Présidence de Mme Sylvie Robert
vice-présidente
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Communication relative à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
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Mandat d'élu local
Discussion en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture, à la demande du président du Sénat, de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à encourager, à faciliter et à sécuriser l'exercice du mandat d'élu local (proposition n° 854 [2024-2025], texte de la commission n° 34, rapport n° 33).
Discussion générale
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des lois, mesdames, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, face aux nombreuses démissions de maires, nées de la lassitude, de la complexité de la tâche, du poids des responsabilités, de la pression morale et des violences dont ces élus font parfois l'objet, ainsi que de la difficulté de concilier engagement, vie personnelle et vie professionnelle, M. le président du Sénat annonçait voilà deux ans au congrès des maires une initiative sénatoriale en faveur d'un statut de l'élu.
Fidèle à cette promesse, le Sénat votait à l'unanimité, en mars 2024, une proposition de loi transpartisane destinée à encourager, faciliter et sécuriser l'engagement municipal.
Depuis lors, nous le savons, ce texte a subi les secousses politiques qui sont survenues et les aléas du calendrier parlementaire. Or nous devons tenir cette promesse. Nous le devons non seulement à ceux qui s'engagent pour servir, mais aussi à ceux qui hésitent à s'engager.
Fruit d'une large concertation, cette proposition de loi traduit une conviction que le Sénat a toujours défendue : l'engagement local, force précieuse et même essentielle, est le pilier vivant de notre démocratie.
Le présent texte est également le fruit d'un travail approfondi, transpartisan et pragmatique. Il illustre ainsi la qualité du travail parlementaire.
Je tiens à saluer l'apport du Sénat, plus particulièrement celui de sa commission des lois et de ses rapporteurs. Je n'oublie pas non plus la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Derrière les mots sobres d'élu local se cache une réalité humaine généreuse et immense : l'engagement de plus de 500 000 élus de la République, qui jour après jour font vivre nos territoires, agissent sans relâche pour leurs concitoyens, dans la discrétion, certes, mais toujours dans la fidélité à l'intérêt général. Je veux, avec vous, leur rendre un hommage profond et sincère.
Le présent texte traduit la reconnaissance, par la Nation, d'un engagement citoyen exigeant, parfois ingrat et risqué, mais qui est essentiel, car il fonde notre démocratie.
Être élu local – vous le savez –, c'est être à la fois décideur, médiateur, gestionnaire, entrepreneur et amortisseur de crises. C'est être à portée de regard et de reproche ; à portée de cœur, aussi. C'est incarner la République dans sa proximité et agir au nom de l'État.
Toutefois, l'engagement local traverse une zone de fragilité. Quelque 450 maires démissionnent chaque année depuis 2020. Pourtant, le rôle de ces élus n'a jamais été si central : c'est à eux que l'on s'adresse quand tout vacille, quand la société devient nerveuse, quand l'État doit agir au plus près, comme ce fut le cas pendant la crise de la covid.
Cette proposition de loi revient aujourd'hui en deuxième lecture au Sénat, après que l'Assemblée nationale l'a adoptée à l'unanimité, en juillet dernier.
Si cette séance a lieu aujourd'hui, c'est grâce à la détermination de chacun d'entre nous, dans nos fonctions respectives ; c'est grâce au soutien sans faille des présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale, ainsi que des représentants des associations d'élus ; et c'est tout particulièrement grâce à M. le Premier ministre, qui a voulu faire de cette proposition de loi l'un des premiers textes soumis au Sénat lors de cette session parlementaire.
Le présent texte repose sur trois piliers.
Premièrement, il s'agit de faciliter l'engagement en le rendant plus compatible avec la vie quotidienne, personnelle, professionnelle et même estudiantine ; en permettant l'accès aux indemnités de maladie et de grossesse, ainsi que la prise en charge de frais de garde et de déplacement imposés par la fonction d'élu. Je rappelle que plus de 80 % des élus locaux sont bénévoles.
Deuxièmement, il s'agit de sécuriser cet engagement. Chaque élu doit pouvoir exercer son mandat sans peur. C'est pourquoi nous exprimons tous la volonté d'étendre la protection fonctionnelle et de clarifier les règles de conflit d'intérêts, sur la base des excellentes recommandations du rapport Vigouroux.
Troisièmement, et enfin, il s'agit d'encourager l'engagement local, non seulement par l'accès à la formation et la validation des acquis de l'expérience (VAE), mais aussi par la sécurisation de la fin de mandat, laquelle doit faciliter les reconversions professionnelles.
