Mme la présidente. Veuillez conclure.

M. Vincent Jeanbrun, ministre. … les Français puissent se loger dignement, c'est tout le sens de la mission que m'a confiée le Premier ministre.

Mme la présidente. La parole est à Mme Amel Gacquerre, pour la réplique.

Mme Amel Gacquerre. Merci beaucoup de votre réponse, monsieur le ministre. J'ajouterai simplement un point sur un sujet que vous avez évoqué ; la question du logement comporte en effet des volets extrêmement nombreux, tous importants, mais je veux m'attarder sur celui de la rénovation énergétique.

Nous avons bien conscience du contexte budgétaire. Or, si nous devons évidemment mobiliser des fonds publics, il est également possible de mobiliser des fonds privés. Je n'ai pas pu évoquer le sujet de la « banque de la rénovation », que j'ai déjà eu l'occasion d'aborder avec vous ; nous pourrions en parler longuement. Cet outil mutualisé entre banques volontaires permettrait de mobiliser davantage les financements privés.

La création de cet outil a été préconisée par la mission d'information que j'ai présidée et dont ma collègue Marianne Margaté, ici présente, était rapporteure, avec d'autres acteurs, comme Yannick Borde, président de Procivis.

Je vous invite à regarder ce projet de près et à le soutenir. Merci beaucoup !

Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat.

M. Cyril Pellevat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'interruption de l'examen du projet de loi de finances pour 2026 à l'Assemblée nationale n'augure rien de bon pour le logement, alors que la France traverse aujourd'hui une crise sans précédent.

Les causes de cette crise sont multiples et bien connues : augmentation du coût du foncier et des prix de la construction, arrêt des chantiers, parc vieillissant, métropolisation, fiscalité locative trop importante, durcissement des conditions de crédit et relations complexes entre bailleurs et locataires. Tous les indicateurs sont dans le rouge.

Cette situation a des conséquences catastrophiques dans nos territoires : nos concitoyens n'investissent plus, l'offre se tarit, certains sont mal logés et d'autres ne le sont pas du tout, le logement affecte trop fortement notre pouvoir d'achat, nos entreprises sont à la peine, nos finances publiques sont affectées, l'équilibre de nos territoires est menacé.

Cette crise est le produit de dynamiques économiques, sociales, fiscales et territoriales. Nous devons agir sur tous ces sujets en même temps. C'est une urgence sociale et économique.

Parce qu'elle est multifactorielle, cette crise ne pourra être résolue par une seule loi ou par quelques apports au projet de loi de finances. Nous pouvons toutefois, à ce stade, saluer des propositions avancées lors de l'examen du budget à l'Assemblée nationale, comme l'augmentation des plafonds d'opération du prêt à taux zéro ou la volonté d'introduire un statut de bailleur privé.

Néanmoins, il nous faut une vision globale et une volonté politique, car la situation ne cesse d'empirer.

En Haute-Savoie, la production de logements neufs s'est effondrée. En 2024, à peine 1 500 logements ont été vendus, contre plus de 4 200 en 2019. Dans le même temps, la population augmente de plus de 1 % par an depuis 2014, ce qui représente près de 7 900 habitants supplémentaires chaque année.

Comment répondre aux besoins de nos habitants ?

Nous devons agir sur la demande en relançant l'accession à la propriété pour réduire la pression sur le marché locatif. Néanmoins, étant donné que l'État ne peut pas loger tous les Français et que tous les Français ne peuvent pas être logés dans le parc social, nous devons aussi agir sur l'offre. Je rappelle à mon tour que 25 % des Français sont locataires dans le parc locatif privé !

Nous devons multiplier les sources de logements, donc encourager l'investissement locatif, dans le neuf comme dans l'ancien.

Cet effort passe nécessairement par la fiscalité. Il faut améliorer la rentabilité de la location à usage de résidence principale. Rehaussons le taux d'abattement du régime micro-foncier pour la location nue, afin de rendre la location de longue durée plus attractive, sans pour autant resserrer la vis de la location meublée.

Il faut rééquilibrer la relation entre propriétaires et locataires. Le durcissement des mesures contre le squat et la délinquance, qui a été évoqué, est nécessaire dans les logements sociaux, mais également dans le parc privé : les propriétaires ont peur des impayés et des dégradations. Il faut restaurer la confiance pour redonner de la fluidité au marché.

