Article 5 bis (nouveau)
I. – L'article L. 722-7-1 du code rural et de la pêche maritime, dans rédaction résultant de la loi n° 2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025, est ainsi rédigé :
« Art. L. 722-7-1. – Dans le bail à métayage, seul le preneur est considéré comme chef d'exploitation, sous réserve qu'il ne soit pas assujetti au régime social agricole. Le bailleur à métayage n'est pas affilié au régime de protection sociale des non-salariés agricoles, sauf s'il participe effectivement à l'activité ou à la direction de l'exploitation, sous réserve de l'application de l'article L. 171-6-1 du code de la sécurité sociale. »
II. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant du I est compensée à due concurrence par la majoration de l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale, sur l'article.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Là encore, le PLFSS nous fournit l'occasion de nous instruire sur un nouveau sujet. C'est tant mieux pour ceux qui, comme moi, détestent la routine !
Après les artistes auteurs, nous allons parler du métayage.
L'article 5 bis, dont nous commençons l'examen, est le fruit d'intenses discussions. Il a été introduit par notre collègue député Charles de Courson, à l'Assemblée nationale. Je souhaite vous en présenter l'historique.
Il semblerait que le métayage date de quelques centaines, voire de quelques milliers d'années.
Le code rural prévoit que les bailleurs à métayage qui possèdent des terres qu'ils louent à des agriculteurs contre un loyer versé sous la forme d'une fraction de la production agricole – ce que l'on appelle des « biens en nature » – sont affiliés à la MSA en tant que chefs d'exploitation. J'espère, mes chers collègues, que vous me suivez…
La MSA de la Marne a, depuis de nombreuses années – peut-être même depuis la nuit des temps –, dérogé à cette règle et créé, de fait, une exception pour les seuls bailleurs champenois : ces derniers n'étaient pas affiliés et ne versaient donc aucune cotisation. Cette exception a eu cours sans qu'aucun d'entre nous se manifeste, puisqu'elle n'était pas forcément identifiée.
En conséquence, les bailleurs champenois ne bénéficiaient pas de pension de retraite au titre de cette activité.
Dès lors, on pourrait se dire que tout va bien, sauf que la caisse centrale de la MSA a demandé à la MSA de la Marne de mettre fin à cette pratique. Les viticulteurs champenois dans leur ensemble s'en sont émus, raison pour laquelle Charles de Courson est intervenu à l'Assemblée nationale pour introduire et faire voter cet article 5 bis, qui désaffilie la totalité des bailleurs à métayage sur l'ensemble du territoire français.
En découvrant cet article, mon cœur a fait un bond, une telle mesure n'étant pas soutenable pour les finances de la sécurité sociale.
Alors que les bailleurs à métayage comptent souvent parmi les agriculteurs les plus riches dans certaines activités agricoles, comme la culture de la vigne, nous ne pouvons priver de recettes supplémentaires la caisse agricole, qui, je le rappelle, n'est financée qu'à hauteur de 20 % seulement par des cotisations. Le Gouvernement peut, me semble-t-il, partager cet avis.
L'amendement que défendra tout à l'heure notre collègue Anne-Sophie Romagny, elle aussi parlementaire de la Marne – je sais combien elle est impliquée dans cette affaire – vise, à l'inverse, à inscrire dans le droit la pratique dérogatoire qui existait pour les bailleurs champenois. Il s'agit donc là non pas d'étendre cette pratique à l'ensemble du territoire français, mais bien de permettre à une pratique ancestrale de persister.
Sous couvert de références au droit ancien et aux usages, cette mesure est tout simplement anticonstitutionnelle, en ce qu'elle contrevient au principe d'égalité devant l'impôt. Je veux y insister.
Je pose la question : pourquoi un bailleur bordelais ou bourguignon qui loue des terres viticoles devrait-il être affilié à la MSA quand un bailleur champenois ne le devrait pas ? Parce que la MSA de la Marne a eu ce droit pendant des années, sans doute à l'insu des autres ?
J'admets que la solution n'est pas facile à trouver et que la situation n'est pas forcément agréable à étudier pour moi.
Les bailleurs champenois affirment que, s'ils sont affiliés, ils cesseront de percevoir ce revenu professionnel afin de liquider leurs pensions de retraite, ce qui les contraindra à vendre leurs terres. Je dois dire que cet argument n'est lui non plus pas très audible : compte tenu de leur prix extrêmement élevé, les terres ne pourraient être rachetées par de jeunes agriculteurs et devraient être cédées à de grands groupes chinois.
Ayant entendu cet argument, le Gouvernement a déposé un amendement à l'article 43, l'amendement n° 1612. Notre collègue Pascale Gruny s'exprimera avec talent sur ce sujet, qu'elle connaît bien pour venir d'un territoire concerné par cette exception et pour être rapporteure de la branche vieillesse.
L'alinéa dont elle soutient l'ajout permettra de régler le problème des retraités qui se trouvent dans cette situation, puisque l'amendement vise à offrir aux bailleurs à métayage la possibilité de cumuler leur pension de retraite et leur revenu locatif dans le cadre du cumul emploi-retraite.
Cette solution me paraît satisfaisante. Aussi la commission proposera-t-elle la suppression de l'article 5 bis et sera-t-elle défavorable à l'amendement de Mme Romagny.
Je sais que vous serez nombreux à le voter. Je l'entends parfaitement, mais, puisque mon rôle de rapporteure est aussi de dire les choses, je tenais à souligner que la situation qui a prévalu jusqu'à présent n'est pas normale et que le dispositif qui vous est proposé est constitutionnellement fragile, puisqu'il s'agit, finalement, d'accorder à un territoire, à l'exclusion des autres, quelque chose qui existait jusqu'à présent sans avoir été formellement accordé.
Mais j'espère que nous en saurons tous plus sur le métayage à l'issue de l'examen de ces amendements !
Mme la présidente. L'amendement n° 591, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Mon avis est un peu nuancé.
Mme la rapporteure générale a très bien exposé la situation : il s'agit de mettre de l'ordre dans un usage installé depuis longtemps, ce qui, je crois, est une bonne idée. Nous pouvons être solidaires d'une initiative qui consiste à ce que nous prenions nos responsabilités et à ce que nous donnions un cadre.
Notre analyse juridique est que l'on ne peut accorder une dispense uniquement à la Marne, car il ne serait pas constitutionnel de cibler un seul territoire, quand bien même il serait concerné – potentiellement, d'autres départements peuvent l'être aussi.
Faire valoir que l'on donne un cadre à une pratique qui s'est matérialisée de fait en raison d'une forme de tolérance, en arguant d'une organisation spécifique et différente – telle est bien la réalité –, nous semble constituer un chemin pour ne pas subir les foudres du Conseil constitutionnel et éviter sa censure.
L'amendement n° 1362 rectifié quinquies n'est, dans l'esprit, pas si éloigné de notre analyse. Par conséquent, le Gouvernement sollicite le retrait de l'amendement n° 591 à son profit.
Mme Pascale Gruny. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 591.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 33 :
| Nombre de votants | 308 |
| Nombre de suffrages exprimés | 289 |
| Pour l'adoption | 94 |
| Contre | 195 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mme la présidente. L'amendement n° 1362 rectifié quinquies, présenté par Mmes Romagny et Perrot, MM. Bruyen, D. Laurent, Menonville, Courtial, Bonneau, Henno et Cambier, Mme Billon, M. Dhersin, Mmes Guidez et Antoine, MM. Chevalier et Bitz, Mmes Sollogoub et N. Delattre, M. Genet, Mmes Schillinger, Josende et M. Mercier, M. Pointereau, Mmes Berthet, Bourcier, Imbert, Paoli-Gagin et L. Darcos et MM. Wattebled, Parigi, Chasseing, Lefèvre et Laménie, est ainsi libellé :
Alinéas 1 et 2
Rédiger ainsi ces alinéas :
I. – L'article L. 722-7-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025, est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le premier alinéa du présent article n'est pas applicable au bailleur dont le contrat de bail à métayage prévoit, expressément ou selon l'usage issu d'un droit ancien, l'absence de partage des dépenses d'exploitation entre le preneur et le bailleur dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article L. 417-3. »
La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny.
Mme Anne-Sophie Romagny. Mes chers collègues, dans la Marne, historiquement, depuis un siècle, le métayage s'est développé d'une manière différente de celle qu'on a observée dans les vignobles des autres régions.
Cet amendement ne tend pas à créer de dépenses supplémentaires. Il vise à circonscrire le système du bail à métayage en différenciant le preneur du bailleur par l'absence de partage des dépenses d'exploitation.
Le métayage, tel qu'il existe aujourd'hui, permet au retraité de transmettre progressivement ses vignes sans que l'impact sur les finances du preneur soit trop important. La fin de ce système rendrait, à terme, la transmission familiale quasiment impossible.
Il faut garder cet élément en tête : voter pour cet amendement, c'est voter pour des milliers de vignerons qui font vivre les territoires ruraux, et pas seulement la Champagne. C'est préserver la transmission familiale de notre patrimoine et de nos vignobles français. Enfin, c'est éviter de boire, un jour, du champagne chinois ou américain.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission sollicite l'avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Cet amendement vise à prendre en compte les spécificités de certains baux à métayage – mécanisme complexe que cet amendement nous a donné l'occasion d'étudier –, notamment en Champagne, mais pas seulement. Ces baux prévoient, par dérogation aux règles de droit commun, l'absence de partage des dépenses entre le bailleur et le preneur.
Le Gouvernement est tout à fait aligné avec cette proposition, qui semble correspondre au champ approprié pour cette dispense d'affiliation.
J'émets donc un avis favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bruyen, pour explication de vote.
M. Christian Bruyen. Le bail à métayage n'est pas le plus connu des dispositifs. En Champagne, il est pourtant un outil fondamental de transmission des exploitations : il permet de maintenir le caractère familial du patrimoine et contribue ainsi à l'indispensable équilibre foncier entre vignerons et négociants.
C'est précisément grâce à cette stabilité juridique historique – cela a été dit – que la Champagne a pu éviter jusqu'à présent les douloureuses évolutions qui affectent d'autres vignobles.
J'ai bien conscience que cette appellation connue dans le monde entier évoque, pour beaucoup, la prospérité. Pourtant, ce n'est plus vraiment la réalité, croyez-moi.
Difficultés de commercialisation du fait des droits de douane, développement de la flavescence dorée et campagnes d'arrachage, augmentation des charges pour répondre aux grands enjeux sociétaux, évolution des modèles de consommation : des appellations sont fragilisées, et ce n'est pas le moment de les déstabiliser davantage.
La disparition de la pratique du métayage, qui est fondée sur le bon sens, serait un coup terrible porté à l'économie de nos territoires ruraux, car c'est bien toute l'organisation professionnelle qui en serait affectée. Elle mènerait immanquablement à une concentration foncière entre quelques grands acteurs non viticoles, voire étrangers.
Le comble est que l'abandon du métayage par les exploitants en fin de carrière conduirait finalement à une diminution des ressources escomptées ! Le système serait perdant-perdant – tout cela à cause d'une tendance faussement ingénieuse à trop souvent instaurer de nouveaux prélèvements.
C'est pourquoi nous devons protéger ce mode de transmission éprouvé, équilibré et facteur de stabilité. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Anne-Sophie Romagny applaudit également.)
Mme Anne-Sophie Romagny. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.
Mme Pascale Gruny. Je voterai l'amendement d'Anne-Sophie Romagny, et j'invite l'ensemble de mes collègues à faire de même.
Nous avons beaucoup réfléchi sur le sujet : cet amendement n'est pas le résultat d'un travail fait sur un coin de table ! Nous avons largement échangé pour trouver une solution afin de sécuriser ce mécanisme.
Je remercie M. le ministre du travail, ainsi que Mme la ministre de l'agriculture, qui s'est penchée sur cette situation complexe afin d'identifier la bonne solution.
Mes chers collègues, que voulons-nous pour cette filière ? Il est ici question des vignes de Champagne, mais chacun sait ce qu'il en est dans les autres territoires : des acteurs extérieurs, dotés de capacités financières bien supérieures, rachètent nos vignobles. Voulons-nous préserver le champagne – qui restera quoi qu'il en soit français ? Voulons-nous conserver nos filières et nos agriculteurs, en particulier les jeunes, auxquels il faut offrir des perspectives ?
Quand un jeune s'installe, il est incapable de fournir les sommes demandées, car les prix sont très élevés.
Je vous invite à sauver nos filières d'excellence – le vin et le champagne en font partie.
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. J'ai bien entendu tous les arguments qui ont été échangés.
Ne mélangeons pas les choses : nous devrions chercher à favoriser l'équité territoriale. Or nous nous apprêtons à instaurer une exception pour le territoire champenois.
Mme Anne-Sophie Romagny. Mais non !
M. Henri Cabanel. Vous l'avez dit, et je le conçois, le prix du foncier agricole en Champagne est très élevé,…
Mme Anne-Sophie Romagny. C'est vrai !
M. Henri Cabanel. … ce qui entraîne des problèmes pour les successions. La Champagne n'est d'ailleurs pas la seule région concernée : la Bourgogne se trouve dans le même cas.
Toutefois, le métayage permet d'assurer, dans cette région, une forme d'équité, ce qui n'est pas le cas dans les territoires qui ne sont pas concernés par cette problématique foncière. Il faut trouver une solution intermédiaire afin d'éviter que de grosses entreprises s'emparent, à terme, du foncier. C'est déjà, malheureusement, ce qui se pratique en l'absence de métayage. De grandes entreprises investissent fortement dans les vignobles champenois, privant les agriculteurs locaux de la possibilité d'acquérir des sols.
Aussi, par souci d'équité vis-à-vis des autres territoires, je ne voterai pas cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. J'apprends avec surprise que le métayage existe encore : je l'ignorais ! Dans mon département, les paysans se sont beaucoup battus pour obtenir le statut de fermage. J'entends, néanmoins, les spécificités que vous évoquez.
En revanche, certains éléments me semblent plus difficiles à comprendre.
Tout d'abord, Henri Cabanel l'a dit, nous connaissons, partout, les difficultés du monde viticole. En Champagne, une exception subsiste depuis un siècle, certes ; doit-elle perdurer ? Dans ce cas, les viticulteurs du Bordelais, des pays de l'Aude ou d'autres régions pourraient réclamer la même chose !
Deuxièmement, si je comprends bien, le statut de métayage auquel fait référence cet amendement est un peu particulier, puisqu'il concerne surtout les transmissions familiales. Mais des cotisations versées à la MSA mettent-elles réellement en danger les revenus des viticulteurs et les transmissions de terres ? J'ignore le montant de ces cotisations, mais je suis tout de même surprise.
Troisièmement, nous ne cessons de déplorer la situation des systèmes de retraite, notamment celui de la MSA, qui fait largement appel à la solidarité nationale. Or, selon les auteurs de cet amendement, il ne faudrait pas que des exploitants agricoles, fussent-ils bailleurs ou preneurs, versent des cotisations à la MSA. Je suis très étonnée par cet argument.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour explication de vote.
M. Gérard Lahellec. Il ne s'agit pas ici de réécrire l'Histoire, mais qu'il me soit tout de même permis de rappeler que le statut du fermage a été instauré sous le ministère de Tanguy Prigent. Je vous invite donc à relire les débats qui avaient eu cours à l'époque ; toutes les sensibilités politiques, alors, n'avaient pas réservé les mêmes suites au statut du fermage.
Par ailleurs, jamais il n'aura été dit que paysans, artisans et petits commerçants ont des statuts précaires parce que leurs organisations professionnelles – et la droite –, à l'époque, avaient refusé de rejoindre le régime général.
Mme Raymonde Poncet Monge. Absolument !
M. Gérard Lahellec. Enfin, je me demande si c'est bien le rôle de ce projet de loi de prévoir des financements en soutien à une filière. Je ne pense pas que ce soit son rôle.
Ce sont là autant de raisons qui nous conduisent à voter contre cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour explication de vote.
Mme Anne-Sophie Romagny. Cette mesure ne coûte rien.
Puisqu'un système fonctionne, pourquoi devrions-nous nous tirer une balle dans le pied ? Nous ne retirons rien aux autres vignobles. (Mme Monique Lubin proteste.) Nous conservons seulement un dispositif qui marche, précisément pour assurer les transmissions. Les tarifs des terres agricoles et viticoles champenoises sont très élevés : les prix se situent entre 1 million et 1,6 million d'euros l'hectare. Pour un jeune exploitant viticole qui reprend l'exploitation familiale, ce sont des montants énormes !
Mme Monique Lubin. Et la MSA ?
Mme Anne-Sophie Romagny. Nous ne retirons donc rien aux autres vignobles. Je le répète, nous préservons un dispositif qui fonctionne, et cela ne coûte rien de plus.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. On ne retire rien aux autres vignobles, mais on ne leur donne pas les mêmes droits ! C'est cela, le problème.
Pourquoi ne pas proposer d'établir cette mesure dans l'ensemble des territoires ?
Je suis d'ailleurs un peu étonnée : monsieur le ministre, vous avez commencé par dire qu'il serait anticonstitutionnel de créer un dispositif qui s'appliquerait à une région, mais pas à une autre ; il semble pourtant que ce soit ce que vous demandez !
Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.
M. Martin Lévrier. Je souhaiterais simplement une clarification. Si nous votons cet amendement, nous pourrons ensuite étendre ces contrats de métayage à d'autres départements.
Mme Raymonde Poncet Monge. Alors, faisons-le !
M. Martin Lévrier. Dès lors, tous les territoires seront à égalité. (Marques de dénégation sur les travées des groupes SER et GEST.)
C'est en tout cas ce que le ministre semble dire.
Mme Raymonde Poncet Monge. Faisons-le tout de suite !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Ce dispositif est très utilisé en Champagne : il n'est donc pas étonnant que ce soit une sénatrice de ce département qui présente cet amendement. Cela correspond à une réalité de son territoire. (Mme Anne-Sophie Romagny acquiesce.)
Toutefois, en raison de l'argument soulevé par Mme la rapporteure générale, nous ne pouvons limiter ce dispositif à la seule Champagne. Il est donc ouvert à tous les territoires, dès lors que ceux-ci présentent les mêmes conditions que les vignobles champenois. (Mme Raymonde Poncet Monge lève les bras au ciel.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1362 rectifié quinquies.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 34 :
| Nombre de votants | 345 |
| Nombre de suffrages exprimés | 326 |
| Pour l'adoption | 226 |
| Contre | 100 |
Le Sénat a adopté.
Je mets aux voix l'article 5 bis, modifié.
(L'article 5 bis est adopté.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Article 5 ter (nouveau)
I. – L'article L. 731-13 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Les personnes exerçant une activité professionnelle sous le statut de collaborateur du chef d'exploitation ou d'entreprise agricole mentionné à l'article L. 321-5 qui choisissent le statut de chef d'exploitation ou d'entreprise agricole à l'expiration du délai de cinq ans mentionné au même article L. 321-5 bénéficient de l'exonération partielle de cotisations mentionnée au I du présent article sous réserve du respect des conditions suivantes :
« 1° Avoir été collaborateur du chef d'exploitation ou d'entreprise agricole pendant une durée d'au moins cinq ans ;
« 2° Exercer en tant que chef d'exploitation ou d'entreprise agricole à titre principal ou exclusif ;
« 3° S'engager à conserver le statut mentionné au 2° du présent II durant cinq ans.
« La condition d'âge prévue au deuxième alinéa du I du présent article ne s'applique pas. Un décret détermine les conditions d'application du présent II. »
II. – Le I du présent article entre en vigueur le 1er janvier 2027 et s'applique aux cotisations sociales dues à compter de la même date.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 592 est présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 1763 est présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour présenter l'amendement n° 592.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. L'article 5 ter, introduit par l'Assemblée nationale, ne vise ni plus ni moins qu'à exonérer – partiellement, mais pendant cinq ans – les collaborateurs d'exploitant agricole ou, éventuellement, les chefs d'exploitation.
Je souhaite que nous supprimions cet article, car je ne suis pas favorable aux exonérations de cotisations.
Dans un contexte d'important déficit de la branche vieillesse, il ne peut être question de soutenir une mesure d'exonération de cotisations dont l'effet financier n'est pas strictement renseigné : il est difficile de savoir à quoi cela nous engagerait.
De plus, la mesure d'exonération souhaitée n'est pas justifiée, car la loi oblige déjà le conjoint collaborateur à opter, au bout de cinq ans, pour le statut de salarié agricole ou de chef d'exploitation. C'est une question sur laquelle nous avons beaucoup travaillé ces dernières années.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 a permis de nombreuses avancées, notamment pour la revalorisation du statut de conjoint collaborateur comme de celui de chef d'exploitation agricole.
Il ne semble pas utile d'adopter une nouvelle disposition législative alors qu'une réforme aussi récente a déjà été entreprise, surtout dans le contexte actuel.
Je vous invite donc à soutenir cet amendement de suppression.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter l'amendement n° 1763.
Mme Annie Le Houerou. Cet amendement vise à supprimer cet article, adopté lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, afin de ne pas introduire de nouvelles exonérations de cotisations sociales pour les chefs d'exploitation et conjoints collaborateurs. Une telle mesure entraînerait une perte de recettes pour la sécurité sociale, une complexification du régime actuel et des distorsions entre les statuts agricoles.
Bien que l'objectif de soutenir la transition des conjoints collaborateurs vers le statut de chef d'exploitation soit légitime, la mesure présente plusieurs risques. L'exonération proposée serait à l'origine d'un manque à gagner pour les organismes de sécurité sociale. Elle introduit également un traitement particulier pour une population limitée – environ 10 000 personnes –, alors que les jeunes agriculteurs bénéficient déjà d'un régime spécifique, ce qui pourrait être perçu comme une inégalité. Enfin, la mise en œuvre des conditions cumulatives prévues – cinq ans de collaboration, exercice à titre principal ou exclusif, engagement de maintien du statut – rend la mesure complexe et difficile à contrôler.
Ces exonérations successives constituent une mauvaise réponse à un problème véritable : elles fragilisent le financement de la protection sociale, sans offrir aux jeunes agriculteurs de visibilité durable, non plus que des moyens d'investir, de s'équiper ou de moderniser leur exploitation.
Enfin, cette extension d'exonération crée un effet de dilution : en repoussant continuellement la fin du dispositif, on en réduit le caractère incitatif. Ce qui devait être une mesure exceptionnelle, destinée à faciliter l'installation, devient une exonération quasi permanente, déconnectée de son objectif initial.
Cette exonération doit donc rester incitative et destinée aux jeunes agriculteurs et agricultrices, dont une majorité se trouve en situation de précarité en début d'activité.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Le ministre du travail est aussi le ministre de la sécurité sociale : il n'apprécie donc guère les exonérations de cotisations !
Je me rangerai par conséquent à la position des auteurs de ces amendements identiques, en émettant un avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 592 et 1763.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 5 ter est supprimé et les amendements nos 912 rectifié et 1468 n'ont plus d'objet.
Article 5 quater (nouveau)
La section 1 bis du chapitre Ier du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 241-3-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 241-3-3. – Les entreprises d'au moins trois cents salariés mentionnées à l'article L. 2242-2-1 du code du travail sont soumises à un malus sur les cotisations à la charge de l'employeur dues au titre de l'assurance vieillesse et de l'assurance veuvage, en l'absence de négociation sur l'emploi, le travail et l'amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés ou, à défaut d'accord, d'un plan d'action annuel destiné à favoriser l'emploi des salariés expérimentés.
« Le malus est déterminé par voie réglementaire, en fonction des efforts constatés dans l'entreprise en faveur de l'emploi des seniors ainsi que des motifs de sa défaillance, sur la base de critères clairs. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 593 est présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 1539 rectifié bis est présenté par Mme Demas, MM. Delia, Burgoa et Cambon, Mme Petrus et MM. Saury, Séné, Panunzi et Genet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour présenter l'amendement n° 593.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à supprimer l'article 5 quater, qui tend à établir un plan d'action ou une négociation dans les entreprises de plus de 300 salariés, sous peine d'un malus sur les cotisations vieillesse.
Nous avons déjà débattu sur ce sujet à l'occasion de la transposition du récent accord national interprofessionnel (ANI).
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Demas, pour présenter l'amendement n° 1539 rectifié bis.
Mme Patricia Demas. L'accord national interprofessionnel du 14 novembre 2024, signé par quatre syndicats sur cinq et par toutes les organisations patronales, a établi un cadre équilibré pour l'emploi des salariés expérimentés.
La loi du 24 octobre 2025 a fidèlement transposé l'ANI en instaurant une négociation triennale obligatoire dans les entreprises d'au moins 300 salariés. À défaut d'accord, l'employeur peut adopter un plan d'action unilatéral.
L'article adopté par l'Assemblée nationale va plus loin. Il impose un plan d'action systématique en l'absence d'accord. De surcroît, il introduit un malus financier sous forme d'une augmentation des cotisations patronales vieillesse. Ce malus, dont les critères restent vagues et subjectifs, risque de pénaliser les entreprises sans garantie d'efficacité.
Mon amendement vise à supprimer cet article. La loi doit respecter l'équilibre trouvé par les partenaires sociaux. Surtout, la confiance dans le dialogue social passe par le respect des accords signés.
Revenons à l'esprit de l'accord national interprofessionnel. Rejetons cette surtransposition, et préférons-lui un cadre incitatif et non punitif. (Mme Frédérique Puissat applaudit.)
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Je suis favorable à ces amendements de suppression, ne serait-ce que parce que cet article entre en contradiction avec le résultat du dialogue social qui m'est cher, ainsi que cela a été rappelé.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 593 et 1539 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 5 quater est supprimé et l'amendement n° 1141 n'a plus d'objet.
Après l'article 5 quater
Mme la présidente. L'amendement n° 1142, présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly, Brulin et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 5 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 1142-10 du code du travail, il est inséré un article L. 1142-10-... ainsi rédigé :
« Art. L. 1142-10-.... – Lorsque les résultats obtenus par l'entreprise au regard des indicateurs mentionnés à l'article L. 1142-8 se situent en dessous d'un niveau défini par décret, l'entreprise dispose d'un délai d'un an pour se mettre en conformité. À l'expiration de ce délai, si les résultats obtenus sont toujours en dessous du niveau défini par décret, l'employeur se voit appliquer une pénalité financière.
« Cette pénalité prend la forme d'une majoration du taux net des cotisations définies à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, applicable aux entreprises dont l'effectif est au moins égal à 50 salariés et soumises à la tarification individuelle ou mixte. Les conditions d'application de cette mesure sont déterminées par décret. Le produit de cette pénalité est affecté au fonds mentionné à l'article L. 135-1 du même code.
« En fonction des efforts constatés dans l'entreprise en matière d'égalité salariale entre les femmes et les hommes ainsi que des motifs de sa défaillance, un délai supplémentaire d'un an peut lui être accordé pour se mettre en conformité. »
La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. Cet amendement vise à augmenter la pénalité financière s'appliquant aux entreprises qui ne respectent pas les objectifs de réduction des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.
Sept ans après la création de cette pénalité, force est de constater son faible effet sur la réduction des inégalités de salaire. En effet, tous temps de travail confondus, les femmes sont payées 22 % de moins que les hommes ; à temps de travail égal, elles touchent 14 % de moins.
Les discriminations salariales en matière de rémunération sont pourtant illégales, en vertu de l'article L. 3221-2 du code du travail.
Pour améliorer l'efficacité de cette pénalité, nous proposons de l'augmenter pour les entreprises qui ne respectent pas les objectifs de réduction des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, et qui, de fait, ne respectent donc pas le code du travail.
La semaine dernière, nous avons largement débattu des fraudes. Ces écarts de rémunération ne sont pas tout à fait des fraudes, mais il est temps d'être plus incisif pour lutter contre le non-respect du code du travail et contre les discriminations de genre au travail.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Madame la sénatrice, il me semble que nous avons déjà débattu de ce sujet l'année dernière ; nous sommes tout à fait d'accord avec vous tant sur le fond que sur le constat, mais la solution que vous proposez consiste à augmenter les prélèvements sur les entreprises, alors que celles-ci croulent déjà sous ces derniers. Cela ne me semble pas être une bonne solution.
Par ailleurs, la loi impose déjà aux entreprises de respecter l'égalité entre les hommes et les femmes. Il est certain qu'il faut contrôler le respect des critères existants, mais je laisse aux organismes agréés le soin de le faire.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. La cause est importante et indiscutable : bien évidemment, il faut agir pour réduire les inégalités de rémunération entre les femmes et les hommes ainsi que les inégalités de pension. Le sujet, vaste, demande encore du travail.
L'index de l'égalité professionnelle, dit « index Pénicaud », a tout de même contribué à clarifier les choses. Les sanctions existantes sont déjà importantes : les pénalités financières imposées aux entreprises peuvent atteindre 1 % de leur masse salariale, ce qui peut être considérable. Nous ne sommes donc pas favorables à la création d'une nouvelle pénalité.
En outre, nous transposerons très prochainement une directive européenne qui obligera à la transparence sur ces sujets. Le problème est pris à bras-le-corps, à l'échelle tant nationale qu'européenne. Il n'y a pas lieu d'alourdir un système de sanctions déjà sévères : avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.
Mme Silvana Silvani. Nous sommes d'accord sur les constats, sur l'importance de l'enjeu et sur le fait qu'il faut agir.
Toutefois, madame la rapporteure générale, force est de le constater : alors qu'il est question d'entreprises qui ne respectent pas le code du travail, vous répondez que les entreprises sont déjà lourdement affectées par diverses taxes. Or nous ne leur demandons pas trop : elles ne respectent pas le code du travail ! Que faisons-nous pour agir ?
Nous ne parlons pas des entreprises qui respectent le code du travail ; pour elles, tout est parfait. Mais que proposez-vous pour lutter contre les infractions commises par celles qui ne le respectent pas, et pour lutter contre les discriminations ? J'ai hâte d'entendre vos propositions.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.
Mme Anne Souyris. Nous ne pouvons pas tracer un signe d'équivalence entre une sanction et une taxe : il ne s'agit pas de créer une nouvelle taxe pour les entreprises, il s'agit de rendre les pénalités dissuasives.
Certes, il y a eu des progrès : il y a quelque temps, les inégalités de salaire entre les femmes et les hommes étaient encore de 30 %. Mais ces progrès sont insuffisants. Soyons dissuasifs, et allons plus vite que l'Europe : si nous arrivons à être plus exigeants que ce qui est prévu à l'échelon européen, l'Europe accélérera aussi, et toutes les femmes en bénéficieront.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. On peut avoir plusieurs raisons d'être défavorable à cet amendement ; en revanche, il n'y a sûrement pas lieu de s'adresser un satisfecit.
Voyez les accidents du travail et maladies professionnelles en France : depuis trois ans, les morts au travail augmentent, d'autant plus si l'on comptabilise les décès intervenus durant le trajet depuis ou vers le lieu de travail. On a compté 80 morts de plus en 2024 qu'en 2023. Du point de vue statistique, la France est le dernier pays d'Europe.
On avance souvent que les méthodes de calcul sont particulières en France. Peut-être, mais l'évolution de la situation, elle, n'est pas bonne ; rien n'a changé sur ce point !
Puisqu'il est question de l'Europe, celle-ci s'est engagée à atteindre zéro mort au travail en 2030. La France compte plus de 800 morts au travail par an : nous sommes loin de faire l'effort nécessaire. Nous ne parlons pas d'augmenter les cotisations des entreprises : il faut regarder les statistiques.
L'index de l'égalité professionnelle a joué son rôle, et presque tout le monde est maintenant dans les clous. Il s'agirait justement de l'enrichir, en lui ajoutant un suivi genré des conditions et des accidents de travail.
Arrêtons donc d'être satisfaits : l'index mérite d'être enrichi. Il compte actuellement cinq critères, dont quatre sont très aisément atteints par les entreprises, ce qui leur permet de réaliser très facilement le score de 80 points. Quel est le plan d'action pour respecter l'engagement européen d'atteindre zéro mort au travail en 2030 ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1142.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 6
(Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements et d'un sous-amendement faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux amendements sont identiques.
L'amendement n° 33 rectifié est présenté par M. Henno.
L'amendement n° 594 rectifié est présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – L'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le 1° du III est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi modifiée :
– le montant : « 11 128 euros » est remplacé par le montant : « 12 817 euros » ;
– le montant : « 2 971 euros » est remplacé par le montant : « 3 422 euros » ;
b) La deuxième phrase est ainsi modifiée :
– le montant : « 13 167 euros » est remplacé par le montant : « 15 164 euros » ;
– le montant : « 3 268 euros » est remplacé par le montant : « 3 764 euros » ;
– le montant : « 2 971 euros » est remplacé par le montant : « 3 422 euros » ;
c) La dernière phrase est ainsi modifiée :
– le montant : « 13 768 euros » est remplacé par le montant : « 15 856 euros » ;
– le montant : « 3 417 euros » est remplacé par le montant : « 3 935 euros » ;
– le montant : « 2 971 euros » est remplacé par le montant : « 3 422 euros » ;
2° Le 2° du III est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi modifié :
– le montant : « 14 548 euros » est remplacé par le montant : « 16 755 euros » ;
– le montant : « 3 884 euros » est remplacé par le montant : « 4 474 euros » ;
b) La deuxième phrase est ainsi modifiée :
– le montant : « 15 915 euros » est remplacé par le montant : « 18 331 euros » ;
– le montant : « 4 271 euros » est remplacé par le montant : « 4 918 euros » ;
– le montant : « 3 884 euros » est remplacé par le montant : « 4 474 euros » ;
c) La dernière phrase est ainsi modifiée :
– le montant : « 16 672 euros » est remplacé par le montant : « 19 200 euros » ;
– le montant : « 4 467 euros » est remplacé par le montant : « 5 144 euros » ;
– le montant : « 3 884 euros » est remplacé par le montant : « 4 474 euros » ;
3° Le 1° du III bis est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi modifiée :
– le montant : « 14 548 euros » est remplacé par le montant : « 16 755 euros » ;
– le montant : « 3 884 euros » est remplacé par le montant : « 4 474 euros » ;
b) La deuxième phrase est ainsi modifiée :
– le montant : « 15 915 euros » est remplacé par le montant : « 18 331 euros » ;
– le montant : « 4 271 euros » est remplacé par le montant : « 4 918 euros » ;
– le montant : « 3 884 euros » est remplacé par le montant : « 4 474 euros » ;
c) La dernière phrase est ainsi modifiée :
– le montant : « 16 672 euros » est remplacé par le montant : « 19 200 euros » ;
– le montant : « 4 467 euros » est remplacé par le montant : « 5 144 euros » ;
– le montant : « 3 884 euros » est remplacé par le montant : « 4 474 euros » ;
4° Le 2° du III bis est ainsi modifié :
a) Le montant : « 22 580 euros » est remplacé par le montant : « 26 004 euros » ;
b) Le montant : « 6 028 euros » est remplacé par le montant : « 6 941 euros » ;
5° Au début du III ter, sont insérés les mots : « À compter du 1er janvier 2027, ».
II. – Les dispositions du présent article s'appliquent aux contributions dues au titre des revenus versés à compter du 1er janvier 2026.
La parole est à M. Olivier Henno, pour présenter l'amendement n° 33 rectifié.
M. Olivier Henno. Par cet amendement, le groupe UC exprime sa volonté de circonscrire le déficit prévu par le PLFSS à 17,5 milliards d'euros. À la suite des divers amendements adoptés par l'Assemblée nationale, le texte transmis au Sénat prévoit un déficit de plus de 24 milliards d'euros. Nous proposons ainsi de rétablir l'article 6 dans sa rédaction initiale.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour présenter l'amendement n° 594 rectifié.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission partage l'avis de notre collègue : nous avons également souhaité, par cet amendement, rétablir le gel du barème de la contribution sociale généralisée.
Il s'agit d'une question de cohérence par rapport au gel des prestations sociales. De plus, contrairement à la version initiale du texte, nous proposons que le gel du barème de la CSG prélevée sur les revenus de remplacement ne concerne que l'année 2026.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 882 rectifié ter, présenté par Mme Guillotin, MM. Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Fialaire et Guiol, Mme Jouve, M. Masset, Mme Pantel, M. Roux et Mme Girardin, est ainsi libellé :
Amendement n° 594 rectifié
I. – Alinéa 5
Remplacer le montant :
12 817 euros
par le montant :
13 048 euros
II. – Alinéa 6
Remplacer le montant :
3 422 euros
par le montant :
3 484 euros
III. – Alinéa 8
Remplacer le montant :
15 164 euros
par le montant :
15 437 euros
IV. – Alinéa 9
Remplacer le montant :
3 764 euros
par le montant :
3 832 euros
V. – Alinéa 10
Remplacer le montant :
3 422 euros
par le montant :
3 484 euros
VI. – Alinéa 17
Remplacer le montant :
16 755 euros
par le montant :
17 057 euros
VII. – Alinéa 18
Remplacer le montant :
4 474 euros
par le montant :
4 546 euros
VIII. – Alinéa 20
Remplacer le montant :
18 331 euros
par le montant :
18 661 euros
IX. – Alinéa 21
Remplacer le montant :
4 918 euros
par le montant :
5 006 euros
X. – Alinéa 22
Remplacer le montant :
4 474 euros
par le montant :
4 556 euros
XI. – Alinéa 24
Remplacer le montant :
19 200 euros
par le montant :
19 546 euros
XII. – Alinéa 25
Remplacer le montant :
5 144 euros
par le montant :
5 237 euros
XIII – Alinéa 26
Remplacer le montant :
4 474 euros
par le montant :
4 554 euros
XIV. – Alinéa 29
Remplacer le montant :
16 755 euros
par le montant :
17 057 euros
XV. – Alinéa 30
Remplacer le montant :
4 474 euros
par le montant :
4 556 euros
XVI. – Alinéa 32
Remplacer le montant :
18 331 euros
par le montant :
18 661 euros
XVII. – Alinéa 33
Remplacer le montant :
4 918 euros
par le montant :
5 006 euros
XVII. – Alinéa 34
Remplacer le montant :
4 474 euros
par le montant :
4 556 euros
XVIII. – Alinéa 36
Remplacer le montant :
19 200 euros
par le montant :
19 546 euros
XIX. – Alinéa 37
Remplacer le montant :
5 144 euros
par le montant :
5 237 euros
XX. – Alinéa 38
Remplacer le montant :
4 474 euros
par le montant :
4 556 euros
XXI. – Pour compenser la perte de recettes résultant des I à XX, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. L'amendement de la commission – identique à celui de M. Henno – vise à rétablir le gel du barème de la CSG applicable aux revenus de remplacement, que l'Assemblée nationale avait supprimé.
Nous comprenons parfaitement l'intention de nos collègues députés, qui veulent protéger les bénéficiaires de pensions de retraite modestes, de pensions d'invalidité ou d'allocations chômage.
Toutefois, nous devons regarder la réalité de nos comptes sociaux en face. La situation financière est telle que chacun doit contribuer, de manière juste et mesurée, au redressement des comptes de notre sécurité sociale.
C'est pourquoi nous proposons une indexation partielle du barème de la CSG sur l'inflation, afin de préserver les contribuables les plus fragiles.
Ce sous-amendement de compromis vise à éviter qu'un gel brut des seuils ne fasse basculer certains retraités, invalides ou demandeurs d'emploi dans une tranche d'imposition soumise à un taux supérieur de CSG ou ne leur fasse perdre l'exonération dont ils bénéficient.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 882 rectifié ter ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je comprends l'intention des auteurs de ce sous-amendement, mais il y a une incohérence entre son objet et son dispositif.
Dans la présentation écrite de ce sous-amendement, mon cher collègue, vous écrivez que vous proposez « pour 2026 une indexation partielle du barème sur l'inflation, afin de préserver les contribuables aux revenus les plus faibles ».
En revanche, si l'on regarde le dispositif proposé, tous les seuils sont relevés de 1,8 %, à l'exception du seuil inférieur d'imposition à 3,8 % en vigueur pour la Guyane et Mayotte. Ces revalorisations, correspondant à l'inflation en 2024, sont celles qui auraient lieu en l'absence de l'article 6.
Ce sous-amendement a donc en réalité pour objet de maintenir, de manière compliquée, la suppression de l'article 6. Son adoption coûterait 300 millions d'euros, ce que nous ne pouvons pas envisager. En tout état de cause, l'objet de l'amendement est contraire à celui de la commission, qui rétablit l'article 6 pour la seule année 2026.
La commission émet donc un avis défavorable sur ce sous-amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Nous entrons dans le vif du sujet, à savoir le rétablissement de l'équilibre des comptes de la sécurité sociale, en examinant des amendements à forte portée économique.
Qui dit équilibre dit économies et marges de manœuvre permettant de retrouver une équation économique supportable pour le budget de la sécurité sociale. Ce n'est pas facile, et je suis bien conscient qu'il ne fait pas toujours plaisir d'entendre le mot « économies », mais il relève de la responsabilité de chacun d'assumer des décisions qui permettent, en fin de compte, de retrouver les équilibres qui sont le gage de la pérennité du système.
Ce matin, nous avons parlé de l'Acoss et de la Cades : nous savons bien que si rien n'est fait, nous arriverons dans des zones d'importantes turbulences pour ce bien commun qu'est la sécurité sociale. Tel est le sens de notre action.
Plus concrètement, le gel du barème de la CSG était inclus dans la version initialement déposée par le Gouvernement. Une telle mesure est nécessaire pour réaliser des économies : en cohérence et sans surprise, le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements identiques nos 33 rectifié et 594 rectifié.
Quant au sous-amendement n° 882 rectifié ter, ainsi que Mme la rapporteure générale l'a indiqué, il souffre d'une contradiction technique. Pour les mêmes raisons qui ont été invoquées, le Gouvernement émet un avis défavorable sur celui-ci.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.
Mme Anne Souyris. Sous couvert d'artifices techniques, ces amendements visent à introduire l'année blanche sociofiscale.
Le gel du barème de la CSG entraînera des effets de seuil préjudiciables pour environ 3 % des foyers. Concrètement, un retraité percevant une pension de 2 700 euros brut verrait ses contributions augmenter de 46 euros par mois. Autrement dit, vous proposez de faire payer les retraités des petites classes moyennes, au moment même où l'Insee nous apprend que 0,1 % des Français les plus aisés gagnent en moyenne 167 fois plus que les 25 % de foyers les plus modestes.
Dans quelques instants, nous débattrons du taux de la contribution sur les revenus du capital. Soyons lucides et honnêtes : aucun Français ne comprendrait que l'on augmente la contribution des retraités tout en laissant les plus fortunés tranquilles.
Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste votera contre ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la rapporteure générale, votre amendement est effectivement un amendement de cohérence, puisque vous voulez rétablir le gel des prestations sociales. Elle est là, la cohérence !
Toutefois, vous, avec d'autres, nous direz bientôt que le gel des prestations sociales ne peut pas concerner l'allocation aux adultes handicapés (AAH), même si l'on ne sait pas bien pourquoi celle-ci bénéficierait d'un statut particulier.
De même, vous allez défendre le gel des pensions de retraite, à l'exception de celles qui sont inférieures à 1 400 euros. Vous faites donc un « mix », mais quand il s'agit du gel du barème de la CSG, il n'est plus question d'en faire autant !
Nous nous opposons à ces amendements, parce que nous nous opposons au rétablissement du gel des pensions de retraite et à l'année blanche que vous voulez, sauf pour certaines exceptions que vous souhaitez vous-même introduire.
D'ailleurs, nous ne savons pas bien si les personnes concernées seront gagnantes en fin de compte. En effet, elles risquent de subir des effets de seuil préjudiciables lors du calcul du taux de CSG auquel elles sont assujetties.
