est suffisamment important pour que nous nous écoutions les uns les autres.
M. Thomas Dossus. Ça commence mal !
M. le président. J'aimerais finir ma phrase, s'il vous plaît, monsieur Dossus !
J'applique une tradition constante du Sénat, disais-je, consacrée par la décision du bureau du 24 février 2006 : le quorum ne peut être demandé plus d'une fois par jour sur un même texte ; point.
Pour le reste, j'invite nos collègues qui souhaitent demander des modifications du règlement à le faire par l'intermédiaire de leurs représentants au sein des instances de gouvernance du Sénat, en particulier du bureau. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Laurent Lafon, président de la commission. C'est très clair !
M. le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi en commission.
Demande de renvoi en commission
M. le président. Je suis saisi, par M. Bacchi, Mme Corbière Naminzo, M. Ouzoulias et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, d'une motion n° 7.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission la proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (n° 825, 2024-2025).
La parole est à Mme Cécile Cukierman. (MM. Pierre Ouzoulias et Yan Chantrel applaudissent.)
Mme Cécile Cukierman. Je tiens en tout premier lieu à excuser l'absence de mon collègue Jérémy Bacchi, qui aurait dû, au nom de mon groupe, défendre cette motion de renvoi en commission.
Nous sommes aujourd'hui appelés à débattre d'un texte dont les conséquences, fût-il adopté, seraient majeures pour notre démocratie : la réforme de l'audiovisuel public. Cette réforme revient au Sénat en deuxième lecture après l'adoption d'une motion de rejet à l'Assemblée nationale. Voilà qui aurait dû vous amener à écouter le signal d'alarme envoyé par la représentation nationale et à faire en sorte que le débat soit digne de l'enjeu.
Or ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale n'a entraîné qu'un entêtement, voire un acharnement de votre part : le Gouvernement a imposé l'inscription en urgence du texte à l'ordre du jour de notre assemblée. Puis, avec la complicité de la majorité sénatoriale, un délai de moins de vingt-quatre heures a été fixé pour le dépôt des amendements en commission et quelques jours seulement de débats en séance ont été prévus, sur un texte qui bouleverse à la fois le financement, la gouvernance et l'identité même du service public de l'information.
Monsieur le rapporteur, comme je vous l'ai dit en vous apostrophant tout à l'heure, six des dix-huit membres de mon groupe, soit un tiers, n'étaient pas élus en 2023, quand la première lecture de cette proposition de loi a eu lieu au Sénat.
Cette brutalisation du Parlement est absolument inacceptable. Nous demandons donc le renvoi de ce texte en commission, pour des raisons qui tiennent à la fois au fond et à la méthode.
Concernant la méthode, nous souhaitons souligner qu'il n'est pas possible de légiférer sereinement sur un texte aussi dense dans des délais aussi restreints, y compris pour les raisons que je viens d'évoquer. Procéder par l'ajout insidieux d'amendements sur une proposition de loi vous permet, madame la ministre, de ne réaliser aucune étude d'impact. Cela ne nous semble ni rigoureux ni respectueux du Parlement. La réforme de l'audiovisuel mérite mieux qu'un passage en force.
Pourquoi tant de précipitation ? Pourquoi une telle brutalisation du Parlement ? Vous présentez cette réforme comme une rationalisation visant à « rendre l'audiovisuel public plus fort » ; mais c'est pour mieux masquer l'outil de mise au pas qu'elle représente pour l'audiovisuel public.
En réalité, vous souhaitez faire taire un contre-pouvoir dont vous-même avez fait les frais à la suite de l'enquête menée dans le cadre de l'émission Complément d'enquête, diffusée sur France 2, vous accusant d'avoir perçu 299 000 euros de GDF-Suez quand vous étiez eurodéputée. Si l'on met de côté cette rancœur personnelle, vous n'êtes que le porte-voix d'une large offensive politique contre l'audiovisuel public, engagée il y a de cela des années.
C'est d'ailleurs la raison même de votre nomination à la place de Rima Abdul-Malak, remerciée après avoir défendu l'audiovisuel public à la suite d'un travail d'investigation mené par France 2 à propos de Gérard Depardieu, travail qualifié de « montage » par le Président de la République. Cette offensive pour affaiblir l'audiovisuel public est, du reste, largement engagée, depuis qu'en 2017 M. Macron lui-même a qualifié l'audiovisuel de « honte de la République ».
Après avoir jeté le discrédit sur le service public de l'information, le Président de la République l'a ensuite sciemment fragilisé économiquement : d'abord en gelant la redevance, c'est-à-dire en ne l'indexant plus sur l'inflation, puis en en abaissant le montant, et enfin, du jour au lendemain, en la supprimant purement et simplement ; le tout dans une telle impréparation qu'aucune mesure de financement compensatoire ne fut alors prévue.
Le résultat pour l'audiovisuel public ? Une asphyxie budgétaire. Depuis 2017, on compte près de 776 millions d'euros de coupes en euros constants, dont 80 millions rien que pour cette année. Cela a conduit à la fermeture de la station de radio Mouv', qui s'adressait pourtant à un jeune public, ou encore à la disparition de la station Ici Paris Île-de-France.
Aujourd'hui, par cette réforme, vous ne faites qu'exécuter une feuille de route décidée par l'Élysée : affaiblir l'audiovisuel public, le contrôler, l'ouvrir à la privatisation. Pour ce faire, vous usez d'une stratégie populiste et réactionnaire, qui s'inscrit dans la très droite ligne des politiques menées dans les pays gouvernés par l'extrême droite – la Hongrie, la Pologne, l'Italie, les États-Unis –, lesquels n'hésitent plus à assécher le budget de l'audiovisuel public ou à le centraliser à outrance afin de le rendre plus facilement privatisable.
C'est d'ailleurs pourquoi le groupe du Rassemblement national a voté en faveur de ce texte en commission des affaires culturelles à l'Assemblée nationale. Au passage, voilà qui rend curieux cet autre vote du même groupe en faveur, cette fois, de la motion de rejet ; mais cette curiosité relève sans doute de quelque manœuvre, de celles dont nous découvrons chaque semaine un nouvel avatar.
En échange d'un calendrier accéléré, vous offrez donc sur un plateau au Rassemblement national pléthore d'amendements de suppression sur toutes les mesures concourant au renforcement de l'audiovisuel public, notamment par la limitation en valeur et en volume de la publicité pour ses chaînes. Cette formation politique rêvant depuis longtemps de la privatisation de l'audiovisuel public, cette réforme est pour elle un véritable marchepied. Vous la construisez à ses côtés, avec son soutien.
M. Roger Karoutchi. C'est tout l'inverse…
Mme Cécile Cukierman. Cette alliance entre les centristes, les macronistes, la droite et l'extrême droite est grave ; elle traduit une grande dérive de l'exécutif. Madame la ministre, vous n'hésitez plus, y compris sur un texte aussi structurant pour notre démocratie et pour la liberté de l'information, à joindre vos voix aux leurs.
L'impératif de bonne gestion et votre souhait allégué de rendre l'audiovisuel public plus fort ne sont donc que des prétextes visant à paver la voie à une concentration dangereuse et à un affaiblissement des projets éditoriaux.
L'audiovisuel public n'est pas en crise, madame la ministre. Il est performant, et ce malgré vos attaques et celles du Gouvernement depuis 2017. Chaque année, il réalise des exploits d'audimat. France Inter, première radio de France, a établi un nouveau record historique d'audience en janvier, avec 7,47 millions d'auditeurs, chiffre jamais atteint depuis la création de Médiamétrie en 2002. Le groupe France Télévisions est quant à lui le premier groupe de télévision au niveau national, avec 29,1 % de part d'audience, et connaît la plus forte progression sur l'année, devant ses concurrents privés. Les podcasts de Radio France représentent près de la moitié des téléchargements en France.
Le service public fonctionne, il innove, il rajeunit ses publics, il rayonne à l'international avec RFI et France 24, tout cela avec un budget annuel de moins de 4 milliards d'euros, soit 40 centimes par jour et par Français.
Le service public de l'information pourrait néanmoins être amélioré, et ce plus particulièrement en matière de pluralisme des courants de pensée.
M. Roger Karoutchi. Ça, c'est sûr !
Mme Cécile Cukierman. Las ! pour améliorer ces résultats qui constituent des records, votre idée est d'aggraver ce manque de pluralisme grandissant dans le service public de l'information. Et votre outil est la holding, autrement dit une stratification bureaucratique supplémentaire dont le coût est sciemment et massivement sous-évalué.
Contrairement à ce qu'affirme la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) dans une étude d'impact rédigée dans la précipitation, l'expérience de France Télévisions dans les années 2000 nous enseigne que ces restructurations coûtent cher, très cher : 300 millions d'euros selon la Cour des comptes à l'époque. Aujourd'hui, les estimations font état de 150 millions d'euros supplémentaires par an pour la seule mise en œuvre de la holding.
Alors même que l'audiovisuel public peine déjà à absorber 80 millions d'euros de coupes budgétaires en 2025, France Télévisions et Radio France sont exsangues. Le déploiement de la marque ICI est à l'arrêt, tandis que les studios radio filmés à la télé gardent l'habillage France Bleu.
En résumé, le projet de holding revient à promettre des jambes de bois à des athlètes blessés !
Votre projet est de faire triompher les profits financiers et le modèle de l'audiovisuel privé à la Bolloré ou à la Saadé.
En outre, confier l'ensemble des médias à une seule gouvernance revient à affaiblir de fait la séparation des pouvoirs.
La pression de la part des responsables politiques vis-à-vis des journalistes est connue, et vous savez l'illustrer, madame la ministre : alors que vous êtes garante de la liberté d'information, vous n'avez pas hésité en direct à menacer le journaliste Patrick Cohen de déclencher l'article 40 du code de procédure pénale pour avoir relayé des enquêtes de presse sur vos conflits d'intérêts et les accusations de corruption.
Vous n'hésitez pas davantage lorsque vous déclarez vouloir donner « des coups de scalp » à la présidente de France Télévisions, qui n'a pas souhaité courber l'échine face à vos pressions pour empêcher la diffusion d'un magazine d'investigation vous étant consacré.
Madame la ministre, vous multipliez les procédures-bâillons à l'encontre des journalistes et des médias qui ne font que leur travail. Vous êtes, et vous le savez, visée par une litanie d'enquêtes.
Mais nous devrions croire en votre sincérité et en votre intégrité morale lorsque vous affirmez vouloir « renforcer l'indépendance » de l'information ? Soyons sérieux !
En réalité, il est urgent pour vous, pour les députés du Rassemblement national, de faire taire un contre-pouvoir.
La récente rétrogradation de l'émission hebdomadaire d'investigation du service public radiophonique Secrets d'info à une parution mensuelle est un exemple type de ce qui appelle à être généralisé par cette réforme. Faire taire la capacité des médias publics à produire du contenu de qualité et d'investigation : tel est donc votre projet pour l'audiovisuel public.
Pour l'ensemble de ces raisons – manque de transparence, manque de sincérité dans les débats –, nous demandons aujourd'hui un renvoi en commission : pour garantir un examen démocratique digne de ce nom avec des auditions élargies, une évaluation complète des conséquences financières et éditoriales ; pour réaliser une vraie consultation des acteurs concernés, dont les présidents des filiales de l'audiovisuel public ; pour donner au Parlement les moyens de délibérer sereinement d'un texte qui engage notre souveraineté culturelle, notre démocratie et l'accès des citoyens à une information libre et pluraliste.
C'est pourquoi je vous invite à voter en faveur de cette motion de renvoi en commission, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Cédric Vial, rapporteur. Je remercie Mme Cukierman de cette intervention tout en finesse ! (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. Roger Karoutchi. Tout en « nuances » ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Cédric Vial, rapporteur. Ne refaisons pas le match, comme disait Eugène Saccomano. Il est temps, nous semble-t-il, d'entamer les débats de fond. Nous en sommes déjà à la troisième motion…
Nous avons de nombreux amendements à examiner. Certains sont de vrais amendements de fond. J'ai hâte de pouvoir en discuter.
Par conséquent, l'avis de la commission sur la présente motion de renvoi en commission est, bien évidemment, défavorable.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Nous voterons évidemment cette motion de renvoi en commission.
Sur la forme, nous estimons qu'un tel passage en force – c'est la première fois que je vois cela en dix ans ! – ne nous a pas permis d'examiner le texte dans de bonnes conditions. Certains arguent que nous connaîtrions déjà cette proposition de loi, le Sénat l'ayant votée – pour notre part, nous nous étions prononcés contre – voilà deux ans. Sauf que le texte dont nous sommes saisis aujourd'hui n'est plus du tout le même !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme Sylvie Robert. C'est le texte de Mme Dati. Exit la PPL Lafon – pardonnez-moi de le dire ainsi –, et bienvenue au texte de Mme Dati ! Et nous avons eu très peu de temps pour l'examiner, les 350 amendements de séance nous ayant été présentés – M. le président Lafon le confirmera – sous la forme d'un tableau, ce qui ne nous a pas permis d'aller au fond des choses.
Sur le fond, précisément, j'aimerais que vous cessiez les procès en immobilisme ou les commentaires du type « une intervention tout en finesse ». J'aimerais plutôt que vous nous donniez des arguments ! Le débat vous en donnera l'occasion… Pour l'instant, ceux que vous mettez en avant sont un peu courts.
De même que nous condamnons l'immobilisme, nous ne voulons pas d'une régression, qu'il s'agisse du service public, du pluralisme ou des moyens.
Présenter un texte aussi important sur l'audiovisuel public de notre pays, sans étude d'impact, au moment où l'on cherche à réaliser des économies, sans information quant au coût d'une telle holding, c'est – pardonnez-moi l'expression – prendre les parlementaires que nous sommes pour…
Mme Cécile Cukierman. Des abrutis !
Mme Laurence Rossignol. Des gogos !
Mme Sylvie Robert. … des gens qui ne seraient pas suffisamment sérieux ! Et, au Sénat, ce n'est pas la coutume ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Notons que le Gouvernement n'a pas engagé la procédure accélérée sur ce texte et qu'il ne l'a même pas inscrit, pour l'instant, à l'ordre du jour de la session extraordinaire du mois de septembre. Où est donc l'urgence ? De fait, compte tenu de la position du Gouvernement, je ne comprends pas un tel empressement à le faire examiner.
Les éléments de calendrier que je vais rappeler figureront dans notre saisine du Conseil constitutionnel, qui suit nos travaux.
La conférence des présidents qui a décidé l'inscription de la présente proposition de loi à l'ordre du jour du Sénat s'est réunie le 2 juillet à dix-neuf heures. C'est donc à dix-neuf heures que l'agenda devient officiel… Et notre commission s'est réunie le lendemain, le 3 juillet, à… neuf heures trente ! En d'autres termes, nous n'avons pu exercer notre droit d'amendement que la nuit. Est-ce vraiment une manière de procéder ? Imaginez-vous sérieusement que le Conseil constitutionnel ne va pas sanctionner le fait que le droit d'amendement des parlementaires n'a clairement pas été respecté ?
Je pense qu'il faut reprendre les choses sereinement. Ce texte attend depuis deux ans. Il pouvait donc parfaitement attendre jusqu'au mois d'octobre, et nous aurions pu réfléchir ensemble sur la plage à la meilleure façon de défendre le service public ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Nous n'allons pas forcément à la plage ensemble ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour explication de vote.
Mme Antoinette Guhl. Notre groupe soutiendra également cette motion de renvoi en commission.
Sur la forme, cette réforme se fait dans la vitesse ; nous n'avons le temps ni de débattre ni de travailler.
C'est la quatrième tentative de réforme de l'audiovisuel public en quelques années, alors que ce service public est – c'est le point central – un pilier démocratique et un contre-pouvoir essentiel face à la concentration des médias privés. Il n'y a eu aucune étude sérieuse sur les coûts, aucun examen financier. Nous savons pourtant que la création de holdings ou de superstructures centralisées coûte très cher, le plus souvent sans gain évident.
Nous allons vite, mais nous ne savons pas où nous allons…
Sur le fond, c'est une catastrophe : depuis des années, le Gouvernement affaiblit volontairement l'audiovisuel public. Après avoir réduit ses ressources, notamment en supprimant la redevance, il propose aujourd'hui de fusionner toutes les entités sous l'autorité d'un seul président : un seul patron de l'information pour mieux la contrôler !
Qui donc est derrière un tel projet ? Le Gouvernement, certes, Mme Dati, évidemment, mais aussi le Rassemblement national. C'est l'alliance de ceux qui détestent l'audiovisuel public, de ceux qui ne veulent pas de l'indépendance de l'information !
Un tel modèle est un risque pour la pluralité des points de vue, pour la liberté des rédactions et pour les salariés, qui risquent la casse sociale.
Au lieu de protéger ce bien commun, on concentre. Voilà des années que nous dénonçons la concentration privée des médias – neuf milliardaires contrôlent plus de 80 % de la presse en France –, et nous sommes désormais confrontés à une concentration publique pour mieux aligner les voix.
Ce n'est pas une réforme : c'est une menace directe pour notre démocratie ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. J'aimerais simplement rappeler l'historique des réflexions ayant conduit à cette proposition de holding : le rapport Gattolin-Leleux en 2015 ; le rapport de Gabriel Attal, jeune député nouvellement élu, préconisant la holding en 2017 ; le projet de loi, qui contenait donc une étude d'impact, présenté par Franck Riester en 2019 ; un rapport des députés sur le même sujet en 2023 ; le dépôt, toujours en 2023, de ma proposition de loi, qui – c'est exceptionnel pour une proposition de loi, car cela n'arrive jamais – a été complétée ensuite par une étude d'impact ; une étude de l'inspection générale des finances établissant que la holding s'effectuerait à coût nul. (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n'est pas une étude ; c'est une pétition de principe !
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Je pourrais également évoquer le rapport de la Cour des comptes ou les nombreuses prises de position de l'Arcom sur le sujet.
La dernière étude en date est celle de Laurence Bloch, grande spécialiste de la radio.
Mme Sylvie Robert. Ce n'est pas une étude !
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Toutes ces études ont conclu en faveur de la création de la holding. Depuis dix ans, je n'en ai vu aucune dont les conclusions seraient hostiles à la holding ou même qui reprendraient des arguments identiques aux vôtres.
Vous le voyez, la question est très largement documentée. Et nous en avons amplement débattu au sein de la commission de la culture.
M. Max Brisson. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, j'ai été saisi, au titre de l'article 51 de notre règlement, et notamment de ses alinéas 3 et 4, d'une demande de vérification du quorum.
Comme je vous l'ai indiqué tout à l'heure, je ne peux pas revenir sur la jurisprudence constante en la matière.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. le président. Je précise d'ailleurs que les auteurs de la première demande avaient eux-mêmes fait référence à l'impossibilité de procéder à plusieurs vérifications du quorum le même jour. Cela figure dans le document qu'ils ont rédigé et signé. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Mathieu Darnaud. Perdu !
M. le président. J'invite les collègues signataires de la demande dont je suis saisi à s'adresser directement aux instances compétentes du Sénat.
La décision du bureau du Sénat de 2006…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Donnez-la nous !
M. le président. … a créé une coutume qui n'a jamais été remise en cause. J'entends qu'elle soit respectée.
Par conséquent, je ne donne pas suite à la demande dont j'ai été saisi. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour un rappel au règlement.
M. Yan Chantrel. Nous demandons le quorum, car nous considérons que, sur un texte d'une telle importance, ce serait un minimum que le Sénat soit en nombre pour voter.
À défaut, nous pourrions nous demander pourquoi la présente proposition de loi a été inscrite à l'ordre du jour de nos travaux précisément en fin de session extraordinaire. Pour qu'elle puisse être adoptée sans que le quorum soit réuni ?
Monsieur le président, nous contestons votre interprétation. Le règlement du Sénat ne précise pas que la vérification du quorum ne peut être demandée qu'une seule fois par jour. Or le règlement, c'est un peu la « constitution » du Sénat. Il prime donc une décision qui a été prise voilà près de vingt ans. Au demeurant, il a été modifié maintes fois depuis 2006 ; sur certains aspects, ses dispositions contredisent des décisions qui ont été prises antérieurement par le bureau.
Nous vous demandons donc des éléments factuels sur la décision que vous invoquez. Nous demandons surtout que le règlement soit appliqué : rien dans celui-ci ne fait obstacle à ce que la vérification du quorum soit demandée plusieurs fois le même jour. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour un rappel au règlement.
M. Guillaume Gontard. Mon rappel au règlement se fonde également sur l'article 51 de notre règlement.
Monsieur le président, le terme que vous avez employé illustre bien, me semble-t-il, le problème auquel nous sommes confrontés. Vous avez parlé de « coutume ». Or nous sommes en train de faire la loi ; nous travaillons sur la base de textes juridiques, et non pas d'une « coutume ».
Nous avons un règlement. Aux termes de celui-ci, l'enjeu d'une demande de vérification de quorum, c'est la validité du vote. Nous devrions donc pouvoir demander le quorum avant chaque vote. En effet, à la fin du quatrième alinéa de l'article 51, il est indiqué : « Le vote est alors valable, quel que soit le nombre des votants. » Ainsi, même en l'absence de quorum, le vote est donc valable.
Dès lors – cela n'a pas semblé nécessaire de l'indiquer explicitement dans le règlement –, la vérification du quorum doit pouvoir être demandée avant chaque vote. Or vous invoquez une « coutume » pour vous y opposer.
