M. le président. L’amendement n° 1686 rectifié, présenté par M. Mérillou, Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Compléter cet article par quatre paragraphes ainsi rédigés :

I. – Le 2° du A du I de l’article L. 136-4 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« 2° À titre expérimental et pour une durée de cinq ans à compter du 1er janvier suivant la promulgation de la loi n° … du … de financement de la sécurité sociale pour 2026, la totalité des sommes des indemnités versées aux exploitants agricoles en application de mesures sanitaires entraînant l’abattage total ou partiel d’un cheptel, en vue de lutter contre une maladie animale réglementée au sens de l’article L. 221-1 du code rural et de la pêche maritime, à condition que ces indemnités soient, dans un délai d’un an à compter de leur perception, réinvesties dans la reconstitution d’un cheptel. »

« Cette exonération des contributions sociales recouvrées par les organismes de mutualité sociale agricole mentionnés à l’article L. 723-1 du même code est conditionnée à l’emploi de l’indemnité, dans un délai d’un an à compter de sa perception, à la reconstitution d’un cheptel. »

II. – Les modalités d’application, de contrôle et les conditions de réintégration des indemnités dans l’assiette des cotisations en cas de non-respect de l’obligation de reconstitution du cheptel sont précisées par décret en Conseil d’État.

III. – Les pertes de recettes résultant, pour les régimes obligatoires de protection sociale agricole, de la mise en œuvre du présent article sont compensées intégralement par l’État. Cette compensation donne lieu à l’inscription d’une dotation annuelle au profit des organismes gestionnaires des régimes agricoles.

IV. – Six mois avant le terme de l’expérimentation mentionnée au I, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation portant notamment sur :

1° L’impact de l’exonération sur la rapidité de reconstitution des cheptels ;

2° Son effet sur la résilience économique des exploitations concernées ;

3° Le coût net pour les finances publiques.

Ce rapport permet de déterminer l’opportunité d’une pérennisation.

La parole est à Mme Marion Canalès.

Mme Marion Canalès. Par cet amendement de repli, notre collègue Mérillou propose d’expérimenter, pendant cinq ans et de manière très encadrée, l’exclusion des indemnités d’abattage de l’assiette de la CSG et des cotisations sociales agricoles.

Une telle proposition nous paraît raisonnable et proportionnée, puisque l’exonération est conditionnée au réinvestissement, dans l’année, de l’indemnité d’abattage pour la reconstitution d’un cheptel.

Il est de plus proposé qu’un rapport évalue le coût net pour les finances publiques de ce dispositif, ainsi que ses effets sur la reconstitution des cheptels et la résilience des exploitations. L’objectif est de tester, de contrôler et d’évaluer le dispositif avant son éventuelle pérennisation.

La présente proposition s’inscrit dans une logique de prévention. Face aux efforts importants, pour ne pas dire aux sacrifices consentis par les éleveurs qui, pour des raisons de santé publique, doivent abandonner une partie de leur cheptel, nous proposons d’expérimenter l’exclusion des indemnités d’abattage de l’assiette de la CSG et des cotisations sociales agricoles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. L’abattage de cheptels atteints par une épizootie est souvent un drame pour les éleveurs concernés et leur famille.

Ces amendements visent à instaurer une exonération de CSG sur les indemnités versées aux exploitants agricoles contraints d’appliquer des mesures d’abattage sanitaire. Cette exonération constituerait en quelque sorte le volet social de l’exonération de l’imposition des bénéfices de la plus-value résultant de la perception d’indemnités d’abattage d’animaux affectées à la reproduction du cheptel, une disposition prévue à l’article 10 du projet de loi de finances pour 2026 que nous n’avons pas encore examiné.

Tout en étant consciente des difficultés pointées par les auteurs des amendements, j’estime que l’on peut se demander si c’est à la sécurité sociale qu’il doit revenir de prendre en charge des difficultés relevant de la politique agricole,…

Mme Raymonde Poncet Monge. Tout comme la participation à des matchs de foot !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. … d’autant que le coût de ce dispositif n’est pas connu.

Par ailleurs, la commission n’ayant pas expertisé l’article 10 du projet de loi de finances, nous n’avons aucun moyen de savoir si le cumul des deux dispositifs n’irait pas trop loin. Il s’agit bien d’un dispositif exceptionnel qui ne doit s’appliquer que dans des cas exceptionnels.