Il convient de repenser l'aménagement du territoire, en incluant dans notre réflexion les mobilités, les activités économiques, les services publics et les transports. L'offre doit pouvoir se développer sur l'intégralité de nos territoires afin d'alléger la pression qui pèse sur les métropoles. Nos territoires sont riches et variés ; profitons-en !

Nous devons poursuivre dans la simplification. De fait, construire ou réhabiliter est devenu un parcours du combattant : l'accumulation des procédures et des contraintes paralyse l'action publique et nous empêche de répondre aux besoins de nos habitants.

C'est pourquoi nous attendons avec impatience que soit inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale la proposition de loi de notre collègue Amel Gacquerre visant à clarifier les obligations de rénovation énergétique des logements et à sécuriser leur application en copropriété. De même, nous attendons la promulgation de la loi de simplification du droit de l'urbanisme et du logement.

Alors que les conséquences de cette crise ont un impact négatif sur nos recettes publiques, entre contraction des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et perte de TVA pour l'État, la politique du logement coûte par ailleurs, chaque année, près de 40 milliards d'euros à nos finances. Nous devons mieux cibler les besoins.

La politique du logement doit être incitative pour les particuliers bailleurs, protectrice pour les plus fragiles et cohérente avec nos objectifs de transition écologique.

Notre débat d'aujourd'hui est utile, mais nous devons désormais passer à l'action. Monsieur le ministre, vous aviez parlé d'un plan d'urgence pour le logement. Nous l'attendons !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Monsieur le sénateur, vous avez raison : il va falloir que nous envoyions un électrochoc.

C'est d'ailleurs tout l'objet du rapport de votre collègue Marc-Philippe Daubresse et du député Mickaël Cosson, qui ont voulu que les investisseurs comprennent qu'il est de nouveau rentable d'investir dans la pierre. C'est un vrai enjeu compte tenu de l'urgence à laquelle nous devons faire face.

Il est bien évident que, si plan logement il y a, nous devrons le coconstruire ensemble. À cet égard, la crise politique que nous traversons, liée à l'absence de majorité, doit être vécue non pas comme une souffrance, mais presque comme une chance, puisque c'est l'occasion de se mettre autour de la table pour discuter et d'avoir un moment parlementaire inédit sous la Vᵉ République.

Ce grand plan devra aller au-delà de la simple question de la fiscalité : il devra restaurer la confiance, comme nous l'avons dit tout à l'heure. Cette confiance passe par un élément très simple : pour qu'un propriétaire ait la garantie de percevoir un loyer, il faut que son logement soit occupé. Autrement dit, il faut accélérer un certain nombre de procédures en cas de squat – je répète que des progrès ont déjà été réalisés sur ce point grâce à la loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite, dite « loi Kasbarian » – et d'impayés, de façon à balayer les inquiétudes.

Il est vrai qu'aujourd'hui, quand bien même nous redonnerions un peu d'oxygène et de respiration fiscale à l'investissement dans la pierre, le risque subsiste que l'investisseur potentiel, en allumant sa télévision, voie des histoires de squats à répétition et se décourage face à ce risque. Notre rôle est de le rassurer et de faire en sorte que la confiance revienne.

Vous avez dit que le logement devait aussi, dans le cadre de la politique d'aménagement de notre territoire, être partout et pour tous. Cela tombe bien : c'est, à mes yeux, le « sous-texte » du plan logement. Nous devons repenser le logement, non seulement dans les zones tendues et les zones denses, mais bien sur l'ensemble du territoire.

C'est d'ailleurs pour cette raison que la question de la rénovation est elle aussi fondamentale : il est des parties de notre territoire national où construire du neuf, a fortiori en grande quantité, n'aurait pas de sens, mais où, en revanche, il existe déjà des maisons, des logements qu'il suffirait de rénover, de réhabiliter pour avancer.

Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat, pour la réplique.

M. Cyril Pellevat. Monsieur le ministre, je vous remercie des éléments clairs que vous avez apportés.

Il faut bien évidemment rétablir la confiance pour les personnes qui veulent investir, ainsi qu'une forme de stabilité. Nous en avons besoin.