M. Roger Karoutchi. Ce n'est pas une coutume !
M. Guillaume Gontard. Nous constatons que le quorum n'est pas réuni. Ce n'est pas de notre fait.
Vous chantez les louanges de l'audiovisuel public ; vous lui proclamez votre amour. Prouvez-le donc en étant présents !
M. Mathieu Darnaud. Pas de leçons !
M. Guillaume Gontard. Ce n'est pas nous qui avons réclamé que ce texte soit examiné très rapidement, avant l'été. Nous savons que nous aurions pu, à un autre moment, avoir le temps de légiférer dans de bonnes conditions.
Respectons le règlement : ce sera toujours plus sage que de faire référence à une coutume. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour un rappel au règlement.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, je n'aimerais pas être à votre place. (Sourires sur les travées du groupe CRCE-K.)
Les réponses apportées à notre demande de vérification du quorum révèlent l'existence d'un flou juridique.
M. Roger Karoutchi. Pas du tout !
Mme Cécile Cukierman. Je vous ai écouté, mon cher collègue !
J'apprends que la coutume fait désormais loi dans notre pays… Heureusement tout de même qu'avec les progrès de la civilisation, nous soyons passés du temps des coutumes au temps de la loi !
Pour ma part, j'ai lu l'article 51 de notre règlement et les différentes modifications de l'instruction générale du bureau du Sénat. Je n'y ai trouvé aucune référence à cette fameuse décision de 2006.
Aussi, monsieur le président, je sollicite une suspension de séance, afin que vous puissiez nous transmettre le document en question. Pour l'instant, tout ce que je vois dans l'instruction générale du bureau, c'est la mention d'un alinéa relatif à la vérification du quorum « abrogé par l'arrêté n° 2020-160 du 1er juillet 2020 ». Je sollicite donc, au nom du droit, une copie de la décision de 2006.
Je ne doute évidemment pas de votre sincérité. Mais, pour ma part, au moment de légiférer, je ne me fonde ni sur la coutume, ni sur la morale, ni sur la tradition, ni sur les « qu'en dira-t-on » : comme saint Thomas, je ne crois que ce que je vois. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
M. le président. Madame la présidente, je suspendrai, à votre demande, la séance pour quelques minutes à l'issue des différents rappels au règlement.
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour un rappel au règlement.
M. Roger Karoutchi. Il ne s'agit nullement d'une coutume.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C'est pourtant ce que vous avez dit !
M. Roger Karoutchi. Non, madame de La Gontrie, ce n'est pas ce que j'ai dit. Vous entendez peut-être des voix, mais pas la mienne. (Sourires.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Jaloux ! (Mêmes mouvements.)
M. Roger Karoutchi. En l'occurrence, les choses sont simples : il y a la Constitution, le règlement intérieur et les décisions du bureau du Sénat.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous les demandons !
M. Roger Karoutchi. En cas d'imprécision dans le règlement intérieur, le bureau du Sénat est amené à trancher. Sa décision de 2006 a été très claire.
Mme Colombe Brossel. Nous ne l'avons pas !
M. Roger Karoutchi. Vous devriez l'avoir. Nul n'est censé ignorer la loi ni le règlement !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Sauf vous, visiblement…
M. Roger Karoutchi. Vous pouvez évidemment contester la décision de 2006, voire réclamer une nouvelle interprétation du règlement de la part du bureau. Mais tant qu'elle n'a pas été modifiée par le bureau du Sénat, c'est cette règle qui s'applique.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour un rappel au règlement.
M. Bernard Jomier. Moi aussi, j'ai beaucoup de respect pour la coutume ; c'est bien le terme que vous avez employé.
M. Roger Karoutchi. Non !
M. Bernard Jomier. À l'instar de beaucoup de collègues ici présents qui siègent dans d'autres hémicycles, j'ai siégé, pour ma part, au Conseil de Paris.
M. Roger Karoutchi. Oh ça…
M. Bernard Jomier. Mme Dati aussi y siège toujours, mais elle n'y vient pas souvent ; c'est peut-être pour cela qu'elle n'en connaît pas bien les règles. (Rires et applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Voilà quelques années, au sein de l'hémicycle du Conseil de Paris – nous avons le même règlement sur le quorum –, le groupe de Mme Dati a demandé la vérification du quorum. Or le quorum n'était pas réuni. Et tant que le quorum n'était pas réuni, nous n'avons pas siégé.
M. Roger Karoutchi. Ce n'est pas la règle ici !
M. Mathieu Darnaud. Ici, nous sommes au Sénat !
M. Bernard Jomier. C'était le même article : le quorum peut être vérifié avant un vote.
Il y, dites-vous, une coutume. Mais, cher Roger Karoutchi, je ne peux pas croire que la coutume du Sénat soit d'encourager l'absentéisme. Ce n'est ni notre tradition, ni notre volonté, ni l'image que notre hémicycle doit donner.
Nous avons un règlement. Je le connais ; il m'a été transmis.
En revanche, je suis désolé, mais une coutume issue d'une décision de 2006, je ne connais pas.
M. Roger Karoutchi. C'est une décision du bureau !
M. Bernard Jomier. Sans doute ne suis-je pas suffisamment attentif aux différentes coutumes datant de près qu'un quart de siècle…
La réalité est que le règlement prévoit la possibilité de demander la vérification du quorum avant un vote. C'est ce que nous demandons.
M. Roger Karoutchi. Vous n'en avez pas le droit !
M. Bernard Jomier. Il y a une manière très simple de répondre : il suffit que le quorum soit réuni. Dans ce cas, il n'y aura plus de demande de vérification du quorum.
Pour savoir si l'on est dans le droit commun, il est parfois utile d'observer ce qui se pratique dans les autres hémicycles, à plus forte raison quand le fonctionnement de ces derniers se fonde sur une notion que vous prisez fort, celle du « bon sens ». (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour un rappel au règlement.
Mme Colombe Brossel. Le texte que nous examinons n'est pas anecdotique.
M. Roger Karoutchi. Et alors ?
Mme Colombe Brossel. Nous sommes en train de réformer, peut-être, profondément l'audiovisuel public.
M. Max Brisson. Il en a besoin !
Mme Colombe Brossel. C'est votre appréciation, cher Max Brisson.
Ce qui est sûr, c'est que nous devons aux Français, propriétaires de l'audiovisuel public et décisionnaires en la matière, et aux 16 000 salariés concernés…
M. Mathieu Darnaud. Du sérieux !
Mme Colombe Brossel. … un débat correct, étayé et serein. (Marques d'approbation sur les travées du groupe SER.)
M. Max Brisson. C'est ce que nous souhaitons !
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Le débat, vous l'esquivez !
Mme Colombe Brossel. Quelle urgence y avait-il à introduire nuitamment, entre l'inscription du texte à l'ordre du jour annoncée le mardi à dix-neuf heures et la réunion de commission le lendemain, des amendements dont on nous a dit qu'ils étaient « de coordination », destinés à faire face à « l'obsolescence » d'un certain nombre d'articles ? L'obsolescence, c'est la holding exécutive ! L'obsolescence, c'est la création une semaine plus tard de filiales dont nous ignorons tout ! Nous avons besoin de temps pour travailler.
Loin de moi, loin de nous, cher Roger Karoutchi, l'idée de contester vos propos sur la décision du bureau de 2006. Je vous fais confiance, vous y étiez…
M. Roger Karoutchi. Non ! Je ne siégeais pas au bureau !
Mme Colombe Brossel. Peut-être, mais, en tout cas, je vous fais confiance en ce qui concerne le règlement intérieur !
Simplement, nous demandons à avoir cette décision du bureau. Nous avons cherché sur le site du Sénat pendant une heure, et nous ne l'avons pas trouvée.
Monsieur le président, vous êtes dans votre rôle. Mais, en tant que parlementaires, nous vous demandons, afin de pouvoir travailler normalement, et par souci de transparence, à avoir accès à cette décision du bureau de 2006. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour un rappel au règlement.
M. Claude Raynal. J'interviens dans ce débat sur le règlement sur un point très précis.
Mme Catherine Di Folco. Sur la base de quel article ?
M. Claude Raynal. Le règlement du Sénat est remis à tout sénateur nouvellement élu. C'est le seul document relatif à l'organisation des travaux du Sénat à notre disposition. Si d'autres textes contiennent des règles s'imposant aux sénateurs, pourquoi ne sont-ils pas joints au règlement du Sénat ? Cela nous éclairerait sur la manière de mener les débats dans cette maison.
Par ailleurs, j'aimerais demander à notre collègue Karoutchi, qui a une connaissance ancienne de ces questions, pourquoi la fameuse décision de 2006 n'a pas été intégrée au règlement du Sénat, qui a pourtant fait l'objet de plusieurs modifications depuis cette date.
Il y a une raison très logique à cela. Quand, à la suite d'une demande de vérification, on constate que le quorum n'est pas réuni, la séance est suspendue pendant une heure, afin de permettre aux sénateurs absents de venir dans l'hémicycle. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – Mais non ! sur des travées du groupe Les Républicains.) C'est le bon sens. À l'Assemblée nationale, on parlerait de « vider la buvette » ; ce n'est évidemment pas le cas ici.
Or il aurait évidemment été très difficile d'expliquer dans le règlement qu'après une première demande de vérification du quorum, suivie d'une suspension d'une heure, puis d'un vote, il n'est plus possible de faire la même chose le même jour… Il faut pouvoir demander la vérification du quorum en permanence. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour un rappel au règlement.
Mme Antoinette Guhl. Étant nouvellement élue dans cet hémicycle, je m'étonne quelque peu que l'on fasse référence à des réunions de bureau datant de 2006. J'imagine tout de même que le règlement a été revu et réimprimé depuis. Dès lors, si cette décision de 2006 est si importante, pourquoi n'y figure-t-elle pas ? C'est tout de même un peu fou…
Je propose que nous nous en tenions à ce qui est distribué aux sénateurs, que leur arrivée au sein de la Haute Assemblée soit récente ou non : le règlement. Or, dans le règlement, il n'est précisé nulle part que les demandes de vérification du quorum sont limitées à une par jour. Tenons-nous au règlement. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour un rappel au règlement.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Je pense que nous devons tous être responsables ici. Le Sénat est perçu par nos concitoyens comme une institution sérieuse et responsable, et nous travaillons souvent ici de manière sérieuse et responsable.
Veillons à faire en sorte que les débats restent sereins. Pierre Ouzoulias a rappelé tout à l'heure que les règles habituelles en matière de délai de dépôt des amendements n'ont pas été respectées.
Apparemment, les règles applicables à la vérification du quorum ont changé depuis 2006. Or nous n'avons pas été informés de ces nouvelles règles, qui ne sont pas accessibles aux sénateurs. Moi-même, je n'en ai pas eu connaissance.
Travaillons sérieusement et reportons l'examen de ce texte en septembre ou en octobre, afin de pouvoir en discuter sereinement. Il n'y a aucune raison de légiférer dans la précipitation.
Je soutiens la demande de suspension que notre présidente de groupe, Cécile Cukierman, a formulée et à laquelle vous avez répondu favorablement, monsieur le président – elle est d'ailleurs de droit.
M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour un rappel au règlement.
M. Cédric Vial. Je suis sénateur depuis 2020. La Haute Assemblée a été créée bien avant que je n'y siège. Pourtant, je porte aujourd'hui un costume avec une cravate, parce que le règlement, que je n'ai pas adopté, le prévoit.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et voilà : parce que le règlement le prévoit !
M. Roger Karoutchi. Mais non ! Ce n'est pas dans le règlement !
M. Cédric Vial. Ce n'est pas parce que l'on n'était pas présent lorsqu'une règle a été adoptée qu'elle ne s'applique pas. Je note même qu'un de nos collègues porte un nœud papillon, car le règlement ne l'interdit pas.
Mes chers collègues, vous indiquez être pressés d'avoir ce débat sur l'audiovisuel public, qui est très important, mais je constate que tout fait est pour le contourner et l'éviter.
M. Guy Benarroche. Vous savez très bien que le débat est biaisé depuis le départ !
M. Cédric Vial. Les prises de position des uns et des autres sur le quorum nous font perdre un temps que nous pourrions consacrer au débat de fond. J'espère au moins que nous aurons cette discussion dans la soirée.
Permettez-moi de recourir très humblement, comme cela se pratique dans un certain nombre de disciplines scientifiques – c'est ma formation d'origine –, à un raisonnement par l'absurde : s'il était possible de demander la vérification du quorum sur chaque vote, il suffirait que l'opposition ne vienne jamais, et aucun vote ne pourrait avoir lieu. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Mme Cécile Cukierman. La gauche, c'est un tiers du Sénat ; pas la moitié !
M. Cédric Vial. Or n'avoir aucun vote, c'est la négation même de la démocratie.
C'est un jeu de dupes. Madame Robert, tout à l'heure, vous avez hésité, pour finalement y renoncer, à employer un certain mot. Ce mot, Jean-Luc Mélenchon, membre du Nouveau Front Populaire (NFP), l'a utilisé à l'endroit de journalistes de France Info, ce qui lui a valu une condamnation pour injure publique lundi dernier. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)
Je n'ai pas envie d'employer ce mot, mais j'ai tout de même l'impression que, dans ce débat, on nous prend pour…
Mme Sylvie Robert. Des quoi ? Des quoi ?
M. Cédric Vial. … le type de personnes dont parle Jean-Luc Mélenchon lorsqu'il évoque les journalistes de France Info, des journalistes que, comme vous, j'ai envie de défendre, mais en débattant sur le fond, et non pas en invoquant de faux arguments procéduraux. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Très bien !
M. le président. Monsieur Vial, le port de la cravate n'est pas mentionné dans le règlement du Sénat. (Exclamations amusées sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – Plusieurs sénateurs du groupe SER font mine de retirer leur cravate.) Il s'agit typiquement d'un usage qui a fait l'objet d'un consensus en conférence des présidents et qui n'a jamais été remis en cause.
J'ajoute, pour alimenter votre réflexion, que le gentleman's agreement qu'appliquent les présidents de groupe sur les textes en commission est l'exemple type de règles qui sont respectées par tout le monde sans pour autant être écrites.
M. Roger Karoutchi. C'est pour cela que Patrick Kanner n'est pas là !
M. le président. Je tiens au plateau à la disposition des personnes qui me l'ont demandé des documents qui établissent que cette règle existe,…
M. Guy Benarroche. Vous voulez dire : cette décision !
M. le président. … notamment les travaux du bureau de 2006.
M. Roger Karoutchi. C'est donc une règle !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt-deux.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 7, tendant au renvoi à la commission.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission et l'autre, du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 356 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l'adoption | 99 |
Contre | 242 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour un rappel au règlement.
Mme Cécile Cukierman. Ce rappel au règlement se fonde, lui aussi, sur l'article 51 du règlement du Sénat.
Nous avons bien constaté ces documents datés de 2006. Nous avons toutefois changé d'époque.
M. Max Brisson. La Constitution aussi date d'une autre époque !
Mme Cécile Cukierman. Si la gauche avait procédé de la sorte, elle aurait été traitée de stalinienne. Là, tout semble normal. Puisque, manifestement, tout le monde s'énerve, nous pouvons en faire autant !
Reprenons sérieusement nos débats. Nous avons un problème : cette décision du bureau n'est mentionnée nulle part. Contrairement à toutes les lois, qui sont facilement accessibles, on ne la trouve ni au Journal officiel ni sur Légifrance.
Certains ont cité le mot de coutume. Consultons donc la version électronique du Petit Larousse : « La coutume est l'une des sources du droit, issue d'un usage général et répété,… » (MM. Roger Karoutchi et Max Brisson s'exclament.) – mon cher Roger Karoutchi, jusqu'ici j'avais presque envie de vous donner raison, mais, puisque la définition ne s'arrête pas là, je poursuis – et dont l'autorité est reconnue par tous. »
Dès lors que la coutume n'est plus reconnue par tous, il n'y a donc pas de coutume.
M. Roger Karoutchi. Quelle coutume ?
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, puisque vous n'en avez pas l'autorité, nous saisirons bien évidemment – je souhaite que cela figure au compte rendu – le bureau du Sénat et le président du Sénat pour que soient instruites les conditions de vérification du quorum et qu'elles soient mises à jour.
M. Roger Karoutchi. Bien sûr…
Mme Cécile Cukierman. Dans le cadre de notre saisine du Conseil constitutionnel, nous ferons également un certain nombre de remarques quant à la sérénité de nos débats, mais aussi sur le faible nombre de parlementaires présents en séance. Tout cela vient du fait que le Gouvernement a voulu inscrire ce texte en urgence en fin de session.
L'audiovisuel public mérite mieux que cela. Il est regardé en ce moment même par des millions de Français, qui suivent l'arrivée du Tour de France.
L'audiovisuel public a un avenir et cet avenir ne doit pas être sacrifié par cette mascarade gouvernementale. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et GEST.)
M. le président. Je vais donner la parole à M. Kerrouche puis à M. Benarroche, mais je souhaite que nous poursuivions ensuite la discussion générale.
M. Roger Karoutchi. Nous aussi !
Mme Laurence Rossignol. Nous le souhaitons tous !
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour un rappel au règlement.
M. Éric Kerrouche. Contrairement à ce que pensent nos collègues du groupe Les Républicains, la discussion n'est pas aussi anecdotique qu'il n'y paraît.
Monsieur Karoutchi, implicitement, vous avez dit qu'il existait une forme de hiérarchie des normes interne au Sénat. Si je vous suis bien, vient en tête le règlement du Sénat – je peux le comprendre et j'y reviendrai –, suivie de l'instruction générale du bureau (IGB) et, enfin, des décisions du bureau.
Selon quelles modalités ? Qui constate cette hiérarchie des normes interne ? Au nom de quoi faudrait-il, en l'absence de dispositions du règlement, s'appuyer sur les décisions du bureau ? (M. Roger Karoutchi manifeste son incrédulité.)
Cela pose un problème fondamental : seul le règlement du bureau, sur lequel nous votons collectivement, est validé par le Conseil constitutionnel.
M. Roger Karoutchi. Ce n'est pas vrai !
M. Éric Kerrouche. Or, en l'espèce, nous nous servons de cette décision qui date d'une vingtaine d'années comme d'une béquille juridique.
Cette béquille juridique est plus que friable dans la mesure où, depuis lors, un certain nombre de décisions du bureau sont revenues sur des décisions qui avaient été prises préalablement.
De manière fortuite peut-être, la décision que nous évoquons n'a pas été explicitée de nouveau. En tout état de cause, on ne peut pas se fonder sur cette décision, qui validait une version antérieure du règlement.
Voilà ce que nous contestons. D'une certaine façon, l'ensemble de l'édifice juridique sur lequel s'appuient nos délibérations pose problème.
Vous pouvez prendre la chose à la légère, c'est votre droit.
M. Max Brisson. Ce n'est pas ce que nous faisons !
M. Éric Kerrouche. Nous contestons néanmoins la hiérarchie que vous nous présentez, car nous ne pouvons pas la vérifier juridiquement.
Cela fragilise l'ensemble de nos débats et c'est la raison pour laquelle, monsieur le président, nous demandons que cette disposition soit éclaircie compte tenu de son caractère particulièrement problématique. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Cécile Cukierman applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour un rappel au règlement.
M. Guy Benarroche. Il faudra prêter une attention particulière aux décisions que prendra le bureau dans les prochaines semaines et dans les prochains mois.
M. Cédric Vial, rapporteur. Toujours !
M. Guy Benarroche. Car si l'on suit la logique de certains, ces décisions pourraient être transformées en us et coutumes et devenir opposables au règlement en vigueur…
Éric Kerrouche a soulevé un problème fondamental, celui de l'architecture du droit qui encadre nos travaux. L'idée qu'une décision du bureau de 2006 puisse s'appliquer même si le règlement a été modifié par la suite – en 2008, en 2014 ou en 2015 –, sous prétexte qu'aucun élément du nouveau règlement n'entre en contradiction avec ladite décision repose, me semble-t-il, sur des fondements juridiques très légers.
Si nous devions décider de poursuivre notre séance de ce jour sur le fondement d'une décision antérieure du bureau, alors que notre règlement a changé depuis lors, ce serait non seulement contestable, mais cela constituerait aussi un précédent : on validerait ainsi des décisions du bureau antérieures à des changements de règlement, sans que ces décisions soient jamais remises en cause.
En réalité, tout cela n'existe pas en droit. Comment le Sénat – qui plus est des membres de la commission des lois – pourrait-il s'arroger le droit de remettre en cause de cette façon l'architecture globale sur laquelle est bâtie l'activité du Parlement ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. Merci, monsieur le secrétaire du bureau du Sénat.
La parole est à M. Ronan Dantec, pour un rappel au règlement.
M. Ronan Dantec. L'article 51, alinéa 1, du règlement du Sénat dispose que « la présence, dans l'enceinte du Palais, de la majorité absolue des sénateurs est nécessaire pour la validité des votes, sauf en matière de fixation de l'ordre du jour ».
Dans l'esprit du règlement, le quorum n'est donc pas requis seulement une fois par jour (Mme Cathy Apourceau-Poly acquiesce.) ; il est nécessaire à notre travail.