Je sollicite donc l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 17 rectifié et 223 rectifié ter, ainsi que sur l’amendement n° 1685 rectifié et sur l’expérimentation que l’amendement n° 1686 rectifié vise à instaurer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Le sujet est grave. Pour une famille d’éleveurs, il est terrible d’abattre tout un cheptel qu’elle a élevé, vu grandir et nourri pendant des années. C’est aussi un coup très dur pour l’exploitation agricole. Le Gouvernement souhaite naturellement apporter aux éleveurs concernés toute l’aide possible.

Comme la rapporteure générale l’a indiqué, l’article 10 du projet de loi de finances pour 2026 prévoit l’exonération d’impôt sur le revenu des plus-values dégagées à l’occasion d’un abattage sanitaire, ce qui constitue un effort non négligeable.

Mme Annie Le Houerou. C’est normal, ce n’est pas un revenu !

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Ce n’est certes pas un revenu, mais c’est de l’argent !

Il est ici proposé, en sus, d’exonérer ces sommes de cotisations et contributions sociales. Mes services me signalent une difficulté de rédaction et de cohérence avec le code général des impôts.

Cela étant dit, par solidarité avec nos éleveurs et pour soutenir une filière frappée par des événements très graves, je m’en remets à la sagesse du Sénat sur l’ensemble de ces amendements.

Mme Sophie Primas. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutient naturellement ces amendements.

Les dispositions proposées sont demandées et attendues par les éleveurs, qui, depuis plusieurs années, font face à différentes épizooties, dont la dermatose nodulaire.

L’indemnité d’abattage n’est qu’une réparation et elle n’est d’ailleurs, bien souvent, même pas à la hauteur du préjudice subi. Loin de se résumer au remplacement des bêtes perdues, la reconstitution d’un cheptel demande du temps. Il est donc tout à fait logique d’exonérer les indemnités d’abattage de cotisations sociales.

Cela me paraît à tout le moins plus sérieux que de payer des places à des matchs de football avec le budget de la sécurité sociale. Je vous invite donc à voter ces amendements.

M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Monsieur le ministre, je crois comprendre que vous êtes plutôt favorable à ces dispositions.

Au regard des drames vécus par les éleveurs et des années difficiles que traverse la filière de l’élevage, je voterai ces amendements. (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Sebastien Pla, pour explication de vote.

M. Sebastien Pla. Des élevages de l’Aude et des Pyrénées-Orientales ont récemment été affectés par la dermatose nodulaire. Ce sont alors des troupeaux entiers que l’on décime, alors que – le sujet est polémique – ce n’est ni obligatoire ni nécessaire.

Les éleveurs perdent alors leur outil de travail, sachant que, dans le cas de races rustiques rares, il leur sera impossible, faute de semence, de reconstituer les cheptels abattus. N’obligeons donc pas ces pauvres gens, qui subissent déjà cette pratique d’abattage systématique, à payer en sus la CSG sur les indemnités d’abattage.

Faut-il rappeler que chaque jour, dans notre pays, un agriculteur se suicide ? La filière d’élevage bovin, notamment de montagne, est aujourd’hui en très grande souffrance. Adoptons donc ces amendements, mes chers collègues.

M. le président. Monsieur le ministre, acceptez-vous de lever le gage ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. J’ai exprimé ma solidarité envers les familles d’éleveurs affectées par ces épizooties.

Je me dois toutefois de chausser ma casquette de ministre et, en tant que responsable des comptes de notre pays, notamment sociaux, rappeler qu’il nous faut veiller à ne pas créer d’effets de bord. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Mme Annie Le Houerou. On y veillera !

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. En tout état de cause, je ne lève pas le gage, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.

M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Lors de la conférence des présidents qui s’est tenue cet après-midi, il a été proposé au ministre chargé des relations avec le Parlement que tout avis favorable du Gouvernement emporte automatiquement, sans qu’il soit demandé au ministre de le confirmer, la levée du gage.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Je m’en suis remis à la sagesse du Sénat ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 17 rectifié et 223 rectifié ter.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 1685 rectifié et 1686 rectifié n’ont plus d’objet.

Je mets aux voix l’article 8 quater, modifié.

(Larticle 8 quater est adopté.)

Article 8 quater (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
Article 8 sexies (nouveau)

Article 8 quinquies (nouveau)

Au IV de l’article L. 136-4 du code de la sécurité sociale, les mots : « et 2° » sont remplacés par les mots : « , 2° et 3° » – (Adopté.)