Madame la rapporteure générale, vous êtes donc cohérente, sans l'être totalement…
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Nous nous opposons également au rétablissement de l'article 6 du PLFSS, qui réintroduit le gel des seuils de revenus permettant de bénéficier de taux réduits de CSG, applicables aux allocations d'assurance chômage, aux pensions de retraite et d'invalidité.
Je le concède, la majorité sénatoriale est cohérente, puisqu'elle défend depuis longtemps le principe d'une année blanche, qui ressemblera d'ailleurs plutôt à une année noire pour les chômeurs, les retraités et les personnes qui touchent une pension d'invalidité.
Je ne reprendrai pas l'exemple donné à l'instant : des retraités modestes, voire très modestes, devront payer 46 euros de CSG par mois, soit plus de 500 euros par an.
Certes, vous souhaitez circonscrire cette mauvaise mesure à la seule année 2026, mais une telle décision revient à méconnaître les effets de seuil soulignés. À cet égard, madame la rapporteure générale, je regrette l'avis défavorable de la commission sur le sous-amendement de notre collègue Fialaire, qui avait au moins le mérite d'essayer d'atténuer l'effort demandé.
En outre, l'effet de lissage évoqué ne concernera évidemment pas les personnes qui passeraient d'une exonération de CSG à un taux réduit.
Monsieur le ministre, j'entends l'argument de l'équilibre budgétaire au sujet de cette mesure pesant 300 millions d'euros. Néanmoins, depuis les quelques heures que nous avons passées à examiner ce PLFSS, nous avons proposé des amendements visant à lutter contre le travail dissimulé, qui pouvaient rapporter au bas mot 5 milliards d'euros aux caisses de la sécurité sociale. À l'instant, nous avons débattu des écarts salariaux entre les hommes et les femmes, qui, s'ils étaient réduits, pourraient permettre de trouver des recettes du même ordre.
Nous devrions travailler bien plus ardemment sur des pistes potentiellement assez consensuelles, plutôt que de faire payer 300 millions d'euros à des gens victimes d'une perte d'emploi ou à ceux qui ont travaillé toute leur vie pour une retraite modeste.
Mme la présidente. La parole est à M. Alexandre Ouizille, pour explication de vote.
M. Alexandre Ouizille. Mes chers collègues, j'en appelle à une forme de cohérence : vous affirmez à longueur de journée que vous vous opposez à toute augmentation d'impôt, et dans le même temps vous proposez le gel du barème de la CSG. Or à quoi correspond un tel gel ? Pour 300 000 personnes, le taux d'imposition à la CSG changera ; et ces 300 000 personnes ne comptent pas parmi les plus aisées du pays : ce sont celles qui touchent de petites retraites, des pensions d'invalidité et des allocations chômage.
Il s'agit parfois de 1 000 euros annuels, puisque la CSG entraîne des effets de seuil très importants. Cette mesure est donc extrêmement défavorable à une partie de la population déjà très fragile.
En outre, même si l'examen de l'article 6 bis est réservé, vous vous opposerez bientôt avec fermeté à l'augmentation de la CSG sur le patrimoine que nous proposons.
Mes chers collègues, je vous demande donc de revenir à la raison : il n'est pas possible d'annoncer à ceux qui perçoivent de petites retraites, une pension d'invalidité ou des allocations chômage qu'ils vont changer de seuil d'imposition.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Le rétablissement de l'article 6 est un choix politique que vous assumez manifestement, mes chers collègues, ainsi que M. Ouizille vient de l'exposer.
C'est comme dans les contrats d'assurance : il est marqué en gros caractères qu'il n'y a pas de hausse d'impôt, mais il y a un astérisque qui renvoie à une note de bas de page précisant que cela vaut sauf pour ceux qui, du fait du gel des seuils, vont entrer dans l'imposition.
Si l'article 6 était rétabli, un couple de retraités touchant 30 000 euros de revenus par an, c'est-à-dire 2 500 euros par mois pour deux, subira une hausse d'imposition de 850 euros. Mes chers collègues, allez donc leur expliquer que cela ne représente pas grand-chose ! Surtout, pourquoi êtes-vous, dans le même temps, opposés à la hausse des prélèvements sur les plus hauts revenus et sur les revenus du capital ?
Vous faites un choix, qui est un choix politique : celui de vous en prendre, pour rétablir l'équilibre des comptes, aux Français modestes ou précaires. Ce choix-là, nous le dénonçons.
Nous prenons acte, d'ailleurs, de la volonté de certains collègues d'atténuer les effets de cette mesure, parce qu'ils comprennent bien qu'elle n'est pas acceptable. Toutefois, en rétablissant l'article 6, vous faites un choix que nous combattrons tout au long de l'examen de ce texte.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre, vous avez lancé un appel en indiquant qu'il fallait être raisonnable et savoir faire des sacrifices pour trouver quelques recettes supplémentaires.
Permettez-moi une remarque, même si je risque de me faire des ennemis : il vaut mieux être viticulteur dans la Marne que retraité. On nous explique à présent qu'il faut absolument faire entrer de l'argent dans les caisses de la sécurité sociale, mais, tout à l'heure, on a argué qu'un certain nombre de personnes devaient pouvoir continuer d'être exonérées de cotisations sociales – et tant pis pour la MSA ! Il y a donc deux poids, deux mesures.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cette mesure fait partie de celles que la majorité sénatoriale propose depuis quelque temps. C'est en ce sens que je parle de cohérence : nous sommes cohérents avec les positions déjà défendues par un certain nombre d'entre nous.
Le sujet fait débat. Nous ne pouvons pas dire que nous sommes très satisfaits du rétablissement de cette mesure, car il est toujours délicat de défendre le principe d'une année blanche. Il n'est pas agréable de réduire des prestations, des salaires, des pensions,…
Mme Émilienne Poumirol. Alors ne le faites pas !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. … mais ce choix correspond à ce que la majorité sénatoriale avait proposé il y a déjà quelques mois à l'ancien Premier ministre François Bayrou.
Mme Céline Brulin. Faites-en un autre !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cette mesure figurait dans le texte initial présenté par le Gouvernement, et nous proposons de la réintroduire.
Rappelons-le, la CSG a été créée par Michel Rocard, qui a finalement abandonné l'idée du contrat bismarckien selon lequel toutes les cotisations viennent du travail. Cet impôt correspond effectivement à un changement de modèle.
M. Alexandre Ouizille. Ce n'est pas le sujet !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Hier, lors de la discussion générale, j'ai souhaité que nous réfléchissions à ce modèle. J'y insiste : prendre des mesures comptables, cela ne me convient pas ! Notre protection sociale souffre d'un tel déficit et court un tel danger qu'il faut y réfléchir.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous avons proposé plusieurs recettes !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je le sais bien, et vous proposez d'ailleurs ces recettes depuis plusieurs années. Même si vous connaissez mon avis et celui de la majorité sénatoriale, nous pouvons en débattre de nouveau.
La réalité, c'est que ce choix ne nous fait pas plaisir, mais nous l'assumons avec courage.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cela sera intéressant de voir ce que cela donnera devant les électeurs !
Mme Céline Brulin. Que diront les retraités ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. De quoi s'agit-il, par ailleurs ? Pour un foyer fiscal composé d'un retraité touchant une pension de 2 700 euros brut par mois – la somme n'est pas énorme, j'en conviens –, en cas de franchissement du dernier seuil, les contributions seront augmentées de 1,7 point, soit de 46 euros par mois. Il ne me semble pas que cela corresponde à ce qui a été indiqué à l'instant.
M. Bernard Jomier. Cela fait 550 euros par an !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Environ 1 % des foyers fiscaux passeraient d'une exonération au taux réduit ou du taux réduit au taux médian, et 1 % passeraient du taux médian au taux maximum. Voilà de quoi remettre un peu les chiffres en perspective.
C'est sûr, nous devons effectivement nous résoudre à prendre des décisions difficiles. Plusieurs choix sont possibles, mais la réalité, c'est que, au Sénat, il y a une majorité pour le rétablissement de cette mesure, que l'Assemblée nationale n'a pas souhaité retenir. En tout cas, tel est le choix de la majorité.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C'est la décision de la rapporteure générale et non celle de la majorité !
Mme la présidente. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.
Mme Silvana Silvani. Madame la rapporteure générale, je regrette que vous avanciez que ces choix sont peu agréables, et que vous ne les faites pas avec plaisir : ce sont des choix politiques, assumez-les !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je l'ai dit, nous les assumons avec courage !
Mme Silvana Silvani. Nous sommes en désaccord, nous sommes en plein débat : il n'y a pas lieu de parler de choix agréables ou désagréables.
La semaine dernière, vous avez exprimé avec force votre « courage » et votre « détermination ». Veuillez m'excuser, mais quel courage y a-t-il à ponctionner les revenus les plus faibles ?
Dans la liste des choix soumis à un « deux poids, deux mesures », vous venez de refuser, il y a quelques minutes, de sanctionner des entreprises qui ne respectent pas la loi.
Quel grand écart ! Assumez-le : les efforts, vous allez les demander aux populations déjà les plus soumises, les plus démunies, les plus dominées et qui ont le moins de capacité à réagir, plutôt qu'à des entreprises qui ne respectent même pas la loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Madame la rapporteure générale, vous avez beau mettre du cœur et de bons sentiments dans votre travail, vous souhaitez tout de même rétablir le gel du barème de la CSG, que nos collègues de l'Assemblée nationale avaient supprimé.
Effectivement, vous êtes cohérente avec votre ligne politique : celle qui consiste à protéger toujours ceux qui ont le plus et à frapper malheureusement toujours les plus vulnérables d'entre nous. Telle est la façon dont vous avez bâti ce PLFSS au Sénat ; c'est aussi cela que nous combattrons tout au long de ce débat.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Madame la rapporteure générale, en vous écoutant, nous aurions presque envie de compatir : c'est dur, ce que vous faites ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
En réalité, ce n'est pas votre faute. C'est une constante dans l'Histoire que de faire le mal au nom du bien. Vous êtes convaincue de faire le bien en choisissant de faire porter sur les plus faibles les efforts que vous ne voulez pas demander aux autres.
D'ailleurs, je m'étonne de voir que l'examen de l'article 6 bis est réservé : est-ce simplement que la ministre concernée n'est pas présente, ou cela vous embêtait-il d'enchaîner directement sur le sujet suivant ? Mes chers collègues, je vous comprends : dans un même mouvement, rétablir le gel du barème de la CSG pour les revenus de remplacement puis supprimer aussitôt l'augmentation de la CSG sur le capital, prévue dans l'article 6 bis introduit par un amendement de Jérôme Guedj, cela serait gênant !
Madame la rapporteure générale, vous avez fait des choix politiques : l'ensemble de vos amendements, de rétablissement ou de suppression d'article, consiste à protéger un petit nombre, les entreprises et les plus riches, pour faire porter tous les efforts sur les plus défavorisés. C'est dur de faire le mal au nom du bien ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Sourires sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. Je me dois de faire valoir une voix discordante par rapport à tout ce que nous venons d'entendre…
Il faut arrêter de dire qu'il n'y a pas d'effort à fournir. Si ! Et tout le monde devra y participer ! (Protestations sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K.)
Mme Céline Brulin. Mais non, ce sont toujours les mêmes !
M. Michel Canévet. Néanmoins, on ne peut pas comparer une hausse de CSG au gel des seuils d'assujettissement à une contribution proportionnelle au revenu ! Je le rappelle, quand on touche moins de 12 000 euros de revenu par an, on n'est pas assujetti à la CSG.
On peut venir nous donner des leçons (Exclamations sur les mêmes travées.) en affirmant que les petites retraites seront touchées, mais c'est faux ! Les petites retraites, celles qui sont inférieures à 1 000 euros, ne seront pas affectées par cette disposition ! Il faut arrêter de se plaindre en permanence.
En outre, s'il est un impôt juste, c'est bien la CSG, parce qu'elle est proportionnelle, et son taux croît en fonction des ressources.
Enfin, pourquoi devons-nous consentir à cet effort ? Pour préserver notre système d'assurance maladie, de sécurité sociale, afin de permettre au plus grand nombre d'y accéder ; tel est l'enjeu ici ! Or tout cela ne pourra pas se faire à crédit, comme certains ici le voudraient. Nous devons assumer les coûts de la protection sociale accordée à nos concitoyens et c'est bien ce que la majorité sénatoriale entend faire.
Tel est le sens des propositions pertinentes qu'elle fait.
Mme Anne-Sophie Romagny. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Je ne reviendrai pas sur le fond ; je partage le point de vue de M. Canévet.
En revanche, je veux répondre à l'intervention de Mme Rossignol. Vous avez dit, ma chère collègue, que les bons étaient à gauche et les méchants à droite. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
Mme Laurence Rossignol. Je n'ai pas dit cela !
M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Si, c'est bien ce qui était sous-entendu ; simplement, c'était exprimé de manière sournoise !
Mme Laurence Rossignol. Ah ! C'est de la psychanalyse !
M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. En tout état de cause, l'examen de l'article 6 bis est réservé, non pas parce que nous aurions peur de l'aborder maintenant, mais parce que la ministre concernée ne pouvait être présente ici aujourd'hui ; elle est à l'Assemblée nationale.
Mme Céline Brulin. Le hasard fait bien les choses…
M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Nous examinerons donc cet article demain. Je vous invite à venir en discuter avec elle à ce moment-là.
M. Bernard Jomier. Nous serons là !
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Il me semble qu'ici on perd parfois le sens du réel…
Monsieur le ministre, quand on touche une pension de 1 400 euros par mois, savez-vous combien il reste à la fin de celui-ci ? Je vais vous l'expliquer, car cela fait du bien à tout le monde d'entendre ce genre de choses de temps en temps.
Je rencontre parfois des retraités, comme chacun de nous ici, et on ne peut pas dire qu'une pension de 1 400 euros soit grand-chose.
D'abord, ils doivent payer leur loyer – beaucoup de retraités ne sont pas propriétaires de leur logement –, mettons 400 euros. Ensuite, il y a la mutuelle – 180 euros –, l'énergie, dont les prix ne font qu'augmenter – 150 ou 160 euros –, le téléphone, car ils ont bien le droit d'en avoir un – prenons la fourchette basse, 20 ou 30 euros –, et l'assurance habitation, puisque c'est obligatoire, disons 80 euros. Enfin, il faut encore se nourrir, car ils ont bien le droit de manger, on ne va tout de même pas leur refuser cela ; mais l'alimentation représente ces derniers temps, on le sait, disons, 350 euros par mois, et encore, avec cette somme, on ne mange pas à sa faim tous les jours, sauf si l'on va dans certains supermarchés que je ne nommerai pas. Et que reste-t-il après tout cela ? Rien !
Par conséquent, qu'est-ce que vous proposez avec une telle mesure ? De faire basculer ces retraités dans la pauvreté, parce que, il faut le savoir, ils n'ont même plus de quoi acheter un cadeau à leurs enfants de temps en temps, pour un anniversaire ou pour Noël : avec 1 400 balles par mois, on ne peut plus se le permettre. Vous allez donc, je le répète, faire basculer des retraités dans la pauvreté.
Mme la présidente. Veuillez conclure.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Alors, oui, nous vous proposons des recettes nouvelles, parce que prendre un peu plus à ceux qui ont des millions tous les mois ne les privera pas de manger !
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. Madame la rapporteure générale, je souhaite à mon tour vous interpeller, de façon très respectueuse, pour vous conjurer d'avoir le courage d'assumer vos choix politiques.
Vous dites que c'est difficile, que vous aimeriez procéder autrement, comme ci ou comme ça, mais que vous n'avez pas le choix. Non ! Vous proposez des choix politiques qui ne sont pas les nôtres, alors assumez-les !
Assumez de vouloir rétablir l'article 6, qui représente une véritable injustice fiscale, puisqu'il conduira à demander plus à ceux qui ont moins ! Car, cher collègue Canévet, 12 000 euros par an, cela fait 1 000 euros par mois ; si vous considérez que c'est une belle somme, je dirai, comme ma collègue, que nous n'avons pas les mêmes valeurs…
Assumez encore vos choix, mes chers collègues, quand vous proposerez, demain, de supprimer l'article 6 bis, qui augmente le taux de la CSG sur les revenus du capital. Ce sont bien des choix politiques ; ce ne sont pas les nôtres, donc nous vous demandons de les assumer clairement, et non du bout des lèvres, timidement, sans oser le dire clairement.
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 882 rectifié ter.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 33 rectifié et 594 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 6 est rétabli dans cette rédaction.
Article 6 bis (nouveau)(réservé)
Après l'article 6 bis (réservé)
Mme la présidente. Je vous rappelle, mes chers collègues, que l'examen de l'article 6 bis et des amendements portant article additionnel après celui-ci est réservé jusqu'à demain matin.
Article 6 ter (nouveau)
I. – L'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À la première phrase du 1° du III, après le mot : « année », sont insérés les mots : « ou l'antépénultième année » ;
2° Au premier alinéa du III bis, après le mot : « année », sont insérés les mots : « ou de l'antépénultième année ».
II. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant du I est compensée à due concurrence par la majoration de l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Mme la présidente. L'amendement n° 596, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à supprimer le présent article, qui, en rendant plus difficile le passage d'un taux de CSG à un taux supérieur, entraînerait des pertes de recettes pour la sécurité sociale. Selon les estimations transmises à la commission par les services du ministre de l'action et des comptes publics, ces pertes représenteraient 200 millions d'euros.
Par ailleurs, cela risquerait de constituer un précédent, qui conduirait, de proche en proche, à doter chaque barème progressif de dispositifs analogues de lissage.
Je rappelle enfin que le taux maximal applicable aux pensions de retraite est de 8,3 %, ce qui est inférieur au taux de 9,2 % applicable aux revenus d'activité.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Je partage l'opinion défavorable de la rapporteure générale sur le présent article – 200 millions d'euros, c'est beaucoup d'argent –, et donc j'émets un avis favorable sur son amendement de suppression.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.
Mme Annie Le Houerou. Nous ne pouvons pas davantage accepter la suppression de cet article, qui vise à geler le seuil de taux réduit de CSG de 3,8 % applicable aux allocations d'assurance chômage et aux pensions de retraite et d'invalidité.
Non seulement vous souhaitez rétablir le gel des seuils pris en compte pour le calcul du taux réduit de CSG applicable aux revenus de remplacement, mais vous entendez en outre supprimer la mesure, issue d'un amendement socialiste adopté à l'Assemblée nationale, qui lisse le passage d'un taux de CSG à un autre. Vous rendez ainsi encore plus difficile l'application de ces taux pour les personnes ayant des revenus modestes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Pour répondre à M. Canévet, je rappelle que les seuils progressifs de taux de CSG n'existent que pour les revenus de remplacement. Pour les salariés, cet impôt est bien proportionnel. Les seuils ne s'appliquent donc qu'aux revenus que perçoivent les chômeurs, les malades, les retraités. Nous sommes bien d'accord ? Bien…
J'en viens à l'objet de cet article. Il s'agit d'étendre la règle de lissage du revenu pris en compte en l'appliquant d'une période de deux ans, aujourd'hui en vigueur, à une période de trois ans. Le problème, c'est que cette règle de lissage ne s'applique que pour le passage du taux de 3,8 % à celui de 6,6 %. En revanche, pour le passage de 0 % à 3,8 %, il n'y a aucun lissage : l'année même où le revenu franchit le seuil d'assujettissement, on est soumis à la CSG et sans lissage. De même, il n'y a pas davantage de lissage pour passer du taux de 6,6 % à celui de 8,3 % : on passe d'un taux à l'autre l'année même de franchissement du seuil.
En tout état de cause, une mesure de lissage – je ne sais pas pourquoi on a choisi en l'occurrence une période d'application de deux ans, pourquoi pas trois, ou plus – devrait, selon moi, s'appliquer à tous les « sauts d'obstacle », si j'ose dire.
Enfin, je précise que, quand on gèle les seuils, ce que vous proposez de faire, on augmente mécaniquement le taux moyen de CSG, en l'espèce pour les malades et autres bénéficiaires de revenus de remplacement. Or une augmentation du taux moyen de CSG, cela porte un nom : cela s'appelle une augmentation d'impôt. Il faut être clair. Par conséquent, votre fameuse ligne rouge – « ne jamais augmenter les impôts pour résoudre les problèmes, car c'est une solution de facilité » – est toute relative, monsieur le ministre.
Mme la présidente. Veuillez conclure.
Mme Raymonde Poncet Monge. Là, vous augmentez les impôts, non pas sur tous les revenus – nous verrons demain lesquels sont préservés… –, seulement sur les revenus de remplacement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 596.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 6 ter est supprimé.
Après l'article 6 ter
Mme la présidente. L'amendement n° 1286 rectifié bis, présenté par Mme Carrère-Gée, M. Anglars, Mme Belrhiti, M. J.B. Blanc, Mme Canayer, M. Dhersin, Mme Dumas et MM. Genet, Iacovelli, Panunzi, Pointereau et Sido, est ainsi libellé :
Après l'article 6 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L'article L. 871-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le bénéfice des dispositions visées au premier alinéa du présent article est également accordé aux contrats solidaires et responsables couvrant un socle de garanties essentielles pour l'accès aux soins. Ces contrats doivent respecter les règles fixées par décret en Conseil d'État après avis de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et de l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaires. Par dérogation aux dispositions du troisième alinéa, elles permettent notamment l'exclusion de la prise en charge de la participation de l'assuré pour les dispositifs médicaux d'aides auditives, d'optique médicale et frais de soins dentaires prothétiques ne relevant pas du 100 % santé. Elles permettent également l'exclusion du remboursement de prestations et produits qui, en fonction par exemple du sexe ou de l'âge, ne relèvent pas d'une logique assurantielle pour tous. Elles permettent enfin la possibilité de délais de carence et de mécanismes d'entente préalable, au vu de recommandations de bonnes pratiques de la Haute Autorité de santé et des autorités sanitaires. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Le présent amendement vise à mettre en œuvre une proposition émanant de la mission d'information sur les complémentaires santé et leur impact sur le pouvoir d'achat des Français, que j'ai présidée et dont Xavier Iacovelli, qui a cosigné l'amendement, était rapporteur. Il reprend également des propositions formulées conjointement au gouvernement précédent par la Mutualité française et France Assureurs.
Il s'agit de redéfinir le contrat solidaire et responsable socle, qui vise à couvrir les besoins essentiels, en revenant à l'ambition initiale du dispositif, institué, avec Jacques Chirac, par Philippe Douste-Blazy et Xavier Bertrand, au travers de la réforme de 2004. La double ambition de ce dispositif était de permettre au plus grand nombre d'obtenir une couverture complémentaire santé et d'instaurer des mécanismes responsabilisants propres à freiner la dynamique des dépenses d'assurance maladie.
À ce jour, 98 % des Français ont un contrat solidaire et responsable, mais, au fil des années, ce contrat a été enrichi de toutes sortes d'objectifs supplémentaires, alimentant ainsi un double effet inflationniste : sur le montant des cotisations et sur les dépenses d'assurance maladie.
Dans ce contexte, cet amendement a pour objet de donner au Gouvernement la base législative nécessaire pour réformer le contrat responsable, sans préjuger de son contenu, en profitant du véhicule législatif qu'est le PLFSS. Sans cela, la réforme attendra encore…
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je trouve cette proposition très intéressante.
Le contrat dit solidaire et responsable, qui représente 96 % du marché, est encadré par la loi, mais le législateur a progressivement fait enfler son panier de soins minimal, lequel comprend désormais certaines garanties obligatoires qui ne paraissent pourtant pas essentielles. Le récent rapport d'information sur les complémentaires santé l'a montré, cette dynamique a un effet inflationniste sur les coûts.
Toutefois, si votre proposition suscite, sur le fond, mon intérêt, je m'interroge sur l'état d'avancement de la réflexion sur ce sujet, sur sa maturité, bien que nous l'ayons évoqué avec les représentants des complémentaires santé en audition. En outre, le redimensionnement du panier de soins fait-il consensus ?
La commission souhaite entendre l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées. Je vous remercie de cet amendement, madame la sénatrice.
Je rejoins la rapporteure générale, cette proposition est intéressante, mais elle n'est pas chiffrée et ses effets ne sont pas présentés. Je pense également qu'il est nécessaire d'étudier plus avant la question.
Je le rappelle, je vais lancer, au cours des prochains jours, une mission sur la coordination du financement entre organismes complémentaires et assurance maladie. Ce sujet pourrait tout à fait être inclus dans cette réflexion.
Par conséquent, je suis à ce stade défavorable à cet amendement, non parce que son objet manque d'intérêt, mais parce qu'il convient d'en chiffrer les incidences et d'en étudier les effets pour les acteurs.
Mme la présidente. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je suis l'avis du Gouvernement : avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. Madame la rapporteure générale, si la réflexion n'est pas mûre sur cette question, c'est parce que nous en sommes au troisième gouvernement en un an !
Les travaux du Sénat ont conduit à la formulation d'un certain nombre de préconisations, élaborées en lien avec les complémentaires santé. Le constat est aujourd'hui partagé par tous : les contrats responsables et solidaires ne sont plus forcément accessibles au plus grand nombre. Cela pose un problème à ceux qui n'ont pas les moyens de souscrire un contrat individuel et qui sortent du contrat collectif : ils doivent alors renoncer à un certain nombre de soins, parce qu'ils n'ont pas accès à ces contrats.
Je crois honnêtement que notre rapport d'information était assez complet ; il est maintenant temps que les travaux avancent à ce sujet. Or l'adoption de cet amendement permettrait au Gouvernement de disposer d'une base législative pour cela.
Je voterai donc cet amendement de ma collègue Carrère-Gée.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour explication de vote.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Madame la ministre, si votre cabinet ne vous a pas encore transmis la note conjointe de la Mutualité française et de France Assureurs, qui propose exactement cette disposition, je la tiens à votre disposition.
Pour ce qui est du chiffrage, cette mesure ne coûterait évidemment rien, puisqu'il s'agit d'éviter que certains retraités modestes ou que certains jeunes ne renoncent à une couverture complémentaire parce qu'elle serait trop chère, même si, bien entendu, il n'y a pas beaucoup de Français qui ne sont pas couverts par une couverture complémentaire.
Toutefois, j'y insiste, cela ne coûte rien. Au contraire, une telle mesure permettrait de freiner la dynamique inutile des dépenses d'assurance maladie ; aussi, si impact financier il y a, il est précédé d'un signe « moins ».
Ainsi, si vous voulez entreprendre cette réforme avec les organismes complémentaires, madame la ministre, vous manquerez d'une base juridique, parce que l'article L. 871-1 du code de la sécurité sociale ne vous permet pas, dans sa rédaction actuelle, de conduire cette réforme ; vous pourrez discuter, mais vous ne pourrez pas agir…
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je ne comprends pas : on ne peut pas traiter qu'un petit bout du problème ! (M. Xavier Iacovelli s'exclame.)
Je le rappelle, ces contrats socles sont soumis à un taux réduit de la taxe de solidarité additionnelle (TSA), ce qui engendre de moindres ressources pour la sécurité sociale. Ce taux réduit permet d'encourager, via la complémentaire santé solidaire, ces contrats responsables.
Vous affirmez, mes chers collègues, que ces contrats responsables sont trop chers. Le mieux serait que tout cela soit intégré à la sécurité sociale, plutôt que de relever des complémentaires, mais passons. Toutefois, si vous voulez baisser son prix, pour le rendre accessible, c'est pour tomber dans quelque chose qui relève du socle.
Or, quand nous avons défini les garanties et prestations minimales des contrats solidaires, nous avons estimé que tel devait être le socle, le minimum que l'on pouvait demander à un contrat complémentaire.
Ainsi, alors que les contrats solidaires et responsables concernent 98 % des souscripteurs d'une complémentaire santé, vous proposez d'abaisser le niveau du socle, tout en maintenant le bénéfice du taux réduit. Je trouve que, à tout le moins, une telle évolution mériterait un débat plus approfondi qu'une discussion autour d'un amendement défendu à la sauvette !
Vous dites avoir rédigé un rapport d'information ; je pense qu'il ne se résume pas à cette mesure. Il me semble préférable d'inclure le maximum de prestations dans le contrat socle et de laisser ceux qui peuvent se payer une meilleure protection financer la protection sociale via le taux normal de TSA. C'est à cela que sert le taux réduit : à faire en sorte que le minimum soit garanti à tous et que l'on dégage des moyens de financement.
Mme la présidente. Il faut conclure !
Mme Raymonde Poncet Monge. Je m'oppose donc à un abaissement du socle. Que ceux qui peuvent payer plus le fassent et que les autres aient un socle garanti !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1286 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6 ter.
Article 7
(Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements et de deux sous-amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 180 rectifié bis est présenté par MM. Iacovelli et Lévrier, Mme Nadille, MM. Théophile, Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Kulimoetoke, Lemoyne, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L'amendement n° 597 est présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 1259 rectifié bis est présenté par MM. Chasseing et Rochette, Mme Lermytte, M. Grand, Mme Bourcier, M. V. Louault, Mme L. Darcos, MM. Médevielle, Chevalier, Verzelen, A. Marc et Brault, Mme Paoli-Gagin, MM. Wattebled, Malhuret, Menonville et Khalifé, Mme Dumont, MM. H. Leroy, Bacci, Fargeot et Somon et Mmes Romagny et Aeschlimann.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Il est institué, au titre de l'année 2026, une contribution due par les organismes mentionnés au I de l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale.
Cette contribution est assise sur l'ensemble des sommes stipulées en 2026 au profit des organismes mentionnés au premier alinéa au titre des cotisations d'assurance maladie complémentaires, selon les modalités définies au I et au dernier alinéa du II bis du même article L. 862-4.
Le taux de la contribution est fixé à 2,05 %.
La contribution est recouvrée par l'organisme désigné pour le recouvrement de la taxe mentionnée audit article L. 862-4, concomitamment au recouvrement de cette même taxe. Elle peut faire l'objet d'une régularisation annuelle, au plus tard le 30 juin 2027, selon les mêmes modalités que celles prévues pour la taxe additionnelle mentionnée au même article L. 862-4.
Les dispositions du V du même article L. 862-4 et du premier alinéa de l'article L. 862-5 du même code sont applicables à cette contribution.
Les dispositions du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2026.
II. – Le produit de la contribution prévue au I est affecté à la branche mentionnée au 1° de l'article L. 200-2 du code de la sécurité sociale.
La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l'amendement n° 180 rectifié bis.
M. Xavier Iacovelli. Cet amendement, qui s'inscrit dans la poursuite de nos discussions sur les complémentaires santé, vise à rétablir l'article 7 du texte, supprimé par l'Assemblée nationale de manière incompréhensible.
Les complémentaires santé ont augmenté les cotisations des Français en se fondant sur une mesure qui n'a jamais existé, le gouvernement Barnier étant tombé avant de la mettre en œuvre : elles ont spéculé sur l'éventualité de la prise en charge du ticket modérateur au travers du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, qui n'a pas été appliquée.
Pourtant, cette hausse de 8 % à 12 %, selon les organismes, a été appliquée sur les cotisations annuelles des Français. Elles se sont donc fait du gras sur le dos des assurés, en anticipant une dépense imaginaire. C'est contraire à l'esprit de solidarité qui fonde notre modèle social. Quand on engrange des recettes sur le fondement d'une hypothèse qui ne s'est pas réalisée, la seule position responsable, morale, consiste à reverser les marges indues aux assurés ou à l'assurance maladie, qui, elle, supporte la vraie charge des soins.
Tel était l'objet de l'article 7, qui restituait à la solidarité nationale ce que les complémentaires avaient prélevé en trop sur les Français. La suppression de cet article protège les marges des complémentaires plutôt que le pouvoir d'achat des assurés ; en outre, avec une sécurité sociale en déficit, priver l'assurance maladie obligatoire de 1 milliard d'euros est une faute politique des députés.
Dans ce contexte, cet amendement tend à corriger une injustice et à rétablir la solidarité.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour présenter l'amendement n° 597.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il est opportun d'examiner ces amendements après celui de Mme Carrère-Gée, car cela nous évite de passer du coq à l'âne…
L'article 7 instituait une taxe exceptionnelle sur les cotisations versées aux complémentaires santé. Cette disposition a été supprimée par l'Assemblée nationale et nous proposons de la rétablir.
D'après les déclarations des complémentaires santé, le calendrier de la fixation de leurs tarifs pour l'année suivante s'échelonne entre le printemps et le mois d'octobre. Les tarifs pour l'an prochain sont donc d'ores et déjà fixés, notamment pour les contrats collectifs.
Or le Gouvernement a annoncé dès le 15 janvier dernier qu'il comptait renforcer transitoirement la fiscalité sur les complémentaires santé. Il a en outre confirmé, en mars dernier, qu'il avait l'intention de mettre en œuvre cette mesure, malgré la vive opposition du secteur.
Par conséquent, les complémentaires santé ont fixé leurs primes pour 2026 sans ignorer que celles-ci devraient leur permettre de dégager les marges de manœuvre nécessaires au financement de la contribution supplémentaire demandée.
Aussi, si la commission regrette avec force la hausse tarifaire qui découle pour les assurés de l'annonce de cette taxe, cet effort semble désormais inévitable. Les cotisations des complémentaires santé pour 2026 sont donc maintenant indépendantes de l'adoption ou du rejet de l'article 7.
Nous avons entendu les complémentaires santé en audition, elles nous ont indiqué leur calendrier de décision. Or, comme l'a dit Xavier Iacovelli, le niveau des cotisations a été augmenté avant même que des décisions ne soient prises, en fonction d'annonces répétées du Gouvernement. Certes, les complémentaires santé ont des frais de structure importants, qu'elles ont détaillés devant nous, mais cette hausse des cotisations est liée aux seules annonces du Gouvernement.
Aussi cet article ne fait-il que répercuter une mesure déjà prise en compte par les complémentaires santé.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l'amendement n° 1259 rectifié bis.
M. Daniel Chasseing. On s'achemine vers un accroissement très fort des dépenses de santé.
Sans doute, on peut rationaliser la gestion ou encadrer les arrêts de travail. Bien sûr, il faudrait plus d'emplois, mais pour cela il faudrait plus d'entreprises compétitives, qui ne soient pas plus imposées que dans les autres pays ; au-delà des multinationales, il faut surtout considérer les TPE et les PME.
En tout état de cause, les affections de longue durée (ALD) et la dépendance sont amenées à augmenter – le nombre de personnes de 85 ans aura doublé entre 2020 et 2040 –, tandis que la santé mentale se dégrade et que les médicaments nouveaux coûtent toujours plus cher.
Nous souhaitons conserver la sécurité sociale, nous voulons que les plus défavorisés puissent être aussi bien soignés que ceux qui ont de la richesse ; il faut donc maintenir la C2S pour ceux qui ne peuvent pas payer, mais qui doivent être soignés comme les autres.
Nous assistons à un dérapage des comptes de la sécurité sociale et il faut trouver des solutions pour équilibrer le système, car, en raison de l'augmentation du poids des ALD, la part des dépenses de santé prises en charge par l'assurance maladie est passée de 76 % en 2019 à 80 % en 2022.
D'où cet amendement, qui vise à faire participer davantage, au moins l'année prochaine, les mutuelles, afin de faire tendre vers l'équilibre le comptes de la sécurité sociale.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 1492, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Amendement n° 597, alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
, à l'exclusion des mutuelles régies par le code de la mutualité et des institutions de prévoyance régies par le livre IX du code de la sécurité sociale ou par le livre VII du code rural et de la pêche maritime
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. Ce sous-amendement vise à exclure les mutuelles de la contribution additionnelle prévue à l'article 7. L'idée est de distinguer entre les assurances et les mutuelles.
Les mutuelles jouent un rôle de plus en plus important dans le financement des soins de santé en France : face aux restrictions budgétaires et à la réduction progressive de la prise en charge par l'assurance maladie, elles couvrent une part croissante des dépenses de santé. Elles se retrouvent donc fragilisées et augmentent en conséquence leurs tarifs : les cotisations ont ainsi bondi de plus de 8 % cette année. Leur imposer une contribution aurait une répercussion directe sur les ménages, sans que puisse s'appliquer la progressivité qui existe avec les cotisations de la sécurité sociale. Il y a donc deux problèmes : la fragilisation des mutuelles et l'absence de progressivité, donc l'inégalité devant la cotisation sociale.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 1493, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Amendement n° 597, alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
, à l'exclusion de ceux effectuant des tarifications solidaires pour les publics les plus modestes
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. Dans la continuité de ce que je viens d'exposer, le sous-amendement n° 1493 est un sous-amendement de repli qui vise à exclure du champ de l'article les complémentaires pratiquant la tarification sociale.
Selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), en 2021, seules 10 % des personnes étaient couvertes par des contrats de mutuelle dont les modes de tarification garantissent une solidarité entre les niveaux de revenu. Soutenir les complémentaires qui proposent des tarifs sociaux, c'est protéger les ménages les plus modestes : l'Organisation mondiale de la santé (OMS) montre bien que ces derniers dépensent proportionnellement deux fois plus pour leur complémentaire santé que les plus riches.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à voter ce sous-amendement, qui permettrait à la fois de protéger les foyers les plus modestes et d'inciter les complémentaires à pratiquer des tarifs sociaux.
Mme la présidente. L'amendement n° 1146, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Après le 2° du II bis de l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 2° bis A 6,27 % pour les garanties de protection en matière de frais de santé des contrats d'assurance maladie complémentaire couvrant les pensionnés de retraite ; »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à réduire pour les retraités le taux de la taxe de solidarité additionnelle sur les complémentaires santé. J'entends tout ce qui se dit sur ces organismes, qui ne joueraient pas le jeu, mais, si nous avions trouvé des ressources pour conserver le « 100 % sécu », peut-être ce secteur n'aurait-il pas pris autant de place et peut-être ne débattrions-nous pas de certains sujets dans les termes actuels.
Il faut différencier le secteur mutualiste du secteur assurantiel : ils ne sont pas du tout motivés par les mêmes objectifs. Par ailleurs, la taxe proposée sur les complémentaires santé se répercutera inévitablement sur les assurés.
M. Xavier Iacovelli. C'est déjà le cas !
Mme Céline Brulin. Si vous ne le vouliez pas, vous imagineriez des mécanismes pour l'empêcher, ce qui n'est pas le cas.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement.
Mme Céline Brulin. J'ajoute que, si des dispositifs permettent aux employeurs de prendre en charge au moins en partie les complémentaires santé de leurs employés, ce n'est pas le cas pour les retraités. Ces derniers paient d'ailleurs des contrats beaucoup plus coûteux en raison de leur âge et, souvent, malheureusement, de leurs pathologies.
Pour conclure, je constate qu'après une journée d'examen de ce PLFSS, la barque est déjà assez lourde pour les retraités puisque la majorité sénatoriale vient de leur augmenter la CSG…
M. Michel Canévet. Non !
Mme Céline Brulin. … et de faire peser sur eux la taxe sur les complémentaires santé, sans parler – nous y viendrons – du gel de leurs pensions. En vingt-quatre heures, cela fait beaucoup !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements et sur l'amendement n° 1146 ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Les auteurs des sous-amendements nos 1492 et 1493 n'apportent aucunement la preuve que les complémentaires santé qu'ils entendent exclure du champ de la contribution exceptionnelle n'ont pas répercuté la hausse prévisionnelle de la fiscalité sur leurs assurés. Les mutuelles ne nous ont pas indiqué geler plus tardivement que les autres organismes leurs évolutions tarifaires.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux sous-amendements.
Il en est de même pour l'amendement n° 1146, dont l'esprit est contraire à l'amendement de la commission. Le sujet de l'accessibilité financière aux contrats de complémentaire santé pour les seniors est certes déterminant, mais le canal de la fiscalité ne semble pas le plus approprié pour ce faire, pour les raisons que j'ai exposées précédemment. Une aide directe aux assurés serait en ce sens préférable.
Je dois également indiquer que l'adoption de cet amendement, au détriment des amendements identiques de rétablissement de l'article 7, dégraderait de 2,6 milliards d'euros le solde de la branche maladie pour 2026.
J'apporte une autre précision : puisque nous débattons du calendrier – les décisions sur les tarifs peuvent précéder ou suivre l'adoption de cette loi –, il faut savoir que la part des soins supportée par l'assurance maladie obligatoire (AMO) n'a fait qu'augmenter depuis quelques années, ce qui a pour effet de faire baisser la prise en charge par l'assurance maladie complémentaire. Le rapport de nos collègues l'a très bien démontré. En 2012, 76 % des dépenses étaient prises en charge par l'AMO ; nous en sommes à 79,6 %.
Par ailleurs, je retiens de votre intervention, madame Brulin, que vous paraissez assez favorable à la « grande sécu ».
M. Xavier Iacovelli. Moi aussi, j'y suis favorable, mais ce n'est pas le sujet.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je ne sais pas si c'est la réalité ; en tout cas, il faut sans doute réfléchir à cet objectif, mais pas dans le cadre du PLFSS. Personnellement, je n'y suis pas très favorable, au nom de la complémentarité et de l'émulation. La question s'est posée quand la sécurité sociale a été organisée ; de fait, la piste a été défendue par des personnes qui étaient plutôt de votre bord politique.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Il faut garder en tête que la taxe de solidarité additionnelle finance la C2S. Si les sous-amendements étaient adoptés, cela entraînerait une baisse de rendement pour cette dernière, qui participe à la protection des plus fragiles.
Je tiens aussi à préciser, en complément des informations qu'a pu donner Mme la rapporteure générale, qu'aucune distinction n'est faite entre les mutualistes et les autres complémentaires concernant cette taxe. Une telle distinction serait possiblement source de difficultés du point de vue de l'équité concurrentielle et poserait probablement un problème juridique.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces sous-amendements.
Au contraire, l'avis sera favorable pour les amendements identiques. Comme vous le savez, il était prévu de proposer au travers de ce budget de la sécurité sociale un effort partagé. La taxe sur les complémentaires s'inscrit dans ce cadre. Cette mesure – il convient de le répéter – est exceptionnelle et transitoire. L'année dernière, comme l'a indiqué Mme la rapporteure générale, une mesure en ce sens avait déjà été prévue, sans toutefois être mise en œuvre. Il paraît donc cohérent, à l'heure où nous demandons de partager l'effort, de solliciter les organismes complémentaires. Le rendement sera de 1 milliard d'euros.
Mes autres arguments ont déjà été développés, aussi, je ne répéterai pas ce qui a été dit.
Mme la présidente. Et pour l'amendement de Mme Brulin ?
Mme Céline Brulin. Nous avons compris que ce serait défavorable…
Mme la présidente. Je souhaite un avis clair et précis.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Vous avez raison, cela permet de rappeler qui est pour quoi.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 1146.
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. Mon explication de vote porte sur les deux sous-amendements et sur l'amendement de nos collègues du groupe CRCE-K.
Je comprends tout à fait l'argument selon lequel cette mesure sera répercutée sur les plus fragiles, notamment les retraités. Sur le principe, vous avez raison, mesdames Brulin et Souyris. Il aurait été bien, néanmoins, de le préciser aussi l'année dernière, car c'était déjà le cas.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous l'avons toujours dit.
M. Xavier Iacovelli. En l'occurrence, ces amendements identiques n'ont qu'un objectif de rattrapage : la mesure de l'an dernier a été facturée, y compris par les mutuelles. En effet, ces dernières, contrairement à ce qu'affirme Mme Souyris, ont agi exactement dans le même sens que les autres complémentaires santé.
