M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, auteur de la question n° 749, adressée à Mme la ministre de l'action et des comptes publics.

M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le ministre, l'actualité récente et les difficultés de financement des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) ont mis de nouveau en lumière les conséquences néfastes de la réforme portant sur la perception de la taxe d'aménagement.

Le projet de loi de finances pour 2021 a opéré un transfert de la gestion de la taxe d'aménagement, jusqu'alors dévolue aux directions départementales des territoires (DDT), vers la direction générale des finances publiques (DGFiP).

Centraliser pour simplifier : tel était l'objectif… Voilà une rengaine dont nous avons désormais malheureusement l'habitude.

Toutefois, au regard des nombreuses remontées de terrain et de la profusion de questions adressées au Gouvernement sur ce sujet, force est de constater que la réforme n'a pas atteint l'objectif initial.

D'une part, les communes, déjà pénalisées par une énième déconnexion avec le contribuable, se retrouvent lésées sur le montant restant à percevoir.

D'autre part, vient inévitablement se greffer à ce mouvement une complexification supplémentaire de la déclaration, dont l'usager, même s'il ne manque pas d'entraînement dans cette discipline, n'avait nul besoin.

Résultat : les maires et leurs équipes, qui subissent déjà une réduction de leurs marges de manœuvre, voient s'ajouter un énième facteur d'incertitude dans l'élaboration de leurs budgets communaux.

Aussi, monsieur le ministre, qu'entendez-vous mettre en œuvre concrètement pour rétablir une bonne gestion de la taxe d'aménagement, telle qu'elle existait lorsque cette taxe était directement recouvrée par les communes ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Sébastien Martin, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, chargé de l'industrie. Monsieur le sénateur Hugonet, vous êtes un fin connaisseur de ces questions, car vous bénéficiez, comme moi, d'une expérience locale. Je mesure donc la portée de vos propos.

Néanmoins, je ne peux m'empêcher de rappeler que la collecte de la taxe d'aménagement est, depuis fin 2022, exigible à l'achèvement des travaux, et non plus au dépôt du permis de construire. La réforme visait à éviter aux collectivités d'avoir à rembourser une partie de l'avance à la fin du chantier.

Avec une exception notable pour les projets dont l'emprise au sol excède 5 000 mètres carrés, qui continuent de faire l'objet d'un acompte, conformément à la demande des associations d'élus, ce nouveau dispositif évite que plus du quart des sommes prélevées au titre de la taxe ne soit remboursé par les collectivités.

Celui-ci a toutefois rencontré des difficultés lors de sa mise en œuvre, ce qui a provoqué un retard dans la collecte de la taxe. La DGFiP a donc engagé des efforts importants pour le rattraper. Ses services locaux sont en contact avec les élus, et des relances ont été effectuées auprès des contribuables en retard dans leur déclaration, en lien et en accord avec les collectivités, pour identifier les biens a priori achevés.

Après un certain nombre d'échanges avec l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité, la DGFiP a cherché à faire un point sur la situation, et, plus particulièrement, sur les sommes restant à collecter.

La baisse du montant des sommes recouvrées par l'État au titre de la taxe d'aménagement et reversées aux collectivités locales s'explique notamment par la diminution des constructions et mises en chantier, ainsi que par la réduction de la surface moyenne des constructions.

En mobilisant l'ensemble des leviers à la main de l'État, nous mettons tout en œuvre pour améliorer le rendement de la taxe d'aménagement et simplifier son recouvrement. La DGFiP a d'ailleurs engagé une réflexion sur le sujet, à laquelle les élus seront associés.

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.

M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre éclectisme, mais, sauf votre respect, la DGFiP a dû mal à reconnaître qu'elle est à côté de la plaque…

Le vrai problème, indépendamment de la technique, c'est que l'on éloigne le contribuable de la commune. C'est un fait majeur, qui n'est pas le fruit du hasard – bon nombre de mes collègues partagent d'ailleurs mon opinion.

conséquences de la réforme de la taxe d'aménagement sur les finances des collectivités territoriales et sur le modèle économique des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, auteure de la question n° 731, adressée à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

Mme Sylviane Noël. Monsieur le ministre, depuis l'entrée en vigueur de la réforme de la taxe d'aménagement en janvier 2022, les communes sont confrontées à des difficultés insurmontables dans le recouvrement de cette taxe.