Article 8 quinquies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
Après l’article 8 sexies

Article 8 sexies (nouveau)

Après le III de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, il est inséré un III bis ainsi rédigé :

« III bis. – Par dérogation au III du présent article, le coefficient mentionné au même III est calculé en fonction du salaire minimum national professionnel des salariés sans qualification applicable à l’entreprise, au sens du 4° du II de l’article L. 2261-22 du code du travail, dans la limite du montant du salaire minimum de croissance applicable.

« Cette dérogation s’applique aux entreprises qui relèvent d’une branche pour laquelle le salaire minimum national professionnel des salariés sans qualification, au sens du même 4°, est inférieur au salaire minimum de croissance en vigueur durant toute l’année civile précédant celle du mois civil au titre duquel le montant de la réduction est calculé et pour lesquelles aucun accord d’entreprise ni aucune décision unilatérale de l’employeur n’a prévu au cours de l’année civile précitée des salaires supérieurs au salaire minimum de croissance applicable.

« Le présent III bis n’est pas applicable aux entreprises pour lesquelles le montant de la réduction est inférieur en cas de non-application de cette dérogation.

« Les conditions d’application du présent III bis, notamment dans le cas des entreprises relevant de plusieurs branches ou de plusieurs conventions collectives, sont déterminées par décret. »

M. le président. L’amendement n° 602, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à supprimer l’article 8 sexies, qui a pour objet de réduire les allégements généraux de cotisations patronales dans les branches dont les minima sont inférieurs au Smic.

Cet article semble, en effet, difficilement applicable en l’état. Par exemple, il ne prévoit pas le cas de figure où une convention collective comprendrait plusieurs grilles salariales différentes avec des minima distincts – c’est une hypothèse que l’un de nos collègues a déjà évoquée il y a quelques instants.

Surtout, le fait de traiter un sujet relevant du droit du travail, à savoir la revalorisation des minima de branche, par le biais des allégements généraux conduirait à de nombreux effets indésirables.

Ainsi, les branches visées par le dispositif sont celles qui emploient une forte proportion de salariés rémunérés au Smic, c’est-à-dire celles qui ont le plus besoin des allégements généraux et pour lesquelles il est le plus difficile de revaloriser les grilles de salaires. Réduire les allégements généraux pour ces branches pourrait donc avoir pour effet principal non d’encourager les hausses de salaire, mais de détruire des emplois – je pense d’ailleurs l’avoir suffisamment expliqué l’an dernier.

La question de la revalorisation des minima de branche semble plutôt relever des négociations annuelles obligatoires. De ce point de vue, monsieur le ministre, une future loi Travail serait vraisemblablement un véhicule plus approprié qu’un projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Mme Pascale Gruny. On l’attend depuis 2023 !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Je serais ravi de travailler sur une loi Travail, madame la rapporteure générale. Ce serait bon signe pour la longévité de ce gouvernement…(Sourires.) Pourquoi pas ? En tout cas, je vous remercie de nous encourager à défendre notre vision et de nous donner des perspectives.

Cela étant, le Gouvernement est tout à fait favorable à la suppression de cet article et, donc, favorable à l’amendement de la commission.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 602.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 8 sexies est supprimé.

Article 8 sexies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
Article 8 septies (nouveau)

Après l’article 8 sexies

M. le président. L’amendement n° 1156, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’article 8 sexies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

I. – Après le 5° du I de l’article L. 213-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Le recouvrement de la contribution mentionnée à l’article L. 245–… du présent code ; ».

II. – Le chapitre V du titre IV est complété par une section … ainsi rédigée :

« Section…

« Contribution des revenus financiers des sociétés financières et non financières

« Art. L. 245 –  – I. – Les revenus financiers des prestataires de service, mentionnés au livre V du code monétaire et financier, des sociétés tenues à l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés des sociétés tenues à l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés, en application de l’article L. 123-1 du code de commerce, entendus comme la somme des dividendes bruts et des intérêts nets reçus, sont assujettis à une contribution dont le taux est égal à la somme des taux de cotisation salariale et patronale mentionnés à l’article L. 131-2 du présent code.

« Les revenus financiers, à l’exclusion des prestataires mentionnés au premier alinéa du présent article, entendus comme la somme des dividendes bruts et assimilés et des intérêts bruts perçus, sont assujettis à une contribution d’assurance vieillesse dont le taux est égal à la somme des taux de cotisation salariale et patronale d’assurance vieillesse assises sur les rémunérations ou gains perçus par les travailleurs salariés ou assimilés mentionnés à l’article L. 241-3 du présent code.

