Chaque automne, le Gouvernement redécouvre la crise du logement. Il s'en émeut, la commente, promet d'y répondre. Puis l'hiver arrive, et les réponses se perdent avec les feuilles mortes. C'est un cycle aussi régulier que les saisons !
Dans le département dont je suis élu, le Vaucluse, la crise n'a rien d'un concept économique : elle se voit et se vit. Les familles attendent pendant des années un logement social, les maires s'épuisent à relancer des projets qui n'aboutissent pas et les villages se vident à mesure que les promesses se remplissent.
En Provence-Alpes-Côte d'Azur, plus de 10 000 nouvelles demandes ont été émises en six mois, ce qui représente une hausse de 5 % au premier semestre 2025. On appelle cela la « tension du marché » mais, sur le terrain, cela s'appelle une détresse.
Ancien dirigeant d'un organisme bailleur social pendant plusieurs années, j'ai connu les contraintes budgétaires, les chantiers que l'on repousse, les opérations que l'on sauve de justesse ou qui n'aboutissent pas, et je sais ce que représente, pour un territoire, un logement qui ne sort pas de terre.
Or que trouve-t-on dans le projet de loi de finances pour 2026 ? Moins d'autorisations d'engagement (AE), moins d'APL, moins de MaPrimeRénov', mais davantage de RLS, en hausse de 1,3 milliard d'euros. Quant aux aides à la pierre, l'État s'en désengage : la charge est reportée sur les bailleurs sociaux à hauteur de 375 millions d'euros.
On prétend « rationaliser », mais c'est une étrange rationalité que de vouloir construire davantage en retirant les briques. Le résultat est connu : les organismes HLM sont étranglés, les chantiers à l'arrêt, les communes rurales privées de levier d'action.
Dans certains départements, un seul bailleur concentre tout le parc locatif social. Les décisions tombent de Paris, les projets s'enlisent, la cohésion s'effrite, peu de choses avancent. Et pendant que l'on parle de cohérence territoriale, nos villages ferment leurs classes et se fragilisent.
À cette politique de contraction budgétaire s'ajoute maintenant l'audace créative de l'amendement dit Labaronne-Attal. Sous prétexte d'« accélérer » le bail réel solidaire (BRS), on relève les plafonds d'éligibilité jusqu'à couvrir 90 % de la population. L'intention est généreuse, mais l'effet ravageur. En ôtant au dispositif son caractère social, on l'expose à perdre demain la TVA réduite, les prêts bonifiés, les soutiens des collectivités territoriales. À force d'étendre le dispositif sans discernement, on en sape les fondations.
Alors, « quelles réponses apporter ? »
Peut-être d'abord celle-ci : écouter enfin ceux qui, sur le terrain, continuent de loger la République pendant qu'ici on en débat.
J'ai connu les budgets contraints, les retards, les décisions absurdes. Mais je n'aurais jamais pensé qu'un gouvernement soit capable de considérer qu'un budget équilibré vaut davantage qu'une famille logée ! Lorsque ce jour arrive, la République n'est plus sociale, elle devient comptable.
Monsieur le ministre, dans un contexte où l'État se retire du financement direct, quelle place entendez-vous réserver au logement social dans la politique d'aménagement du territoire ? Comment comptez-vous rétablir la confiance entre l'État, les bailleurs sociaux et les élus locaux, aujourd'hui lassés des promesses non tenues et des dispositifs instables ?
Enfin, quelle vision défendez-vous pour le bail réel solidaire, afin qu'il demeure un véritable outil d'accession sociale et non un simple produit d'investissement ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Je ne peux pas laisser dire que l'État n'est pas aux côtés des bailleurs sociaux.
Certes, des discussions sont en cours à propos de la RLS. Pour autant, en soutenant l'aide à la pierre et la création de logements sociaux, nous serons au rendez-vous pour poser cette brique indispensable, pour reprendre votre mot, que sera le parcours résidentiel des citoyens français.
Mme la présidente. La parole est à M. Lucien Stanzione, pour la réplique.
M. Lucien Stanzione. J'entends bien votre réponse, monsieur le ministre, mais, pour avoir dirigé durant des années un organisme de logements sociaux, je puis vous dire que l'on entend cela tous les ans, tous les ans, tous les ans. Or les moyens diminuent tous les ans, tous les ans, tous les ans… D'ailleurs, les crédits prévus dans le budget du logement qui s'annonce sont en baisse par rapport à ceux de l'an dernier.