En effet, alors que la taxe d'aménagement était auparavant exigible quelques mois après la délivrance de l'autorisation d'urbanisme, elle ne l'est désormais qu'après la déclaration d'achèvement des travaux.

Ce nouveau mécanisme a profondément désorganisé le recouvrement, jusque-là automatique, du fait des retards considérables dans les déclarations et d'une charge accrue de relances qui incombe désormais aux communes.

Le manque à gagner est colossal : dans mon département, par exemple, la commune de Marignier prévoyait le recouvrement de 300 000 euros en 2025 ; or elle n'a perçu que 10 000 euros à mi-année ! Et les retards s'accumulent : la commune des Houches est toujours en attente du recouvrement de 216 000 euros au titre des permis délivrés en 2021 et 2022…

Les conséquences de cette réforme affectent également les départements. La part départementale de la taxe d'aménagement finance notamment les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), dont les ressources ont chuté de 40 % en 2024, obligeant plusieurs d'entre eux à licencier.

Depuis deux ans, je ne cesse d'alerter sur les effets désastreux de cette réforme, via des questions au Gouvernement, une proposition de loi et de nombreuses remontées que je tiens du terrain, auxquelles le Gouvernement est resté sourd.

Monsieur le ministre, je vous en conjure : il y a urgence à revenir au dispositif antérieur pour mettre fin à ce grand bazar extrêmement pénalisant pour les collectivités locales !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Sébastien Martin, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, chargé de l'industrie. Madame la sénatrice Noël, les sommes collectées par l'État au titre de la taxe d'aménagement et reversées aux collectivités locales sont en effet en forte baisse : elles s'élevaient à 2,2 milliards d'euros en 2023 contre 1,5 milliard d'euros en 2024, et une nouvelle diminution est attendue en 2025.

Cette évolution tient notamment à la chute du nombre de permis de construire entre 2022 et 2024 – environ moins 31 % –, et à la réduction de la surface moyenne des constructions.

Par ailleurs, depuis fin 2022, la taxe d'aménagement est exigible à l'achèvement des travaux, sauf pour les projets de plus de 5 000 mètres carrés qui restent soumis à un acompte.

Ce nouveau dispositif, associé au transfert de la liquidation et du recouvrement à la DGFiP, évite que plus du quart des sommes collectées au titre de la taxe ne soit remboursé ensuite aux usagers et ainsi reversé par les collectivités.

Sa mise en œuvre a toutefois entraîné un retard dans la collecte. Comme je l'ai souligné, la DGFiP a engagé d'importants efforts de rattrapage, en mobilisant ses ressources internes et son réseau territorial.

Des échanges récents avec l'AMF et de nombreux élus ont permis de faire le point sur les sommes restant à recouvrer ; des montants significatifs seront liquidés dans les prochains mois, avant l'expiration des délais de prescription.

La DGFiP a en outre engagé une réflexion avec son réseau, en concertation avec les élus, pour améliorer la gestion et la lisibilité de ces taxes, souvent complexes pour les usagers.

Enfin, le Premier ministre a appelé les élus locaux, les membres du Gouvernement et les parlementaires, à engager une réflexion sur la décentralisation, la déconcentration et l'organisation générale de l'État : vos propositions, que nous examinerons avec la plus grande attention, nourriront ce débat.

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour la réplique.

Mme Sylviane Noël. Monsieur le ministre, cessez de dire que la diminution du recouvrement est due à une baisse des mises en chantier. Les élus savent parfaitement ce qu'ils ont à recouvrer en fonction des autorisations d'urbanisme qu'ils ont délivrées.

Par ailleurs, vous êtes mal informé : la direction départementale des finances publiques de la Haute-Savoie a indiqué à une commune de mon département qu'il était aujourd'hui impossible de réaliser la taxation d'office, au prétexte que « la DGFiP ne dispose pas encore des instructions qui permettent de le faire et que l'applicatif actuel n'est pas encore adapté ».

Le Gouvernement porte une très lourde responsabilité dans la mise en œuvre de cette réforme improvisée, qui a des conséquences désastreuses pour les finances des collectivités locales. On peut même craindre que certains contribuables ne se prévalent d'une prescription fiscale si la commune ne parvient pas à recouvrer sa dette dans les temps. Il y a urgence à revenir au dispositif initial !

difficultés de recouvrement de la taxe d'aménagement par les communes

M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, auteur de la question n° 740, adressée à Mme la ministre de l'action et des comptes publics.

