M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je partage les arguments tout à fait clairs avancés par Mme la rapporteure générale.
Je rappelle le droit.
Toute personne qui reçoit des revenus du capital de source française est soumise aux prélèvements sociaux, quel que soit son domicile. Voilà pour le principe.
La CJUE a décidé que l’on ne pouvait pas payer pour deux régimes obligatoires de sécurité sociale. Par conséquent, dès lors que l’on réside dans l’Union européenne, comme on est couvert par un régime de sécurité sociale, on ne paye pas deux fois. Aussi, dans le strict périmètre de l’Union européenne, de l’Espace économique européen et de la Suisse, cette exonération existe.
Revenons au principe : tout revenu du capital de source française est soumis à la CSG et aux prestations sociales.
C’est parce qu’il existe des régimes obligatoires de sécurité sociale européens que cette exonération a été prévue pour le seul périmètre européen. Vous souhaitez qu’il en soit de même pour les Français établis à Singapour, aux États-Unis ou au Canada. Voilà un raisonnement qui me paraît difficile à défendre.
Comme l’a expliqué la rapporteure générale, la CSG est un impôt – c’est la position du Conseil constitutionnel. Dans ces conditions, il faudrait logiquement supprimer l’imposition de tous les autres types de revenus.
Imaginons que, cette année, ces amendements soient adoptés et que les revenus du capital d’un résident extra-européen ne soient plus assujettis à la CSG. L’année prochaine, vous réclamerez qu’il n’y ait plus d’impôts sur le revenu, éventuellement qu’il n’y ait plus d’impôts fonciers, puis plus d’impôts sur les loyers ?
Vous le voyez, tout cela provoque un effet domino qui ne tient qu’à cet état de fait : en Europe, ce qui compte, ce n’est pas la domiciliation, c’est le fait d’être contributeur à un régime obligatoire de sécurité sociale.
Je vous mets en garde contre les effets en chaîne de ces amendements, dont l’objet semble à première vue évident et plein de bon sens, mais dont l’adoption ferait qu’un Français établi hors de France qui aurait des revenus de source française ne paierait plus aucun impôt.
Je sais que je ne convaincrai pas les auteurs de ces amendements. En revanche, je cherche à convaincre tous les autres que, l’année prochaine, légitimement, avec une logique implacable, il faudrait exonérer d’impôt tous les revenus de source française des Français non-résidents. Voilà qui me paraît bien dangereux.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 345 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 344 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1490, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 6 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.– Les IV et IV bis de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale sont rétablis dans la rédaction suivante :
« IV.– Par dérogation au I, sont assujettis à la contribution sociale :
« 1° Au taux de 6,6 % les revenus mentionnés au II de l’article L. 136-1-1 du présent code perçus par les personnes dont les revenus de l’avant-dernière année, définis au IV de l’article 1417 du code général des impôts sont inférieurs à 30 271 € pour la première part de quotient familial, majorés de 6 028 € pour chaque demi-part supplémentaire.
« 2° Au taux de 10,6 % les revenus mentionnés au II de l’article L. 136-1-1 du présent code perçus par les personnes dont les revenus de l’avant-dernière année, définis au IV de l’article 1417 du code général des impôts excèdent 72 560 € pour la première part de quotient familial, majorés de 6 028 € pour chaque demi-part supplémentaire.
« IV bis.– Les seuils mentionnés aux IV sont revalorisés au 1er janvier de chaque année, conformément à l’évolution en moyenne annuelle des prix à la consommation, hors tabac, constatée pour l’avant-dernière année et arrondis à l’euro le plus proche, la fraction d’euro égale à 0,50 étant comptée pour 1. »
II. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. Il s’agit d’ouvrir le débat sur la progressivité de la CSG sur les revenus d’activité.
En ce sens, nous proposons un taux réduit de CSG de 6,6 % pour les personnes dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 30 271 euros, soit environ 1,4 Smic annuel, et un taux majoré de 10,6 % pour les hauts revenus supérieurs à l’équivalent du neuvième décile du niveau de vie moyen, soit 72 560 euros, selon l’étude Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA.
Rappelons que la CSG est déjà progressive sur les revenus de remplacement, notamment les retraites, avec quatre seuils : exonération, taux réduit, taux médian, taux plein.
Aujourd’hui, un salarié au Smic et un salarié percevant un très haut revenu payent le même taux de CSG. Une progressivité permettrait d’aligner la contribution sur le niveau de vie comme pour l’impôt sur le revenu.