« Les contributions prévues au présent article ne sont pas déductibles de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.

« Un décret fixe les taux de répartition de ces ressources entre les différentes caisses d’assurance vieillesse.

« II. – Les contributions sont définies annuellement par le calcul de la masse salariale augmentée des dépenses de formation sur la valeur ajoutée augmentée des produits financiers de la société au sens de l’article L. 245-16.

« III. – Les sociétés immatriculées au registre du commerce et des sociétés conformément à l’article L. 123-1 du code de commerce s’acquittent annuellement d’une cotisation additionnelle d’assurance vieillesse dont le taux est égal à l’écart entre les dépenses de formation et de la masse salariale par rapport à la valeur ajoutée créée.

« Les cotisations additionnelles prévues au présent article ne sont pas déductibles de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.

« Un décret fixe les taux de répartition de ces ressources entre les différentes caisses d’assurance vieillesse.

« IV. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Nous retentons notre chance pour vous convaincre, mes chers collègues, de mobiliser de nouvelles ressources pour notre système de protection sociale. Accrochez-vous, parce que c’est du lourd ! (Rires.)

En 2024, les profits financiers des entreprises s’élevaient à 592 milliards d’euros. Nous proposons d’assujettir les revenus financiers des sociétés financières et non financières à une contribution que l’on modulerait en fonction des choix opérés par les entreprises en matière de répartition des richesses – je ne reviens pas sur le débat que nous avons eu à ce sujet tout à l’heure.

Le taux de cette cotisation sur les revenus financiers serait de 30 %, ce qui représenterait environ 177 milliards d’euros de recettes nouvelles.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ah oui, tout de même !

Mme Céline Brulin. Avec cet amendement, il s’agit de montrer très concrètement qu’il est tout à fait possible, pour peu que l’on se penche un peu sérieusement sur la question et contrairement à ce que l’on nous dit à chaque fois, de trouver des ressources et de ne pas restreindre les droits de nos concitoyens.

Et si le taux de cette contribution sur les revenus financiers n’était pas égal à 30 %, comme je vous le suggère, mais seulement de 10 %, nous pourrions malgré tout tous aller nous coucher, parce qu’il n’y aurait plus de déficit de la sécurité sociale pour l’année 2026 ! (Sourires.)

À travers cet amendement, nous posons la question de la répartition du financement de la sécurité sociale entre le capital et le travail. Il s’agit aussi de s’interroger sur la nécessité d’orienter les politiques des entreprises vers des pratiques vertueuses en matière de rémunération des salariés et de respect de l’égalité entre les hommes et les femmes et des normes environnementales. C’est aussi de cette manière que l’on abondera le budget de notre protection sociale !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. J’ai une petite interrogation au sujet de votre amendement, ma chère collègue : vous écrivez dans son objet que son adoption permettrait de dégager 60 milliards d’euros. Or vous venez de nous parler de 177 milliards d’euros, soit près du triple !

Je rappelle tout de même que 60 milliards d’euros – un montant qui est loin d’être neutre… – équivalent à deux points de PIB : ce serait énorme et cela alourdirait considérablement les prélèvements obligatoires. Si la contribution rapportait 177 milliards d’euros, il serait donc question de six points de PIB !

La commission est évidemment défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Sans surprise, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Cela étant, madame la sénatrice, je peux témoigner, à titre personnel, de l’aptitude des membres de votre groupe à formuler des propositions très substantielles, ce qui ne cesse de me surprendre…

Mme Céline Brulin. Et ce n’est pas fini ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Tant mieux, cela me maintiendra éveillé toute la soirée, ce dont je ne peux que vous remercier. (Nouveaux sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1156.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 1155, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani, Varaillas et Gréaume, M. Lahellec et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’article 8 sexies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 241-2 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Art. L. 241-2. – I. – Les ressources des assurances maladie, maternité, invalidité et décès sont également constituées par des cotisations assises sur :

« 1° Les avantages de retraite, soit qu’ils aient été financés en tout ou partie par une contribution de l’employeur, soit qu’ils aient donné lieu à rachat de cotisations ainsi que les avantages de retraite versés au titre des articles L. 381-1 et L. 742-1, à l’exclusion des bonifications ou majorations pour enfants autres que les annuités supplémentaires ;

« 2° Les allocations et revenus de remplacement mentionnés à l’article L. 131-2 ;

« 3° Le produit de la contribution additionnelle à la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés, prévue par l’article L. 245-13 ;

« 4° Le produit de la contribution mentionnée à l’article L. 137-15.

« Des cotisations forfaitaires peuvent être fixées par arrêté ministériel pour certaines catégories de travailleurs salariés ou assimilés.

« Les cotisations dues au titre des assurances maladie, maternité, invalidité et décès sont à la charge des employeurs et des travailleurs salariés et personnes assimilées ainsi que des titulaires des avantages de retraite et des allocations et revenus de remplacement mentionnés aux 1° et 2° du présent I.

« II. – Les ressources des assurances maladie, maternité, invalidité et décès sont en outre constituées par une fraction égale à 38,81 % de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services. »

La parole est à Mme Silvana Silvani.

Mme Silvana Silvani. « C’est l’histoire d’un hold-up. Sans arme ni violence, mais orchestré avec l’aval des gouvernements successifs depuis trois décennies. Les contribuables, principales victimes de ce système, commencent à peine à en prendre la mesure. » C’est sur ces mots que débute Le Grand Détournement, l’ouvrage des journalistes Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre, paru en septembre dernier, qui explique en détail comment les milliardaires et les multinationales captent l’argent de l’État.

Précisons d’emblée que les travaux de la commission d’enquête sénatoriale de nos collègues Fabien Gay et Olivier Rietmann sur les aides publiques versées aux entreprises – je veux bien sûr parler de celles qui sont versées sans contrepartie ni contrôle… – tiennent une bonne place dans ce livre.

Mais c’est en définitive après avoir lu un passage consacré aux exonérations de cotisations sociales que nous avons décidé de proposer, avec cet amendement, le rétablissement des cotisations patronales dites « ex-CICE » (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi), dont la disparition a amputé la sécurité sociale de 37 milliards d’euros en 2025 sans aucune efficacité sur les créations d’emplois.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ma chère collègue, nous avons déjà discuté d’amendements identiques lors de l’examen des trois précédents projets de loi de financement de la sécurité sociale.

Notre commission et les différents gouvernements y ont toujours été défavorables. Je ne vous étonnerai donc pas en émettant, cette année encore, un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Comme les années précédentes, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Il serait toutefois intéressant, même si ce n’est pas l’objet du débat de ce soir, d’ouvrir une réflexion sur le financement de la sécurité sociale. Sachez que je suis prêt à ouvrir ce beau chantier si les circonstances le permettent. La question est évidemment complexe. Si ce gouvernement a la chance de durer, il s’agit d’une thématique que je suis disposé à aborder.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Message reçu cinq sur cinq !

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Je n’ai certes pas la solution, mais chacun s’accorde à dire que nous sommes arrivés au bout du système et qu’il faudra bien s’interroger, à un moment donné, sur la meilleure manière de combler les nombreux besoins des cinq branches de la sécurité sociale qui, toutes, voient leurs ressources s’éroder.

C’est un sujet majeur dont je suis prêt à discuter sereinement avec celles et ceux qui seront intéressés.

M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.

Mme Silvana Silvani. Le rétablissement des cotisations patronales du CICE constituerait, on le sait, un reniement trop important pour le Président de la République. Certes, l’an passé, vous avez tenté pour la première fois de réduire les allégements de cotisations, mais ce n’était pas par choix : c’était parce que votre propre dispositif avait dérapé !

La Caisse nationale de l’Urssaf l’indique clairement : ce système d’exonération a connu un emballement en 2022 en raison de l’empilement des allégements et de la revalorisation annuelle du Smic. Aujourd’hui, on estime que 26 millions de salariés sont concernés par un dispositif d’allégement de cotisations patronales.

Or la suppression de ces cotisations prive la sécurité sociale de ressources pourtant indispensables. En les rétablissant, vous pourriez financer les hôpitaux à la hauteur des besoins et redonner de l’attractivité aux métiers du soin et du médico-social. Vous pourriez empêcher toutes les fermetures annoncées : le service de chirurgie de Guingamp ou les urgences de Lannion dans les Côtes-d’Armor, l’hôpital de Zuydcoote dans le Nord ou encore la maternité de Sarlat en Dordogne…

Malgré l’échec manifeste de votre action, vous préférez poursuivre votre politique de l’offre au profit des entreprises et continuer à fermer les services de santé au détriment des assurés sociaux.