Je le rappelle avec force, cette proposition de loi ne crée pas de privilège. Les élus sont garants du respect des lois. Il s'agit simplement de tenir une promesse républicaine et démocratique : tout citoyen, quels que soient son âge, son métier et son statut social, doit pouvoir s'engager au service de sa commune. C'est l'honneur de notre République.
Le statut de l'élu est une étape dans la reconnaissance du rôle fondamental des collectivités territoriales.
Ici même, la semaine dernière, M. le Premier ministre affirmait sa volonté de conduire, en concertation avec le Parlement et les associations d'élus, un nouvel acte de décentralisation, non pas pour multiplier les structures, mais pour clarifier les responsabilités, afin de garantir l'efficacité de l'action publique jusqu'au dernier kilomètre.
Cette proposition de loi cherche l'équilibre entre la responsabilité publique et la juste reconnaissance de ceux qui l'assument.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au-delà de nos différences, ce texte nous rassemble. Il parle de dévouement, d'engagement et de civisme. Il s'adresse à toutes celles et tous ceux qui, de la plus petite commune de France à la grande métropole, incarnent la République du quotidien. Ce ne sont pas des notables, mais des serviteurs, des citoyens engagés pour servir.
En adoptant cette proposition de loi, vous enverrez un signal clair : celui d'un État qui fait confiance à ses élus, d'une démocratie qui respecte ses serviteurs, d'une République qui se souvient de ce qu'elle leur doit.
Il est de notre responsabilité de faire en sorte qu'en mars prochain, dans chaque territoire, des femmes et des hommes disent encore : « Oui, je veux servir. »
Le parcours du présent texte n'a pas été un long fleuve tranquille, et désormais le temps presse. Dans quelques mois des élections municipales auront lieu. Cette proposition de loi, qui chemine depuis un si long moment, suscite de fortes attentes. Sa mise en œuvre rapide engage notre responsabilité collective.
Des différences d'appréciation entre l'Assemblée nationale, le Gouvernement et votre assemblée persistent, naturellement. Mais je ne doute pas que nous saurons ensemble les surmonter en trouvant des voies d'accord, pour garantir dans le temps voulu la prospérité de ce texte de reconnaissance de la Nation. La démocratie locale et nos élus locaux le valent bien. Il est temps de conclure. Nous le leur devons. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a maintenant plus d'un an et demi que le Sénat a adopté, à l'unanimité, la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local.
Après plusieurs atermoiements, nous nous réjouissons de pouvoir enfin examiner ce texte en deuxième lecture, tant la situation de nos élus locaux paraît préoccupante.
Le rythme des démissions ne cesse de s'accélérer, notamment parmi les maires. Plus de 2 000 d'entre eux ont démissionné depuis 2020. On estime en outre que, dans le même temps, plus de 30 000 conseillers municipaux se sont démis de leurs fonctions.
Pour enrayer la crise de l'engagement local, le texte que nous examinons aujourd'hui contient des mesures ambitieuses visant à améliorer le régime indemnitaire des élus locaux et les conditions d'exercice des fonctions électives tout en sécurisant la sortie de mandat.
Face au profond malaise ressenti par nos élus, et alors que les élections municipales de 2026 approchent à grands pas, il est impératif que ce texte transpartisan, largement attendu et de nature à renforcer l'attractivité des mandats, entre en vigueur au plus vite, avant le renouvellement de mars prochain. Comme le disait à l'instant Mme la ministre, « il est temps de conclure ».
Le texte adopté par le Sénat a subi d'importantes modifications à l'Assemblée nationale, pas moins de 236 amendements ayant été adoptés par nos collègues députés.
Certaines mesures issues des travaux de notre assemblée ont suscité une large adhésion. D'autres ont été enrichies, ce dont nous nous félicitons. D'autres encore, pourtant indispensables, ont a contrario été revues à la baisse, voire supprimées.
Pour cette deuxième lecture, la commission s'est attachée à préserver l'équilibre et l'esprit initial du texte. En suivant cette méthode de travail, nous avons fait le choix de rétablir les dispositifs adoptés par le Sénat lorsqu'ils présentaient un caractère plus ambitieux, tout en maintenant certains apports bienvenus de l'Assemblée nationale.
J'en viens maintenant au premier axe, relatif à l'amélioration du régime indemnitaire des élus locaux, de cette proposition de loi.