Par ailleurs, une telle progressivité permettrait aussi de réduire les prélèvements obligatoires sur les bas salaires, comme certains le proposent ici.
Au fond, c’est une mesure de justice sociale que nous portons. S’il s’agit, évidemment, d’un amendement d’appel, madame la ministre, j’espère qu’il nous permettra, d’une part, d’obtenir des indications chiffrées sur l’éventuel rendement qu’entraînerait la progressivité, d’autre part, d’ouvrir un chantier avec les partenaires sociaux sur une distribution plus juste via la CSG.
M. le président. L’amendement n° 1759 rectifié, présenté par M. Mérillou, Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 6 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le II est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° a) Les revenus d’activité définis au premier alinéa du I de l’article L. 136-1-1 des personnes dont les revenus fiscaux définis au IV de l’article 1417 du code général des impôts perçus l’avant-dernière ou l’antépénultième année n’excèdent pas 20 764 € pour la première part de quotient familial sont assujettis à la contribution :
« – au taux de 2,5 % lorsque ces revenus fiscaux sont inférieurs à 16 014 € pour la première part de quotient familial ;
« – au taux de 3,25 % lorsque ces revenus fiscaux sont compris entre 16 014 € et 16 610 € pour la première part de quotient familial ;
« – au taux de 4 % lorsque ces revenus fiscaux sont compris entre 16 610 € et 17 161 € pour la première part de quotient familial ;
« – au taux de 4,75 % lorsque ces revenus fiscaux sont compris entre 17 161 € et 17 845 € pour la première part de quotient familial ;
« – au taux de 5,5 % lorsque ces revenus fiscaux sont compris entre 17 845 € et 18 371 € pour la première part de quotient familial ;
« – au taux de 6,25 % lorsque ces revenus fiscaux sont compris entre 18 371 € et 19 048 € pour la première part de quotient familial ;
« – au taux de 7 % lorsque ces revenus fiscaux sont compris entre 19 048 € et 19 556 € pour la première part de quotient familial ;
« – au taux de 7,75 % lorsque ces revenus fiscaux sont compris entre 19 556 € et 20 227 € pour la première part de quotient familial ;
« – au taux de 8,5 % lorsque ces revenus fiscaux sont compris entre 20 227 € et 20 764 € pour la première part de quotient familial.
« b) Les montants mentionnés au 3° sont majorés de 2 971 € pour chaque demi-part de quotient familial supplémentaire. »
2° Au premier alinéa du III, après la référence : « L. 136-1-2 », sont insérés les mots : « du présent code » ;
3° Au III ter, les mots : « aux III et III bis » sont remplacés par les mots : « au 3° du II, au III et au III bis ».
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Je défends cet amendement au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Depuis quatre ans, l’inflation cumulative atteint près de 15 % et frappe durement nos concitoyens. Pour l’alimentation, elle est de plus de 25 % ; pour le gazole, de plus de 18 %.
Dans nos foyers, ce ne sont pas des pourcentages, ce sont des arbitrages douloureux : se chauffer moins, se déplacer moins, réduire les achats essentiels. Ce décrochage du pouvoir d’achat entraîne un phénomène, documenté, de déconsommation, qui touche d’abord les ménages modestes. En 2023, la consommation n’a progressé que de 0,6 % et d’à peine plus en 2024. Cette crise du porte-monnaie se répercute sur l’économie tout entière, jusqu’aux recettes de l’État : la TVA a rapporté 1,4 milliard d’euros de moins l’an dernier.
Par cet amendement, nous proposons donc de redonner du souffle aux revenus modestes, entre 1 et 1,4 Smic, en rendant la CSG enfin progressive sur les revenus d’activité. Aujourd’hui, que l’on gagne 1 Smic ou 4, on paie 9,2 % de CSG. C’est injuste et cela pèse sur les Français qui travaillent et peinent malgré tout à joindre les deux bouts.
Nous proposons un barème en dix tranches, débutant à 2,5 % au niveau du Smic et progressant jusqu’à 8,5 %, avant de retrouver le taux plein actuel, à 1,4 Smic.
Très concrètement, pour une mère seule au Smic avec un enfant, cela représente 900 euros de gain par an. Pour un couple avec deux enfants, dont chaque membre gagne 1 920 euros, le gain s’élève à 1 500 euros par an.
Ce n’est ni un chèque ponctuel ni une rustine ; c’est un gain immédiat et durable de pouvoir d’achat pour ceux qui en ont le plus besoin. C’est aussi une mesure qui, en réduisant ainsi le coût du travail dans les secteurs exposés à la concurrence internationale, soutient l’emploi.