Monsieur le président, rien n'indique dans le règlement, nous avez-vous dit, qu'il faille porter la cravate ; vous avez dit que cela relevait de l'usage. (Mme Annick Billon s'exclame.) J'étais pourtant convaincu qu'il s'agissait au moins d'une décision du bureau ! Nous aurions donc pris, en période de canicule, des risques sanitaires en gardant nos cravates ? (Sourires.)
Puisqu'il s'agit d'un simple usage, si l'un d'entre nous ôtait la sienne, il ne se passerait donc rien ?
M. Max Brisson. Chiche !
M. Ronan Dantec. J'ai toujours cru que cela entraînerait l'effondrement du Sénat ! (M. Roger Karoutchi s'amuse.)
Vos propos sont donc extrêmement importants pour la suite, monsieur le président, surtout en période de canicule.
Je suis entièrement d'accord avec nos collègues de droite qui soulignent l'importance des usages. Sans usages, il n'y a plus, par exemple, de niches parlementaires.
Nous avons tous la capacité de bloquer la machine. Sauf que l'usage au Parlement veut que, lorsque l'Assemblée nationale rejette un texte, on n'essaie pas de faire passer celui-ci au Sénat immédiatement. Ce faisant, vous ne respectez pas les usages du Parlement ! Vous ne respectez même pas l'essence de la démocratie parlementaire !
Voilà pourquoi nous nous trouvons dans cette situation aujourd'hui. Vous avez pris une responsabilité colossale en contournant le vote de l'Assemblée nationale et en essayant de « refaire le match », pour reprendre le titre d'une émission diffusée sur une radio privée, alors qu'ici, nous défendons le service public. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour un rappel au règlement.
M. Roger Karoutchi. Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir montré la décision de 2006, dont on était arrivé à contester l'existence même.
Je n'ai jamais parlé de coutume. (Mme Cécile Cukierman et M. Guillaume Gontard s'exclament.) Jamais !
Mme Cécile Cukierman. Nous lirons les comptes rendus !
M. Roger Karoutchi. Vous devez confondre…
J'ai fait partie du bureau du Sénat. Un certain nombre de collègues en sont membres actuellement et participent à la conférence des présidents. Il y a des règles !
La première des règles est la Constitution. Viennent ensuite le règlement du Sénat, qui a été modifié à plusieurs reprises, puis les instructions générales du bureau.
Enfin, lorsqu'un problème est soulevé sur un sujet particulier – souvent d'ailleurs sur l'initiative d'un président de groupe –, alors il y a une décision du bureau.
Très clairement, cela n'aurait aucun sens de dire que les décisions du bureau n'ont plus lieu d'être au motif que d'autres décisions pourraient être prises en séance.
De 2011 à 2014, il y a eu au Sénat une majorité de gauche, avec un président de gauche et un bureau orienté à gauche. Celle-ci n'a jamais remis en cause la décision du bureau de 2006.
Mme Laurence Rossignol. Elle ne la connaissait pas, car elle était introuvable !
M. Roger Karoutchi. Vous avez le droit de contester cette décision et d'en solliciter une nouvelle sur la question du quorum, mais vous ne pouvez pas dire qu'elle ne s'applique pas !
Faire de l'obstruction, c'est bien, être réaliste, c'est mieux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Claude Kern applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, acte est donné de ces rappels au règlement.
Discussion générale (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Mikaele Kulimoetoke.
M. Mikaele Kulimoetoke. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà quelques jours, l'Assemblée nationale rejetait en première lecture la proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle.
Les députés ont majoritairement adopté une motion de rejet, après avoir pourtant amendé et adopté le texte en commission. Ils ont ainsi clairement exprimé leur refus d'en débattre, et, ce faisant, de débattre de l'avenir de l'audiovisuel public.
Ce choix, nous le regrettons. Nous le regrettons, car il prive le Parlement d'un débat utile et d'éventuelles améliorations. Nous le regrettons, car il nous contraint aujourd'hui à légiférer dans des délais extrêmement serrés.
Nous partageons pourtant sur ces travées un même objectif : celui d'avoir dans le paysage audiovisuel français un service public fort, capable de rayonner sur le plan international, et de résister à la concurrence des grandes plateformes numériques.
Cela a été parfaitement dit, le danger vient aujourd'hui des géants comme Google, Netflix ou TikTok bien plus que des acteurs privés traditionnels. Il vient de l'évolution des pratiques et des modes de consommation.
Il est donc de notre responsabilité de donner aux médias publics les outils nécessaires à leur autonomie et à leur bon fonctionnement.
Dans ce contexte, repousser une fois de plus la réforme de la gouvernance de l'audiovisuel public ne nous paraît pas envisageable, alors même que les journalistes et les salariés attendent de nous des réponses claires et un débat serein.
Dans le rapport d'information de nos collègues André Gattolin et Jean-Pierre Leleux, qui a été plusieurs fois cité, il était déjà question d'un regroupement de l'audiovisuel public afin de répondre aux profondes mutations du secteur. C'était il y a dix ans… (M. le président de la commission acquiesce.)
Voilà donc des années que le Parlement tergiverse sur une réforme de la gouvernance.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Très juste !
M. Mikaele Kulimoetoke. Si ce texte avait une vertu, ce serait de nous permettre, enfin, de statuer sur cette question.
Ce texte prévoit d'abord d'opérer un regroupement des entreprises de l'audiovisuel public au sein d'une structure nouvelle – une holding – afin d'accélérer des coopérations qui restent fragiles.
Il ne s'agit pas d'une fusion : cette réforme ne doit pas remettre en cause l'identité des différents acteurs. La création de la holding France Médias n'est pas une fin en soi ; elle vise à favoriser les synergies.
Cette proposition de loi soulève un peu partout des inquiétudes légitimes et mon groupe ne fait pas exception. Je pense, par exemple, au plafonnement des recettes publicitaires prévu à l'article 5 : leur contraction, qui ne pourrait pas être compensée par un accroissement des concours publics, risque d'affecter la capacité de ces médias à investir et à remplir pleinement leurs missions de service public.
Je pense également, avec ma collègue Samantha Cazebonne, à l'intégration de France Médias Monde dans le périmètre de la future holding. Nous soutiendrons les amendements qui en proposeront le retrait, compte tenu des missions très spécifiques qui sont les siennes et du contexte géopolitique dans lesquelles elles s'inscrivent.
Le deuxième volet de la proposition de loi a pour ambition de réduire les asymétries entre les médias historiques et les plateformes numériques. Supprimé en commission à l'Assemblée nationale, il aurait pu faire l'objet d'un texte de loi à part entière. Nous soutiendrons également sa suppression.
Partagé sur la pertinence autant que sur le cadre de cette réforme, le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants votera toutefois majoritairement en faveur de cette proposition de loi. (M. le rapporteur ainsi que MM. Pierre Jean Rochette et M. Claude Kern applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « le temps ne fait rien à l'affaire », chantait Brassens. (Mme Cathy Apourceau-Poly s'amuse.)
Voilà dix ans que nos collègues Leleux et Gattolin ont rendu un rapport sur l'audiovisuel public, six ans que Franck Riester a proposé une réforme ambitieuse (M. le président de la commission acquiesce.) qui fut victime d'un covid long, trois ans que Jean-Raymond Hugonet et Roger Karoutchi ont rendu leur rapport Changer de cap pour renforcer la spécificité, l'efficacité et la puissance de l'audiovisuel public, deux ans que la proposition de loi du président Lafon a été adoptée au Sénat.
La semaine dernière, nous apprenions que ce texte nous était soumis dans la précipitation. Reconnaissez que cet emballement final interroge : est-il à la hauteur des enjeux de l'audiovisuel public ?
Ne risquons-nous pas, en raison de la façon dont est bousculé le Parlement dans cette affaire, d'en être réduits à des postures ?
L'audiovisuel public est pourtant confronté à de nombreux défis que nous devons l'aider à relever pour préserver notre identité culturelle, sa diffusion et son rayonnement.
Aujourd'hui, la menace vient des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) et des réseaux sociaux, dont les moyens sont considérables.
Ils nous obligent à rassembler nos forces dans un ensemble cohérent, qui préserve la neutralité de l'information et garantisse la liberté d'expression et de création.
Ce texte a une double ambition : d'une part, préserver la souveraineté audiovisuelle de la France en l'adaptant aux enjeux et aux défis actuels ; d'autre part, assurer les conditions d'une concurrence équitable entre les grandes plateformes et les composantes historiques de l'audiovisuel.
Regrouper quatre grands acteurs publics devrait permettre de s'affranchir d'une organisation du travail en silos qui freine l'innovation encore balbutiante.
France Télévisions rend disponibles ses contenus sur la plateforme Amazon Prime afin de toucher un public plus jeune. Et après ?
Ce sont les synergies qui permettront à l'audiovisuel public de se réinventer, tout en préservant l'identité de chacun de ses acteurs.
À ce titre, je salue le renforcement du droit de regard des commissions chargées de la culture du Sénat et de l'Assemblée nationale sur les conventions stratégiques pluriannuelles.
À l'heure où les canaux d'information n'ont jamais été aussi nombreux et où il est de plus en plus complexe d'identifier si une information est indépendante, crédible ou même délivrée par un journaliste, il paraissait essentiel de prévoir, au sein du conseil d'administration, une personnalité chargée de veiller au respect des règles d'éthique et de déontologie dans la préparation des programmes. Cela a été fait par l'introduction d'une disposition en commission.
En faisant le choix de détenir directement la totalité du capital du groupement, l'État se porte garant de la pérennité et de la protection de notre audiovisuel public.
Face à lui, des structures privées aux logiques de pur profit n'ont cessé d'innover. Refuser qu'elles aient le monopole de la diffusion de grands événements sportifs, c'est rappeler que la culture appartient à tous.
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
M. Bernard Fialaire. L'audiovisuel public, parce qu'il permet d'accéder au savoir, à la culture et à l'information, ne doit pas seulement être préservé, il doit prospérer.
C'est ce à quoi veilleront, lors de nos débats, les membres du groupe du RDSE. Comme d'habitude, certains d'entre nous voteront en faveur de ce texte – j'en fais partie –, d'autres s'y opposeront. (M. le rapporteur et M. Pierre Jean Rochette applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Marta de Cidrac applaudit également.)
M. Laurent Lafon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, deux ans après son adoption en première lecture, nous voici de nouveau réunis pour l'examen de cette proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle.
Deux ans plus tard, les constats qui avaient motivé le dépôt de ce texte non seulement restent d'actualité, mais ils sont même d'une plus grande acuité.
Chacun le sait, le paysage audiovisuel connaît un bouleversement rapide et irréversible. La télévision linéaire perd du terrain. Chez les 15-34 ans, elle est déjà moins centrale ; chez les moins de 25 ans, elle a pour ainsi dire disparu des usages quotidiens.
Les médias historiques sont donc désormais confrontés à la concurrence de grandes plateformes internationales, aux moyens considérables.
Cette concurrence n'est pas seulement de nature financière et technique ; elle est aussi culturelle, car ces plateformes, peu régulées, imposent à notre jeunesse leurs références, leur imaginaire et leur vision du monde.
Nous le disions déjà il y a deux ans : il y a urgence à agir. C'est plus que jamais vrai aujourd'hui.
Les acteurs privés s'adaptent. Nous l'avons vu récemment avec l'accord entre TF1 et Netflix, qui traduit une véritable acceptation de la part d'un acteur français de la nécessité de nouer des accords avec les plateformes.
Les acteurs publics doivent être en mesure de rester dans la course. C'est bien l'enjeu de la proposition de loi qui nous réunit aujourd'hui. Cela implique de porter une stratégie commune et de regrouper les moyens.
Ce texte est bien celui que nous avons voulu et porté au Sénat il y a deux ans, fruit du travail de la commission de la culture depuis de nombreuses années. Nul ne peut prétendre découvrir cette proposition de loi, d'autant que le texte transmis par l'Assemblée nationale est strictement identique à celui que nous avions adopté ici même il y a deux ans.
Le travail de la commission en seconde lecture s'est inscrit dans une grande fidélité à ce texte. Je remercie d'ailleurs pour leur implication, leur travail, ainsi que leur engagement, les deux rapporteurs qui se sont succédé, Jean-Raymond Hugonet et Cédric Vial.
L'objectif est clair : la mise en œuvre d'une stratégie unifiée, une mise en commun des moyens pour optimiser les investissements sans effacement des identités ni uniformisation des lignes éditoriales.
La structure mise en place devra rester légère et de coût limité pour que cette réforme parvienne à son objectif.
Sur le fond, les points restant en débat sont en fait assez limités. J'en relève principalement deux : la présence de France Médias Monde dans la holding et le maintien de la seconde partie du texte.
Concernant France Médias Monde, la commission de la culture a réaffirmé son souhait qu'elle soit présente dans la holding pour permettre à notre audiovisuel extérieur de bénéficier des synergies fortes rendues possibles par cette organisation commune.
Nous savons que, sur ce sujet, le débat transcende les groupes politiques. En revanche, il y a un point sur lequel nous serons d'accord : que l'on soit pour ou contre la holding, l'absence de France Médias Monde – et, d'une certaine manière, je le regrette – ne remettra pas en cause l'existence de cette holding. Je ne dirai évidemment pas la même chose de France Télévisions, de Radio France ou même de l'INA.
En ce qui concerne la seconde partie de la proposition de loi, la commission a souhaité la maintenir.
Elle comporte un nombre limité de dispositions visant à réduire les asymétries qui pénalisent les médias historiques, qu'ils soient privés ou publics, en termes de concurrence. Ces dispositions ont toute leur place dans le texte que nous examinons, notamment dans l'objectif de maintenir notre souveraineté. Elles sont en outre – je tiens à le dire – attendues par les entreprises du secteur, qui nous demandent depuis deux ans de maintenir cette partie du texte.
Pour conclure, je forme le vœu, mes chers collègues, que nos débats, après avoir un peu dévié depuis quinze heures, reviennent à la question centrale de l'audiovisuel public, de son avenir, du maintien de ses spécificités, de son adaptation aux nouvelles technologies et à son environnement concurrentiel actuel.
Ayons ce débat en toute sérénité, dans un esprit de responsabilité, avec l'exigence que mérite ce sujet fondamental pour notre souveraineté culturelle. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'Institut national de l'audiovisuel, l'INA, met à disposition les images d'archives dont il assure la conservation et le dépôt légal, avec des commentaires qui éclairent notre passé récent.
Ainsi, l'on peut regarder, sur son site, un entretien donné le 3 juillet 1974 par le Premier ministre de l'époque, Jacques Chirac, sur la réforme de l'Office de radiodiffusion-télévision française, l'ORTF.
Le président de la République d'alors, Valéry Giscard d'Estaing, voulait rénover la société française et considérait que l'ORTF devait y contribuer, en abandonnant son organisation trop verticale, sa centralisation excessive et en l'affranchissant d'une tutelle politique oppressante.
Jacques Chirac expliquait qu'il était indispensable de démanteler l'Office pour permettre à l'audiovisuel public de mieux affronter les défis futurs et qu'il devait être remplacé par des « unités à taille humaine » et des entités « autonomes et entièrement responsables » afin d'assurer leur indépendance et leur compétitivité.
Cinquante ans plus tard, la présente proposition de loi, à rebours de la réforme de 1974, recompose la centralité, la verticalité et le pouvoir d'un seul sur des entités qui ont pleinement mis à profit leur autonomie pour s'adapter, évoluer et progresser.
Pourquoi ce retour à l'ORTF ? (Sourires.) Quel est l'objectif politique de la reconstitution d'un combinat ?
L'audiovisuel public n'a pas démérité, bien au contraire. Alors que la demande a considérablement évolué et que les usages ont été bouleversés par les nouvelles technologies, le service public a su s'adapter pour devenir la référence d'une grande majorité de ses usagers.
Fidèle à ses missions, l'audiovisuel public propose des informations, des connaissances et des confrontations respectueuses du pluralisme et de la diversité des opinions, sans jamais oublier qu'il doit sa spécificité au rôle qui lui a été donné de contribuer à la formation de l'esprit critique de tous les citoyens.
Je souhaite remercier avec chaleur et sincérité tous les personnels de l'audiovisuel pour leur engagement au service de cette noble cause. Vous cherchez l'identité de la France ? Elle est là, dans cette volonté de s'affranchir des idées imposées comme des dogmes pour fournir à chacun les moyens de se forger sa propre opinion et de donner du sens à un monde dont l'évolution, aujourd'hui, nous échappe.
Ne pouvant citer toutes les productions qui, selon moi, ont participé avec force à cette mission, j'aimerais dire ma grande satisfaction de savoir que la série consacrée à l'affaire Dreyfus et produite par Philippe Collin pour France Inter a été téléchargée plusieurs millions de fois.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Une très bonne série !
M. Pierre Ouzoulias. La collection Face à l'Histoire, dont elle est tirée, cumule vingt-sept millions de téléchargements. L'émission Alfred Dreyfus, le combat de la République a sans doute beaucoup plus contribué à la lutte contre l'antisémitisme que tous nos discours et toutes nos lois.
Non, madame la ministre, l'audiovisuel public n'intéresse pas seulement les cadres supérieurs. Il a fait le pari de l'intelligence et ce pari est gagnant, car jamais les audiences de ses composantes n'ont été aussi élevées.
Je ne doute pas que, dans cet hémicycle, nous soyons tous réunis pour défendre l'audiovisuel public et lui donner les moyens de poursuivre sa mission de service public dans l'intérêt général de la Nation.
La seule question qui vaille maintenant est de se demander si la réorganisation que vous nous proposez est le moyen le plus efficace de le renforcer.
M. Roger Karoutchi. Oui !
M. Pierre Ouzoulias. Nous en doutons absolument et le débat qui vient nous permettra de démontrer que tel n'est pas le cas. (Applaudissements sur des travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Monique de Marco. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors qu'elle est restée en suspens pendant deux ans dans la navette parlementaire, alors qu'elle a été rejetée par l'Assemblée nationale il y a quelques jours, nous assistons aujourd'hui à votre obstination à ressusciter cette proposition de loi dont personne ne veut, y compris dans le camp présidentiel.
Nous voilà sommés de prendre part à cette parodie législative, au stade de la deuxième lecture, sans conduite d'auditions et désormais contraints par la règle de l'entonnoir. Quelle urgence justifie cette accélération de calendrier ?
Comme tout service public, nos chaînes audiovisuelles doivent se moderniser et s'adapter à la nouvelle donne numérique. Personne ne le conteste ici.
En réalité, depuis la création de France Télévisions en 1992, les sociétés de l'audiovisuel public sont déjà engagées dans la réforme, une réforme sans fin avec la remise en question perpétuelle de leurs conditions de travail.
Depuis la proposition de Franck Riester, alors ministre de la culture, la menace d'une fusion globale a alimenté une guerre des chefs au détriment des personnels. L'essence même de leur métier est constamment remise en cause. Nous apprenions encore hier que Delphine Ernotte allait dénoncer l'accord collectif.
Nous pourrions rejoindre vos constats : il faut adapter le cadre légal à la concurrence des plateformes et aux nouveaux moyens de diffusion de l'information. Notre commission d'enquête sur la concentration des médias en France avait fait des recommandations en ce sens, notamment pour intégrer le visionnage en ligne au calcul de l'audience.
Mais, sur l'ensemble des articles de ce texte, quelles dispositions participent réellement des réponses à apporter à ces questions ?
À la hâte, une ébauche d'étude d'impact a été commandée à Laurence Bloch pour tenter de justifier l'existence de ce texte. Préserver l'essence des métiers, monter en puissance sur le numérique, garantir la diversité des contenus : aucun des principes directeurs qu'elle énumérait comme garde-fou à la fusion dans une holding ne figure aujourd'hui dans ce texte. Nos amendements pour apporter de maigres garanties ont été systématiquement écartés en commission.
Vous proposez au contraire de donner un rôle exécutif à un seul dirigeant, avec un pouvoir de décision et d'action inédit. Les organisations syndicales n'ont pas été écoutées. Les parlementaires n'ont pas été écoutés. Même les auteurs de votre étude d'impact n'ont pas été écoutés. Qui écoutez-vous ?
Seuls les dirigeants des médias privés ont été entendus. L'indépendance des médias en ressort vraiment affaiblie.
L'esprit même de cette proposition de loi est dangereux pour quiconque prétend vouloir vivre en démocratie et défend la liberté d'expression.
Je vais essayer de vous convaincre, monsieur Lafon, monsieur Vial.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Essayez !
Mme Monique de Marco. Imaginez un instant que, contre tous vos pronostics électoraux, les écologistes l'emportent sur l'extrême droite à la prochaine élection présidentielle. (Sourires.)
Mme Colombe Brossel. Enfin !
Mme Monique de Marco. Imaginez un instant que, par un rebondissement historique, des personnalités de sensibilité écologiste prennent le pouvoir dans les groupes audiovisuels privés,…
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. C'est déjà le cas ! (Sourires.)
Mme Monique de Marco. … que ces dirigeants et dirigeantes partagent des dîners avec Marine Tondelier, devenue cheffe de l'État.
Imaginez que, dans le même temps, l'audiovisuel public soit devenu le bastion de la pensée conservatrice. Imaginez que Pascal Praud soit devenu le directeur des antennes de France Inter ! (Rires.)
Mme Laurence Rossignol. Ils adoreraient !