M. Didier Rambaud. Monsieur le ministre, après mes collègues Jean-Raymond Hugonet et Sylviane Noël, je souhaite, à mon tour, attirer votre attention sur les difficultés que rencontrent les communes pour recouvrir la taxe d'aménagement.

Le maire de Voiron, M. Julien Polat, m'a alerté il y a plusieurs semaines sur la situation de sa commune iséroise.

L'article 155 de la loi de finances pour 2021 a prévu le transfert de la gestion des taxes d'urbanisme des services de l'urbanisme vers la direction générale des finances publiques (DGFiP).

Depuis cette réforme, c'est bien la DGFiP qui assure le recouvrement de la taxe d'aménagement sur le fondement d'une déclaration effectuée par le propriétaire à l'achèvement des travaux – j'y insiste –, via le service en ligne « Gérer mes biens immobiliers ».

Or, vous l'avez compris, monsieur le ministre, de nombreuses collectivités font face à des retards considérables dans les encaissements et à une grande incertitude quant aux montants réellement dus et aux véritables échéances de perception.

Ces dysfonctionnements fragilisent sérieusement les budgets communaux. Pour la commune de Voiron, les recettes encaissées au 1er septembre 2025 ne représentent que 15 % des prévisions budgétaires initiales, soit 90 000 euros encaissés sur 600 000 euros attendus.

Monsieur le ministre, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour rétablir la fiabilité et la transparence du dispositif ? Peut-on faire en sorte que les collectivités locales puissent, à titre transitoire, reporter les produits attendus dans leur compte financier unique pour 2025 dès la transmission valable d'une déclaration d'achèvement ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Sébastien Martin, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, chargé de l'industrie. Monsieur le sénateur Rambaud, comme je l'indiquais, la collecte de la taxe d'aménagement a fait l'objet d'une profonde évolution depuis fin 2022. Le nouveau dispositif, bien qu'il soit perfectible, évite que plus d'un quart des montants perçus ne soit ensuite remboursé aux usagers et, donc, restitué par les collectivités locales.

L'alignement de la taxation sur la réalité des constructions achevées permet désormais d'éviter l'émission de taxes sur des projets finalement abandonnés, qui entraînait auparavant des annulations a posteriori.

Le dispositif a toutefois rencontré des difficultés lors de sa mise en place, et je comprends que les élus s'interrogent face au retard pris dans la collecte.

La DGFiP a donc engagé des efforts importants pour rattraper ce retard et s'est rapprochée de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité pour faire un point complet sur la situation.

D'une manière générale, puisque votre point de vue fait l'unanimité sur les travées du Sénat, il me paraît nécessaire que nous examinions les situations très précises dont vous m'avez fait part. J'appellerai donc les services de Bercy à toucher du doigt les difficultés concrètes auxquelles sont confrontés les élus locaux. Si des améliorations doivent être apportées dans le cadre de la réforme de la décentralisation et de la déconcentration qu'a proposée le Premier ministre, c'est avec pragmatisme et sens des responsabilités que nous agirons.

M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, pour la réplique.

M. Didier Rambaud. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, mais faisons vite, car les retards mettent en péril l'équilibre des budgets locaux et compromettent les investissements publics qui doivent être menés à leur terme avant les prochaines élections municipales. J'insiste sur ce point : il est question, non pas de travaux inachevés ou abandonnés, mais de travaux qui sont réellement terminés.

conséquence du dispositif de lissage conjoncturel en seine-maritime

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, auteure de la question n° 766, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique.

Mme Céline Brulin. Après une loi de finances pour 2025 déjà douloureuse pour les collectivités, le Gouvernement prévoit de doubler le dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico), lequel devait pourtant être temporaire. Il serait porté à 2 milliards d'euros, dont plus de 1,2 milliard d'euros à la charge des communes et des intercommunalités, ce qui représente autant de moins pour les services publics et les investissements locaux et, du coup, pour les habitants.

Ce dispositif frappe les collectivités sans tenir compte de leurs projets, pas plus que de la situation sociale de leur population. Les plus engagées d'entre elles dans la modernisation des écoles, les centres sociaux ou la transition écologique sont les premières touchées.

