Mme la présidente. L’amendement n° 608, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet article, introduit dans le présent texte par l’Assemblée nationale, exonère de cotisations à la Mutualité sociale agricole tous les dons faits en nature par des agriculteurs. Il s’agit, par exemple, de denrées offertes aux banques alimentaires.
L’intention est bien sûr tout à fait louable ; simplement, je ne vois pas comment un tel dispositif peut tourner.
De plus, cette exonération n’est assortie d’aucun plafond : nous sommes donc face à un coût potentiellement incontrôlé.
Enfin, et surtout, comment vérifier la qualité et le volume des produits ? Ces points n’étant pas explicités, la commission propose de supprimer cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.
Mme Annie Le Houerou. Madame la rapporteure générale, cette année, vous avez entrepris d’appliquer un principe simple : supprimer toutes les exonérations de cotisations introduites dans le PLFSS, au nom de la protection des comptes de la sécurité sociale et de la préservation des recettes.
Toutefois, je constate que vous procédez sans discernement et sans tenir compte de la réalité que vivent nos concitoyens. Ainsi, vous refusez toutes les adaptations que nous vous proposons afin de rendre ces exonérations plus justes, plus adaptées aux réalités, en évitant les effets d’aubaine.
L’article 9 quinquies exonère de cotisations à la MSA les dons en nature effectués par les agriculteurs auprès de l’aide alimentaire.
Ce dispositif, adopté sur l’initiative de notre collègue député Guillaume Garot, a pour but de lutter contre la précarité alimentaire en incitant les exploitants agricoles à donner une part de leur production.
Si vous faites un don en nature, vous n’êtes pas exonéré de cotisations. En revanche, si vous faites un don financier, vous bénéficiez d’un avantage fiscal. Il s’agit, en réalité, d’aligner le régime des dons en nature sur celui des dons financiers.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.
M. Vincent Louault. Ce que le Sénat s’apprête à faire est tout de même très ennuyeux ! L’article 9 quinquies a été introduit à l’Assemblée nationale par un amendement voté à l’unanimité, sur une proposition de l’association de solidarité des producteurs agricoles et des filières alimentaires (Solaal), présidée par Angélique Delahaye, ancienne eurodéputée, alors membre du groupe LR !
Aujourd’hui, les Restos du Cœur ou les banques alimentaires sont confrontés à de réelles difficultés pour récolter des dons. Le dispositif introduit permet d’y répondre (Mme la rapporteure générale le conteste.), en tout cas en partie.
Mes chers collègues, je vous invite à faire preuve de plus de mesure que Mme le rapporteur général.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je peux parler en connaissance de cause : en tant que présidente d’une épicerie sociale dépendant d’une banque alimentaire, je connais les difficultés d’approvisionnement, et je sais combien les denrées sont aujourd’hui difficiles à obtenir.
Pour autant, je ne crois pas que l’article 9 quinquies soit la solution. Avec un tel dispositif, le moindre don de pommes ou de lait donnerait droit à exonération de cotisations à la mutualité sociale agricole. Concrètement, qui ira vérifier la quantité et la qualité des produits concernés ?
Je pense que l’intention est bonne, mais que la mesure proposée n’est pas la réponse adaptée à la pénurie actuellement constatée.
En réalité, les obligations européennes, notamment en matière d’inventaire, nous font beaucoup de mal, en décourageant les bénévoles dans les épiceries sociales ou aux Restos du Cœur.
Les problèmes d’approvisionnement en denrées dans ces établissements sont multifactoriels, et, à mon avis, ce n’est pas le mécanisme prévu à l’article 9 quinquies qui permettra de changer la donne.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. J’entends les arguments de Mme le rapporteur général, mais je trouve dommage que nous ne puissions pas adopter cet article dans une version modifiée – l’idée n’est évidemment pas de faire un vote conforme –, afin de l’améliorer ensuite dans la navette.
Le dispositif mérite sans doute d’être rectifié et borné, mais, comme cela a été rappelé, il est très attendu : par les temps qui courent, il est tout de même rare qu’une mesure soit votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale !
Nous parlons d’aide aux plus fragiles. Si je ne suis pas certaine que l’article 9 quinquies soit véritablement opérationnel, je ne suis pas certaine non plus qu’en l’état, il faille le supprimer.