Vos intentions politiques sont élevées, mais il faudra avoir la force de les défendre jusqu'au bout ! Nous vérifierons lors du débat budgétaire qui aura lieu au Sénat si vous disposez des moyens pour imposer vos engagements au Gouvernement. Ces engagements, vous les présentez chaque fois que vous venez ici, et à chacun d'entre nous. Nous verrons ce qu'il en sera dans quinze jours. En attendant, je vous souhaite bon courage ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Lauriane Josende.
Mme Lauriane Josende. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans mon département, les Pyrénées-Orientales, la crise du logement est particulièrement aiguë et singulière.
En effet, ce territoire cumule trois fragilités majeures : une raréfaction du foncier constructible, entre mer, montagne et zones agricoles protégées, qu'aggrave évidemment l'application du ZAN ; une situation sociale marquée par une grande précarité, avec de nombreuses familles en difficulté face au coût du logement et à la faiblesse des revenus – le département est le plus pauvre de France, après la Seine-Saint-Denis – ; enfin, des conditions climatiques de plus en plus extrêmes, avec des sécheresses et des incendies qui s'intensifient sous l'effet du réchauffement climatique.
C'est dans ce contexte qu'un phénomène inquiétant s'enracine : la « cabanisation ». Celle-ci consiste à implanter illégalement des habitations, légères ou permanentes, sans autorisation, sur des terrains non constructibles, souvent en zone agricole ou naturelle, et la plupart du temps dans des endroits à risque.
Un véritable business de ces constructions illégales se développe aujourd'hui, sur fond de crise du logement. Chaque année, une centaine de nouveaux cas de cabanisation sont signalés, et la tendance ne faiblit pas.
Depuis 2015, les services de l'État ont mis en place, sous la houlette du préfet, un dispositif partenarial exemplaire associant l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), le Parquet et les services d'urbanisme. Ce travail conjoint permet, certes, un meilleur repérage des sites concernés, une mutualisation des procédures et un appui juridique aux communes, mais seules vingt-deux démolitions d'office ont été exécutées depuis 2018.
Si ces initiatives locales montrent qu'il existe une réelle volonté d'agir, les résultats demeurent limités, en raison d'une procédure jugée trop lourde et inefficace par les acteurs concernés ; en effet, sur le terrain, on constate quelques démolitions seulement, qui interviennent dix à quinze ans après les faits.
Il est urgent, monsieur le ministre, d'agir contre ce phénomène, car le sentiment d'impunité met à mal l'autorité de l'État et celle des maires. Sous le regard des professionnels du bâtiment, qui sont en très grande souffrance dans notre département, et celui des honnêtes gens qui respectent les règles d'urbanisme, ces constructions illégales sont en train de devenir une pratique institutionnalisée. La crise du logement ne saurait permettre de justifier cela !
Les maires sont désemparés, confrontés à des procédures interminables et à des situations humaines parfois dramatiques. Pendant ce temps, tous ceux qui respectent les règles se découragent de plus en plus. Cette situation sape la crédibilité tant de l'action publique que de la loi, et in fine toute politique du logement dans les Pyrénées-Orientales.
Ce phénomène n'est plus anecdotique. Il nourrit la crise du logement elle-même, mine la cohésion territoriale, fragilise l'agriculture et accroît les risques d'incendie dans un département déjà frappé par la sécheresse et la désertification.
La régulation est également importante et nécessaire pour la protection des biens et des personnes qui subissent cette crise de plein fouet.
Monsieur le ministre, nous avons besoin que vous vous engagiez sur ce sujet !
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Lauriane Josende. Nous avons besoin de modèles et de dispositifs similaires à ceux qui existent dans les outre-mer. Pour faire respecter notre droit, protéger nos habitants et préserver nos territoires, je souhaite que nous puissions y travailler très rapidement et concrètement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Madame la sénatrice Josende, je vous remercie de votre intervention sur ce point, auquel je suis évidemment très sensible. La cabanisation soulève un problème majeur : de nombreux secteurs de votre département sont dégradés par la présence illégale de résidences mobiles de loisirs, de caravanes, de cabanes ou même d'installations en dur, dans des zones agricoles ou naturelles.
Habitat contraint pour certains, terrain de loisirs pour d'autres, ce phénomène menace la sécurité des personnes, la santé des habitants, l'environnement, le foncier agricole et la qualité des paysages. Même si un certain nombre de mesures existent déjà, elles sont évidemment insuffisantes.