Comme nous l'avons démontré dans notre rapport, le coût des complémentaires santé aurait dû augmenter de 4,5 % à 5,5 % du fait des transferts de charges décidés par le Gouvernement entre l'AMO et celles-ci, et des hausses naturelles des coûts de la santé ; or leurs tarifs ont augmenté de 8 % à 12 %. Il faut voir cette réalité. Cet exercice n'est pas le seul concerné : le coût des complémentaires santé augmentait déjà dans le précédent.
Nous pourrions mener un combat commun : faire en sorte que les complémentaires santé dans leur ensemble – je ne parle pas seulement des assurances, madame Souyris : j'inclus aussi les mutuelles – se penchent sur la question des frais de gestion. En effet, elles ont fait augmenter ces derniers de 33 % en dix ans. Les complémentaires santé ne sont pas là pour sponsoriser la Transat Jacques-Vabre ou d'autres compétitions de ce genre ! Je ne suis pas sûr que ce soit leur vocation. Battons-nous collectivement sur ce sujet, au lieu d'essayer de sauver des organismes qui se font du gras sur le dos des Français.
Pour ces raisons, je ne soutiendrai pas les sous-amendements de Mme Souyris non plus que l'amendement de Mme Brulin.
Mme Céline Brulin. Nous vous le ressortirons, cet argument de ceux qui se font du gras sur le dos des Français !
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.
Mme Annie Le Houerou. Notre groupe ne peut soutenir les amendements identiques de rétablissement. En effet, taxer les mutuelles revient en réalité à taxer les ménages : nous savons avec certitude qu'instaurer une contribution des organismes complémentaires au budget de la sécurité sociale pour 2026 aura pour conséquence directe d'augmenter le coût des mutuelles et de grever encore le budget de ces ménages et leur pouvoir d'achat, particulièrement celui des retraités.
Nous soutiendrons pour cette raison l'amendement du groupe communiste, que nous considérons comme un amendement de repli. Celui-ci vise à appliquer un taux réduit de taxe de solidarité additionnelle aux cotisations d'assurance maladie complémentaire des retraités, car ces derniers ne bénéficient pas de la prise en charge des employeurs et leurs dépenses de santé sont plus lourdes.
J'y insiste : nous sommes opposés au principe de cette taxation des mutuelles pour 2026.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. La majorité sénatoriale a fait le choix de rétablir cet article, qui avait pourtant été supprimé par l'Assemblée nationale. Elle instaure par là un nouvel impôt, caché, sur les organismes complémentaires.
Comme l'a indiqué ma collègue Céline Brulin, les retraités, une fois de plus, en seront les premières victimes : les assureurs, les institutions de prévoyance et les mutuelles seront taxés à hauteur de 2,05 % des cotisations, montants qui seront évidemment répercutés – nous n'avons aucun doute sur ce point – sur les assurés eux-mêmes.
Pour rappel, il existe déjà une taxe additionnelle de 13,27 % sur les contrats dits responsables, qui constituent l'écrasante majorité de l'offre complémentaire, et de 20,27 % pour les contrats hors cadre de garantie publique.
En somme, cette taxe est un nouvel impôt sur la santé, que vous justifiez par les hausses de cotisation des dernières années. Le Gouvernement a toutefois oublié de préciser que, depuis 2024, de nombreux transferts ont eu lieu de la sécurité sociale vers les complémentaires.
Notre système de solidarité universelle est remplacé par des réponses individuelles coûteuses. (M. Xavier Iacovelli proteste.)
Vous interviendrez après, monsieur Iacovelli !
M. Xavier Iacovelli. Je ne peux plus !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Tant pis pour vous ! (Sourires.)
Le comble est atteint avec le conditionnement des délais de remboursement du dispositif 100 % santé en audiologie, en dentaire ou en optique à l'adhésion à un contrat avec une complémentaire, une assurance ou un institut de prévoyance. Si ces organismes font déjà des efforts supplémentaires en absorbant une partie du désengagement public, quelle sera la conséquence d'une telle taxe ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Tout d'abord, M. Iacovelli découvre que la sécu est plus efficace que les complémentaires. C'est bien !
M. Xavier Iacovelli. Pas de mépris, madame Poncet Monge.
Mme la présidente. Laissez parler Mme Poncet Monge.
M. Xavier Iacovelli. Je suis interpellé !
Mme Raymonde Poncet Monge. Je ne fais que reprendre vos propos sur les frais de gestion : 8 %, 25 %...
M. Xavier Iacovelli. Battez-vous là-dessus !
Mme Raymonde Poncet Monge. Qui a payé cette taxe qui n'est pourtant pas entrée en vigueur ? Les ménages ! Qui récupère des recettes ? L'État !
M. Xavier Iacovelli. La sécurité sociale !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Arrêtez !
M. Xavier Iacovelli. Pour une fois que ce n'est pas vous qui vous exclamez !
Mme Cathy Apourceau-Poly. C'est vrai. (M. Xavier Iacovelli rit.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Voyez-vous le truc ? Cette taxe est illégitime. En renonçant à son augmentation, vous récupérez de l'argent… puis vous la réintroduisez ! Ce n'est pas normal.
Il y avait une autre solution : vous auriez pu proposer, du fait de ces recettes illégitimes, de ne pas appeler les cotisations pendant un ou deux mois. C'est ce qui a été fait en 2020, pendant la crise covid. Ce n'est pas ce que vous suggérez ; vous souhaitez que l'État récupère les sommes. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que l'État procède à une augmentation de taxe : cela fait des années que celles qui pèsent sur les complémentaires sont en hausse.
Un autre point est choquant. Cet hémicycle a reconnu que la dynamique des dépenses de maladie est en quelque sorte fatale. Pourtant, au lieu de réaliser de vraies économies sur les dépenses ou de trouver de vraies recettes pérennes, vous procédez à des opérations one shot – hop ! 1 milliard d'euros ! – ; or l'opération ne pourra se répéter l'année prochaine, et les dépenses relevant de l'Ondam resteront sur le long terme dynamiques. Que ferez-vous l'année prochaine ? Vous augmenterez encore la taxe de solidarité additionnelle ?
Vous voyez bien que votre présente solution n'est pas légitime. Instaurer le gel des prestations face à la progression des dépenses relève de la même logique : l'année prochaine, la dynamique existera toujours. Reconduirons-nous alors le gel ? Ce n'est pas une solution efficace. Nous ne sauverons pas ainsi la sécurité sociale, sur le long terme.
Mme la présidente. La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Ceux qui me connaissent savent que j'adore parler des mutuelles. Je l'avoue !
Premièrement, je reviens sur le « 100 % sécu », que vous avez évoqué, madame Brulin. C'est le ministre Ambroise Croizat – il n'a malheureusement pas vécu longtemps – qui a mis en place la sécurité sociale en écartant certains systèmes, d'où les mutuelles.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Bien sûr.
M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Il n'a fait, d'ailleurs, que reprendre le travail du haut fonctionnaire Pierre Laroque : Ambroise Croizat a pris ses responsabilités, mais Pierre Laroque était à l'initiative.
Deuxièmement, vous avez beaucoup parlé des retraités qui ne sont pas couverts par les mutuelles. Je regrette d'avoir à vous le signaler, mais quand Mme Touraine, au travers de la loi de modernisation de notre système de santé, a mis en place l'obligation pour les entreprises de proposer une mutuelle à leurs salariés…
Mme Céline Brulin. Je n'ai rien à voir avec cela.
M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. … les indépendants et les retraités ont été complètement oubliés. Vous-même les aviez oubliés, puisque vous aviez voté en faveur de cette loi ! (Mme Marie-Claire Carrère-Gée et M. Xavier Iacovelli applaudissent.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous n'avons rien oublié. Nous n'étions simplement pas là !
M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Troisièmement, Mme Agnès Buzyn, avec la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, a mis en place le reste à charge zéro (RAC). Au moment d'instaurer ce dispositif, elle nous a déclaré dans cet hémicycle qu'il n'y aurait pas d'augmentation des taux des mutuelles. Or, immédiatement – je me souviens d'avoir eu un débat avec les mutuelles juste après l'adoption de la loi –, les organismes complémentaires d'assurance maladie ont augmenté leurs taux de cotisation de 6,5 %.
Quatrièmement, pendant la crise covid, le ministre de la santé d'alors, Olivier Véran, a déclaré que la sécurité sociale prendrait en charge l'intégralité des dépenses liées à ce virus, soit près de 20 milliards d'euros par an. Ce n'était pas vrai (Mme Cathy Apourceau-Poly acquiesce.) : grâce à un amendement que j'ai fait adopter, les mutuelles ont participé à hauteur de 1 milliard par an, soit 2 milliards sur deux ans. Honnêtement, elles n'ont pas été beaucoup ponctionnées.
Cinquièmement, je reviens sur les propos de M. Iacovelli, parce qu'ils sont intéressants. Depuis des années, je répète ne pas trouver normal que ma mutuelle finance, par exemple, l'équipe professionnelle de football de Saint-Étienne. Elle est pourtant en Vaucluse !
M. Xavier Iacovelli. La Transat Jacques-Vabre !
M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. En effet, il n'est pas normal que certains organismes complémentaires de santé apportent des fonds à cette course transatlantique ; ils doivent financer la santé de leurs cotisants, point final. Rien d'autre ! (Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Bien sûr !
M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Pourtant, ce n'est pas le cas. Mesdames, vous couvrez cette pratique pour l'instant !
Sixièmement, j'avais adressé une proposition à M. Braun. Il m'avait indiqué qu'il allait la retenir. Malheureusement, je lui ai parlé de cela juste avant qu'il ne quitte ses fonctions ministérielles ! Madame la ministre, je vous la soumets à nouveau.
Mme la présidente. Veuillez accélérer, monsieur le vice-président. Je vous ai déjà accordé une certaine tolérance sur le temps de parole.
M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Je ne parle pas souvent !
Mme la présidente. D'où ma tolérance…
M. Khalifé Khalifé. Il ne s'appelle pas Raymonde, lui !
M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Pourquoi le Parlement ne fixerait-il pas, sur un panier de soins obligatoires, les tarifs que devraient respecter les organismes complémentaires de santé ? Ces derniers feraient ce qu'ils veulent pour les soins ne relevant pas de ce socle, mais, sur les actes de base, le tarif serait le même pour tous les organismes et pour tous les cotisants. (Mme la rapporteure générale, Mme Marie-Claire Carrère-Gée ainsi que MM. Xavier Iacovelli et Martin Lévrier applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. En France, nous avons un problème : notre volume de travail par personne est inférieur à celui de l'Allemagne, du Danemark ou des Pays-Bas. Il convient d'aller progressivement dans le même sens que ces pays.
En particulier, le taux d'emploi des seniors est beaucoup moins important : nous sommes à 40 % en France, contre 65 % en moyenne en Europe. Il en est de même pour les jeunes. Il faut donc renforcer la formation et trouver des solutions pour que les seniors continuent à travailler. Ainsi, nous aurons davantage de ressources, car il faut continuer – je l'ai affirmé tout à l'heure – à aider financièrement les plus défavorisés.
Dans les faits, six millions de personnes bénéficient de l'ancienne CMU et un million de la C2S, soit sept millions au total qui dépendent des fonds de la sécurité sociale. Il nous faut donc trouver des solutions pour assurer ce financement, car, comme je l'ai indiqué, le nombre d'ALD augmentera, sachant que les trois quarts des dépenses de l'assurance maladie sont consacrés à de telles affections. De même, les besoins liés à la dépendance exploseront. Nous aurons donc tout cela à prendre en charge.
Actuellement – j'y insiste –, l'assurance maladie obligatoire rembourse 80 % des prestations. En 2019, ce taux n'était que de 76 %. Par conséquent, une participation des mutuelles pendant un an relèverait de la solidarité. Il faut demander à tout le monde de prendre sa part.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Stéphanie Rist, ministre. En ce qui concerne le financement des dépenses d'assurance maladie, on ne peut occulter une déformation : le report de la charge des organismes complémentaires vers l'assurance maladie en raison de l'augmentation importante du nombre d'ALD. Celui-ci a été chiffré, pour la période comprise entre 2012 et 2022, à plus de 3 milliards d'euros.
Pour répondre à M. Milon, je tiens à insister sur la mission que je lance. Les quatre personnalités qualifiées qui y participeront auront des approches différentes sur le sujet. Elle sera l'occasion d'intégrer éventuellement à ses conclusions votre proposition. L'objectif sera d'élaborer la version 2.0 de la relation entre assurance maladie et organismes complémentaires. Il est très important d'aller de l'avant, comme en attestent nos débats. Le processus de sélection de ces quatre personnalités touche à son terme et, d'ici à la fin de l'examen du PLFSS, j'espère pouvoir lancer officiellement la mission.
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1492.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1493.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 180 rectifié bis, 597 et 1259 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 7 est rétabli dans cette rédaction et l'amendement n° 1146 n'a plus d'objet.
Après l'article 7
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 166 rectifié ter est présenté par MM. Masset, Grosvalet et Bilhac, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire et Guiol, Mme Jouve, M. Laouedj, Mme Pantel, M. Roux et Mme Girardin.
L'amendement n° 931 rectifié est présenté par Mme Conconne et MM. Bourgi, Temal, Omar Oili, Cozic, Pla, Lurel et Stanzione.
L'amendement n° 1485 est présenté par M. Chaillou.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le II bis de l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...°À 7,04 % lorsque les garanties de protection en matière de frais de santé des contrats d'assurance maladie complémentaire souscrites par une personne physique ne bénéficient pas d'une participation au financement par l'employeur ou dont les primes sont visées aux articles 154 bis à 154 bis–0 A du code général des impôts. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l'amendement n° 166 rectifié ter.
M. Michel Masset. L'objet de cet amendement est simple : rétablir l'équité dans le financement de la complémentaire santé. À l'heure actuelle, la plupart des assurés, qu'ils soient salariés du privé ou, bientôt, agents publics, bénéficient d'une participation de leur employeur et d'avantages fiscaux qui réduisent le coût de leur mutuelle. Une partie de la population reste toutefois totalement à l'écart de ces mécanismes : les retraités, les chômeurs en fin de portabilité et les jeunes sans emploi. Ceux-là doivent assumer seuls une cotisation déjà lourde, sur laquelle pèse de surcroît une taxe identique à celle qui est applicable aux contrats aidés.
Pour corriger cette injustice, je propose par cet amendement d'abaisser le taux de la taxe de solidarité additionnelle à 7,4 % pour les contrats ne bénéficiant ni d'aide fiscale ni de participation de l'employeur. Cette mesure offrirait un allègement immédiat et ciblé aux assurés les plus fragiles, en rapprochant leur situation de celle des actifs.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour présenter l'amendement n° 931 rectifié.
Mme Catherine Conconne. Je vous faciliterai la tâche, madame la présidente : vu le rythme des débats, je le considère comme défendu.
Mme Frédérique Puissat. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° 1485 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nous partageons les constats dressés. Toutefois, la commission est défavorable à toute mesure pesant sur les recettes, car des amendements comme ceux-ci tendent, en réalité, à dégrader le solde de la sécurité sociale.
En l'espèce, ces amendements seraient particulièrement coûteux : ils entraîneraient une baisse du rendement de la TSA de l'ordre de 1,6 milliard d'euros. Il ne s'agit donc pas d'un dispositif anodin.
Rappelons, en outre, que le levier fiscal n'est pas le moyen le plus approprié d'améliorer l'accessibilité financière aux complémentaires santé : le récent rapport de nos collègues nous permettait de mettre le doigt sur le caractère incertain des répercussions des allègements fiscaux sur les tarifs de ces organismes. De fait, un doute a été exprimé tout à l'heure sur ce point.
Pour cette raison, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Les auteurs de ces amendements souhaitent réduire le taux de la taxe de solidarité additionnelle pour les contrats de complémentaire santé ne bénéficiant ni d'avantages fiscaux ni de prise en charge par l'employeur. Les cotisations de l'employeur à un contrat de complémentaire santé bénéficient en effet, dans le cadre de contrats de protection sociale complémentaire collectifs et obligatoires, d'une exclusion de l'assiette sociale, précisément parce que le législateur a souhaité encourager ce type de mutualisation.
Au demeurant, cet avantage reste à relativiser dans la mesure où, d'une part, ces cotisations restent assujetties à la CSG et à la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), ainsi qu'au forfait social au taux de 8 %, et où, d'autre part, les prestations issues de ces contrats sont considérées comme du revenu d'activité pour leur part financée par l'employeur, dès lors qu'un contrat de travail est en cours.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Ces amendements induisent une diminution des recettes ; or il ne faut pas oublier que la TSA finance la C2S.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Tout à fait.
Mme Raymonde Poncet Monge. Par conséquent, à moins que l'on ne veuille revenir sur le contrat solidaire dédié aux plus pauvres, baisser les recettes nécessiterait d'en trouver d'autres. J'y insiste : si nous choisissons de fragiliser ainsi le financement de la C2S, quelles recettes complémentaires mettrons-nous en face de cette mesure pour maintenir le niveau des prestations ?
Je rappelle que la sécurité sociale est avant tout solidaire. Il convient donc, lorsque l'on affaiblit dans les faits, peut-être sans volonté de le faire, les dispositifs de solidarité qui font sa force, de trouver des recettes à la même hauteur.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 166 rectifié ter et 931 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 7 bis (nouveau)
I. – La section 5 du chapitre VI du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 136-8-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 136-8-1. – I. – Le présent article s'applique :
« 1° Aux dividendes coopératifs et aux excédents de gestion distribués annuellement par les sociétés coopératives ou par les unions de coopératives, ayant pour objet principal la mise en commun de moyens, l'achat, la logistique, la distribution ou la promotion de produits et de services pharmaceutiques, régis par les dispositions du code de commerce ou du code rural et de la pêche maritime ;
« 2° Aux dividendes distribués annuellement par les sociétés du commerce associé répondant aux critères mentionnés au II, ayant pour objet principal la mise en commun de moyens, l'achat, la logistique, la distribution ou la promotion de produits et de services pharmaceutiques, régis par les dispositions du code de commerce ou du code rural et de la pêche maritime.
« II. – Pour l'application du présent article, sont regardées comme sociétés du commerce associé les sociétés ou les groupements répondant cumulativement aux conditions suivantes :
« 1° La présidence ou la direction effective est assurée par un pharmacien en exercice au sein du réseau concerné ;
« 2° L'intégralité des droits de vote est détenue par des pharmaciens titulaires d'officine, selon le principe d'égalité entre membres ;
« 3° Les pharmaciens membres disposent du droit de participer, s'ils le souhaitent, à toute instance ou commission de gouvernance prévue par les statuts ;
« 4° Au moins 80 % du chiffre d'affaires consolidé, filiales incluses, est réalisé avec les officines de pharmacie membres du réseau, à l'exclusion de toute autre clientèle.
« Les dividendes versés par les sociétés du commerce associé mentionnées au présent article ne sont pas proportionnels à l'utilisation des services.
« III. – Sont éligibles les distributions perçues par les pharmaciens titulaires ou les sociétés exploitant une officine de pharmacie, membres de ces structures, proportionnellement à l'utilisation effective des services et des produits proposés directement ou indirectement pour les structures mentionnées au premier alinéa du I.
« IV. – Pour l'application du présent article, les revenus mentionnés au I doivent :
« 1° Être répartis entre les membres conformément aux règles statutaires des sociétés ;
« 2° Être déclarés distinctement dans la liasse fiscale de la coopérative selon des modalités, fixées par décret, permettant d'identifier la part des excédents de gestion distribués aux pharmaciens membres ou être votés distinctement par l'assemblée générale s'agissant des dividendes coopératifs ;
« 3° Faire l'objet d'une option expresse pour le présent régime, exercée lors du dépôt de la déclaration de résultats de l'exercice concerné, par le membre bénéficiaire.
« V. – A. – Lorsque le membre bénéficiaire est une personne physique ou une société relevant de l'impôt sur le revenu, la part des bénéfices distribuée sous forme de dividendes coopératifs ou d'excédents de gestion, perçue au titre du présent article, est exonérée des prélèvements sociaux mentionnés à l'article L. 136-8 du présent code, à un taux global de 17,2 %.
« B. – Lorsque le membre bénéficiaire est une société ou une structure relevant de l'impôt sur les sociétés, la part des bénéfices distribuée sous forme de dividendes coopératifs ou d'excédents de gestion, perçue au titre du présent article, est soumise à un taux d'imposition forfaitaire réduit de 15 %.
« C. – Le présent V s'applique exclusivement à la fraction des revenus correspondant aux activités mentionnées au I.
« VI. – Les sociétés coopératives ou les réseaux du commerce associé mentionnés aux I et II tiennent à la disposition de l'administration fiscale une documentation permettant de justifier du respect des conditions d'éligibilité, la nature des revenus distribués et la qualité des bénéficiaires. En cas de manquement ou de distribution non conforme, les revenus concernés sont imposés selon le droit commun et les avantages indûment obtenus sont remis en cause. »
II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2026.
III. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant du I est compensée à due concurrence par la majoration de l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 598 est présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 1464 rectifié est présenté par MM. Canévet, Folliot et Fargeot, Mme Sollogoub, MM. S. Demilly, Mizzon, Menonville et Kern, Mmes Patru et Saint-Pé et MM. Dhersin, Duffourg, Longeot et Delahaye.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour présenter l'amendement n° 598.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. L'article 7 bis a été introduit par l'Assemblée nationale. Il instaure une niche sociale et une niche fiscale en faveur de coopératives pharmaceutiques, dans l'objectif de lutter contre la financiarisation de la santé.
Or cette mesure ne nous semble pas le bon moyen d'atteindre cet objectif.
De surcroît, comme je l'ai dit, cet article instaure non seulement une niche sociale, mais aussi une niche fiscale, qui, comme telle, concerne le budget de l'État. Or la création d'une niche fiscale ne relève pas du tout du domaine des lois de financement de la sécurité sociale tel que défini par les articles organiques du code de la sécurité sociale.
En outre, les deux niches proposées ne sont pas limitées dans le temps, contrairement à ce que prévoient les articles 7 et 21 de la loi de programmation des finances publiques 2023-2027.
Aucun élément de coût n'a été évoqué, que ce soit dans l'exposé sommaire de l'amendement présenté à l'Assemblée nationale ou lors des débats en séance.
Pour toutes ces raisons, la commission souhaite la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet, pour présenter l'amendement n° 1464 rectifié.
M. Michel Canévet. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Le Gouvernement est défavorable à la création de nouvelles niches fiscales ; son avis est donc favorable sur ces amendements de suppression de l'article 7 bis.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 598 et 1464 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 7 bis est supprimé et les amendements nos 740 rectifié quinquies, 741 rectifié quater et 742 rectifié quinquies n'ont plus d'objet.
Article 7 ter (nouveau)
I. – Au 2° du II bis de l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, après le mot : « salariés », sont insérés les mots : « , les retraités relevant de ces mêmes régimes ».
II. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant du I est compensée à due concurrence par la majoration de l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 599 est présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 1054 est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour présenter l'amendement n° 599.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il est indubitable qu'il existe, pour les retraités des professions agricoles ne bénéficiant pas de la complémentaire santé solidaire, un enjeu spécifique d'accès financier à la complémentaire santé. Je profite d'ailleurs de ce débat pour appeler solennellement le Gouvernement à se saisir de cette question.
Toutefois, le levier de la fiscalité des complémentaires santé n'est certainement pas le plus adéquat.
Comme je l'ai précédemment expliqué, rien n'indique que les complémentaires santé répercuteront effectivement sur les assurés la baisse de leur fiscalité. En tout état de cause, nous estimons à 200 millions d'euros par an le coût de l'allègement de la fiscalité des contrats de complémentaire santé des agriculteurs retraités, pour des effets à tout le moins incertains s'agissant d'un public peu ciblé, avec beaucoup d'effets d'aubaine à prévoir.
La commission propose donc la suppression de l'article 7 ter.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l'amendement n° 1054.
Mme Raymonde Poncet Monge. L'article 7 ter, introduit par amendement à l'Assemblée nationale, étend à tous les retraités relevant de la MSA, sans condition liée à la souscription d'un contrat responsable, le taux réduit de TSA applicable aux contrats de complémentaire santé agricoles solidaires et responsables.
Or une telle mesure contrevient à l'esprit même de la TSA, dont le taux n'est réduit qu'en contrepartie, précisément, de la souscription d'un contrat responsable. Ce taux ne dépend donc pas du public souscrivant ce contrat, mais de la nature du contrat.
De fait, dans le secteur agricole, la TSA applicable à un contrat responsable est prélevée au taux réduit de 6,27 %, mais ce taux est de 20,27 % en cas de souscription d'un contrat agricole non responsable. De manière générale, la garantie d'un taux réduit dépend du type de contrat souscrit et ne saurait dépendre de la nature du public concerné. Dès lors, appliquer un taux réduit à tout type de contrat en retenant ce dernier, en l'occurrence les agriculteurs, comme seul critère, sans tenir compte de la nature du contrat, contreviendrait à l'esprit de la TSA et ouvrirait par ailleurs une boîte de Pandore : tous les publics revendiqueront le taux réduit, arguant qu'il n'y a aucune raison de le réserver à un public à l'exclusion d'autres.
En outre, je l'ai déjà dit, cette mesure aurait pour conséquence de mettre en péril les comptes de la C2S, que la TSA finance. Or ce mécanisme garantit la santé des ménages les plus modestes, dont font certainement partie, d'ailleurs, beaucoup de ménages comptant un ou deux retraités agricoles. Réduire ainsi le taux de la TSA revient à les desservir, puisque cela grève les comptes d'un dispositif dont ils sont bénéficiaires.
Cet article contre-productif ouvre grand les portes à un effet d'aubaine qui profiterait aux complémentaires, tout en diminuant les ressources d'un dispositif de solidarité dont est bénéficiaire le public ciblé par l'article.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Avis favorable, madame la présidente : ils ont été bien défendus.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 599 et 1054.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 7 ter est supprimé.
Après l'article 7 ter
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 780 rectifié ter est présenté par Mme Le Houerou, MM. Bourgi et Montaugé, Mme Harribey, MM. Omar Oili, Temal, P. Joly et Gillé, Mmes Brossel et Bélim, MM. Mérillou, Pla et Lurel, Mmes Narassiguin, Conway-Mouret et Espagnac, MM. Redon-Sarrazy, Marie, Michau, M. Weber, Tissot et Cardon, Mme G. Jourda, M. Stanzione, Mmes Monier, Féret et Conconne et M. Ziane.
L'amendement n° 1361 rectifié quater est présenté par Mme Lubin.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 7 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La seconde phrase de l'article L. 751-15 du code rural et de la pêche maritime est complétée par les mots : « et des bénéficiaires de l'obligation d'emploi mentionnée à l'article L. 5212-13 du code du travail ».
II. – À la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 242-5 du code de la sécurité sociale, les mots : « de travailleur handicapé en application de » sont remplacés par les mots : « mentionnée à ».
III – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter l'amendement n° 780 rectifié ter.
Mme Annie Le Houerou. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 a instauré, pour les entreprises du régime général, un dispositif de mutualisation des coûts des maladies professionnelles à effet différé touchant les bénéficiaires de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (BOETH).
Toutefois, cette disposition n'a pas été étendue au régime agricole, une distorsion entre les deux régimes étant ainsi créée.
Les exploitations et entreprises agricoles, bien que soumises à l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés, supportent aujourd'hui individuellement le coût d'une maladie professionnelle déclarée plusieurs années après l'embauche. Cette situation constitue un frein à l'emploi des personnes en situation de handicap dans le secteur agricole.
Le présent amendement vise à étendre le dispositif de mutualisation évoqué au sein du régime agricole, afin de garantir une égalité de traitement entre secteurs économiques, de sécuriser les employeurs et d'encourager l'inclusion professionnelle.
En organisant la mutualisation de ces coûts, on soutiendrait la politique d'emploi des travailleurs handicapés, on favoriserait la responsabilité sociale des exploitations et on renforcerait la cohérence du régime agricole avec les principes du régime général, sans modifier en rien les dépenses de la sécurité sociale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l'amendement n° 1361 rectifié quater.
Mme Monique Lubin. Il est défendu.
Mme la présidente. L'amendement n° 390 rectifié bis, présenté par MM. Menonville, Mizzon, Pointereau et Bacci, Mme Billon, MM. Canévet, Kern et Chatillon, Mmes Guidez, Antoine et Patru, MM. Chevalier et A. Marc, Mme Paoli-Gagin et M. Levi, est ainsi libellé :
Après l'article 7 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La seconde phrase de l'article L. 751-15 du code rural et de la pêche maritime est complété par les mots : « et des bénéficiaires de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés mentionnée à l'article L. 5212-13 du code du travail ».
II – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Jocelyne Antoine.
Mme Jocelyne Antoine. La loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 a instauré le principe d'une mutualisation du coût des maladies professionnelles entre les employeurs qui embauchent des seniors.
L'objectif de cette mesure était double : d'une part, inciter les employeurs à embaucher des travailleurs seniors ; d'autre part, soulager les entreprises de cette charge financière potentielle.
Un pas supplémentaire a été franchi avec la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, qui a étendu cette mutualisation aux coûts des maladies professionnelles des bénéficiaires de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés.
Cependant, en l'état, cette mesure ne s'applique qu'au seul régime général ; il est donc nécessaire d'étendre cette mutualisation au régime agricole.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission est évidemment favorable à l'extension de ce droit.
Nous demandons aux auteurs de l'amendement n° 390 rectifié bis de bien vouloir le rectifier pour le rendre identique à ceux de Mmes Le Houerou et Lubin, sur lesquels nous émettons un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Avis favorable sur les amendements nos 780 rectifié ter et 1361 rectifié quater, ainsi que sur l'amendement n° 390 rectifié bis, sous réserve qu'il soit rectifié pour être rendu identique aux deux autres.
Mme la présidente. Madame Antoine, acceptez-vous de rectifier votre amendement pour le rendre identique aux amendements nos 780 rectifié ter et 1361 rectifié quater ?
Mme Jocelyne Antoine. Oui, madame la présidente : je rectifie l'amendement de M. Menonville en ce sens.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un amendement n° 390 rectifié ter, dont le libellé est identique à celui des amendements nos 780 rectifié ter et 1361 rectifié quater.
Je mets aux voix ces trois amendements identiques.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 7 ter.
Article 8
I. – Le chapitre VII du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À la fin du dernier alinéa de l'article L. 137-12, le taux : « 30 % » est remplacé par le taux : « 40 % » ;
2° et 3° (Supprimés)
II à IV. – (Supprimés)
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements identiques.
L'amendement n° 205 est présenté par MM. Durox, Hochart et Szczurek.
L'amendement n° 230 rectifié est présenté par Mme Muller-Bronn, MM. Pointereau et Panunzi, Mmes Gosselin, P. Martin, Evren et Di Folco, M. Genet, Mme Pluchet, M. D. Laurent et Mme Ventalon.
L'amendement n° 243 rectifié ter est présenté par Mme Devésa, MM. Dhersin et Levi, Mme Sollogoub, MM. Henno et Courtial, Mme Romagny, MM. Houpert et Menonville et Mme de La Provôté.
L'amendement n° 858 rectifié est présenté par MM. Iacovelli, Buis et Rambaud et Mme Schillinger.
L'amendement n° 1507 rectifié ter est présenté par MM. Le Rudulier, Khalifé, Rochette, Sido, Naturel et Séné, Mme Lopez et MM. H. Leroy et Ravier.
L'amendement n° 1540 rectifié quater est présenté par Mme Demas, MM. Delia, Burgoa et Cambon, Mme Petrus et M. Saury.
Ces six amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Christopher Szczurek, pour présenter l'amendement n° 205.
M. Christopher Szczurek. La création d'une taxe patronale de 8 % sur les compléments salariaux – titres-restaurant, chèques-vacances, chèques-cadeaux et avantages sociaux et culturels – aurait des effets contre-productifs.
Elle entraînerait mécaniquement une hausse du coût pour les employeurs, ce qui les conduirait à réduire ou à supprimer ces avantages. Les salariés verraient ainsi remis en cause des acquis sociaux qui participent directement à leur pouvoir d'achat et à leur accès à la culture et aux loisirs.
Cet article 8 accroîtrait également les inégalités entre les grandes entreprises, capables d'absorber ce surcoût, et les PME, qui seraient contraintes de renoncer à faire bénéficier leurs salariés de tels avantages.
Par ailleurs, l'augmentation de 10 % de la taxe patronale qui s'applique aux indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite aurait des conséquences tout aussi problématiques. Elle réduirait l'attractivité des ruptures conventionnelles, outil aujourd'hui central dans la gestion des mobilités professionnelles. Elle risquerait d'accroître le nombre de contentieux prud'homaux, faute d'accords amiables, et diminuerait l'indemnité nette effectivement perçue par les salariés, ce qui constituerait une perte directe de revenus.
Ces mesures, loin de sécuriser le financement de la sécurité sociale, fragiliseraient à la fois le dialogue social et le pouvoir d'achat des salariés.
Nous proposons donc, par cet amendement, la suppression de l'article 8.
Mme la présidente. La parole est à Mme Béatrice Gosselin, pour présenter l'amendement n° 230 rectifié.
Mme Béatrice Gosselin. Je présente cet amendement au nom de notre collègue Laurence Muller-Bronn.
L'article 8 du PLFSS pour 2026 augmente de 30 % à 40 % le taux de la contribution patronale spécifique à laquelle sont assujetties les indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite.
Une première hausse de cette contribution, de 20 % à 30 %, avait déjà été mise en œuvre en 2023, afin, précisément, d'harmoniser les différents taux applicables et d'unifier le régime social des indemnités de rupture conventionnelle et celui des indemnités de mise à la retraite. Cette évolution n'a entraîné aucune diminution du recours au dispositif de rupture conventionnelle.
De surcroît, la rupture conventionnelle remplit aujourd'hui pleinement les objectifs qui lui ont été assignés lors de sa création : elle offre un cadre juridique sécurisé à une pratique de séparation qui avait déjà cours dans les entreprises ; elle favorise la liberté contractuelle sur la base d'un accord mutuel entre le salarié et l'employeur ; elle assure une protection au salarié en lui ouvrant droit aux allocations chômage ; elle contribue à réduire le contentieux lié aux licenciements en offrant un mode de séparation consensuel et encadré.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Devésa, pour présenter l'amendement n° 243 rectifié ter.
Mme Brigitte Devésa. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 858 rectifié n'est pas soutenu.
La parole est à M. Khalifé Khalifé, pour présenter l'amendement n° 1507 rectifié ter.
M. Khalifé Khalifé. Il est défendu !
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Petrus, pour présenter l'amendement n° 1540 rectifié quater.
Mme Annick Petrus. Défendu.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je voudrais revenir sur l'objet de cet article 8, qui comprenait initialement deux parties.
Une première partie portait sur les compléments de salaire : tickets-restaurant, chèques-vacances et autres avantages similaires.
La deuxième partie avait trait à un autre sujet, en effet plus consensuel : les indemnités de rupture du contrat de travail.
L'Assemblée nationale a supprimé la première partie pour ne garder que la deuxième, en la transformant quelque peu. Étant nous-mêmes plutôt défavorables à ce premier volet de l'article initial, nous proposons de nous rallier à la position de l'Assemblée nationale. Autrement dit, nous nous opposons à la suppression du dispositif tel que transmis au Sénat, qui se borne à porter de 30 % à 40 % le taux de la contribution patronale applicable aux indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite – il n'y est plus question, par exemple, des titres-restaurant.
L'adoption de ces amendements de suppression réduirait les recettes de 260 millions d'euros, ce qui n'est pas envisageable : avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Il est défavorable également, pour deux raisons.
La première est d'ordre économique : il est question de 260 millions d'euros. Nous en avons besoin, nous ne pouvons pas nous en passer : il faut l'assumer.
Il faut assumer aussi – voilà la deuxième raison – de réduire l'attractivité de la rupture conventionnelle.
Oui, ce dispositif « dérape » par rapport à son objet d'origine. Ce n'est pas moi qui le dis : c'est la conclusion d'un rapport d'évaluation.
Côté salarié, les ruptures conventionnelles se substituent de plus en plus à la démission – or, lorsqu'on démissionne, l'inconvénient est que l'on ne peut pas s'inscrire au chômage, ce que permet la rupture conventionnelle.
Côté entreprise, elles se substituent au licenciement : c'est une manœuvre un peu plus ronde.
Il y a donc bien dérive par rapport à l'esprit initial du dispositif.
Cette dérive se voit dans les comptes : un quart des dépenses d'allocation chômage sont liées à des ruptures conventionnelles – c'est considérable –, dont le nombre augmente de 15 % à 20 % par an.
Nous assumons donc complètement ce double objectif : ramener de l'argent dans les caisses de la sécu et envoyer un signal défavorable à l'extension non contrôlée du recours à la rupture conventionnelle.
Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour explication de vote.
Mme Frédérique Puissat. Il est vrai que ces amendements nous posent des difficultés.
Je rappelle que la rupture conventionnelle est issue d'un accord national interprofessionnel de 2008. Ce sont bien les partenaires sociaux qui sont à l'origine de sa mise en œuvre, et ce sont singulièrement les organisations patronales qui l'ont demandée. J'ajoute que ce dispositif fonctionne plutôt bien.
Néanmoins, il est vrai que, s'agissant d'un exercice budgétaire, notre mission est de trouver des équilibres. À cet égard, la majorité sénatoriale s'est fixé l'objectif de se rapprocher d'un déficit du budget de la sécurité sociale qui tangente les 15 milliards à 17 milliards d'euros, ce qui n'est en soi guère glorieux, mes chers collègues…
Autant nous pouvons comprendre les demandes de suppression de cet article, rejoignant en cela la volonté exprimée par les partenaires sociaux, autant, au regard de la situation budgétaire et de notre souhait d'équilibrer autant que possible ce PLFSS, il convient plutôt de suivre la position du rapporteur général.
À titre personnel, je suivrai donc notre rapporteur, bien que je sois favorable au dialogue social et à ceux qui le font vivre, les partenaires sociaux. (Bravo ! sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote. (Marques d'agacement sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Je vous en prie, mes chers collègues !
Mme Raymonde Poncet Monge. Je suis d'accord avec Mme Puissat ! (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Primas applaudit.), même si, bien sûr, mes raisons ne sont pas tout à fait les siennes… (Sourires.)
Il est vrai qu'en la matière les partenaires sociaux étaient volontaires, car la rupture conventionnelle intervient lorsque les deux parties ont intérêt à se séparer et sont donc d'accord pour le faire. Il ne s'agit ni d'un licenciement déguisé ni d'une démission déguisée.
Dans les faits, ce dispositif a bel et bien « couvert » la première cause que je viens d'évoquer : les deux parties sont intéressées et d'accord pour se séparer – c'est le divorce à l'amiable. Mais il en a été fait aussi un usage qui relève souvent, en effet, du licenciement déguisé ou de la démission masquée.
Vous me direz que la rupture conventionnelle obéit à une régulation spécifique. Tous les employeurs sont un jour ou l'autre amenés à pratiquer ce dispositif – cela m'est arrivé, très rarement, certes. Il faut adresser une demande d'homologation à la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités, l'homologation étant réputée acquise à défaut de réponse ; or les Dreets n'ont tout simplement pas les moyens d'instruire les milliers de demandes qui leur arrivent tous les jours, le délai d'instruction réglementaire étant de quinze jours : elles n'ont pas les moyens de vérifier qu'il ne s'agit pas d'un licenciement déguisé – et c'est bien ce cas qui pose problème.
C'est une vraie difficulté qui se pose : les compléments de salaire ont crû dans des proportions considérables – de 8 milliards d'euros entre 2019 et 2024 – depuis que M. Macron est au pouvoir. Or les niches sociales des compléments de salaire induisent un manque à gagner pour les finances publiques qui correspond exactement, chose étonnante – c'est la Cour des comptes qui le dit –, à l'aggravation du déficit de la sécurité sociale.
Il fallait faire quelque chose !
Je suis donc tout à fait d'accord pour que l'application du forfait social dissuade les mésusages de ce dispositif.
Mme la présidente. Votre temps de parole est écoulé, ma chère collègue !
Mme Raymonde Poncet Monge. Je ne vous parlerai pas du ticket-restaurant : dommage, mes chers collègues… Vous êtes privés de la deuxième partie de ma démonstration ! (Sourires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 205, 230 rectifié, 243 rectifié ter, 1507 rectifié ter et 1540 rectifié quater.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 245 rectifié bis, présenté par MM. Michau, Gillé, Fichet, Bourgi et Bouad, Mme Canalès, MM. Cardon et Chaillou, Mme Conway-Mouret, MM. Lurel, Marie, Montaugé et P. Joly, Mme Poumirol, M. Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Ros, Stanzione, M. Weber et Tissot, Mme Lubin, MM. Pla et Roiron, Mmes G. Jourda et Bélim et M. Ziane, est ainsi libellé :
I. – Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
.... – Les articles L. 23-10-1 et L. 23-10-7 du code de commerce sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :
« Les droits au titre de la participation aux résultats de l'entreprise affectés à des comptes ouverts au nom des intéressés en application d'un plan d'épargne salariale prévu à l'article L. 3323-2 du code du travail ou à un compte courant visé à l'article L. 3323-5 du même code et les sommes attribuées au titre de l'intéressement affectées à un plan d'épargne salariale, en application de l'article L. 3315-2 dudit code, à l'exclusion des droits et sommes affectés à des fonds investis dans des entreprises solidaires en application du deuxième alinéa de l'article L. 3332-17 du même code, sont négociables ou exigibles, pour leur valeur au jour du déblocage, avant l'expiration des délais prévus aux articles L. 3323-5 et L. 3324-10 du même code, sur demande du salarié pour financer un projet de rachat total ou partiel d'une participation ou d'actions ou de valeurs mobilières dans les conditions définies au présent article. »
II. – Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Le deuxième alinéa de l'article L. 137-16 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le taux de 8 % s'applique également aux droits au titre de la participation aux résultats de l'entreprise débloqués, dans les conditions définies aux articles L. 23-10-1 et L. 23-10-7 du code de commerce, pour financer un projet de rachat total ou partiel d'une participation, d'actions ou de valeurs mobilières par les salariés, sans préjudice des exonérations de forfait social prévues au présent article et à l'article 155 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises. » ;
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Marion Canalès.
Mme Marion Canalès. Je vais partir d'un exemple, celui de l'entreprise Duralex ; le succès de sa reprise sous forme coopérative démontre la pertinence des solutions collectives : l'ancrage local est préservé, les emplois sont maintenus, la gouvernance devient plus démocratique.
Cet amendement de mon collègue Jean-Jacques Michau a pour objet de faciliter la reprise d'entreprises par leurs salariés en permettant le déblocage anticipé des droits issus de la participation et de l'intéressement, et ce afin de financer un projet de rachat total ou partiel de l'outil de production.
Dans un contexte de multiplication des cessions à des fonds de pension étrangers, qui s'immiscent toujours plus dans les entreprises, les salariés disposent rarement des moyens nécessaires pour proposer un projet alternatif de reprise.
L'idée est donc d'ouvrir la possibilité – de manière encadrée et sous condition, évidemment – de débloquer des sommes qui restent normalement indisponibles pendant plusieurs années, aux fins de leur mobilisation immédiate dans le cadre d'un projet de reprise de l'entreprise par ses salariés.
Une telle disposition, en renforçant la capacité d'action des salariés, forts de leur expertise, dans les transitions industrielles auxquelles nous tenons, s'inscrirait pleinement dans les logiques que nous entendons défendre : souveraineté économique, démocratie au travail, pérennisation du tissu productif français.