Nous nous félicitons des accords de principe trouvés avec nos collègues députés, par exemple quant à la majoration de la durée d'assurance retraite des élus locaux. Il s'agit là d'une mesure très attendue.
En revanche, nous regrettons certaines modifications apportées. La revalorisation des indemnités de fonction des maires et de leurs adjoints a ainsi été revue à la baisse. Dans un esprit de compromis, la commission a toutefois adopté ce dispositif à l'identique, compte tenu de la situation budgétaire actuelle.
En parallèle, la commission des lois a tenu à rétablir un certain nombre de mesures essentielles. Je pense notamment à la fixation par défaut des indemnités au maximum légal pour les exécutifs locaux. Cette disposition permettra d'éviter, en début de mandat, de longs débats conduisant bien trop souvent les élus locaux à renoncer aux indemnités auxquelles ils ont droit.
Je laisse à mon collègue rapporteur Éric Kerrouche le soin de vous présenter plus en détail les dispositions destinées à améliorer les conditions d'exercice du mandat. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe INDEP. – Mme Maryse Carrère applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Éric Kerrouche, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'amélioration des conditions d'exercice du mandat constitue le deuxième axe de cette proposition de loi.
Les améliorations de nature matérielle figurant dans ce texte ont fait l'objet, et l'on peut s'en féliciter, d'une large convergence de vues entre les deux assemblées. Je pense notamment au remboursement obligatoire par les collectivités territoriales des frais de transport engagés par les élus locaux, assorti d'une compensation par l'État, au bénéfice des communes de moins de 3 500 habitants.
De même, nos collègues députés ont opportunément complété le dispositif que nous avons créé à l'article 6 bis, alignant les droits et les garanties des conseillers d'arrondissement sur ceux des conseillers municipaux.
D'autres améliorations concernent spécifiquement les élus locaux qui poursuivent une activité professionnelle en parallèle de leur mandat : c'était un de nos objectifs. Je pense aux activités prévues à l'article 9, lequel complète le régime des autorisations d'absence dont bénéficie un élu salarié pour se consacrer à son mandat, ainsi qu'à l'article 11 bis, qui permet la prise en compte des mandats électifs locaux pour les affectations et les mutations dans la fonction publique d'État.
Si la plupart de ces mesures ont fait l'objet d'un consensus entre nos deux assemblées, les accords n'ont pas été systématiques. La commission a donc tenu à revenir, dans la mesure du possible, aux dispositifs votés par le Sénat, lorsque ces derniers se révélaient plus protecteurs pour les élus locaux. La commission a par exemple réintroduit la version sénatoriale de l'article 8 en fixant la durée maximale du congé électif à vingt jours, contre quinze dans le texte adopté par l'Assemblée nationale.
Enfin, diverses mesures sont destinées à faciliter la conciliation entre exercice d'un mandat local et vie personnelle.
Ainsi, l'article 16 facilite la prise en charge des frais de garde engagés par les élus locaux. La commission a rétabli l'obligation de compensation par l'État des remboursements versés par les communes de moins de 10 000 habitants. Nos collègues députés avaient réservé cette disposition aux seules communes d'outre-mer, ce qui ne nous paraissait pas suffisant.
L'article 17 traite quant à lui des conditions dans lesquelles les élus locaux peuvent continuer l'exercice de leur mandat lorsqu'ils sont placés en congé de maladie. Vous vous en souvenez, certains d'entre eux ont dû rembourser leurs indemnités journalières de sécurité sociale à cause d'un document mal rempli.
Sur ce sujet, la commission a souhaité aller plus loin que le dispositif initial, en considérant que les élus doivent pouvoir continuer d'exercer leur mandat indépendamment de l'avis de leur praticien. Face à un certain nombre de situations choquantes, il nous semblait utile de revenir à la version défendue et adoptée au Sénat.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il m'appartient à présent de vous présenter les mesures visant à sécuriser l'engagement des élus.
Les articles 18 à 18 bis traitent d'un sujet important : la répression de la prise illégale d'intérêt et, plus largement, la prévention des conflits d'intérêts.
En la matière, nous avons le même objectif : la définition de dispositifs en phase avec les réalités de l'action des élus, qui n'entravent pas de façon disproportionnée les travaux qu'ils mènent au service de l'intérêt général. Évidemment, nous ne nions pas pour autant la nécessité de sanctionner les cas d'atteinte avérée à la probité.