C'est pourquoi je suis tout aussi impatient que vous que les dispositions de la proposition de loi Huwart puissent enfin être mises en œuvre. En effet, ce texte prévoit de renforcer franchement les pouvoirs du maire contre les constructions illégales, en augmentant notamment les astreintes et les amendes face à ces constructions.
Madame la sénatrice, dès que le Conseil constitutionnel se sera prononcé et que la loi aura été promulguée, comptez sur moi pour revenir vers vous et examiner ce problème à vos côtés, afin que l'ensemble des préfets, en particulier celui de votre département, puissent mettre en œuvre ces nouvelles dispositions avec la plus grande rapidité, la plus grande fermeté et la plus grande rigueur.
Mme la présidente. La parole est à Mme Lauriane Josende, pour la réplique.
Mme Lauriane Josende. La proposition de loi Huwart comporte une partie des réponses, mais il faut aller plus loin, pour raccourcir les délais de procédure. Il faut également s'assurer qu'il s'agit bien de procédures administratives, afin d'éviter le passage devant le juge civil, notamment lorsqu'il y a urgence, en raison d'un risque d'inondation ou d'incendie avéré, tel que celui qui existe dans les Pyrénées-Orientales.
Un tel dispositif existe déjà en outre-mer ; nous pourrions réfléchir à un dispositif identique pour le territoire métropolitain.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Baptiste Blanc. Répondre à la crise du logement en trois minutes, l'exercice n'est pas évident…
Monsieur le ministre, il n'est plus temps de faire des constats ; nous connaissons tous les problèmes du logement. Ils appellent un véritable électrochoc, que vous avez annoncé via un plan à venir.
Pour ma part, après avoir consulté les acteurs, je vous proposerai cinq mesures simples, pragmatiques, immédiatement applicables.
Premièrement, il conviendrait de solvabiliser les primo-accédants. Intégrons l'inflation dans le calcul des plafonds du PTZ, pour maintenir une juste proportion entre ce dernier et le prix réel des logements. Consolidons les dispositifs efficaces comme l'élargissement du PTZ ou la possibilité de dons familiaux, indispensables à l'accession des jeunes actifs et des ménages modestes.
Deuxièmement, il faudrait favoriser le parcours résidentiel en développant l'accession à prix maîtrisé. Beaucoup de communes expérimentent des dispositifs qui imposent aux promoteurs de céder une part de logements à un prix abordable. Donnons à ces initiatives un cadre juridique clair, avec un prix de vente encadré à 15 % sous le marché, une TVA réduite à 10 % et l'éligibilité au PTZ même pour les non-primo-accédants. C'est une mesure de bon sens, à la fois sociale et responsable.
Troisièmement, nous devons accélérer la construction et construire des logements moins chers. Trop de normes, trop de charges, trop de surenchères techniques font grimper les coûts et bloquent les projets. Il faut donc simplifier.
Commençons déjà par appliquer les plans locaux d'urbanisme (PLU) adoptés ; utilisons les dérogations prévues pour les projets à fort impact social ; assumons la verticalité en fixant aussi des hauteurs minimales pour optimiser le foncier.
Pourquoi ne pas également flécher une part accrue de la taxe d'aménagement vers les communes qui bâtissent ? Plusieurs de nos collègues feront aussi des propositions sur le financement du ZAN, à propos duquel une mission d'information de la commission des finances va prochainement rendre ses conclusions. Marc-Philippe Daubresse, d'autres collègues et moi-même nous sommes également attaqués à la simplification du droit de l'urbanisme, en faisant des propositions en ce sens.
Quatrièmement, nous pourrions encourager encore plus fortement la reconversion des bureaux en logements. Des textes ont été adoptés, mais d'autres mesures sont possibles. Le potentiel est immense, mais les freins économiques demeurent.
Un taux de TVA réduit à 5,5 % sur les ventes issues de reconversion, sans condition de ressources, serait une mesure simple, rapide et efficace. Il serait aussi envisageable d'instaurer un taux réduit de TVA sur les ventes réalisées autour des gares, comme le demandent les aménageurs, mais je n'ai pas le temps de développer davantage cette proposition.