C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous invitons à voter cet amendement pour garantir plus de justice sociale et fiscale, et pour protéger nos travailleurs qui en ont le plus besoin.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Madame Souyris, vous ouvrez là un grand chantier.
Nous en avons déjà un peu débattu tout à l’heure, au sujet des taux de CSG. Le cas présent est quelque peu différent, puisque vous entendez instaurer une CSG progressive sur les revenus d’activité.
Si toutes ces questions sont en effet très importantes, dans la mesure où il s’agit de savoir comment nous finançons notre protection sociale, je vous le dis très franchement : ce n’est pas au travers de ce PLFSS que nous pourrons obtenir un résultat cohérent.
Il nous faut réfléchir, en lançant soit des assises, soit des états généraux – ou que sais-je encore… –, à la manière de financer la protection sociale en France, alors que l’environnement a totalement changé et que de nombreux facteurs sont à prendre en compte.
La mesure que vous proposez, si nous n’avons pas eu le temps de la chiffrer précisément, coûterait en réalité plusieurs milliards d’euros. Je ne vois pas très bien l’intérêt – il faudra peut-être en débattre dans d’autres lieux, comme je le disais – d’avoir deux impôts progressifs, c’est-à-dire la CSG et l’impôt sur le revenu, car nous nous retrouverions avec deux modes de calcul semblables. La complémentarité de ces deux impositions, différentes parce que non basées sur les mêmes assiettes, était finalement intéressante.
Il serait donc plus lisible et moins coûteux en gestion de modifier pour le moins le barème de l’impôt sur le revenu.
J’émets donc un avis défavorable sur votre amendement, madame Souyris, ainsi que sur l’amendement n° 1759 rectifié, mais la question que vous posez est tout aussi pertinente que toutes celles que nous avons évoquées ce matin sur les moyens à mettre en œuvre pour financer la sécurité sociale.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Madame la sénatrice, voilà un amendement à 20 milliards d’euros ! (Sourires sur plusieurs travées.) Je vous remercie donc d’avoir précisé qu’il s’agissait d’un amendement d’appel ; sinon nous aurions eu du mal à comprendre comment le dispositif s’articulait.
Toutefois, cet amendement n° 1490 est intéressant.
En effet, contrairement à beaucoup d’autres propositions dont on a pu débattre au sujet de la CSG progressive, il est rédigé de façon à permettre au dispositif prévu de fonctionner. Je le dis parce que, souvent, fleurissent des propositions pleines d’imagination sur les taux et les barèmes qui ne sont pas opérantes.
Concrètement, pour rendre la CSG progressive, il faut regarder les revenus du ménage, puisque nous avons en France une fiscalité qui est, lorsqu’on la différencie, établie par foyer. Nous procéderions donc comme pour les retraités : nous regarderions la situation familiale du foyer l’année n-2, ainsi que ses revenus, et nous en déduirions le taux de CSG à appliquer, dans le cadre du système de prélèvement à la source opéré sur les feuilles de paie, avec des acomptes contemporains.
Pourquoi n-2 et non n-1, me direz-vous ? Parce que le système doit être opérationnel au 1er janvier de l’année n et qu’à la date du vote du PLFSS – le réveillon n’est pas encore passé ! – nous ne disposons pas de la description exacte de chaque situation familiale au 31 décembre de l’année n-1. L’année n-2 est donc la dernière année pleine et complète connue. Ainsi, pour le 1er janvier 2026, par exemple, le taux de CSG que vous paieriez dépendrait de votre revenu total familialisé de l’année 2024.
Cela fonctionne pour les retraités. La situation est quelque peu compliquée au cours des deux premières années, car, les revenus d’activité étant plus importants que les pensions de retraite, la CSG est calculée sur la base de taux plus élevés. Au bout de la deuxième année de retraite, cependant, les choses rentrent dans l’ordre. Par la suite, les revenus des personnes sont plutôt stables et le système l’est donc également.
Pour les actifs, la situation est plus complexe, car plus changeante, au gré des événements de la vie – mariage, divorce, arrivée d’enfants…
Pour nos concitoyens, ce système, qui peut fonctionner sur le plan constitutionnel et qui respecte tous les droits, signifierait potentiellement que des taux de CSG, puisque ce sont des plafonds nets et finalement assez différents, pourraient varier beaucoup d’une année à l’autre.