Mme Monique de Marco. Dans de telles circonstances, voteriez-vous un texte qui concentre dans les mains d'une seule personne les moyens de l'ensemble de l'audiovisuel public, ce texte qui accélère aussi, dans sa seconde partie, des opérations de concentration médiatique dans le privé ? En d'autres termes, cette proposition de loi est-elle autre chose qu'un texte de circonstance ?
Les clés de l'indépendance de l'audiovisuel public reposent sur deux piliers : l'indépendance politique, par une gouvernance plurielle, et l'indépendance financière, par un financement autonome stable à la hauteur des besoins. Nous n'avons ni l'un ni l'autre. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Pierre Ouzoulias et Mme Laurence Rossignol applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
Mme Sylvie Robert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, renforcement des moyens de l'audiovisuel public, aggiornamento de son modèle économique, place de l'audiovisuel public dans la lutte contre la désinformation et les ingérences étrangères – fléau informationnel du XXIe siècle –, distribution et diffusion à l'ère des plateformes – un sujet fondamental, comme en témoigne le récent accord entre France Télévisions et Prime Video –, révolution du podcast, nouveaux usages de la radio, rôle moteur de l'audiovisuel public en matière de pluralisme dans une société chaque jour plus polarisée, mission de service public toujours plus indispensable dans un paysage médiatique en pleine mutation : autant de questions cruciales que cette réforme élude totalement, alors qu'elles sont au cœur de toute ambition pour l'audiovisuel public.
À l'inverse, nous nous retrouvons à nous focaliser sur une discussion d'abord organisationnelle, à savoir sa gouvernance. Est-ce à dire qu'il ne faut pas en débattre ? Certainement pas. Est-ce à dire que la gouvernance doit être le prérequis et les prémisses de toute réflexion collective sur l'audiovisuel public ? Certainement pas.
« Le statu quo n'est plus possible » : voilà le nouveau slogan martelé par les partisans de ce texte, qui a pris le relais du fameux « BBC à la française ». Mais personne sur ces travées ne prône l'immobilisme, monsieur le rapporteur. Mes chers collègues, ne confondez pas tout : refuser cette réforme, c'est refuser un recul maquillé en modernisation.
Ainsi, notre opposition à cette proposition de loi tient au décalage entre ce qu'elle prétend être et ce qu'elle entraînera : en l'occurrence, un affaiblissement durable de l'audiovisuel public.
Pour commencer, je m'attarderai assez peu sur la méthode, que j'ai dénoncée maintes fois. Réformer la gouvernance ne peut pas se faire sans véritable concertation avec les professionnels ni étude d'impact. C'est une condition sine qua non pour rendre tout projet de transformation acceptable.
Or l'étude d'impact transmise par l'exécutif n'en est pas une. Au mieux se révèle-t-elle comme un vaste exposé des motifs. En tout cas, ce document finit par perdre toute crédibilité quand il est affirmé de manière péremptoire que créer une holding, mes chers collègues, ne coûtera rien ! C'est un point majeur qui, d'ailleurs, a été démenti, y compris dans le rapport pourtant pro domo de Laurence Bloch.
Ensuite, sur le fond, cette holding exécutive est un cheval de Troie. Elle est l'étape intermédiaire vers la fusion de l'audiovisuel public, objectif avoué à demi-mot. Souvenez-vous qu'à l'Assemblée nationale, le Gouvernement avait enfin abattu ses cartes avant de rétropédaler, faute de majorité.
Par-delà le contenu de cette proposition de loi, avec lequel nous sommes en profond désaccord, le mouvement qu'elle initie est particulièrement dangereux. Sous l'argument spécieux « en vous rassemblant, vous serez plus forts » se cache une double fragilisation de l'audiovisuel public : sur le volet budgétaire, d'une part, et sur celui de l'indépendance, d'autre part.
Sur le premier volet, qui peut croire sérieusement, dans le contexte actuel, que la holding ne coûtera rien ? La holding exécutive n'est-elle pas le meilleur moyen de réduire le budget alloué à l'audiovisuel public et de réduire ses effectifs ?
Il faut souligner que, depuis 2017, l'audiovisuel public a perdu 776 millions d'euros en valeur réelle. En 2025, 80 millions d'euros de crédits ont été annulés en cours d'exercice. Ceux qui défendent bec et ongles la réforme de la gouvernance au nom de sa modernisation sont les mêmes que ceux qui la condamnent dans les actes, en amputant constamment son budget.
Où est la cohérence ? Comment avoir confiance dans un gouvernement et une majorité sénatoriale qui vont à l'encontre des intérêts de l'audiovisuel public ?
L'horizon est d'autant plus sombre qu'aucune éclaircie n'est à attendre en 2026 dans la mesure où Bercy a d'ores et déjà ciblé l'audiovisuel public. Dans un contexte où les finances publiques sont particulièrement dégradées, transformer la gouvernance revient à l'affaiblir gravement. C'est offrir sur un plateau l'instrument parfait pour réaliser des économies.
Par ailleurs, c'est le second volet, cette réforme porte un risque évident en matière d'indépendance et de pluralisme, enjeu essentiel qui figure pourtant à l'article 5 du règlement européen sur la liberté des médias.
Si, en l'état, les apparences sont sauves d'un point de vue juridique, notamment en ce qui concerne la procédure de nomination du président-directeur général, aucun garde-fou robuste ne prévient l'éventuelle proximité entre l'exécutif et le futur ou la future PDG.
Pire, le rapport de Laurence Bloch, qui préfigure concrètement cette gouvernance, va plus loin : il évoque même un unique directeur de l'information.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Non !
Mme Sylvie Robert. Une telle évolution, qui n'est rien d'autre qu'un verrouillage de l'information, est une ligne rouge pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
À l'international, nous ne pouvons pas critiquer et pointer du doigt les États qui mettent la main sur l'audiovisuel public et, en même temps, à l'échelle nationale, établir une gouvernance qui ouvre la voie à cette mainmise. C'est d'une incohérence totale.
Ces deux raisons principales, budgétaire et de principe, n'épuisent pas les motifs de notre rejet de cette proposition de loi.
L'audiovisuel public me semble être devenu le prisonnier d'une triple coalition qui lui est pernicieuse.
Il y a celles et ceux qui, dans une logique ultralibérale, s'attaquent au service public de l'audiovisuel, comme, au demeurant, à l'ensemble des services publics.
Il y a celles et ceux qui veulent en profiter pour faire – je l'ai entendu en commission – le procès de l'audiovisuel public, formulation que nous avons entendue.
Mme Laurence Rossignol. Qui a dit cela ?...
Mme Sylvie Robert. Enfin, il y a celles et ceux qui, au nom d'un agenda personnel, veulent coûte que coûte un texte, indépendamment de son contenu.
Pour terminer, je dirai simplement que le meilleur indicateur de la direction vers laquelle tend cette proposition de loi est d'observer ses soutiens. Lorsque le Rassemblement national, qui veut privatiser l'audiovisuel public, se montre favorable à l'adoption rapide de ce texte, tout devient limpide. (Mme Laurence Rossignol renchérit.)
Mes chers collègues, c'est une bataille culturelle qui se joue ici, dans cet hémicycle. Voter ce texte, ce sera simplement faire le jeu de ceux qui veulent détruire notre audiovisuel public. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
Mme Laurence Rossignol. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Laure Darcos. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture, dans des conditions pour le moins rocambolesques, la réforme de l'audiovisuel public.
Cela fait déjà plusieurs années que notre Chambre s'est saisie de cette question. Je pense notamment au rapport d'information des sénateurs Jean-Pierre Leleux et André Gattolin, paru en 2015, sous la houlette de la présidente de la commission de l'époque, Catherine Morin-Desailly, ainsi qu'à celui de Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet, publié en 2022.
Il y a eu, bien sûr, la tentative de réforme menée par le ministre Franck Riester, qui fut interrompue par la crise sanitaire.
C'est dans ce contexte qu'a été déposée la présente proposition de loi, dont je salue l'auteur, Laurent Lafon. Le Sénat l'a adoptée il y a déjà deux ans en première lecture, mais son examen à l'Assemblée nationale a tourné court.
L'audiovisuel public est aujourd'hui régi par la loi Léotard, qui date de 1986. Depuis l'adoption de cette loi, notre société et nos médias ont fait l'objet de transformations majeures, comme beaucoup d'entre vous l'ont dit avant moi. Que ce soit l'émergence des réseaux sociaux, les smartphones, l'internet ou encore les tablettes, la situation a bien changé en l'espace de quarante ans. Il est donc essentiel de nous adapter.
Nous le savons tous, le cœur de la réforme était la création d'une holding, France Médias, qui regrouperait France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'INA.
Néanmoins, je pense sincèrement que l'ambition d'origine s'est muée en une future fusion qui ne dit pas son nom et que sa raison d'être se borne à avoir un grand « manitou » à la tête de cette nouvelle instance et des sociétés qui la composeront. Ce n'est plus du tout le texte de la première lecture que j'avais voté bien volontiers en 2023. (Ah ! sur les travées du groupe SER.)
J'ai aujourd'hui une pensée pour les dirigeants de ces sociétés, Sibyle Veil, Delphine Ernotte, Marie-Christine Saragosse et Laurent Vallet, qui ont fait l'objet d'attaques regrettables, alors qu'ils n'ont pas démérité dans leurs fonctions, tant s'en faut, et qu'ils seront sans doute tout bonnement remerciés si ce texte est adopté définitivement.
M. Pierre Ouzoulias. Très bien ! (M. David Ros renchérit.)
Mme Laure Darcos. Seule exception, France Médias Monde, qui devait initialement intégrer la holding, pourrait y échapper si les nombreux amendements déposés en ce sens sont adoptés. Nous pouvons nous en réjouir compte tenu des particularités de cette structure sur le plan international.
Dès lors, au regard des évolutions contenues dans le texte, il nous appartiendra de veiller à ce que chacune des composantes de cette nouvelle holding conserve son âme et ses spécificités, en espérant que nous ne reviendrons pas à la bonne vieille ORTF.
À cet effet, nous devrons être vigilants sur les dispositions de cette proposition de loi qui portent sur la direction de la holding et de ses sociétés. Chacune d'elles doit pouvoir être dotée de responsables qui ne seront pas les simples délégués du PDG de France Médias. Il y va de la richesse de cet audiovisuel public français.
Par ailleurs, je n'ai toujours pas compris comment, dans la foulée de la création de cette holding, la gouvernance de France Médias pourrait procéder à des redécoupages en filiales inter-sociétés avec les difficultés de fusionner les grilles salariales et les statuts des journalistes et des fonctions support, si différents d'une société à l'autre. Tout cela sans aucune étude d'impact, faut-il le rappeler…
J'ajoute que la présente réforme intervient dans un contexte budgétaire particulier. La suppression de la contribution à l'audiovisuel public en 2022 partait d'un principe louable, bien que je m'y sois vivement opposée pendant la campagne présidentielle.
Comme prévu, elle a eu des conséquences non négligeables. La loi organique du 13 décembre 2024 portant réforme du financement de l'audiovisuel public a permis d'apporter une première réponse, mais est-ce suffisant ? Trois ans après la suppression de la redevance télé, Bercy cherche encore à réaliser des économies.
La création de la holding devrait permettre la mutualisation de fonctions support. Selon les estimations de l'inspection générale des finances, cela pourrait générer 10 millions d'euros de gains par an. Nous le verrons bien.
Par ailleurs, je tiens à alerter sur la nécessité de retirer de ce texte les dispositions relatives à l'audiovisuel privé, qui doit bénéficier d'une réforme distincte afin de mieux prendre en compte ses spécificités. Le privé et le public font face à des problématiques différentes. Chaque secteur mérite un texte qui y réponde avec efficacité et de façon adaptée.
Comme vous pouvez le constater, mon avis et celui de mes collègues du groupe Les Indépendants deviennent de plus en plus mitigés au fur et à mesure de l'avancement de l'examen de ce texte, qui accouche dans la douleur. Nous attendons avec intérêt nos échanges lors de la discussion des amendements pour éclaircir certains points cruciaux. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées des groupes SER et GEST. – MM. Bernard Fialaire et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le président, mes chers collègues, pour un peu, madame la ministre, on se pincerait pour y croire. (Sourires au banc des commissions.)
J'ai vu passer à basse altitude, sur ce banc, pas moins de quatre ministres de la culture depuis 2017 (M. Roger Karoutchi renchérit.) sans qu'aucun ait été capable de faire avancer de façon significative la situation de l'audiovisuel, notamment public, dans notre pays,…
Mme Laurence Rossignol. Ils défendaient l'audiovisuel public !
M. Jean-Raymond Hugonet. … et voilà que, le 11 janvier 2024, vous débarquez rue de Valois.
Comme par enchantement (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et GEST.), tout ce qui était impensable, impossible, voire littéralement proscrit dans ce monde merveilleux, devient d'un seul coup réalité. Telle Mary Poppins, vous osez vous attaquer au totem absolu : l'audiovisuel public.
Tirant les leçons de tant d'années d'inaction ou d'errance, dans un contexte où la transition numérique et les plateformes, elles, n'attendent pas, vous avez choisi d'avancer résolument, contre vents et marées. Il était effectivement plus que temps.
Qu'à cela ne tienne, en la matière, le Sénat regorge d'idées et de propositions, déjà sur étagères depuis bien longtemps. Il n'y a même, à vrai dire, que l'embarras du choix.
Citons tout d'abord une période ancestrale, avec le rapport d'information du 29 septembre 2015 de nos anciens collègues de la commission de la culture, Jean-Pierre Leleux et André Gattolin, alors sous la présidence de Catherine Morin-Desailly, que je veux ici saluer, qui préconisait déjà, il y a donc dix ans, la création d'une holding.
M. Max Brisson. Eh oui !
M. Jean-Raymond Hugonet. Passons ensuite au rayon du disruptif – c'est à la mode – avec le rapport d'information du 8 juin 2022 de Roger Karoutchi et de votre serviteur, qui recommandait la solution de bon sens à laquelle il faudra bien sûr se résoudre un jour : je veux parler de la fusion.
M. Max Brisson. Un excellent rapport !
M. Jean-Raymond Hugonet. Finalement, pour des raisons assez évidentes de temporalité, vous avez souhaité vous appuyer sur la contribution la plus récente, c'est-à-dire la proposition de loi standard du président de la commission de la culture, Laurent Lafon, déjà adoptée ici au Sénat en première lecture le 13 juin 2023.
Disons-le tout de suite, afin de tordre le cou aux caricatures d'un autre âge : pour une écrasante majorité d'entre nous ici, nous sommes très attachés à l'existence d'un audiovisuel public fort, indépendant et s'adressant à tous les Français.
M. Max Brisson. Très bien !
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Absolument !
M. Jean-Raymond Hugonet. Nous considérons cependant, comme le Président de la République en son temps d'ailleurs, que l'audiovisuel public n'est pas exemplaire, tant s'en faut. (Ah ! sur les travées du groupe SER.)
Mme Laurence Rossignol. Nous y voilà !
M. Jean-Raymond Hugonet. Pour le dire de façon tout à fait diplomatique, il conserve des marges de progression pour développer des programmes plus originaux, pour veiller – quand même – à l'impartialité de l'information…
M. Max Brisson. Absolument !
M. Jean-Raymond Hugonet. … et pour s'astreindre à une gestion économe des deniers publics.
M. Max Brisson. Absolument !
M. Jean-Raymond Hugonet. Par les temps qui courent, admettez que cela ne peut pas faire de mal.
Bien sûr, les partisans du surplace, les adeptes des mutualisations à reculons, les nostalgiques des contrats d'objectifs et de moyens creux comme des huîtres (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) font feu de tout bois pour tenter de ralentir l'inéluctable sens de l'Histoire.
C'est mal vous connaître, madame la ministre.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Choupinou!
M. Jean-Raymond Hugonet. Ce type de comportement rétrograde, vous, cela vous inspire.
Mme Laurence Rossignol. Flatteur !
M. Jean-Raymond Hugonet. En l'espèce, reconnaissons-le, vous avez réalisé un véritable coup de génie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Un coup de force plutôt !
Mme Laurence Rossignol. Cela devient gênant !
Mme Colombe Brossel. On va les laisser…
M. Jean-Raymond Hugonet. Jusqu'ici, nous connaissions la conversion de Saint-Paul de Tarse sur le chemin de Damas. Désormais, il y aura la conversion de Laurence Bloch sur la route du PAF. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Rossignol. Vous voulez qu'on vous laisse ?
M. Jean-Raymond Hugonet. Lorsque j'ai eu l'honneur de représenter pendant cinq ans le Sénat au conseil d'administration de Radio France, l'occasion m'a été donnée de côtoyer l'ancienne directrice de France Inter – excusez du peu. C'était alors une farouche opposante à ce type de réforme. Comme par enchantement, il a suffi que vous surgissiez en lui confiant un rapport d'accompagnement à la constitution d'une holding France Médias pour voir ses dernières réticences s'évaporer dans un vibrant plaidoyer. Elle est même devenue intarissable sur le sujet.
Soyons clairs ! Oui, l'éparpillement de l'audiovisuel français est une aberration en Europe. Oui, il montre chaque jour un peu plus ses limites. Oui, la multiplication des présidents, des directeurs, des rédactions, des correspondants à l'étranger, des sites internet, des directions régionales et locales est devenue insupportable. L'impatience a depuis longtemps cédé la place à l'exaspération, si ce n'est à la colère.
Oui, madame la ministre, nous allons voter pour la seconde fois ce texte et nous attendrons avec gourmandise la nouvelle saison de cette incroyable série. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me souviens d'avoir dit dans cet hémicycle, il y a quatre ou cinq ans, qu'en matière d'audiovisuel public, nous devrions d'abord tenir un débat parlementaire – il a toujours été reporté – sur son périmètre, ses missions et ce que, au fond, nous attendons de lui.
Au fond, donc, qu'attend-on de l'audiovisuel public ?
Aujourd'hui, les chaînes et les plateformes se sont multipliées. Au temps de l'ORTF, quand le service public ne fonctionnait pas, il y avait simplement une mire à la télévision, alors que l'offre actuelle est considérable et très diversifiée.
Il faut que l'audiovisuel public se pose d'ailleurs lui-même les questions : comment être mieux géré ? comment répondre davantage aux attentes du public ? comment être à la disposition de l'ensemble des Français pour apporter quelque chose, sachant qu'il est financé par l'argent public ?
J'ai entendu deux ou trois intervenants dire tout à l'heure qu'il ne fallait surtout pas toucher à l'audiovisuel public, car il s'agissait d'un contre-pouvoir. Pour moi, que le gouvernement soit de gauche, de droite ou du centre, l'audiovisuel public n'a pas à être un contre-pouvoir : il doit être indépendant et apporter un service public à l'ensemble des Français. (M. Max Brisson acquiesce.)
Si vous dites qu'il doit se poser en contre-pouvoir, c'est que vous acceptez vous-même l'idée qu'il doit être politiquement orienté, ce qui n'est pas acceptable.
M. Yannick Jadot. Ce n'est pas cela, un contre-pouvoir ! (M. Max Brisson s'exclame.)
M. Roger Karoutchi. Restons très mesurés en la matière.
Nous avons, avec mon excellent collègue Jean-Raymond Hugonet, produit un rapport voilà trois ans – ce n'est pas si vieux, madame la ministre (Sourires.) –, prônant plutôt la fusion, mais je me rallie à l'idée du président Lafon, qui est de passer par une première étape, avec la coordination par une holding, puis de réfléchir dans les années suivantes à une éventuelle fusion.
Je mets juste un bémol, madame la ministre, sur lequel j'aurai l'occasion de revenir à la faveur d'un amendement que j'ai déposé. Je considère que le calendrier ne permet pas d'intégrer dans le périmètre l'audiovisuel public extérieur. France Médias Monde est une structure tournée vers l'étranger. À ce titre, elle a une responsabilité quant à la diffusion de la parole et de la voix de la France. Aussi, il est extrêmement compliqué de l'intégrer très rapidement dans une structure du type de la holding. Peut-être que, dans quelques années, lorsque les choses seront stabilisées, nous pourrons voir comment renforcer l'audiovisuel public extérieur, qui a d'ailleurs besoin de moyens supplémentaires, madame la ministre.
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
M. Roger Karoutchi. Je le répète lors de chaque débat budgétaire : face à la désinformation, face à des chaînes financées par des pays autoritaires qui luttent contre l'influence, la présence, la réalité de la France, nous devons avoir un audiovisuel public extérieur plus puissant que ce qu'il n'est aujourd'hui.
Pour résumer, je souhaite, dans un premier temps, que nous n'intégrions pas France Médias Monde dans la holding. Dans un deuxième temps, madame la ministre, il faudra qu'un rééquilibrage s'opère, avec un peu plus de moyens pour l'audiovisuel public extérieur, qui, lui, n'est pas en situation de monopole et qui est très attaqué par certains États étrangers. Il a par conséquent besoin de soutien.
Ce texte apporte juste un peu de coordination. Cessons les anathèmes. Ne prenons pas l'audiovisuel public pour un totem. Il a besoin d'être réformé, rénové et conforté dans certains domaines, mais aussi d'être orienté vers un peu plus de neutralité. Tout cela mérite un vrai débat et j'espère que nous allons l'avoir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle
Chapitre Ier
Réforme de l'audiovisuel public
M. le président. L'amendement n° 234, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Dans l'intitulé de cette division
Remplacer le mot :
Réforme
par le mot :
Fragilisation
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Le présent amendement du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires vise à mettre en lumière le véritable risque de la réforme de l'audiovisuel public, à savoir sa fragilisation.
