M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Gatel, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Uzenat, je ne voudrais pas, par des réponses rapides, priver le Sénat de débattre du projet de loi de finances et d’apporter lui-même ses réponses. Le Gouvernement présente sa copie et je pense que nous ne nous contredisons pas forcément, même si nous ne disons pas la même chose.
J’ai dit que les départements étaient les collectivités les plus fragiles, et c’est une réalité. J’ai dit que les régions, proportionnellement, reprenaient un peu de couleur après la crise sanitaire, ce qui est vrai. Pour autant, vos chiffres sont exacts.
En même temps, à mon sens, nous ne connaissons pas seulement une crise de recettes : c’est surtout une crise de dépenses. (M. Laurent Somon exprime son désaccord.)
En effet, je cite souvent cet exemple, depuis cinquante ans, nous avons conjugué la fable de La Fontaine, La Cigale et la Fourmi, en étant essentiellement des cigales, sans doute, à chaque fois, pour des motifs justes et à bon escient – sauf qu’à un moment l’ardoise est là. Et nous y sommes !
Quand on a une ambition, comme vous l’avez tous ici, et que l’on veut préserver l’avenir et les services publics, il faut se ressaisir et redresser la situation. C’est désagréable, mais nous proposons de le faire ensemble.
Vous m’interrogez sur deux points.
D’abord, l’État a maintenu ses engagements, à la fois sur la tenue du déficit 2025 – sauf dérapage au mois de décembre, nous serons au niveau de déficit annoncé – et sur le remboursement du Dilico tel que cela est prévu. Si la baisse de dotation aux investissements existe, je l’ai dit, vous ne pouvez nier que, dans un cycle électoral communal normal, l’année du scrutin est une année où l’investissement diminue.
Ensuite, vous appelez à une visibilité accrue et à une véritable pluriannualité. Je suis d’accord avec vous : je me satisferais de voir l’État capable de contractualiser avec des collectivités sur tel ou tel projet, comme il le peut aujourd’hui avec les régions seulement.
Quant au regret que vous exprimez vis-à-vis du non-versement de certains crédits de paiement, certes, je ne crois pas au père Noël, mais il me semble que certains de ces problèmes seront réglés prochainement.
Pour ce qui est de la situation des régions, je ne puis aujourd’hui me prononcer pour ou contre telle ou telle mesure.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Françoise Gatel, ministre. L’Assemblée nationale a été saisie de plusieurs amendements sur ce sujet. Les services rendus par les régions doivent être financés à la fois par l’impôt et par les dotations. Sur ces dispositions, nous verrons quelle position le Sénat adoptera.
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour la réplique.
M. Simon Uzenat. Madame la ministre, je reprends vos propres mots : « L’ardoise est là. » Oui, l’ardoise du macronisme depuis huit ans ! (Mme la ministre s’exclame.) Quelque 60 milliards d’euros d’impôts n’ont pas été prélevés ; nous en voyons les effets aujourd’hui. Si cet argent avait été effectivement perçu, nous ne connaîtrions pas la crise actuelle. Oui, c’est bien une crise des recettes ! (Mme Ghislaine Senée acquiesce.)
Enfin, madame la ministre, l’arrêt des acomptes de DSIL est une décision de l’État.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Simon Uzenat. Au moment où nous nous parlons, les collectivités ne peuvent plus percevoir les 30 % d’acompte permis jusqu’à présent. Vous en portez la responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Lavarde. Madame la ministre, ma question sera assez courte et rapide. Chacun ici connaît cette antienne, désormais célèbre : « Le Gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez. »
Toutefois, pour qu’il en soit ainsi, il faudrait que le Parlement dispose de la bonne information. En ce qui concerne les collectivités, une fois que j’aurai dressé la liste des documents pertinents à cette fin, nous reconnaîtrons tous que l’exercice est extrêmement difficile.