Si je reprends vos paramètres et vos tranches, nous passerions d’une exonération totale à un taux de 6,6 %, puis de 10,6 %, soit des variations potentielles de 6 ou de 4 points.
Madame la sénatrice, sur cet amendement d’appel, je tenais à vous fournir une réponse complète, car le sujet est intéressant. Il faudrait en réalité créer beaucoup plus de tranches pour lisser davantage les paliers si nous voulions entrer dans ce genre de régime, et bien expliquer à nos concitoyens ce que cela signifie, lorsque l’on est actif, d’avoir une fiscalité qui dépend de sa situation à l’année n-2.
J’ajouterai un dernier élément au débat. Nous voulons créer une allocation sociale unique. Nous avons passé plus de cinq ans, et je salue Mme la ministre Bourguignon qui connaît cela par cœur, à vouloir contemporanéiser les aides sociales et le régime fiscal. À cet égard, la réforme du prélèvement à la source a apporté un vrai soutien à nombre de nos concitoyens, dans la mesure où le taux d’imposition s’adapte à la situation présente.
Chacun se souvient de ce que signifiait un impôt sur le revenu calculé avec un décalage d’un an ou, parfois, de deux ans. Idem pour les aides personnelles au logement (APL), décalées de deux ans : en cas de crise, on était aidé pendant deux ans, puis, subitement, on ne recevait plus rien.
La contemporanéisation est donc un bon principe. Or la réforme que vous proposez, c’est, pour le coup, l’anti-contemporanéisation, parce qu’elle nous ramène deux ans en arrière dans la vie que nous avions.
Telles sont les raisons pour lesquelles votre proposition, si elle n’est pas inintéressante, nécessite, pour être mise en œuvre, d’y réfléchir à deux fois. Elle a aussi de nombreux effets assez contradictoires avec des évolutions que nous avons portées collectivement et dont nous voyons aujourd’hui, me semble-t-il, les bénéfices.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 1490 ainsi que sur l’amendement n° 1759 rectifié.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Certes, nous l’entendons, la mise en œuvre de notre proposition entraînerait un certain nombre d’obstacles. Mais revenons-en aux faits : un tel prélèvement serait proportionnel, donc non dégressif, ce qui est déjà un point positif, mais sans être non plus totalement redistributif. Il se situe entre les deux. Cela reviendrait à appliquer, de façon partielle, le principe fondamental de la sécurité sociale, qui veut que chacun cotise selon ses moyens.
Différentes propositions peuvent être envisagées. J’avais moi-même déposé un autre amendement, qui a dû être déclaré irrecevable, afin d’envisager la possibilité de laisser la CSG telle qu’elle est, avec cet entre-deux entre la dégressivité et la redistribution, et d’ajouter un prélèvement supplémentaire pour les revenus très élevés. Il s’agissait d’introduire ce qui existe déjà dans la sécurité sociale : la notion de plafond et de cotisation plafonnée ou déplafonnée, avec les tranches A, B et C. Tous ces outils existent déjà, puisque les revenus sont pris en compte sur la base du Smic ou du plafond de la sécurité sociale.
On pourrait donc très bien reprendre cette notion de plafond, créer une ligne supplémentaire et, sur les tranches très supérieures – la tranche C correspondant, je le rappelle, à huit fois le plafond –, appliquer un prélèvement supplémentaire. Cela permettrait d’assurer la redistribution.
Il n’est absolument pas question de fusionner la CSG avec l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP), comme certains le proposent. L’IRPP constitue une recette de l’État, destinée à financer les routes ou l’éducation, par exemple, tandis que la CSG est affectée à la sécurité sociale.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour explication de vote.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. J’apporterai un bref complément à tous les éléments techniques et très justes fournis par Mme la ministre, en m’adressant aux sénateurs de gauche pour leur rappeler les principes fondateurs de la sécurité sociale et les risques de rupture du contrat social qui seraient attachés au fait de rendre la CSG progressive, à une époque où la situation de la sécurité sociale est tout de même très fragile.
Je le rappelle, la CSG a remplacé des cotisations qui n’ont jamais été progressives et qui étaient même, d’ailleurs, plafonnées : elles étaient proportionnelles. Il faut en rester à cet esprit pour des prestations qui, pour la maladie par exemple, sont versées en fonction de l’état de santé et non en fonction du fait que vous soyez riche ou pauvre.
Nous avons rendu le système très redistributif via des prestations de plus en plus soumises à condition de ressources, notamment pour la famille. Prenons garde à ne pas fragiliser le contrat social en agitant des idées de cette nature.