Aucun compte n'est tenu des efforts que certaines doivent accomplir pour construire logements ou infrastructures afin, par exemple, d'accueillir des projets industriels d'envergure nationale ou, au contraire, de faire face à l'arrêt d'activités industrielles et à la perte d'emplois.

Plus grave encore, les modalités de remboursement s'apparentent à une véritable punition collective. En effet, celui-ci n'interviendrait que si les dépenses de la strate des collectivités concernées évoluaient moins vite que le PIB.

C'est pire qu'un retour des contrats de Cahors et cela donne le sentiment que plus l'État déserte les territoires, plus il accentue son contrôle sur les collectivités.

Qui peut imaginer qu'une réduction des investissements permettra de soutenir notre économie ? Qui peut croire qu'un transfert de l'endettement national vers les territoires aidera la France à sortir des déficits ?

À quelques mois des élections municipales, alors que s'engager comme élu local est de plus en plus compliqué, quel effet aura, selon vous, cette nouvelle réduction particulièrement drastique des leviers d'intervention des équipes communales ?

Est-ce cela votre vision de la décentralisation : décentraliser l'austérité ? Envisagez-vous d'abandonner ce dispositif, comme la commission des lois de l'Assemblée nationale vient de le voter, ou vous entêterez-vous ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Sébastien Martin, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, chargé de l'industrie. Madame la sénatrice Brulin, dans le cadre du débat budgétaire, la position du Gouvernement relève non pas de l'entêtement, mais bien de la discussion, de l'écoute et du dialogue avec le Parlement.

Puisque vous m'interrogez sur le Dilico, je vous rappelle que ce dispositif a été mis en place l'année passée au cours d'un échange riche et nourri qui a eu lieu au Sénat, lors de l'examen du projet de loi de finances, et qu'il visait notamment à corriger les propositions initiales du Gouvernement relatives aux collectivités locales.

Il est proposé, dans le projet de loi de finances pour 2026, non seulement de maintenir le Dilico, mais aussi d'en doubler l'enveloppe budgétaire. Je ne doute pas que le Sénat sera extrêmement attentif à cette question et qu'il fera des propositions pour améliorer le dispositif.

À ce stade, et afin d'en garantir la prévisibilité, ses modalités de prélèvement resteraient identiques à celles de 2025. Le prélèvement serait réparti sur un plus grand nombre de contributeurs, lissé et effectué mensuellement à compter du mois suivant la notification par arrêté interministériel.

Il est prévu dans le projet de loi de finances d'étaler la restitution du Dilico sur cinq ans à partir de 2027, afin de l'aligner sur le rythme des cycles électoraux.

Une part du reversement, portée de 10 % à 20 %, continuera d'abonder un fonds de péréquation, représentant un soutien annuel de 80 millions d'euros aux collectivités les plus fragiles. Le solde de 80 % sera reversé selon l'évolution des dépenses réelles de fonctionnement et d'investissement de chaque catégorie de contributeurs, et notamment au regard de l'évolution du PIB.

Vous l'avez indiqué, l'effort serait réparti entre les communes, les intercommunalités, les départements et les régions.

Telle est la proposition que le Gouvernement a mise sur la table. Je suis certain qu'elle fera, compte tenu de l'attachement du Sénat aux collectivités locales et du fait que plusieurs membres du Gouvernement sont aussi des élus locaux, d'un débat riche et approfondi permettant d'améliorer les dispositions prévues.

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.

Mme Céline Brulin. J'entends votre volonté de dialogue, monsieur le ministre. Pour autant, vous n'avez fait que répéter ce qu'est, selon vous, le Dilico à l'heure actuelle. Or nous contestons cette définition.

Il convient donc de corriger très sensiblement ce dispositif. Nous y prendrons toute notre part !

avenir du pacte dutreil à la lumière des recommandations de la cour des comptes

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la question n° 653, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique.

M. Cyril Pellevat. Dans un rapport publié en juin 2025, la Cour des comptes propose une réforme profonde du dispositif Dutreil, qui permet, depuis 2003, de bénéficier d'une exonération des droits de mutation à hauteur de 75 % lors de la transmission d'entreprises familiales, sous réserve d'un engagement de gestion et de conservation des parts ou actions concernées.