Nous voyons, sur certains territoires, notamment sur des territoires dynamiques, comme celui de la Haute-Savoie, que des entreprises précédemment fortes commencent à couler parce que nous n'arrivons pas à produire des logements ; j'ai rappelé les chiffres.

Comme vous l'avez dit, il faut effectivement une coconstruction, avec une prise en compte des enjeux locaux.

Un département comme la Haute-Savoie, qui, je le répète, accueille, en moyenne, 7 900 nouveaux habitants par an – parfois 13 000 et parfois 5 000 –, a besoin de cette production et de cette confiance ! Nous devons nous aussi pouvoir aller de l'avant sur ce sujet.

Il faut également que nous prenions en compte les spécificités du diagnostic de performance énergétique (DPE) et de la rénovation dans les stations de montagne, qui est aussi un enjeu très important sur nos territoires.

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Berthet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Martine Berthet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est du logement des jeunes que je souhaite vous parler dans le cadre de ce débat. Ce sujet du logement vu à travers le prisme des 18 – voire 16 – à 30 ans a fait l'objet d'un rapport d'information récent, que j'ai eu l'honneur de rédiger avec mes deux collègues corapporteurs.

Apprentis, alternants, étudiants, jeunes ménages, primo-accédants, saisonniers : voilà une jeunesse qui travaille, mais qui ne peut plus se loger.

Les jeunes cumulent les obstacles : revenus modestes et instables, contrats courts, manque de garanties familiales, mais aussi concurrence sur le marché privé face à des ménages plus solvables et, tout simplement, grave pénurie de logements dans notre pays.

Les logements trop petits, les passoires énergétiques, les appartements surpeuplés à cause des colocations sont une réalité qui touche autant les grandes villes que les territoires ruraux, où l'offre adaptée est presque inexistante.

Or la politique du logement des jeunes est aujourd'hui centrée sur les étudiants, alors que les jeunes non étudiants sont majoritaires à partir de 21 ans. Si le plan estudiantin, lancé en janvier 2025, est nécessaire, ses mesures doivent absolument être élargies aux jeunes actifs et prolongées jusqu'en 2030.

C'est l'objet d'une partie de nos recommandations, qui prévoient aussi une programmation territorialisée et une plateforme nationale regroupant tous les logements sociaux et intermédiaires accessibles aux jeunes, au-delà du seul public étudiant.

En effet, il faut dépasser la segmentation artificielle entre étudiants et jeunes actifs et expérimenter des modèles mixtes incluant les saisonniers. La fragmentation des offres n'est plus tenable face à la réalité de la porosité des statuts des jeunes.

Pour les saisonniers, nous devons aller au-delà du bricolage et élaborer des solutions de logement ad hoc. Les résidences à vocation d'emploi, comme celles qui ont été adoptées par notre commission dès 2024, sont une bonne solution. Certains territoires commencent, en outre, à développer des résidences mixtes.

Enfin, nous recommandons de mieux mobiliser le parc social classique et d'accélérer la production de logements consacrés aux jeunes. Je pense notamment au développement de petites surfaces, à la reconversion de grands logements, à l'expérimentation de la cooptation encadrée des colocataires et à la récupération des charges via un forfait.

Nous proposons de renforcer la communication autour de la garantie Visale afin d'en améliorer l'acceptabilité auprès des bailleurs privés et publics.

Par ailleurs, les jeunes ont une forte aspiration à l'accès à la propriété, contrairement à ce que certains peuvent penser. Aussi, n'alimentons pas leur sentiment de déclassement ! Il faut s'inspirer de modèles mis en œuvre ailleurs, tout en gardant les avancées du projet de loi de finances pour 2025 et du prêt à taux zéro généralisé.

Monsieur le ministre, comment comptez-vous redonner confiance, en l'aidant à se loger, à une génération – l'une des plus pessimistes d'Europe – qui doute de sa place dans notre société ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Vincent Jeanbrun, ministre. Madame la sénatrice, je vous remercie du rapport d'information que vous avez présenté à la commission des affaires économiques du Sénat le 15 octobre dernier. Il a permis de mettre en lumière les difficultés majeures que vous venez de rappeler en matière de logement des jeunes.

