M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je prends note avec satisfaction de vos propos, monsieur le ministre. J’espère que vous aurez le temps d’exaucer le vœu que vous venez de former…

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Moi aussi ! (Sourires.)

Mme Raymonde Poncet Monge. … et que nous aurons le temps de parler sérieusement de ce sujet. Vous rencontrerez alors des parlementaires de gauche qui portent depuis un certain temps un regard critique sur le financement de notre système de sécurité sociale.

Cela étant, vous pouvez aussi vous inspirer de ce que disent ceux que l’on appelle les économistes orthodoxes – ou libéraux, si vous préférez. Lors de son audition, Gilbert Cette a par exemple admis que le CICE était en fait une erreur, du moins à moyen terme, puisqu’il n’avait eu aucun effet sur l’emploi ou la compétitivité. Bien entendu, si vous doutez de mes propos, vous pouvez parfaitement demander directement à l’intéressé s’il s’agit bien de ce qu’il a déclaré… Je rappelle que Gilbert Cette est cet économiste, certes libéral, mais de valeur, que l’on a mis à la tête du Conseil d’orientation des retraites (COR), parce que le précédent président de cet organisme était un peu trop critique…

Aujourd’hui, tout le monde reconnaît – et c’est pour cela que je cite souvent les analyses du Conseil d’analyse économique (CAE), de la Cour des comptes, etc. – qu’il y a un problème de financement.

Madame la rapporteure générale, ce n’est pas ce que nous voterons aujourd’hui qui suffira. Cela ne permettra évidemment pas de contrebalancer le scandale des allégements généraux, qui coûtent chaque année des milliards d’euros à notre protection sociale. Comme Gilbert Cette nous l’a indiqué, le CICE n’a eu effet ni sur l’emploi ni sur la compétitivité.

Enfin, permettez-moi de rappeler que l’on a payé aux entreprises une année double en termes d’exonérations au moment de la transformation du CICE en allégements de cotisations sociales. Je me souviens également de ce président du Medef (Mouvement des entreprises de France) qui avait ce si joli pin’s sur lequel figurait le slogan « 1 million d’emplois »…

Quelques années plus tard, on a bien compris qu’il s’agissait d’une erreur, mais combien cette erreur a-t-elle coûté à la sécurité sociale ? Faisons-les comptes !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1155.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 134 rectifié bis, présenté par MM. Gold et Bilhac, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Grosvalet et Guiol, Mme Jouve, M. Masset, Mme Pantel, M. Roux et Mme Girardin, est ainsi libellé :

Après l’article 8 sexies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Au dernier alinéa de l’article L. 241-10 du code de la sécurité sociale, après le mot : « sociale », sont insérés les mots : « ainsi que, lorsqu’ils ont pour objet exclusif l’action sociale, les syndicats mixtes mentionnés au premier alinéa de l’article L. 5711-1 du code général des collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale ».

II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. L’an dernier, après plusieurs tentatives de notre collègue Éric Gold, nous avons enfin adopté définitivement une mesure permettant aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ayant pour objet unique l’action sociale de bénéficier de l’exonération des cotisations sociales patronales sur les rémunérations des aides à domicile employées en CDD ou en CDI.

Nous avions pour objectif de mettre fin à une inégalité de traitement entre les services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad) gérés par des centres intercommunaux d’action sociale (CIAS) et ceux qui sont gérés directement par des EPCI.

Or, depuis, nous avons été alertés qu’une dissymétrie perdurait pour les EPCI employant des aides à domicile ayant la qualité d’agent titulaire relevant du cadre d’emploi des agents sociaux territoriaux. Pour les rémunérations de ces agents, l’exonération de cotisations d’assurance vieillesse à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) ne bénéficie qu’aux centres communaux et intercommunaux d’action sociale.

En étendant aux cotisations d’assurance vieillesse le régime d’exonération déjà appliqué pour les autres cotisations sociales, le présent amendement tend à rétablir la cohérence du dispositif et à remettre tous les acteurs publics de l’action sociale sur un pied d’égalité.

Il s’agit aussi d’adresser un signal clair aux collectivités locales : leur engagement en faveur du bien-vieillir à domicile, de la prévention de la perte d’autonomie et de l’accompagnement des aidants est pleinement reconnu et soutenu par la solidarité nationale. En sécurisant ainsi leurs ressources humaines, nous confortons l’attractivité du métier d’aide à domicile et la pérennité d’un service de proximité indispensable dans les zones rurales comme urbaines.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet amendement a pour objet d’étendre aux syndicats mixtes et aux EPCI l’exonération des cotisations d’assurance vieillesse pour les aides à domicile ayant qualité d’agent titulaire qui, actuellement, ne profite qu’aux personnes en fonction dans un centre communal d’action sociale (CCAS).