Enfin, Marc-Philippe Daubresse est à l'origine de la cinquième proposition : relancer l'investissement locatif privé. Le statut du bailleur privé ne sera crédible qu'à condition d'être réellement incitatif. Un amortissement de 5 %, comme le préconise le rapport Daubresse-Cosson, me semble indispensable pour redonner confiance et ramener les investisseurs.
Ces mesures ne sont pas forcément d'ordre législatif ; elles sont peut-être réglementaires et relèvent parfois du simple bon sens. Monsieur le ministre, ces recommandations pourraient, tout simplement, être intégrées au futur grand plan que vous avez annoncé, en attendant le Grand Soir de 2027.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Monsieur le sénateur, je vous remercie des nombreux échanges que nous avons déjà eus : nous nous sommes rencontrés à plusieurs reprises, et vous m'avez déjà fait part de toutes ces propositions pertinentes, qui méritent d'être étudiées de près.
J'y reviendrai dans un instant, avec ces propositions très concrètes et immédiatement applicables pour un certain nombre d'entre elles, vous êtes au cœur de ce que j'appelle le plan logement.
Au fond, l'enjeu n'est pas de créer un projet de loi sur le logement ; je ne suis pas là pour faire adopter un texte qui porte mon nom, cela ne m'intéresse pas. Ce qui importe, c'est de loger dignement les familles, de relancer la construction de logements dans notre pays : tel est l'objectif que nous pouvons viser ensemble.
Ce grand plan a donc vocation à être nourri par des propositions comme les vôtres ou d'autres que nous avons entendues aujourd'hui, ou comme celles qui émanent de plusieurs rapports.
Je vous donne donc d'ores et déjà rendez-vous pour que nous écrivions ensemble ce grand plan, tous ensemble. En tout cas, je vous remercie de la richesse de vos propositions.
M. Jean-Baptiste Blanc. Merci !
Conclusion du débat
Mme la présidente. En conclusion de ce débat, la parole est à M. le ministre.
M. Vincent Jeanbrun, ministre de la ville et du logement. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie encore une fois de la qualité de nos échanges, preuve s'il en faut de votre sagesse et de votre rigueur. Pour moi qui suis issu de l'Assemblée nationale, c'était un vrai plaisir de débattre de cet enjeu si important dans ce cénacle, où le fond et la mesure priment la forme et la posture… (Sourires.)
M. Marc-Philippe Daubresse. C'est sûr que l'ambiance n'est pas la même !
M. Vincent Jeanbrun, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous n'avez d'ailleurs pas attendu ce gouvernement pour vous saisir de l'urgence que constitue le logement pour notre pays. Uniquement cette année, votre assemblée a ainsi présenté deux rapports et adopté six propositions de loi.
C'est d'autant plus important que nous partageons – nous l'avons entendu – le constat : la France et l'Europe traversent une crise du logement d'une ampleur inédite, la pire depuis longtemps. Il ne s'agit pas seulement d'une crise de l'habitat ; c'est une crise économique, environnementale et surtout sociale, comme l'a exprimé récemment le nouveau Commissaire européen à l'énergie et au logement.
Nous en sommes tous convaincus, la difficulté à se loger correctement nourrit un fort sentiment de déclassement. Trop de nos concitoyens le ressentent ; il alimente automatiquement une colère, une frustration, qui bien souvent oriente vers les populistes.
Nous devons donc relever un défi important, d'autant que cette crise du logement repose sur plusieurs facteurs. Ceux-ci sont d'abord conjoncturels, ainsi que cela a été évoqué. Inflation du coût des matériaux, pénurie d'artisans, hausse des taux d'intérêt : tout cela complique considérablement l'accession au logement et à la propriété.
Cela dit, nous aurions tort de considérer que cette crise n'est que conjoncturelle ; elle est également structurelle. L'évolution de nos modes de vie, des parcours résidentiels, de la démographie ainsi que la saturation de notre parc social font partie des éléments qu'il est utile de citer pour répondre à cette crise du logement.
Face à cela, nous n'avons pas le droit à la résignation. Le fatalisme n'est pas une option. Ce gouvernement, sous l'impulsion du Premier ministre Sébastien Lecornu, l'a très bien compris. Celui-ci m'a confié une mission claire : inverser la perspective et bâtir un véritable plan logement, partout et pour tous.
Ce projet suppose de repenser notre approche à la lumière des nouvelles façons d'habiter, de vivre et de travailler. Il suppose aussi de repenser notre méthode. Je vous propose ainsi que nous coconstruisions le plan logement, un peu comme on construit un immeuble, brique après brique, avec l'expertise et le talent de chacun, en ayant deux objectifs en tête : construire bien et pour longtemps.