En effet, afin de recenser et de retracer les 315 milliards d’euros de recettes des administrations publiques locales, il est nécessaire de se référer à sept types de recettes, relevant d’au moins autant de documents différents, que je veux vous énumérer : les prélèvements sur recettes (PSR), qui figurent dans la première partie du projet de loi de finances ; les comptes de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », que l’on trouve dans la deuxième partie ; le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales et aux collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution » ; la fiscalité transférée et les taxes affectées, recensées dans le tome I de l’annexe Évaluation des voies et moyens ; les dégrèvements et subventions, disséminés entre les différentes missions ministérielles ; les transferts entre administrations de sécurité sociale et administrations publiques locales inscrits au seul projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), à l’instar du versement mobilité ; toutes les recettes locales et subventions européennes, dont le montant est précisé dans le seul rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL).
Que pouvez-vous nous proposer pour que le Parlement puisse, enfin, disposer pour les débats budgétaires d’une vision claire des recettes des collectivités ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Gatel, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation. Madame la sénatrice, le sujet que vous évoquez est réel et revient dans le débat chaque année.
Rappelons qu’une proposition de simplification a été examinée par le Sénat. Elle n’a pas abouti, car elle présentait des risques. Disons-le franchement : une bonne idée avait émergé des groupes de travail créés sous la houlette du président Larcher, celle d’une loi de financement des collectivités locales et de leurs groupements. Un tel texte nous aurait offert de la clarté, car nous y aurions retrouvé l’ensemble des éléments relatifs aux collectivités.
Toutefois, cette idée, nous y avons renoncé ! Le Sénat a en effet mesuré les risques de cette proposition et a craint que l’on n’aboutisse à des textes similaires aux lois de financement de la sécurité sociale, où l’on aurait chaque année inventé l’équivalent de l’Ondam (objectif national de dépenses d’assurance maladie) pour les collectivités. De fait, l’ultra-simplification et l’ultra-clarté nécessitent des garanties.
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.
Mme Christine Lavarde. Madame la ministre, vous m’avez répondu sur la prévisibilité. C’est indéniablement une qualité à laquelle les collectivités sont attachées. Je me souviens que, lors de ma campagne pour les élections sénatoriales de 2017, les élus locaux m’interrogeaient déjà sur cette loi de financement, dont l’idée avait été évoquée pendant la campagne présidentielle. Nous sommes en 2025 et elle ne s’est toujours pas concrétisée.
À vrai dire, je vous interrogeais plutôt sur la lisibilité de la maquette budgétaire. Mes collègues de la commission des finances savent que c’est un modeste combat que j’ai commencé à mener auprès de la ministre des comptes publics – je compte bien revenir à la charge régulièrement…
En effet, si nous avions une telle lisibilité, peut-être ne passerions-nous pas des dizaines d’heures dans cet hémicycle à débattre des 5 milliards d’euros de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », sur 315 milliards d’euros, puisque les enjeux réels des collectivités se trouvent ailleurs. Malheureusement, nous ne pouvons en avoir pleinement conscience, parce que nous ne disposons pas de cette vision globale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Sautarel. Madame la ministre, nous pourrions revenir sur les nombreuses étapes qui, depuis 1982, ont rythmé les relations financières entre l’État et les collectivités dans leur diversité. Notre pays, malgré ces évolutions, reste très jacobin ; il est même, depuis 2017, plus centralisateur que jamais, à contre-courant de l’histoire et de l’efficacité de l’action publique.
Nous pourrions évoquer tous les chiffres, nous opposer des ratios, des indicateurs, des références, rappeler notamment le triste épisode qui fit subir aux collectivités, entre 2013 et 2017, une baisse aveugle d’un tiers de la DGF – plus de 11 milliards d’euros ! –, une somme qui arrangerait bien aujourd’hui les comptes de nos collectivités. (Mme la ministre acquiesce.)
Sachant que, dans le contexte actuel, il est impossible de dégager une véritable ambition décentralisatrice (Mme la ministre acquiesce.), qui serait pourtant seule à même d’inspirer une réforme profonde, je préfère ici parler du réel, du terrain. Les collectivités territoriales – la commune et le département au premier chef – sont des acteurs du quotidien, qui offrent un service public de proximité et assument les investissements qui font, encore, tenir le pays. C’est notre bien commun à tous et une promesse faite à chacun.