Sous couvert d'arguments flous – « rassembler les synergies », « renforcer l'audiovisuel public face aux plateformes » –, ce rapprochement par le haut des sociétés de notre audiovisuel public fait peser une lourde menace sur l'indépendance de l'audiovisuel public à l'égard du pouvoir politique, en plaçant les quatre sociétés concernées sous l'égide d'un seul et même président-directeur général. Le risque d'une mainmise de l'exécutif sur le service public de l'information est d'autant plus inquiétant au regard de la montée du populisme d'extrême droite en France et de ses ambitions présidentielles.
Cette logique de concentration, unanimement décriée par les syndicats de journalistes et de salariés, entraîne nécessairement un affaiblissement du pluralisme de l'information. Elle risque de permettre la suppression des programmes, l'accélération des fusions imposées aux salariés et venues d'en haut, la baisse des effectifs, la dégradation des conditions de travail et les externalisations de programmes.
Dans un contexte de menace sur l'information, de concentration des médias dans les mains de quelques-uns et de montée des fake news, la préservation de la diversité et de la pluralité des rédactions, des antennes et des contenus est une nécessité démocratique.
C'est pour cette raison que nous proposons de modifier l'intitulé de cette division en remplaçant le terme « réforme » par le terme « fragilisation ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Cédric Vial, rapporteur. Mme de Marco nous a prouvé lors de la discussion générale qu'elle avait beaucoup d'imagination. Cet amendement en apporte de nouveau la preuve. C'est évidemment un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, ministre. Même avis.
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.
M. Yannick Jadot. Mes chers collègues, je soutiens cet amendement, parce que j'ai entendu un certain nombre de propos qui peuvent légitimement nous inquiéter. Il y a trop souvent une forme d'esprit de revanche de la droite contre l'audiovisuel public et sa prétendue partialité. En gros, il se disent : nous allons les mettre au pas sur la neutralité ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Antoine Lefèvre. Fantasmes !
M. Yannick Jadot. Pendant les jours de grève, quand vous ne pouvez pas écouter la radio que vous écoutez habituellement le matin, vous devez vous résoudre à écouter les autres radios. Vous, visiblement, vous n'avez pas ce genre de problème avec le groupe Bolloré et la libération de la parole raciste, homophobe, climatosceptique.
M. Roger Karoutchi. Qu'est-ce qu'il raconte ?
M. Yannick Jadot. J'ai entendu aussi des critiques – pas de votre part, monsieur Karoutchi, mais d'autres collègues –, sur la dimension extérieure, aussi, de France Télévisions et de Radio France.
Les journalistes, notamment des femmes, qui sont sur les zones de guerre pour nous dire ce qui se passe, ne travaillent pas sur les chaînes privées. Ils sont sur l'audiovisuel public et ils mettent leur vie en danger pour nous informer sur la complexité du monde. C'est cela, le service public que nous voulons défendre. Alors, cessez de faire preuve de cet esprit de revanche un peu ridicule et honorez le service public et celles et ceux qui le font vivre tous les jours. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
M. Antoine Lefèvre. Il n'y a pas d'esprit de revanche !
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Nous entrons là dans le fond du texte, avec l'amendement de Mme de Marco, puis avec l'article 1er sur la création de la holding.
J'espère que les réponses du rapporteur vont être un peu plus étayées, cher Cédric Vial. Je pense que, depuis le départ, nous nous sommes trompés de méthode. J'ai entendu un de nos collègues – vous, monsieur Karoutchi – dire que nous aurions dû d'abord avoir un débat.
M. Roger Karoutchi. C'est vous qui l'avez refusé !
Mme Sylvie Robert. Un débat sur le thème : qu'attendons-nous de cet audiovisuel public ? quelle est la vision stratégique que nous devons avoir aujourd'hui, en 2025 ? Je dis bien aujourd'hui, et pas il y a deux ou trois ans, car les évolutions sont rapides. Le rapport aux plateformes est très important. Regardez les accords de distribution qui se sont développés récemment.
Eh oui, nous aurions eu besoin, d'abord, entre nous, dans cet hémicycle, d'un débat sur l'audiovisuel public. Quelle vision stratégique voulons-nous pour cet audiovisuel public ? Quel objectif lui assignons-nous ? Quels moyens lui donnons-nous ?
Or que nous propose-t-on aujourd'hui ? Créer une super-holding en croyant que la gouvernance va régler tous les problèmes. Mais c'est un non-sens ! Pire, même ! C'est pourquoi j'attends des arguments pour nous convaincre qu'une modification de gouvernance est réellement susceptible de répondre à toutes les problématiques que j'ai citées.
Enfin, nous avons aussi été taxés d'immobilisme. Nous sommes tout à fait conscients, monsieur le rapporteur, des évolutions des pratiques des jeunes. Mais croyez-vous que, demain matin, quand France Inter va être dans la holding, tous les jeunes vont écouter cette station ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Rachida Dati, ministre. Ce n'est pas ce que nous avons dit !
Mme Sylvie Robert. Vous êtes pris à votre propre jeu !
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, il va falloir que vous nous disiez réellement ce qu'implique cette gouvernance. J'espère que le débat nous éclairera à cet égard.
M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.
Mme Colombe Brossel. Comme cela a été le cas en commission, où il a été balayé d'un revers de main, on pourrait se dire que cet amendement proposé par notre collègue Monique de Marco est anecdotique. En fait, en posant les mots, elle pose finalement la vraie question.
Est-ce que le projet que nous allons examiner, qui n'est pas, j'y insiste, la proposition de loi de Laurent Lafon, a vocation à renforcer ou à affaiblir l'audiovisuel public ? Finalement, je vous remercie, chère Monique de Marco, de poser la seule question qui vaille.
Nous avons commencé à développer notre position, et nous continuerons à le faire tout au long du débat : pour nous, cette concentration des pouvoirs dans cette holding exécutive n'a vocation qu'à affaiblir l'audiovisuel public. Vous pourrez essayer de vous cacher derrière votre petit doigt en disant le contraire et en vous proclamant soutiens de l'audiovisuel public, je n'en démordrai pas. Écoutez plutôt les quelques phrases que j'ai entendues çà et là : « Où est le pluralisme ? Pas dans l'audiovisuel public » ; « À force de dérives, à force d'attaques systématiques, des collègues ont un sentiment de ras-le-bol vis-à-vis de l'audiovisuel public. » ; « Il faut que l'audiovisuel public revienne sur des règles déontologiques dont il s'éloigne trop souvent » ; « Il n'y a pas d'équilibre dans l'audiovisuel public. »
Ce sont des mots qui ont été prononcés par des collègues qui s'engagent aujourd'hui non pas à réformer l'audiovisuel public, non pas à l'adapter aux temps actuels, mais à l'affaiblir, pour répondre aux convictions qu'ils ont exprimées librement en public.
Aussi, je le répète, chère Monique de Marco, je vous remercie d'avoir posé, avant même l'article 1er, les objectifs non cachés, mais pas non plus avoués, de cette réforme.
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.
M. Yan Chantrel. Effectivement, avec cet amendement, notre collègue a raison d'annoncer la fragilisation de l'audiovisuel public, car cette proposition de loi va justement engendrer à court et moyen termes des coûts supplémentaires. J'ai tendance à penser que vous êtes victimes de l'hubris réformatrice, qui aboutit à des non-sens entrepreneuriaux. Nous le savons, créer une structure supplémentaire pour chapeauter cette holding devra mobiliser entre vingt et cinquante personnes de plus au bas mot. Tout changement de présidence induit d'ores et déjà le gel des projets en cours, six mois avant et six mois après l'échéance des mandats et pendant la période transitoire. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles les présidentes de France Télévisions et de Radio France, conscientes de ces écueils, militent fermement contre la holding.
Même sur le long terme, cette nouvelle holding, qui constitue une mégastructure, entraînera des charges de fonctionnement et de personnel considérables. Une transformation des structures de l'audiovisuel public doit s'accompagner, voire être précédée d'une refonte de son financement. Or ce mécanisme de financement demeure incertain au-delà de la fin de 2024. L'abolition de la contribution à l'audiovisuel public à compter de l'exercice budgétaire 2023, dispositif adopté de manière provisoire, fait que le maintien même du financement de l'audiovisuel public par une fraction de TVA doit passer par une modification de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf).
La transformation opérée par la proposition de loi et la conservation de ce mode de financement ne résoudront en aucune façon, mes chers collègues, les vulnérabilités du secteur liées à une insuffisance chronique de financement depuis des années. Nous devons cette fragilité à l'irresponsabilité politique de votre gouvernement, madame la ministre. Vous avez organisé cette précarité en dérogeant à l'obligation légale d'augmentation annuelle de la redevance, avant de procéder à sa suppression totale, et en improvisant une solution temporaire de financement du secteur audiovisuel public par l'allocation d'une portion de TVA, ce qui le place sous la dépendance de la volonté gouvernementale.
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Chère Colombe Brossel, vous parlez de propos tenus en commission par « des collègues ». Or, « ces collègues » dont il est question, c'est moi ! Je ne vois aucune difficulté à être cité.
Après avoir entendu des attaques en règle contre ce texte, qui est bien celui de Laurent Lafon, et non pas celui de Mme la ministre, j'ai en effet dit que l'on pouvait aussi critiquer certaines émissions de l'audiovisuel public. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s'exclame.) À ce moment-là, j'ai entendu des cris d'orfraie. C'est un totem auquel nous n'aurions pas le droit de toucher ou qui ne pourrait être critiqué.
Oui, on a le droit de critiquer certaines émissions, comme on a le droit de critiquer CNews, BFM (Exclamations ironiques sur les travées du groupe GEST.), ou toute autre chaîne d'information, de radio ou de télévision publique.
Je le redis clairement aujourd'hui, certaines émissions de l'audiovisuel public me semblent s'éloigner du rôle qui devrait être le leur.
Monsieur Jadot, j'ai bien entendu votre aveu lors d'une intervention précédente : vous avez en effet indiqué que votre vision de l'audiovisuel public était celle d'un contre-pouvoir par rapport aux groupes privés. Non, ce n'est pas la mission de l'audiovisuel public d'être un contre-pouvoir. Nous attendons de lui de la neutralité, nous attendons de lui de l'objectivité ; nous attendons de lui d'être la parole de l'ensemble des composantes de la vie politique, économique et sociale française, ce qui ne me semble pas être le cas parfois.
Je peux dire cela tout en étant partisan de l'audiovisuel public, ce que je confirmerai tout à l'heure.
Maintenant, revenons un peu au texte. Vous nous demandez de dire expressément que cette proposition de loi vise la fragilisation de l'audiovisuel public. Si je puis me permettre, cher Laurent Lafon, c'est lui faire beaucoup d'honneur que d'imaginer que votre texte a une telle dimension. Il s'agit juste d'une proposition de loi qui a pour objet de créer une holding. Ne faisons pas dire à ce texte ce qu'il ne dit pas. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Michel Canévet. Que du bon sens !
M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, pour explication de vote.
Mme Karine Daniel. Nous aurons l'occasion de discuter plus tard des enjeux démocratiques et de pluralité, mais je voudrais revenir sur cette croyance économique et managériale selon laquelle plus on est gros, plus on est performant dans ces deux dimensions.
Je le dis en tant qu'économiste, c'est une idée qui prévalait voilà dix ou quinze ans. Aujourd'hui, nous savons que, dans le monde tel qu'il est, avec les enjeux induits par la rapidité des développements technologiques, notamment sur le numérique, ce n'est plus du tout vrai.
Au contraire, l'agilité repose de plus en plus sur des structures pilotables et réactives. Nous pouvons le constater avec les performances que font les radios publiques grâce à leur agilité et leur facilité à se mouvoir, y compris dans l'espace numérique.
Aussi, mes chers collègues, je vous invite à revenir sur cette croyance, qui n'a absolument plus cours dans le monde économique actuel. Il n'y a qu'à voir le développement des start-up dans les différents domaines, et notamment dans l'audiovisuel public. J'y insiste, tout est une question d'agilité, et ce n'est pas parce que l'on est gros que l'on est forcément performant. En effet, ce qui apparaît gros au niveau national sera toujours trop petit au regard de la concurrence internationale. En revanche, nous aurons fait perdre en agilité à des structures qui, aujourd'hui, savent se positionner habilement dans leur contexte et dans leur environnement.
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Tout à l'heure, M. le rapporteur a eu des mots un petit peu ironiques sur l'amendement de Mme de Marco. Pourtant, je trouve plutôt intéressant qu'il s'agisse justement du premier amendement de cette discussion, puisqu'il pose les termes du débat de fond. Quelles vont être les conséquences de cette réforme ? Avec cette holding, allons-nous améliorer, renforcer l'audiovisuel public ou allons-nous le fragiliser ? Tout le débat est là.
Nous, nous pensons que ce qui est proposé, sur le fond et sur la forme, va particulièrement fragiliser l'audiovisuel public en portant atteinte à sa diversité. Or c'est cette diversité qui fait justement l'audiovisuel public.
Oui, c'est un contre-pouvoir, et il faut l'assumer. Heureusement qu'il y a des contre-pouvoirs ! C'est évidemment cette diversité qui fait aussi notre démocratie. Et dans toute démocratie, il y a des contre-pouvoirs.
Nous voyons bien votre volonté d'effacer totalement cela, de niveler par le bas, de ne voir qu'une seule tête (M. Roger Karoutchi proteste.) Quel est le but de ce texte, si ce n'est de vouloir contrôler ?
Oui, les enquêtes d'investigation sur le Président de la République ou d'autres, qui apportent leur lot de révélations, c'est bien le rôle d'un service public indépendant. C'est effectivement un contre-pouvoir. Ne le nions pas !
Enfin, nous avons entamé l'examen de ce texte depuis plusieurs heures, et je n'ai pas encore entendu Mme la ministre, si ce n'est lors de la discussion générale.
M. Roger Karoutchi. Elle en a le droit !
M. Guillaume Gontard. Nous avons depuis lors examiné trois motions. J'aimerais bien savoir ce qu'elle pense, ce qu'elle souhaite, quelles sont ses orientations. Plusieurs questions lui ont été posées et pour l'instant, c'est silence radio !
M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour explication de vote.
Mme Corinne Narassiguin. Je voudrais à mon tour remercier Monique de Marco pour cet amendement. Oui, il s'agit bien, avec cette réforme, de fragiliser l'audiovisuel public et d'affaiblir le pluralisme dans l'information.
Faire à plusieurs reprises le lien entre immigration et punaises de lit, marteler, sans provoquer aucune réaction, que l'immigration tue, avoir 47,5 % de téléspectateurs qui ont voté pour Marine Le Pen ou Éric Zemmour : ce palmarès est non pas celui de l'audiovisuel public, mais bien celui de la chaîne d'information CNews, mise en garde à plusieurs reprises par le Conseil d'État et l'Arcom sur le manque de pluralisme des opinions sur son plateau.
Alors, permettez-moi de m'étonner, mes chers collègues, madame la ministre, de votre sens des priorités. Votre priorité numéro un, aujourd'hui, c'est donc de vous attaquer aux médias publics, qui respectent le pluralisme, tout en assurant un véritable service public de l'information. Notre priorité, mes chers collègues, devrait être d'interdire dans un média les propos xénophobes et les appels à la haine envers une catégorie de population. Notre priorité devrait être de lutter contre la division, la peur de l'autre, de la différence,…
M. Max Brisson. Il y a la loi pour cela !
Mme Corinne Narassiguin. … la peur de l'étranger, qui sont sans cesse alimentées par certains médias.
M. Max Brisson. Fantasmes !
Mme Corinne Narassiguin. En tant qu'élus, notre priorité devrait être d'assurer la cohésion républicaine et d'éviter de monter nos concitoyens les uns contre les autres. C'est ce que vous continuez à faire avec ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour explication de vote.
Mme Mélanie Vogel. Effectivement, cet amendement peut paraître un peu original, mais il pose en réalité la question centrale : quel est l'objectif de cette proposition de loi et quels vont être ses effets ? Est-ce que, comme il est précisé dans son exposé des motifs, elle va renforcer l'audiovisuel public ou bien, comme nous le pensons, elle va le fragiliser ?
Les prises de parole venant de la droite de cet hémicycle montrent qu'il y a un certain nombre d'ambiguïtés dans la manière dont vous appréhendez, mes chers collègues, le rôle non seulement de l'audiovisuel public, mais aussi des médias en général.
M. Max Brisson. On n'a peu parlé pour l'instant.
Mme Mélanie Vogel. Très bien, mais vous me permettrez de finir.
Vous trouvez notamment bizarre que les écologistes considèrent l'audiovisuel public comme un contre-pouvoir, nous accusant de reconnaître ainsi qu'il serait politisé, alors qu'il devrait être neutre. Selon vous, il serait contradictoire d'être un contre-pouvoir dans une société démocratique et d'être politisé. Vous prétendez également que le rôle des médias et de la presse publique n'est pas d'être des contre-pouvoirs.
Je veux juste vous lire la définition du contre-pouvoir donnée par l'Académie française. Je prends l'Académie française, parce que je pense que tout le monde ici peut s'accorder sur le fait que cette institution n'est pas exactement un repère de gauchistes tout à fait alignés avec les écologistes…
M. Roger Karoutchi. On ne sait pas ! (Rires.)
Mme Mélanie Vogel. Qu'est-ce qu'un contre-pouvoir selon l'Académie française ? C'est un « pouvoir de fait face au pouvoir légal. Les syndicats, la presse constituent des contre-pouvoirs ». Quand nous considérons que l'audiovisuel public doit pouvoir garder ce rôle de contre-pouvoir, nous ne disons rien d'autre que ce que disait Montesquieu sur les démocraties, au sein desquelles les pouvoirs doivent s'équilibrer.
Cela ne veut absolument pas dire qu'ils sont partisans. Ils sont là pour éviter tout abus de pouvoir. Les contre-pouvoirs servent à poser des limites au pouvoir. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Cédric Vial, rapporteur. Puisque vous m'y invitez, allons-y ! J'avoue que je ne m'attendais pas à un débat aussi long sur cet amendement, qui propose d'écrire que ce texte est une loi de fragilisation de l'audiovisuel public.
Si vous pensez que cet amendement mérite un débat, c'est donc que vous imaginez que notre assemblée est capable de le voter. Je pensais entendre des propositions un peu plus pertinentes et je commence à m'impatienter, peut-être à tort.
Je vais quand même répondre sur deux ou trois éléments que j'ai entendus.
Mme Daniel a évoqué la fin de la loi du plus gros. Avec tout le respect que j'ai pour ceux qui le sont – vous comprendrez forcément mon point de vue (Rires.) –, je lui objecterai que là n'est pas la question. L'important, c'est la capacité à s'adapter. Celui qui gagne, ce n'est pas le plus fort, c'est celui qui sait s'adapter. Je crois que c'est George Bernard Shaw qui disait : « L'homme raisonnable s'adapte au monde. L'homme déraisonnable essaie d'adapter le monde à lui-même. »
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Très bien !
M. Cédric Vial, rapporteur. Pour nous, cette réforme est raisonnable en ce qu'elle pousse le service public de l'audiovisuel à s'adapter au monde tel qu'il est. Certains d'entre vous voudraient que le monde reste ce qu'il était et que le service public reste également ce qu'il était pour correspondre à un monde qui n'existe plus. C'est bien là le problème.
Quel service public de l'audiovisuel voulons-nous ? La question a du sens.
Nous, nous voulons un service public qui soit de notre époque et plus de l'époque que nous avons connue. Nous pouvons éventuellement le regretter. Moi aussi, j'ai adoré cette période où…
M. Max Brisson. L'ORTF ? (Rires.)
M. Cédric Vial, rapporteur. L'ORTF, je n'ai pas connu, cher Max Brisson, mais cette période où il y avait six chaînes, si. Moi, je n'en ai eu que trois pendant très longtemps, parce que, dans nos montagnes, nous avons mis du temps à recevoir les trois suivantes.
Cela nous permettait aussi d'avoir une ouverture culturelle, parce que nous étions parfois obligés de subir des programmes que nous ne choisissions pas. Nous regardions ce qui passait à la télé. C'était intéressant culturellement, mais cela ne fonctionne plus ainsi aujourd'hui.
Pourquoi les jeunes ne regardent-ils plus la télévision ? Parce qu'ils ont un smartphone et qu'ils regardent ce qu'ils choisissent sur les plateformes. Quand une série leur plaît, ils regardent les vingt-cinq épisodes à la suite et ils ne regardent rien d'autre. C'est une forme d'enfermement culturel.
Les enjeux sont différents de ceux que nous avons connus.
Avec cette holding, l'objectif n'est pas que tous les jeunes écoutent France Inter. Pas du tout !
Mme Laurence Rossignol. Plus personne ne l'écoutera !
M. Cédric Vial, rapporteur. Je vous le confirme, tel n'est pas notre objectif, mais si c'est le vôtre, vous vous mettez le doigt dans l'œil jusqu'au coude, parce que ce n'est plus ainsi que cela fonctionne. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
Nous devons construire une vraie stratégie numérique de l'audiovisuel public. Nous essayons de ramener les jeunes sur les médias traditionnels par les réseaux sociaux, mais l'enjeu est tout autre : il s'agit de faire en sorte que les réseaux sociaux publics construisent une politique d'information pour aller vers les jeunes, avec leurs usages d'aujourd'hui et de demain, et non pas pour les ramener.