Ce plan sera donc collectif, construit d'abord avec vous, mesdames, messieurs les parlementaires, avec les élus locaux, les professionnels du secteur, mais également avec les citoyens eux-mêmes.
Je souhaite évidemment m'appuyer sur tous les travaux, qui sont nombreux, réalisés par les parlementaires. C'est en ayant cela à l'esprit que j'ai proposé, par le biais d'un amendement gouvernemental, de promouvoir le statut du bailleur privé, en m'inspirant des travaux menés par M. le sénateur Daubresse – je le salue une fois de plus – avec le député Mickaël Cosson, ainsi que de ceux que ma prédécesseure Valérie Létard avait amorcés.
Vous le voyez, nos riches échanges permettent déjà de dessiner l'ambition et le cahier des charges du plan logement. Je m'en réjouis et j'ai hâte que nous puissions davantage travailler ensemble.
Du point de vue de la méthode, il nous faudra hiérarchiser deux moments. D'un côté, il faudra définir ce qui relève de l'urgence absolue et que nous devrons traiter immédiatement, durant l'examen du budget pour 2026 : ce sont les mesures à court terme. De l'autre, il y a ce qui s'inscrit dans une vision de moyen et long termes, pour refonder durablement notre politique du logement. Cela aussi, nous aurons à le construire ensemble. Au fond, nous ne ferons pas l'un ou l'autre, nous ferons les deux.
Le plan logement intégrera plusieurs axes structurants : mieux adapter l'offre aux besoins qui évoluent ; mieux sécuriser le statut du propriétaire et du locataire ; mieux financer l'acquisition, notamment pour les primo-accédants ; simplifier les normes ; accélérer la nécessaire décentralisation ; et, enfin, trouver un équilibre renouvelé entre logement social, logement intermédiaire et parcours résidentiel.
Tout cela pose les fondations d'un plan ambitieux, mais réaliste, un plan de mobilisation nationale pour le logement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cette crise que nous traversons n'est pas une fatalité, c'est un défi. Comme le dirait Jean-Louis Borloo, il ne faut pas gâcher une bonne crise ; nous allons donc relever le défi. Comme souvent dans notre histoire, les défis appellent de l'ambition, du courage, du volontarisme et, je le crois, de l'esprit collectif ; au fond, il s'agit là d'une bonne définition de ce qu'est le Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc-Philippe Daubresse, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le ministre, loin du vacarme de l'Assemblée nationale, que je connais bien pour l'avoir fréquentée, vous avez entendu ici des propos sages, mesurés, concrets, efficaces, tenus dans le respect des uns et des autres, ce qui caractérise le Sénat depuis longtemps.
Il est vrai que, depuis quatre ans, sur toutes les travées de cet hémicycle, nous tirons la sonnette d'alarme en dénonçant le caractère néfaste et parfois irresponsable de certaines politiques gouvernementales – pas toutes – conduites précédemment.
Il a fallu attendre la nomination de Valérie Létard, qui connaît bien le logement, pour que le sujet soit enfin pris en compte et que l'on écoute le Sénat, qui a exposé l'ensemble des problèmes, structurels et non uniquement conjoncturels, qui précipitent et accélèrent cette crise du logement.
Monsieur le ministre, quand j'étais à votre place il y a quelques années, j'ai moi aussi connu une importante crise du logement. Nous réalisions alors à peu près à 230 000 constructions neuves par an – 270 000 seront réalisées à la fin de cette année – et, avec Jean-Louis Borloo, que vous avez cité et que je salue, nous sommes tout de même arrivés au chiffre de 486 000 constructions annuelles. Cela signifie qu'il est possible de redresser une politique !
Encore faut-il pouvoir résister à un certain nombre de tentations, que plusieurs de nos collègues ont soulignées à juste titre. Elles relèvent toutes d'une forme de cécité de Bercy, qui ne raisonne que de manière comptable, sans réfléchir à une logique de croissance et de développement du logement.
Les ventes aux investisseurs privés constituent un vrai sujet, que Cyril Pellevat a évoqué tout à l'heure. Sans reprendre tous les chiffres cités, il n'y aura que 9 000 réservations de logements pour l'investissement privé à la fin de cette année, quand il y en avait environ 54 000, soit six fois plus, il y a cinq ans. Tous les secteurs, l'ancien comme le neuf, sont donc concernés. Nous sommes face à une catastrophe.