Mme la présidente. L’amendement n° 394 rectifié ter, présenté par MM. Menonville, Mizzon, Pointereau et Bacci, Mme Billon, MM. Canévet, Kern et Chatillon, Mme Antoine, MM. de Nicolaÿ, A. Marc et Bleunven, Mmes Romagny et Paoli-Gagin et M. Haye, est ainsi libellé :
Après l’article 9 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- Au premier alinéa du A du I de l’article L. 136-4 du code de la sécurité sociale, la référence : « 73 E » est remplacée par la référence : « 72 E » et les mots : « de l’article 75-0 A » sont remplacés par les mots : « des articles 75, 75-0 et 151 octies ».
II.- La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Jean Bacci.
M. Jean Bacci. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise, apparemment, à corriger un oubli du législateur lors de la définition de l’assiette des contributions sociales des non-salariés agricoles en lois de financement de la sécurité sociale pour 2024 et 2025. La commission sollicite l’avis du Gouvernement à cet égard.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Le Gouvernement approuve l’intention – maintenir les exclusions existantes en matière de plus-value de court terme – des auteurs de cet amendement.
Toutefois, il faudrait en affiner la rédaction, qui ne nous paraît pas adéquate. En l’état, elle aurait pour effet d’écraser certaines exemptions qui nous paraissent utiles et d’en ajouter de nouvelles dont nous pourrions nous passer.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement sous réserve d’ajustements rédactionnels au cours de la navette.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 394 rectifié ter.
(L’amendement, modifié par la suppression du gage, est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 9 quinquies.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 389 rectifié bis, présenté par MM. Menonville, Mizzon et Bacci, Mme Billon, MM. Canévet, Dhersin, de Nicolaÿ, Kern, Chatillon et Fargeot, Mmes Antoine et Patru, MM. Chevalier et A. Marc, Mme Paoli-Gagin et M. Haye, est ainsi libellé :
Après l’article 9 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le A du I de l’article L. 136-4 du code de la sécurité sociale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« …° Les rentes versées aux non-salariés agricoles pour les maladies professionnelles et les accidents du travail, ou en réparation des maladies causées par des pesticides, au sens du 8° de l’article 81 du code général des impôts ;
« …° Les abandons de compte courant d’associé assimilé socialement à des apports en société. »
II. – L’article L. 731-14 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ouvrent droit à une réduction du montant des cotisations sociales les dons en nature portant sur des denrées alimentaires, effectués par les chefs d’exploitations au profit d’associations caritatives, à partir de produits issus de leur production dans une limite et selon des conditions prévues par décret en Conseil d’État ».
IV. – La perte de recettes des dispositions prévues aux II et III est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Daniel Fargeot.
M. Daniel Fargeot. Défendu.
Mme la présidente. L’amendement n° 388 rectifié bis, présenté par MM. Menonville et Mizzon, Mme Joseph, MM. Bacci, Kern, Chasseing et Fargeot, Mme Patru, MM. Chevalier, de Nicolaÿ, Chatillon et Dhersin, Mme Antoine, M. A. Marc, Mme Paoli-Gagin et M. Haye, est ainsi libellé :
Après l’article 9 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le A du I de l’article L. 136-4 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les abandons de compte courant d’associé assimilé socialement à des apports en société. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Daniel Fargeot.
M. Daniel Fargeot. Défendu.
Mme la présidente. L’amendement n° 387 rectifié quater, présenté par MM. Menonville et Mizzon, Mme Gacquerre, M. Bacci, Mme Billon, MM. Canévet et Kern, Mme Housseau, MM. Chatillon et Fargeot, Mme Patru, MM. Chevalier, de Nicolaÿ, J.M. Arnaud, Dhersin, A. Marc et Bleunven, Mmes Romagny et Paoli-Gagin et MM. Haye et Levi, est ainsi libellé :
Après l’article 9 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 731-14 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° À l’exception des sommes versées aux non-salariés agricoles pour les maladies professionnelles et les accidents du travail, ou en réparation des maladies causées par des pesticides, au sens du 8° de l’article 81 du code général des impôts. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Daniel Fargeot.
M. Daniel Fargeot. Une réforme introduite en loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 et destinée à entrer en vigueur en 2026 consiste à mettre en place une assiette unique et simplifiée pour les cotisations sociales et contributions se rapprochant de celles des salariés.
Elle a pour effet d’aligner l’assiette des cotisations sociales et l’assiette des contributions telles que la CSG-CRDS pour les non-salariés agricoles, excepté quelques retraitements, en vue de déduire les contributions et d’augmenter les cotisations créatrices de droits.