Mme Sylvie Robert. Quel rapport avec la holding ?
M. le président. Il faudrait conclure, monsieur le rapporteur.
M. Yannick Jadot. Il fait de l'obstruction ! (Sourires.)
M. Cédric Vial, rapporteur. Je termine en m'adressant à M. Chantrel. Je veux bien que vous ne connaissiez pas des règles datant de 2006, mais je vous précise que la proposition de loi organique, dont j'étais l'auteur et qui a été votée à la quasi-unanimité ici – vous étiez alors élu –, permet un financement public pérenne. Vos notes étaient datées, malheureusement, et je crois que vous avez oublié une étape. Aujourd'hui, grâce au Sénat, une fraction de TVA est fléchée vers l'audiovisuel public, ce qui garantit un financement indépendant.
Mme Sylvie Robert. Ce n'est pas très satisfaisant !
M. le président. La parole est à Mme la ministre. (Ah ! sur des travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Bienvenue !
Mme Rachida Dati, ministre. Un peu de respect vous irait bien, de temps en temps. Madame de La Gontrie, ce n'est pas la première fois !
Mme Laurence Rossignol. On n'est pas au Conseil de Paris !
Mme Rachida Dati, ministre. Vous avez raison de le rappeler, madame la sénatrice. J'en profite pour dire que je n'ai pas apprécié les propos déplacés, tout à l'heure, du sénateur Jomier. Je suis coprésidente de groupe au Conseil de Paris et, de fait, je peux dire que M. Jomier, lui, n'y est pratiquement pas. Je ne l'ai jamais vu, en tout cas.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il n'y est plus élu ! (Les propos de Mme la ministre sont tournés en dérision sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues, la parole est à Mme la ministre.
Mme Rachida Dati, ministre. Il n'y était pas avant, de toute façon.
Madame de La Gontrie, je me passerai de vos conseils sur le travail et sur la vie. Je pense qu'il y a une vraie différence entre vous et moi.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. J'espère bien !
Mme Rachida Dati, ministre. Oui, il y a une vraie différence, notamment pour ce qui est du travail et de la connaissance des classes populaires. (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. Pierre Ouzoulias. De la part de la maire du VIIe arrondissement, franchement… C'est scandaleux ! Venez chez moi à Bagneux !
Mme Rachida Dati, ministre. Non, monsieur le sénateur, ce n'est pas scandaleux. Vous voulez m'assigner ; c'est une forme de déterminisme. Que je sois élue du VIIe arrondissement est plutôt une preuve d'intégration.
M. Pierre Ouzoulias. Intégration dans la classe bourgeoise, oui !
Mme Rachida Dati, ministre. Et alors, monsieur le sénateur ? N'aurais-je pas le droit d'accéder à cette catégorie ?
M. Pierre Ouzoulias. Bien sûr que si, mais alors ne vous exprimez pas au nom des classes populaires ! Elles sont représentées ici, pas là-bas !
Mme Rachida Dati, ministre. Monsieur le sénateur Ouzoulias, je ne me suis pas déconnectée des classes populaires.
Pour en revenir à l'amendement en discussion, je voulais vous répondre sur le sujet de la fragilisation. C'est la dispersion qui fragilise ; regrouper des forces, par définition, c'est donner plus de force !
Certains affirmaient tout à l'heure que cette réforme affaiblirait l'audiovisuel public ou le ferait même disparaître. Je ne le crois pas, notamment au regard du droit des concentrations, parce que, plus l'on regroupe de forces, plus l'on évite l'affaiblissement, mieux l'on peut parer les attaques.
On a aussi affirmé qu'il y aurait désormais plus de verticalité, ce qui nuirait à l'intelligence collective. Mais ce qui existe aujourd'hui, ce fonctionnement en silos, c'est une fausse horizontalité. En regroupant, on aura un chef d'orchestre, une stratégie cohérente et coordonnée.
M. le rapporteur a rappelé à juste titre que, sur son initiative, l'on avait sanctuarisé le financement de l'audiovisuel public regroupé. Il importe aussi de rappeler que cette sanctuarisation porte sur un montant en valeur ; c'est une grande avancée. Et cela est possible grâce à vous tous – je n'ignore pas que le vote de votre assemblée a été unanime en faveur de cette sanctuarisation.
On dit aussi qu'il n'y aura plus de diversité. C'est tout l'inverse ! Cette diversité s'organisera autour de quatre pôles : l'information, la radio, la télévision, mais aussi le numérique et la proximité. Le rapport de Mme Bloch préconise bien un investissement massif dans le numérique, parce qu'il est impératif – M. le rapporteur l'a bien souligné – de s'adapter aux nouveaux usages, alors que 62 % des Français s'informent sur les réseaux sociaux.
Vous parliez tout à l'heure des « véritables succès » de la radio et de la télévision publiques. Je veux apporter au débat les données de Médiamétrie relatives aux audiences par tranches d'âge entre avril et juin 2025.
Pour les 13-24 ans, le total des radios, c'est 12,8 % de la tranche d'âge ; Radio France, 7,3 %. Pour les 25-34 ans, le total des radios, 10,8 % ; Radio France, 7,4 %.
Concernant les audiences par catégorie socioprofessionnelle (CSP), maintenant, le total des radios touche 29,9 % des CSP favorisées ; Radio France, 35 % ; France Inter, 38 %, bien au-delà de la moyenne des radios. L'audiovisuel public est financé par tous les Français ; tout le monde doit en bénéficier ! Pourtant, voyez les chiffres pour les catégories populaires : les radios dans leur ensemble touchent 25,8 % de ces CSP ; Radio France, 13,8 % ; France Inter, 9,8 %. Voilà la réalité !
J'en viens à la question du pluralisme. Je conviens avec vous, monsieur Jadot, notamment, que celui-ci est nécessaire. Simplement, je veux vous soumettre deux exemples que m'ont fait remonter les services du ministère.
Ce matin même, dans la matinale de France Culture, à sept heures trente-huit exactement, étaient interviewés Olivier Legrain et Vincent Edin, invités pour discuter de la concentration des médias et de la présente réforme. Que de la critique, tout le monde est contre ! Au journal de huit heures, deux sénatrices ; là encore, que des critiques sur cette réforme dite Lafon ! (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mince alors, c'est moche !
Mme Rachida Dati, ministre. Quatre personnalités interviewées, mais aucun pluralisme ! Nos services recensent tous les cas de ce genre.
De la même manière, la semaine dernière, l'ancien président de Radio France, Mathieu Gallet, qui est favorable à cette réforme, a été décommandé après avoir été invité. Il l'a reconnu, les services l'ont reconnu : il a été décommandé parce qu'il était en faveur de cette réforme. (Mêmes mouvements.) C'est factuel !
Alors, avant de parler de contre-pouvoir, essayons d'avoir un peu plus de pluralisme dans l'audiovisuel public ; si vous y êtes favorables, nous tomberons tous d'accord.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je voulais vous répondre en quelques mots sur l'intérêt de cette réforme. Il s'agit de s'adapter aux nouveaux usages des Français en général, et plus particulièrement des jeunes et des catégories populaires.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour un rappel au règlement.
Mme Laurence Rossignol. Mon intervention se fonde sur l'article 36 de notre règlement.
Nous allons passer quelques heures ensemble dans cet hémicycle pour débattre d'un sujet sérieux. Nous jouons notre rôle ; nous sommes en désaccord avec ce projet et nous allons vous expliquer pourquoi, pendant plusieurs heures.
J'invite donc tout le monde, et vous en particulier, madame la ministre, à éviter les attaques personnelles…
Mme Rachida Dati, ministre. C'est réciproque !
Mme Laurence Rossignol. … comme celle que vous vous êtes permise à l'encontre de Mme de La Gontrie. Ma collègue vous avait souhaité la bienvenue, ce qui, à ma connaissance, est loin d'être discourtois. En réponse, vous avez dénoncé son absence de lien avec les classes populaires.
M. Max Brisson. Nous, on nous a traités de trumpistes !
Mme Laurence Rossignol. Ce que vous avez fait, madame la ministre, cela s'appelle un délit de patronyme. Parce que ma collègue s'appelle Mme de La Gontrie, vous vous êtes sentie autorisée à parler ainsi de cette élue du XIIIe arrondissement de Paris, arrondissement populaire – je ne ferai aucun commentaire sur d'autres arrondissements.
Mme Rachida Dati, ministre. Je ne l'ai jamais vue sur le terrain !
Mme Laurence Rossignol. Mme de La Gontrie a toutes les raisons d'être fière de son nom de famille. C'est celui que portait son père, qui fut sénateur, président de groupe et résistant ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. Acte est donné de votre rappel au règlement.
Je mets aux voix l'amendement n° 234.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains. (Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Le quorum ! Le quorum !
M. le président. Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 357 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l'adoption | 99 |
Contre | 242 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Article 1er
La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifiée :
1° Avant l'article 44, il est inséré un article 44 A ainsi rédigé :
« Art. 44 A. – La société France Médias est chargée de définir les orientations stratégiques des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l'audiovisuel, dont elle détient directement la totalité du capital, et de veiller à la cohérence et à la complémentarité de leurs offres de programmes au service des missions définies à l'article 43-11. Pour l'accomplissement de ses missions, elle conduit des actions communes et définit des projets de développement intégrant les nouvelles techniques de diffusion et de production. Dans les conditions prévues à l'article 53, elle répartit entre ces sociétés les ressources dont elle est affectataire. » ;
2° Après le IV du même article 44, il est inséré un IV bis ainsi rédigé :
« IV bis. – A. – La société Institut national de l'audiovisuel est chargée de conserver, de mettre en valeur et d'enrichir le patrimoine audiovisuel national.
« B. – La société assure la conservation des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme, y compris celles des programmes qu'elles diffusent sur des services non linéaires, et contribue à leur exploitation. Elle assure la mise à disposition de ces archives auprès de ces sociétés. Elle procède également à la conservation de l'ensemble des archives audiovisuelles des filiales des sociétés mentionnées à l'article 44 A et au présent article créées en application du premier alinéa de l'article 44-1 lorsqu'elles ont une activité d'édition de services ou une activité de production de programmes. La nature, les tarifs et les conditions financières des prestations documentaires et les modalités d'exploitation de ces archives sont fixés par convention entre la société et chacune des sociétés nationales de programme concernées.
« C. – La société exploite les extraits des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme et des filiales des sociétés mentionnées à l'article 44 A et au présent article créées en application du premier alinéa de l'article 44-1 lorsqu'elles ont une activité d'édition de services ou une activité de production de programmes, dans les conditions prévues par les cahiers des charges mentionnés à l'article 48. À ce titre, elle bénéficie des droits d'exploitation de ces extraits à l'expiration d'un délai d'un an à compter de leur première diffusion, à titre exclusif vis-à-vis de ces sociétés, chacune d'elles conservant toutefois, pour ce qui la concerne, un droit de réutilisation de ses archives dans les conditions prévues par les conventions qu'elle conclut avec la société.
« La société demeure propriétaire des supports et des matériels techniques et détentrice des droits d'exploitation des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme et de la société mentionnée à l'article 58 de la présente loi, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2020-1642 du 21 décembre 2020 portant transposition de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels, compte tenu de l'évolution des réalités du marché, et modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le code du cinéma et de l'image animée, ainsi que les délais relatifs à l'exploitation des œuvres cinématographiques, qui lui ont été transférés avant la publication de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
« La société exerce les droits d'exploitation mentionnés au présent IV bis dans le respect des droits moraux et patrimoniaux des titulaires de droits d'auteurs ou de droits voisins du droit d'auteur et de leurs ayants droit. Toutefois, par dérogation aux articles L. 212-3 et L. 212-4 du code de la propriété intellectuelle, les conditions d'exploitation des prestations des artistes-interprètes des archives mentionnées au présent IV bis et les rémunérations auxquelles cette exploitation donne lieu sont régies par des accords conclus entre les artistes-interprètes, ou les organisations de salariés représentatives des artistes-interprètes, et la société. Ces accords précisent notamment le barème des rémunérations et les modalités de versement de ces rémunérations.
« D. – La société peut passer des conventions avec toute personne morale pour la conservation et l'exploitation des archives audiovisuelles de cette dernière. Elle peut acquérir des droits d'exploitation de documents audiovisuels et recevoir des legs et donations.
« E. – La société est seule responsable de la collecte, au titre du dépôt légal prévu aux articles L. 131-2 et L. 132-3 du code du patrimoine, des documents sonores et audiovisuels radiodiffusés ou télédiffusés ; elle participe, avec la Bibliothèque nationale de France, à la collecte, au titre du dépôt légal, des signes, signaux, écrits, images, sons ou messages de toute nature faisant l'objet d'une communication publique en ligne. La société gère le dépôt légal dont elle a la charge, conformément aux objectifs et dans les conditions définis à l'article L. 131-1 du même code.
« F. – La société contribue à l'innovation et à la recherche dans le domaine de la production et de la communication audiovisuelle. Dans le cadre de ses missions, elle procède à des études et à des expérimentations et, à ce titre, produit des œuvres et des documents audiovisuels pour les réseaux actuels et futurs.
« G. – La société contribue à la formation continue et initiale et à toutes les formes d'enseignement dans les métiers de la communication audiovisuelle. Elle assure ou fait assurer la formation continue des personnels des sociétés mentionnées aux articles 44 A, 45 A, 45 et 45-2 de la présente loi et au présent article. » ;
3° L'article 44-1 est ainsi rédigé :
« Art. 44-1. – Pour l'exercice des missions qui leur sont assignées par le présent titre, les sociétés mentionnées aux articles 44 A, 44 et 45 peuvent créer des filiales dont le capital est détenu directement ou indirectement par des personnes publiques.
« Afin de poursuivre des missions différentes de celles prévues par le présent titre, ces sociétés peuvent également créer des filiales dont les activités sont conformes à leur objet social. »
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, sur l'article.
M. Max Brisson. Il est presque dix-neuf heures, et nous n'avons encore examiné qu'un seul amendement…
Mme Monique de Marco. Un amendement essentiel !
M. Max Brisson. Il en reste trois cent trente-deux.
J'ai donc hésité à prendre la parole sur cet article, quand bien même je l'avais demandée, mais au vu du nombre de nos collègues qui ont souhaité le faire, j'ai décidé d'assumer, à moi seul, la diversité des positions… (Exclamations amusées sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. Guy Benarroche. Max Brisson est un contre-pouvoir !
M. Max Brisson. J'aimerais vous persuader d'une chose, mes chers collègues, même si je sais que je ne vous convaincrai pas : les sénatrices et les sénateurs du groupe Les Républicains sont très attachés à l'audiovisuel public. (Ah ! sur les travées du groupe SER.) Nous ne voulons pas le détruire, comme vous l'avez affirmé tout du long de vos prises de parole, qui n'ont manifestement d'autre but que l'obstruction ; nous voulons le rénover profondément.
En effet, force est de constater qu'il manque aujourd'hui d'habileté pour s'adapter à certaines mutations. Comme l'a très bien exprimé tout à l'heure Cédric Vial, la mise en œuvre des synergies, qui était attendue, se heurte à la volonté des présidents des différentes sociétés de conserver leur périmètre, réflexe tout à fait classique et intéressant, mais qui empêche actuellement les synergies, chacun défendant son pré carré. C'est bien contre les prés carrés défendus avec obstination par des présidents et des directions que nous essayons d'offrir à l'audiovisuel public l'outil de sa transformation.
Par ailleurs, nous reconnaissons que peuvent parfois se poser des questions relatives au coût de cet audiovisuel public, et qu'on peut y relever certaines pratiques qui s'éloignent quelque peu de la déontologie que l'on est en droit d'attendre de celui-ci.
À notre sens, il ne doit pas être, comme je l'ai entendu affirmer à plusieurs reprises, un contre-pouvoir : il doit plutôt être l'expression de la diversité de la France – diversité sociologique, politique et économique.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. CNews !
M. Max Brisson. Or, comme l'a bien exprimé Mme la ministre il y a un instant, quand on écoute certaines chaînes, on peine désormais à y trouver cette diversité. (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.)
Le dire n'est pourtant pas un crime de lèse-majesté, mes chers collègues ! Vous le considérez pourtant comme tel, car vous avez décidé qu'il fallait mettre l'audiovisuel public sous une cloche immunisante.
Pour nous, au contraire, l'audiovisuel public doit se réinventer pour s'adapter aux attentes que la Nation est en droit d'avoir, notamment en matière de déontologie, de programmation et de performance financière. (Marques d'impatience sur des travées du groupe UC.)
La mise en place de la holding est une première étape, qui ne réglera pas tout. Une grande loi aurait certainement été nécessaire, mais nous pensons que la holding sera l'outil de cette réorganisation, qui nous paraît indispensable. (MM. Roger Karoutchi et Antoine Lefèvre applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, sur l'article.
Mme Corinne Féret. L'audiovisuel public a 85 ans et son existence a toujours été un enjeu culturel et démocratique de premier plan. Depuis l'ORTF et sa tutelle étatique sur l'information, jusqu'au démantèlement du monopole par la loi du 7 août 1974, à la privatisation de TF1 et à la sanctuarisation de la concurrence privée en 1986, la place et la vocation de l'audiovisuel public ont toujours dû être âprement défendues.
Je veux insister sur l'importance de l'audiovisuel public pour les enjeux démocratiques dans notre société. Les antennes de France 3 et de France Bleu offrent un maillage territorial sans équivalent, permettant d'apporter à chaque citoyen une information de proximité, attrayante et fiable. À l'heure où l'on assiste à la prolifération de fausses informations sur les réseaux sociaux, ce journalisme de terrain est le meilleur des antidotes pour pouvoir continuer à partager ensemble une même réalité.
Avec cette réforme, les moyens seront moindres sur les territoires que nous représentons. Moins de moyens, cela peut signifier moins de présence sur le terrain, moins d'espace pour relayer les sujets, les débats qui animent nos communes, nos départements et nos régions, moins de temps d'antenne pour que les artistes, les acteurs associatifs, les élus, toutes celles et tous ceux qui font vivre nos communautés puissent s'exprimer et exister.
Ce sont les élus qui le disent, notamment ceux du Calvados : les maires de Saint-Aubin-sur-Mer, de La Cambe, de Cuverville, de Ducy-Sainte-Marguerite, de Mosles, d'Épron, de Fourneville, de Blainville-sur-Orne, de Bernières-sur-Mer, de Ver-sur-Mer, d'Authie, de Louvigny, de Giberville… (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
Permettez-moi de poursuivre, mes chers collègues : moi, ces maires du Calvados, je les respecte ! Je les représente dans cet hémicycle ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Ceux qui le disent, ce sont encore le maire d'Hérouville-Saint-Clair, des adjoints et adjointes aux maires d'Authie, du Molay-Littry, d'Esson et de Falaise, des conseillers municipaux de Cahagnes !
Non, madame la ministre, tous ces élus ne sont pas de gauche ! Je le dis parce qu'il me semble que vous le croyez.
Mme Rachida Dati, ministre. Je n'ai pas dit cela !
Mme Corinne Féret. Tous ne sont pas de gauche, mais tous s'inquiètent pour l'avenir de l'audiovisuel public. Et en tant que sénatrice du Calvados, je pense avoir la légitimité pour porter leur voix quand ils me le demandent.
M. le président. Merci de conclure, ma chère collègue !
Mme Corinne Féret. Permettez, monsieur le président : l'orateur précédent a largement dépassé son temps de parole !
L'audiovisuel public constitue l'un des garants de la vitalité démocratique dans notre pays.
M. le président. Non, madame Féret ! Pardonnez-moi, mais ce n'est pas ainsi que l'on fonctionne ici.
Mme Corinne Féret. Je rappelle qu'en juin 2024 les antennes régionales de France 3 et de France Bleu ont été exemplaires pour organiser les débats pendant la campagne des élections législatives anticipées. (La voix de l'oratrice tend à être couverte par celle de M. le président, qui tente en vain de l'interrompre.)
M. le président. Madame Féret, laissez-moi mener les débats ! Si je reconnais que M. Brisson a dépassé son temps de parole de trente secondes, temps que je vous ai également laissé, vous avez ensuite persisté à parler, dépassant votre temps de parole d'une minute entière !
Mme Corinne Féret. Eh bien, j'ai terminé ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. Nous voici obligés d'en revenir à un respect tout à fait strict des temps de parole.
M. Roger Karoutchi. On se croirait à l'Assemblée nationale ! Il faut des sanctions, monsieur le président !
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, sur l'article, et pour deux minutes !
M. Yan Chantrel. Je vous rassure, monsieur le président : je respecterai mon temps de parole.
Les conditions d'examen de ce texte, que nous sommes nombreux à avoir dénoncées, en disent long sur la conception que certains se font du débat démocratique, conception qui rejoint d'ailleurs la philosophie du présent texte, sur l'idée qui s'y exprime du pluralisme, de ce que devrait être un audiovisuel public réellement indépendant.
Je tiens à le faire remarquer, parce que j'ai aussi entendu certains d'entre vous, mes chers collègues, affirmer que l'Assemblée nationale aurait « renvoyé la balle » au Sénat. Non ! l'Assemblée nationale a manifesté son rejet de ce texte. (M. Max Brisson s'exclame.) Il faut quand même l'entendre. Je sais bien que ce gouvernement a tendance à s'asseoir sur le Parlement, à refuser de l'écouter, à passer en force ; c'est bien ce qu'il entend faire pour ce texte, au moyen de la session extraordinaire actuelle.