Le véritable enjeu est donc de renouer le pacte de confiance entre l’État et les collectivités territoriales. Si ce pacte est actuellement très largement affaibli, c’est parce que l’État, d’une part, s’enferme dans une vision court-termiste pour boucler son budget, comme un ménage dépensier en difficulté tente de boucler ses fins de mois, d’autre part, impose des contraintes à son voisin, alors que celui-ci ne cesse de faire des efforts pour offrir un visage encore présentable.
Je souhaite donc vous soumettre trois attentes urgentes, madame la ministre, en espérant que vous partagez ces préoccupations. Vous me direz ce qu’il en est.
Premièrement, comme en 2025, il faudrait ne pas aller au-delà de 2 milliards d’euros de ponctions, tout en limitant au maximum la contribution des communes, dans l’attente d’une vraie réforme systémique.
Deuxièmement, il faudrait répondre, enfin, aux besoins à la fois structurels et urgents des départements.
Troisièmement, il faudrait conserver non seulement le cadre actuel du Dilico, tout en allégeant les normes, afin de conserver notre trajectoire jusqu’en 2029, mais aussi le périmètre des aides à l’investissement au sein de la DETR, aides auxquelles nous sommes tous très attachés .
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Gatel, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Sautarel, je reconnais dans vos suggestions la sagesse et la précision bien connues du Sénat, mais je relève aussi que vous préféreriez que je réponde par « oui » ou par « non » à chacune d’entre elles. Dès lors, je crains de vous décevoir en me refusant à cette approche binaire et en vous répondant qu’il appartiendra au Sénat, suivant la formule citée par Mme Lavarde, de débattre et de voter.
Je dis une nouvelle fois très sincèrement ce que vous savez pertinemment : la cohésion sociale dépend avant tout de l’engagement des collectivités et des élus locaux – nous l’avons vu dans toutes les crises. Je ne dirai jamais le contraire. En même temps, nous savons tous aussi que l’État est très engagé en faveur de la justice et de la sécurité.
Je suis d’accord avec vous : nous avons besoin de visibilité. Je l’ai dit tout à l’heure : l’annualité budgétaire génère une incapacité à travailler, alors même que les collectivités, en particulier les départements, ont des charges fixes très lourdes et des recettes aléatoires. La recentralisation actuelle résulte, entre autres choses, du recours accru à des dotations financières et à des compensations plutôt qu’à des recettes propres aux collectivités, ce qui suscite bien des incertitudes ; je suis la première à le reconnaître. Lorsque vous laissez aux collectivités un levier fiscal, en revanche, tout dépend de leur capacité à lever l’impôt et du rendement de celui-ci ; il y a donc un effort de péréquation à mener.
Le Dilico, fruit d’un effort de coconstruction entrepris l’an dernier par le Sénat et le Gouvernement, connaît cette année sa saison 2, si je puis dire, via la copie que nous soumettons au Parlement. J’ai bien conscience des débats qu’il suscite et des questions que vous posez. Il nous appartiendra d’avoir ensemble un dialogue franc, sans oublier le montant de l’endettement – vous le connaissez mieux que quiconque – et l’ampleur de l’effort de redressement que nous devons consentir. À l’intérieur de ce cadre, nous pouvons faire bouger les choses, mais l’objectif doit être préservé.
Sur l’allégement des normes, j’ai comme vous une obsession : la norme doit être utile et pertinente ; en revanche, elle ne doit pas être superfétatoire et empêcher d’agir.
Je proposerai donc dans les prochains jours au Premier ministre d’organiser, autour du Conseil national d’évaluation des normes,…
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre !
Mme Françoise Gatel, ministre. … un travail rigoureux et pérenne d’évaluation des normes existantes, car il nous faut agir tant sur le stock que sur le flux pour retrouver des capacités.
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Somon. Madame la ministre, le Dilico, adopté dans la dernière loi de finances sur l’initiative du Sénat, a un effet de bord très net : il pénalise les intercommunalités les plus intégrées, c’est-à-dire celles dont le coefficient d’intégration fiscale (CIF) est supérieur à 60 %, qui sont pourtant celles qui ont fait l’effort majeur de mutualiser leurs services pour maîtriser leurs charges.