M. le président. Nous revenons au cours normal de la discussion des articles.
Article 8 octies (nouveau)
Avant le 1er avril 2026, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’article 15 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018. Ce rapport évalue notamment la fiabilité du « système national version 2 » sur lequel repose le recouvrement des cotisations sociales des travailleurs indépendants au titre de l’ancien régime social des indépendants et du régime actuel ainsi que les difficultés persistantes rencontrées par les travailleurs indépendants, en particulier en outre-mer, qui se voient réclamer des sommes indues. Il analyse les éléments liés à l’acquisition de la personnalité morale par le régime social des indépendants et les entités se présentant comme venant à ses droits et il propose des solutions permettant un règlement amiable de cette situation.
M. le président. L’amendement n° 603, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Si l’objet du rapport demandé au Gouvernement au travers de cet article est, encore une fois, tout à fait pertinent, je reprendrai la réponse habituelle que nous donnons à toute demande de cette nature : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 1040 rectifié ter, présenté par MM. Rochette et Chasseing, Mme Lermytte, MM. Pellevat, V. Louault, Capus, Laménie, Chevalier, Grand, A. Marc, Brault, Wattebled, Dhersin et Ravier, Mmes Saint-Pé et Sollogoub et M. Houpert, est ainsi libellé :
Après l’article 8 octies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 3° de l’article L. 3312-3 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les travailleurs indépendants. Ces derniers peuvent se verser une prime exonérée d’impôt et de charges sociales d’un montant maximum de 5 000 euros par an. Les modalités de versement de cette prime sont définies par décret. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte.
Mme Marie-Claude Lermytte. Par cet amendement, notre collègue Pierre Jean Rochette aborde la question du pouvoir d’achat, l’une des préoccupations majeures des Français.
La loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a instauré pour les salariés la prime de partage de la valeur (PPV). Cette prime, en complément du salaire, est versée à la discrétion des employeurs.
Parallèlement, les travailleurs indépendants ne vont bénéficier que d’une baisse de leurs cotisations sociales. En 2020, ils étaient environ 3,8 millions à exercer une activité non salariée générant un chiffre d’affaires total de 80,4 milliards d’euros.
Les indépendants ne bénéficient ni de l’intéressement, ni de la participation, ni du treizième mois.
La possibilité de se verser une prime non fiscalisée, mais plafonnée, serait un excellent coup de pouce au pouvoir d’achat et un signal fort envoyé à cette catégorie socioprofessionnelle, qui représente 12 % de la population.
Il est ainsi proposé d’offrir aux indépendants la possibilité de se verser une prime défiscalisée, calquée sur le modèle de celle qui est versée dans le cadre de l’intéressement. Cette prime, versée une fois par an, serait plafonnée à 5 000 euros. Les modalités de versement seraient fixées par décret.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet amendement porte sur le statut particulier des travailleurs indépendants, qui n’ont pas les mêmes possibilités que d’autres travailleurs, notamment salariés.
Si je peux comprendre son objet, il créerait, s’il était adopté, une disposition qui défiscalise et désocialise. Le temps n’est pas venu de faire une telle proposition dans le contexte actuel des finances publiques.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Madame la sénatrice, une grande réforme du régime social des indépendants a eu lieu pour changer, vous le savez, la manière dont les cotisations sociales y étaient organisées. Je ne suis pas très à l’aise avec l’idée que, dans notre pays, un indépendant sans salarié – il ne s’agit donc pas d’un partage de la valeur – puisse se verser à lui-même une prime totalement exonérée. (Mme Raymonde Poncet Monge s’exclame.) C’est une approche étonnante.
En revanche, j’entends votre argument : il faut soutenir les indépendants, qui ont parfois des revenus modestes. Dans la catégorie des indépendants, il y a néanmoins toutes sortes de professions. Les avocats sont des indépendants, les notaires sont des indépendants, les experts-comptables peuvent être des indépendants. Il me semble donc préférable d’adopter une approche un peu plus sociale.
Vous savez qu’il existe des réductions des taux de cotisations maladie et famille ciblées sur les bas revenus pour les indépendants. Lorsque les revenus d’activité sont grevés de charges, ces taux sont d’ailleurs plus faibles. Il me paraît donc préférable de conserver des barèmes en fonction des revenus.
L’idée que tous les indépendants de France puissent se verser à eux-mêmes 5 000 euros sans aucune charge ni aucun impôt correspond à une vision qui n’est pas exactement celle que, en général, nous défendons collectivement ici.
Avis défavorable.