Pardonnez-moi, mais quand l'Assemblée nationale dit : « Nous n'en voulons pas ! », le réflexe immédiat ne devrait pas être de lui forcer la main, de courir au Sénat pour y trouver une majorité contre l'autre chambre. Cela n'est pas démocratique ! Votre tentative montre bien l'esprit qui est le vôtre, celui-là même qui s'exprime dans cette réforme.
Ce que vous ne dites pas, madame la ministre, ce que vous n'osez pas dire, M. Brisson le dit pour vous : il a dit et répété, en commission puis, sous une autre forme, aujourd'hui, que, selon lui, ce texte permettait de faire le procès du service public.
M. Max Brisson. C'est faux ! Je n'ai jamais dit cela ! Ne me faites pas dire ce que je n'ai jamais dit !
M. Yan Chantrel. Vous l'avez dit en commission, monsieur Brisson, vous l'avez assumé, en vous faisant le porte-parole de Mme Dati. Ainsi, nous connaissons ses intentions réelles, que vous avez au moins le mérite d'exprimer clairement.
M. Max Brisson. Invention pure !
M. Roger Karoutchi. C'est du mensonge, des méthodes trotskistes pour mettre le bazar !
M. Yan Chantrel. En effet, que se passera-t-il avec la holding, dotée d'un président unique, que crée l'article 1er de ce texte : en cas d'ingérence de l'exécutif, par un simple effet de chaîne hiérarchique descendant vers les rédactions, l'audiovisuel public deviendra un audiovisuel d'État ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que les interpellations personnelles sont prohibées par l'article 36 de notre règlement.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il faut le dire à la ministre !
M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, sur l'article.
Mme Colombe Brossel. Nos débats permettent tout de même d'éclairer la question. Nous sommes ici réunis pour examiner une « PPL Lafon » qui n'est plus du tout celle de M. Lafon,…
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Mais si !
Mme Colombe Brossel. … avec la mise en place d'une holding exécutive et la concentration des pouvoirs, aboutissant à une transformation radicale de l'audiovisuel public.
Et chaque fois revient par la fenêtre la question du pluralisme. Pardonnez-moi, mes chers collègues, mais je n'ai toujours pas compris en quoi l'organisation de l'audiovisuel public avait le moindre rapport avec le pluralisme. Les avis peuvent diverger, on en débat, la démocratie est utile pour ce faire, mais enfin, croire que la mise en place d'une holding servirait, pour les uns à augmenter le pluralisme, pour les autres à le réduire, ou encore à faire que par magie les jeunes se mettent à regarder la télévision et à écouter la radio… Honnêtement, restons sérieux !
Mais je voudrais justement vous parler de pluralisme. En effet, les menaces que font peser les attaques menées de manière répétée contre nos modèles démocratiques par le biais de la manipulation de l'information et de la désinformation doivent susciter en Europe et au sein des États membres de l'Union un sursaut de défense de nos valeurs démocratiques, en particulier le pluralisme des médias.
Une telle situation s'est produite non loin de chez nous, mes chers collègues : en Hongrie, où le gouvernement Orban, à la suite – j'insiste sur ce point – d'une réforme de l'audiovisuel public, y a de fait mis en place un président de son obédience. Nous ne sommes pas, en France, à l'abri de telles dérives illibérales.
M. Roger Karoutchi. On n'est à l'abri de rien, après vos alliances avec LFI ! C'est n'importe quoi !
Mme Colombe Brossel. Alors, si vous voulez qu'on parle de pluralisme, parlons-en, mais de façon à aller vers plus de démocratie et à rejeter le populisme et l'illibéralisme. C'est bien pourquoi nous combattons cette réforme : tout en faisant appel au pluralisme, vous introduisez le ver dans le fruit.
Pour notre part, au contraire, nous défendons plutôt l'audiovisuel public et sa meilleure organisation. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, sur l'article.
M. Christian Redon-Sarrazy. Madame la ministre, faut-il le rappeler, la liberté et le pluralisme des médias constituent un élément essentiel de la démocratie et des droits fondamentaux des citoyens en Europe.
Ces principes sont garantis et contrôlés à l'échelle européenne. Le règlement européen sur la liberté des médias permet notamment de protéger ceux-ci contre les ingérences politiques dans les décisions éditoriales des fournisseurs de médias, tant privés que de service public.
M. Roger Karoutchi. Le sujet, c'est la holding !
M. Christian Redon-Sarrazy. Plus particulièrement, depuis le 8 février 2025, les autorités nationales n'ont plus le droit d'interférer avec les décisions éditoriales. Les médias publics doivent être financés selon des procédures transparentes et leurs objectifs de financement doivent être durables et prévisibles. Autant d'engagements auxquels la France a souscrit et qu'elle est tenue d'appliquer.
La protection des médias est également au cœur du plan d'action européen pour la démocratie que la Commission européenne a présenté en 2020 comme condition d'exercice de la démocratie.
Dans une démocratie saine et prospère, les citoyens européens doivent pouvoir avoir accès à des médias libres, exempts d'ingérence, que celle-ci soit nationale ou extérieure, en particulier durant les processus électoraux.
La protection des démocraties européennes contre les menaces et les effets néfastes de la désinformation, de la manipulation de l'information et des ingérences, en particulier de la part d'acteurs étrangers, a été l'une des priorités de l'Union européenne ces dernières années.
M. Max Brisson. C'est hors sujet ! Obstruction !
M. Christian Redon-Sarrazy. Les démocraties du monde entier sont confrontées à une prolifération d'opérations de désinformation et d'ingérence étrangère, susceptibles de déstabiliser les institutions démocratiques et d'exacerber les divisions de la société, sapant ainsi la confiance des citoyens et la garantie des processus électoraux démocratiques. Continuer à assurer un service public fort et de qualité doit être considéré comme une garantie contre ces manipulations de l'information et pour l'accès à une information éclairée et indépendante. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Evelyne Corbière Naminzo applaudit également.)
M. Max Brisson. Quel est le rapport avec l'article ?
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, sur l'article.
Mme Sylvie Robert. Nous entamons l'examen de l'article 1er, dont l'objet est de créer la société France Médias, « super-holding » dotée d'un « super-PDG ».
En agissant de la sorte, vous prenez vraiment le risque d'affaiblir la pluralité des voix et des lignes éditoriales de l'audiovisuel public, sous couvert d'une convergence, pour ne pas dire d'une uniformisation, aux contours très flous.
En effet, les professionnels nous le disent, la radio n'est pas la télévision. Chacune des entités de l'audiovisuel public, chaîne ou station, a développé une identité propre, respectueuse de ses spécificités et d'approches journalistiques tout à fait singulières ; c'est heureux. La radio, la télévision et l'audiovisuel public extérieur ont des lignes éditoriales distinctes, qui s'adressent à des publics différents. Il est essentiel de préserver cette diversité ; il faut éviter de la gommer par une approche tout simplement gestionnaire et uniforme.
C'est bien en cela que nous sommes en total désaccord avec vous. Comment cette super-holding pourrait-elle conserver cette diversité, ne pas aller vers l'uniformisation ?
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. C'est dans le texte !
Mme Sylvie Robert. Le choix d'un PDG unique soulève également un enjeu démocratique majeur. C'est assez intéressant : Laurence Bloch est bien consciente de ce tiraillement dans la superstructure, puisqu'elle essaie de prévenir les dérives potentielles que causerait la « toute-puissance » de ce PDG, tout en précisant qu'il est impératif que celui-ci dispose de larges prérogatives et même d'un pouvoir de conviction, qui serait essentiel pour la réussite du projet.
Ne voyez-vous pas là une contradiction avec le modèle proposé ? En tout cas, l'idée de regrouper les diverses entités de l'audiovisuel public sous une holding témoigne d'une vision assez simpliste de la réalité, alors même que celle-ci est complexe.
Le rapporteur nous l'a dit, la radio et la télévision sont confrontées à des enjeux multiples. La mère des batailles, c'est sûrement le numérique, mais c'est surtout la production de contenu.
M. le président. Merci de conclure, madame la présidente.
Mme Sylvie Robert. Et pour cela, il faut un budget. Nous verrons dans la suite du débat si vous êtes à la hauteur de cet enjeu. (Applaudissements sur des travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, sur l'article.
Mme Karine Daniel. L'article 1er instaure France Médias, une société holding, ou compagnie financière, chargée de coordonner France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'INA. Sur le papier : cohérence, mutualisation, complémentarité ; dans les faits : une recentralisation verticale, problématique pour le respect de l'indépendance et du pluralisme de l'information.
Le PDG de France Médias, nommé par l'Arcom sur la base d'un projet unique, concentrera tous les pouvoirs exécutifs. Mais quelle est la place des rédactions dans cette construction ? Où sont les contre-pouvoirs ? Quelles garanties y a-t-il face aux pressions politiques, dans un paysage déjà fragilisé par la suppression de la redevance ?
En affaiblissant les marges de manœuvre propres à chaque entité, cette réforme prend le risque de lisser les lignes éditoriales et de rompre avec l'exigence de diversité qui fonde le service public.
Kofi Annan le rappelait : une presse libre est l'un des piliers de toute société démocratique. Ce principe vaut aussi pour le service public audiovisuel. Et, comme le rappelle le Conseil de l'Europe, le pluralisme ne se résume pas à la coexistence de plusieurs médias : il implique une diversité de contenus, de voix et de regards.
Le pluralisme, mes chers collègues, ne se gère pas depuis un bureau central. Il se garantit en assurant l'autonomie des rédactions, en protégeant leur indépendance, en leur donnant les moyens de produire une information et des contenus libres, une information exigeante au service de toutes et tous.
Nous ne nous opposons pas par principe à une meilleure coordination, mais celle-ci ne saurait se faire au prix d'une gouvernance technocratique, concentrée et opaque. Oui à un audiovisuel public fort, non à un audiovisuel public plus vulnérable !
C'est pourquoi nous défendrons des amendements visant à encadrer la gouvernance, à renforcer les garanties d'indépendance et à faire de cette réforme, si réforme il doit y avoir, un projet plus démocratique. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, sur l'article.
Mme Laurence Rossignol. J'essaie de comprendre quel est le lien entre, d'une part, les différentes ambitions, aspirations et critiques exprimées par ceux de nos collègues qui soutiennent cette proposition de loi et, d'autre part, la création d'une holding. Pardonnez-moi, mais la traduction n'est pas évidente !
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Vous n'y connaissez rien !
Mme Laurence Rossignol. Je voudrais faire plusieurs remarques sur certains des arguments que j'ai entendus.
Premièrement, on nous dit qu'il faudrait être concurrentiel vis-à-vis d'autres regroupements. Et l'exemple invoqué était le rapprochement entre TF1 et Netflix. Pardonnez-moi, mais cela n'a rien à voir avec le service public de l'audiovisuel,…
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Mais si !
Mme Laurence Rossignol. … à moins que vous n'entendiez ensuite fusionner notre audiovisuel public avec des plateformes américaines, de manière à donner encore plus de place aux États-Unis dans la vie culturelle française !
Deuxièmement, vous nous avez accusés tout à l'heure de vivre dans la nostalgie du service public. Il se trouve que je suis une grande consommatrice de radio et de télévision. Sur la plateforme internet de France Télévisions, je trouve à la fois des séries, des documentaires, des magazines d'investigation et des films en grande quantité. J'écoute aussi les podcasts de Radio France. Et croyez-moi, il y a là de la diversité !
La question de l'attractivité des médias pour la jeunesse ne se réglera pas par la création d'une holding. Mais un autre sujet se pose, celui de l'impartialité et de la neutralité, sur lequel on reviendra probablement dans le débat. Je ne comprends pas en quoi la concentration que vous proposez garantirait plus d'impartialité et de neutralité. Celle-ci se trouve dans la diversité. Aujourd'hui, c'est la diversité des médias que sont les deux services publics audiovisuels France Télévisions et Radio France qui permet l'impartialité.
Ce que vous proposez, c'est la concentration : un chef, un rédacteur en chef de l'information pour l'ensemble des médias.
M. Max Brisson. Ce n'est pas vrai !
Mme Laurence Rossignol. Remarquez, c'est intéressant pour un ministre : il n'a plus qu'un seul coup de téléphone à donner quand il veut engueuler quelqu'un, au lieu d'en donner quatre !
M. Max Brisson. On ne peut pas dire n'importe quoi ! C'est de l'invention ! Il faut lire le texte !
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, sur l'article.
M. Thierry Cozic. Madame la ministre, certains de vos collègues considèrent que l'État de droit n'est ni intangible ni sacré. Or, en tant qu'ancienne eurodéputée, vous n'êtes pas sans savoir qu'il s'agit pourtant d'un des principes fondamentaux de l'Union européenne, que chaque État membre est tenu de respecter.
Je me permettrai de vous rappeler deux points. D'une part, aux termes de l'article 2 du traité sur l'Union européenne, l'État de droit fait partie des valeurs fondamentales de l'Union européenne. D'autre part, l'article 11, alinéa 2, de la Charte européenne des droits fondamentaux, dispose : « La liberté des médias et leur pluralisme sont respectés. »
M. Max Brisson. C'est un cours de droit !
M. Thierry Cozic. La notion d'État de droit a certes longtemps été cantonnée au fonctionnement de la justice et à la prévention du risque d'arbitraire. Toutefois, en se référant à l'article 2 du traité sur l'Union européenne, l'article 7 du même traité en a élargi la définition, en la liant au respect des valeurs fondamentales, qui incluent le pluralisme des médias.
La Commission européenne qualifie désormais le pluralisme et la liberté des médias de « vecteurs essentiels de la primauté du droit, de la responsabilité démocratique et de la lutte contre la corruption ».
M. Max Brisson. Quel rapport ?
M. Roger Karoutchi. Application du règlement !
M. Thierry Cozic. Ils sont pris en compte dans son évaluation de l'État de droit dans chaque État membre, que ce soit en matière d'indépendance des autorités de régulation, de propriété des médias, de publicité publique, de sécurité des journalistes et d'accès à l'information.
Or, dans ses trois derniers rapports annuels sur l'État de droit en Europe, la Commission européenne épingle la France : certes, elle considère que la liberté d'information reste assurée dans l'état actuel des services publics de l'audiovisuel, mais elle s'inquiète de l'impact de la concentration des médias sur cette liberté, ainsi que de l'uniformisation de la ligne éditoriale et de l'information.
M. Max Brisson. Quel rapport avec l'article 1er ?
M. Thierry Cozic. Le projet de holding, tel qu'il est présenté aujourd'hui, madame la ministre, ignorerait donc ces recommandations formulées depuis plusieurs années déjà par la Commission européenne.
M. Max Brisson. Quelle imagination !
M. Thierry Cozic. C'est une mise en cause peu reluisante puisque les mêmes reproches sont adressés aujourd'hui à la Hongrie et à la Pologne. Nous ne pouvons accepter une telle fragilisation de notre modèle démocratique ! (Applaudissements sur des travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. David Ros, sur l'article.
M. David Ros. Je ne remets pas en cause l'ensemble du travail mené au Sénat sur l'audiovisuel public, sur les constats qu'il a faits, ni la volonté – que nous partageons tous – de garantir un service audiovisuel indépendant et fort.
Où réside donc le problème ?
Pour y répondre, permettez-moi d'évoquer deux coutumes.
La première est celle de la commission de la culture, présidée par notre excellent collègue Laurent Lafon. Cette commission se distingue habituellement par un travail ouvert, attentif aux amendements, soucieux d'entendre toutes les voix, dans un esprit de pluralisme et de diversité. Hélas ! cela n'a pas été possible cette fois-ci, non par sa faute, mais en raison de la l'accélération de la procédure.
La deuxième coutume est celle du port de la cravate. Pour ma part, je la porte non parce que la coutume l'exige, mais parce que j'adore çà ! Elle me semble aussi une manière d'exprimer la diversité et le pluralisme. (Sourires sur les travées du groupe SER.)
La question posée est bien celle du pluralisme, garant de l'indépendance. Celui-ci se manifeste à travers plusieurs interrogations soulevées : la nomination d'un PDG, l'existence – assumée ou non – d'une ligne éditoriale unique, le budget, le coût de la structure.
À ce sujet, je m'étonne que mes collègues de la commission de la culture utilisent le mot « holding » pour qualifier cette organisation : n'existe-t-il aucun équivalent en français ?
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Ce n'est pas faux…
M. David Ros. S'ajoute enfin le manque d'études d'impact.
J'ai entendu parler de fusion. En physique, la fusion est un instrument d'efficacité qui permet de produire de l'énergie. C'est évidemment une solution que je soutiens. Mais attention : la fusion produit une forme unique d'énergie, non une pluralité de formes.
Enfin, l'une des grandes forces de l'audiovisuel réside aussi dans le cinéma. L'un de nos collègues a convoqué Mary Poppins pour décrire la ministre, presque assimilée à une wonder woman dans un spectacle de David Copperfield.
M. Max Brisson. Pas d'attaques personnelles !
M. David Ros. Prenons garde que cet article 1er se termine en Grande Illusion, voire en Grande Arnaque ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, sur l'article.
M. Yannick Jadot. J'ai un véritable problème de partialité.
M. Jean-Raymond Hugonet. Ce n'est pas la première fois !
M. Yannick Jadot. Ce matin, à huit heures vingt, en écoutant la matinale de France Inter, Anne-Catherine Loisier intervenait sur les feux de forêt.
Mme Annick Billon. Elle n'était pas seule !
M. Yannick Jadot. Elle n'était pas seule, certes, mais aucun élu écologiste n'était présent. N'y a-t-il pas là un problème majeur ? Eh bien non ! Elle est compétente, elle s'exprimait, et c'est très bien. Qu'elle soit membre du groupe Union Centriste ou d'un autre, elle avait toute légitimité à être là.
Un deuxième point, déjà évoqué, mérite d'être souligné. J'entends, et je partage pleinement, l'idée selon laquelle la radio et la télévision doivent toucher l'ensemble de la société, en particulier les classes populaires. Pourtant, amorcer une réforme en créant une holding – un mot qui, dans l'esprit du grand public, évoque bien davantage la finance que le service public de l'audiovisuel – constitue, reconnaissons-le, un mauvais début.
Enfin, point essentiel qui touche à la conception de la démocratie, confondre contre-pouvoir et opposition est une sacrée interprétation de la démocratie et de l'État de droit ! Un contre-pouvoir n'est pas forcément une opposition. C'est plutôt une instance indépendante, non soumise au pouvoir : c'est ça l'enjeu !
Avec cette réforme, projetons-nous en 2027 et envisageons le pire : Marine Le Pen ou Jordan Bardella accède à la présidence de la République.
M. Roger Karoutchi. Mélenchon, pareil ! J'en ai plus peur !
M. Yannick Jadot. Vous aurez alors mis en place une ligne directe. Le Président de la République appellera le dirigeant de votre holding, qui mettra au pas l'ensemble des rédactions. Ils auront le groupe Bolloré et ils auront, par votre fait, l'audiovisuel public.
C'est précisément pour cette raison que nous nous y opposons. Nous réclamons l'indépendance, des contre-pouvoirs, une information de qualité et non une ligne directe avec l'Élysée ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, sur l'article.
Mme Émilienne Poumirol. Je ne reviendrai pas sur les arguments qui ont été brillamment exposés par Sylvie Robert, mais également par la quasi-totalité de mes collègues, concernant le risque d'atteinte au pluralisme et les dangers démocratiques qui se cachent derrière la constitution d'une holding.
Après Laurence Rossignol, je m'interroge également sur la manière dont la création d'une holding permettra à la jeunesse – dont vous dites qu'elle n'écoute plus la radio – de quitter TikTok avant de se précipiter pour écouter Radio France. J'avoue que le lien ne me paraît pas très évident…
M. Max Brisson. Caricature !
Mme Émilienne Poumirol. Par cette intervention, je souhaite surtout aborder le volet financier et pointer l'ineptie budgétaire que représente la mise en place de cette nouvelle structure.
D'un côté, l'étude d'impact – qui n'en est pas vraiment une – de la DGMIC Réforme de la gouvernance de l'audiovisuel public : évaluation de sa mise en œuvre indique que la création de la holding n'occasionnera aucun surcoût, les coûts RH globaux des équipes n'étant pas directement impactés.
De l'autre, le rapport de l'ancienne directrice de France Inter, Laurence Bloch, avance un chiffre de 30 millions d'euros liés à l'harmonisation sociale nécessaire au sein de cette même holding, s'appuyant sur un rapport de l'inspection générale des finances.
Dans un cas comme dans l'autre, nul besoin d'être grand mathématicien pour constater qu'il s'agit de calculs au doigt mouillé, qui sont rarement les plus fiables.
Les estimations des syndicats, obtenus lors des auditions, paraissent bien plus pertinentes. Le coût de la réforme est évalué à un minimum de 150 millions d'euros : 50 millions pour le fonctionnement, 30 millions pour la nécessaire convergence des systèmes informatiques et 70 millions pour le nécessaire rattrapage salarial.
Ces chiffres doivent être mis en perspective avec le bilan d'Emmanuel Macron. Depuis 2017, l'audiovisuel public a perdu 776 millions d'euros. Cette année encore, le budget a été amputé de 80 millions d'euros. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, sur l'article.