À ce titre, les travaux du Sénat et de l'Assemblée nationale s'accordent sur un point essentiel : la loi doit édicter, de la façon la plus claire qui soit, qu'un intérêt public ne saurait entrer dans le champ de la répression du délit de prise illégale d'intérêt. Il s'agit, dans ce domaine, d'une révolution copernicienne.
Chacun, sur ces travées, doit mesurer la portée de ces dispositions. C'est là une évolution substantielle de notre droit.
Par ailleurs, la commission a entendu revenir sur diverses mesures d'assouplissement du régime de prévention des conflits d'intérêts applicables aux organes délibérants des collectivités territoriales.
En première analyse, la rédaction de ces dispositions, introduites par l'Assemblée nationale, ne nous paraissait pas pleinement aboutie. En outre, elle posait selon nous de réels problèmes techniques.
Mes chers collègues, nombre d'entre vous ont déposé des amendements visant à rétablir ces dispositions.
Nous entendons évidemment vos préoccupations, qu'expriment également certaines associations d'élus. Néanmoins, le texte adopté par nos collègues députés provoquerait un certain nombre d'effets pervers. Dès lors, les dispositions dont il s'agit iraient à l'encontre du but que nous visons tous : apporter enfin de la sécurité juridique aux élus. C'est la raison pour laquelle nous vous proposerons, aux articles 18 et 18 bis A, des amendements visant à tenir compte de vos préoccupations tout en préservant la robustesse juridique des dispositifs considérés.
Parallèlement, la commission a réintroduit les avancées votées en première lecture par le Sénat. Je pense en particulier à l'octroi automatique de la protection fonctionnelle à l'ensemble des élus.
J'en viens au volet relatif à l'accompagnement des élus locaux, dans le respect des principes déontologiques.
La commission a par exemple rétabli le préremplissage de la déclaration de patrimoine par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), afin d'alléger les contraintes administratives pesant sur les élus,…
M. Michel Masset. Très bien !
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. … contraintes dont on ne peut que déplorer la lourdeur.
Enfin, cette proposition de loi vise à mieux sécuriser la sortie de mandat.
Le texte de la commission permettra notamment d'entériner l'éligibilité de l'ensemble des élus locaux à la démarche de validation des acquis de l'expérience. Nos débats en séance nous donneront, en outre, l'occasion d'acter des évolutions quant à la situation des élus privés d'emploi à l'issue du mandat.
Mes chers collègues, nous nous sommes efforcés de revenir à l'esprit ayant présidé à l'élaboration de cette proposition de loi tout en conservant les apports judicieux de l'Assemblée nationale.
Le texte que nous vous proposons d'adopter comporte des mesures ambitieuses, qui, j'en suis convaincue, sauront répondre aux attentes exprimées par les élus et revaloriser leur engagement.
Ce dispositif d'ensemble est à la fois protecteur pour nos élus, cohérent et complet. En ce sens, il demeure fidèle à l'ambition initiale du Sénat…
Mme la présidente. Veuillez conclure, madame la rapporteure.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Il s'agit de mener à bien un travail très attendu, en créant un véritable statut de l'élu local. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Bravo !
Mme Salama Ramia. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guy Benarroche. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à l'heure où notre pays traverse une crise politique et démocratique, il pourrait paraître inopportun de prendre du temps, au Parlement, pour traiter du statut de l'élu. C'est pourquoi il est important de rappeler l'objectif de ce texte. J'évoquerai de même, une nouvelle fois, les ambitions que défend sur ce sujet le groupe auquel j'appartiens.
Si je suis aujourd'hui législateur, élu par des élus, c'est parce que je me suis d'abord engagé dans un parcours personnel et citoyen au sein de ma commune.
J'ai ainsi pu constater, non seulement l'importance de cet échelon local et la nécessité d'être à l'écoute de nos concitoyens, mais aussi le dévouement des membres du conseil municipal. J'ai pu mesurer le temps qu'ils consacraient à leurs administrés, dont ils s'efforçaient toujours de résoudre les problèmes.
Ce texte cherche à répondre à une attente exprimée de longue date par les écologistes : la création d'un réel statut de l'élu, à même de lever les freins à l'engagement citoyen et de faciliter pour tous l'exercice de mandats électifs locaux.