La Cour considère aujourd'hui que ce mécanisme coûterait près de 4 milliards d'euros par an, un chiffre très supérieur aux évaluations avancées jusqu'à présent par Bercy, qui l'estimait à 800 millions d'euros. À la lumière de cette appréciation, elle propose de restreindre, voire de plafonner, les avantages fiscaux accordés.

Or ce dispositif est un levier crucial pour pérenniser les entreprises familiales, particulièrement dans l'industrie. En France, seulement 14 % à 20 % des entreprises sont transmises dans un cadre familial, contre plus de 60 % en Italie et 50 % en Allemagne. Supprimer ou fragiliser le pacte Dutreil, ce serait entraver la transmission entre des générations d'entrepreneurs, briser la chaîne qui fait vivre nos territoires et favoriser la vente à de grands groupes ou à des groupes étrangers au détriment de l'ancrage local.

Alors que la réindustrialisation est reconnue comme une priorité nationale, suivre les recommandations de la Cour des comptes reviendrait à faire l'exact inverse de ce que commande l'intérêt économique et territorial du pays.

Monsieur le ministre, le Gouvernement entend-il suivre l'avis de la Cour des comptes ? Peut-il s'engager à préserver le cœur du pacte Dutreil, pour ne pas compromettre la transmission d'entreprises, l'emploi local et notre souveraineté économique, alors même qu'il a été question lors de récentes discussions budgétaires de le raboter et, en tant que niche fiscale, de le surveiller tout particulièrement ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Sébastien Martin, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, chargé de l'industrie. Monsieur le sénateur Cyril Pellevat, nous partageons votre attachement au dispositif du pacte Dutreil, en vigueur depuis plus de vingt ans, qui contribue à préserver le tissu des entreprises familiales. Sa longévité témoigne du consensus qui existe sur la nécessité de conserver un tel outil.

La Cour des comptes a mené ces derniers mois une étude méticuleuse, soulignant le coût croissant de cette dépense fiscale. Celui-ci résulte principalement d'une anticipation de son possible resserrement, qui accroît le rythme des transmissions.

Sans le pacte Dutreil, beaucoup de transmissions n'auraient pas eu lieu, ce qui aurait été dommageable tant sur le plan économique que pour nos finances publiques.

Plusieurs propositions visent à limiter la portée de ce pacte, notamment par un plafonnement ou une restriction aux seules très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME). Mais le Gouvernement estime que ce n'est pas pertinent, la pérennité d'une société ne dépendant ni de sa taille ni de sa valeur. Les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les grandes entreprises sont, en outre, plus exposées aux risques de démantèlement ou de prise de contrôle par des entités étrangères.

Des amendements avaient déjà été adoptés l'an dernier, lors de l'examen du projet de loi de finances, pour en réduire le périmètre, et ce afin d'éviter que le dispositif ne s'étende à la transmission de biens étrangers à l'activité principale de la société. Le Gouvernement partage les préoccupations exprimées sur ce point et veille à prévenir tout usage abusif de cet avantage fiscal. À cet égard, l'Assemblée nationale a adopté, hier, plusieurs amendements sur ce sujet, qui tendent notamment à exclure des biens personnels de l'assiette ou à introduire une condition d'âge.

Ce sont là des débats légitimes, mais le Gouvernement a à cœur de conforter le dispositif, tout en veillant à corriger les éventuels errements. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen par le Sénat du projet de loi de finances pour 2026.

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour la réplique.

M. Cyril Pellevat. Dans les territoires, et notamment les départements, comptant de nombreuses entreprises qui ont été transmises et sont le fruit d'un travail, les dernières déclarations ainsi que certains amendements déposés font peur. Nous sommes d'ailleurs régulièrement sollicités à ce sujet sur le terrain.

Je vous remercie par conséquent, monsieur le ministre, pour les éléments de réponse que vous venez d'apporter, lesquels sont de nature à rassurer les entrepreneurs qui seraient justement en train de transmettre leur entreprise ou l'envisageraient. Ceux-ci ont en effet besoin que le système fiscal soit clair et lisible, car l'incertitude crée des tensions, notamment dans nos territoires. Nous serons très attentifs à cette question lors du débat budgétaire.

avenir et financement de la politique agricole commune

M. le président. La parole est à M. Olivier Bitz, auteur de la question n° 698, adressée à Mme la ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire.

M. Olivier Bitz. Madame la ministre, politique fondatrice de la construction européenne, la politique agricole commune (PAC) représente encore aujourd'hui un axe majeur de l'action de l'Union européenne (UE).