Mme Monique de Marco. Je souhaite répondre au rapporteur lorsqu'il a évoqué le vote, en urgence et en dernière minute, au mois de décembre, d'un financement de l'audiovisuel public par une fraction de TVA. Nous vous l'avons dit : ce vote a été unanime, certes, mais nous avons aussitôt considéré cette solution comme injuste. Elle est plus injuste sur le plan fiscal que ne l'était la contribution à l'audiovisuel public, car chacun contribuera désormais au financement. En outre, le montant affecté à l'audiovisuel public demeure fixé par le Parlement, dans le cadre du vote du projet de loi de finances.
Je m'abstiendrai d'aborder les aspects financiers, ma collègue Mme Poumirol les ayant parfaitement exposés.
Je souhaite plutôt revenir sur un élément découvert en relisant les débats de juin 2023. Votre prédécesseure, madame la ministre, Mme Rima Abdul-Malak, déclarait au sujet de l'article 1er de la proposition de loi de M. Lafon : « Ainsi que j'ai eu l'occasion de l'indiquer lors de la discussion générale, je suis favorable aux amendements de suppression, puisque je suis défavorable à la création de cette holding. Oui à une nouvelle ambition de l'audiovisuel public pour les cinq prochaines années ! […] Oui à plus de souplesse, de concertation, d'avancées pragmatiques et ambitieuses ! Mais non à la bureaucratie ! » Ce ne sont pas mes propos !
Qu'est-ce qui, aujourd'hui, justifie un tel revirement de la position gouvernementale ? Qu'est-ce qui explique cet empressement soudain ? J'écoute, j'essaie de comprendre. Mais, je l'avoue, mon imagination s'épuise. Depuis le début des débats, vos intentions apparaissent pourtant assez clairement.
Lorsque j'entends, madame la ministre, des attaques portées contre ce qui se dit sur France Culture, ou M. Brisson critiquer je ne sais plus quelle émission, tout cela traduit bien l'objectif de ce texte : bâillonner l'ensemble de l'audiovisuel public. (MM. Roger Karoutchi et Claude Kern s'impatientent.)
M. Max Brisson. Pas du tout !
Mme Monique de Marco. Ce nouveau PDG ne sera pas un chef d'orchestre, ce sera un gendarme !
M. le président. Mes chers collègues, je vous demande de respecter votre temps de parole. À défaut, je vous interromprai à la première seconde où celui-ci sera dépassé.
La parole est à Mme Annick Billon, sur l'article.
Mme Annick Billon. J'interviendrai brièvement pour réaffirmer que le groupe Union Centriste est attaché à l'audiovisuel public et au pluralisme. C'est précisément parce que nous y sommes attachés que nous souhaitons enfin débattre de ce texte.
Il est dix-neuf heures vingt-trois, nous avons dû subir trois heures d'obstruction – car c'est bien de cela qu'il s'agit. (M. Roger Karoutchi acquiesce. – Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.)
Nous avons fait preuve de patience, espérant qu'à l'issue de la discussion générale nous pourrions entrer dans le vif du sujet.
Après quelque quinze prises de parole sur l'article 1er, auxquelles s'ajouteront encore plusieurs autres, force est de constater que nous faisons du surplace.
Mes chers collègues, nous voulons avancer sur ce texte, qui a fait l'objet d'un travail approfondi en amont, sous l'impulsion du président Laurent Lafon et d'autres avant lui. Il a d'ailleurs été adopté une première fois en 2023. On conviendra donc qu'en matière de précipitation, on a connu pire ! De fait, il n'y a pas de précipitation !
Oui, l'audiovisuel public doit être réformé afin d'être correctement outillé pour faire face à une concurrence nouvelle, inédite. Refuser de le réformer, c'est lui assurer une petite mort ! (M. Yannick Jadot s'exclame.)
Oui, Anne-Catherine Loisier était ce matin sur France Inter pour débattre d'un sujet qu'elle connaît bien. Il n'y avait pas d'élu écologiste, mais l'écologie n'est pas le monopole d'un seul parti. Il est parfaitement possible d'en débattre sans avoir nécessairement un représentant du parti écologiste. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, sur l'article.
M. Simon Uzenat. Pour faire suite aux propos de notre collègue, je veux dire qu'il est tout à fait possible de parler de réforme sans suivre la même direction ni partager les mêmes ambitions pour l'audiovisuel public.
Depuis 2009, chacun peut constater le chemin que certains ici s'évertuent à emprunter. Les réformes sont claires, les choix aussi : on fusionne, on centralise, on réduit les moyens et l'on affaiblit, de fait, l'indépendance de nos médias publics. Les conséquences sont immédiatement vérifiables sur le terrain.
Je prendrai l'exemple des antennes régionales, notamment celle de France 3 en Bretagne, mais le constat vaut également pour d'autres régions – nombre de mes collègues, sur toutes ces travées, sont aussi attachés que moi aux cultures régionales et à leur valorisation à travers les médias. Qu'en sera-t-il demain, avec la création de cette holding, alors que les réformes engagées depuis 2009 ont déjà entraîné une compression des effectifs, une réduction des moyens et un recul de la couverture territoriale ? Les programmes en langue bretonne, par exemple, ont été très singulièrement réduits, voire ont quasiment disparu. Ces tendances sont à l'œuvre depuis plusieurs années et ne feront que s'amplifier avec la réforme que vous portez.
Nous sommes ici dans la chambre des territoires. À ce titre, il nous revient de donner à voir les cultures régionales. Peut-on sérieusement penser que le secteur privé remplira cette mission ? Est-ce lui qui valorisera nos langues et nos cultures régionales ? Cela est-il rentable ? Bien évidemment, non. Est-ce indispensable à la cohésion nationale et à la vie de notre pays ? Oui, nous le redisons avec force ! C'est l'une des missions de l'audiovisuel public.
L'organisation que vous proposez aujourd'hui éloignera définitivement des dirigeants de cet objectif, car ils n'auront absolument rien à faire de ces réalités territoriales que nous devons, en tant que parlementaires représentants des territoires, défendre avec la plus totale résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, sur l'article.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. On nous présente cette réforme, la création de cette fameuse holding France Médias, comme une simple organisation, un réajustement technique visant une meilleure coordination. En réalité, ce que nous avons sous les yeux est un procès à charge contre l'audiovisuel public : un procès idéologique, politique, budgétaire et presque culturel.
Mme Annick Billon. C'est faux !
M. Claude Kern. Pas du tout !
Mme Evelyne Corbière Naminzo. On nous explique qu'il faut moderniser, rationaliser, mutualiser. Derrière ces mots se cache une volonté claire : mettre au pas, resserrer les boulons et faire taire ceux qui dérangent.
Ce projet part non pas d'un amour du service public, mais d'une suspicion permanente à son égard. Il part du postulat que les journalistes coûtent trop cher, que les reportages sont trop libres, que les rédactions échappent au contrôle et qu'il faut y mettre de l'ordre !
Pour cela, on invente cette holding, une structure hiérarchique et centralisée, où l'État prend encore plus de place, où un président tout-puissant aura le dernier mot sur des directions jusqu'alors autonomes, où la logique de l'entreprise s'imposera à celle de l'indépendance.
Ce texte, mes chers collègues, n'est pas une réforme : c'est une mise sous tutelle. C'est un signal envoyé aux rédactions pour leur dire : « Tenez-vous bien ! »
C'est une réponse autoritaire à des journalistes qui veulent encore faire leur travail et à des antennes qui résistent aux injonctions des puissants.
Le service public n'est pas une variable d'ajustement : c'est un pilier, c'est une voix indépendante, critique et ancrée dans les territoires. Ce texte cherche à l'étouffer. Nous ne pouvons donc que nous y opposer frontalement.
La proximité existe, et France Télévisions joue cette carte dans l'ensemble des outre-mer. Et vous, vous tentez aujourd'hui de l'effacer. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, sur l'article.
M. Rémi Cardon. Ce texte fait l'unanimité contre lui. (Marques de contestation sur les travées des groupes UC et Les Républicains.) Cinq anciens ministres de la culture, issus de sensibilités politiques diverses – Rima Abdul-Malak, Roselyne Bachelot, que vous connaissez très bien, Fleur Pellerin, Renaud Donnedieu de Vabres et Jacques Toubon – se sont opposés à cette réforme. Ce n'est pas rien : ce sont des voix d'expérience, venues de la gauche comme de la droite. Je n'y peux rien…
Les salariés de l'audiovisuel public, eux-mêmes, tirent la sonnette d'alarme. Plus de 100 000 citoyens ont déjà signé une pétition. Plus de 2 000 élus locaux – maires, conseillers municipaux, départementaux, régionaux, présidents de région – ont exprimé leur refus. Ce rejet s'est également traduit par l'adoption de nombreux vœux de soutien à l'audiovisuel public dans les assemblées locales.
Non, ce débat n'est pas une posture. Ce n'est pas non plus une question purement technique réservée aux spécialistes : il s'agit d'un enjeu démocratique majeur. Derrière cette réforme, il existe un risque concret d'affaiblir des médias indépendants – cela a été dit –, de menacer la diversité culturelle et de rompre le lien entre nos concitoyens et leur service public. D'ailleurs, vous avez déjà ouvert cette brèche en supprimant la redevance.
C'est la raison pour laquelle il nous faut nous battre et débattre, ce soir, demain, après-demain, aussi longtemps qu'il le faudra, car le sujet est trop important.
M. Max Brisson. On a tout le temps !
M. Roger Karoutchi. Comme vous voudrez ! Je ne pars pas en vacances.
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, sur l'article.
Mme Mélanie Vogel. Je souhaitais répondre brièvement à Annick Billon. Je me réjouis qu'elle soit finalement en parfait accord avec Yannick Jadot, qui a déclaré qu'il était heureux que la matinale de France Inter ait eu lieu et qu'il trouvait tout à fait normal que notre collègue Anne-Catherine Loisier ait pu y débattre d'écologie.
Je me permets néanmoins de rappeler que le parcours législatif de ce texte a été, jusqu'à présent, une véritable catastrophe. Il a été reporté à trois reprises à l'Assemblée nationale, puis rejeté par cette même assemblée, dénoncé par plusieurs anciens ministres de la culture issus de tous les horizons politiques.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Blablabla !
Mme Mélanie Vogel. Il est aujourd'hui inscrit à l'agenda du Sénat dans les tout derniers jours de la session extraordinaire, avec des délais d'examen et de dépôt d'amendements absolument impossibles à tenir. Si ce texte était aussi sérieux et aussi fondamental, il aurait fallu un calendrier à la hauteur de ses ambitions.
J'aimerais également vous alerter sur le rôle qu'a joué la concentration de l'audiovisuel public dans les processus de démantèlement de l'État de droit que nous avons pu observer ailleurs en Europe. Ce n'est pas un hasard si Viktor Orban, peu après son arrivée au pouvoir en Hongrie, a choisi de concentrer l'audiovisuel public dans une structure de type holding.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Justement, non !
Mme Mélanie Vogel. Il a ensuite étendu cette concentration en agrégeant des médias privés, jusqu'à parvenir à contrôler, directement ou indirectement, au bout de quelques années, près de 90 % des médias. Cela lui a permis de supprimer la pluralité et l'indépendance de la presse, c'est-à-dire les contre-pouvoirs qui font vivre la démocratie.
Mais Viktor Orban est arrivé au pouvoir avec cette stratégie, et il lui a fallu près d'une décennie pour la mettre en œuvre.
Ce que nous nous apprêtons à faire aujourd'hui, c'est finalement réaliser, avant même qu'un pouvoir autoritaire n'advienne, les réformes qu'il mettrait du temps à imposer. Ce serait lui faire gagner des années pour dérouler un projet qui est, je l'espère, l'exact contraire de celui que les démocrates et les républicains de cette assemblée doivent défendre. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, sur l'article.
Mme Annie Le Houerou. Je reviendrai sur les risques qui pèsent sur nos antennes régionales.
Dans sa note intitulée Réforme de la gouvernance de l'audiovisuel public : évaluation de sa mise en œuvre, la direction générale des médias et des industries culturelles affirme que la création de la holding aurait un coût nul. Ce n'est pas crédible, comme cela a déjà été souligné.
À titre d'exemple, avant 2009, la holding qui chapeautait France 2 et France 3 comptait plus de 200 salariés pour un coût de 190 millions d'euros. Par la suite, la fusion des entreprises créant France Télévisions a entraîné des surcoûts, puis des économies drastiques ont été réalisées, au détriment du journalisme de terrain et de la fabrication des programmes.
Depuis ce rapprochement, 15 % des effectifs ont disparu à France Télévisions. La proportion est encore plus importante sur le réseau régional de France 3, auquel appartient l'antenne de Bretagne. Une compression des effectifs est encore en cours actuellement. Quel est donc le sens réel de cette réforme, hormis de faire toujours plus d'économies au risque de fragiliser irrémédiablement l'audiovisuel public, notamment l'audiovisuel en région ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Mes chers collègues, depuis trois heures et demie, j'entends dire que ce texte serait attentatoire à la liberté éditoriale, notamment celle de l'audiovisuel public.
Je rappelle à mes collègues de gauche que, lorsque je signais avec eux le recours devant le Conseil constitutionnel pour contester la suppression de la redevance audiovisuelle, ils ne me qualifiaient pas à l'époque de grand opposant à l'audiovisuel public.
M. Roger Karoutchi. Aucune reconnaissance !
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Pas plus que lorsque, avec David Assouline, j'essayais de produire un rapport sur la concentration des médias, ils ne m'ont considéré comme tel.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous avez changé !
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. J'ai toute la légitimité – et mes décisions l'ont montré – pour dire aujourd'hui que mon texte défend l'audiovisuel public, tout autant que vous, qui en venez désormais à m'insulter (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Ce texte ne serait pas la « PPL Lafon ». Cela tombe bien, nous sommes à l'article 1er, qui est mot pour mot et à la virgule près, le texte que j'ai rédigé. Rien n'a été changé. C'est pourtant l'article fondamental : c'est lui qui définit les missions de la holding, celle dont vous parlez depuis trois heures et demie.
Quelles sont les missions de cette holding ? Définir les orientations stratégiques des entités, veiller à la cohérence et à la complémentarité des offres de programmes, conduire des actions communes et définir les projets de développement intégrant les nouvelles techniques de diffusion et de production.
Selon vous, les lignes éditoriales des différentes chaînes seraient menacées. Je vais vous lire tout simplement l'avis du Conseil d'État, car ce que je vous dirais, vous ne le croiriez pas : « La rédaction de la proposition de loi traduit les intentions des auteurs du texte, qui n'entendent pas que la société France Médias se substitue aux sociétés éditrices, lesquelles conservent leur responsabilité éditoriale et le choix de leurs programmes. » (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 8 est présenté par M. Bacchi, Mmes Cukierman et Corbière Naminzo, M. Ouzoulias et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
L'amendement n° 61 est présenté par Mmes S. Robert et Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros et Ziane, Mme Rossignol, MM. Cardon et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Féraud, Mme Féret, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Roiron, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L'amendement n° 220 est présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l'amendement n° 8.
M. Pierre Ouzoulias. Merci, monsieur le président Lafon, de votre précision. En effet, lorsque j'ai entendu le panégyrique que M. Hugonet a composé pour Mme la ministre, j'ai eu le sentiment que nous ne parlions plus de la proposition de loi Lafon, mais bien du projet de loi Dati. Votre mise au point arrive donc à point nommé, mais il faudra tout de même que la droite sénatoriale nous éclaire : se situe-t-elle du côté du rapporteur et du président de la commission, ou bien du côté de Mme Dati ? Pour l'heure, c'est incertain…
M. Roger Karoutchi. Ce n'est pas à la hauteur !
M. Pierre Ouzoulias. En matière de numérique, l'audiovisuel public a accompli des efforts fantastiques, prodigieux, qui en font aujourd'hui un véritable modèle pour l'audiovisuel privé. Ce sont les médias publics qui, incontestablement, sont à la pointe. Il faut savoir le reconnaître.
Je suis un grand consommateur de médias publics. Je n'écoute plus la radio en ligne, je l'écoute sur mon téléphone, comme beaucoup d'entre nous, ce qui ne signifie évidemment pas que je me désintéresse de l'audiovisuel. La manière de consommer les contenus a changé et sur les plateformes, c'est bien l'audiovisuel public qui est moteur.
Arte, notamment, va sans doute constituer la plateforme majeure pour tous les contenus européens. C'est une réussite que nous devons célébrer.
Mme Rachida Dati, ministre. Là je suis d'accord !
M. Pierre Ouzoulias. L'audiovisuel public a su réaliser tout cela en dépit d'une perte de moyens. Mme Ernotte indiquait encore avant-hier que France Télévisions dispose aujourd'hui des mêmes ressources qu'en 2012 : c'est bien là que réside le problème.
Je regrette, à ce titre, que cette proposition de loi ne traite pas du cadrage budgétaire.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour présenter l'amendement n° 61.
Mme Sylvie Robert. Lorsque j'entends M. le président Lafon affirmer que ce texte correspond, dans son inspiration du moins, à celui que nous avons voté il y a deux ans sur la holding, pardon, mais permettez-moi de vous dire que les débats que nous avons aujourd'hui démontrent qu'il ne s'agit pas du tout du même texte. L'intervention de notre collègue Pierre Ouzoulias vient de le confirmer.
Ce texte vise à créer une holding exécutive : ce n'est pas ce que nous avions voté il y a deux ans !
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Mais si !
Mme Sylvie Robert. Exit les directeurs généraux des différentes sociétés ! Le fameux PDG qui sera nommé présidera lui-même le conseil d'administration de chacune d'entre elles. La holding deviendra affectataire des ressources budgétaires, et les sociétés ne feront plus l'objet de programmes budgétaires dédiés – c'est tout de même grave – ni de fléchage précis. On ne va pas me faire croire qu'il y a deux ans, nous avons voté cela. Enfin, soyons sérieux !
M. Max Brisson. Nous, si ! Vous avez voté contre le texte.
Mme Sylvie Robert. En outre, les sociétés se verront imposer leurs orientations stratégiques et autres projets de développement. Si cela ne s'appelle pas une concentration du pouvoir, des orientations et des moyens dans les mains d'un PDG unique, alors, démontrez-nous le contraire !
J'ajoute que ce mode de financement des sociétés nous dérange profondément. Il ne sera plus du tout transparent : nous ne saurons plus, in fine, qui est affectataire de tel ou tel budget.
Lorsque nous aborderons le débat sur France Médias Monde, j'anticipe d'ores et déjà ma position : je comprendrai et je soutiendrai son retrait. Il s'agit d'un « Petit Poucet » à l'organisation singulière. Imaginez-le dans une telle superstructure ! Non seulement il se fragilisera, mais il finira par disparaître complètement. C'est aussi pour cela que nous sommes en désaccord avec ce projet.
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour présenter l'amendement n° 220.
Mme Monique de Marco. Je l'ai souligné lors de la discussion générale, les clés de l'indépendance du service audiovisuel reposent essentiellement sur deux piliers : l'indépendance politique, par une gouvernance plurielle ; l'indépendance financière, par un financement autonome, stable et à la hauteur des besoins.
Alors que la suppression de la redevance audiovisuelle a porté une forte atteinte à l'indépendance financière, le projet de groupement des entités de l'audiovisuel public portera une atteinte considérable à l'indépendance par rapport au pouvoir politique.
En concentrant les moyens d'information des entreprises publiques au sein d'une seule entité dirigée par une personne unique, ce projet de réforme porte atteinte à l'objectif de protection par la loi des expressions pluralistes des opinions publiques, protégées par l'article 4 de la Constitution.
Par ailleurs, la création d'une telle holding vise en réalité – soyons réalistes – à faire des économies, comme l'exprimait très clairement le rapport Gattolin-Leleux de 2015, et ce au détriment du pluralisme et d'une offre audiovisuelle de qualité. Elle risque également de constituer une charge supplémentaire inutile et non évaluée de façon transparente à ce jour.
L'existence de services audiovisuels publics de qualité est une exigence démocratique première qui concourt à la liberté de communication. Nous nous opposons donc à la création d'une telle holding et proposons plutôt un renforcement des instances de coordination et de coopération entre les entreprises publiques.
M. Max Brisson. Ça ne fonctionne pas !
Mme Monique de Marco. Si vous pouvez me le démontrer, j'en serai ravie !
M. Max Brisson. C'est la situation actuelle !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Cédric Vial, rapporteur. Je vais tenter de répondre à Mme de Marco.
Imaginons deux points de vue opposés, deux entités qui ne sont pas d'accord. À droite de l'hémicycle, France Télévisions ; à gauche, Radio France. Entre les deux, un sujet sur lequel subsiste un désaccord. Que faisons-nous ? Nous débattons, nous confrontons les arguments, et, à la fin, une majorité tranche. Ce sera peut-être samedi, ce sera peut-être dimanche, mais il y aura un vote et une décision.
Imaginons à présent la même configuration, mais cette fois sans aucun mécanisme de décision ni processus de vote. Que se passe-t-il alors ? Rien. Le désaccord demeure, et il n'y a ni arbitrage ni avancée possible. C'est cela, la deuxième option : deux positions opposées, mais aucune capacité de décider, donc aucune possibilité d'agir.
Mme Sylvie Robert. C'est ça la pluralité !
Mme Mélanie Vogel. Et c'est très bien !
(À suivre)