J'ai bien noté vos constats sur la situation économique et sociale particulièrement alarmante de la jeunesse et les deux moments clés de leur parcours résidentiel que vous avez très bien identifiés, à savoir le départ du domicile parental et l'accès à un logement autonome, d'abord en tant que locataire, puis en tant que propriétaire.

Permettez-moi de saluer le sérieux et la rigueur de vos travaux, qui vous ont notamment conduits à organiser 18 auditions et à entendre 22 représentants d'administrations, d'associations, de bailleurs sociaux et d'élus locaux. Cette maille fine a été particulièrement utile, ces contributions offrant un panorama complet et très précieux pour orienter les politiques publiques.

Vous avez rappelé des éléments importants concernant les étudiants et les saisonniers, pour lesquels on voit bien la nécessité de disposer d'offres adaptées, voire sur mesure ; peut-être parlerons-nous des tiny houses. Quoi qu'il en soit, il faut probablement que nous innovions sur ces sujets.

Je le dis, vous m'avez aidé en mettant en lumière la segmentation artificielle des parcours entre jeunes actifs et non actifs, laquelle marque encore trop profondément la manière dont nous concevons nos politiques publiques.

Enfin, vous avez souligné la nécessité d'adapter nos dispositifs à la situation du terrain, ce qui rejoint des éléments que nous avons déjà évoqués ici. Il est probablement nécessaire de rapprocher les décisions concernant l'habitat et le logement des réalités locales, des élus locaux et des maires, qui connaissent très bien leur territoire, les besoins de leurs entreprises et de leurs étudiants, donc de faire preuve de plus d'innovation pour proposer des solutions plus adaptées.

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Berthet, pour la réplique.

Mme Martine Berthet. Merci, monsieur le ministre.

La précarité de notre jeunesse s'est aggravée rapidement, et le logement en est un facteur majeur.

Il ne faudrait pas que nous creusions encore davantage le fossé intergénérationnel.

Si vous le souhaitez, nous serions très heureux, mes collègues et moi-même, de vous présenter plus en détail le rapport que nous avons rédigé.

M. Vincent Jeanbrun, ministre. Avec plaisir !

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Buval. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Frédéric Buval. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France traverse une grave crise du logement. Cette crise touche tout le monde : ceux qui veulent construire, ceux qui cherchent à louer, ceux qui espèrent acheter et ceux qui attendent un logement social.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : en 2024, à peine 300 000 logements ont été mis en chantier, contre plus de 400 000 voilà quelques années. Le logement social, lui, est saturé, avec plus de 2,8 millions de demandes en attente.

Cette crise est encore plus marquée dans les territoires ultramarins. Nous en avons parlé la semaine dernière, lors de l'examen du projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer : le logement est une part essentielle de cette cherté.

Près de 600 000 personnes, soit trois habitants sur dix, vivent dans des conditions de mal-logement.

De plus, la production de logements locatifs sociaux a chuté de 29 % entre 2011 et 2021. Cette pénurie fait grimper les prix. En Guadeloupe, les loyers du parc social atteignent ainsi 6,10 euros par mètre carré, ce qui les classe parmi les plus élevés de France. Dans le privé, c'est encore pire : en Guyane, le loyer médian s'élève à 15 euros par mètre carré, comme dans certaines grandes villes métropolitaines. Ainsi, sachant que 80 % des demandeurs sont éligibles au logement très social, la majorité des familles n'ont pas les moyens de se loger décemment…

À cela s'ajoutent des freins structurels : le foncier difficile à mobiliser, l'indivision, le manque d'un cadastre à jour, la spéculation ou encore des terrains souvent restreints ou protégés. Les commissions départementales de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) bloquent également trop souvent les projets des élus locaux.

Le soutien à l'investissement devient, lui aussi, plus fragile. Par exemple, la baisse envisagée des aides fiscales à l'investissement productif dans le PLF 2026 pourrait freiner les opérations mixtes, pourtant essentielles à l'équilibre financier des bailleurs sociaux et à la mixité résidentielle.

De même, face aux défis démographiques du vieillissement en Martinique et en Guadeloupe, il devient urgent d'étendre le champ d'application du crédit d'impôt en faveur du logement social afin de permettre aux organismes HLM de bénéficier de l'avantage fiscal pour la création de logements destinés aux personnes âgées à faibles revenus dans ces territoires, soutenant ainsi la production d'Ehpad.

Enfin, si nous saluons l'expérimentation de logements locatifs très sociaux (LLTS) adaptés en Guyane et à Mayotte, l'action de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) reste limitée. Elle ne concerne que les propriétaires bailleurs, alors que beaucoup de propriétaires occupants ont besoin d'aide pour rénover des logements dégradés.

Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour répondre à la crise du logement social ? Que pensez-vous des pistes du projet de loi relatif au développement de l'offre de logements abordables déposé l'an dernier, en particulier de l'augmentation de la part de logements locatifs intermédiaires (LLI) gérés par les bailleurs sociaux et de la possibilité d'ajuster les loyers à la relocation ?

Êtes-vous favorable à l'élargissement du crédit d'impôt pour permettre aux organismes HLM de construire des logements pour les personnes âgées à faibles revenus dans les outre-mer ?

Enfin, comptez-vous renforcer la production de logements très sociaux en généralisant le dispositif LLTS adapté à tous les départements d'outre-mer et en permettant à l'Anah d'aider aussi les propriétaires occupants dans la lutte contre l'habitat indigne ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Madame la présidente, je vous prie de me permettre d'apporter une réponse un peu plus longue à M. Buval, dont la question est très dense.

Tout d'abord, monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur les mesures liées à la crise du logement social et les pistes avancées dans le cadre du projet de loi relatif au développement de l'offre de logements abordables.

Je vous informe que nous avons quasiment atteint nos objectifs en matière de production de logements sociaux neufs sur l'ensemble du territoire en 2025 : en effet, d'ici à la fin de l'année, nous devrions dépasser le seuil des 105 000 logements sociaux neufs. De même, nous devrions dépasser largement l'objectif de rénovation de 120 000 à 130 000 logements sociaux, avec plus de 150 000 logements rénovés ; c'est une bonne nouvelle.

En ce qui concerne les solutions envisagées dans le projet de loi relatif au développement de l'offre de logements abordables, qui n'a finalement pas pu être examiné en séance publique, je suis d'accord avec vous, il faut encourager la production de logements intermédiaires. C'est une partie intégrante de la solution.

Par ailleurs, il me paraît nécessaire de permettre aux bailleurs d'ajuster, de manière raisonnée, les loyers à la relocation. Cette mesure serait de nature à faciliter la rénovation. En revanche, il faut parvenir à un équilibre, afin que chaque bailleur propose une partie de son parc au loyer le plus accessible possible pour les ménages les plus pauvres. Sans cela, il est évident que les bailleurs ne joueraient pas leur rôle.

Ensuite, vous m'interrogez sur l'élargissement du crédit d'impôt pour permettre aux organismes HLM de construire des logements pour les personnes âgées à faibles revenus dans les outre-mer. Le sujet d'une offre de logement accessible pour ce public est, selon moi, un impératif. J'échangerai sur cette question avec ma collègue Naïma Moutchou, dont vous connaissez l'implication sur les sujets de cette nature.

Nous devons d'autant plus nous pencher sur cette question que le vieillissement de la population constitue un enjeu important, en particulier en Martinique et en Guadeloupe. Nous serons donc au rendez-vous. Je suis disposé à échanger plus longuement avec vous, monsieur le sénateur, pour réfléchir à des solutions. Actuellement, à cause de la ligne budgétaire unique (LBU), il n'est pas possible de bénéficier des aides complémentaires de l'Anah en outre-mer. Là aussi, nous devrons nous pencher sur le sujet.

Vous évoquez, enfin, la production de logements très sociaux et la généralisation du dispositif LLTS adapté à tous les départements d'outre-mer. Ce dispositif d'urgence mis en place en Guyane et à Mayotte doit contribuer à la résorption des bidonvilles. Un décret mettant fin à l'expérimentation et généralisant le dispositif sur le modèle du prêt locatif aidé d'intégration (PLAI) adapté à l'ensemble des départements et régions d'outre-mer (Drom) est en cours de discussion en interministériel.