Pour rappel, l’article 16 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, introduit au Sénat après avis favorable de notre commission et malgré l’avis défavorable du gouvernement de l’époque, a déjà permis d’élargir le champ d’application d’une autre niche aux syndicats mixtes et aux EPCI, celle de l’exemption de cotisations patronales des rémunérations versées aux aides à domicile contractuels.

Cette année, cela tombe mal : la position retenue par la commission des affaires sociales consiste à rejeter tout élargissement d’une niche existante,…

Mme Raymonde Poncet Monge. Sauf pour le foot !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. … ce que vous proposez précisément de faire à travers cet amendement.

On ne peut pas continuer d’accroître, année après année, le périmètre des niches sociales relatives aux aides à domicile employées par des structures publiques.

C’est un peu comme le Ségur de la santé : au début, les mesures ne concernaient que quelques personnes, puis on en a étendu progressivement le bénéfice à d’autres… C’est sans fin !

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Même avis pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. J’ai défendu, avant la suspension du dîner, un amendement parfaitement analogue à celui-ci. J’espérais que le fait de s’être sustentés aurait fait changer d’avis Mme la rapporteure générale et M. le ministre, mais ce n’est manifestement pas le cas… (Sourires.)

Pourtant, la situation actuelle est source d’injustice : il existe une inégalité de traitement manifeste entre les CIAS, qui ne sont rattachés qu’à une seule intercommunalité, et les syndicats intercommunaux qui en associent plusieurs et que l’on trouve donc le plus souvent en zone rurale.

Ainsi, on encourage en quelque sorte l’embauche de contractuels, dans la mesure où ces syndicats intercommunaux manquent de moyens. On favorise donc le travail précaire, lequel entraîne des remplacements fréquents auprès de personnes âgées vulnérables, qui ont au contraire besoin de s’en remettre à des gens de confiance qu’elles voient régulièrement, éventuellement tous les jours, et qu’elles connaissent bien.

Je n’arrive pas bien à comprendre, même si j’ai entendu que, cette année, tout est plus dur que l’année dernière, qu’on laisse perdurer une telle inégalité. Je note tout de même que, pour le foot, malgré les salaires mirifiques de certains joueurs, on ne s’est pas posé autant de questions. Il s’agit ici d’agents de catégorie C, qui ont les salaires parmi les plus bas.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 134 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 1162, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin et Silvani, M. Gay et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’article 8 sexies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est complété par huit alinéas ainsi rédigés :

« La réduction dont bénéficie chaque employeur peut être minorée en fonction :

« 1° Du nombre de fins de contrat de travail à l’exclusion des démissions ;

« 2° De la nature du contrat de travail et de sa durée ;

« 3° De la politique d’investissement de l’entreprise ;

« 4° De l’impact de l’entreprise sur l’environnement ;

« 5° De la taille de l’entreprise.

« 6° De la conclusion d’un accord relatif à l’égalité professionnelle

« Un décret précise les modalités de calcul de la minoration de la réduction dégressive de cotisations patronales. »

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement, que nous défendons régulièrement – au groupe CRCE-K, nous sommes constants ! –, vise à conditionner la réduction générale des cotisations patronales, dite réduction Fillon, qui s’applique aux rémunérations inférieures à 1,6 Smic brut.

Le rapport d’information sur le contrôle de l’efficacité des exonérations de cotisations sociales du 28 septembre 2023 a en effet pointé du doigt les effets de seuil du dispositif Fillon.

Ces critiques sont alimentées par le phénomène de tassement de la distribution des salaires actuellement observable en France. Selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), la moitié des salariés gagnait moins de 1,6 Smic en France en 2023, soit six points de plus qu’en 2010. Ces chiffres illustrent le phénomène macroéconomique dit de trappe à bas salaires.

Par cet amendement, nous ne proposons pas de supprimer ces exonérations, car l’impact économique d’une telle mesure serait trop brutal pour les entreprises ; nous proposons de faire en sorte que cet argent public soit soumis aux règles générales relatives aux aides publiques applicables en France, que ce soit en matière de contrôle ou de critères d’octroi.