Le cas d’Amiens Métropole est typique de cette situation. Avec un CIF au-delà de 60 %, elle compte parmi les 72 EPCI (établissements publics de coopération intercommunale), sur 1 254 en France, qui ont poussé à leur terme la logique historique du bloc communal : intégrer, mutualiser, rationaliser. Pourtant, elle se voit imposer au titre du Dilico une contribution dépassant 3,4 millions d’euros, soit plus de 2 % de ses recettes de fonctionnement, et ce du seul fait qu’elle contribue à la compensation des intercommunalités qui bénéficient de plafonnements ou d’exonérations.
En d’autres termes, on impose aujourd’hui plus lourdement ceux qui ont déjà fait l’effort de réduire leurs coûts de fonctionnement, alors que le législateur considérait explicitement qu’un CIF de 60 % était un niveau d’intégration exceptionnel et souhaitable.
Nous proposerons donc lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2026, à enveloppe constante, d’intégrer dans le Dilico 1 une modulation favorable à ces intercommunalités, à savoir un coefficient réducteur spécifique aux EPCI dont le CIF dépasse 60 %, sur le modèle de celui dont bénéficie déjà la métropole de Lyon. L’idée est simple : récompenser l’intégration réelle plutôt que la sanctionner.
Nous ne doutons pas de la nécessité de partager l’effort pour réduire les déficits, mais cela doit se faire de manière juste et égale.
Madame la ministre, êtes-vous prête à envisager l’introduction, dès cette année, d’un coefficient réducteur spécifique pour les EPCI très fortement intégrés, afin d’alléger leur contribution au titre du Dilico 1 et de rétablir, pour les années qui viennent, une cohérence économique dans le financement du bloc communal ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Gatel, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur le sénateur, votre question s’apparente davantage à une suggestion, elle-même amenée à se traduire dans un amendement au projet de loi de finances…
De manière générale, sans fuir votre question, je rappellerai l’objet initial du Dilico : limiter la dépense des collectivités ; nous souhaitons que l’effort de compensation par l’État soit poursuivi à hauteur de l’engagement pris par lui l’année dernière. Il appartiendra au Sénat de débattre de cette proposition d’aménagement du Dilico 2 et de ses conditions économiques, notamment de restitution.
Vous comprendrez donc que je ne puisse répondre par « oui » ou par « non » à votre question, parce que c’est ici que se tiendra le débat budgétaire sur les collectivités. Nous discuterons alors ensemble et nous verrons à quoi nous aboutirons.
En tout cas, soyez assuré, monsieur le sénateur, même si cela ne suffit pas à votre bonheur, que j’ai bien entendu votre question.
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour la réplique.
M. Laurent Somon. Pour rebondir sur les propos de ma collègue Marie-Carole Ciuntu, je souligne combien il importe de récompenser les vertueux qui ont déjà fait des efforts de maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement, en tenant bien compte du caractère communal ou intercommunal de cette gestion.
Conclusion du débat
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, au nom de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de ce débat sur la situation des finances locales. Tous les groupes de notre assemblée, ainsi que les représentants de la commission et le Gouvernement, ont pu défendre leur point de vue. Je crois pouvoir dire, une nouvelle fois, que l’exercice est utile et que toutes les opinions ont pu s’exprimer dans le respect des convictions de chacun.
Que retenir de ce débat sur les finances locales ?
D’abord, l’on note que la copie proposée par le Gouvernement pour le budget 2026 paraît manifestement déséquilibrée pour les collectivités territoriales.
Certes, je peux me réjouir avec vous que ce projet de loi de finances acte la difficile situation financière de nos départements ; il serait compliqué d’y échapper. En choisissant d’abonder le fonds de sauvegarde des départements, à hauteur de 300 millions d’euros, le Gouvernement s’efforce de corriger les effets néfastes que sa politique budgétaire a pu entraîner, en particulier pour les départements dont la situation financière est la plus fragile. Bien entendu – le rapporteur général l’a dit –, nous examinerons si ce montant est suffisant.
Cependant, même si l’on prend en compte cette mesure favorable, l’addition reste corsée. Ce sont près de 4 milliards d’euros qui sont aujourd’hui demandés aux collectivités, soit le double de l’effort exigé l’an passé. Si l’on y ajoute – vous n’ignorez pas cet enjeu – l’ensemble des baisses de crédits de soutien à l’investissement, on arrive plutôt à 6 milliards d’euros ; si l’on prend aussi en compte la participation annuelle des collectivités à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), on dépasse 7 milliards d’euros !
La proposition du Gouvernement comprend notamment deux dispositifs structurants : nous avons largement abordé le dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales, ou Dilico, qui serait porté à 2 milliards d’euros dans ce budget et dont les conditions de remboursement apparaissent rédhibitoires – il faut bien le dire –, mais ne négligeons pas pour autant la baisse prévue de la compensation par le prélèvement sur recettes sur les valeurs locatives des établissements industriels, nouveauté dont l’impact budgétaire est estimé à 1,2 milliard d’euros.
Cette dernière mesure incarne à mes yeux l’inconséquence de la politique menée et défendue par les gouvernements successifs en matière de finances publiques locales. Constatant le coût démesuré d’un allégement des impôts de production, décidé voilà quelques années sans être financé, le Gouvernement s’efforce évidemment aujourd’hui de faire machine arrière. Il le fait de façon brutale, au détriment des EPCI. Une baisse de 25 % de l’enveloppe du prélèvement sur recettes entraînerait, pour 81 % d’entre eux, la perception d’un produit inférieur à ce qu’ils avaient perçu en 2021.
De plus, la mesure affecte en premier lieu des territoires industriels marqués par des difficultés sociales et sanitaires, dont les revenus par habitant sont – vous le savez, madame la ministre – inférieurs à la moyenne nationale.
Plus largement, pourquoi débattons-nous aujourd’hui de la juste contribution des collectivités territoriales au redressement des comptes publics ? D’où vient le déficit public auquel nous sommes confrontés ?
À mes yeux, la situation actuelle traduit avant tout l’échec d’une politique, celle de la dernière mandature, qui a consisté à réduire les impôts sans s’astreindre à une réduction parallèle des dépenses, et ce en l’absence de ce qui était souhaité, mais ne s’est pas produit : une augmentation significative de la croissance.
Ainsi, la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales et, surtout, la poursuite de cette politique en période de crise figurent parmi les décisions qui ont le plus grevé nos finances publiques. Cette réforme, que personne n’avait demandée – on en discutait, mais personne ne l’avait réclamée, en tout cas pas la population –, a réduit drastiquement les recettes de l’État, de quelque 20 milliards d’euros au total.
Il en va de même de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises : en rompant de la sorte le lien entre la fiscalité et l’aménagement du territoire, on a aussi contribué à diminuer les recettes publiques de 4 milliards d’euros en 2023. Ce n’est pas faute d’avoir tenté, depuis 2020, de vous prévenir des conséquences dommageables de ces décisions.
Sur ce sujet, le projet de loi de finances pour 2026 marque une nouvelle volte-face : le Gouvernement prévoit désormais d’anticiper la trajectoire de sa suppression, pour un coût d’un peu plus de 1 milliard d’euros en 2026.
Le Gouvernement réussit ainsi l’exploit de dégrader un peu plus encore le solde des finances publiques par une mesure que seul le président du Medef semble encore demander, et encore, seulement parce qu’il considérait, quand la décision a été prise, que passer de 4 milliards d’euros à 1 milliard d’euros ne servait strictement à rien. Je le confirme : cela ne sert strictement à rien !
Que ce soit pour les collectivités territoriales ou les acteurs économiques de notre pays, la principale conséquence de la politique économique de cette mandature, faite de virements et de revirements, aura été de rompre la confiance dans la parole de ce gouvernement et de désorienter les collectivités et les entreprises qui investissent et créent la richesse.
Mes chers collègues, à nous de remettre les choses en place, notamment en fixant à un juste niveau une éventuelle participation des collectivités à l’effort général ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le rapport sur la situation des finances publiques locales remis en application de l’article 52 de la loi organique relative aux lois de finances.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures dix.)
M. le président. La séance est reprise.