Les saisines obligatoires, puis le dépôt du texte au Conseil d'État…

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le ministre.

M. Vincent Jeanbrun, ministre. … auront lieu prochainement, en vue d'une application pour le début de l'année 2026.

Madame la présidente, je vous remercie pour votre tolérance.

Mme la présidente. Monsieur le ministre, je ne pourrai pas vous permettre de dépasser le temps de réponse pour chaque question.

La parole est à Mme Viviane Artigalas. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Antoinette Guhl applaudit également.)

Mme Viviane Artigalas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour répondre à la crise du logement, les sénatrices et sénateurs socialistes proposent de refonder cette politique, car l'urgence est bien de remettre la question du logement pour tous au cœur du débat public.

En effet, notre pays fait face à la pire crise du logement depuis 1945. Les chiffres l'attestent : 3 millions de ménages sont en attente d'un logement social et ce chiffre continue d'augmenter. Environ 125 000 recours au titre du droit au logement opposable (Dalo) ont été déposés en 2024, un record historique. Enfin, la production de logements sociaux a atteint son plus bas niveau depuis quinze ans : 85 000 logements ont été agréés en 2024, contre 125 000 en 2016.

Les choix qui ont été faits depuis 2017 ne sont pas étrangers à cet état de fait. Je ne citerai que les plus révélateurs : la réduction de loyer de solidarité (RLS), qui limite, depuis sa création, les capacités d'investissement des bailleurs sociaux ; le gel des aides personnalisées au logement (APL), qui touche directement les étudiants et les jeunes actifs ; ou encore l'incertitude budgétaire constante qui entoure le fonds national des aides à la pierre (Fnap), entraînant l'abandon de nombreuses opérations.

En dépit de nos divergences politiques, nous pouvons nous entendre ici sur une vérité simple et évidente : le logement est un droit inaliénable.

Le logement, et surtout le logement social, ce n'est pas qu'un toit et ce n'est pas une charge ; c'est un investissement d'avenir, un levier de développement pour tout un écosystème économique et social. Il permet de créer des emplois et de soutenir l'économie locale et les filières du bâtiment dans nos territoires. De surcroît, l'immobilier a représenté 97 milliards d'euros de recettes pour l'État en 2022.

Il est évident qu'il faut préserver et soutenir tous les types de logement. À ce titre, la question du statut du bailleur privé est importante. Elle figure parmi les propositions du rapport de nos collègues Mickaël Cosson et Marc-Philippe Daubresse, qui suggèrent de permettre aux propriétaires bailleurs d'amortir dans la durée les biens neufs et anciens mis en location nue.

Ce régime fiscal pourrait permettre la mise en location d'environ 90 000 logements par an d'ici à 2030. Pour notre part, nous souhaitons que cet avantage fiscal soit soumis à conditions, afin de favoriser une offre aux loyers abordables.

Toutefois, nous croyons tout particulièrement aux vertus de notre modèle français de logement social. Il est une réponse aux inégalités et permet à des millions de nos concitoyens de se bâtir un avenir.

À ce propos, je dois citer les travaux de la mission d'information sénatoriale sur le logement des jeunes. Pour ces derniers, la première condition d'accès à l'indépendance est de disposer d'un logement autonome.

Les APL sont un levier essentiel à cette fin. Or, pour réaliser, au total, 4 milliards d'euros d'économies, l'État a mis en grande difficulté des millions de jeunes, qu'ils soient étudiants ou actifs. Certes, les APL représentent 19 milliards d'euros de dépenses pour l'État. Mais encore une fois, nous parlons d'investir dans notre jeunesse, donc dans l'avenir de notre pays.

Ainsi, nous souhaitons, entre autres, qu'une réflexion soit lancée pour favoriser l'accession des jeunes à la propriété, car nos dispositifs actuels les ciblent mal. Nous demandons à tout le moins la prorogation de la généralisation du PTZ dans le neuf au-delà de 2027, afin de pouvoir observer ses effets sur les jeunes primo-accédants.

Enfin, ce qui pénalise la construction aujourd'hui, c'est le coût du foncier et ce qui pénalise nos concitoyens, c'est le coût du loyer. Aussi, il nous paraît indispensable de fournir des outils aux élus locaux pour les aider à répondre aux besoins exprimés dans leur commune.