Nous souhaitons par conséquent conditionner les exonérations dites Fillon aux mesures prises par les entreprises pour le développement de l’emploi et la revalorisation des salaires et aux engagements qui visent à favoriser l’investissement et à respecter les critères environnementaux. Nous encourageons ainsi un modèle vertueux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ma chère collègue, le Sénat avait déjà rejeté un dispositif identique l’année dernière. À l’époque, la commission avait expliqué qu’un tel amendement, s’il était adopté, aurait pour conséquence de faire perdre aux allégements une grande part de leur efficacité, en nuisant à la lisibilité du système pourtant indispensable aux employeurs, et qu’il aggraverait la situation des secteurs employant une forte proportion de salariés payés au Smic ou en difficulté économique.

Je suis curieuse d’entendre M. le ministre à ce sujet, mais, en tout cas, la position de la commission est la même que l’an passé : défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Ma prédécesseure, Astrid Panosyan-Bouvet, avait dû dire à peu près la même chose à ce sujet l’année dernière : nous ne souhaitons pas introduire d’éléments de variabilité et d’imprévisibilité pour ces aides qui sont intégrées dans les plans des entreprises.

Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Les allégements généraux de cotisations représentent un montant de 26 milliards d’euros d’aides publiques.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Depuis l’examen du précédent projet de loi de financement de la sécurité sociale est paru le rapport de notre collègue Fabien Gay, qui a démontré l’absence de contrôle des aides publiques et illustré l’ampleur de l’optimisation fiscale permise par ces exonérations de cotisations sociales pour les grandes entreprises.

Pour répondre aux critiques sur la complexité du mécanisme que nous proposons – c’est un reproche qui nous est souvent adressé –, je précise que notre amendement vise à faire confiance à la démocratie sociale dans les entreprises. Si le Gouvernement pense que les organisations syndicales et les employeurs ne peuvent pas s’entendre sur les sujets que nous évoquons, il serait peut-être temps de nationaliser les entreprises de notre pays… (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

J’ajoute que d’autres pays conditionnent leurs aides aux entreprises : je citerai l’exemple de l’Espagne où les aides publiques sont versées aux entreprises en contrepartie d’une obligation de maintien de leur activité pendant plusieurs années sur le territoire, en l’occurrence durant cinq ans pour les grandes entreprises et trois ans pour celles de taille moyenne.

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.

M. Michel Canévet. Contrairement à ce qui figure dans l’exposé des motifs de l’amendement et à ce que je viens d’entendre, les exonérations de cotisations sociales ne sont pas des aides publiques aux entreprises. Ce n’est pas la réalité ! (Exclamations sur des travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1162.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 1029, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 8 sexies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.– Après le huitième alinéa de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation, pour les cotisations et contributions dues au titre des rémunérations versées au cours de l’année 2026, les paramètres de calcul du coefficient mentionné au présent III, notamment la valeur T, sont ceux applicables au 31 décembre 2025. »

II. – Les dispositions du I sont applicables aux cotisations et contributions dues au titre des périodes d’activité courant à compter du 1er janvier 2026.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Avec cet amendement, je propose de reproduire un mécanisme très progressif auquel nous avons déjà recouru.

Je m’explique : dans le cadre de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous allons débattre d’un certain nombre de mesures que vous proposez, comme le gel du barème de la CSG, des prestations sociales ou des pensions.

Eh bien, moi aussi, je vais vous proposer un gel, mes chers collègues, parce que, comme chacun le sait, un gel, c’est très doux et cela ne fait pas mal…

Plus précisément, je propose un dispositif similaire à ce qu’avait instauré le décret du 29 décembre 2023 relatif aux modalités d’application de divers dispositifs de réduction de cotisations patronales, à savoir – je vous passe les détails – un gel du barème de calcul des revenus concernés par les exonérations de cotisations patronales applicables aux allocations famille et maladie et la prise en compte du Smic applicable au 31 décembre 2023 comme Smic de référence.

Comme vous le savez, le barème des allégements est lié à un multiplicateur du Smic. En figeant le Smic de référence, nous aurions un effet sur les allégements généraux de cotisations, mais, ne vous inquiétez pas, comme pour le gel des prestations sociales et des pensions, cet effet serait tout doux… Comme avec le décret de 2023, appliquons un gel pour les allégements généraux de l’année 2026.

Je rappelle que, selon l’annexe 4 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, le coût total des seuls allégements généraux atteindrait 62,2 milliards d’euros en 2025.

Tout cela est donc très coûteux pour les comptes publics, notamment sociaux, d’autant que, selon la Cour des comptes, certaines mesures d’exonérations, par exemple celles introduites en 2019, ont été mal compensées du fait d’un mauvais calcul de la fraction de TVA afférente – comme par hasard, au détriment de la sécurité sociale… Cela a conduit à une sous-compensation des exonérations de cotisations pour un montant de 5,5 milliards d’euros en 2024.