Les dernières années ont été particulièrement difficiles. Budgets de plus en plus serrés conjugués à une perte d'autonomie financière des collectivités territoriales ; marges de manœuvre sans cesse plus limitées : les maires, ces élus en qui les Français ont le plus confiance, se trouvent de plus en plus exposés.
Nous l'exprimions dès la remise des conclusions du groupe de travail sur la décentralisation réuni par le président Larcher : « Notre groupe soutient l'action des élus locaux et s'associe à l'ensemble des propositions qui pourraient leur permettre une plus grande protection, un meilleur accompagnement dans leur engagement. Souvent non indemnisés, la conciliation de leurs vies professionnelle et personnelle peut être un frein à leur implication. Nous nous associons à la demande d'un véritable statut de l'élu, plus protecteur, et du développement des moyens concrets d'accompagnement pour améliorer la parité et la diversité des profils. »
Ce texte tente de répondre en pratique, quoique de manière incomplète, aux attentes exprimées sur ce sujet.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires défend un statut de l'élu à la fois complet et efficace, incitant à l'engagement citoyen individuel au service du collectif.
Les dispositions de l'article 40 et une certaine frilosité des gouvernements saisis de ce texte à reprendre nos idées sur deux points essentiels atténuent quelque peu la portée des dispositions présentées aujourd'hui.
Tout d'abord, je pense à la formation. Les élus locaux sont confrontés à des problématiques de plus en plus complexes et aux attentes accrues de nos concitoyens ; et je ne reviendrai pas aujourd'hui sur le désengagement de l'État, qui atteint même désormais les missions régaliennes.
Nous aurions ainsi voulu voir figurer dans ce texte, ou à tout le moins pouvoir défendre, ce que l'article 40 nous interdit, un effort accru en faveur de la formation des élus, et en priorité les primo-élus. Je pense en particulier aux questions de probité, à l'exercice des pouvoirs de police et aux conséquences du changement climatique, sur lesquelles a insisté ma collègue Ghislaine Senée.
Ensuite, nous continuons d'appeler l'attention sur la conciliation des vies personnelle, parentale et professionnelle avec l'exercice d'un mandat local.
Pour mieux concilier vie professionnelle et vie d'élu, il convient non seulement d'améliorer le régime indemnitaire pour tous, mais aussi d'étendre les conditions dans lesquelles les élus peuvent s'absenter pour remplir leurs fonctions et d'assurer la prise en compte de ces absences dans tous les calculs sociaux.
Pour ce qui concerne l'accompagnement des personnes qui souhaiteraient s'engager un temps au service de leur collectivité territoriale, les élus de notre groupe restent sur leur faim – nous l'avons déjà rappelé en première lecture.
Dans l'exercice des mandats locaux, la différence d'implication est bien trop flagrante entre, d'une part, les retraités, fonctionnaires et salariés du privé, et, d'autre part, les artisans, commerçants, paysans et indépendants.
Les enjeux de conciliation entre vie familiale et vie d'élu ont bien sûr toute leur importance. De même, nombre de personnes renoncent faute du temps nécessaire pour exercer leurs fonctions de manière correcte. Mais n'oublions pas non plus que, si de nombreuses personnes refusent de s'engager, c'est parce qu'il est particulièrement difficile de gérer les allers-retours entre vie professionnelle et vie d'élu. Au sein de notre groupe, nous estimons que le présent texte ne permet toujours pas de répondre à cette problématique.
Nous avons introduit de nouvelles dispositions relatives à la vie familiale, et nous nous félicitons qu'elles aient été conservées. Cela étant, nous voulons aller au-delà, en assurant la prise en compte de l'ensemble des parentalités. Aussi, par notre amendement n° 205, nous proposons d'étendre au congé d'adoption l'avancée obtenue au titre du congé de maternité.
Nous sommes tout aussi attentifs aux mesures permettant la meilleure participation des personnes en situation de handicap, progrès défendus par mon collègue Thomas Dossus.
Enfin, je regrette que rien n'ait pu avancer pour les élus d'arrondissement ou de secteur des villes de Paris, Lyon et Marseille,…
M. Guy Benarroche. … dont les gouvernements successifs semblent traiter le cas au coup par coup.
Mes chers collègues, les membres de notre groupe voteront ce texte, car il contient des avancées nécessaires et même indispensables pour valoriser et protéger l'engagement des élus locaux. Mais il ne faudrait pas que le nouveau gouvernement réduise cette proposition de loi à l'état de coquille vide.
Mme la présidente. Veuillez conclure, cher collègue !