Sans transposition dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, le dispositif fiscal continuera, certes, de s’appliquer en 2026, mais il ne s’appliquera plus à l’assiette sociale, pénalisant ainsi les assurés agricoles victimes d’accidents du travail, de maladies professionnelles ou de maladies causées par des pesticides.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 389 rectifié bis.
En effet, compte tenu de la situation de nos comptes sociaux, une telle mesure nous inspire des réserves. Il est proposé de diminuer une assiette soumise à des prélèvements sociaux. C’est le même objectif qu’à l’article 9 quinquies – encourager le don de denrées alimentaires –, mais, là encore, le coût du dispositif, qui pourrait affecter significativement les finances sociales, n’est pas évalué.
La commission sollicite l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 388 rectifié bis, pour des raisons techniques.
Enfin, l’avis est favorable sur l’amendement n° 387 rectifié quater.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 389 rectifié bis, pour les mêmes raisons que la commission.
J’en viens à l’amendement n° 388 rectifié bis, sur lequel Mme la rapporteure générale a sollicité l’avis du Gouvernement.
Il est proposé d’exclure de l’assiette des cotisations sociales des exploitants agricoles les sommes présentes sur leur compte courant d’associés qu’ils abandonnent au profit de la société dans laquelle ils exercent.
Pour l’associé, l’apport en compte courant consiste à consentir à sa société des avances ou des prêts, en versant directement des fonds ou en laissant à sa disposition des sommes qu’il renonce provisoirement à percevoir. Selon la jurisprudence constante du Conseil d’État, la simple renonciation par un associé à une partie des sommes figurant sur ses comptes courants d’associé en l’absence de contrepartie constitue un résultat imposable de l’entreprise. Ces sommes rentrent donc également dans l’assiette des cotisations sociales.
Une exonération de cotisations entraînerait une rupture d’égalité avec les professions non agricoles et créerait un vecteur important d’optimisation sociale.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Enfin, à l’instar de la commission, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 387 rectifié quater.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 389 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 388 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 387 rectifié quater.
(L’amendement, modifié par la suppression du gage, est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 9 quinquies.
L’amendement n° 229 rectifié bis, présenté par Mmes Malet, Jacques, Petrus, Aeschlimann, Gruny, M. Mercier, Muller-Bronn et Lassarade et MM. Panunzi, Rietmann, Perrin, H. Leroy, Houpert et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 9 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le dernier alinéa de l’article L. 781-6 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Les mots : «, au cours d’une année civile, » sont supprimés ;
2° Les mots : «, dans le cadre d’une diversification de la production ou de la mise en valeur de terres incultes, de terres laissées à l’abandon ou de terres insuffisamment exploitées, » sont supprimés ;
3° Les mots : « pour une période de cinq ans » sont supprimés ;
II. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée, à due concurrence, par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Viviane Malet.
Mme Viviane Malet. À la suite du vote par le Sénat du projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer, le Gouvernement élabore un décret visant à promouvoir une part minimale de surface de vente de produits locaux au sein des grandes surfaces. Il s’agit d’une initiative visant à accroître l’autonomie alimentaire, à aider nos agriculteurs et à lutter contre la vie chère.
La Haute Assemblée a récemment soutenu cette démarche en adoptant un amendement ayant pour objet de préciser le contenu du décret à venir et d’en sécuriser la préparation.
Afin de donner leur pleine capacité aux mesures qui sont envisagées, il faut désormais permettre à nos agriculteurs de produire davantage.
Or, aujourd’hui, en produisant plus, l’exploitant perd une partie des exonérations de cotisations sociales auxquelles il a droit.
En cohérence avec la volonté partagée du Gouvernement et du Sénat, le présent amendement vise à maintenir le bénéfice de l’exonération de cotisations sur les 40 premiers hectares pondérés dans le cas d’un dépassement, quelle qu’en soit la raison, ainsi que la limite de cinq ans.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. L’exonération que notre collègue évoque a été conçue pour les petites exploitations, et chacun en reconnaît la légitimité.
Mais, en l’occurrence, il est proposé d’en étendre le bénéfice aux exploitations de plus de 40 hectares. Cela nous paraît un peu excessif.
C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Aujourd’hui, l’exonération totale s’applique aux exploitations agricoles d’une surface inférieure à 40 hectares, soit, me semble-t-il, 98 % d’entre elles. En outre-mer, 19 000 exploitations sont concernées.