Une telle mesure, qui a déjà été expérimentée, j’y insiste, rapporterait 1,5 milliard d’euros au budget de la sécurité sociale – ce montant figure dans l’excellent rapport de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) du Sénat. Cette mesure est parfaitement envisageable, même s’il est vrai que les entreprises sont désormais dépendantes des allégements de cotisations. Si ces allégements n’ont eu, je le redis, aucun effet à moyen terme sur l’emploi et la compétitivité, il n’en reste pas moins qu’ils agissent un peu comme une drogue…

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ma chère collègue, je suis évidemment d’accord avec vous : l’excellent rapport de la Mecss – nous l’avons rédigé ensemble ! – évalue effectivement à 1,5 milliard d’euros ce gel du barème des allégements généraux de cotisations patronales. Il s’agit, qui plus est, d’une proposition que la majorité sénatoriale a faite à François Bayrou en juillet dernier.

Cependant, il se trouve que le Gouvernement – sans doute allez-vous le confirmer, monsieur le ministre – a l’intention de rendre plus convexe encore la trajectoire de la réduction générale dégressive unique (RGDU), qui doit s’appliquer à compter du 1er janvier 2026.

Durant les débats à l’Assemblée nationale et nos auditions, les intentions du Gouvernement n’avaient pas filtré à ce sujet, ce qui a pu susciter un certain nombre d’inquiétudes.

Personnellement, monsieur le ministre, je craignais que vous ne finissiez par réduire les allégements généraux au niveau du Smic, alors même que, l’année dernière, nous avions longuement travaillé sur le sujet et que nous nous étions montrés intraitables avec ceux qui voulaient remettre en cause cette disposition. Mais j’ai finalement été rassurée par les derniers échanges que nous avons eus : la mesure du Gouvernement rapportera, d’après les éléments dont je dispose, 1,4 milliard d’euros.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je propose 1,5 milliard !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cependant, dès lors que l’on ne peut pas jouer sur les deux tableaux, ma chère collègue, j’émettrai un avis défavorable sur votre amendement et donnerai la priorité à la proposition du Gouvernement, même si, il faut le reconnaître, votre amendement est mieux-disant. (Mme Raymonde Poncet Monge sexclame.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Madame la sénatrice, je vous remercie de me donner l’occasion d’apporter quelques précisions sur la manière dont nous souhaitons réévaluer la trajectoire sur laquelle reposeront les allégements généraux l’année prochaine.

Nous en attendons un meilleur rendement, ce qui signifie un effort supplémentaire pour les entreprises, c’est-à-dire une réduction des allégements de cotisations, qui sera de l’ordre de 1,4 milliard d’euros.

Nous constaterons donc de nouveau l’économie de 1,5 milliard d’euros qui avait été décidée l’année dernière et nous y ajoutons 1,4 milliard d’euros. Comme l’a indiqué Mme la rapporteure générale, le Gouvernement travaille sur la courbe des allégements Fillon, afin de la rendre un peu plus convexe.

Cela étant, nous nous inscrivons dans la même logique que les années précédentes : les allégements seront toujours à leur maximum au niveau du Smic, puisque l’un des objectifs majeurs de ce dispositif est d’encourager les entreprises à créer des emplois.

Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour explication de vote.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Pour les mêmes raisons que celles que vient d’exposer M. le ministre, je voterai contre cet amendement.

Comme cela a été rappelé par Michel Canévet, les allégements de charges ne sont pas des aides aux entreprises. Il faut arrêter de nier tout ce qu’a démontré la littérature économique depuis la mise en œuvre de ces allégements généraux de cotisations : ils ont un effet indiscutable sur l’emploi peu qualifié jusqu’à 1,6 ou 1,8 Smic. Toutes les études l’ont prouvé.

Certes, je ne conteste pas qu’à un niveau de salaire plus élevé, par exemple pour des techniciens supérieurs ou des ingénieurs, il faille réévaluer la courbe. À ce niveau, le dispositif a des effets qui portent davantage sur la compétitivité que sur l’emploi, alors même qu’il coûte cher. Il faut probablement revoir le barème pour de tels niveaux de salaires.

Mais, franchement, il me semble que, dans la conjoncture économique actuelle, le gel de l’ensemble du barème, y compris au niveau des bas salaires, serait une grave erreur pour l’emploi peu qualifié en France.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je ne vois pas bien de quel consensus économique vous parlez, ma chère collègue ! Les méta-analyses montrent plutôt que les allégements généraux n’ont aucune efficacité au-delà de 1,6 Smic. À la rigueur, arrêtons-nous à ce niveau-là !