M. Guy Benarroche. Il faudra donc assurer des financements à la hauteur des avancées que ce texte contiendra. (Mme Ghislaine Senée et Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure, applaudissent.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous prie tous de bien vouloir respecter votre temps de parole.
La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans cinq mois auront lieu les élections municipales. Il s'agit par définition d'un moment essentiel de notre vie démocratique : les Français choisiront celles et ceux qui, pendant six ans, porteront la voix de leur commune.
Les élus locaux sont le dernier poumon démocratique de notre pays, tant les gouvernements successifs ont abîmé notre vie politique. Sur ce point, je pense que nous serons tous d'accord : il faut non seulement savoir les écouter et les accompagner, mais aussi leur donner les moyens d'agir.
Nous dressons le même constat et exprimons la même préoccupation. Au sujet des moyens, en revanche, je crains que nous n'ayons quelques divergences.
Depuis plusieurs années, nos élus locaux affrontent des conditions d'exercice toujours plus difficiles. Ils sont confrontés non seulement à la violence, souvent verbale, parfois physique, mais aussi à la solitude, à la complexité administrative et à un sentiment d'abandon croissant.
Vous l'avez rappelé, madame la ministre : ce malaise s'exprime par la multiplication des démissions, notamment dans les communes rurales, où la fonction de maire et même de conseiller municipal devient un véritable parcours du combattant. Or, lorsque les élus locaux renoncent, c'est la République qui meurt à petit feu.
Le présent texte vise à répondre à ce constat. Il contient plusieurs avancées, que nous devons saluer : la revalorisation des indemnités des maires et des adjoints, aujourd'hui bien trop faibles dans les communes rurales, où l'on est élu sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre, où l'on s'engage au détriment de sa retraite, de ses congés et souvent de sa vie familiale ; l'amélioration du régime de retraite des élus ; la prise en compte d'un trimestre supplémentaire par mandat complet ; ou encore la meilleure protection sociale et juridique dans l'exercice des fonctions électives locales.
Toutes ces mesures vont dans le bon sens. Elles traduisent, enfin, l'engagement de celles et ceux qui consacrent leur vie à leur commune, souvent aux dépens de leur carrière et de leur famille.
Toutefois, mes chers collègues, si ce texte apporte des réponses utiles, il ne saurait masquer l'inaction persistante du Gouvernement.
Ces dispositions – nous le savons – ne sont pas nées d'une initiative ministérielle. Elles résultent bien d'un travail du Parlement, mené sous la pression des associations d'élus et des territoires. C'est le Parlement qui agit là où l'exécutif se contente de promesses.
Les élus locaux attendent depuis longtemps la reconnaissance pleine et entière de leur statut, la clarification de leurs droits et devoirs, ainsi qu'une réelle protection contre les risques inhérents à leur mandat. Or, jusqu'à ce jour, le Gouvernement a laissé perdurer un système inégal et déséquilibré. On demande toujours plus aux communes tout en leur retirant leurs moyens, et les dispositions du projet de loi de finances (PLF) ne vont pas améliorer leur situation.
Cette proposition de loi précise bien que l'élu exerce ses fonctions avec dignité, probité et impartialité ; qu'il bénéficie d'un droit à la formation et d'une protection organisée par la collectivité territoriale. Mais ces principes resteront lettre morte sans moyens budgétaires clairs, sans la volonté politique d'en assurer l'application.
Le présent texte renforce également la conciliation entre mandat et vie professionnelle. Il étend notamment les cas dans lesquels une autorisation d'absence peut être accordée et facilite le dialogue avec les employeurs. Là encore, l'intention est bonne, mais elle se heurte à la réalité : un salarié élu reste aujourd'hui trop souvent perçu comme un problème par son employeur.
Où est le soutien concret de l'État pour encourager les entreprises à valoriser l'engagement civique de leurs salariés ?
Quant à la promesse d'une meilleure formation des élus, elle va certes dans le sens de la professionnalisation du mandat. Mais elle ne pourra pas suffire à combler le désintérêt croissant pour la vie publique si les conditions matérielles d'exercice des fonctions électives locales restent si précaires.
Le Gouvernement continue de parler de la décentralisation, mais il ne cesse d'en réduire la portée. À quelques mois des élections municipales, ce constat est particulièrement préoccupant.
Le présent texte est un début. Nous le voterons, mais il faut redoubler d'efforts face à ce défi.