Nous croyons beaucoup à cet amendement ; et puisque j'ai cité Duralex, voici mes mots de conclusion : « Dura lex, sed lex » – la loi est dure, mais c'est la loi. Je souhaite donc vivement que nous fassions entrer ce dispositif dans la loi, afin d'accompagner les reprises d'entreprise par les salariés.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je m'associe à votre éloge de cette initiative des salariés de Duralex, dont je souhaite qu'elle soit un exemple pour d'autres entreprises. C'est une belle réalisation que le maintien d'une activité sur un territoire et nous ne pouvons que saluer, j'y insiste, une telle initiative.
Votre proposition est intéressante, ma chère collègue. Techniquement parlant, néanmoins, il est un peu difficile de savoir quels effets attendre de sa mise en œuvre, sachant que les sommes dont il est question seraient imposées à la taxe sur les salaires au taux de 8 %.
L'idée est donc plutôt séduisante, mais il s'agit d'un sujet technique que nous n'avons pas eu le temps d'approfondir. Je souhaite donc connaître l'avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Il existe déjà, pour le salarié, des possibilités de liquidation anticipée des avoirs issus de la participation ou acquis dans le cadre d'un plan d'épargne d'entreprise.
Cette liquidation anticipée est notamment possible en cas de reprise d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole, soit à titre individuel, soit sous la forme d'une société, à condition que le salarié concerné en exerce le contrôle, ou encore en cas d'acquisition de parts sociales d'une société coopérative de production – ce dernier cas de figure est celui de Duralex.
Par ailleurs, le FCPE (fonds commun de placement d'entreprise) de reprise, instrument prévu par le code du travail, investi en titres non cotés de l'entreprise dans le cadre d'une opération de rachat réservée aux salariés, permet déjà la transmission de l'entreprise à ses salariés via le plan d'épargne d'entreprise.
Enfin, d'une manière plus générale, vous comprendrez que je ne suis pas très enclin à encourager la création de niches supplémentaires.
Mme Émilienne Poumirol. Il ne s'agit pas d'une niche !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. J'aurais plutôt une attitude inverse, consistant à tâcher d'en réduire le nombre.
Pour ces trois raisons, l'avis du Gouvernement est défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.
Mme Marion Canalès. Madame la rapporteure générale, notre objectif est bien d'encourager ces projets vertueux de transmission en appliquant aux sommes concernées un forfait social au taux réduit de 8 %. Il ne s'agit donc pas d'une niche, monsieur le ministre.
Cette mesure est cohérente avec le régime social déjà en vigueur pour les sociétés coopératives participatives (Scop) et permet de favoriser la continuité de l'emploi, la stabilité économique et l'appropriation des outils de production par ceux qui travaillent.
Je vous renvoie à des exemples récents comme celui de l'usine de production de Doliprane de Lisieux, dont la cession à des fonds d'investissement américains a suscité l'inquiétude et illustré le problème auquel nous sommes confrontés : faute de dispositifs de financement adaptés, les salariés ont perdu la possibilité de reprendre le site.
Il est peut-être nécessaire de repenser techniquement le dispositif que nous proposons, qui n'est en tout cas pas une niche, mais sa mise en œuvre permettrait de faire avancer certains dossiers de réappropriation de l'outil de production par les salariés. Il y va de la réalisation de nos objectifs en matière de souveraineté économique !
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je soutiendrai cet amendement, et ce soutien n'a rien à voir avec la volonté de créer une niche supplémentaire. Du reste, à supposer que cette mesure puisse être ainsi qualifiée, il s'agirait d'une toute petite niche : seul un petit chien pourrait y entrer ! (Sourires.)
J'ai visité plusieurs Scop ces derniers mois. De nombreux salariés, et notamment les représentants des unions régionales des Scop, m'ont exposé les difficultés qu'ils rencontrent pour traverser les périodes de transition séparant la fin de l'activité salariée et la concrétisation du projet de reprise de l'entreprise. L'existence d'un plan d'épargne entreprise n'est pas systématique ; selon les cas, les salariés repreneurs peuvent se retrouver dans des situations très difficiles.
Peut-être faut-il « nettoyer » techniquement cet amendement, peut-être faut-il l'améliorer, mais je le soutiens, car il me paraît fondamental, notamment dans les territoires français où de petites entreprises artisanales sont souvent reprises par leurs employés.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je m'associe à ce que vient de dire notre collègue Sophie Primas, en pensant en particulier aux petites entreprises de nos territoires ruraux.
Il convient, bien sûr, d'examiner les choses au cas par cas. Il se peut que, dans certaines entreprises, la reprise par les salariés ne soit pas possible. Reste que, dans certains cas au moins, il est bon de faciliter une telle solution.
Je soutiendrai donc cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 245 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8, modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Après l'article 8
Mme la présidente. L'amendement n° 1672, présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« .... – Lorsque le salaire minimum national professionnel des salariés est inférieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance mentionné à l'article L. 3231-2 du code du travail, le salaire minimum retenu pour l'application des mesures mentionnées aux I et II du présent article est le salaire minimum national professionnel des salariés. »
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Je profite de cette discussion sur l'article 8 pour aborder le sujet des allègements généraux de cotisations sociales employeur accordés aux entreprises relevant d'une branche dont les salaires minimums sont inférieurs au Smic.
Cet amendement du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain vise à calculer lesdits allègements sur la base de ces salaires minimums de branche, et non plus sur la base du Smic, afin de lutter contre les faibles rémunérations et de réduire le manque à gagner pour la sécurité sociale.
De nombreuses branches professionnelles fixent, par accord, des minima salariaux inférieurs au Smic, écrasant par le bas l'échelle des rémunérations et limitant ainsi les évolutions salariales. Au 24 janvier 2025, à la suite de la revalorisation anticipée du Smic au 1er novembre 2024, 94 des 171 branches du régime général affichaient des salaires minimums inférieurs au Smic. En 2024, 5 branches affichaient des minima structurellement inférieurs au Smic.
On note un progrès en comparaison du chiffre habituel d'une vingtaine de branches. Cependant, cette mécanique reste problématique. En effet, elle autorise les employeurs à précariser des salariés, ces derniers ne touchant pas le minimum légal.
Aussi paraît-il nécessaire de désinciter les entreprises à verser des rémunérations inférieures au Smic, alors que le système actuel des allègements généraux favorise cette pratique. Il est prévu en effet qu'y compris pour un salaire horaire inférieur au Smic le montant des exonérations soit calculé sur la base du Smic, soit une base supérieure à la rémunération réelle. Les employeurs dont il est question profitent donc d'exonérations dont le taux est proportionnellement supérieur à celui dont bénéficient les autres employeurs.
C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement, que les allègements soient systématiquement calculés sur la base de la rémunération réelle.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Chère collègue, vous proposez de réduire les allègements généraux de cotisations patronales pour les branches ayant des minima de salaire inférieurs au Smic, en les calculant sur la base non pas du Smic, mais du salaire minimum de branche.
Cet amendement est contraire, dans son esprit, à l'amendement n° 602 de la commission, qui tend à supprimer l'article 8 sexies, dont l'objet est analogue à ce que vous proposez.
En outre, il pose divers problèmes techniques. Par exemple, il ne comporte pas de disposition sur les cas de conventions collectives comprenant plusieurs grilles salariales différentes, avec des minima distincts.
Par ailleurs, cet amendement pose question en matière d'équité, voire de conformité au principe constitutionnel d'égalité devant la loi. En effet, deux entreprises menant la même politique salariale pourraient être traitées différemment selon que la branche à laquelle elles appartiennent dispose ou non de minima inférieurs au Smic, et ce même si elles pratiquent des salaires élevés.
Surtout, traiter une question de droit du travail – la revalorisation des minima de branche – au moyen des allègements généraux conduirait à d'importants effets non souhaités. Les branches visées par cet article sont celles qui emploient une forte proportion de salariés rémunérés au Smic. Autrement dit, ce sont celles qui ont le plus besoin des allègements généraux, et pour lesquelles il est le plus difficile de revaloriser la grille salariale.
Aussi, une réduction des allègements généraux pour ces branches pourrait avoir pour principal effet non pas de susciter des hausses de salaire, mais de détruire des emplois.
La question de la revalorisation des minima de branche semble plutôt relever des négociations annuelles obligatoires (NAO). Une future loi Travail – je me tourne vers vous, monsieur le ministre – serait vraisemblablement un véhicule plus approprié qu'un PLFSS.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Madame la sénatrice, nous partageons votre préoccupation que toutes les branches pratiquent un bon niveau de rémunération. Comme l'a dit Mme la rapporteure générale, pour valoriser le travail, il est important de verser aux salariés des rémunérations justes, qui progressent tout au long de la carrière.
Toutefois, je ne suis pas favorable à la modalité que vous proposez, et je vais vous expliquer pourquoi. Comme il s'agit d'un mécanisme à deux étages, si je puis dire, il peut exister des cas de figure où une entreprise qui appliquerait des salaires corrects serait sanctionnée parce que la branche à laquelle elle appartient a défini des minima conventionnels inférieurs au Smic.
Ainsi, on en viendrait à pénaliser une entreprise vertueuse, ce qui est quelque peu paradoxal. Voilà un effet de bord auquel pourrait conduire l'adoption de cet amendement.
De plus, cela rendrait encore plus complexes des calculs qui le sont déjà, car il faudrait les effectuer par branche. Et je ne parle pas du cas des entreprises relevant de plusieurs conventions collectives…
Aussi, pour des questions de mise en pratique et pour éviter de potentiels effets de bord source d'iniquité, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour explication de vote.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. J'aurais aimé pouvoir voter cet amendement, mais cela m'est impossible pour les raisons que vient d'exposer M. le ministre.
En outre, il ne me semble pas possible, du point de vue juridique, de sanctionner une entreprise pour une pratique qui n'est pas de son fait, mais qui relève de la branche à laquelle elle appartient.
Si un amendement tendant au même objectif de conditionner des allègements de charges à des dynamiques salariales devait être déposé à l'avenir, peut-être faudrait-il s'inspirer de la loi du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail et pénaliser de 10 % les entreprises ou les branches qui n'engagent pas de négociations salariales.
En effet, la loi ne peut pas contraindre une entreprise ou une branche à faire aboutir des négociations et à se mettre d'accord : une négociation se fait entre deux parties. En revanche, le fait de ne pas mener de telles négociations pourrait être sanctionné.
Malheureusement, la disposition de 2008 a été suspendue au moment de la crise financière, mais elle me semble la seule voie juridiquement viable. Nous pourrions y réfléchir à nouveau. (M. le ministre acquiesce.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Sur l'esprit, nous sommes d'accord : il faudrait faire en sorte que les branches appliquent la loi. Lorsqu'elle était en fonction, Elisabeth Borne avait dit que son ministère conduirait une lutte déterminée pour faire appliquer la loi en donnant aux branches un temps de négociation à l'issue duquel elles devraient se mettre en règle.
J'en profite tout de même pour dire que certaines branches voient leurs accords soumis à l'agrément du ministère du travail. Je pense en particulier à la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile (BAD).
En effet, les employeurs et les organisations syndicales de cette branche ont signé en mars 2025 un avenant à sa convention collective, dit avenant 68, dont l'objet était de revaloriser les grilles salariales de six points pour porter le minimum conventionnel au-delà du Smic.
Je parle d'une branche qui n'a pas fait l'objet du Ségur de la santé et dont les grilles se retrouvent bien souvent immergées. Or le ministère du travail a notifié un refus d'agrément de cet avenant.
Je sais bien que des pressions existent. Je ne dirai pas de la part de qui, qu'importe, mais je comprends, monsieur le ministre, votre réticence à soutenir cet amendement…
En tout état de cause, des branches médico-sociales, comme celle de la BAD, dépendent de l'agrément du ministère et se voient souvent opposer un refus, ce qui les empêche de revaloriser leurs grilles salariales.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1672.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 1769, présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le a du 3° du III de l'article L. 136-1-1 est abrogé ;
2° L'article L. 137-13 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi modifié :
– au troisième alinéa, les mots : « L. 225-197-1 à L. 225-197-5, » sont supprimés ;
– le dernier alinéa est supprimé ;
b) A la première phrase du 2° du II, les mots : « L. 225-197-1 à L. 225-197-5 » sont supprimés.
II. – Le I entre en vigueur au 1er janvier 2026.
III.- La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Émilienne Poumirol.
Mme Émilienne Poumirol. Cet amendement devrait plaire à notre rapporteure générale, puisqu'il a pour objet de dégager des recettes nouvelles.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cela commence bien !
Mme Émilienne Poumirol. Cet amendement, soutenu par l'ensemble des groupes de gauche du Sénat, vise à soumettre les attributions d'actions gratuites aux cotisations sociales, de la même manière que les salaires classiques.
En effet, à l'heure actuelle, ces attributions d'actions gratuites échappent aux contributions sociales. Pourtant, elles concernent principalement les revenus les plus élevés : selon le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), 1,6 milliard d'euros d'actions ont été distribués l'année dernière à 145 salariés, qui perçoivent donc entre 2 millions et 3 millions d'euros par an.
De fait, les attributions d'actions gratuites représentent des sommes colossales pour les salariés les plus riches. Nous proposons donc que ces compléments de salaire soient tout simplement intégrés à l'assiette des cotisations sociales, comme le sont les salaires classiques, car les cotisations doivent concerner tous les types de revenu.
De cette manière, nous voulons soumettre ces attributions aux cotisations sociales, afin que les plus riches contribuent réellement au financement de la sécurité sociale et, par la même occasion, financent la suspension de la réforme des retraites, dont nous parlerons ultérieurement. En effet, l'effort ne doit pas échoir aux assurés, aux retraités ou à ceux qui payent leur complémentaire santé, comme y conduiraient les mesures que vous avez précédemment rétablies.
Cette disposition permet de rétablir l'équité entre les différentes formes de rémunération : les salariés et les dirigeants qui reçoivent des actions bénéficient d'un avantage patrimonial comparable à un salaire ; il est donc juste qu'ils contribuent, comme tous les autres salariés, au financement de notre modèle social en matière de santé, de retraite et de protection sociale.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Chère collègue, votre propos a très bien commencé : nous devons trouver des recettes pour remplir les caisses de la sécurité sociale, c'est une réalité. À cet égard, je salue très sincèrement votre travail en vue d'en trouver de nouvelles. Au reste, nous soutiendrons ultérieurement l'un de vos amendements, dont c'est précisément l'objet.
L'amendement que nous examinons vise à inclure les attributions d'actions gratuites dans l'assiette des cotisations sociales. Nous en avons déjà parlé l'an dernier, mais je tiens à y revenir, car le dispositif n'est pas le même que celui qui avait été proposé.
Les attributions d'actions gratuites sont exemptées de cotisations patronales de sécurité sociale. En contrepartie, elles sont soumises à une contribution patronale, qui dépend d'un régime spécifique. Sur l'initiative du Sénat, le taux de cette contribution a été porté de 20 % à 30 % par la LFSS pour 2025, ce qui a dégagé un gain de 500 millions d'euros.
Pour ce qui concerne les salariés – ce sur quoi porte votre amendement –, ces attributions ne sont soumises à la CSG et à la CRDS que sur les gains d'acquisition au-delà de 300 000 euros. En outre, les salariés payent une contribution de 10 % au moment de la cession sur la fraction de la plus-value d'acquisition.
Je trouve votre amendement intéressant, mais, parmi vos propositions pour dégager des recettes nouvelles, je lui préfère l'amendement n° 1678.
C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Cet amendement répond à l'objectif de trouver des recettes. En effet, s'il est bon de faire des économies, il est intéressant de débattre de telles pistes, en se demandant si elles sont bien ajustées.
Le fait d'attribuer des rémunérations élevées et d'instaurer des mécanismes dynamiques peut avoir des vertus. Par exemple, cela permet à des start-up de fidéliser leurs salariés. Le principe même d'attribution d'actions gratuites peut être sain dans l'optique de partager la valeur créée par une entreprise.
Aussi, avant d'instaurer une fiscalité lourde et directe sur ce type de rémunération, il me semble nécessaire de réfléchir plus avant aux modalités pour ce faire.
Mme Émilienne Poumirol. Il faut qu'on le retravaille !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Il convient en effet de poursuivre la réflexion.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. Victorin Lurel. C'est un amendement de bon sens !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1769.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 1553 rectifié, présenté par MM. Mérillou, Ziane, Stanzione et Chaillou, Mmes Bélim et Monier, MM. Jomier, Temal et Roiron, Mme Harribey, M. Pla, Mme S. Robert, MM. Uzenat, Omar Oili et Michau et Mme Conway-Mouret, est ainsi libellé :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II bis de l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale est ainsi rétabli :
« II bis. – S'ajoute à la contribution prévue au I, indépendamment de l'option exercée par l'employeur mentionnée au même I, une contribution additionnelle de 40 %, à la charge de l'employeur, sur les rentes excédant trois fois le plafond annuel défini à l'article L. 241-3 du présent code. »
La parole est à Mme Audrey Bélim.
Mme Audrey Bélim. Cet amendement vise à majorer la contribution sur les retraites chapeaux et, ce faisant, à réintroduire un peu de justice dans notre système.
Alors que la retraite moyenne est de 1 500 euros, certaines rentes supplémentaires atteignent des montants indécents, tout en bénéficiant d'un traitement fiscal privilégié. Nous proposons une contribution additionnelle de 40 %, calibrée pour résister au contrôle constitutionnel, afin que ceux qui perçoivent des retraites très élevées contribuent à hauteur de leurs moyens.
Il convient de cesser de récompenser le caractère excessif de telles rémunérations. Il s'agit d'une mesure de responsabilité, d'équité et de cohérence. Il est absolument indispensable que ceux qui perçoivent les revenus les plus élevés soient davantage mis à contribution.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet amendement, c'est bien normal, revient chaque année, et je remercie notre collègue de l'avoir présenté, dans l'optique de trouver de nouvelles recettes.
Il vise à renforcer la taxation des retraites chapeaux, en instaurant une contribution additionnelle de 40 %.
Je le rappelle, les retraites chapeaux sont des rentes viagères versées par les entreprises à certains salariés. Ce dispositif est actuellement exonéré de cotisations sociales et de la CSG.
Il est regrettable que le rendement de votre amendement ne soit pas chiffré.
Comme les années précédentes, la commission est opposée à un renforcement de la taxation des retraites chapeaux.
Bien que les sommes concernées soient importantes, je rappelle qu'en 2012, d'après l'inspection générale des finances (IGF) et l'inspection générale des affaires sociales (Igas), 84 % des 205 000 bénéficiaires d'une retraite chapeau percevaient une rente annuelle d'un montant inférieur à 5 000 euros. Il convient tout de même de le signaler.
Par ailleurs, l'objet suggère une probable inconstitutionnalité. En effet, il indique qu'en 2015, une contribution de 45 % avait été censurée par le Conseil constitutionnel, qui jugeait le taux trop élevé. On peut se demander si ramener ce taux à 40 % susciterait davantage d'indulgence de la part du Conseil constitutionnel.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Je partage les arguments de la rapporteure générale.
J'ajoute que la censure du Conseil constitutionnel se fondait non seulement sur l'aspect confiscatoire de la mesure, mais aussi sur le fait qu'elle risquait de provoquer des effets de seuil.
Nous pensons que la fixation d'un taux de 40 % crée un effet de seuil similaire, et émettons donc des doutes sur le caractère constitutionnel de cette disposition.
Compte tenu de cette incertitude juridique, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1553 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 1153 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L'amendement n° 1670 est présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aux quatrième, cinquième, huitième et neuvième alinéas de l'article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale, le montant : « 24 000 € » est remplacé par le montant : « 10 000 € ».
La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l'amendement n° 1153.
M. Gérard Lahellec. Il s'agit là aussi d'un amendement visant à augmenter la taxation des retraites chapeaux des chefs de très grande entreprise, qui bénéficient d'une exonération de cotisations sociales et de CSG sur des rémunérations dispendieuses.
Cet amendement ne vise pas les 200 000 personnes qui percevaient en 2012 une retraite à prestations définies inférieure à 5 000 euros. J'apporte cette précision en écho à la remarque qui a été faite à l'instant. Nous ne ciblons que les 500 personnes qui perçoivent une pension annuelle supérieure au seuil de 300 000 euros et exonérée de cotisations.
À titre d'exemple, l'actuel président du conseil d'administration de L'Oréal pourrait prétendre à une retraite chapeau de 1,6 million d'euros par an, soit 88 fois la pension moyenne d'un Français ou d'une Française. Par conséquent, nous proposons de renforcer la taxation de ces retraites chapeaux, qui relèvent des articles 82 et 83 du code général des impôts.
S'il est vrai que le Conseil constitutionnel avait censuré, en 2012, une contribution établie à 21 %, il l'avait fait parce que s'appliquait alors l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Cette hypothèque ayant été levée par la suppression de l'ISF, nous pouvons trouver là une mesure de justice sociale et des recettes supplémentaires pour la sécurité sociale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter l'amendement n° 1670.
Mme Annie Le Houerou. Nous voulons augmenter les recettes sans imposer les ménages aux revenus modestes, afin de rétablir l'équilibre du budget de la sécurité sociale et d'assurer des dépenses nouvelles pour les retraites, les hôpitaux, les Ehpad et les crèches. À cette fin, nous proposons d'intervenir sur les retraites chapeaux.
Environ 3 800 entreprises appliquent un tel dispositif, dont profitent plus de 200 000 salariés en France selon la Drees. Le rapport entre ces deux chiffres démontre que ce dispositif est principalement mobilisé par de grandes entreprises, ce qui crée un avantage comparatif par rapport au tissu français des TPE et PME.
Plus d'un bénéficiaire sur deux a plus de 70 ans, plus d'un tiers a plus de 80 ans, et ils disposent d'une rente moyenne de 5 900 euros par an. La moyenne serait donc de presque 500 euros par mois ; or deux tiers des rentes versées sont supérieures à 2 000 euros.
Lorsqu'il a quitté son poste de président d'Airbus en 2019, Tom Enders s'est vu attribuer une retraite chapeau annuelle d'un montant de 1,3 million d'euros. Dans son cas, cela s'ajoutait à des actions gratuites évaluées à l'époque à 7 millions d'euros, ainsi qu'à une indemnité de non-concurrence de 3,2 millions d'euros.
De même, en 2005, Pierre Richard, directeur général de Dexia, une banque en faillite, s'est vu attribuer 600 000 euros par an de retraite chapeau. Et je pourrais vous donner de nombreux autres exemples.
Il est évident que la limitation à 30 % de la rémunération annuelle n'est pas efficace pour lutter contre ces montants, qui bénéficient d'une fiscalité très avantageuse. En France, la somme totale des prestations de retraite chapeau s'élève à 700 millions d'euros pour l'année 2022.
Cet amendement vise donc à supprimer les avantages des retraites chapeaux pour les montants supérieurs à 10 000 euros annuels, et non plus 24 000 euros. C'est une mesure de justice.
Mme la présidente. L'amendement n° 929, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le huitième alinéa est ainsi modifié :
a) Le montant : « 600 € » est remplacé par le montant : « 1 000 € » ;
b) Le montant : « 24 000 € » est remplacé par le montant : « 10 000 € » ;
2° Au neuvième alinéa, le montant : « 24 000 € » est remplacé par le montant : « 10 000 € ».
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je tiens tout de suite à préciser et le seuil et le taux que nous proposons.
Pour ce qui est du seuil, nous proposons 10 000 euros par mois : cela ne concerne donc pas ceux des 200 000 bénéficiaires qui perçoivent des retraites chapeaux dans la moyenne.
En ce qui concerne le taux, nous proposons d'instaurer une taxation à hauteur de 21 %, ce qui est tout simplement le taux normal du forfait social. Ce n'est donc en aucun cas confiscatoire, sauf à considérer que le forfait social l'est. Nous formulons donc une demande très modeste.
Je tiens à souligner qu'il s'agit d'une rente. Certes, les bénéficiaires sont issus de grandes entreprises, mais celles-ci doivent payer leur pension pendant tout le reste de leur vie. Une personne percevant un salaire annuel de 2 millions d'euros qui profiterait du dispositif représenterait, pour son entreprise, un engagement de 6 millions d'euros. Il faut que vous soyez sensibles à la charge que représente, pour les entreprises, un tel engagement ! Il est temps d'alléger ces charges…
Nous visons en particulier les PDG des plus grandes entreprises du CAC 40, qui gagnent 117 fois plus que le salaire moyen de leurs salariés. Il est grand temps de revenir à quelque chose de raisonnable : un taux de 21 % et un seuil de 10 000 euros mensuels.
J'évoque l'engagement de l'entreprise sur un ton légèrement humoristique, mais les sommes sont très importantes. Il s'agit non pas seulement d'une gratification versée lors du départ de la personne concernée, mais d'un engagement jusqu'à son décès, qui peut atteindre, dans l'exemple que j'ai pris, 6 millions d'euros, en se fondant sur une espérance de vie moyenne de vingt ans, ce qui n'est pas excessif.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je suis d'accord avec vous, chers collègues, ces amendements-là sont plus raisonnables.
Mme Raymonde Poncet Monge. Ce n'est pas méchant !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ils visent à renforcer la taxation des retraites chapeaux, en abaissant le seuil de la tranche supérieure de la contribution du bénéficiaire de 24 000 à 10 000 euros par mois.
Pour mémoire, cette contribution comprend une tranche taxée à 7 %, une tranche taxée à 14 % et une tranche taxée à 21 %. Il est donc question d'appliquer la tranche à 21 % à partir de 10 000 euros par mois au lieu de 24 000 euros par mois. Les retraites chapeaux sont des rentes viagères versées par les entreprises à certains salariés. Ce dispositif est actuellement exonéré de cotisations sociales et de CSG.
En revanche, le rendement de cette mesure n'est pas chiffré.
Mme Raymonde Poncet Monge. Ce n'est pas moi qui fais tourner les modèles !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Pour tout vous dire, parmi toutes les propositions que vous faites, qui ne me choquent pas particulièrement, nous avons été davantage convaincus par l'amendement n° 1678 de Mme Le Houerou. Celui-ci affichant un rendement chiffré, il est plus facile de le voter.
La commission émet donc un avis défavorable sur les deux amendements identiques et sur l'amendement n° 929.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Que l'on ne s'y méprenne pas, je ne voudrais pas passer pour un défenseur acharné des retraites chapeaux.
Il convient toutefois de préciser que, si l'expression comprend le mot « retraite », il s'agit non pas d'une retraite à proprement parler, mais d'un élément de rémunération que les conseils d'administration décident d'attribuer à leurs dirigeants. Ce ne sont pas les caisses de retraite qui payent les retraites chapeaux.
Mme Raymonde Poncet Monge. Alors, taxons-les !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Elles sont déjà taxées, et c'est bien le problème. Si ce n'était pas le cas, vos amendements seraient peut-être recevables aux yeux du Conseil constitutionnel, qui se prononce sur le caractère confiscatoire de la taxation.
En effet, les taxes s'additionnent. Premièrement, les bénéficiaires payent un impôt sur le revenu élevé, puisqu'ils se situent dans les tranches supérieures. Deuxièmement, ils font l'objet de prélèvements sociaux. Troisièmement, ils devraient s'acquitter de cette contribution salariale de 21 %.
Si nous additionnons ces trois niveaux de taxation, nous aboutissons à une imposition de 75,34 %. Je crains que ce chiffre puisse être considéré comme confiscatoire.
Mme Sophie Primas. Voilà !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Aussi, le caractère constitutionnel de ces amendements me semble douteux.
Je le redis, je ne défends pas bec et ongles le concept de retraite chapeau, mais, en l'état, je me dois d'émettre un avis défavorable sur ces deux amendements identiques et sur l'amendement n° 929.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1153 et 1670.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 929.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 903, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L'article L. 137-15 est ainsi modifié :
a) Au 3°, les mots : « indemnités de licenciement, de mise à la retraite ainsi que de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi et des » sont supprimés ;
b) Le dernier alinéa est supprimé ;
2° Les troisième à dernier alinéas de l'article L. 137-16 du code de la sécurité sociale sont supprimés.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je le répète, en cinq ans, M. Macron a fait 8 milliards d'euros de cadeaux fiscaux sur les compléments de salaire. À supposer même que l'amendement n° 1678 soit adopté, comme cela semble devoir être le cas, il faudrait deux siècles pour récupérer cette somme !
La perte de recettes massives pour la sécurité sociale est due en partie à l'abaissement des forfaits sociaux – qui a aussi été décidé sous la présidence de M. Macron –, mais également à la disparité des taux de forfait social appliqués aux différents dispositifs, sans justification réelle dans la plupart des cas.
La Cour des comptes, dans son dernier rapport sur l'épargne retraite, estime le coût pour les finances publiques de ces déductions fiscales à au moins 1,8 milliard d'euros en 2022. Ce dont nous parlons, c'est de retraites par capitalisation. Je vous laisse mesurer ce que ce moyen d'épargne, qu'il faut tout de même subventionner, coûte aux finances publiques, alors qu'il ne profite qu'à une population restreinte – les bénéficiaires sont aisés et âgés – et n'apporte aucune contribution réelle au financement de l'économie.
C'est pourquoi la Cour des comptes, dans le chapitre consacré aux niches sociales relatives aux compléments de salaire de son rapport sur l'application des lois de finances de 2024, recommande de rétablir une cohérence entre les différents taux de forfait social en instaurant une convergence vers le taux normal de 20 % – d'où mon précédent amendement. Cette recommandation a été reprise dans le rapport intitulé Pour un redressement durable de la sécurité sociale, remis par les trois Hauts Conseils. Mais on ne les écoute pas…
En conséquence, cet amendement vise à rapprocher le taux de forfait social du taux de 20 %. Ainsi, les sommes versées sur un plan d'épargne retraite en entreprise, actuellement soumises à un taux de 16 %, passeraient à 20 %, de même que les indemnités de licenciement ou de mise à la retraite et tous les compléments que j'ai mentionnés précédemment, dont certains sont actuellement taxés à 0 %. Cette mesure porterait étalement sur l'abondement et les versements unilatéraux de l'employeur visant l'acquisition de titres de l'entreprise, qui sont actuellement soumises à un taux de 10 %.
Et je peux même vous donner le rendement de cette mesure, donc vous n'avez plus d'excuse pour ne pas l'adopter : il est estimé, en première analyse, à 1 milliard d'euros, à comportement constant.
Mme la présidente. L'amendement n° 902, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale est supprimé.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je ne fais que reprendre ce que défendent les trois Hauts Conseils et la Cour des comptes. Il serait temps ! Hier, la ministre nous a dit suivre les recommandations du rapport « Charges et produits » pour 2026 de la Caisse nationale de l'assurance maladie ; j'aimerais l'on suive aussi celles des Hauts Conseils et de la Cour !
Selon cette dernière, l'exemption d'assiette dont font l'objet les dispositifs de partage de la valeur est très insuffisamment compensée à cause de l'abaissement des forfaits sociaux, ce qui grève les recettes de la sécurité sociale. Les taux ont été réduits pour renforcer, paraît-il, l'attractivité des dispositifs.
On peut dire que cela a été efficace : les pertes de recettes relatives aux compléments de salaire exonérés et non compensés s'élèvent à près de 19 milliards d'euros. Entre 2018 et 2022, ils ont augmenté de 8 milliards d'euros, tandis que le déficit de la sécurité sociale augmentait de 6 milliards d'euros.
Ces dispositifs tendent à se substituer aux augmentations de salaire : ce constat est dressé dans l'annexe 4 du présent texte. Le Conseil d'analyse économique (CAE) l'a d'ailleurs démontré dès 2023.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 a supprimé le forfait social sur l'intéressement dans les entreprises de moins de 250 salariés. Or aucune compensation n'a été prévue, par dérogation à la loi Veil. La branche vieillesse s'en trouve affectée et le principe d'équilibre des comptes sociaux est remis en cause.
Dans un rapport de 2024, la Cour des comptes préconise un alignement de l'ensemble des dispositifs d'épargne salariale sur le même taux social. Quant au Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), il recommande également de mettre fin à cette exonération pour les entreprises de moins de 250 salariés.
En conséquence, nous proposons de revenir au dispositif antérieur, en assujettissant les primes d'intéressement dans les entreprises de moins de 250 salariés. Les gains potentiels d'une telle mesure sont estimés à 500 millions d'euros.
Mes chers collègues, ce n'est pas un amendement de Raymonde Poncet Monge ni même du groupe écologiste : ces dispositions sont préconisées par les nombreux rapports que je vous ai cités.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° 953, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au dernier alinéa de l'article L. 137-16 du code de la sécurité sociale, le taux : « 16 % » est remplacé par le taux : « 30 % ».
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. J'ai l'impression que tout le monde ici ne lit pas les rapports de la Cour des comptes…
M. Patrick Kanner. Mais si ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
Mme Raymonde Poncet Monge. … et des trois Hauts Conseils. Certains semblent, de même, ignorer en partie le contenu de l'annexe 4. Je vous propose donc, en somme, un moment d'information ! (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
L'attrition subie au cours des dernières années par les recettes de la sécurité sociale découle de la baisse des taux du forfait social, appliquée aux différents dispositifs exemptés d'assiette. Ainsi, les sommes versées au titre d'un plan d'épargne retraite – on parle bien de capitalisation ! – font l'objet d'une défiscalisation et d'un taux de forfait social dérogatoire de 16 %.
L'épargne retraite a été encouragée par la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte. Or, selon les dernières évaluations disponibles – je pense notamment au dernier rapport que la Cour des comptes a consacré à ce dispositif –, « les déductions fiscales dont bénéficie l'épargne retraite représentent un coût pour les finances publiques » estimé à 1,8 milliard d'euros. Ce n'est tout de même pas un détail, d'autant qu'in fine ces avantages bénéficient toujours aux mêmes.
Cette épargne, à laquelle la loi Pacte a donné un essor significatif, constitue une niche fiscale et sociale contribuant à grever les comptes publics chaque année, sans entraîner en parallèle la moindre retombée économique.
En instaurant un taux de forfait social supérieur sur ces dispositifs d'épargne retraite, qui, je le répète, sont des systèmes de capitalisation, l'on assurera une forme de réajustement en limitant les pertes de recettes pour les comptes sociaux.
Particulièrement développée dans les grandes entreprises, l'épargne retraite bénéficie avant tout aux salariés les plus aisés.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Chère collègue, je salue votre travail, mais vous ne pouvez pas sous-entendre que certains de nos collègues ne lisent pas les rapports de la Cour des comptes…
Mme Brigitte Micouleau. En effet !
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Merci !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. … et qu'ils doivent, de ce fait, en guise de punition, vous écouter. Nous recevons et consultons tous ces documents, en commençant par les sujets que nous sommes plus particulièrement appelés à étudier. Revoyez, je vous prie, vos propos.
En tout cas, nous, nous avons lu avec attention vos amendements, qui reçoivent de notre part un avis défavorable. En effet – je dirai pourquoi dans la suite de cette discussion –, sur ces questions, nous privilégions un autre amendement, déposé par Mme Le Houerou.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Madame la sénatrice, vous abordez là un sujet fondamental, qui pourrait nous occuper plusieurs heures : l'équilibre, par définition difficile à trouver, entre cotisations et pouvoir d'achat.
Pour que la sécurité sociale vive, on a besoin de cotisations : sur ce point, on ne peut qu'être d'accord avec vous. Mais – les Français nous le disent – le pouvoir d'achat compte aussi.
Nos concitoyens ont aussi envie que l'on améliore leur pouvoir d'achat. (Mme Émilienne Poumirol s'exclame.)
L'équilibre est d'autant moins facile à trouver que les dispositifs que vous souhaitez remettre en question, ou dont vous proposez d'alourdir la fiscalité, tendent largement à encourager la valeur travail.
Pour ma part, en tant que ministre du travail, je suis favorable à tout ce qui vient récompenser les efforts accomplis par un travailleur et les résultats qu'il a obtenus.
Il me semble sain de lier la rémunération des salariés aux résultats de l'entreprise : c'est grâce à ses salariés qu'une entreprise obtient des succès. À mon sens, l'intéressement et la participation sont donc des dispositifs vertueux. Ils permettent d'améliorer la rémunération des salariés en fonction des résultats obtenus, dans les petites entreprises comme dans les grandes. (Protestations sur les travées du groupe GEST.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Ce n'est pas vrai !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. On a bien sûr le droit de penser le contraire ; en tout cas, c'est ma conviction.
J'ajoute qu'il faut tenir compte d'un certain nombre de situations difficiles. Quand une entreprise est malheureusement contrainte de licencier, quand elle doit recourir à un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) et solliciter des départs volontaires, cela fait sens d'alléger la charge fiscale. Chacun peut concevoir que, dans ces moments-là, un effort de réduction des cotisations a de la valeur pour les personnes concernées.
Enfin, il faut encourager tout ce qui permet aux salariés de se constituer un pécule, avant de le faire fructifier en vue d'une acquisition immobilière ou peut-être même pour leur retraite : en ce sens, les mécanismes dont nous parlons sont également intéressants. C'est aussi la vocation des dispositifs de réduction fiscale que vous visez.
Je le répète, vous soulevez là une question fondamentale, mais en l'occurrence, pour toutes les raisons que je viens d'indiquer, il ne me semble pas souhaitable d'alourdir les cotisations. Les dispositifs dont nous parlons sont vertueux et utiles pour les salariés. Aussi, je suis défavorable à ces trois amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Nous voterons les amendements présentés par Raymonde Poncet Monge.
Monsieur le ministre, les pistes que vous tracez me semblent extrêmement dangereuses ; je me demande si vous n'avez pas commis une erreur de langage, ce qui peut nous arriver à tous – auquel cas, il vous appartiendra de clarifier votre pensée –, ou si vos propos traduisent réellement votre pensée.
Vous dites qu'il faut rechercher un équilibre entre cotisations sociales et pouvoir d'achat, et je vois bien que ce discours progresse : finalement, pour que nos concitoyens gagnent en pouvoir d'achat, il faudrait réduire les cotisations sociales des salariés, voire des employeurs, car ces derniers pourraient ainsi augmenter les salaires. Mais les cotisations sociales sont de facto du salaire différé,…
M. Patrick Kanner. C'est vrai !
Mme Céline Brulin. … socialisé. C'est le fondement même de la sécurité sociale. Je parle de ces cotisations dans leur ensemble, qu'elles soient versées par les salariés ou par les employeurs.
On voit donc se profiler une forme de marché de dupes, que l'on peut résumer ainsi : « On va vous prendre une partie de votre salaire différé, puis, généreusement, on vous en restituera une autre partie en pouvoir d'achat. » Mais, au passage, on aura réduit la protection sociale, on aura repoussé l'âge de la retraite et pris tant d'autres mesures que nous connaissons bien.
Ce salaire socialisé différé, c'est le fruit du compromis social de 1945, qui a tout de même une autre allure que les petits arrangements que l'on nous vend ici ou là…
De même, vous avancez que les défiscalisations permettent aux salariés d'obtenir un pécule pour financer leur retraite. Pour ma part, je m'interroge : si tel est votre projet de société comme nouveau ministre du travail, mieux vaut en informer les Français très rapidement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Mes chers collègues, je retire ce que j'ai dit tout à l'heure au sujet de la lecture des différents rapports…
Mme Marie-Do Aeschlimann. Merci !
Mme Raymonde Poncet Monge. Cela étant, il faut bien comprendre que les baisses ou exonérations de cotisations, surtout si elles sont mal compensées, ce sont des baisser de salaire, tout simplement.
Certains prétendent augmenter les salaires en réduisant la CSG : en fin de compte, ils baissent le salaire socialisé, celui sur lequel s'appuie la sécurité sociale.
Monsieur le ministre, c'est dans le salaire que réside le pouvoir d'achat des salariés. C'est dans une politique salariale qu'il doit être recherché. À ce titre, puisque vous ouvrez de nombreuses concertations, j'observe qu'une petite conférence sur les salaires ferait du bien ! Vous verriez à cette occasion – mais vous devez déjà le savoir – que tous ces éléments de rémunération, y compris la retraite par capitalisation, viennent en fait se substituer au salaire. L'Insee vous le dit, le CAE vous le dit.
En suivant une telle logique, pourquoi augmenter les salaires ? Il suffit de créer des primes de partage de la valeur ou que sais-je encore. En quatre ans, le coût de ces dispositifs a atteint 8 milliards d'euros et, dans certains cas, l'effet substitutif atteint 40 %.
La courbe des cotisations au régime de la garantie des salaires se brise clairement en 2017, lors de la création de ces différents dispositifs ; et si l'on ajoute leur coût au montant considéré, l'on retrouve la tendance antérieure.
Si les employeurs ne peuvent pas augmenter leur taux de cotisation retraite au motif qu'un tel effort n'est pas supportable, il n'y a pas lieu de les subventionner pour qu'ils fassent de la retraite par capitalisation. Qu'on le veuille ou non, il faudra toujours des ressources, du côté des salariés comme des entreprises.
Vous ne voulez décidément pas récupérer une partie des 8 milliards d'euros donnés en quatre ans via ces dispositifs,…
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Raymonde Poncet Monge. … mais, dans ce cas, ne venez pas parler des déficits de la sécurité sociale.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 903.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 902.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 953.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 952, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre 7 du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au 3° de l'article L. 137-15, les mots : « et aux 5° et 7° de l'article L. 1237-19-1 du même code » sont supprimés ;
2° Le deuxième alinéa de l'article L. 137-16 est complété par les mots : « et des indemnités mentionnées aux 5° et 7° de l'article L. 1237-19-1 du même code ».
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Il est fait de plus en plus recours, notamment par les grands groupes, aux ruptures conventionnelles collectives (RCC), lesquelles ont été instituées par les ordonnances Travail en 2017, qui est vraiment l'année « magique » en la matière.
Par exemple, en septembre dernier, Microsoft a annoncé vouloir se séparer de 10 % de ses employés en France, au sein de sa filiale française Redmond : ce groupe a opté pour la rupture conventionnelle collective, à laquelle il a déjà eu recours au sein de sa maison mère.
Si cette procédure est privilégiée, c'est parce qu'elle est bien plus facile à mettre en œuvre qu'un plan de sauvegarde de l'emploi ; parce qu'elle flexibilise les relations de travail et qu'elle est assortie de moins d'obligations. L'entreprise n'a pas à fournir de motif économique pour enclencher le processus. En outre, elle n'a aucune obligation de reclassement des salariés, qui ne bénéficient pas non plus du contrat de sécurisation professionnelle (CSP), obligatoire en cas de PSE.
Certes, le Conseil d'État a statué en 2023, en rappelant qu'un accord collectif de rupture conventionnelle collective ne peut pas être validé s'il vise à se substituer à un PSE. Mais, selon la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), la baisse du recours aux PSE « constatée à partir de 2019 peut notamment s'expliquer par l'entrée en vigueur en janvier 2018 du dispositif de rupture conventionnelle collective ». Après deux ou trois ans, les statistiques publiques viennent toujours confirmer les alertes que nous lançons lors de la création des dispositifs auxquels nous nous opposons.
Malgré les garde-fous juridiques institués, ces ruptures conventionnelles viennent en partie se substituer à des PSE : le fait est avéré.
J'ajoute que ce dispositif n'est pas assujetti au forfait social, contrairement à la rupture conventionnelle individuelle. En résulte, de fait, un manque à gagner pour la sécurité sociale.
Le Gouvernement tente actuellement d'endiguer le recours aux ruptures conventionnelles individuelles. Dans la même logique, nous proposons d'assujettir les ruptures conventionnelles collectives au forfait social au taux le plus faible, à savoir 8 %, du moins dans un premier temps. On pourrait ainsi lutter contre l'effet d'aubaine observé…
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Raymonde Poncet Monge. Ce faisant, l'on fournirait des recettes supplémentaires aux comptes sociaux.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Les auteurs de cet amendement souhaitent soumettre au forfait social les ruptures conventionnelles collectives, au motif que les ruptures conventionnelles individuelles y sont assujetties.
Or les ruptures conventionnelles collectives permettent aux employeurs de répondre à l'évolution de leur activité, dans le respect du volontariat des salariés.
L'accord conclu doit être validé par l'administration. En outre, les ruptures conventionnelles collectives sont déjà soumises à cotisations sociales, au-delà d'un plafond équivalant à deux fois le plafond annuel de la sécurité sociale (Pass). Ce niveau de cotisations nous semble équilibré.
Aussi, sans surprise, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Madame la sénatrice, la rupture conventionnelle collective et la rupture conventionnelle individuelle s'inscrivent bel et bien dans deux cadres distincts : nous parlons de deux catégories différentes.
La rupture conventionnelle collective est mise en œuvre quand les entreprises vont mal : nous ne parlons pas de sociétés qui gagnent beaucoup d'argent et dans lesquelles l'enjeu est le partage de la valeur.
Face à des difficultés sérieuses, les entreprises dont il s'agit doivent se résoudre à réduire leur masse salariale (Mme Raymonde Poncet Monge proteste.) et, partant, convaincre un certain nombre de salariés de partir. Dans un tel contexte économique, alourdir encore leurs charges n'est peut-être pas le meilleur service à leur rendre… Je ne saurais donc vous suivre.
Cela étant, je vous accorde que nous manquons du recul nécessaire sur un certain nombre de sujets : c'est ce qui me frappe à mesure qu'avance l'examen du budget.
Je ne manquerai pas de me pencher sur ces questions, si le Parlement me permet de le faire… (Exclamations.)
Mme Émilienne Poumirol. Si d'aventure… (Sourires.)
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis à votre disposition pour travailler le dossier des ruptures conventionnelles collectives. J'ai été frappé de constater que les montants versés dans ce cadre sont bien plus importants qu'en cas de licenciement : ce sujet mérite peut-être lui aussi d'être étudié.
Dans l'ensemble, il faut sans doute analyser les ruptures conventionnelles collectives dans leurs différents aspects sociaux et fiscaux : je vous le concède volontiers. Mais ce travail suppose un tant soit peu de recul et, malheureusement, j'ai manqué de temps pour le mener.
Pour les raisons indiquées, le Gouvernement émet à son tour un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 952.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 904, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article L. 137-16 du code de la sécurité sociale, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 30 % ».
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Défendu ! (Exclamations amusées sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 904.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 1683, présenté par Mmes Poumirol et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le mot : « employées », la fin du premier alinéa du III de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé : « par les structures suivantes : »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Émilienne Poumirol.
Mme Émilienne Poumirol. Mes chers collègues, avec cet amendement, nous changeons complètement de sujet.
Vous savez que, par principe, nous ne sommes pas favorables aux baisses de cotisations. Mais il se trouve que nous avons voté l'année dernière à une très large majorité, peut-être même à l'unanimité, une exonération de cotisations patronales sur les rémunérations des aides à domicile.
Cette exonération s'applique actuellement aux centres intercommunaux d'action sociale (CIAS), mais non aux syndicats intercommunaux d'action sociale (SIAS). Les premiers couvrent, en général, une seule intercommunalité. En revanche, les seconds s'étendent sauf exception à plusieurs intercommunalités. Elles se trouvent donc très souvent dans le monde rural.
L'an dernier, nous avons pris soin de rapprocher les règles applicables à ces différentes structures. Les dispositions dont il s'agit sont devenues l'article 16 de la LFSS pour 2025.
Toutefois, nous n'avons à l'évidence pas assez bien étudié le dossier : finalement, seule une partie des personnels employés par les SIAS a bénéficié de ces dispositions, à savoir leurs agents sous statut contractuel. Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les syndicats mixtes fermés peuvent désormais bénéficier, comme les CIAS, d'une exonération auprès de l'Urssaf pour les salaires des contractuels, mais pas pour ceux des fonctionnaires, qui, eux, cotisent à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).
Malgré notre vote unanime de l'an dernier, l'article 16 de la LFSS pour 2025 n'a en effet pas modifié la liste des employeurs éligibles. Le dispositif reste, dès lors, circonscrit aux centres communaux d'action sociale (CCAS) et aux CIAS. C'est particulièrement injuste pour les SIAS : leur équilibre financier s'en trouve mis à mal. De plus – j'y insiste –, ces structures jouent exactement le même rôle. Elles emploient des aides à domicile assurant le soutien et l'accompagnement de personnes âgées en perte d'autonomie.
Les quelques SIAS de notre pays sont, pour l'essentiel, dans les territoires ruraux. Cet amendement vise à leur étendre l'exonération consentie aux CIAS.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ma chère collègue, vous proposez d'étendre aux aides à domicile fonctionnaires l'exonération de cotisations employeur dont bénéficient certaines structures pour leurs aides à domicile contractuelles. En ce sens, ces dispositions diffèrent de celles que nous avons adoptées l'année dernière.
En vertu du droit actuel, sont exonérées de cotisations patronales de sécurité sociale « les rémunérations versées aux aides à domicile employées sous contrat à durée indéterminée (CDI) ou sous contrat à durée déterminée (CDD) pour remplacer les salariés absents ou dont le contrat de travail est suspendu », au sein de diverses structures.
Adoptées sur l'initiative du Sénat, avec un avis favorable de la commission et un avis défavorable du Gouvernement, les dispositions de l'article 16 de la LFSS pour 2025 s'appliquent aux syndicats mixtes fermés et aux EPCI. Vous proposez d'aller encore plus loin en supprimant l'exigence de CDD ou de CDI pour étendre l'exonération aux fonctionnaires.
On peut toutefois s'interroger sur le bien-fondé de cet amendement. En effet, la rémunération des fonctionnaires obéit à des règles spécifiques. On ne peut pas la comparer à celle des salariés de droit privé.
Par ailleurs, voter de telles dispositions reviendrait à mettre le doigt dans un engrenage : il semble dangereux d'instaurer des réductions de cotisations employeur pour des fonctionnaires.
Aussi, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Madame la sénatrice, si je comprends bien, vous voulez mettre plus de monde dans la niche (Sourires.) créée via la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
Mme Émilienne Poumirol. Ce n'est pas grand-chose !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Comme l'a relevé Mme la rapporteure générale, le Gouvernement n'était pas très favorable à cette exonération l'année dernière ; son objectif est de supprimer des niches, non d'en créer ou d'étendre les niches existantes.
Mme Émilienne Poumirol. Nous parlons du rural !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. En outre, selon nous, l'extension de l'exonération de la cotisation vieillesse à la CNRACL n'est pas justifiée. Nous parlons de fonctionnaires territoriaux, qui, par définition, ne sont pas exposés au risque de perte d'emploi. Or tel est précisément l'objet des dispositifs d'allègement de cotisations sociales.
Enfin, il s'agit d'un transfert de charges entre les collectivités territoriales et l'État, qui compense à la sécurité sociale le coût de ce dispositif. C'est notamment pourquoi, l'année dernière, mon prédécesseur n'était guère favorable à cette mesure.
L'État doit être aux côtés des collectivités territoriales, à coup sûr, mais – nous ne manquons pas de le dire aux associations d'élus locaux – chacun doit participer à l'effort de redressement des comptes publics.
Pour ces raisons, je ne puis qu'émettre un avis défavorable sur votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Madame la rapporteure générale, monsieur le ministre, dans la mesure où ils ne couvrent qu'une seule intercommunalité, les CIAS se concentrent dans les grandes agglomérations. C'est là où il y a beaucoup de population que l'on peut déployer un service d'aide à domicile à l'échelle d'une intercommunalité.
Le personnel des CIAS est exonéré, alors qu'il est composé de fonctionnaires. À l'inverse, les SIAS, qui couvrent plusieurs intercommunalités, essentiellement dans le monde rural, ne bénéficient pas de cette exonération. C'est parfaitement injuste.
Je ne suis pas du tout d'accord avec votre raisonnement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1683.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1164, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les 1°, 2° et 6° du II de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale sont abrogés.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Nous proposons à nouveau d'accroître les recettes de la sécurité sociale tout en incitant les entreprises à augmenter les salaires, plutôt que de recourir à d'autres formes de rémunération.
Cet amendement tend ainsi à soumettre à cotisations sociales les dividendes, l'intéressement et la participation, ainsi que les plus-values de levée-vente d'actions. Une telle mesure a été adoptée par l'Assemblée nationale lors de l'examen du PLFSS pour 2025.
Les dispositifs de participation et d'intéressement, ainsi que les plans d'épargne entreprise, représentent pour la sécurité sociale un coût de 2,2 milliards d'euros, qui n'est pas compensé par l'État.
Ces compléments de salaire se sont peu à peu substitués au salaire de base. Le mouvement s'est fortement accéléré au cours des dernières années, aggravant l'érosion de la base contributive des cotisations sociales.
Selon la Cour des comptes, la dynamique récente des compléments de salaire a entraîné une augmentation de la perte nette de recettes équivalant à la hausse du déficit de la sécurité sociale constatée entre 2018 et 2022, soit 18 milliards d'euros.
Si l'intéressement et la participation ne sont pas soumis à cotisations sociales, les entreprises de plus de 250 salariés sont assujetties au forfait social de 10 % ou de 16 % selon les cas. Nous proposons de soumettre aux taux normaux de cotisations sociales les dividendes, l'intéressement et la participation, ainsi que les plus-values et levées-ventes d'actions. Ce faisant, l'on dégagerait 12 milliards d'euros de recettes supplémentaires pour la sécurité sociale.
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 1171 rectifié est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
L'amendement n° 1316 rectifié est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L'amendement n° 1668 rectifié est présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 6° du II de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale est abrogé.
La parole est à Mme Silvana Silvani, pour présenter l'amendement n° 1171 rectifié.
Mme Silvana Silvani. La sécurité sociale doit être financée par la valeur créée dans notre économie.
Les analyses contemporaines confirment, à cet égard, les travaux des classiques : la valeur se répartit entre deux facteurs de production, le travail et le capital.
À la Libération, lorsque Croizat et les autres bâtisseurs de la sécurité sociale écrivent les règles de notre modèle, la part du travail tend à progresser aux dépens du capital, qui, au demeurant, est orienté vers l'investissement productif, le développement industriel et la reconstruction nationale. C'est dans ce contexte que s'installe une sécurité sociale assise sur les cotisations sociales, expression directe de la contribution du monde du travail et de la solidarité.
Aujourd'hui, cet équilibre historique n'existe plus. Le capital s'arroge une part croissante de la valeur, captant des flux de revenus de plus en plus massifs et, surtout, de moins en moins productifs. La financiarisation de l'économie a considérablement déplacé les lignes. L'investissement décroît, les dividendes atteignent des niveaux record et la part de la valeur revenant aux salariés se rétracte.
Les rachats d'actions représentent sans doute l'expression la plus nette et la plus froide de cette dérive. En effet, ils ne créent aucune richesse. Ils ne financent ni machines, ni emplois, ni innovations. Ils visent un seul objectif : faire monter mécaniquement le cours considéré pour satisfaire les actionnaires et doper les rémunérations indexées sur la performance boursière.
Mes chers collègues, ce n'est pas une lubie de la gauche, mais un simple constat. Au début de l'année 2023, le Président de la République lui-même s'indignait publiquement du « cynisme à l'œuvre » dans un certain nombre d'entreprises extrêmement prospères,…
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Silvana Silvani. … qui préfèrent « racheter leurs propres titres plutôt que d'investir ». (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) C'est une citation du chef de l'État !
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l'amendement n° 1316 rectifié.
Mme Raymonde Poncet Monge. Examinons les effets des rachats d'actions sur la vie des entreprises et sur notre économie.
En 2023 et en 2024, les rachats d'actions en France ont représenté près de 30 % à 50 % des sommes allouées aux dividendes, soit 33 milliards d'euros la première année et 25 milliards d'euros la seconde.
Le véritable objectif d'une telle pratique, au-delà de l'augmentation de la rémunération des actionnaires, réside dans la croissance du bénéfice par action, afin d'enjoliver la communication financière des entreprises. Car à qui les prévisions favorables aux entreprises concernées ainsi produites sont-elles destinées ? Aux fonds d'investissement, qui s'en servent pour définir leur allocation d'actifs ! En d'autres termes, il s'agit de donner l'impression que l'action de l'entreprise devient plus attractive, même si rien n'a changé du point de vue de la réalité économique.
Le rachat d'actions ne crée aucune valeur. Ce n'est qu'un transfert de richesse vers les actionnaires. Il ne contribue nullement à la croissance de l'entreprise par les investissements, donc à l'économie.
Le contenu de la loi du 14 février 2025 de finances pour 2025 témoigne d'une prise de conscience des dérives en la matière, avec la création d'une taxe de 8 % sur les réductions de capital par annulation de titres résultant d'un rachat par les sociétés de leurs propres titres. Cependant, le fait que la taxe soit calculée en fonction de la valeur nominale des actions en limite la portée : aujourd'hui, cela représente moins de 1 % des montants engagés, ce qui est tout de même très en deçà des attentes.
Pour notre part, nous prônons une taxation sérieuse, qui ne pénalise pas l'entreprise – rappelons que les rachats d'actions ne lui reviennent pas sous forme d'investissement – et qui va dans le sens de la solidarité : abonder les comptes sociaux profite à tous. (Marques d'impatience sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Remettons dans l'ordre dans un dispositif purement financier !
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter l'amendement n° 1668 rectifié.
Mme Annie Le Houerou. À travers ces trois amendements identiques, les groupes de la gauche sénatoriale proposent une mesure dont le bien-fondé est largement démontré : inclure les rachats d'actions dans l'assiette des cotisations. Cela permettrait d'augmenter les recettes de la sécurité sociale, à plus forte raison dans un contexte de déficit persistant.
Les rachats d'actions connaissent une progression très rapide. Ils constituent désormais un outil majeur de redistribution aux actionnaires, même s'ils sont moins connus que les dividendes. Les 425 plus grandes entreprises européennes cotées en bourse ont ainsi racheté pour 161 milliards d'euros de leurs propres actions en 2022, soit presque le double de 2021. Il s'agit donc d'un mécanisme massif, dont l'essor renforce la nécessité d'un encadrement plus juste.
Le dispositif que nous proposons a également pour objet de rétablir l'équité entre les différentes formes de rémunération. Les salariés et dirigeants qui reçoivent des actions bénéficient d'un avantage patrimonial comparable à un salaire en capital. Lorsque celui-ci n'est pas soumis aux mêmes cotisations que le salaire classique, il y a une inégalité de traitement.
Par cet amendement, nous souhaitons garantir que toutes les formes de rémunération participent de manière juste au financement collectif, notamment, des retraites, de la santé et de la protection sociale.
Mme la présidente. L'amendement n° 959 rectifié, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 137-40 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont soumis à la contribution mentionnée au premier alinéa les revenus mentionnés aux 1°, 2°, 3°, 4°, 6° et 7° du II de l'article L. 242-1, ainsi que ceux mentionnés au 2° du II de l'article L. 137-13. »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Selon le rapport Vachey : « […] l'assiette de la CSA exclut certains compléments de salaire assujettis à la CSG et la CRDS. Dans une logique d'universalité, il pourrait donc être logique que l'assiette de la contribution inclue désormais l'épargne salariale, des contributions des employeurs à la protection sociale complémentaire des salariés, les stock-options ainsi que des indemnités de rupture du contrat de travail. Cela revient, pour une grande partie, à utiliser l'assiette du forfait social pour y fixer un prélèvement de CSA. »
En parallèle, la branche autonomie reste dotée de moyens largement insuffisants pour faire face aux immenses défis de la prévention de la perte d'autonomie fonctionnelle tant des personnes âgées que des personnes en situation de handicap : besoin de dizaines de milliers d'embauches, d'une hausse sensible du taux d'encadrement dans les services et les établissements, de revalorisations salariales et d'une réforme des services d'autonomie à domicile.
Par ailleurs, selon le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss), la fameuse « boîte à outils » du Sénat – c'est d'ailleurs la première fois qu'elle est citée aujourd'hui ! –, la notion de « politiques inchangées » sur l'autonomie « pourrait être peu adaptée » s'agissant d'une branche créée seulement en 2021.
Le rapport de la Mecss continue ainsi : « Ainsi, selon les projections de 2024 de la Commission européenne, dans le cas de la France, les dépenses publiques en faveur de l'autonomie passeraient de 1,9 point du PIB en 2022 à 2,6 points de PIB en 2070 selon le scénario de référence, mais à 4,8 points de PIB selon le scénario de risque », c'est-à-dire de conformité à la moyenne européenne.
Aussi, nous souhaitons, par cet amendement, reprendre la proposition du rapport Vachey d'étendre la CSA à certains compléments de salaire, aux contributions des employeurs à la protection sociale complémentaire des salariés, aux stock-options et aux indemnités de rupture du contrat de travail. Cela rapporterait 240 millions d'euros à la branche autonomie.
Mme la présidente. L'amendement n° 1677, présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« .... – Le bénéfice des 1° à 3° du II du présent article n'est pas applicable aux travailleurs dont la rémunération est supérieure à trois fois le montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance mentionné à l'article L. 3231-2 du code du travail. »
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Cet amendement vise à supprimer les exonérations de cotisations de sécurité sociale applicables à l'intéressement, aux réserves de participation et à l'abondement versé dans le cadre des plans d'épargne salariale pour les rémunérations dépassant trois Smic.
Depuis plusieurs années, une part croissante de la rémunération des salariés prend la forme de dispositifs dits de « partage de la valeur ». Si ceux-ci peuvent constituer un complément utile, ils sont surtout, pour les plus hauts salaires, un moyen d'accroître la part variable de la rémunération non soumise à cotisations sociales, donc non génératrice de droits, notamment en matière de retraite.
Nous proposons donc qu'au-delà de trois Smic, cette part de rémunération contribue normalement au financement de notre système de retraite, comme c'est le cas des salaires classiques. C'est une question de cohérence et de justice sociale. Il n'y a pas de raison que la rémunération variable la plus élevée échappe durablement à la solidarité nationale.
Une telle mesure permettra, dans un premier temps, de renforcer l'équilibre financier du régime de retraite et, dans un second temps, d'ouvrir de nouveaux droits pour les salariés concernés, en réintégrant dans l'assiette cotisable une rémunération aujourd'hui exclue.
Selon l'économiste Michaël Zemmour, la suppression d'une telle exonération pourrait rapporter environ 3,5 milliards d'euros par an au financement des retraites. Ce n'est pas marginal ; c'est une ressource significative, pérenne et parfaitement alignée avec le principe contributif qui fonde notre modèle.
Mes chers collègues, cet amendement vise simplement à restaurer l'équité entre les différentes formes de rémunération et à consolider durablement le financement de nos retraites. Je vous invite donc à l'adopter, puisque nous cherchons des recettes.
Mme la présidente. L'amendement n° 1678, présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« .... – Les 1° à 3° du II du présent article ne sont pas applicables à la part des sommes supérieures à 6 000 euros versées sur une année civile aux travailleurs dont la rémunération est supérieure à trois fois le montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance mentionné à l'article L. 3231-2 du code du travail. »
II. – Le XIII de l'article 10 de la loi n° 2023-1107 du 29 novembre 2023 portant transposition de l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour les travailleurs dont la rémunération est supérieure à trois fois le montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance mentionné aux articles L. 3231-1 à L. 3231-12 du même code, l'exonération des cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle à la charge du salarié et de l'employeur, de la contribution prévue à l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale est applicable dans la limite de 6 000 euros par bénéficiaire et par an. » ;
2° À la deuxième phrase du deuxième alinéa, les mots : « code de la sécurité sociale » sont remplacés par les mots : « même code ».
La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Les compléments de salaire distribués au titre de l'intéressement, de la participation, de l'épargne salariale, des actions gratuites ou encore des primes de partage représentent aujourd'hui 25,4 milliards d'euros selon la Cour des comptes. Ces 25,4 milliards d'euros sont intégralement exonérés de cotisations sociales, sans le moindre plafond, y compris pour les rémunérations les plus élevées. Concrètement, cela signifie que des salariés disposant déjà de revenus très importants peuvent percevoir des sommes considérables sans verser un seul euro à la sécurité sociale. Ce n'est tenable ni du point de vue de l'équité ni pour le financement de notre modèle social.
La Cour des comptes alerte elle-même sur les effets cumulatifs de ces exemptions et sur la substitution progressive de ces compléments au salaire de base qui, eux, financent la solidarité nationale. Elle recommande donc de réduire et d'harmoniser les plafonds d'exemption en les alignant sur celui de la prime de partage de la valeur, soit 6 000 euros par an et par bénéficiaire.
C'est exactement l'objet de notre amendement : appliquer une telle limite aux salariés dont la rémunération dépasse 3 Smic, afin de mettre fin à un système dans lequel les hauts revenus captent l'essentiel des avantages fiscaux et sociaux sans participer à l'effort collectif.
Il s'agit d'une mesure de justice sociale : rétablir une contribution équitable entre les salariés, entre les entreprises, et garantir que ceux qui perçoivent les compléments de rémunération les plus importants participent, eux aussi, au financement de notre protection sociale.
Il s'agit également d'une mesure de responsabilité financière. La Cour des comptes, encore une fois, est très claire. Elle écrit que l'ampleur prise par les régimes dérogatoires pour les compléments de salaire porte atteinte aux équilibres financiers de la sécurité sociale et à l'équité du prélèvement social. Dans un contexte de déficit croissant, continuer à laisser filer ces exonérations au profit d'une minorité n'a plus aucun sens.
Renforcer l'assiette de cotisation, garantir l'équité : tel est le sens de notre proposition.
Rappel au règlement
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet, pour un rappel au règlement.
M. Michel Canévet. Mon rappel se fonde sur l'article 35 bis de notre règlement, aux termes duquel la durée d'intervention d'un sénateur en séance ne peut pas excéder deux minutes.
Plusieurs amendements viennent de nous être présentés et, à cette occasion, trois orateurs au moins se sont exprimés pendant plus de deux minutes.
Je demande que toutes les dispositions soient prises pour que chacun, par égard pour tous, respecte le temps de parole qui lui est imparti et ne fasse pas subir aux autres de tels dépassements. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Très bien !
Mme la présidente. Monsieur Canévet, je me permets quand même de vous indiquer qu'en six heures de présidence aujourd'hui, je n'ai laissé qu'une seule oratrice dépasser son temps de parole. Je pense que cela devrait vous convenir…
Cela étant, acte vous est donné de votre rappel au règlement.
2
Conférence des présidents
Mme la présidente. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents, réunie ce jour, sont consultables sur le site du Sénat.
En l'absence d'observations, je les considère comme adoptées.
Conclusions de la conférence des présidents
PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Jeudi 20 novembre 2025
À 10 h 30, 14 h 30, le soir et la nuit
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, transmis en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution, (texte n° 122, 2025-2026)
Vendredi 21 novembre 2025
À 9 h 30, 14 h 30, le soir et la nuit
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, transmis en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution (texte n° 122, 2025-2026)
Samedi 22 novembre 2025
À 9 h 30, 14 h 30, le soir et la nuit
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, transmis en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution (texte n° 122, 2025-2026)
Éventuellement, dimanche 23 novembre 2025
À 9 h 30, 14 h 30, le soir et la nuit
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, transmis en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution (texte n° 122, 2025-2026)
Lundi 24 novembre 2025
À 10 h 30, 14 h 30, le soir et la nuit
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, transmis en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution (texte n° 122, 2025-2026)
Mardi 25 novembre 2025
À 14 h 30, le soir et la nuit
- Désignation des 19 membres de la commission d'enquête sur les marges des industriels et de la grande distribution (droit de tirage du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires)
• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à cette commission d'enquête : mercredi 19 novembre à 16 heures
- Projet de loi, rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de finances de fin de gestion pour 2025 (n° 132, 2025-2026)
Ce texte a été envoyé à la commission des finances.
• Réunion de la commission pour le rapport : mercredi 19 novembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 24 novembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 25 novembre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 24 novembre à 15 heures
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, transmis en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution (texte n° 122, 2025-2026)
SEMAINE DE CONTRÔLE
Mercredi 26 novembre 2025
À 15 heures
- Questions d'actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l'inscription des auteurs de questions : mercredi 26 novembre à 11 heures
À 16 h 30
- Explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, transmis en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution (texte n° 122, 2025-2026)
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d'un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : mardi 25 novembre à 15 heures
• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mercredi 26 novembre à 12 h 30
- Débat sur l'avenir de la filière automobile (demande du groupe Les Républicains)
• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Possibilité pour le Gouvernement de prendre la parole après chaque orateur pour une durée de 2 minutes ; possibilité pour l'orateur de répliquer pendant 1 minute
• Temps de réponse du Gouvernement : 5 minutes
• Conclusion par le groupe Les Républicains : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 25 novembre à 15 heures
À 21 heures
- Débat sur l'accès à la culture dans les territoires ruraux (demande du GEST)
• Temps attribué au groupe Écologiste – Solidarité et Territoires : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions réponses :
2 minutes, y compris la réplique
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
Possibilité pour le Gouvernement de répondre à une réplique pendant 1 minute et à l'auteur de la question de répondre de nouveau pendant 1 minute
• Conclusion par le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 25 novembre à 15 heures
L'ordre du jour des séances consacrées à l'examen du projet de loi de finances pour 2026 et de la semaine sénatoriale du 15 décembre 2025 sera établi par la conférence des présidents qui se réunira le lundi 24 novembre 2025.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt et une heures quarante, sous la présidence de M. Loïc Hervé.)
PRÉSIDENCE DE M. Loïc Hervé
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Financement de la sécurité sociale pour 2026
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l'examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 8.
Après l'article 8 (suite)
M. le président. Je rappelle que sept amendements faisant l'objet d'une discussion, à savoir l'amendement n° 1164, les amendements identiques nos 1171 rectifié, 1316 rectifié et 1668 rectifié, ainsi que les amendements nos 959 rectifié, 1677 et 1678 ont été présentés avant la suspension.
Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Comme nous ne cessons de le répéter depuis le début de nos travaux, nous cherchons des recettes. Le Gouvernement a clairement indiqué qu'il en cherchait également, et les pistes qu'il a évoquées nous enthousiasment plus ou moins selon les cas…
La commission émet un avis défavorable sur les amendements qui viennent d'être présentés. Simplement, comme nos collègues m'entendent chaque année sur le sujet, je préfère pour cette fois laisser M. le ministre détailler les motivations de cet avis défavorable.
Je fais toutefois une exception pour l'amendement n° 1678, sur lequel je solliciterai l'avis du Gouvernement. En effet, la piste envisagée par les auteurs de cet amendement me semble intéressante. Certes, le dispositif proposé n'est sans doute pas parfait. Mais il pourrait s'agir d'une base de négociations en commission mixte paritaire – ce n'est donc pas neutre – entre les dispositions que les députés voudront réintroduire et les mesures sur les recettes que nous proposons. Je suis donc curieuse de connaître l'avis du Gouvernement sur cet amendement. Nos collègues proposent de placer le curseur à trois Smic ; je pense que l'on peut sans doute envisager d'autres barèmes. Mais, sur le fond, l'idée nous convient.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités. Je remercie Mme la rapporteure générale de me laisser le soin de répondre ; il faut bien que je travaille ! (Sourires.)
Si les mécanismes envisagés diffèrent parfois, ces différents amendements renvoient tous à une même thématique, que nous avons d'ailleurs déjà effleurée cet après-midi : faut-il taxer ou soumettre à cotisations – et, si oui, dans quelles proportions ? – un certain nombre d'éléments complémentaires à la rémunération qui sont utilisés dans les entreprises ? Il s'agit notamment des dispositifs de partage de la valeur ou d'association des personnels aux résultats, qui ont pour objet de garder les meilleurs éléments, voire d'en faire des locomotives de la réussite de l'entreprise, dans un système économique avant tout concurrentiel.
L'expérience montre d'ailleurs que ces dispositifs fonctionnent. Les salariés concernés, qu'ils soient cadres ou non, ingénieurs ou non, apprécient les instruments d'amélioration de la rémunération qui ont pu être utilisés dans les entreprises au cours de ces dernières années.
Le Gouvernement reconnaît que les intentions des auteurs de ces différents amendements – trouver des recettes supplémentaires pour la sécurité sociale – sont louables. Pour autant, il lui appartient d'évaluer ces différentes propositions pour choisir de les retenir au pas.
L'amendement n° 1164 vise à inclure l'intéressement, la participation, les actions gratuites et les stock-options dans l'assiette des cotisations sociales. Si nous partageons certains des diagnostics des auteurs de l'amendement, nous estimons que nous aurions besoin de plus de temps pour évaluer les effets d'une telle mesure. Au demeurant, celle-ci conduirait peut-être à vider les dispositifs concernés de leur substance ; cela nous interroge.
Je souhaite insister sur le succès de ces outils de rémunération complémentaire : actuellement, 8 millions de salariés en bénéficient. Ces instruments se sont tellement développés dans les entreprises qu'il ne serait pas facile de les comprimer aujourd'hui. Cela représente – libre à chacun de juger cela positif ou non – 25 milliards d'euros versés. C'est dire si la participation au complément de rémunération des salariés est significative. En moyenne – certes, je sais qu'il faut toujours se méfier des moyennes –, c'est 2 600 euros annuels par bénéficiaire.
Rappelons également – c'est un élément qu'il faut garder en tête – qu'il y a des prélèvements sur ces sommes. Celles-ci sont en effet soumises à la contribution sociale généralisée (CSG) à 9,2 %, à la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) à 0,5 %, ainsi qu'à un forfait social au taux de 20 % pour les entreprises de plus de 250 salariés en ce qui concerne l'intéressement et les entreprises de plus de 50 salariés en ce qui concerne la participation.
Je profite d'ailleurs de l'occasion pour rappeler que la participation est un vieux concept, lancé en son temps par des hommes de valeur. Il s'est agi d'une idée assez pertinente, et très moderne pour l'époque : associer les personnels aux résultats de l'entreprise. Aujourd'hui, cela nous paraît évident, mais ce l'était beaucoup moins quelques années en arrière.
Je rappelle en outre – cela n'a pas été évoqué – que les partenaires sociaux ont travaillé sur ces sujets. Il y a même eu un accord national interprofessionnel qui a été transposé dans une loi du 29 novembre 2023 ; c'est assez récent. Vous le voyez, le Gouvernement n'est pas le seul à saluer l'intérêt de tels outils.
Pour toutes les raisons que je viens d'indiquer, je ne puis qu'émettre un avis défavorable sur l'amendement n° 1164.
Les amendements identiques nos 1171 rectifié, 1316 rectifié et 1668 rectifié sont un peu dans le même esprit. Il s'agit, là encore, d'élargir l'assiette des cotisations sociales, mais, cette fois, en ciblant les actions distribuées à titre gratuit et les options d'achat d'actions.
Bien entendu, quand on parle d'actions, on parle d'entreprises privées, et même d'entreprises cotées, c'est-à-dire ayant la capacité de distribuer des actions pour récompenser les salariés. L'idée est d'associer plus durablement ces derniers : une action, c'est, en quelque sorte, un « bout » de la propriété d'une entreprise. Un salarié qui reçoit des actions devient un peu propriétaire de son entreprise. Ce n'est pas rien C'est une idée forte.
Mme Annie Le Houerou. Ce n'est pas ça, la question !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Peut-être, mais je trouve tout de même que rendre les salariés propriétaires d'une part de l'entreprise est une idée intéressante.
Mme Annie Le Houerou. Ça ne justifie pas les exonérations de cotisations sociales !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Au demeurant, réserver une part significative du capital de l'entreprise aux salariés est également une manière de la protéger contre des offres publiques d'achat.
L'actionnariat salarié est donc une pratique qui existe, et à laquelle des entreprises recourent de manière assez massive. Notons d'ailleurs que cela change la nature de la relation entre l'entreprise et le salarié, puisque ce dernier, précisément, n'est plus seulement salarié. Je trouve que c'est une idée intéressante et même assez moderne.
Je rappelle en outre que ces actions sont également assujetties à une contribution patronale spécifique de 30 % – ce n'est pas rien ! –, due lors de leur acquisition. Nous avons d'ailleurs alourdi cette contribution socialisée l'an dernier, par un relèvement de dix points.
Aussi, et dans l'attente d'éventuelles études futures sur les répercussions des mesures envisagées, je propose d'en rester à ce stade à l'équilibre auquel nous sommes parvenus l'an dernier.
C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
Le dispositif envisagé à l'amendement n° 959 rectifié, bien que s'inscrivant dans la même philosophie, est un peu différent.
Il est proposé d'étendre l'assiette de la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA) aux primes d'intéressement et de participation, à la contribution patronale pour la protection sociale complémentaire, aux attributions gratuites d'actions, aux stock-options et aux indemnités de rupture.
Je rappelle que la CSA, comme son intitulé l'indique, contribue directement à l'une des cinq branches de la sécurité sociale. Sa logique est d'ailleurs assez différente des autres contributions à la charge de l'employeur. Son assiette est bien définie et cohérente avec sa finalité : les revenus patronaux et salariaux.
Pour neutraliser le coût pour les employeurs de ces nouvelles contributions, la loi a mis en place une journée de solidarité. (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Gratuite !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. J'ai bien dit « une », mesdames, messieurs les sénateurs. J'étais moi-même à la tête de la SNCF lorsque cette journée de travail supplémentaire des salariés a été décidée. Le rendement dégagé par l'activité supplémentaire résultant de ce surcroît de travail est reversé par les employeurs via la CSA.
Pour nous, étendre l'assiette de cette contribution à d'autres catégories de revenus créerait une rupture d'égalité entre catégories d'assujettis et obscurcirait les modalités de financement de la branche autonomie. Par ailleurs, il apparaît contre-intuitif de faire contribuer la part patronale finançant les contrats de prévoyance complémentaires, alors même que ces derniers participent au financement d'actions d'accompagnement et de prévention de la perte d'autonomie.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 959 rectifié.
L'amendement n° 1677 a pour objet de supprimer des exonérations de cotisations de sécurité sociale sur l'intéressement et la participation pour les salariés qui gagnent plus de trois Smic.
Nous partageons en partie votre constat sur le développement de ces compléments salariaux à la rémunération classique, laquelle constitue la base de l'assiette sociale contributive.
Néanmoins, le dispositif envisagé par les auteurs de l'amendement créerait un effet de seuil important et aurait pour conséquence – il me paraît important de le souligner – de pénaliser le développement de l'actionnariat salarié, qui est pourtant, me semble-t-il, un élément positif pour les cadres, les ingénieurs et les entreprises.
Trois Smic, ce n'est évidemment pas rien ; pour une personne au Smic, cela représente le triple de son salaire. Mais, au final, c'est 4 500 euros mensuels, soit la rémunération, non pas des hauts dirigeants des entreprises, mais plutôt des cadres et des ingénieurs. Or, dans la compétition européenne et internationale, notre industrie et nos usines ont besoin de cadres et d'ingénieurs.
Vous avez raison de vous soucier des salariés. Mais, précisément, les cadres et les ingénieurs en sont ! Et ils exercent des fonctions de management, avec un effet très important sur la qualité de vie au travail de l'ensemble des salariés. Nous devons les encourager à être au top de ce point de vue, à être très attentifs à la direction d'équipes.
Je connais bien les cadres et les ingénieurs : j'ai moi-même exercé ces métiers à plusieurs reprises au sein de la SNCF, et j'en ai encadré beaucoup. J'ai beaucoup de respect pour eux. Ne l'oublions pas : une entreprise fonctionne aussi avec eux.
Les ingénieurs, c'est la technologie. Nous le voyons bien aujourd'hui, la compétition technologique est partout. Veillons donc à ne pas envoyer de messages négatifs. Nos ingénieurs sont mobiles ; ils peuvent partir pour la Suisse ou le Luxembourg. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) D'ailleurs, ils sont très courtisés. En France, nous avons de très bons ingénieurs, parce que nous avons de très bonnes écoles d'ingénieurs.
La mesure proposée par les auteurs de l'amendement me paraît trop radicale, trop brutale. Je la trouve contradictoire avec les besoins de partage de la valeur qu'expriment les professionnels concernés.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Enfin, bien que l'amendement n° 1678 soit, à mes yeux, le mieux calibré de ces amendements en discussion commune, j'y suis également défavorable, et je vais m'en expliquer.
Au fond, il est dans le même esprit que les autres : brider des dispositifs que – vous l'avez bien compris – je considère comme globalement vertueux, même s'il est toujours possible d'en discuter l'ampleur ou d'ajuster certains mécanismes.
Vous avez bien senti la conviction qui est la mienne. Je conçois que l'on puisse être d'un avis différent. Mais l'expérience – en l'occurrence, je parle d'expérience – montre l'utilité de ces outils d'association des cadres, des ingénieurs, des dirigeants, mais aussi des personnels « de base ». Car, pour réussir, les entreprises ont besoin…
Mme Sophie Primas. D'un chef !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. … de bons dirigeants. D'ailleurs, c'est vrai partout, y compris dans les partis politiques. Dans toute activité humaine, les regroupements d'hommes et de femmes nécessitent des dirigeants. C'est une réalité générale, intemporelle, transversale et je dirais même transpartisane.
Notre capacité à attirer et à retenir des grands dirigeants dans nos entreprises est décisive. La compétition européenne se joue aussi sur la qualité de nos dirigeants.
En l'occurrence, je trouve dommage d'avoir placé le curseur à trois Smic. Un seuil plus élevé eût peut-être ouvert des perspectives différentes. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et GEST.) Peut-être pourrait-il être réhaussé dans le cadre de la navette parlementaire.
Mme Raymonde Poncet Monge. Pourquoi pas huit Smic ?...
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Trois Smic, cela touche les cadres et les ingénieurs qui font tourner les usines et les entreprises. Je ne peux pas être solidaire d'une telle mesure.
Je le répète, peut-être sera-t-il possible de trouver une solution dans le cadre de la navette, avec un regard un peu différent.
Mme Annie Le Houerou. Pour cela, il faut commencer par donner un avis favorable !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Mais, en l'état, compte tenu de la rédaction de l'amendement, l'avis du Gouvernement ne peut qu'être défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. En effet, monsieur le président, je me contenterai d'expliquer mon vote, puisque moi, contrairement à d'autres, je n'ai pas la possibilité de m'exprimer pendant quatorze minutes ! (Murmures sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Monsieur le ministre, il y a une légère imprécision dans votre propos : lorsque nous proposons de réintroduire certains dispositifs, vous indiquez que nous voudrions « taxer ». En réalité, nous essayons simplement de rétablir ce que vous avez supprimé ; ce n'est pas exactement pareil. Notre idée n'est pas d'augmenter les impôts ; elle est de revenir sur vos cadeaux fiscaux, que vous n'avez pas compensés financièrement et qui ont eu pour conséquence directe d'alourdir la dette !
Je sais bien que vous êtes ministre du travail. Mais, aujourd'hui, nous débattons du projet de budget de la sécurité sociale.
Or la sécurité sociale n'a pas pour objet de soutenir le pouvoir d'achat contre la déflation salariale ! Je note d'ailleurs que cette déflation salariale vous conduit à prévoir une prime d'activité : l'État finance déjà les travailleurs pauvres, et vous prônez encore de nouvelles exonérations !
Non, la politique salariale ne se joue pas à la sécurité sociale ! Et cette dernière n'a pas à financer la politique de l'emploi par vos 80 milliards d'exonérations !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Tout à fait !
Mme Raymonde Poncet Monge. La sécurité sociale, en cohérence, doit simplement trouver des recettes pour financer ses dépenses.
Il ne faudrait pas, dites-vous, élargir l'assiette de la CSA. Mais la CSA ne concerne pas que les salariés. Elle pèse aussi sur les rentes d'invalidité et les revenus de remplacement. Là, visiblement, cela ne vous choque pas…
Vous évoquez les 8 millions de salariés qui perçoivent, en moyenne – car, bien entendu, vous mentionnez seulement la moyenne, pas les revenus des 10 % qui touchent le plus ! –, 2 600 euros en complément de rémunération. Mais 8 millions de salariés, cela ne fait pas 100 % des salariés.
En revanche, ce sont bien 100 % des salariés qui doivent effectuer la journée de solidarité pour financer vos cadeaux. Aucune distinction n'est faite entre ceux qui n'ont jamais bénéficié personnellement de vos largesses, par exemple les aides à domicile, et ceux qui appartiennent à une catégorie que vous semblez particulièrement chérir – je n'ai rien contre –, celle des cadres supérieurs. (Marques d'impatience sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. Veuillez conclure, madame la sénatrice.
Mme Raymonde Poncet Monge. La répartition est inégale, mais la compensation, elle, est à la charge de tous.
M. Michel Canévet. Encore un dépassement de temps de parole !
M. le président. Mes chers collègues, j'invite chacune et chacun d'entre vous à respecter le temps de parole qui lui est imparti, d'autant qu'il y a déjà eu un rappel au règlement en ce sens avant la suspension de séance.
Mme Sophie Primas. Merci, monsieur le président !
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.
Mme Annie Le Houerou. Le sujet est bien de chercher des recettes pour financer la sécurité sociale et d'éviter de faire cotiser les malades et les assurés sociaux. Or, alors que vous souhaitez geler les prestations sociales et les pensions de retraite, vous ne faites aucun effort pour faire cotiser les très hauts revenus.
Selon nous, le niveau de prestations doit être maintenu et il faut continuer à financer les services publics, qui sont en très grande difficulté, notamment l'hôpital. Nous tenons, dans ce contexte, à formuler des propositions d'équité sociale.
Les dispositifs que vous évoquez, tels que le rachat d'actions et la prime d'intéressement, sont sans doute vertueux et intéressants, mais cela ne justifie pas que ces compléments de salaire soient exonérés de cotisations. Ils doivent, au contraire, y être soumis.
Chacun doit contribuer en fonction de ses moyens et bénéficier selon ses besoins. Les cotisations dues pour les rémunérations trois fois supérieures au Smic sont importantes pour nos recettes, d'où ma proposition de fixer un plafond d'exemption à 6 000 euros par an et par bénéficiaire. On alignerait ainsi les primes d'intéressement et les rachats d'actions sur la prime de partage de la valeur.
Je considère que l'effort doit être partagé pour rétablir les comptes de la sécurité sociale. Aussi, je vous propose d'adopter l'amendement n° 1678, quitte à l'améliorer au cours de la navette, si cela s'impose.
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.
M. Simon Uzenat. Je vous ai écouté avec beaucoup d'attention, monsieur le ministre. Il se trouve que les mots que vous avez employés à la fin de votre propos m'ont interpellé. Vous avez dit ne pas pouvoir être « solidaire » de la démarche proposée. L'emploi de cette formule est très révélateur.
Avant la suspension de séance, vous avez soutenu le retour du gel des seuils de la CSG, ce qui ne gênait personne du côté droit de l'hémicycle. Ici, nous parlons de mettre à contribution ceux qui ont des revenus beaucoup plus élevés, même s'ils les méritent – je connais le monde de l'entreprise et ne conteste pas les efforts que celui-ci implique.
Les profils que vous citez, comme les ingénieurs, demandent, dans tous nos territoires, des hôpitaux qui fonctionnent et des services de santé qui assurent la prise en charge de leur famille.
Nous demandons donc que les hauts revenus, eux qui ont des capacités contributives bien plus élevées que la plupart de ceux qui sont concernés par le gel des seuils de la CSG, soient soumis à contribution de manière raisonnable.
Là encore, cela nous semble une mesure de justice, parce que la sécurité sociale, comme plusieurs de mes collègues l'ont rappelé, est le bien commun du pays.
Qu'un ministre au portefeuille ô combien important ne soit pas capable d'envoyer ce signal-là pose question. Comment voulez-vous que nos concitoyens acceptent de participer à l'effort quand ceux qui gagnent beaucoup plus qu'eux veulent en être exonérés, au terme de la démarche entreprise par le Gouvernement et soutenue par la droite sénatoriale ?
C'est un poison à diffusion lente qui, en réalité, mine notre modèle de protection sociale depuis maintenant des années. J'espère que vous aurez la sagesse de reconsidérer votre position ou du moins d'encourager vos soutiens à approuver la proposition que nous formulons.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je suis d'accord avec vous sur un certain nombre de points, monsieur le ministre. Toutefois, je souhaite revenir sur les deux derniers amendements et indiquer la décision qui me semble sage pour notre assemblée.
L'amendement n° 1677 utilise le même levier que les autres, mais il vise à supprimer toutes les exonérations de cotisations de sécurité sociale pour l'intéressement, les réserves de participation et l'abondement versé dans le cadre des plans d'épargne salariale, en cas de rémunération trois fois supérieure au Smic.
Concernant l'amendement n° 1678, je ne suis pas totalement convaincue par vos propos, monsieur le ministre. À titre personnel, je le soutiens, car il ne manque pas d'intérêt dans le cadre de la navette. Aussi, je vous invite à le voter, même si le plafond d'exemption de cotisations ou le seuil de déclenchement devront sans doute être négociés.
Nous lisons les rapports de la Cour des comptes, madame Poncet Monge. Ainsi, nous ne sommes pas sans savoir que certains compléments de salaire ont été dénoncés, de manière plus ou moins forte, comme coûteux pour la sécurité sociale. De ce fait, alors que nous cherchons des recettes, essayons de trouver un accord sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1164.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1171 rectifié, 1316 rectifié et 1668 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 959 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1677.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1678.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8.
L'amendement n° 1682, présenté par Mmes Canalès et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 242-5 du code de sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « risques » , sont insérés les mots : « et pratiques pathogènes et accidentogènes » ;
2° Au deuxième alinéa, après le mot : « risques » , sont insérés les mots : « et pratiques pathogènes et accidentogènes ».
La parole est à Mme Marion Canalès.
Mme Marion Canalès. Deux accidents du travail mortels surviennent chaque jour en France. Nous sommes l'un des pays européens où l'augmentation du nombre de ces accidents est la plus marquée.
En l'état actuel du droit, l'article L. 242-5 du code de la sécurité sociale dispose que « le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé annuellement pour chaque catégorie de risques ». Le présent amendement vise à modifier cette disposition pour qu'il soit également tenu compte des pratiques pathogènes et accidentogènes au sein des entreprises.
En effet, comme on le constate depuis plusieurs années, la flexibilisation du droit du travail a accentué les horaires atypiques et les temps partiels fragmentés. Les conséquences sur la santé sont de plus en plus importantes et il convient de les appréhender et de les mesurer.
Dans ses rapports, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a tiré la sonnette d'alarme. Le travail découpé et irrégulier, rarement choisi par le salarié, augmente significativement les risques de maladies cardiovasculaires, le diabète ou l'obésité. Plus largement, il affecte la santé physique et mentale des travailleurs.
Le travail de nuit ou fragmenté est un enjeu majeur de santé publique. Le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) a déjà classé le travail de nuit comme un facteur cancérigène très important. De son côté, l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) a mis en exergue le fait que les accidents de trajet augmentent en cas de travail de nuit ou fragmenté, puisque les temps de repos sont amoindris.
Dans ces conditions, notre objectif est d'aligner les cotisations pour accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) sur la réalité des risques, qui doivent s'entendre de manière plus large pour tenir compte des pratiques pathogènes au sein des entreprises.
Ces dernières seront ainsi sensibilisées à cette question et incitées à adopter des pratiques plus conformes aux objectifs de santé, en arrêtant l'excès d'adaptation et la désorganisation du travail, lorsque cela est possible.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Vous demandez de définir le taux de cotisations relevant de la branche AT-MP en fonction non seulement du risque, mais aussi des pratiques pathogènes et accidentogènes au sein des entreprises.
Ce sujet relève d'une réforme d'ampleur et devrait, avant toute chose, faire l'objet de consultations avec les partenaires sociaux. C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Les procédures en vigueur satisfont assez largement les préoccupations que vous exprimez sur l'inclusion des pratiques pathogènes et accidentogènes dans le calcul du taux de cotisation.
Par ailleurs, sachez que les caisses d'assurance retraite et de santé au travail (Carsat) peuvent déjà imposer des cotisations supplémentaires.
Pour ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.
Mme Marion Canalès. Pour que la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles puisse débattre de ces sujets, il faut commencer par étendre l'article L .242-5 du code de la sécurité sociale aux pratiques pathogènes.
On peut toujours attendre que les uns et les autres avancent, mais nous tenions dès aujourd'hui à mettre ce sujet sur le devant de la scène.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1682.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 1169 rectifié est présenté par Mmes Silvani, Brulin, Apourceau-Poly et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
L'amendement n° 1317 rectifié est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L'amendement n° 1667 rectifié est présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa du V de l'article 1er de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat est ainsi modifié :
1° Le mot : « exonérées, » est remplacé par le mot : « versées » ;
2° Après les mots : « année civile », la fin de la phrase est supprimée.
La parole est à Mme Silvana Silvani, pour présenter l'amendement n° 1169 rectifié.
Mme Silvana Silvani. Selon l'Insee, environ 30 % du montant des primes a, en fait, remplacé des hausses de salaire et ce phénomène continue de progresser. Or cela porte atteinte au mode de financement de notre système de sécurité sociale par les cotisations.
Dans son rapport de mai 2024, la Cour des comptes notait que « le recours croissant aux compléments de salaire exemptés et exonérés de cotisations sociales minore la progression des recettes de la sécurité sociale et contribue à son déficit en se substituant en partie à des augmentations de salaire de base soumises à cotisations sociales ».
Elle ajoutait que « la sécurité sociale ne récupère qu'à peine plus du tiers du manque à gagner qu'elle subit du fait des exemptions sur les compléments de salaire ». Ces exemptions et exonérations s'élevaient à 87 milliards d'euros en 2022 et les dispositifs dits de partage de la valeur en représentaient 35 %.
En clair, chaque année, le Gouvernement prive la sécurité sociale de près de 30 milliards d'euros de recettes, soit plus que le déficit de la sécurité sociale pour 2026 ! Nous proposons donc d'intégrer les dispositifs de partage de la valeur dans l'assiette des revenus d'activité soumis à cotisations.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l'amendement n° 1317 rectifié.
Mme Raymonde Poncet Monge. La proposition que nous formulons ici est commune à tous les groupes de gauche du Sénat, même si nous la défendons d'une manière parfois différente.
Il faut toujours revenir aux réalités : selon la Cour des comptes, le manque à gagner dû à l'exemption d'assiette pour la prime de partage de la valeur (PPV) s'élève à plus de 1 milliard d'euros.
Cette somme s'ajoute à l'ensemble des primes et des compléments de salaire exemptés de cotisations et insuffisamment compensés qui grèvent les comptes sociaux de près de 19 milliards d'euros.
Revenir au moins en partie sur ces exemptions permettrait de résorber une part significative du déficit. Le problème, comme nous l'avions anticipé, est que ces primes et compléments ont un fort effet substitutif ; c'est particulièrement le cas, comme l'indiquent l'Insee et le Conseil d'analyse économique (CAE), de la prime de partage de la valeur – en tout cas, pour ceux qui ont la chance de la percevoir !
Vous avez été tellement déroutés par la dynamique de cet effet substitutif que, l'année dernière, vous avez inséré une partie des PPV versées dans l'assiette d'imposition. Auparavant, c'était « tout bénef » pour l'employeur : il bénéficiait de l'abattement général jusqu'à 1,6 Smic et la prime n'était pas incluse dans l'assiette de cotisations sociales. Certes, ce n'est plus le cas aujourd'hui, mais ce n'est pas cela qui va arrêter cette dynamique dramatique pour nos comptes sociaux.
Le seul moyen de briser cet effet substitutif est d'inclure les compléments de salaire dans la même base de cotisations que les autres éléments du salaire. Heureux sont ceux qui bénéficient de primes, mais je vous rappelle que c'est loin d'être le cas de tous les salariés de France.
Ces compléments peuvent très bien être soumis à cotisations : encore une fois, l'ensemble des salariés n'ont pas à compenser ces exonérations.
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter l'amendement n° 1667 rectifié.
Mme Annie Le Houerou. En complément des éléments qui viennent d'être apportés par mes collègues des autres groupes de gauche, je rappellerai que, selon le Gouvernement, l'exemption de la prime de partage de la valeur ne coûte rien. Or la Cour les comptes a évalué qu'elle représentait un manque à gagner de plus de 1 milliard d'euros en 2022, comme en 2023.
Avec cet amendement, nous visons toujours le même objectif d'équité.
La prime de partage de la valeur a été créée en 2022, elle a succédé à la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat (Pepa), toutes deux étant couramment dénommées « primes Macron ». Les employeurs peuvent ainsi attribuer sans condition jusqu'à deux primes de partage de la valeur d'un montant global maximum de 3 000 euros par an et par bénéficiaire. Ce plafond est porté à 6 000 euros dans les entreprises mettant en œuvre un accord d'intéressement ou de participation volontaire.
Comment le Gouvernement peut-il estimer que cette prime n'a pas de coût pour la sécurité sociale, alors qu'elle est exonérée de cotisations ?
Selon l'Insee, la part de rémunération versée sous cette forme se substitue à une augmentation de salaire, qui serait comprise entre 15 % et 40 %. Or des hausses de salaire auraient été soumises à cotisations, ce qui aurait eu pour résultat l'acquisition de droits sociaux pour les travailleurs, notamment pour la retraite, le chômage ou le niveau des indemnités journalières en cas d'arrêt maladie.
Le manque à gagner pour la sécurité sociale était évalué à 500 millions d'euros en 2019, 600 millions d'euros en 2020 et plus de 1 milliard d'euros en 2023.
Dans son rapport de mai 2024, la Cour des comptes préconise de mettre en œuvre le principe fixé par la loi de 2022, celui qui consiste à compenser la perte de recettes résultant de la prime de partage de la valeur en appliquant au minimum le forfait social au taux de 20 % aux entreprises de moins de 250 salariés. Cela nous paraît tout à fait justifié !
M. le président. L'amendement n° 1004, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa du V de l'article 1er de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat est ainsi modifié :
1° Les mots : « assimilée, pour l'assujettissement » sont remplacés par le mot : « assujettie » ;
2° À la fin, les mots : « , aux sommes versées au titre de l'intéressement mentionné au titre Ier du livre III de la troisième partie du code du travail » sont remplacés par les mots : « au taux de 20 % ».
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Au travers de cet amendement, nous voulons agir sous l'angle du forfait social.
Selon la Cour des comptes, il faut le répéter, « l'ampleur prise par les régimes sociaux dérogatoires pour les compléments de salaire modifie leur portée. Ils portent désormais atteinte aux équilibres financiers de la sécurité sociale et à l'équité du prélèvement social entre les entreprises et entre les salariés. […] Un rapprochement du droit commun s'impose. »
De plus, la prime de partage de la valeur, instaurée en 2022, pose un problème particulier du fait de son utilisation croissante et de son fort effet substitutif à l'augmentation des salaires, pouvant aller jusqu'à 40 %. Cela a été confirmé par le Conseil d'analyse économique, qui souligne que la grande liberté accordée aux employeurs dans la distribution de cette prime renforce massivement son effet substitutif.
Comment le prouve-t-on ? La Cour des comptes, de nouveau, a remarqué que le dynamisme des compléments de salaire exonérés est bien supérieur à l'évolution des salaires eux-mêmes – comme quoi ! –, laissant entrevoir un fort effet substitutif.
C'est pour atténuer ces pertes que la Cour recommande d'appliquer le forfait social à la prime de partage de la valeur, y compris pour les entreprises de moins de 250 salariés. Le montant de recettes espéré s'élève à 1 milliard d'euros.
Nous proposons de suivre la recommandation de la Cour des comptes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission émet un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements,…
Mme Raymonde Poncet Monge. Ce n'est pas croyable !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. … car nous avons adopté tout à l'heure l'amendement n° 1678 de Mme Le Houerou.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les trois premiers amendements identiques.
Pour ma part, je plaide pour la PPV. (Mmes Cathy Apourceau-Poly et Annie Le Houerou s'exclament.) Tout le monde comprend cette prime ; c'est en tout cas ce que me disent les patrons et les salariés des petites entreprises. Les choses sont simples et claires : si l'entreprise va bien, elle distribue des primes ; si les résultats ne sont pas bons, elle en distribue moins.
La PPV correspond d'ailleurs à des usages qui existaient déjà dans les petites entreprises et se révèle être un outil particulièrement bien adapté. J'y insiste, la PPV est un dispositif qui marche et qui plaît. Ainsi, je ne vois pas pourquoi on la pénaliserait.
Mme Raymonde Poncet Monge. Elle coûte quand même 1 milliard d'euros !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. En outre, cette prime entre dans l'assiette prise en compte pour le calcul des allégements généraux, pour un montant de 700 millions d'euros.
Les dispositifs temporaires d'exonération concernant la CSG, la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), le forfait social ou l'impôt sur le revenu des travailleurs des entreprises de moins de 50 salariés comme les réductions de cotisations pour les salariés dont la rémunération est inférieure à trois fois le Smic brut ont vocation à s'éteindre.
Quant à l'amendement n° 1004, il est d'une nature un peu différente. Il vise toutefois, comme les autres, à pénaliser l'attribution de la PPV. En conséquence, pour les mêmes raisons de fond, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la rapporteure générale, vous n'allez pas, chaque année, prendre prétexte de l'adoption d'une mesure dont le rendement est de quelques centaines de millions d'euros pour refuser tous les autres amendements ! Depuis que M. Macron est Président, des exemptions sont votées tous les ans, si bien qu'on est bien loin d'un solde de tout compte.
De tels amendements prétextes sont d'autant moins à la hauteur que vous n'hésiterez pas, un peu plus loin dans ce PLFSS, à geler les prestations sociales, que ce soit le revenu de solidarité active (RSA), dont le montant s'élève seulement à 600 euros par mois, ou les aides personnalisées au logement (APL).
La journée de solidarité permet de collecter 2 milliards d'euros, mais bien d'autres propositions qui émanent des groupes de gauche en rapporteraient autant. Vous refusez systématiquement nos propositions sur la PPV, alors que cela rapporterait 1 milliard d'euros, soit une demi-journée de solidarité.
Comme vous ne voulez pas revenir sur les niches sociales qui, depuis la présidence de M. Macron, plombent nos comptes en les privant de dizaines de milliards d'euros de recettes, vous soutenez la mise en place d'une deuxième journée de solidarité – et pourquoi pas d'une troisième… –, car vous voulez que tout le monde paye. Alors que vous laissez s'aggraver la fuite de recettes, vous demandez à tout le monde d'écoper.
Je vous le redis, ne prenez pas prétexte d'un « petit » amendement pour évacuer tout le reste : ce n'est pas sérieux !
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.
Mme Silvana Silvani. Personne, dans nos rangs, n'a affirmé que la redistribution dans l'entreprise n'était pas une bonne chose. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Je n'irai toutefois pas jusqu'à dire que les salariés sont les propriétaires de l'entreprise, ce serait excessif…
Ce que nous contestons, c'est que toutes les primes dont il est aujourd'hui question soient exemptées de cotisations. Monsieur le ministre, vous nous invitez à ne pas « pénaliser » la PPV. Mais cotiser, ce n'est pas être pénalisé. C'est simplement contribuer au système de protection sociale, que nous défendons tous ici, au moins dans le discours.
J'insiste, la cotisation n'est ni une sanction ni une pénalité. En revanche, exempter, c'est pénaliser la sécurité sociale !
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.
Mme Annie Le Houerou. Monsieur le ministre, notre amendement ne remet nullement en cause les rachats d'action, la prime d'intéressement ou la prime de partage de la valeur. Il vise tout simplement à soumettre à cotisations ces rémunérations extraordinaires, liées à la bonne santé des entreprises. Nous considérons qu'il s'agit d'une mesure juste.
Pardonnez-nous de nous répéter, mais ces rémunérations n'ont pas à être exemptées, compte tenu de la situation des comptes de la sécurité sociale.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.
Mme Pascale Gruny. Je suis heureuse d'entendre, mes chers collègues, que vous êtes favorables à l'intéressement, à la participation et au partage de la valeur dans l'entreprise, qui sont des dispositifs très importants. Je me demandais si vous aviez changé…
Mme Pascale Gruny. Nous devons veiller à préserver la compétitivité des entreprises : si nous les accablons de charges, elles distribueront moins de primes, faute de résultats suffisants.
Mme Annie Le Houerou. Ce ne sont pas des charges, ce sont des cotisations !
Mme Pascale Gruny. Bien sûr qu'il y a un sujet lié aux salaires, mais reconnaissons que c'est une bonne chose que les entreprises versent des primes. Il est d'ailleurs regrettable que certaines ne puissent pas le faire, car cela a pour conséquence de priver des salariés d'un complément de revenu.
Des charges, des charges, des charges : voilà ce que vous nous proposez ! Or trop de charges tuent les charges. On voit bien aujourd'hui où ce système nous a menés…
M. Thomas Dossus. Oui, on le voit bien, hélas !
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Il y a un problème de pouvoir d'achat dans notre pays, je pense que cela ne vous a pas échappé. Les primes permettent tout simplement d'apporter un petit peu plus de pouvoir d'achat à des salariés souvent modestes. Cet argent reviendra à la collectivité sous forme de TVA, puisqu'il sera dépensé dans le circuit de consommation, ce qui n'est pas une mauvaise chose. (Mme Raymonde Poncet Monge rit.)
Mme Céline Brulin. Ah, encore du ruissellement !
M. Olivier Paccaud. Franchement, je ne comprends pas que la gauche, qui se dit grande protectrice du pouvoir d'achat et des travailleurs, dépose ce genre d'amendements.
Les primes sont réclamées non seulement par les employeurs,…
M. Thomas Dossus. On ne veut pas les supprimer !
M. Olivier Paccaud. … qui peuvent ainsi, d'une certaine manière, récompenser les salariés ayant mérité un surcroît de pouvoir d'achat, mais aussi par les travailleurs.
Mme Annie Le Houerou. Il est question de cotisations, monsieur Paccaud !
M. le président. La parole est à M. Daniel Fargeot, pour explication de vote.
M. Daniel Fargeot. Je souhaiterais recadrer le débat sur la taxation de ces différentes primes. Sachez que les primes d'intéressement et de participation versées dans le cadre d'un accord collectif ne sont pas assujetties à cotisations sociales, comme les indemnités journalières versées par la sécurité sociale.
Quant à la prime dite Macron – elle change de nom tous les ans… –, elle constitue bien évidemment une incitation pour les entreprises. Les petits employeurs, notamment, peuvent ainsi verser une prime d'intéressement à leurs salariés sans avoir à payer de cotisations. D'ailleurs, si les primes étaient soumises à charges sociales, les premiers perdants seraient les salariés eux-mêmes.
Mme Pascale Gruny. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Je souhaite rappeler à mon collègue que protéger les salariés, c'est aussi permettre le versement de cotisations afin de leur assurer une meilleure protection sociale et, un jour, une retraite. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny. C'est cocasse !
Mme Monique Lubin. S'il n'y a plus de cotisations, les budgets de la sécurité sociale diminuent et la santé coûte de plus en plus cher, en particulier pour ceux qui ont les plus faibles revenus. Nous aurons largement l'occasion d'en débattre.
Je me demande parfois si nous vivons sur la même planète ou dans le même pays. Certes, de petits employeurs ne pourraient pas assumer de tels versements ; toutefois, nombre d'entre eux ont saisi l'opportunité de la prime Macron, défiscalisée et désocialisée, pour ne pas augmenter les salaires. Ils s'en tirent gentiment en versant une prime, et il ne reste plus qu'à dire : « Merci, monsieur ! » (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
Mme Brigitte Bourguignon. C'est lamentable !
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Le débat s'anime, mais ce constat a au moins ceci de rassurant – je le dis à l'intention de notre collègue Gruny – : si nous n'avons pas changé, vous non plus ! Ces repères permettent à chacun de s'y retrouver. Nous débattons de la politique économique à mener dans le pays et du soutien au pouvoir d'achat, c'est habituel.
Soit dit en passant, j'estime que les membres de la majorité sénatoriale sont assez mal placés pour se présenter en défenseurs du pouvoir d'achat : en effet, vous vous apprêtez à décider le gel des prestations sociales, par exemple pour les chômeurs ou les personnes en situation d'invalidité – une année blanche, pour reprendre l'expression consacrée. Nous entendrons un long florilège de propositions en ce sens au cours des prochains jours. Certes, chacun défend son opinion, ce qui est tout à fait légitime, et se présente en défenseur du pouvoir d'achat.
J'en viens à l'essentiel. Tout à l'heure, des collègues ont proposé, avec sincérité, de soutenir la filière viticole via les cotisations sociales ; j'entends ici dire que les PME rencontrent des difficultés et qu'il ne faut donc pas leur imposer de cotisations sociales ; d'autres préconisent de diminuer ces prélèvements pour soutenir le pouvoir d'achat.
Peut-être pourrions-nous aborder ce débat de manière plus sereine, en nous demandant s'il revient bien à la sécurité sociale de soutenir les filières viticoles ou industrielles. Lui appartient-il vraiment d'aider les PME ?
Je suis la première à convenir de la nécessité de mener des politiques économiques dans certains secteurs. Faut-il pour autant démunir notre système de protection sociale ? Ce n'est pas mon avis, car une telle orientation joue contre l'intérêt de tous : elle signifie moins d'hôpitaux, moins de protection, des pensions moindres, etc.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Non, madame Gruny, nous n'avons pas changé !
Je souhaite toutefois que la discussion retrouve son sérieux : vous affirmez avec un aplomb incroyable que les travailleurs réclament des primes et de l'intéressement ; eh bien, nous ne croisons pas les mêmes interlocuteurs !
M. Olivier Paccaud. Ils veulent du pouvoir d'achat !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Je peux vous l'assurer : ce que les travailleurs de ce pays exigent aujourd'hui, comme Mme Lubin l'a fort bien rappelé, ce sont des augmentations de salaire.
Mme Sophie Primas. De salaire net !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Les salaires sont trop bas, ils ne sont pas à la hauteur.
Je vous rappelle d'ailleurs que les primes et l'intéressement ne sont pas pérennes et n'ouvrent aucun droit à la retraite. Évidemment, tout cela suscite votre intérêt, car cela coûte moins cher à l'entreprise, puisque ces dispositifs sont assortis d'exonérations.
Nous ne rencontrons décidément pas les mêmes personnes dans les entreprises.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1169 rectifié, 1317 rectifié et 1667 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1004.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 8 bis (nouveau)
I. – À titre expérimental, jusqu'au 31 décembre 2028, par dérogation au I de l'article L. 731-15 du code rural et de la pêche maritime, les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole peuvent opter pour que leurs cotisations soient calculées sur la base d'une estimation de leurs revenus professionnels de l'année en cours, sous réserve d'une régularisation ultérieure fondée sur les revenus professionnels définitifs constatés dans les conditions prévues à l'article L. 731-14 du même code.
II. – Un décret définit les conditions de mise en œuvre de l'expérimentation prévue au I du présent article. Il détermine notamment le délai minimal dans lequel les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole doivent formuler l'option mentionnée au même I avant sa prise d'effet, la durée minimale de validité de cette option ainsi que les conditions de sa reconduction et de sa dénonciation.
III. – Le présent article entre en vigueur le 1er octobre 2026.
M. le président. L'amendement n° 600, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 2
Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :
.... – Dans un délai de six mois avant le terme de l'expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation, portant notamment sur la pertinence de sa généralisation.
.... – L'article 21 de la loi n° 2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025 est abrogé.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président. Le sous-amendement n° 1805 rectifié ter, présenté par MM. Cabanel, Duplomb et Bilhac, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Gold, Grosvalet et Guiol, Mme Jouve, M. Masset, Mme Pantel, M. Roux et Mme Girardin, est ainsi libellé :
Amendement n° 600, alinéa 3
1° Remplacer les mots :
Dans un délai de six mois avant le terme de l'expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation,
par les mots :
Au plus tard le 31 décembre 2027, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation de ladite expérimentation,
2° Compléter cet alinéa par les mots :
au 1er janvier 2029
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Ce sous-amendement tend à avancer de trois mois le délai limite d'évaluation prévu dans l'amendement de Mme la rapporteure générale pour le fixer au 31 décembre 2027.
Si l'évaluation se révèle convaincante, la généralisation du système pourra ainsi intervenir au 1er janvier 2028.
Je rappelle qu'il s'agit de permettre aux agriculteurs de s'acquitter de leurs cotisations sociales sur la base de l'année n. Cette catégorie socioprofessionnelle est la seule à ne pas disposer de ce choix.
Nous avions voté à l'unanimité une disposition identique lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025. Malheureusement, monsieur le ministre, le décret correspondant n'a pas été publié et il nous faut remettre l'ouvrage sur le métier. Pour cela, un amendement a été déposé à l'Assemblée nationale et la rapporteure générale vient de proposer d'apporter une précision, mon sous-amendement tendant simplement à anticiper l'évaluation de trois mois.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Le Gouvernement est favorable à l'amendement comme au sous-amendement.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1805 rectifié ter.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 600, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 392 rectifié, présenté par MM. Menonville, Mizzon, Pointereau et Bacci, Mme Billon, MM. Canévet, Dhersin et Kern, Mmes Antoine et Patru, MM. de Nicolaÿ, A. Marc et Bleunven, Mme Paoli-Gagin et M. Haye, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :
IV. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° L'article L. 731-10-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux dispositions du II de l'article L. 731-15, en cas de cessation d'activité du chef d'exploitation ou d'entreprise agricole quelle qu'en soit la cause, les cotisations mentionnées au premier alinéa dues au titre de l'année au cours de laquelle est survenue la cessation, sont calculées selon les dispositions du I de l'article L. 731-15. » ;
2° Le II de l'article L. 731-15 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « précédant celle » sont supprimés ;
b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les cotisations sont calculées, chaque année, à titre provisionnel, en pourcentage du revenu professionnel de l'année précédente. Pour les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole qui ont effectué l'option mentionnée à l'alinéa précédent lors de leur affiliation au régime de protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles ou lorsque la durée d'assujettissement ne permet pas de déterminer ledit revenu professionnel, les cotisations sont calculées à titre provisionnel sur la base d'une assiette fixée forfaitairement dans des conditions déterminées par décret. Lorsque le revenu professionnel est définitivement connu, la cotisation fait l'objet d'une régularisation.
« Par dérogation au précédent alinéa, les cotisations peuvent être calculées à titre provisionnel sur la base d'une assiette forfaitaire dès lors que les éléments d'appréciation sur l'importance des revenus professionnels des assurés au cours de l'année au titre de laquelle la cotisation est due établissent que ces revenus sont différents de l'assiette retenue en application de cet alinéa. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret. »
V. – Le IV du présent article entre en vigueur au 1er janvier 2027.
VI. – Pour compenser la perte de recettes résultant du IV, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
... – La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Anne-Sophie Patru.
Mme Anne-Sophie Patru. L'an dernier avait été proposée une expérimentation visant à calculer les cotisations des chefs d'entreprise avec une assiette forfaitaire, avant régularisation, sur la base des revenus de l'année.
Faute de mise en œuvre de ce dispositif, les agriculteurs demeurent dans l'attente d'une réponse à la forte variabilité de leurs revenus ; ils sont contraints de solliciter chaque année des mesures exceptionnelles pour les secteurs en crise.
Dans un contexte d'aléas fréquents et de variations importantes des revenus, il apparaît nécessaire d'adapter le mécanisme de calcul des cotisations pour mieux coller à la réalité économique des exploitations.
À ce jour, deux assiettes coexistent : la moyenne triennale, qui apporte une certaine stabilité, et l'assiette n-1, plus réactive, mais parfois insuffisamment représentative lorsque les revenus évoluent rapidement d'une année à l'autre.
Environ un tiers des exploitants a besoin de disposer d'une assiette plus contemporaine, permettant de tenir compte des revenus de l'année en cours.
C'est pourquoi il est proposé d'introduire, à partir de 2027, une option permettant de cotiser sur les revenus réels de l'année n. Le fonctionnement en serait simple : un acompte fondé sur le dernier revenu connu, avec la possibilité pour l'exploitant de l'ajuster si nécessaire, suivi d'une régularisation une fois les revenus de l'année établis.
Cette option serait engagée pour cinq ans, sur le modèle des dispositifs existants, afin d'assurer stabilité et lisibilité. En cas de cessation d'activité, elle serait automatiquement levée pour éviter des situations inadaptées au moment de la transmission ou de l'arrêt de l'activité.
L'inscription de cette mesure dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour une entrée en vigueur en 2027, permettrait de fixer un cadre clair et de laisser le temps aux organismes sociaux d'adapter leurs systèmes. Il s'agit d'une évolution pragmatique, destinée à offrir aux exploitants un outil supplémentaire pour gérer la variabilité de leurs revenus.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. L'amendement que vous présentez soulève une difficulté : il ne s'articule pas bien avec l'article 8 bis, que nous venons d'adopter et qui prévoit une expérimentation sur le même sujet.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Sans prolonger les discussions outre mesure, relevons que la mise en œuvre de cet amendement entraînerait des complications peut-être plus importantes que les difficultés qu'il vise à résoudre.
Une expérimentation est prévue. Nous proposons d'attendre son terme pour en tirer les résultats et réexaminer sereinement les sujets que vous abordez.
L'avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. Je suis également défavorable à cet amendement.
Nous avons travaillé sur ce dispositif l'an dernier et avons constaté qu'une expérimentation était nécessaire. Notons tout de même qu'il répond à une attente forte des agriculteurs.
Toutefois, monsieur le ministre, je le répète, vous devrez prendre rapidement le décret d'application pour permettre aux acteurs concernés, notamment la Mutualité sociale agricole (MSA), de calculer l'assiette des cotisations d'ici au 1er octobre 2026, date de l'entrée en vigueur du dispositif. Quelques mois de travail sont nécessaires pour que, à cette échéance, le système soit efficient.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 392 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 8 bis, modifié.
(L'article 8 bis est adopté.)
Après l'article 8 bis
M. le président. L'amendement n° 992 rectifié, présenté par MM. Duplomb, Menonville, J.M. Boyer, Dhersin, Naturel, Hugonet, de Nicolaÿ et Houpert, Mme V. Boyer, M. Sol, Mme Richer, MM. Mizzon, H. Leroy et Bonhomme, Mme Micouleau, M. Chatillon, Mme Loisier, MM. Savin et Margueritte, Mme Canayer, MM. Brisson, Somon et Séné, Mme Patru, M. Fargeot, Mmes Malet, Lassarade, Drexler et Di Folco, MM. Sido, J.B. Blanc, Panunzi, Pointereau et Gueret, Mme Pluchet, MM. Rojouan, Anglars, Rapin, Gremillet et Genet, Mme Romagny, MM. Levi et D. Laurent et Mme Dumont, est ainsi libellé :
Après l'article 8 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la seconde phrase du onzième alinéa de l'article L. 321-5 du code rural et de la pêche maritime, après le mot : « personnes », sont insérés les mots : « exercent leur activité à titre secondaire ou ».
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Claude Anglars.
M. Jean-Claude Anglars. Il s'agit d'un amendement de Laurent Duplomb.
Dans le souci d'améliorer la protection sociale et la retraite des membres de la famille des exploitants agricoles, l'exercice sous le statut de collaborateur d'exploitation a été limité à cinq années à compter du 1er janvier 2022 par la loi du 17 décembre 2021 visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles les plus faibles, dite loi Chassaigne 2.
Au 1er janvier 2027, environ 10 000 collaborateurs seront tenus d'opter pour un autre statut, qu'il s'agisse de celui de chef d'exploitation ou de celui de salarié de l'exploitation. À défaut de choix, l'assuré sera considéré comme salarié.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 a prévu de ne pas limiter cette durée pour les collaborateurs en fin de carrière qui atteindront 67 ans au 1er janvier 2032. Ces derniers pourront prolonger leur activité en tant que collaborateurs jusqu'à la liquidation de leurs droits à pension.
Le présent amendement vise à permettre aux collaborateurs à titre secondaire de déroger également au délai de cinq ans.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Vous revenez sur l'équilibre que nous avons atteint l'année dernière lors du débat sur la loi de financement de la sécurité sociale.
Il ne me semble pas souhaitable que nous remettions ainsi en question chaque année les dispositifs votés ensemble.
L'avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. La dérogation que vous proposez, monsieur le sénateur, pour les conjoints exerçant en parallèle une activité salariée aurait pour conséquence de permettre à un grand nombre de collaborateurs d'exploitation de conserver leur statut. Une telle disposition réduirait considérablement la portée de la mesure adoptée par le Parlement.
De surcroît, telle qu'elle est rédigée, votre mesure s'applique uniquement aux collaborateurs exerçant à titre secondaire au 1er janvier 2022, alors que leur situation a pu évoluer depuis.
Pour ces deux raisons, je suis au regret de vous demander le retrait de l'amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.
M. le président. Monsieur Anglars, l'amendement n° 992 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Anglars. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 992 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 916 est présenté par Mme Bélim.
L'amendement n° 1471 est présenté par Mme Malet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 8 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 1° du I de l'article 26 de la loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les travailleurs indépendants, les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole exerçant leur activité en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, le montant total des cotisations et contributions sociales dues, après application des exonérations prévues à l'article L. 781-6 du code rural et de la pêche maritime, ne peut excéder le montant dont ils étaient redevables au titre de l'année 2024, revalorisé annuellement dans des conditions fixées par décret. Les modalités d'application sont définies par décret. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Audrey Bélim, pour présenter l'amendement n° 916.
Mme Audrey Bélim. L'article 26 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 prévoit une habilitation à légiférer par ordonnance, dans un délai de trois ans, pour réformer l'assiette sociale des exploitants agricoles ultramarins.
Les simulations réalisées par Cerfrance Réunion sur ce nouveau régime sont sans appel : les cotisations sociales des agriculteurs réunionnais passeraient, en moyenne, de 2 243 euros à près de 15 000 euros.
Qui peut sérieusement imaginer que nos agriculteurs seront capables d'absorber un tel choc ? À La Réunion, les exploitations sont dix fois plus petites que dans l'Hexagone et l'insularité, les risques climatiques et les surcoûts structurels pèsent fortement sur les exploitations.
Cet amendement vise à mettre en place un bouclier. Il ne s'agit pas d'un caprice : un mécanisme de plafonnement est nécessaire pour empêcher une explosion brutale des charges. Rien n'oblige à passer par voie d'ordonnance pour adopter cette assiette sociale, nous sommes en mesure de légiférer ici et maintenant.
M. le président. La parole est à Mme Viviane Malet, pour présenter l'amendement n° 1471.
Mme Viviane Malet. Cet amendement est identique au précédent.
L'article 26 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 autorise le Gouvernement à réformer par ordonnance, dans un délai de trois ans, l'assiette sociale des exploitants agricoles ultramarins en l'alignant sur celle de l'Hexagone.
Un tel alignement risque d'entraîner une hausse très forte des cotisations. Des simulations montrent qu'une application inadaptée du futur régime pourrait multiplier par six ou sept les prélèvements sociaux, mettant en danger la viabilité d'exploitations déjà fragilisées par des surcoûts structurels, les risques climatiques et un marché réduit.
Le présent amendement d'appel tend donc à plafonner les cotisations au niveau de 2024, avec une revalorisation annuelle par décret, afin de protéger l'économie agricole ultramarine d'un choc brutal.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je remercie nos collègues qui défendent les outre-mer. Nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (Lodéom).
Toutefois, vous proposez ici autre chose : la mise en place d'une niche sociale. Or, au vu de la situation des finances publiques, je ne saurais me permettre d'émettre un avis favorable.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Mesdames les sénatrices, comme vous l'avez souligné, le Gouvernement est habilité à agir par ordonnance et, partant, à traiter sur le fond les questions que vous soulevez.
Je rappelle que l'habilitation à réformer par ordonnance l'assiette des cotisations des non-salariés agricoles ultramarins est prévue à l'article 26 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.
Ces ordonnances peuvent inclure toutes les mesures d'adaptation nécessaires pour tenir compte des caractéristiques et des contraintes particulières de ces territoires.
Le 2° du I de cet article habilite ainsi le Gouvernement à prendre toutes les mesures d'adaptation des dispositifs d'exonération afin d'atténuer les effets en matière de prélèvements sociaux, y compris en étendant ces exonérations à la CSG et à la CRDS, que les non-salariés agricoles n'acquittent pas aujourd'hui.
Je vous l'assure, le Gouvernement sera particulièrement vigilant à ce que cette réforme ne porte pas atteinte à la viabilité des exploitations ultramarines.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer vos amendements ; à défaut, je serai au regret d'émettre un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je suis assez surpris. Nous plaidons depuis longtemps pour que la réforme des retraites soit adaptée aux réalités agricoles des outre-mer. Or, après plusieurs années, vous proposez aujourd'hui une ordonnance. Nous nous battons pour que le système actuel soit revu et corrigé, mais en association avec les socioprofessionnels et les élus. Dans ce texte, pourtant, vous demandez une habilitation à légiférer par ordonnance. J'avoue ma surprise !
Le système est très complexe, et contrairement à ce qu'affirme notre excellente rapporteure générale, il ne s'agit pas d'une niche : il existe un régime social et fiscal spécifique pour les agriculteurs ultramarins. Certes, ce système est aujourd'hui quelque peu dépassé et il faut le moderniser.
Pour autant, il n'est pas opportun de formuler cette demande aujourd'hui, alors que nous attendons des études réalisées en amont avec les socioprofessionnels.
Ayant été moi-même directeur de chambre d'agriculture pendant quinze ans, je connais quelque peu le sujet. Demander de légiférer maintenant, en gravant dans le marbre de ce texte cette liberté, n'est pas réaliste. Vous ne pourrez pas vous en sortir, même avec un délai de trois ans, compte tenu de la complexité des modèles agricoles outre-mer.
La sagesse commande de réaliser d'abord des études et d'y associer les élus ; vous aviserez ensuite en vue de la loi de financement pour 2027, mais pas maintenant.
Je ne cache pas ma surprise : l'engagement et la promesse d'associer les acteurs en amont ne sont pas respectés, alors que nous avons rencontré à cette fin tous les ministres chargés de la santé, du social et des outre-mer.
J'avoue que je n'avais pas prêté attention à cet amendement visant à vous habiliter à procéder par ordonnance.
M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour explication de vote.
Mme Audrey Bélim. J'y insiste : des promesses n'ont pas été tenues.
Une fois de plus, nous assistons à un exercice qui ne réussit jamais : ce n'est pas parce qu'une mesure est positive dans l'Hexagone qu'elle le sera pour nos territoires. L'adaptation doit absolument devenir un automatisme ; il est impératif de prendre en considération nos territoires ultramarins.
Chez moi, les exploitations couvrent en moyenne 6,3 hectares ; ici, la moyenne s'établit à 63 hectares. Nous pratiquons une agriculture familiale ; la situation n'est donc pas la même.
Encore une fois, on prétend calquer des dispositifs sur nos territoires, au mépris de nos réalités. Ce n'est pas un caprice, nous vous demandons simplement un réel engagement : faites-le ici, en légiférant. C'est ce que l'on attend des sénateurs ; c'est ce que nos concitoyens attendent du Sénat : un peu de lucidité et, surtout, des promesses enfin tenues.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 916 et 1471.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 8 ter (nouveau)
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le a bis du 3° du III de l'article L. 136-1-1 est ainsi rédigé :
« a bis) Le gain net mentionné au premier alinéa du II de l'article 163 bis H du code général des impôts ainsi que la fraction de ce gain qui excède la limite déterminée dans les conditions définies au même premier alinéa ; »
2° À la fin du premier alinéa de l'article L. 137-42, les mots : « des avantages mentionnés au a bis du 3° du III de l'article L. 136-1-1 qui sont imposés à l'impôt sur le revenu suivant les règles de droit commun des traitements et salaires » sont remplacés par les mots : « de la fraction du gain net mentionné au premier alinéa du II de l'article 163 bis H du code général des impôts qui excède la limite déterminée dans les conditions définies au même premier alinéa ».
II. – À la fin du C du IV de l'article 93 de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025, les mots : « entre le lendemain de la promulgation de la présente loi et le 31 décembre 2027 » sont remplacés par les mots : « à compter du lendemain de la promulgation de la présente loi ».
III. – Le I s'applique aux dispositions, aux cessions, aux conversions ou aux mises en location réalisées à compter du 15 février 2025.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 1055 est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L'amendement n° 1764 est présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l'amendement n° 1055.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le PLF pour 2025 a introduit une réforme fiscale des management packages. Ces dispositifs correspondent à des actifs financiers d'une entreprise dont bénéficient les dirigeants et qui engendrent des plus-values, notamment en cas de cession de l'entreprise ou d'opération de rachat de sociétés.
Depuis cette réforme, les sommes correspondantes sont soumises au régime d'imposition des salaires, mais elles font l'objet d'une exonération de cotisations sociales censée être compensée par une contribution sociale spécifique de 10 % jusqu'en 2027.
Introduit par amendement à l'Assemblée nationale, le présent article pérennise déjà – c'est donc un peu précipité… – cette exonération de cotisations sociales.
Cette mesure s'inscrit dans la droite ligne des exemptions d'assiette sur les compléments de salaire, dont le coût pour les comptes sociaux ne cesse d'augmenter d'année en année. Je ne rappelle pas les données de la Cour des comptes à ce sujet, chacun les connaît désormais.
En conséquence, la présente disposition ne peut qu'aggraver la trajectoire des comptes sociaux.
Surtout, pérenniser ce dispositif dans un contexte de déficit croissant, comme le propose cet article, est inconséquent, d'autant plus qu'il n'existe aucune évaluation, aucune étude, aucune donnée concernant les effets de ce mécanisme sur la compétitivité des entreprises, pour reprendre un terme cher à M. le ministre, ou sur les comptes publics. Je ne comprends donc pas cette précipitation.
Pour toutes ces raisons, le présent amendement vise à supprimer cet article.
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter l'amendement n° 1764.
Mme Annie Le Houerou. Cet amendement vise à supprimer l'article pérennisant le régime social applicable aux gains issus des management packages.
Je rappelle que ce régime n'avait été autorisé que pour une durée de trois ans. Cette limitation temporelle avait un sens : il s'agissait de laisser le temps de mesurer le coût et les effets du dispositif, et de disposer d'une évaluation complète avant d'envisager sa reconduction.
Tel est l'esprit de la loi organique : éviter que des dispositifs sociaux dérogatoires deviennent permanents sans contrôle, sans données et sans examen sérieux.
Or l'article 8 ter rend le dispositif permanent au bout d'une seule année, alors même qu'aucune évaluation n'a encore été présentée. Nous passerions ainsi d'un régime expérimental à une niche sociale pérenne, sans disposer des éléments objectifs nécessaires pour juger de son efficacité ou de son coût pour nos finances sociales.
Dans un contexte où les niches sociales représentent déjà plus de 80 milliards d'euros de manque à gagner pour la sécurité sociale, nous ne saurions élargir ou pérenniser des avantages récents sans en mesurer précisément les conséquences.
La situation financière de notre protection sociale exige rigueur, transparence et responsabilité, d'autant que ce dispositif concerne une catégorie très restreinte et particulièrement favorisée : les cadres dirigeants d'entreprises et les dirigeants de start-up ou de holding, qui tirent de ces mécanismes des gains importants.
Pérenniser une niche de cette nature sans évaluation préalable n'est ni prioritaire ni justifiable dans le contexte actuel.
Notre position est constante : nous défendons la maîtrise des niches sociales, l'égalité devant la cotisation et la priorité donnée au financement de la sécurité sociale. C'est une question de cohérence, mais aussi de justice : chacun doit contribuer en fonction de ses moyens.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ces deux amendements tendent à supprimer l'article 8 ter.
Je souhaite rappeler la teneur de cet article : il apporte des précisions au volet social de la niche des management packages instaurée par la loi de finances pour 2025.
Surtout, il pérennise le volet social de cette niche qui, conformément aux dispositions organiques, n'avait été instaurée que pour trois ans. En effet, seule une loi de financement de la sécurité sociale peut instituer une niche sociale d'une durée supérieure.
Ce qui soulève une difficulté aux yeux de la commission n'est pas que le dispositif existant soit précisé, mais que la niche soit pérennisée au bout d'un an sans évaluation. L'amendement n° 601 de la commission, dont nous débattrons tout à l'heure, vise d'ailleurs à corriger ce point.
L'avis est donc défavorable sur ces amendements de suppression.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. L'objet de cet article est de clarifier la législation sociale, afin de ne pas fragiliser des opérations commerciales s'inscrivant sur plusieurs années, souvent cinq ou six ans.
Au-delà de cet impératif de sécurité juridique, ce régime requiert une visibilité à plus long terme. J'entends les critiques formulées à l'encontre de cette pérennisation accélérée : il est vrai que la loi organique nous autorise à attendre 2028.
Toutefois, le Gouvernement a souhaité offrir des perspectives stables à nos entreprises. (Mme Raymonde Poncet Monge rit.) Quant à l'évaluation, rien ne nous empêche d'y procéder. C'est notamment la vocation des lois d'approbation des comptes de la sécurité sociale, singulièrement de leur annexe 2.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cela n'explique pas pourquoi l'expérimentation, qui permet au dispositif de se déployer jusqu'en 2027 ou 2028, ne suffit pas. Vous nous dites : « Pérennisons, nous évaluerons ensuite ! »
Cela me rappelle l'exemple de l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » : nous reculons sans cesse les échéances et nous éprouvons les pires difficultés à pérenniser des mécanismes pourtant précieux.
D'ordinaire, les expérimentations sont prolongées avant d'être pérennisées. Or, dans le cas présent, alors que nous sommes en pleine phase expérimentale, une accélération soudaine se produit.
Je souhaite vraiment comprendre les raisons pour lesquelles le Gouvernement juge utile d'accélérer. Vous semblez nous dire qu'il s'agit d'envoyer un signal. Pour autant, la construction même du dispositif ne justifie aucunement une telle accélération.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1055 et 1764.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1384 rectifié, présenté par Mmes Paoli-Gagin, Bourcier et Brulin, MM. Chasseing et Chevalier, Mme L. Darcos et MM. Grand, V. Louault et Wattebled, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
, sans requérir que les titres autres que ceux mentionnés à la troisième phrase dudit premier alinéa aient été détenus pendant deux ans
II. – Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
, sans requérir que les titres autres que ceux mentionnés à la troisième dudit premier alinéa aient été détenus pendant deux ans
II. –... – Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Corinne Bourcier.
Mme Corinne Bourcier. Par cet amendement, ma collègue Vanina Paoli-Gagin entend s'assurer que le régime social spécifique prévu par la loi de finances pour 2025 est pérennisé, dans le respect de l'état d'esprit qui a présidé à son instauration.
En particulier, le champ d'application du régime social spécifique ne doit pas dépendre de la durée de détention des titres, sous réserve toutefois que l'ensemble des autres conditions visées au II de l'article 163 bis H du code général des impôts (CGI) soient respectées. Les managers sont en effet parfois contraints de céder leurs titres avant l'expiration d'un délai de deux ans, par exemple lors d'opérations intermédiaires ou en cas de départ de l'entreprise.
M. le président. L'amendement n° 1449 rectifié, présenté par MM. Canévet, Folliot et Fargeot, Mme Sollogoub et MM. S. Demilly, Mizzon, Menonville, Kern, Dhersin, Duffourg et Longeot, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
, que les titres autres que ceux mentionnés à la troisième phrase dudit premier alinéa aient été détenus pendant deux ans ou non.
II. – Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
, que les titres autres que ceux mentionnés à la troisième phrase dudit premier alinéa aient été détenus pendant deux ans ou non
III – Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, nous avons adopté, sur l'initiative de notre collègue Vanina Paoli-Gagin, un dispositif particulièrement intéressant pour les dirigeants et salariés, dont la motivation est essentielle à la prospérité des entreprises.
Afin d'améliorer la sécurité juridique de ce dispositif, je propose d'en clarifier deux points.
Premièrement, les exonérations de cotisations sociales et de CSG doivent s'appliquer aux gains satisfaisant strictement aux critères du régime fiscal prévu à l'article 163 bis H du code général des impôts.
Deuxièmement, la contribution salariale spécifique de 10 % ne doit s'appliquer qu'à la partie du gain taxée comme un salaire, conformément aux règles déjà prévues. Il est en effet indispensable que le droit social soit le pendant du droit fiscal.
Contrairement à ce que j'ai pu entendre, j'estime que nous avons besoin d'entreprises performantes et, partant, de personnels motivés et mobilisés pour leur développement. Il convient donc d'encourager ces derniers, notamment par le dispositif visé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission sollicite l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Les dispositions proposées me paraissent contraires à l'objectif présidant à l'article que nous examinons, qui a été introduit par l'Assemblée nationale en première lecture afin de clarifier le régime social applicable aux gains issus des management packages et, conformément à l'intention du législateur, de rapprocher ce régime de son équivalent fiscal.
En effet, soit ces gains relèvent du régime fiscal et social des management packages, le contribuable bénéficiant alors des conditions favorables qui y sont attachées, soit ils n'en relèvent pas et, dans ce cas, le contribuable ne peut pas prétendre au seul avantage du régime social.
Pour ces raisons, l'avis est défavorable sur les amendements nos 1384 rectifié et 1449 rectifié.
M. le président. Quel est donc l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1384 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1449 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 258 rectifié est présenté par M. Savin, Mme Puissat, MM. Pointereau et Séné, Mme Berthet, MM. Brisson, Bruyen et de Nicolaÿ, Mmes Malet et V. Boyer, M. H. Leroy, Mme Ventalon, MM. Reynaud et Piednoir, Mme Canayer, M. Gremillet, Mme Evren, MM. Panunzi et J.P. Vogel et Mmes Dumont et Bellamy.
L'amendement n° 720 rectifié bis est présenté par MM. Kern, Longeot et Levi, Mmes Antoine et Patru, MM. Dhersin, Mizzon, Henno, Courtial, Laugier, Duffourg et Fargeot, Mme Perrot et M. Haye.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Après l'alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Le 4° du III de l'article L. 136-1-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...) Afin de favoriser le développement du sport en entreprise, les avantages que représente pour ses salariés la mise à disposition par l'employeur de places pour assister à des événements sportifs à destination de l'ensemble de ses salariés, dans des conditions et limites prévues par décret. » ;
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour présenter l'amendement n° 258 rectifié.
Mme Frédérique Puissat. Cet amendement vise à pérenniser le régime fiscal et social applicable à la mise à disposition, par les employeurs, de places pour des événements sportifs à l'attention de leurs salariés.
Ces invitations, offertes dans un souci de fédérer les équipes ou d'améliorer le pouvoir d'achat des salariés, peuvent en effet, en cas de contrôles, être requalifiées en avantages en nature, ce qui peut entraîner des redressements fiscaux.
Le dispositif prévoyant d'encadrer par décret le nombre de ces avantages, il ne s'agit pas de permettre des distributions à outrance : il s'agit simplement, dans les limites qui seront considérées comme acceptables, de permettre aux entreprises d'offrir des places pour des événements sportifs à leurs salariés.
Ce dispositif élaboré par Michel Savin me paraît donc bien calibré – ce n'est sans doute pas un hasard (Sourires.) – et il permettra, dans une période où nous avons tous besoin de moments de bonheur, de permettre de vivre de tels moments en entreprise.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Patru, pour présenter l'amendement n° 720 rectifié bis.
Mme Anne-Sophie Patru. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. J'aime bien assister à des matchs, madame la sénatrice, et je soutiens souvent aussi bien Michel Savin que Claude Kern, mais je ne puis qu'être défavorable à ces amendements identiques tendant à accorder à certains types d'avantages ce que l'on n'accorde pas à d'autres. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Sophie Primas. Monsieur le ministre, vous aimez le football !
M. Martin Lévrier. J'ai entendu qu'il aimait le rugby…
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Je connais votre engagement en faveur de la bonne tenue de nos dépenses publiques, madame la sénatrice Puissat. Vous avez récemment montré votre implication lors de l'examen du projet de loi de lutte contre les fraudes sociales et fiscales. Je n'irai donc pas sur ce terrain-là, si j'ose dire. (Sourires.)
Je dois toutefois me ranger à l'avis de la rapporteure générale, d'autant que votre amendement porte non pas sur le seul rugby, ce qui aurait pu me convaincre, mais sur le sport en général. (Sourires.)
En tout état de cause, l'avis est défavorable sur ces amendements identiques. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Remettez-vous-en à la sagesse du Sénat !
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le meilleur moyen de s'assurer que l'Urssaf ne requalifie pas des invitations en avantages en nature est de les déclarer comme tels, mes chers collègues !
Chaque année, nous essayons, en vain, de permettre aux aides à domicile (AD) qui, en milieu rural notamment, font de nombreux déplacements grâce à un véhicule que l'association qui les emploie met à leur disposition de ne pas avoir à revenir tous les soirs au siège de l'association pour déposer cette voiture. Actuellement, si ce véhicule de service n'est pas redéposé le soir, son utilisation est considérée comme un avantage en nature. J'espère que, cette année, vous soutiendrez notre amendement, mes chers collègues.
L'Urssaf contrôle constamment les téléphones et les véhicules, pour s'assurer que les équipements prêtés par l'entreprise ne tiennent pas lieu d'équipements personnels. Envisager de ne pas reconnaître la distribution de places pour des matchs de football comme un avantage en nature n'est donc pas sérieux. Et cela n'a rien à voir avec le fait d'apprécier ou non le football !
Mme Frédérique Puissat. Si, un petit peu ! (Sourires.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Dans ce cas, je peux vous proposer toute une liste de cadeaux qui ne devraient pas être soumis à cotisations. Ce n'est pas sérieux, mes chers collègues. Les avantages en nature ne peuvent pas être à géométrie variable ! (Mme Frédérique Puissat proteste.)
En tout état de cause, j'espère que vous soutiendrez notre amendement visant à permettre aux AD de ne pas retourner tous les soirs le véhicule qui leur est prêté dans le cadre de leurs interventions auprès des personnes âgées ou handicapées.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 258 rectifié et 720 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. Martin Lévrier. Ce n'est vraiment pas sérieux !
M. Guillaume Gontard. Et nous sommes censés débattre du budget de la sécurité sociale !
Mme Raymonde Poncet Monge. C'est honteux !
M. le président. L'amendement n° 1819, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Le 8° du II de l'article L. 242-1 est abrogé.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1819.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 601 est présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 1056 est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour présenter l'amendement n° 601.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à supprimer la pérennisation de la niche sociale prévue par le présent article.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l'amendement n° 1056.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement de repli vise, a minima, à supprimer la pérennisation au-delà de 2027 de la niche sociale, dont les conséquences sur les comptes sociaux n'ont fait l'objet, à ce jour, d'aucune évaluation.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Je souhaite pour ma part que ce régime social, dont je rappelle qu'il n'est pas très ancien, puisqu'il n'a été instauré qu'en 2025, soit maintenu.
Un peu de stabilité – terme à la mode – ne nuit pas. La stabilité est même nécessaire pour ne pas fragiliser des opérations commerciales qui s'inscrivent sur plusieurs années. Je rappelle en effet que le dispositif visé consiste en une forme de rémunération un peu complexe, par laquelle les salariés investissent leur propre argent, ce qui ne peut se faire qu'à un horizon de plusieurs années.
Pour des raisons de sécurité juridique et de clarté de la législation sociale et fiscale, il me paraît sage de conserver ce dispositif.
Je demande donc le retrait de ces amendements identiques, auxquels, à défaut, je serai défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 601 et 1056.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 8 ter, modifié.
(L'article 8 ter est adopté.)
Article 8 quater (nouveau)
Au premier alinéa du A du I de l'article L. 136-4 du code de la sécurité sociale, les mots : « au premier alinéa de l'article 34, » sont supprimés et, après la référence : « 63 », sont insérés les mots : « du code général des impôts et, lorsque leur exercice relève du champ défini aux articles L. 722-1 à L. 722-3 du code rural et de la pêche maritime, des activités mentionnées au premier alinéa de l'article 34 ».
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 17 rectifié est présenté par Mmes Vermeillet, N. Goulet, Guidez, Sollogoub, Jacquemet et Herzog, MM. Levi, Canévet, Cambier, Kern et Chauvet, Mme Saint-Pé, MM. Duffourg, Fargeot et Dhersin, Mme Bourguignon, M. Courtial, Mmes Billon, Romagny, Perrot, Gacquerre, de La Provôté, Devésa et Housseau, M. Delcros, Mme Patru et MM. Haye et L. Hervé.
L'amendement n° 223 rectifié ter est présenté par MM. Menonville, Mizzon, Bacci, Chatillon et Chasseing, Mme Antoine et MM. de Nicolaÿ, Chevalier et Bleunven.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
II. – Le A du I de l'article L. 136-4 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...°Les sommes exonérées mentionnées à l'article 75-0 D du code général des impôts et au 3 octies de l'article 208 du même code. »
III. – Le II entre en vigueur à compter de l'entrée en vigueur de l'article 10 de la loi n° du de finances pour 2026.
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour présenter l'amendement n° 17 rectifié.
Mme Nadia Sollogoub. L'article 10 du projet de loi de finances pour 2026 crée un dispositif d'exonération fiscale portant sur la différence entre l'indemnité perçue au titre de l'abattage des animaux reproducteurs d'un cheptel et la valeur nette comptable de ces animaux à la date de leur abattage.
Cette mesure vise à aider les nombreux éleveurs qui se trouvent dans une situation dramatique du fait des épizooties récurrentes affectant leurs troupeaux, notamment la dermatose nodulaire contagieuse, maladie virale particulièrement virulente apparue récemment sur le territoire national. Les abattages massifs imposés pour enrayer la propagation de cette maladie ont entraîné des pertes économiques considérables, compromettant la pérennité de nombreuses exploitations d'élevage.
Si cette exonération fiscale constitue une avancée bienvenue, elle resterait incomplète sans une exonération sociale équivalente. Par le présent amendement, Sylvie Vermeillet propose donc d'assortir l'exonération fiscale ainsi créée d'une exonération sociale.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l'amendement n° 223 rectifié ter.
M. Daniel Chasseing. Les élevages sont affectés par des aléas épizootiques tels que la dermatose nodulaire, la fièvre catarrhale ovine, la maladie hémorragique ou la tuberculose. Il suffit du reste qu'une seule vache soit atteinte de tuberculose pour que tout le cheptel soit abattu.
Lorsque des animaux doivent être abattus, le ministère de l'agriculture octroie, après expertise, une aide à l'éleveur concerné de manière à compenser le manque à gagner entre la valeur des bêtes et le produit, bien inférieur, que l'éleveur retire de cet abattage obligatoire.
Si cette somme permet aux éleveurs de renouveler leur cheptel, ils ne vendront presque rien l'année suivante. Il est nécessaire que cette somme soit exclue des assiettes fiscales et sociales pour que les éleveurs puissent l'investir soit dans le renouvellement de leur cheptel, soit – mais c'est plus rare – dans un changement de filière.
Il faut bien comprendre que l'abattage d'un cheptel est une expérience angoissante et déprimante pour les familles d'éleveurs qui y sont confrontées. Je connais un éleveur qui a dû abattre les 300 bêtes dont il prenait soin depuis des années.
Efforçons-nous au moins, mes chers collègues, de permettre à ces éleveurs de survivre et de faire face à l'année de revenus perdue, en exonérant les indemnités perçues de charges sociales aussi bien que fiscales.
M. le président. L'amendement n° 1685 rectifié, présenté par M. Mérillou, Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
I. – Le 2° du A du I de l'article L. 136-4 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« 2° La totalité des sommes des indemnités versées aux exploitants agricoles en application de mesures sanitaires entraînant l'abattage total ou partiel d'un cheptel, en vue de lutter contre une maladie animale réglementée au sens de l'article L. 221-1 du code rural et de la pêche maritime, à condition que ces indemnités soient, dans un délai d'un an à compter de leur perception, réinvesties dans la reconstitution d'un cheptel. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Par le présent amendement, Serge Mérillou entend répondre à un besoin simple et impérieux : lorsque l'État ordonne l'abattage sanitaire d'un cheptel pour protéger la santé publique et la filière, les indemnités versées en vue de la reconstitution effective et rapide d'un cheptel ne doivent pas être amputées par des prélèvements sociaux.
Il est en effet question, non pas d'un revenu ordinaire, mais d'une réparation destinée à soutenir économiquement nos éleveurs après un drame, qui est avant tout humain. Taxer intégralement ces sommes, c'est contraindre des exploitations déjà sinistrées à renoncer à se relever et, partant, à fragiliser les filières et l'emploi rural, mais également notre souveraineté alimentaire.
Aujourd'hui, les exploitations frappées par une épizootie subissent un double choc : une perte sanitaire et émotionnelle et la disparition soudaine de leur outil économique.
Les indemnités d'abattage existant précisément pour compenser ce préjudice et permettre la reconstitution du cheptel, elles n'atteignent plus pleinement leur objectif dès lors qu'elles sont intégrées dans l'assiette des prélèvements sociaux.
Le Gouvernement a ouvert la voie, en prévoyant la défiscalisation de ces indemnités dans le projet de loi de finances. Par le présent amendement, nous vous proposons d'aller plus loin, en excluant ces indemnités d'abattage de l'assiette de la CSG et des cotisations sociales agricoles.
Une condition simple et transparente est toutefois posée : ces indemnités devront être réinvesties dans l'année pour reconstituer un cheptel, quelle que soit la filière choisie. Cela garantit la survie de nos éleveurs, le maintien de l'activité agricole et, donc, la reconstitution des cotisations grâce aux nouveaux revenus générés.
M. le président. L'amendement n° 1686 rectifié, présenté par M. Mérillou, Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par quatre paragraphes ainsi rédigés :
I. – Le 2° du A du I de l'article L. 136-4 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« 2° À titre expérimental et pour une durée de cinq ans à compter du 1er janvier suivant la promulgation de la loi n ° du de financement de la sécurité sociale pour 2026, la totalité des sommes des indemnités versées aux exploitants agricoles en application de mesures sanitaires entraînant l'abattage total ou partiel d'un cheptel, en vue de lutter contre une maladie animale réglementée au sens de l'article L. 221-1 du code rural et de la pêche maritime, à condition que ces indemnités soient, dans un délai d'un an à compter de leur perception, réinvesties dans la reconstitution d'un cheptel. »
« Cette exonération des contributions sociales recouvrées par les organismes de mutualité sociale agricole mentionnés à l'article L. 723-1 du même code est conditionnée à l'emploi de l'indemnité, dans un délai d'un an à compter de sa perception, à la reconstitution d'un cheptel. »
II. – Les modalités d'application, de contrôle et les conditions de réintégration des indemnités dans l'assiette des cotisations en cas de non-respect de l'obligation de reconstitution du cheptel sont précisées par décret en Conseil d'État.
III. – Les pertes de recettes résultant, pour les régimes obligatoires de protection sociale agricole, de la mise en œuvre du présent article sont compensées intégralement par l'État. Cette compensation donne lieu à l'inscription d'une dotation annuelle au profit des organismes gestionnaires des régimes agricoles.
IV. – Six mois avant le terme de l'expérimentation mentionnée au I, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation portant notamment sur :
1° L'impact de l'exonération sur la rapidité de reconstitution des cheptels ;
2° Son effet sur la résilience économique des exploitations concernées ;
3° Le coût net pour les finances publiques.
Ce rapport permet de déterminer l'opportunité d'une pérennisation.
La parole est à Mme Marion Canalès.
Mme Marion Canalès. Par cet amendement de repli, notre collègue Mérillou propose d'expérimenter, pendant cinq ans et de manière très encadrée, l'exclusion des indemnités d'abattage de l'assiette de la CSG et des cotisations sociales agricoles.
Une telle proposition nous paraît raisonnable et proportionnée, puisque l'exonération est conditionnée au réinvestissement, dans l'année, de l'indemnité d'abattage pour la reconstitution d'un cheptel.
Il est de plus proposé qu'un rapport évalue le coût net pour les finances publiques de ce dispositif, ainsi que ses effets sur la reconstitution des cheptels et la résilience des exploitations. L'objectif est de tester, de contrôler et d'évaluer le dispositif avant son éventuelle pérennisation.
La présente proposition s'inscrit dans une logique de prévention. Face aux efforts importants, pour ne pas dire aux sacrifices consentis par les éleveurs qui, pour des raisons de santé publique, doivent abandonner une partie de leur cheptel, nous proposons d'expérimenter l'exclusion des indemnités d'abattage de l'assiette de la CSG et des cotisations sociales agricoles.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. L'abattage de cheptels atteints par une épizootie est souvent un drame pour les éleveurs concernés et leur famille.
Ces amendements visent à instaurer une exonération de CSG sur les indemnités versées aux exploitants agricoles contraints d'appliquer des mesures d'abattage sanitaire. Cette exonération constituerait en quelque sorte le volet social de l'exonération de l'imposition des bénéfices de la plus-value résultant de la perception d'indemnités d'abattage d'animaux affectées à la reproduction du cheptel, une disposition prévue à l'article 10 du projet de loi de finances pour 2026 que nous n'avons pas encore examiné.
Tout en étant consciente des difficultés pointées par les auteurs des amendements, j'estime que l'on peut se demander si c'est à la sécurité sociale qu'il doit revenir de prendre en charge des difficultés relevant de la politique agricole,…
Mme Raymonde Poncet Monge. Tout comme la participation à des matchs de foot !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. … d'autant que le coût de ce dispositif n'est pas connu.
Par ailleurs, la commission n'ayant pas expertisé l'article 10 du projet de loi de finances, nous n'avons aucun moyen de savoir si le cumul des deux dispositifs n'irait pas trop loin. Il s'agit bien d'un dispositif exceptionnel qui ne doit s'appliquer que dans des cas exceptionnels.
Je sollicite donc l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 17 rectifié et 223 rectifié ter, ainsi que sur l'amendement n° 1685 rectifié et sur l'expérimentation que l'amendement n° 1686 rectifié vise à instaurer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Le sujet est grave. Pour une famille d'éleveurs, il est terrible d'abattre tout un cheptel qu'elle a élevé, vu grandir et nourri pendant des années. C'est aussi un coup très dur pour l'exploitation agricole. Le Gouvernement souhaite naturellement apporter aux éleveurs concernés toute l'aide possible.
Comme la rapporteure générale l'a indiqué, l'article 10 du projet de loi de finances pour 2026 prévoit l'exonération d'impôt sur le revenu des plus-values dégagées à l'occasion d'un abattage sanitaire, ce qui constitue un effort non négligeable.
Mme Annie Le Houerou. C'est normal, ce n'est pas un revenu !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Ce n'est certes pas un revenu, mais c'est de l'argent !
Il est ici proposé, en sus, d'exonérer ces sommes de cotisations et contributions sociales. Mes services me signalent une difficulté de rédaction et de cohérence avec le code général des impôts.
Cela étant dit, par solidarité avec nos éleveurs et pour soutenir une filière frappée par des événements très graves, je m'en remets à la sagesse du Sénat sur l'ensemble de ces amendements.
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutient naturellement ces amendements.
Les dispositions proposées sont demandées et attendues par les éleveurs, qui, depuis plusieurs années, font face à différentes épizooties, dont la dermatose nodulaire.
L'indemnité d'abattage n'est qu'une réparation et elle n'est d'ailleurs, bien souvent, même pas à la hauteur du préjudice subi. Loin de se résumer au remplacement des bêtes perdues, la reconstitution d'un cheptel demande du temps. Il est donc tout à fait logique d'exonérer les indemnités d'abattage de cotisations sociales.
Cela me paraît à tout le moins plus sérieux que de payer des places à des matchs de football avec le budget de la sécurité sociale. Je vous invite donc à voter ces amendements.
M. le président. Quel est donc l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Monsieur le ministre, je crois comprendre que vous êtes plutôt favorable à ces dispositions.
Au regard des drames vécus par les éleveurs et des années difficiles que traverse la filière de l'élevage, je voterai ces amendements. (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Sebastien Pla, pour explication de vote.
M. Sebastien Pla. Des élevages de l'Aude et des Pyrénées-Orientales ont récemment été affectés par la dermatose nodulaire. Ce sont alors des troupeaux entiers que l'on décime, alors que – le sujet est polémique – ce n'est ni obligatoire ni nécessaire.
Les éleveurs perdent alors leur outil de travail, sachant que, dans le cas de races rustiques rares, il leur sera impossible, faute de semence, de reconstituer les cheptels abattus. N'obligeons donc pas ces pauvres gens, qui subissent déjà cette pratique d'abattage systématique, à payer en sus la CSG sur les indemnités d'abattage.
Faut-il rappeler que chaque jour, dans notre pays, un agriculteur se suicide ? La filière d'élevage bovin, notamment de montagne, est aujourd'hui en très grande souffrance. Adoptons donc ces amendements, mes chers collègues.
M. le président. Monsieur le ministre, acceptez-vous de lever le gage ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. J'ai exprimé ma solidarité envers les familles d'éleveurs affectées par ces épizooties.
Je me dois toutefois de chausser ma casquette de ministre et, en tant que responsable des comptes de notre pays, notamment sociaux, rappeler qu'il nous faut veiller à ne pas créer d'effets de bord. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
Mme Annie Le Houerou. On y veillera !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. En tout état de cause, je ne lève pas le gage, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.
M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Lors de la conférence des présidents qui s'est tenue cet après-midi, il a été proposé au ministre chargé des relations avec le Parlement que tout avis favorable du Gouvernement emporte automatiquement, sans qu'il soit demandé au ministre de le confirmer, la levée du gage.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Je m'en suis remis à la sagesse du Sénat ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 17 rectifié et 223 rectifié ter.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 1685 rectifié et 1686 rectifié n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 8 quater, modifié.
(L'article 8 quater est adopté.)
Article 8 quinquies (nouveau)
Au IV de l'article L. 136-4 du code de la sécurité sociale, les mots : « et 2° » sont remplacés par les mots : « , 2° et 3° » – (Adopté.)
Article 8 sexies (nouveau)
Après le III de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, il est inséré un III bis ainsi rédigé :
« III bis. – Par dérogation au III du présent article, le coefficient mentionné au même III est calculé en fonction du salaire minimum national professionnel des salariés sans qualification applicable à l'entreprise, au sens du 4° du II de l'article L. 2261-22 du code du travail, dans la limite du montant du salaire minimum de croissance applicable.
« Cette dérogation s'applique aux entreprises qui relèvent d'une branche pour laquelle le salaire minimum national professionnel des salariés sans qualification, au sens du même 4°, est inférieur au salaire minimum de croissance en vigueur durant toute l'année civile précédant celle du mois civil au titre duquel le montant de la réduction est calculé et pour lesquelles aucun accord d'entreprise ni aucune décision unilatérale de l'employeur n'a prévu au cours de l'année civile précitée des salaires supérieurs au salaire minimum de croissance applicable.
« Le présent III bis n'est pas applicable aux entreprises pour lesquelles le montant de la réduction est inférieur en cas de non-application de cette dérogation.
« Les conditions d'application du présent III bis, notamment dans le cas des entreprises relevant de plusieurs branches ou de plusieurs conventions collectives, sont déterminées par décret. »
M. le président. L'amendement n° 602, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à supprimer l'article 8 sexies, qui a pour objet de réduire les allégements généraux de cotisations patronales dans les branches dont les minima sont inférieurs au Smic.
Cet article semble, en effet, difficilement applicable en l'état. Par exemple, il ne prévoit pas le cas de figure où une convention collective comprendrait plusieurs grilles salariales différentes avec des minima distincts – c'est une hypothèse que l'un de nos collègues a déjà évoquée il y a quelques instants.
Surtout, le fait de traiter un sujet relevant du droit du travail, à savoir la revalorisation des minima de branche, par le biais des allégements généraux conduirait à de nombreux effets indésirables.
Ainsi, les branches visées par le dispositif sont celles qui emploient une forte proportion de salariés rémunérés au Smic, c'est-à-dire celles qui ont le plus besoin des allégements généraux et pour lesquelles il est le plus difficile de revaloriser les grilles de salaires. Réduire les allégements généraux pour ces branches pourrait donc avoir pour effet principal non d'encourager les hausses de salaire, mais de détruire des emplois – je pense d'ailleurs l'avoir suffisamment expliqué l'an dernier.
La question de la revalorisation des minima de branche semble plutôt relever des négociations annuelles obligatoires. De ce point de vue, monsieur le ministre, une future loi Travail serait vraisemblablement un véhicule plus approprié qu'un projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Mme Pascale Gruny. On l'attend depuis 2023 !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Je serais ravi de travailler sur une loi Travail, madame la rapporteure générale. Ce serait bon signe pour la longévité de ce gouvernement…(Sourires.) Pourquoi pas ? En tout cas, je vous remercie de nous encourager à défendre notre vision et de nous donner des perspectives.
Cela étant, le Gouvernement est tout à fait favorable à la suppression de cet article et, donc, favorable à l'amendement de la commission.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 602.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 8 sexies est supprimé.
Après l'article 8 sexies
M. le président. L'amendement n° 1156, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 8 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
I. – Après le 5° du I de l'article L. 213-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Le recouvrement de la contribution mentionnée à l'article L. 245–… du présent code ; ».
II. – Le chapitre V du titre IV est complété par une section … ainsi rédigée :
« Section...
« Contribution des revenus financiers des sociétés financières et non financières
« Art. L. 245 – ... – I. – Les revenus financiers des prestataires de service, mentionnés au livre V du code monétaire et financier, des sociétés tenues à l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés des sociétés tenues à l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, en application de l'article L. 123-1 du code de commerce, entendus comme la somme des dividendes bruts et des intérêts nets reçus, sont assujettis à une contribution dont le taux est égal à la somme des taux de cotisation salariale et patronale mentionnés à l'article L. 131-2 du présent code.
« Les revenus financiers, à l'exclusion des prestataires mentionnés au premier alinéa du présent article, entendus comme la somme des dividendes bruts et assimilés et des intérêts bruts perçus, sont assujettis à une contribution d'assurance vieillesse dont le taux est égal à la somme des taux de cotisation salariale et patronale d'assurance vieillesse assises sur les rémunérations ou gains perçus par les travailleurs salariés ou assimilés mentionnés à l'article L. 241-3 du présent code.
« Les contributions prévues au présent article ne sont pas déductibles de l'assiette de l'impôt sur les sociétés.
« Un décret fixe les taux de répartition de ces ressources entre les différentes caisses d'assurance vieillesse.
« II. – Les contributions sont définies annuellement par le calcul de la masse salariale augmentée des dépenses de formation sur la valeur ajoutée augmentée des produits financiers de la société au sens de l'article L. 245-16.
« III. – Les sociétés immatriculées au registre du commerce et des sociétés conformément à l'article L. 123-1 du code de commerce s'acquittent annuellement d'une cotisation additionnelle d'assurance vieillesse dont le taux est égal à l'écart entre les dépenses de formation et de la masse salariale par rapport à la valeur ajoutée créée.
« Les cotisations additionnelles prévues au présent article ne sont pas déductibles de l'assiette de l'impôt sur les sociétés.
« Un décret fixe les taux de répartition de ces ressources entre les différentes caisses d'assurance vieillesse.
« IV. – Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article. »
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Nous retentons notre chance pour vous convaincre, mes chers collègues, de mobiliser de nouvelles ressources pour notre système de protection sociale. Accrochez-vous, parce que c'est du lourd ! (Rires.)
En 2024, les profits financiers des entreprises s'élevaient à 592 milliards d'euros. Nous proposons d'assujettir les revenus financiers des sociétés financières et non financières à une contribution que l'on modulerait en fonction des choix opérés par les entreprises en matière de répartition des richesses – je ne reviens pas sur le débat que nous avons eu à ce sujet tout à l'heure.
Le taux de cette cotisation sur les revenus financiers serait de 30 %, ce qui représenterait environ 177 milliards d'euros de recettes nouvelles.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ah oui, tout de même !
Mme Céline Brulin. Avec cet amendement, il s'agit de montrer très concrètement qu'il est tout à fait possible, pour peu que l'on se penche un peu sérieusement sur la question et contrairement à ce que l'on nous dit à chaque fois, de trouver des ressources et de ne pas restreindre les droits de nos concitoyens.
Et si le taux de cette contribution sur les revenus financiers n'était pas égal à 30 %, comme je vous le suggère, mais seulement de 10 %, nous pourrions malgré tout tous aller nous coucher, parce qu'il n'y aurait plus de déficit de la sécurité sociale pour l'année 2026 ! (Sourires.)
À travers cet amendement, nous posons la question de la répartition du financement de la sécurité sociale entre le capital et le travail. Il s'agit aussi de s'interroger sur la nécessité d'orienter les politiques des entreprises vers des pratiques vertueuses en matière de rémunération des salariés et de respect de l'égalité entre les hommes et les femmes et des normes environnementales. C'est aussi de cette manière que l'on abondera le budget de notre protection sociale !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. J'ai une petite interrogation au sujet de votre amendement, ma chère collègue : vous écrivez dans son objet que son adoption permettrait de dégager 60 milliards d'euros. Or vous venez de nous parler de 177 milliards d'euros, soit près du triple !
Je rappelle tout de même que 60 milliards d'euros – un montant qui est loin d'être neutre… – équivalent à deux points de PIB : ce serait énorme et cela alourdirait considérablement les prélèvements obligatoires. Si la contribution rapportait 177 milliards d'euros, il serait donc question de six points de PIB !
La commission est évidemment défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Sans surprise, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Cela étant, madame la sénatrice, je peux témoigner, à titre personnel, de l'aptitude des membres de votre groupe à formuler des propositions très substantielles, ce qui ne cesse de me surprendre…
Mme Céline Brulin. Et ce n'est pas fini ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Tant mieux, cela me maintiendra éveillé toute la soirée, ce dont je ne peux que vous remercier. (Nouveaux sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1156.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 1155, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani, Varaillas et Gréaume, M. Lahellec et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 8 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 241-2 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 241-2. – I. – Les ressources des assurances maladie, maternité, invalidité et décès sont également constituées par des cotisations assises sur :
« 1° Les avantages de retraite, soit qu'ils aient été financés en tout ou partie par une contribution de l'employeur, soit qu'ils aient donné lieu à rachat de cotisations ainsi que les avantages de retraite versés au titre des articles L. 381-1 et L. 742-1, à l'exclusion des bonifications ou majorations pour enfants autres que les annuités supplémentaires ;
« 2° Les allocations et revenus de remplacement mentionnés à l'article L. 131-2 ;
« 3° Le produit de la contribution additionnelle à la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés, prévue par l'article L. 245-13 ;
« 4° Le produit de la contribution mentionnée à l'article L. 137-15.
« Des cotisations forfaitaires peuvent être fixées par arrêté ministériel pour certaines catégories de travailleurs salariés ou assimilés.
« Les cotisations dues au titre des assurances maladie, maternité, invalidité et décès sont à la charge des employeurs et des travailleurs salariés et personnes assimilées ainsi que des titulaires des avantages de retraite et des allocations et revenus de remplacement mentionnés aux 1° et 2° du présent I.
« II. – Les ressources des assurances maladie, maternité, invalidité et décès sont en outre constituées par une fraction égale à 38,81 % de l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services. »
La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. « C'est l'histoire d'un hold-up. Sans arme ni violence, mais orchestré avec l'aval des gouvernements successifs depuis trois décennies. Les contribuables, principales victimes de ce système, commencent à peine à en prendre la mesure. » C'est sur ces mots que débute Le Grand Détournement, l'ouvrage des journalistes Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre, paru en septembre dernier, qui explique en détail comment les milliardaires et les multinationales captent l'argent de l'État.
Précisons d'emblée que les travaux de la commission d'enquête sénatoriale de nos collègues Fabien Gay et Olivier Rietmann sur les aides publiques versées aux entreprises – je veux bien sûr parler de celles qui sont versées sans contrepartie ni contrôle… – tiennent une bonne place dans ce livre.
Mais c'est en définitive après avoir lu un passage consacré aux exonérations de cotisations sociales que nous avons décidé de proposer, avec cet amendement, le rétablissement des cotisations patronales dites « ex-CICE » (crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi), dont la disparition a amputé la sécurité sociale de 37 milliards d'euros en 2025 sans aucune efficacité sur les créations d'emplois.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ma chère collègue, nous avons déjà discuté d'amendements identiques lors de l'examen des trois précédents projets de loi de financement de la sécurité sociale.
Notre commission et les différents gouvernements y ont toujours été défavorables. Je ne vous étonnerai donc pas en émettant, cette année encore, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Comme les années précédentes, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Il serait toutefois intéressant, même si ce n'est pas l'objet du débat de ce soir, d'ouvrir une réflexion sur le financement de la sécurité sociale. Sachez que je suis prêt à ouvrir ce beau chantier si les circonstances le permettent. La question est évidemment complexe. Si ce gouvernement a la chance de durer, il s'agit d'une thématique que je suis disposé à aborder.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Message reçu cinq sur cinq !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Je n'ai certes pas la solution, mais chacun s'accorde à dire que nous sommes arrivés au bout du système et qu'il faudra bien s'interroger, à un moment donné, sur la meilleure manière de combler les nombreux besoins des cinq branches de la sécurité sociale qui, toutes, voient leurs ressources s'éroder.
C'est un sujet majeur dont je suis prêt à discuter sereinement avec celles et ceux qui seront intéressés.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Tant mieux !
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.
Mme Silvana Silvani. Le rétablissement des cotisations patronales du CICE constituerait, on le sait, un reniement trop important pour le Président de la République. Certes, l'an passé, vous avez tenté pour la première fois de réduire les allégements de cotisations, mais ce n'était pas par choix : c'était parce que votre propre dispositif avait dérapé !
La Caisse nationale de l'Urssaf l'indique clairement : ce système d'exonération a connu un emballement en 2022 en raison de l'empilement des allégements et de la revalorisation annuelle du Smic. Aujourd'hui, on estime que 26 millions de salariés sont concernés par un dispositif d'allégement de cotisations patronales.
Or la suppression de ces cotisations prive la sécurité sociale de ressources pourtant indispensables. En les rétablissant, vous pourriez financer les hôpitaux à la hauteur des besoins et redonner de l'attractivité aux métiers du soin et du médico-social. Vous pourriez empêcher toutes les fermetures annoncées : le service de chirurgie de Guingamp ou les urgences de Lannion dans les Côtes-d'Armor, l'hôpital de Zuydcoote dans le Nord ou encore la maternité de Sarlat en Dordogne…
Malgré l'échec manifeste de votre action, vous préférez poursuivre votre politique de l'offre au profit des entreprises et continuer à fermer les services de santé au détriment des assurés sociaux.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je prends note avec satisfaction de vos propos, monsieur le ministre. J'espère que vous aurez le temps d'exaucer le vœu que vous venez de former…
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Moi aussi ! (Sourires.)
Mme Raymonde Poncet Monge. … et que nous aurons le temps de parler sérieusement de ce sujet. Vous rencontrerez alors des parlementaires de gauche qui portent depuis un certain temps un regard critique sur le financement de notre système de sécurité sociale.
Cela étant, vous pouvez aussi vous inspirer de ce que disent ceux que l'on appelle les économistes orthodoxes – ou libéraux, si vous préférez. Lors de son audition, Gilbert Cette a par exemple admis que le CICE était en fait une erreur, du moins à moyen terme, puisqu'il n'avait eu aucun effet sur l'emploi ou la compétitivité. Bien entendu, si vous doutez de mes propos, vous pouvez parfaitement demander directement à l'intéressé s'il s'agit bien de ce qu'il a déclaré… Je rappelle que Gilbert Cette est cet économiste, certes libéral, mais de valeur, que l'on a mis à la tête du Conseil d'orientation des retraites (COR), parce que le précédent président de cet organisme était un peu trop critique…
Aujourd'hui, tout le monde reconnaît – et c'est pour cela que je cite souvent les analyses du Conseil d'analyse économique (CAE), de la Cour des comptes, etc. – qu'il y a un problème de financement.
Madame la rapporteure générale, ce n'est pas ce que nous voterons aujourd'hui qui suffira. Cela ne permettra évidemment pas de contrebalancer le scandale des allégements généraux, qui coûtent chaque année des milliards d'euros à notre protection sociale. Comme Gilbert Cette nous l'a indiqué, le CICE n'a eu effet ni sur l'emploi ni sur la compétitivité.
Enfin, permettez-moi de rappeler que l'on a payé aux entreprises une année double en termes d'exonérations au moment de la transformation du CICE en allégements de cotisations sociales. Je me souviens également de ce président du Medef (Mouvement des entreprises de France) qui avait ce si joli pin's sur lequel figurait le slogan « 1 million d'emplois »…
Quelques années plus tard, on a bien compris qu'il s'agissait d'une erreur, mais combien cette erreur a-t-elle coûté à la sécurité sociale ? Faisons-les comptes !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1155.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 134 rectifié bis, présenté par MM. Gold et Bilhac, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Grosvalet et Guiol, Mme Jouve, M. Masset, Mme Pantel, M. Roux et Mme Girardin, est ainsi libellé :
Après l'article 8 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au dernier alinéa de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale, après le mot : « sociale », sont insérés les mots : « ainsi que, lorsqu'ils ont pour objet exclusif l'action sociale, les syndicats mixtes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 5711-1 du code général des collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale ».
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. L'an dernier, après plusieurs tentatives de notre collègue Éric Gold, nous avons enfin adopté définitivement une mesure permettant aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ayant pour objet unique l'action sociale de bénéficier de l'exonération des cotisations sociales patronales sur les rémunérations des aides à domicile employées en CDD ou en CDI.
Nous avions pour objectif de mettre fin à une inégalité de traitement entre les services d'aide et d'accompagnement à domicile (Saad) gérés par des centres intercommunaux d'action sociale (CIAS) et ceux qui sont gérés directement par des EPCI.
Or, depuis, nous avons été alertés qu'une dissymétrie perdurait pour les EPCI employant des aides à domicile ayant la qualité d'agent titulaire relevant du cadre d'emploi des agents sociaux territoriaux. Pour les rémunérations de ces agents, l'exonération de cotisations d'assurance vieillesse à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) ne bénéficie qu'aux centres communaux et intercommunaux d'action sociale.
En étendant aux cotisations d'assurance vieillesse le régime d'exonération déjà appliqué pour les autres cotisations sociales, le présent amendement tend à rétablir la cohérence du dispositif et à remettre tous les acteurs publics de l'action sociale sur un pied d'égalité.
Il s'agit aussi d'adresser un signal clair aux collectivités locales : leur engagement en faveur du bien-vieillir à domicile, de la prévention de la perte d'autonomie et de l'accompagnement des aidants est pleinement reconnu et soutenu par la solidarité nationale. En sécurisant ainsi leurs ressources humaines, nous confortons l'attractivité du métier d'aide à domicile et la pérennité d'un service de proximité indispensable dans les zones rurales comme urbaines.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet amendement a pour objet d'étendre aux syndicats mixtes et aux EPCI l'exonération des cotisations d'assurance vieillesse pour les aides à domicile ayant qualité d'agent titulaire qui, actuellement, ne profite qu'aux personnes en fonction dans un centre communal d'action sociale (CCAS).
Pour rappel, l'article 16 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, introduit au Sénat après avis favorable de notre commission et malgré l'avis défavorable du gouvernement de l'époque, a déjà permis d'élargir le champ d'application d'une autre niche aux syndicats mixtes et aux EPCI, celle de l'exemption de cotisations patronales des rémunérations versées aux aides à domicile contractuels.
Cette année, cela tombe mal : la position retenue par la commission des affaires sociales consiste à rejeter tout élargissement d'une niche existante,…
Mme Raymonde Poncet Monge. Sauf pour le foot !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. … ce que vous proposez précisément de faire à travers cet amendement.
On ne peut pas continuer d'accroître, année après année, le périmètre des niches sociales relatives aux aides à domicile employées par des structures publiques.
C'est un peu comme le Ségur de la santé : au début, les mesures ne concernaient que quelques personnes, puis on en a étendu progressivement le bénéfice à d'autres… C'est sans fin !
L'avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Même avis pour les mêmes raisons.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. J'ai défendu, avant la suspension du dîner, un amendement parfaitement analogue à celui-ci. J'espérais que le fait de s'être sustentés aurait fait changer d'avis Mme la rapporteure générale et M. le ministre, mais ce n'est manifestement pas le cas… (Sourires.)
Pourtant, la situation actuelle est source d'injustice : il existe une inégalité de traitement manifeste entre les CIAS, qui ne sont rattachés qu'à une seule intercommunalité, et les syndicats intercommunaux qui en associent plusieurs et que l'on trouve donc le plus souvent en zone rurale.
Ainsi, on encourage en quelque sorte l'embauche de contractuels, dans la mesure où ces syndicats intercommunaux manquent de moyens. On favorise donc le travail précaire, lequel entraîne des remplacements fréquents auprès de personnes âgées vulnérables, qui ont au contraire besoin de s'en remettre à des gens de confiance qu'elles voient régulièrement, éventuellement tous les jours, et qu'elles connaissent bien.
Je n'arrive pas bien à comprendre, même si j'ai entendu que, cette année, tout est plus dur que l'année dernière, qu'on laisse perdurer une telle inégalité. Je note tout de même que, pour le foot, malgré les salaires mirifiques de certains joueurs, on ne s'est pas posé autant de questions. Il s'agit ici d'agents de catégorie C, qui ont les salaires parmi les plus bas.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 134 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 1162, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin et Silvani, M. Gay et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 8 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est complété par huit alinéas ainsi rédigés :
« La réduction dont bénéficie chaque employeur peut être minorée en fonction :
« 1° Du nombre de fins de contrat de travail à l'exclusion des démissions ;
« 2° De la nature du contrat de travail et de sa durée ;
« 3° De la politique d'investissement de l'entreprise ;
« 4° De l'impact de l'entreprise sur l'environnement ;
« 5° De la taille de l'entreprise.
« 6° De la conclusion d'un accord relatif à l'égalité professionnelle
« Un décret précise les modalités de calcul de la minoration de la réduction dégressive de cotisations patronales. »
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement, que nous défendons régulièrement – au groupe CRCE-K, nous sommes constants ! –, vise à conditionner la réduction générale des cotisations patronales, dite réduction Fillon, qui s'applique aux rémunérations inférieures à 1,6 Smic brut.
Le rapport d'information sur le contrôle de l'efficacité des exonérations de cotisations sociales du 28 septembre 2023 a en effet pointé du doigt les effets de seuil du dispositif Fillon.
Ces critiques sont alimentées par le phénomène de tassement de la distribution des salaires actuellement observable en France. Selon la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), la moitié des salariés gagnait moins de 1,6 Smic en France en 2023, soit six points de plus qu'en 2010. Ces chiffres illustrent le phénomène macroéconomique dit de trappe à bas salaires.
Par cet amendement, nous ne proposons pas de supprimer ces exonérations, car l'impact économique d'une telle mesure serait trop brutal pour les entreprises ; nous proposons de faire en sorte que cet argent public soit soumis aux règles générales relatives aux aides publiques applicables en France, que ce soit en matière de contrôle ou de critères d'octroi.
Nous souhaitons par conséquent conditionner les exonérations dites Fillon aux mesures prises par les entreprises pour le développement de l'emploi et la revalorisation des salaires et aux engagements qui visent à favoriser l'investissement et à respecter les critères environnementaux. Nous encourageons ainsi un modèle vertueux.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ma chère collègue, le Sénat avait déjà rejeté un dispositif identique l'année dernière. À l'époque, la commission avait expliqué qu'un tel amendement, s'il était adopté, aurait pour conséquence de faire perdre aux allégements une grande part de leur efficacité, en nuisant à la lisibilité du système pourtant indispensable aux employeurs, et qu'il aggraverait la situation des secteurs employant une forte proportion de salariés payés au Smic ou en difficulté économique.
Je suis curieuse d'entendre M. le ministre à ce sujet, mais, en tout cas, la position de la commission est la même que l'an passé : défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Ma prédécesseure, Astrid Panosyan-Bouvet, avait dû dire à peu près la même chose à ce sujet l'année dernière : nous ne souhaitons pas introduire d'éléments de variabilité et d'imprévisibilité pour ces aides qui sont intégrées dans les plans des entreprises.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Les allégements généraux de cotisations représentent un montant de 26 milliards d'euros d'aides publiques.
M. Michel Canévet. Non !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Depuis l'examen du précédent projet de loi de financement de la sécurité sociale est paru le rapport de notre collègue Fabien Gay, qui a démontré l'absence de contrôle des aides publiques et illustré l'ampleur de l'optimisation fiscale permise par ces exonérations de cotisations sociales pour les grandes entreprises.
Pour répondre aux critiques sur la complexité du mécanisme que nous proposons – c'est un reproche qui nous est souvent adressé –, je précise que notre amendement vise à faire confiance à la démocratie sociale dans les entreprises. Si le Gouvernement pense que les organisations syndicales et les employeurs ne peuvent pas s'entendre sur les sujets que nous évoquons, il serait peut-être temps de nationaliser les entreprises de notre pays… (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
J'ajoute que d'autres pays conditionnent leurs aides aux entreprises : je citerai l'exemple de l'Espagne où les aides publiques sont versées aux entreprises en contrepartie d'une obligation de maintien de leur activité pendant plusieurs années sur le territoire, en l'occurrence durant cinq ans pour les grandes entreprises et trois ans pour celles de taille moyenne.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. Contrairement à ce qui figure dans l'exposé des motifs de l'amendement et à ce que je viens d'entendre, les exonérations de cotisations sociales ne sont pas des aides publiques aux entreprises. Ce n'est pas la réalité ! (Exclamations sur des travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1162.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 1029, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l'article 8 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.– Après le huitième alinéa de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation, pour les cotisations et contributions dues au titre des rémunérations versées au cours de l'année 2026, les paramètres de calcul du coefficient mentionné au présent III, notamment la valeur T, sont ceux applicables au 31 décembre 2025. »
II. – Les dispositions du I sont applicables aux cotisations et contributions dues au titre des périodes d'activité courant à compter du 1er janvier 2026.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Avec cet amendement, je propose de reproduire un mécanisme très progressif auquel nous avons déjà recouru.
Je m'explique : dans le cadre de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous allons débattre d'un certain nombre de mesures que vous proposez, comme le gel du barème de la CSG, des prestations sociales ou des pensions.
Eh bien, moi aussi, je vais vous proposer un gel, mes chers collègues, parce que, comme chacun le sait, un gel, c'est très doux et cela ne fait pas mal…
Plus précisément, je propose un dispositif similaire à ce qu'avait instauré le décret du 29 décembre 2023 relatif aux modalités d'application de divers dispositifs de réduction de cotisations patronales, à savoir – je vous passe les détails – un gel du barème de calcul des revenus concernés par les exonérations de cotisations patronales applicables aux allocations famille et maladie et la prise en compte du Smic applicable au 31 décembre 2023 comme Smic de référence.
Comme vous le savez, le barème des allégements est lié à un multiplicateur du Smic. En figeant le Smic de référence, nous aurions un effet sur les allégements généraux de cotisations, mais, ne vous inquiétez pas, comme pour le gel des prestations sociales et des pensions, cet effet serait tout doux… Comme avec le décret de 2023, appliquons un gel pour les allégements généraux de l'année 2026.
Je rappelle que, selon l'annexe 4 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, le coût total des seuls allégements généraux atteindrait 62,2 milliards d'euros en 2025.
Tout cela est donc très coûteux pour les comptes publics, notamment sociaux, d'autant que, selon la Cour des comptes, certaines mesures d'exonérations, par exemple celles introduites en 2019, ont été mal compensées du fait d'un mauvais calcul de la fraction de TVA afférente – comme par hasard, au détriment de la sécurité sociale… Cela a conduit à une sous-compensation des exonérations de cotisations pour un montant de 5,5 milliards d'euros en 2024.
Une telle mesure, qui a déjà été expérimentée, j'y insiste, rapporterait 1,5 milliard d'euros au budget de la sécurité sociale – ce montant figure dans l'excellent rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) du Sénat. Cette mesure est parfaitement envisageable, même s'il est vrai que les entreprises sont désormais dépendantes des allégements de cotisations. Si ces allégements n'ont eu, je le redis, aucun effet à moyen terme sur l'emploi et la compétitivité, il n'en reste pas moins qu'ils agissent un peu comme une drogue…
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ma chère collègue, je suis évidemment d'accord avec vous : l'excellent rapport de la Mecss – nous l'avons rédigé ensemble ! – évalue effectivement à 1,5 milliard d'euros ce gel du barème des allégements généraux de cotisations patronales. Il s'agit, qui plus est, d'une proposition que la majorité sénatoriale a faite à François Bayrou en juillet dernier.
Cependant, il se trouve que le Gouvernement – sans doute allez-vous le confirmer, monsieur le ministre – a l'intention de rendre plus convexe encore la trajectoire de la réduction générale dégressive unique (RGDU), qui doit s'appliquer à compter du 1er janvier 2026.
Durant les débats à l'Assemblée nationale et nos auditions, les intentions du Gouvernement n'avaient pas filtré à ce sujet, ce qui a pu susciter un certain nombre d'inquiétudes.
Personnellement, monsieur le ministre, je craignais que vous ne finissiez par réduire les allégements généraux au niveau du Smic, alors même que, l'année dernière, nous avions longuement travaillé sur le sujet et que nous nous étions montrés intraitables avec ceux qui voulaient remettre en cause cette disposition. Mais j'ai finalement été rassurée par les derniers échanges que nous avons eus : la mesure du Gouvernement rapportera, d'après les éléments dont je dispose, 1,4 milliard d'euros.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je propose 1,5 milliard !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cependant, dès lors que l'on ne peut pas jouer sur les deux tableaux, ma chère collègue, j'émettrai un avis défavorable sur votre amendement et donnerai la priorité à la proposition du Gouvernement, même si, il faut le reconnaître, votre amendement est mieux-disant. (Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Madame la sénatrice, je vous remercie de me donner l'occasion d'apporter quelques précisions sur la manière dont nous souhaitons réévaluer la trajectoire sur laquelle reposeront les allégements généraux l'année prochaine.
Nous en attendons un meilleur rendement, ce qui signifie un effort supplémentaire pour les entreprises, c'est-à-dire une réduction des allégements de cotisations, qui sera de l'ordre de 1,4 milliard d'euros.
Nous constaterons donc de nouveau l'économie de 1,5 milliard d'euros qui avait été décidée l'année dernière et nous y ajoutons 1,4 milliard d'euros. Comme l'a indiqué Mme la rapporteure générale, le Gouvernement travaille sur la courbe des allégements Fillon, afin de la rendre un peu plus convexe.
Cela étant, nous nous inscrivons dans la même logique que les années précédentes : les allégements seront toujours à leur maximum au niveau du Smic, puisque l'un des objectifs majeurs de ce dispositif est d'encourager les entreprises à créer des emplois.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour explication de vote.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Pour les mêmes raisons que celles que vient d'exposer M. le ministre, je voterai contre cet amendement.
Comme cela a été rappelé par Michel Canévet, les allégements de charges ne sont pas des aides aux entreprises. Il faut arrêter de nier tout ce qu'a démontré la littérature économique depuis la mise en œuvre de ces allégements généraux de cotisations : ils ont un effet indiscutable sur l'emploi peu qualifié jusqu'à 1,6 ou 1,8 Smic. Toutes les études l'ont prouvé.
Certes, je ne conteste pas qu'à un niveau de salaire plus élevé, par exemple pour des techniciens supérieurs ou des ingénieurs, il faille réévaluer la courbe. À ce niveau, le dispositif a des effets qui portent davantage sur la compétitivité que sur l'emploi, alors même qu'il coûte cher. Il faut probablement revoir le barème pour de tels niveaux de salaires.
Mais, franchement, il me semble que, dans la conjoncture économique actuelle, le gel de l'ensemble du barème, y compris au niveau des bas salaires, serait une grave erreur pour l'emploi peu qualifié en France.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je ne vois pas bien de quel consensus économique vous parlez, ma chère collègue ! Les méta-analyses montrent plutôt que les allégements généraux n'ont aucune efficacité au-delà de 1,6 Smic. À la rigueur, arrêtons-nous à ce niveau-là !
Si l'on regarde l'ensemble des études, que ce soit celles du Conseil d'analyse économique (CAE), celles du groupe d'experts sur le Smic ou encore le rapport des économistes Antoine Bozio et Étienne Wasmer, il n'y a aucune raison d'appliquer ce dispositif au-delà de 2 Smic ! Hélas, nous n'appliquons pas les conclusions de ce consensus qui, pourtant, émane à la fois d'économistes libéraux, si je puis dire, et hétérodoxes, puisque le seuil de sortie est fixé à un niveau plus élevé.
Je souhaitais surtout mettre en avant le fait qu'utiliser un multiplicateur du Smic n'est pas pédagogique. L'effet est délétère par rapport à notre structure productive.
Nous ne demandons donc pas de geler les exonérations, mais de geler la valeur du Smic de référence pour que le multiplicateur s'applique à un montant fixe plutôt qu'à un indice évolutif. Sans cela, au fur et à mesure de l'augmentation du Smic – il est normal de l'augmenter, ne serait-ce qu'en raison de l'inflation –, nous perdons la maîtrise des exonérations.
Cette méthode n'est donc pas pédagogique. C'est ce que l'on appelle une trappe à bas salaires. J'ajouterai qu'elle est surtout très mauvaise pour la structure productive de notre pays. La productivité est aussi hors coût. Or ce mécanisme ne favorise qu'une productivité faible et de mauvaise qualité sur les bas salaires.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Raymonde Poncet Monge. Je m'arrête là, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1029.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 1168, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin et Silvani, M. Gay et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 8 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 1235-14 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 1235-14. – Lorsque le juge constate que le licenciement pour motif économique ou les suppressions d'emploi sont dépourvus de cause réelle et sérieuse, il ordonne le remboursement du montant de la réduction de cotisations sociales patronales mentionnée à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale dont a bénéficié l'entreprise pour les salariés concernés par le licenciement ou les suppressions d'emploi envisagés.
« Dès lors que le juge prononce la nullité du licenciement pour motif économique ou de la suppression d'emploi, l'employeur perd le bénéfice des dispositifs prévus à l'article 244 quater B du code général des impôts si son entreprise en est déjà bénéficiaire, ou l'opportunité d'en bénéficier, pour une période ne pouvant excéder cinq ans. Le juge peut également condamner l'employeur à rembourser tout ou partie du montant dont son entreprise a bénéficié au titre de ces dispositifs. »
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Lorsqu'un juge conclut à l'absence de cause réelle et sérieuse en cas de licenciement économique, les salariés obtiennent bien évidemment réparation. La puissance publique, en revanche, ne récupère rien, même lorsque l'entreprise a bénéficié d'avantages financés par la solidarité nationale.
En prévoyant le remboursement des exonérations lorsque le licenciement aura été jugé sans cause réelle et sérieuse, nous rétablissons une forme d'équilibre et signifions qu'il n'est pas possible de percevoir de l'argent public quand on ne respecte pas le droit du travail.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Avis défavorable. Permettez-moi de faire deux rappels.
Les licenciements pour motif économique, puisqu'il s'agit d'eux, sont très encadrés dans notre pays.
Mme Raymonde Poncet Monge. Les employeurs ont très peur !
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Les allégements généraux ne semblent pas être l'instrument adéquat pour renforcer ce cadre.
Sur le fond, car il s'agit de propositions récurrentes, nous ne pouvons pas en permanence être dans une logique de sanction envers les entreprises, en les menaçant de conditionner les aides. Cette approche pose problème. Ce n'est pas la bonne manière de procéder si l'on veut offrir aux entreprises un cadre stable permettant d'élaborer des plans de long terme. Une entreprise ne se pilote ni à trois mois ni à un an : elle a besoin de stabilité. On ne peut pas, en permanence, menacer de modifier les dispositifs.
Franchement, l'emploi et l'entreprise forment un tout, une logique cohérente. En tant que ministre du travail, je n'ai pas l'impression de négliger le travail et l'emploi lorsque je m'attache au développement des entreprises. Il ne serait pas très bon d'installer une dualité dialectique entre le monde du travail et celui de l'entreprise.
Ma vision repose, au contraire, sur un travail conjoint avec les entreprises pour les accompagner dans leur développement et les encourager à créer de l'emploi, en particulier de l'emploi qualifié. C'est ainsi que nous atteindrons notre objectif à tous : l'élévation du niveau des rémunérations dans notre pays.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le ministre, vous parlez des emplois et des entreprises. La mesure proposée ici n'est pas une sanction : il s'agit plutôt d'un rétablissement.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
M. Guillaume Gontard. Lorsqu'une entreprise bénéficie d'argent public, elle est redevable, ce qui devrait être évident.
Permettez-moi d'illustrer mon propos par un exemple. L'entreprise historique de fabrication de sirops Teisseire, créée en 1720 et implantée à Crolles, est bénéficiaire tous les ans, sauf l'an dernier où un petit tour de passe-passe a volontairement rendu le site de Crolles déficitaire pour des raisons tout simplement spéculatives. Teisseire, qui appartient au groupe Carlsberg, a bénéficié de 500 000 euros par an au titre du CICE, ce qui interroge au regarde de l'actualité, puisque 205 salariés vont se retrouver sur le carreau et être licenciés.
Monsieur le ministre, vous parliez d'emploi. Il serait utile que votre collègue ministre de l'industrie se rende auprès des salariés de cette entreprise pour leur expliquer votre méthode.
J'ignore si ce type d'amendement constitue la bonne solution, mais il met en lumière que nous manquons cruellement d'un mécanisme clair. C'est la place de l'État qui est en jeu : comment intervient-il face à des groupes qui se préoccupent très peu de leurs salariés, qui se réorganisent selon leur bon vouloir et qui perçoivent pourtant de l'argent public ? À un moment, il faudra établir un mécanisme permettant à l'État d'agir. À l'heure actuelle, les salariés, eux, ne comprennent pas !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1168.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 1157, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 8 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le taux des cotisations patronales versées au titre du financement de l'assurance vieillesse est augmenté d'un point.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Le débat que nous avons eu, dans cet hémicycle, sur les retraites nous a passionnés. Cet amendement vise à abroger la retraite à 64 ans décidée par Emmanuel Macron, en prévoyant une hausse de 1 point de la cotisation d'assurance vieillesse des entreprises.
La réforme reportant l'âge de la retraite à 64 ans, entrée en vigueur le 1er septembre 2023, fut imposée contre le Parlement, contre le mouvement social du printemps 2023 et contre l'opinion publique. Il convient de rappeler que 70 % des Français et 93 % des actifs y étaient opposés.
Cette réforme injuste a volé deux ans de vie aux travailleurs. Elle accroîtra les accidents du travail et les maladies professionnelles, en particulier pour les travailleurs des classes populaires occupant les métiers les plus pénibles. Les ouvriers ont une espérance de vie inférieure de cinq ans à celle des cadres. Le précédent report de l'âge de départ à la retraite de 60 ans à 62 ans avait augmenté de 14 points la probabilité d'invalidité.
La réforme renforce le chômage et précarise les seniors : à 62 ans, 40 % des personnes qui ne sont pas encore à la retraite ne se trouvent déjà plus en emploi, selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees).
Cette réforme n'a apporté que du malheur. Le mensonge d'une retraite minimale à 1 200 euros entache encore davantage le bilan des années Macron. D'après les chiffres publiés par la Drees en février 2024, seuls 185 000 retraités ont bénéficié d'une revalorisation de leur pension en 2024, pour un montant de 30 euros brut mensuels.
Les femmes, qui ont subi davantage d'interruptions de carrière, ont été discriminées dans leur rémunération. Elles devront travailler neuf mois de plus, contre cinq pour les hommes.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Pour éviter ce désastre social, nous demandons l'abrogation de la réforme des retraites.
Mme Catherine Di Folco. Ce n'est pas du tout l'objet de l'amendement !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Vous proposez d'augmenter de 1 point les cotisations des employeurs pour l'assurance vieillesse.
Vous avez évalué le gain de cette mesure à 7,5 milliards d'euros, ce qui est analogue à l'estimation publiée par la Cour des comptes dans son rapport de février 2025 sur les retraites, qui était de 6,2 milliards d'euros pour le seul régime général.
Néanmoins, c'est manifestement excessif. En effet, certains modèles, comme Mésange – Raymonde Poncet Monge le connaît bien – qui est utilisé par le Trésor, suggèrent que les cotisations employeurs sont celles qui détruisent le plus d'emplois. Selon ce modèle, cet amendement détruirait environ 90 000 emplois, ce qui est considérable.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Même avis.
M. Victorin Lurel. Cela mérite quand même quelques explications !
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous ne vous proposons pas un choc fiscal : nous demandons seulement une hausse de 1 point de cotisation. Aujourd'hui, la cotisation patronale retraite s'élève à 8,55 % ; notre amendement la porterait à 9,55 %.
Selon le haut-commissaire au plan, une hausse de 1 point des cotisations patronales rapporterait environ 7,5 milliards d'euros, soit un montant supérieur aux économies attendues de la contre-réforme de 2023. À nos yeux, c'est cela une mesure de justice sociale !
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la rapporteure générale, vous avez raison : les résultats du modèle Mésange, comme de celui de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), évoquent systématiquement une augmentation de 1 point de PIB. Mais il n'a jamais été question – je ne sais si cet amendement le prévoit, mais je me souviens du débat sur les retraites – d'appliquer immédiatement une hausse de 1 point.
En effet, dans les modèles, une hausse des cotisations patronales ou salariales de 1 point de PIB produit mécaniquement un choc important. Il s'agissait plutôt de 0,15 point par an pendant cinq ans.
Je souhaite surtout rappeler que ces modèles, qu'il s'agisse de Mésange ou de celui de l'OFCE, concluent à un impact négatif sur l'emploi d'une baisse des pensions de retraite. Geler, puis sous-indexer pendant cinq ans – cela revient quasiment à geler les pensions – produit donc un effet sur l'emploi. C'est ce que l'on nomme un effet récessif macroéconomique. Mais là, personne n'en parle et on ne demande pas au Trésor de mesurer les conséquences d'un tel gel !
Madame la rapporteure générale, ces modèles comparent une hausse de 1 point des cotisations et une baisse de 1 point des pensions : je vous assure que la baisse des pensions, via son effet sur la consommation et d'autres paramètres, entraîne, elle aussi, des effets négatifs sur l'emploi.
Je l'ai indiqué lorsque je me suis exprimée sur la sincérité budgétaire : l'effet récessif n'est pas du tout analysé. En revanche, dès qu'il s'agit d'augmenter les cotisations, vous mettez immédiatement en avant l'effet récessif sur l'emploi et la compétitivité. Les hausses progressives de cotisations et les baisses de pensions ont pourtant des effets récessifs à peu près comparables sur l'emploi.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1157.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 8 septies (nouveau)
I. – Au premier alinéa du I de l'article L. 241-18-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « et moins de deux cent cinquante » sont supprimés.
II. – Le I est applicable aux revenus d'activité versés au titre des périodes d'emploi courant à compter du 1er janvier 2026.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 954 est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L'amendement n° 1101 rectifié bis est présenté par MM. Grosvalet, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire, Gold et Guiol, Mme Jouve, M. Masset, Mme Pantel, M. Roux et Mme Girardin.
L'amendement n° 1767 est présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l'amendement n° 954.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet article élargit une niche. Or la commission s'est fixé comme doctrine de refuser ce genre de mesure !
De surcroît, déplafonner l'exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires en l'élargissant aux entreprises de plus de 250 salariés touche à la niche la plus inutile qui soit.
Le présent article ajoute une perte de recettes et amplifie une exonération qui est par ailleurs non compensée. L'Assemblée nationale a vraiment fait fort : elle a décidé que cette exonération, qui donne des droits, ne serait pas compensée. Pour la sécurité sociale, c'est la double peine.
Une telle mesure est donc contradictoire. De plus, elle fait fi des multiples travaux d'évaluation sur la désocialisation et la défiscalisation des heures supplémentaires.
Les auteurs de l'amendement ayant introduit cet article dans le texte ont omis de mentionner le rapport d'évaluation de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (Tepa) adoptée sous Nicolas Sarkozy. Ce rapport démontrait que le dispositif, qui a été supprimé de ce fait, n'avait abouti à aucune création d'heures supplémentaires et avait surtout entraîné un effet d'aubaine massif, notamment dans les grandes entreprises, a fortiori celles où les cadres sont les plus présents.
Les plus grandes entreprises ont bénéficié d'un effet d'aubaine en déclarant davantage d'heures supplémentaires en substitution d'augmentations de salaire. On associe souvent ces dispositifs aux petits salaires. De fait, ils sont très inégalement répartis.
Si l'objectif du présent article est d'augmenter la quantité de travail, il manque totalement sa cible. La défiscalisation et la désocialisation n'ont aucun impact. Pire, elles ont même, selon certaines études, un effet négatif sur l'emploi.
En comptant les externalités négatives sur l'emploi amplifiant le manque à gagner pour les comptes publics, l'OFCE considère que le dispositif Tepa…
M. le président. Il faut conclure, chère collègue !
Mme Raymonde Poncet Monge. … a coûté 7 milliards d'euros aux comptes publics en 2011, à la veille de son extinction. Et là, vous le reproduisez en pire, parce qu'il ouvre des droits !
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l'amendement n° 1101 rectifié bis.
Mme Maryse Carrère. Notre collègue Philippe Grosvalet a déposé un amendement identique à celui qui vient d'être défendu.
Selon lui, le présent article représenterait un coût supplémentaire pour les finances publiques sans garantir d'effet significatif sur l'emploi ou sur le recours aux heures supplémentaires dans ces grandes entreprises, qui disposent déjà de marges financières plus importantes.
Maintenir le dispositif actuel permettrait de préserver l'équilibre budgétaire, tout en continuant de soutenir prioritairement les petites et moyennes entreprises pour lesquelles cette déduction reste un levier réellement utile.
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter l'amendement n° 1767.
Mme Annie Le Houerou. Cet article vise à étendre le dispositif de déduction forfaitaire des cotisations patronales sur les heures supplémentaires aux entreprises de plus de 250 salariés.
Par principe, le groupe SER s'oppose à la création de nouvelles exonérations qui appauvrissent la sécurité sociale : d'abord, par une moindre recette, puis par le coût de droits acquis gratuitement.
Nous reconnaissons que des situations exceptionnelles peuvent nécessiter une exonération – nous en avons parlé tout à l'heure – pour l'incitation à l'emploi quand cela est efficace ou pour préserver le pouvoir d'achat en temps de crise. Ici, aucune de ces raisons n'existe.
À l'heure où vous criez à la catastrophe sur l'état des comptes sociaux, créer un manque à gagner supplémentaire au bénéfice des patrons des grandes entreprises est injuste. Cela démontre bien votre position idéologique tendant à refuser de financer la sécurité sociale pour l'appauvrir, l'amenuiser, sans aucun intérêt réel pour la croissance et les comptes publics.
Par ailleurs, les heures supplémentaires sont déjà défiscalisées et exonérées de cotisations salariales, ce qui constitue un avantage significatif pour les salariés et il n'est pas nécessaire de réduire encore le coût patronal dans les grands groupes, qui disposent de marges de manœuvre financières bien supérieures à celles des petites entreprises.
Un tel élargissement risquerait également d'encourager le recours massif aux heures supplémentaires au détriment des embauches, sans effet tangible sur la valorisation du travail ou le pouvoir d'achat.
Dans ce contexte, la priorité doit rester la préservation des ressources de la sécurité sociale et la cohérence des dispositifs de soutien déjà en place.
Le présent amendement a donc pour objet de supprimer cet article 8 septies.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission souhaite le maintien de l'article 8 septies voté par voie d'amendement à l'Assemblée nationale. L'avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Je rappelle que les heures supplémentaires ont deux objectifs.
D'abord, elles constituent un élément d'organisation et de souplesse important pour les entreprises, petites comme grandes, confrontées à des variations d'activité. L'égalisation des conditions entre petites et grandes entreprises offre également à ces dernières la possibilité de lisser leurs charges. Qu'elles soient de petite ou de grande taille, beaucoup rencontrent des difficultés de charges.
Ensuite – et c'est l'autre objectif –, il s'agit d'une mesure de pouvoir d'achat. Nous l'avons déjà évoqué : les salariés français recherchent une amélioration de leur rémunération et les heures supplémentaires constituent l'un des moyens d'y parvenir.
La logique de cet article apparaît donc clairement : il tend à étendre aux entreprises de plus de 250 salariés ce qui s'applique déjà aux plus petites. J'en ai ainsi résumé la justification.
Le coût s'élève à environ 130 ou 140 millions d'euros. Nous le reconnaissons, mais les effets positifs de la mesure le justifient. Je m'en remets donc à votre sagesse sur cet article, mais vous aurez compris que j'y vois de nombreux avantages.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je comprends, monsieur le ministre, que vous vous montriez quasi favorable à ce dispositif, puisqu'il n'applique pas la loi Veil et ne donne lieu à aucune compensation : il ne coûte donc rien à l'État. C'est parfait. Il coûte, en revanche, à la sécurité sociale ; mais pour l'État, nous sommes face à une exemption totale de la loi Veil qui se trouve bel et bien enterrée !
Le dispositif de la loi Tepa, lui, était compensé. Ici, que nenni : aucune compensation pour la sécurité sociale.
De surcroît, le dispositif de cet article ouvre des droits. C'est la totale : open bar ! Les salariés acquièrent des droits, ce qui signifie que la sécurité sociale – toutes ses branches – devra les servir, alors qu'elle n'aura jamais perçu aucune cotisation. Vous devriez pourtant savoir qu'il existe un lien entre la cotisation et les droits. Briser ce lien pose un problème en termes de consentement à la cotisation – il n'y a pas que le consentement à l'impôt.
La question de la compensation devrait, me semble-t-il, intéresser Mme la rapporteure générale, d'autant que ce dispositif ne sert à rien. Je n'ai jamais vu un employeur dire : « c'est exonéré, alors, faites des heures supplémentaires, même s'il n'y a rien à faire ». Cela n'existe pas ! C'est seulement s'il y a de l'activité qu'on effectue des heures supplémentaires et personne n'entend les interdire, monsieur le ministre – soyez rassuré !
Nous disons simplement qu'il faut verser des cotisations. Les heures supplémentaires constituent un élément de rémunération. Rien de plus.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 954, 1101 rectifié bis et 1767.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour un rappel au règlement.
M. Michel Canévet. Je souhaite faire un rappel au règlement au titre de l'article 35 bis de notre règlement : certains, de façon quasi systématique, ne respectent pas leurs deux minutes de temps de parole. C'est particulièrement irrespectueux pour les collègues qui, eux, s'y attachent. (Exclamations sur les travées des groupes GEST et CRCE-K.)
Mme Céline Brulin. Et le débat, alors ?
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Article 8 septies (nouveau) (suite)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 941 est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L'amendement n° 1163 rectifié est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
L'amendement n° 1666 rectifié est présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Les articles L. 241-17, L. 241-18 et L. 241-18-1 du code de la sécurité sociale sont abrogés.
II. – Le présent article s'applique aux cotisations dues pour les périodes courant à compter du 1er janvier 2026.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l'amendement n°941.
Mme Raymonde Poncet Monge. Il est grand temps de supprimer l'exonération de cotisations vieillesse sur les heures supplémentaires et complémentaires, car elle creuse le déficit de notre branche vieillesse.
En effet, les recettes de cette branche ne suivent pas l'évolution du PIB. Le problème réside dans le décalage entre les dépenses, qui restent à 14 % du PIB, et une certaine attrition des recettes.
L'exonération de cotisations vieillesse des heures complémentaires et supplémentaires représentera la bagatelle de 2,4 milliards d'euros en 2026, selon l'annexe 4 du PLFSS, soit l'essentiel des exonérations ciblées non compensées par le budget de l'État, qui s'élèvent à 2,8 milliards d'euros.
En 2022, le montant des exonérations non compensées depuis 2018 était de 8 milliards d'euros – une véritable explosion et un niveau supérieur à l'évolution du déficit de la sécurité sociale.
Depuis 2019, année où l'exonération a été rétablie, le coût de ce dispositif s'est aggravé pour la branche vieillesse, puisqu'il n'est plus compensé tout en ouvrant des droits à prestations. Ainsi, chaque année, la branche perd en moyenne 2 milliards d'euros de recettes en contrepartie de futures dépenses non contributives.
Le dispositif échappe donc à la loi Veil et, en 2025, la perte de recettes pour la sécurité sociale a dépassé – écoutez bien – les 12 milliards d'euros depuis 2019, alors même que la mesure est totalement inutile et inefficace sur l'activité.
C'est pourquoi la Cour des comptes a pointé l'inefficacité et l'incohérence de cette exonération.
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour présenter l'amendement n° 1163 rectifié.
Mme Silvana Silvani. Les exonérations de cotisations vieillesse sur les heures supplémentaires et complémentaires ainsi que les déductions forfaitaires patronales ne sont pas compensées par l'État au budget de la sécurité sociale – nous l'avons dit.
En 2025, les exonérations de cotisations des heures complémentaires et supplémentaires ont représenté 2,25 milliards d'euros.
Selon l'annexe 4 du PLFSS, ces exonérations devraient atteindre 2,31 milliards d'euros en 2026 sur un total de 2,63 milliards d'euros d'exonérations non compensées. Cela représente une hausse de 2,3 % en 2026 par rapport à 2025.
Dans son rapport de 2024 sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes elle-même notait, à propos des compléments de salaires, que « l'exonération de cotisations salariales pour les heures supplémentaires crée une impasse financière dans les droits contributifs à retraite qui doit être corrigée. […] Du fait de sa non-compensation par l'État, à la différence des déductions de cotisations patronales, l'exonération de cotisations salariales s'est traduite par une perte nette de recettes pour la branche vieillesse. Elle avait été jugée financièrement soutenable en 2019 dans un contexte de retour à l'équilibre de la sécurité sociale, ce qui ne correspond plus aux projections actuelles. »
Pour l'ensemble de ces raisons, nous proposons de rétablir la cotisation vieillesse sur les heures supplémentaires et complémentaires et sur les déductions forfaitaires.
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter l'amendement n° 1666 rectifié.
Mme Annie Le Houerou. Selon la Dares, dans le secteur privé français – hors intérim ou agriculture –, 54 % des salariés à temps complet ont déclaré en 2024 des heures supplémentaires pour une moyenne de 103 heures.
Il faut noter que, d'après la société ADP, 58 % des salariés français déclarent faire des heures supplémentaires non payées. Ainsi, environ 13,5 % des hommes à temps plein déclarent travailler plus de 48 heures par semaine, contre 8,5 % des femmes – sans compter le travail invisible.
Instaurée par la loi Tepa de 2007, l'exemption salariale de cotisations sociales relative aux heures supplémentaires a été supprimée par la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 et réinstaurée par la LFSS pour 2019.
Elle a coûté près de 3 milliards d'euros en 2024. Cette même année, la déduction forfaitaire patronale a coûté 0,9 milliard d'euros et l'exonération salariale 2,3 milliards. S'y ajoute, pour le budget de l'État, une exonération de l'impôt sur le revenu pour un coût de 1,8 milliard d'euros.
Dans son rapport de 2024 sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes recommande de « compenser par crédits budgétaires le manque à gagner pour la sécurité sociale de l'exonération des cotisations salariales des heures supplémentaires ».
Par ailleurs, dans leur excellent rapport, les trois hauts conseils – le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM), le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) et le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) – considèrent que, « sans aller jusqu'à une suppression complète et immédiate du dispositif d'exonération retenu aujourd'hui, il pourrait être envisagé une suppression progressive de l'avantage. »
Favoriser les heures supplémentaires est nocif pour les travailleurs et, à terme, pour les comptes publics. En effet, à long terme, une main-d'œuvre sursollicitée est plus sujette aux arrêts maladie et au turnover, ce qui est coûteux pour l'entreprise et la société.
Selon un rapport d'Eurofound, les salariés qui effectuent des heures supplémentaires sont 63 % plus susceptibles de déclarer un épuisement chronique.
Pour toutes ces raisons, cet amendement a pour objet de supprimer les exonérations sur les heures supplémentaires.
M. le président. L'amendement n° 1541 rectifié quater, présenté par Mme Demas, MM. Delia, Cambon et Burgoa, Mme Petrus, MM. Saury, Séné, Panunzi et Genet, Mme Romagny et M. Levi, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L'article L. 241-18 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi modifié :
- au premier alinéa, après les mots : « heure supplémentaire » , sont insérés les mots : « ou toute heure complémentaire » ;
- au second alinéa, après les mots : « 1° à 3° » sont insérés les mots : « et au 5° » ;
b) Au deuxième alinéa du IV, après les mots : « l'heure supplémentaire » , sont insérés les mots : « ou l'heure complémentaire » ;
c) Au VI, après les mots : « heures supplémentaires » , sont insérés les mots : « et les heures complémentaires » ;
2° L'article L. 241-18-1 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi modifié :
- au premier alinéa, les mots : « et moins de deux cent cinquante » sont supprimés et après les mots : « heure supplémentaire » , sont insérés les mots : « ou toute heure complémentaire » ;
- au second alinéa, après les mots : « 1° à 3° » , sont insérés les mots « et au 5° » ;
b) Au deuxième alinéa du IV, après les mots : « l'heure supplémentaire » , sont insérés les mots : « ou l'heure complémentaire » ;
c) Au VI, après les mots : « heures supplémentaires » , sont insérés les mots : « et les heures complémentaires ».
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Annick Petrus.
Mme Annick Petrus. Le présent amendement vise à étendre aux heures complémentaires le dispositif de déduction forfaitaire de cotisations patronales dont bénéficient les entreprises pour les heures supplémentaires.
Le législateur a instauré des exonérations de cotisations salariales sur les heures supplémentaires et les heures complémentaires qui bénéficient également d'une exonération d'impôt sur le revenu.
Toutefois, il existe une discordance entre les cotisations patronales applicables à ces différentes heures, les heures supplémentaires bénéficiant d'une déduction forfaitaire, les autres étant totalement soumises à cotisations patronales.
Dans un cas comme dans l'autre, il convient de favoriser le recours à ces deux catégories d'heures, tant pour les salariés qui sont à temps complet que pour ceux qui sont à temps partiel.
Nous proposons ainsi d'étendre la déduction forfaitaire de cotisations patronales aux heures complémentaires pour inciter les entreprises à y recourir et à augmenter ainsi le pouvoir d'achat des salariés.
M. le président. L'amendement n° 1675 rectifié, présenté par Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La section 4 du chapitre 1er du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale est ainsi modifiée :
1° Le V bis de l'article L. 241-18 est ainsi rétabli :
« V bis. – Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II n'est pas applicable aux travailleurs dont la rémunération est supérieure à 3 fois le montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance mentionné aux articles L. 3231-1 à L. 3231-12 du code du travail. » ;
2° Après le V de l'article L. 241-18-1, il est inséré un V bis ainsi rédigé :
« V bis. – Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II n'est pas applicable aux travailleurs dont la rémunération est supérieure à 3 fois le montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance mentionné aux articles L. 3231-1 à L. 3231-12 du code du travail. »
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Je ne développerai pas de nouveau les arguments qui plaident pour une suppression totale des exonérations sur les heures supplémentaires.
À défaut de supprimer complètement cette niche sociale, nous nous contentons de nous ranger à l'avis des trois hauts conseils, qui recommandent une suppression progressive de cet avantage.
Ainsi, nous proposons de supprimer l'exonération totale pour les heures supplémentaires en cas de rémunération supérieure à 5 400 euros mensuels. Un tel salaire est déjà plus que raisonnable et ne justifie pas une telle exonération qui grève les comptes de la sécurité sociale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. En cohérence avec le soutien que la commission a apporté à l'article 8 septies, j'émets un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Même avis.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je ne comprends pas ! (Exclamations sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Madame la rapporteure générale, vous n'appliquez pas les principes que vous vous êtes vous-même fixés pour motiver vos avis sur les amendements.
Le premier de vos principes est de ne pas créer de nouvelles niches sociales ni d'élargir des niches existantes. Or, là, nous sommes en plein dedans ! Qui plus est, c'est la niche la plus inutile et la plus inefficace qui se verrait ainsi étendue.
Les exonérations sur les heures supplémentaires, créées par la loi Tepa, supprimées ensuite de manière totalement consensuelle, puis réintroduites en 2019, sont un véritable cadeau.
On n'arrête pas de multiplier les cadeaux de ce genre ! S'il y a bien une niche sur laquelle on peut aisément revenir sans attaquer l'économie, c'est bien celle-ci. Cela suffit d'invoquer le pouvoir d'achat des salariés : le salaire socialisé, c'est aussi du salaire !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre, vous devriez savoir que notre pays est dans une dynamique de déflation salariale. Pour avoir, pendant vingt ans, travaillé dans un grand groupe, je peux vous dire que de nombreuses preuves en attestent, tant pour les salariés de la tranche 2 que pour ceux qui sont juste au-dessus du Smic.
Un pays en déflation salariale qui base sa compétitivité uniquement sur le coût, sans s'intéresser à ce qu'on appelle le hors coût, perd chaque année des emplois industriels, tout en croyant soutenir l'industrie. Cette situation ne rend vraiment pas service à l'économie !
On ne rend pas service au pays en ne supprimant pas cette niche. C'est même pire, puisqu'on l'élargit ! (Bravo ! sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 941, 1163 rectifié et 1666 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1541 rectifié quater.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1675 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 8 septies.
(L'article 8 septies est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 161 amendements au cours de la journée ; il en reste 942.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
4
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, vendredi 21 novembre 2025 :
À neuf heures trente-cinq, quatorze heures trente, le soir et la nuit :
Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, transmis en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution (texte n° 122, 2025-2026).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 21 novembre 2025, à zéro heure trente-cinq.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
JEAN-CYRIL MASSERON