Il ne nous semble pas souhaitable d’étendre l’exonération aux exploitations de plus de 40 hectares, d’autant qu’en cas de dépassement de la surface, un dispositif d’accompagnement est déjà prévu, puisque le régime en vigueur est maintenu pendant cinq ans. Il ne nous paraîtrait pas justifié d’aller plus loin.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour explication de vote.
Mme Audrey Bélim. Alors même que le Gouvernement veut imposer une part minimale de produits locaux dans les grandes surfaces, ce que nous approuvons, les agriculteurs ultramarins – en ce qui me concerne, je parle surtout de ceux que je connais le mieux, c’est-à-dire les agriculteurs réunionnais – risquent paradoxalement de perdre leur exonération sociale dès qu’ils augmentent leur production.
L’amendement de notre collègue tend simplement à corriger cette incohérence en sécurisant les exonérations sur les 40 premiers hectares. C’est pourquoi je le voterai.
Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Mes collègues ont présenté des arguments en faveur de cet amendement et évoqué les projets contribuant au développement de la production locale. Pour ma part, j’aimerais insister sur un autre point.
Depuis toujours, nous sommes spécialisés dans deux grandes cultures : la canne à sucre et la banane.
Certes, Mme la rapporteure générale parle de 40 hectares. Mais il s’agit de 40 hectares pondérés ! Par exemple, pour la banane, où le coefficient de pondération est de quatre, 10 hectares, cela fait 40 hectares pondérés. Pour la canne à sucre, où le coefficient de pondération pour être affilié à l’assurance maladie des exploitants agricoles (Amexa) est d’un, un hectare, cela fait un hectare pondéré. Or il faut au moins deux hectares pour avoir la qualité d’agriculteur.
Il est donc difficile de faire de la diversification animale et végétale : dès que l’on dépasse la surface pondérée maximale autorisée, on perd le bénéfice des exonérations. C’est un vrai sujet.
Et les deux années supplémentaires pour faire de la diversification ou les cinq années supplémentaires que M. le ministre a évoquées, cela ne marche pas !
Une fois que vous avez dépassé les surfaces maximales pondérées, de quoi avez-vous besoin ? De 1 000 mètres carrés ? Dans l’horticulture ou la floriculture, ce sont de très petites exploitations.
En plus, la doctrine administrative est plutôt compliquée là-bas…
Votons l’amendement de notre collègue Viviane Malet.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 9 quinquies.
Article 9 sexies (nouveau)
I. – L’article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale est complété par un VIII ainsi rédigé :
« VIII. – Par dérogation au I du présent article, cette exonération s’applique dans les territoires précités :
« 1° Aux chambres d’agriculture, pour leurs seules activités industrielles et commerciales mentionnées à l’article L. 514-4 du code rural et de la pêche maritime ;
« 2° Aux chambres de commerce et d’industrie territoriales mentionnées au 4° de l’article L. 711-3 du code de commerce, pour l’exercice de leurs missions. »
II. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant du I est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Bélim, sur l’article.
Mme Audrey Bélim. Mme la rapporteure générale souhaite supprimer une avancée que les députés ont introduite dans le texte.
Je le précise, le dispositif voté par nos collègues députés étend l’exonération aux seules activités industrielles et commerciales des chambres d’agriculture. D’une part, cela rétablit une équité de traitement également entre opérateurs qui exercent – je le rappelle – les mêmes missions économiques. D’autre part, cela garantit une utilisation efficace des fonds publics en permettant aux chambres d’agriculture de renforcer un budget aujourd’hui insuffisant pour assurer les missions qui leur sont imposées.
Les missions de service public industriel et commercial des chambres d’agriculture ne se développent pas de la même manière en outre-mer et dans l’Hexagone.
Dans l’Hexagone, les chambres financent une grande partie de leur fonctionnement grâce aux prestations commerciales, aux recettes propres, aux expertises techniques vendues, aux formations rémunérées et aux services payants aux agriculteurs et collectivités. L’activité est dense, stable et rentable, ce qui compense la baisse des dotations publiques.
En outre-mer, il n’est pas possible de développer un service public industriel et commercial rentable. Les contraintes climatiques empêchent tout modèle économique autonome. Nos exploitations sont plus petites, dix fois plus petites, que celles de l’Hexagone. Les revenus agricoles sont plus faibles. La vulnérabilité économique est plus forte, car la priorité est donnée à la survie et non aux services commerciaux. L’éloignement géographique fait augmenter les coûts des prestations. Les filières sont beaucoup moins industrialisées ; il y a donc moins de demandes pour des expertises spécifiques. Et le budget européen est conditionné : nos marges sont donc moindres.