Or, le 16 juillet dernier, la présidente de la Commission européenne a présenté les premières orientations du futur cadre financier pluriannuel de l'Union européenne pour la période 2028-2034. L'architecture budgétaire s'en trouverait profondément modifiée, avec des conséquences importantes pour la PAC.

Actuellement, celle-ci bénéficie de 386 milliards d'euros. La Commission européenne prévoit désormais une enveloppe de 300 milliards d'euros sur la période 2028-2034, ce qui correspondrait à une baisse de 20 % des crédits. En outre, la PAC se trouverait très largement intégrée dans un grand fonds, plus global, comprenant d'autres programmes. Selon les projections réalisées, plus de la moitié des agriculteurs français seraient affectés par une réduction des aides.

Ces premières orientations constituent un risque important pour la production et la souveraineté de l'agriculture européenne, dont la France est l'une des principales locomotives. Depuis ces annonces, les syndicats agricoles se mobilisent pour exprimer leurs plus vives préoccupations, tout particulièrement les filières bovine et laitière.

Madame la ministre, les négociations européennes ont démarré. Le 27 octobre dernier, lors du Conseil agriculture et pêche (Agripêche), vous avez déclaré qu'en l'état le budget dévolu à la PAC était « insuffisant » et qu'il « compromet[tait] le succès d'une politique faisant la fierté de l'Union européenne ». Nous ne pouvons que vous suivre !

Le lendemain, le Premier ministre s'est entretenu avec M. Christophe Hansen, commissaire européen à l'agriculture et à l'alimentation. À l'issue de cet échange, le chef du Gouvernement a affirmé que « les enveloppes de la PAC devaient être intégralement maintenues ». Nous en sommes également d'accord.

Madame la ministre, pouvez-vous nous assurer que le Gouvernement est pleinement mobilisé pour que la PAC demeure une politique commune d'avenir, reposant sur des garanties financières durables, en vue de soutenir le développement de l'agriculture française ? Bref, comment entendez-vous rassurer nos agriculteurs ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Olivier Bitz, je tiens à dire en préambule qu'il est indispensable que l'Union européenne continue de se doter d'une PAC robuste permettant de garantir notre souveraineté alimentaire, les revenus des agriculteurs, et de faciliter le renouvellement des générations. À cet égard, la vive inquiétude exprimée par les milieux agricoles, que je partage, doit être entendue.

Ainsi, le montant alloué de manière certaine au périmètre garanti de la PAC dans le budget européen, et la proposition d'enveloppe nationale octroyée à la France qui en découle, suscitent une profonde incompréhension.

La France fera preuve d'une vigilance absolue pour obtenir toutes les garanties nécessaires à la préservation des aides liées à la PAC.

Nous n'avons jamais eu autant de besoins pour relever les immenses défis agricoles du XXIe siècle. Il nous faut donc obtenir une clarification rapide de la part de la Commission sur les évolutions budgétaires proposées pour la PAC, à l'échelle de l'Union comme des États membres.

En outre, la demande initiale de la France et de nombreux États membres était que la PAC demeure une politique commune à part entière, et qu'elle continue à bénéficier de dispositions et d'un budget dédiés, séparés d'un éventuel fonds unique – je l'ai encore dit, la semaine dernière, très clairement à Luxembourg lors du Conseil Agripêche.

La Commission a proposé une nouvelle architecture qui nuit à la lisibilité des dispositions et de l'action publique pour les agriculteurs. Il est donc d'autant plus indispensable que la Commission apporte toutes les garanties nécessaires pour faire en sorte que la PAC soutienne le revenu des agriculteurs et permette de répondre aux nombreux défis auxquels ils font face, alors même que nous avons plus que jamais besoin d'eux pour assurer notre souveraineté alimentaire.

Dans ce contexte, je note toutefois certains motifs de satisfaction, tels que le maintien des soutiens au revenu, des aides couplées et de l'indemnité compensatoire des handicaps naturels (ICHN).

Enfin, le besoin de simplification de la PAC ne saurait constituer un prétexte pour gommer son caractère commun.

Soyez persuadé, monsieur le sénateur, que le Gouvernement, le Premier ministre et moi-même serons particulièrement attentifs à cette question et déterminés à nous faire entendre.

renouvellement du certificat médical pour la pratique de la danse