Si l’on regarde l’ensemble des études, que ce soit celles du Conseil d’analyse économique (CAE), celles du groupe d’experts sur le Smic ou encore le rapport des économistes Antoine Bozio et Étienne Wasmer, il n’y a aucune raison d’appliquer ce dispositif au-delà de 2 Smic ! Hélas, nous n’appliquons pas les conclusions de ce consensus qui, pourtant, émane à la fois d’économistes libéraux, si je puis dire, et hétérodoxes, puisque le seuil de sortie est fixé à un niveau plus élevé.

Je souhaitais surtout mettre en avant le fait qu’utiliser un multiplicateur du Smic n’est pas pédagogique. L’effet est délétère par rapport à notre structure productive.

Nous ne demandons donc pas de geler les exonérations, mais de geler la valeur du Smic de référence pour que le multiplicateur s’applique à un montant fixe plutôt qu’à un indice évolutif. Sans cela, au fur et à mesure de l’augmentation du Smic – il est normal de l’augmenter, ne serait-ce qu’en raison de l’inflation –, nous perdons la maîtrise des exonérations.

Cette méthode n’est donc pas pédagogique. C’est ce que l’on appelle une trappe à bas salaires. J’ajouterai qu’elle est surtout très mauvaise pour la structure productive de notre pays. La productivité est aussi hors coût. Or ce mécanisme ne favorise qu’une productivité faible et de mauvaise qualité sur les bas salaires.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Raymonde Poncet Monge. Je m’arrête là, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1029.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 1168, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin et Silvani, M. Gay et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’article 8 sexies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 1235-14 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 1235-14. – Lorsque le juge constate que le licenciement pour motif économique ou les suppressions d’emploi sont dépourvus de cause réelle et sérieuse, il ordonne le remboursement du montant de la réduction de cotisations sociales patronales mentionnée à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale dont a bénéficié l’entreprise pour les salariés concernés par le licenciement ou les suppressions d’emploi envisagés.

« Dès lors que le juge prononce la nullité du licenciement pour motif économique ou de la suppression d’emploi, l’employeur perd le bénéfice des dispositifs prévus à l’article 244 quater B du code général des impôts si son entreprise en est déjà bénéficiaire, ou l’opportunité d’en bénéficier, pour une période ne pouvant excéder cinq ans. Le juge peut également condamner l’employeur à rembourser tout ou partie du montant dont son entreprise a bénéficié au titre de ces dispositifs. »

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Lorsqu’un juge conclut à l’absence de cause réelle et sérieuse en cas de licenciement économique, les salariés obtiennent bien évidemment réparation. La puissance publique, en revanche, ne récupère rien, même lorsque l’entreprise a bénéficié d’avantages financés par la solidarité nationale.

En prévoyant le remboursement des exonérations lorsque le licenciement aura été jugé sans cause réelle et sérieuse, nous rétablissons une forme d’équilibre et signifions qu’il n’est pas possible de percevoir de l’argent public quand on ne respecte pas le droit du travail.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Avis défavorable. Permettez-moi de faire deux rappels.

Les licenciements pour motif économique, puisqu’il s’agit d’eux, sont très encadrés dans notre pays.

Mme Raymonde Poncet Monge. Les employeurs ont très peur !

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Les allégements généraux ne semblent pas être l’instrument adéquat pour renforcer ce cadre.

Sur le fond, car il s’agit de propositions récurrentes, nous ne pouvons pas en permanence être dans une logique de sanction envers les entreprises, en les menaçant de conditionner les aides. Cette approche pose problème. Ce n’est pas la bonne manière de procéder si l’on veut offrir aux entreprises un cadre stable permettant d’élaborer des plans de long terme. Une entreprise ne se pilote ni à trois mois ni à un an : elle a besoin de stabilité. On ne peut pas, en permanence, menacer de modifier les dispositifs.

Franchement, l’emploi et l’entreprise forment un tout, une logique cohérente. En tant que ministre du travail, je n’ai pas l’impression de négliger le travail et l’emploi lorsque je m’attache au développement des entreprises. Il ne serait pas très bon d’installer une dualité dialectique entre le monde du travail et celui de l’entreprise.

Ma vision repose, au contraire, sur un travail conjoint avec les entreprises pour les accompagner dans leur développement et les encourager à créer de l’emploi, en particulier de l’emploi qualifié. C’est ainsi que nous atteindrons notre objectif à tous : l’élévation du niveau des rémunérations dans notre pays.