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Audrey Bélim. L’adaptation envisagée par Mme la rapporteure générale ne convient pas à nos territoires.
Mme la présidente. L’amendement n° 609, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Chers élus de l’outre-mer, voilà quelques jours, nous avons discuté du dispositif Lodéom. Nous avons tous conclu qu’il fallait le revoir et le simplifier avec les élus, les acteurs économiques et l’ensemble des forces vives de nos territoires ultramarins.
Et là, vous nous demandez d’étendre aux chambres d’agriculture une mesure qui ne convient à personne.
Mme Audrey Bélim. Je n’ai jamais dit cela !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je rappelle au demeurant qu’une mission conjointe de l’Igas et de l’IGF a remis un rapport dont les conclusions sont assez consensuelles parmi les acteurs économiques de vos territoires : le système est d’une complexité sans nom.
Vous-même avez reconnu qu’il fallait revoir intégralement le dispositif. Dès lors, pourquoi vouloir l’étendre aux chambres d’agriculture ?
Je le rappelle, ces dernières, à l’instar des chambres de commerce, ont un statut bien particulier.
Le risque est de créer une distorsion de concurrence avec les entreprises présentes sur le territoire. Or, si les activités sont effectivement identiques, le statut ne l’est pas. Veillons à ne pas modifier par petites touches un dispositif qui ne satisfait personne.
C’est le sens de mon amendement de suppression de l’article 9 sexies.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Mme la rapporteure générale souhaite supprimer l’extension de l’exonération Lodéom aux chambres d’agriculture sur les heures consacrées à une activité de service public industriel et commercial.
Revenons aux principes : l’exonération Lodéom dans les territoires ultramarins est fondée sur une acception stricte des entreprises et des secteurs qui en bénéficient. Le fait que les services publics ayant une activité concurrentielle n’en bénéficient pas est souvent compensé par d’autres modes de financement qui placent les acteurs concernés dans une position plus avantageuse que le secteur privé.
Aussi, afin de ne pas amplifier de tels déséquilibres et distorsions directes ou indirectes, le Gouvernement, tout en étant sensible à la situation des chambres consulaires, émet un avis favorable sur cet amendement de suppression de l’article 9 sexies.
Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Il y a une vraie confusion sur le statut des chambres consulaires.
Dans l’objet de l’amendement de Mme la rapporteure générale, il est indiqué que la mise en œuvre du dispositif prévu à l’article 9 sexies pourrait « brouiller la frontière » entre entreprises concurrentielles et organismes parapublics et contraindre les chambres à « dissocier leurs activités ».
Disons-le clairement : une instruction comptable M9-2 dissocie déjà ces activités !
Pour ma part, j’ai été directeur de chambre. J’étais alors un contractuel de droit de public.
En revanche, tous les services d’utilité agricole, qu’il s’agisse du service du développement, des établissements départementaux de l’élevage, qui font de l’insémination artificielle, ou des services de gestion, qui établissent par exemple les dossiers d’installation pour les jeunes agriculteurs, sont dans le secteur concurrentiel et ne bénéficient pas des exonérations que nous demandons.
Ce que les députés ont fait, et que le Sénat s’apprête à défaire, a simplement consisté à corriger une erreur de plume. Ce n’est pas parce que les établissements publics bénéficient de ce statut pour leurs activités publiques que les services agricoles doivent relever du marché et du secteur concurrentiel ! Aujourd’hui, les chambres d’agriculture, qui sont confrontées à une pénurie de vétérinaires, doivent aller voir la concurrence, qui bénéficie d’exonérations !
Sincèrement, ce que Mme la rapporteure générale nous demande est calamiteux. Ne laissons pas faire cela !
Si nous corrigeons seulement aujourd’hui ce qui est depuis toujours une erreur, c’est uniquement du fait d’une prise de conscience tardive.
Dans les outre-mer, les ressources propres des chambres d’agriculture, notamment la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB), c’est 10 % à 30 % sur de petites exploitations.
Mes chers collègues, refuser de corriger une telle inégalité de traitement serait une grave erreur politique. Je vous demande de ne pas voter cet amendement de suppression.