Nous avons défendu de multiples propositions en ce sens : je pense à l'aide aux maires bâtisseurs et à l'expérimentation d'un fonds de réhabilitation du bâti rural ou d'un dispositif de soutien à la réhabilitation du parc de logement social en zone peu dense.

Nous proposons aussi diverses mesures permettant de redonner aux élus locaux une marge de manœuvre fiscale et des réformes pour mieux lutter contre la spéculation foncière. Cela passe par une refonte du régime actuel des plus-values de cessions immobilières, qui favorise la détention longue, et du régime des plus-values de cession de terrains nus devenus constructibles.

Nous demandons aussi la pérennisation du dispositif d'encadrement des loyers, que nous avons réussi à étendre aux outre-mer grâce à la loi expérimentant l'encadrement des loyers et améliorant l'habitat dans les outre-mer qui avait été déposée au Sénat par notre collègue Audrey Bélim.

Enfin, parce que ce sont encore et toujours les plus modestes qui sont pénalisés, j'ai déposé, au nom de mon groupe, une proposition de loi visant à créer une tarification spéciale de l'électricité en faveur des ménages modestes et à interdire les coupures d'électricité toute l'année, qui vise en particulier les locataires HLM.

Monsieur le ministre, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne manque pas de propositions pour répondre à la crise du logement. J'espère que vous les entendrez.

Quelles mesures de relance de la construction de logements, notamment sociaux, envisagez-vous ?

Quel dispositif de lutte contre la cherté et la rareté du foncier et contre les loyers élevés comptez-vous mettre en œuvre ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Antoinette Guhl applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Je vous remercie, madame la sénatrice, de votre esprit constructif et de vos propositions.

Vous avez parfaitement raison : notre politique doit avoir pour objectif le logement pour tous et englober un parcours résidentiel allant de l'hébergement d'urgence jusqu'à la pleine propriété.

Vous avez raison également de dire que le logement, notamment social, est un droit inaliénable. Je l'ai dit ici lors d'une séance de questions d'actualité au Gouvernement : sans le logement social dans lequel mon petit frère et moi-même avons grandi, nous n'aurions pas eu le même parcours et je ne serais pas devant vous aujourd'hui. Soyez donc certaine de mon attachement à la question du logement, y compris social.

Vous l'avez dit, nous devons placer le bailleur privé au cœur de nos politiques. Vous avez souligné qu'il serait utile de plafonner les loyers. Cette mesure fait partie des propositions du rapport de Marc-Philippe Daubresse et Mickaël Cosson, qui suggèrent la mise en place de bonus, d'aides et de défiscalisation complémentaire si les loyers sont encadrés.

En tout état de cause, pour ce qui concerne la méthode, c'est vous, dans cet hémicycle, qui ajusterez ces mesures. Pour ma part, je trouve la proposition de Marc-Philippe Daubresse pertinente ; elle permet de répondre, si ce n'est totalement, du moins en partie, à votre attente.

Je manque de temps pour vous exposer plus largement mon ambition pour lutter contre le niveau des loyers et le prix du foncier, mais ces éléments seront au cœur du plan pour le logement, car ils sont essentiels : si le foncier coûte trop cher, in fine, tout est trop cher. Or, lorsque les Français n'arrivent plus à se loger ou que le logement représente une charge financière inacceptable pour les ménages, il ne peut en découler qu'un appauvrissement des familles françaises, que, pour ma part, je ne saurais accepter.

Je vous remercie de votre esprit particulièrement constructif et j'espère vous retrouver prochainement pour poursuivre ce débat.

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour la réplique.

Mme Viviane Artigalas. Je veux insister sur la nécessité de construire des logements. C'est une politique d'importance pour l'ensemble de la filière économique, créatrice d'emplois et qui rapporte également à l'État. Le rattrapage que nous attendons depuis 2018 doit enfin avoir lieu !

À cet égard, votre ministère a réalisé une étude très intéressante sur les besoins en construction de logements. Nous disposons donc désormais de la base que nous demandions depuis longtemps pour identifier les besoins.