J'ai essayé d'en parler avec le Président de la République, avec qui je me suis entretenu il y a trois ans. J'ai eu l'impression d'avoir un mur devant moi. Il ne comprenait pas les ressorts de cette crise, ou ne voulait pas les comprendre, car il est intelligent ; quelque part, il n'aime pas les propriétaires.
Monsieur le ministre, nous comptons donc sur vous et sur le Gouvernement – j'ai bien entendu les propos du Premier ministre, que je connais bien et que j'apprécie – pour engager de toute urgence un plan pour le logement, laquelle implique, comme l'a justement dit notre collègue Dominique Estrosi Sassone, que ce plan soit pluriannuel.
Oui, comme vous l'envisagez, il faut un plan pour le logement pragmatique et coconstruit, etc., mais il faut surtout un plan pluriannuel, qui garantisse des financements dans la durée. Sans cela, année après année, la tentation de Bercy – quels que soient les ministres, ce ne sont pas eux que je critique, c'est le système – sera de reprendre d'une main ce qui a été donné par l'autre.
Compte tenu du temps de parole qui me reste, je ne donnerai qu'un exemple, celui du statut du bailleur privé locatif, dont beaucoup ont parlé ; je les en remercie. À l'Assemblée nationale, la création de ce statut a fait l'objet d'amendements transpartisans.
Pourquoi est-il important de créer un tel statut, et pourquoi, ainsi que Jean-Baptiste Blanc l'a justement dit, faut-il porter l'amortissement à un niveau important, à 5 % pour le neuf, et à 4 % pour l'ancien ? Parce que, sans cela, nous n'aurons pas l'effet de choc de confiance que vous appelez de vos vœux.
Nos collègues socialistes ont eu raison de le souligner, il ne faut pas non plus tomber dans un excès qui consisterait à favoriser des investisseurs massifs comme Louis Vuitton. Ceux que nous visons, ce sont bien les petits bailleurs privés.
D'ailleurs, 75 % des bailleurs privés possèdent au maximum deux ou trois logements dans leur portefeuille, et non pas dix ou vingt, comme je l'ai entendu çà ou là. Ce ne sont donc pas les rentiers ou les spéculateurs que nous voulons favoriser, c'est la construction de la pierre.
Pourquoi Dominique Estrosi Sassone a-t-elle esquissé tout à l'heure l'idée d'une loi de refondation avec une programmation pluriannuelle, qui manque cruellement à la politique du logement ? Parce qu'il n'y a pas de cap. Cela veut dire qu'il faut baisser, voire supprimer la RLS, ainsi que l'ont voté majoritairement les députés issus de plusieurs bancs de l'Assemblée nationale ; cela veut dire qu'il faut relancer l'accession à la propriété grâce au nouveau PTZ, et éviter tout rétrécissement de la part de Bercy.
Je sais ce qu'est le PTZ, car j'en ai été l'un des pères, même si, comme l'aurait dit un député que Patrick Kanner et moi-même avons bien connu, quand le bébé est beau, il ne manque pas de pères pour le reconnaître. Or les tentatives de rétrécissement du PTZ ont été fréquentes et ont à chaque fois touché les plus vulnérables. Il faut donc évidemment être vigilant sur ce point.
Il faut également en finir avec la décision infondée de la Banque de France d'imposer un taux d'effort plafond pour les accédants à la propriété.
Il faut aussi – je terminerai par ce point – envisager des solutions de reconversion. Le logement, c'est du fiscal, du financement et du foncier. Comme la crise du foncier, plusieurs collègues l'ont indiqué à juste titre, est énorme, il faut enfin songer à convertir en logements des fonciers commerciaux et de bureaux qui existent et qui sont déjà imperméabilisés.
Monsieur le ministre, voilà qui permettrait de recréer de la confiance, comme vous l'avez appelé de vos vœux, dans le respect des contraintes budgétaires. Vous pouvez compter sur le Sénat pour être vigilant et pour vous aider à faire en sorte que cette politique soit orientée non pas par Bercy, mais bien par le ministre du logement. (M. Jean-Baptiste Blanc applaudit.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Quelles réponses apporter à la crise du logement ? »
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente pour le débat sur le thème « Fiscalité du travail, fiscalité du capital : quels équilibres ? ».
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures,