M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Je suis un peu embêtée, monsieur le président : une suspension de séance a été demandée pour régler cette question du thermalisme ; est-il possible d'y procéder avant d'en revenir aux explications de vote sur l'article 17 ? Ou devons-nous tout faire en même temps ?

M. le président. Mes chers collègues, il appartient au président de fixer les règles de déroulement du débat : nous en sommes aux explications de vote sur l'amendement déposé par le Gouvernement pour rétablir l'article 17. Mme la rapporteure générale et Mme la ministre vont intervenir ; ensuite, éventuellement, j'accorderai une suspension de séance.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Je vous remercie, monsieur le président.

Au moment de voter le volet recettes du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, le bilan du « coup de Kärcher » de la majorité sénatoriale vient de nous être communiqué.

Vous avez supprimé la mise en place d'élections professionnelles pour les artistes auteurs. Vous avez supprimé le léger relèvement du taux de la CSG sur le capital. Vous avez supprimé la transparence du prix des médicaments.

En revanche, vous avez rétabli la contribution sur les contrats de complémentaires santé. Vous avez rétabli la suppression de l'exonération de cotisations sociales pour les apprentis. Vous avez modifié la réforme de la clause de sauvegarde pour satisfaire les industriels du médicament.

En résumé, vous avez supprimé les maigres mesures de justice sociale et vous avez rétabli les mesures injustes supprimées par l'Assemblée nationale.

Vous avez pourtant affirmé durant nos débats que notre objectif commun était de réduire le déficit de la sécurité sociale, que c'était notre moteur. Permettez-moi d'introduire deux nuances à cette déclaration. Pour notre part, nous siégeons ici pour améliorer la prise en charge des aléas de la vie et, pour y parvenir, nous avançons des mesures de recettes nouvelles que vous avez toutes balayées !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour un rappel au règlement.

Mme Cécile Cukierman. Mon rappel au règlement est de droit et se fonde sur l'article 36, alinéa 3, de notre règlement.

Je vous demande de nouveau, monsieur le président, une interruption de séance de cinq minutes afin que nous puissions examiner, avec l'ensemble des groupes, si une solution peut être trouvée, éventuellement par le dépôt en urgence d'un nouvel amendement de la commission, qui pourrait être sous-amendé.

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.

Mme Annie Le Houerou. Je découvre qu'un amendement ne peut être sous-amendé une fois les explications de vote engagées.

Je souhaitais simplement rassurer mes collègues : à l'article 49, l'amendement n° 1758 vous permettra de vous prononcer sur le thermalisme.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

Les groupes pourront se retrouver et nous verrons ensuite si un consensus se dégage autour d'un amendement ou d'un sous-amendement.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures trente, est reprise à vingt-deux heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le vice-président de la commission.

M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. À la suite d'échanges consensuels avec l'ensemble des groupes politiques – lesquels, pour une fois, sont d'accord –, je demande une suspension de séance de vingt minutes pour réunir la commission.

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante, est reprise à vingt-trois heures vingt.)

La séance est reprise.

M. le président. La séance est reprise.

Article 17 (supprimé)(suite)

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission.

M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. La commission est parvenue à un texte particulièrement intéressant et très construit. (Sourires.)

M. le président. Le sous-amendement n° 1875, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Amendement n° 1874, après l'alinéa 22

Le thermalisme propose une prise en charge pluridisciplinaire s'inscrivant dans une logique de prévention et de bien-être.

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ce sous-amendement à l'amendement n° 1874 du Gouvernement se justifie par son texte même.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Permettez-moi de répondre également, monsieur le président, aux questions posées avant la suspension.

S'agissant du relayage à domicile, madame Féret, les textes ont été publiés. Vous soulignez à juste titre que certains points restent encore à régler. Je reste disponible pour en discuter avec vous, mais nous travaillons déjà à leur résolution.

Les maisons de répit sont en cours de déploiement, dont une dans le Calvados. Nous souhaitons les diffuser le plus possible. Nous pourrons également revoir ce point ensemble, si vous le souhaitez.

La question de la compensation aux départements constitue un sujet majeur, notamment après les déclarations du Premier ministre la semaine dernière.

Mon ministère a engagé une mission Igas-IGF rapide afin d'étudier l'ensemble des impacts de cette transformation du financement. Cette réflexion s'inscrit dans le projet de loi sur la décentralisation que le Premier ministre souhaite présenter ; elle sera donc abordée lors de la discussion de ce texte. En parallèle, nous avons anticipé les travaux pour être prêts, puisque le Premier ministre annonce un calendrier législatif rapide.

Votre sous-amendement rappelle que les cures thermales participent à la prévention et au bien-être. Il ne modifie pas la trajectoire financière. Je rappelle qu'un déremboursement serait du domaine réglementaire. Le Gouvernement ne souhaite pas s'engager dans cette voie. Nous verrons à la fin des débats parlementaires si nous devons prendre un décret. Je ne vois donc aucun obstacle à ce sous-amendement et m'en remets à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1875.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1874, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 17 est rétabli dans cette rédaction.

Vote sur l'ensemble de la deuxième partie

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026, je rappelle que, en application de l'article 47 bis-1 A, alinéa 2, du règlement, lorsque le Sénat n'adopte pas les dispositions de cette partie, la troisième partie de ce projet de loi est considérée comme rejetée.

Y a-t-il des demandes d'explication de vote ?…

Je mets aux voix, modifié, l'ensemble de la deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 49 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l'adoption 224
Contre 113

Le Sénat a adopté.

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Au terme de l'examen de cette deuxième partie, désormais adoptée, et alors que nous entamons la troisième partie, je savourerai le bien-être d'aller « me mettre en cure » dans le haut de cet hémicycle ! (Sourires.)

Je tiens tous à vous remercier pour le travail accompli. Nous avons traité des sujets essentiels. Même si l'issue n'a pas correspondu aux attentes de chacun, il demeure toujours agréable d'analyser, de débattre et de soupeser les arguments.

Je remercie les ministres présents au banc, leurs collaborateurs, ainsi que nos administrateurs, qui ont œuvré dans des délais très courts et dont l'appui m'a été précieux tout au long de cette préparation et de cet examen. (Applaudissements.)

TROISIÈME PARTIE

Dispositions relatives aux dépenses pour l'exercice 2026

TITRE Ier

DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES

Article 18

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1862, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – L'article L. 160-13 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du II, après le mot : « médecin, », sont insérés les mots : « ou un chirurgien-dentiste, » ;

2° Le III est ainsi modifié :

a) Après le 4°, il est inséré un 5° ainsi rédigé :

« 5° Produits et prestations mentionnés à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, à l'exception de ceux délivrés au cours d'une hospitalisation et d'une liste de dispositifs fixée par arrêté. Un décret prévoit les modalités d'application de la franchise pour les produits et prestations facturés dans le cadre d'une location par un distributeur au détail à l'assuré. » ;

b) Le sixième alinéa est ainsi modifié :

- À la deuxième phrase, les références : « 1°, 2°, 3° et 4° » sont remplacées par les références : « 1° à 5° » ;

- La dernière phrase est complétée par les mots : « à l'exception des prestations mentionnées au 3°, qui font l'objet d'un plafond annuel distinct. »

II. – Le présent article entre en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2027.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Stéphanie Rist, ministre. Cet amendement vise à rétablir l'article 18 relatif à la participation forfaitaire sur les actes et consultations effectués par les chirurgiens-dentistes, à la franchise sur les dispositifs médicaux et au plafond ad hoc pour les transports de patients.

M. le président. L'amendement n° 1327 rectifié quater, présenté par Mme Bourcier, M. Chasseing, Mme Lermytte, MM. Capus, Laménie, V. Louault, Chevalier et Grand, Mme L. Darcos, MM. A. Marc et Rochette, Mme Paoli-Gagin, MM. Wattebled et Brault, Mme Sollogoub et M. Levi, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le sixième alinéa du III de l'article L. 160-13 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce plafond annuel ne s'applique pas aux prestations mentionnées au 3° du III ».

La parole est à M. Jean-Luc Brault.

M. Jean-Luc Brault. Cet amendement concerne le déplafonnement des franchises médicales sur le transport sanitaire.

D'après la Drees, la consommation de transports sanitaires en ambulatoire s'élevait à 6 milliards d'euros en 2022. Après une baisse de 6,3 % en 2020 du fait de la crise sanitaire, elle a augmenté de 17,7 % en 2021 et de 7 % en 2022. En moyenne, depuis 2016, la hausse est de 4,4 % par an.

Les dépenses de transport sanitaire sont prises en charge par l'assurance maladie à plus de 90 %, bien au-dessus des médicaments, à 72 %, ou des soins de ville, à 65 %. Qu'est-ce qui justifie cet écart ?

Pour la Cour des comptes, il y a une forte corrélation entre le recours au transport de malades et le niveau de prise en charge de la dépense correspondante par l'assurance maladie.

Cet amendement vise donc à déplafonner les franchises médicales sur le transport sanitaire afin de lutter contre la forte hausse des dépenses en la matière et de sensibiliser à un usage raisonné.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales pour l'assurance maladie. Le Gouvernement souhaite rétablir l'article 18, supprimé à l'Assemblée nationale, en deux parties distinctes : d'une part, avec cet amendement, qui concerne le champ des franchises ; d'autre part, avec un autre que nous examinerons plus tard et qui concernera le paiement de ces franchises. La commission n'ayant pas examiné ces amendements, je m'exprimerai à titre personnel.

Tout d'abord, cette mesure est particulièrement malvenue. Je ne suis pas, sur le principe, fermée à toute évolution des modalités de participation financière du patient à notre système de santé. Vous savez que les franchises avaient été instaurées comme un « outil » de responsabilisation du patient. Or, en l'occurrence, cela devient un outil de rendement, disons-le clairement.

Toutefois, procéder la même année au doublement du montant des participations, au doublement de celui des franchises, au doublement de leurs plafonds respectifs, à l'extension de leurs champs et à la création d'un nouveau plafond, cela fait beaucoup. Les conséquences seront sensibles pour les assurés. L'ensemble de ces mesures coûterait près de 100 euros par an aux assurés en ALD, sans prise en charge possible par une complémentaire santé.

Dans ce contexte, il est particulièrement maladroit de vouloir mettre en place un plafond de franchise spécifique au transport sanitaire qui pèsera, dans les faits, presque exclusivement sur les assurés en ALD exonérante. Rappelons que ces derniers représentent plus de 90 % de la dépense de transport sanitaire remboursable. J'émets donc un avis défavorable.

Pour la même raison, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 1327 rectifié quater, qui vise à supprimer tout plafonnement sur le transport.

Parler comme vous le faites de « forfait de responsabilité », madame la ministre, ne saurait suffire à masquer la réalité. La participation forfaitaire sur les soins dentaires en dit long. Je ne connais pas beaucoup de patients qui se rendent de gaieté de cœur chez le chirurgien-dentiste. Certains y vont peut-être en prévention, pour s'assurer qu'ils ne souffrent pas de caries, mais – pour le coup – ils sont déjà parfaitement responsabilisés !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 1327 rectifié quater ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Le Gouvernement considère qu'il faut maintenir un plafond, car il y aurait un risque de renoncement aux soins sans celui-ci pour les patients très malades qui ont besoin d'effectuer de nombreux transports. L'objectif n'est pas d'empêcher les soins des patients. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.

Mme Anne Souyris. Le secteur dentaire est parmi les secteurs médicaux les plus touchés par le non-recours aux soins. Environ une personne sur dix a dû renoncer à des soins dentaires pour des raisons financières. Étendre le domaine des forfaits et franchises au secteur dentaire ne pourra donc qu'accentuer les inégalités.

Mme Imbert en parlait : les gens sont déjà responsabilisés en arrivant chez le dentiste. Aller chez le dentiste ne fait plaisir à personne – pardon aux dentistes, mais c'est une réalité.

Les disparités territoriales jouent également un rôle dans ces inégalités d'accès aux soins. Les 10 % des territoires les mieux dotés ont une accessibilité 7,8 fois plus importante que les 10 % les moins bien dotés.

De manière plus globale, le reste à charge est socialement injuste : les ménages modestes consacrent une part plus élevée de leurs revenus à la santé que les ménages aisés.

En prévoyant d'étendre les franchises à l'ensemble des dispositifs médicaux, l'amendement n° 1862 ne fera qu'accentuer les inégalités d'accès aux soins. Nous voterons donc contre, et appelons le Gouvernement à abandonner le doublement des franchises et forfaits par voie réglementaire.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.

Mme Corinne Féret. Nous examinons une proposition du Gouvernement visant à rétablir un article supprimé par l'Assemblée nationale. Elle confirme, comme nous le répétons depuis trois jours, que nos visions de l'avenir de notre système de santé et de protection sociale divergent.

Comme je l'indiquais lors de votre audition, madame la ministre, l'année 2025 marque les 80 ans de la sécurité sociale. Avec une telle mesure, vous remettez en cause les fondements de l'organisation instaurée en 1945, qui repose sur la solidarité.

Le doublement des franchises médicales pèsera sur la vie quotidienne de nombreux patients et des Français ayant le plus besoin d'accompagnement en matière de santé. Faire porter l'effort de redressement des comptes publics sur les ménages modestes et les classes moyennes demeure, pour nous, inaudible et inacceptable. Cela accentuera le non-recours aux soins, car le reste à charge peut devenir lourd : vous avez cité des montants pouvant atteindre 350 euros lorsque l'on additionne le doublement des franchises et divers forfaits.

L'extension de ces franchises aux soins dentaires pénalisera également de nombreuses personnes en situation de handicap, pour lesquelles ces prises en charge particulières demeurent essentielles.

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Cet article n'obère pas la capacité du Gouvernement à agir par voie réglementaire. Nous échangeons, mais chacun sait que leur portée reste limitée, puisque le Gouvernement agira par décret.

Derrière cette novlangue, madame la ministre, se cache un déremboursement. Il faut nommer clairement les choses : votre « forfait de responsabilité » est une réduction du périmètre de remboursement afin de diminuer les dépenses de la sécurité sociale. Cette réduction est-elle légitime ? Il ne s'agit plus ici de dépenses de bien-être : nous parlons de dépenses de santé et nous entrons dans le dur du sujet.

Je prendrai l'exemple des médicaments. L'amoxicilline, antibiotique essentiel que les patients ne prennent pas par irresponsabilité, mais parce que le médecin le leur a prescrit, coûte 3,01 euros la boîte. Les conditionnements abaissés à six comprimés, soit six grammes, imposent l'achat d'au moins deux boîtes pour un traitement, parfois trois ou quatre. L'assurance maladie rembourse 65 %, soit 1,96 euro. Et vous demanderez 2 euros par boîte : cherchez l'erreur…

Ce n'est pas un cas isolé. De nombreux médicaments matures seront complètement déremboursés : antihypertenseurs, antidépresseurs, antibiotiques. Ce sont pourtant des traitements fondamentaux pour la santé. C'est cela que vous proposez et c'est cela qui demeure inacceptable.

En sachant que la portée de mon propos restera limitée, puisque le Gouvernement nous a prévenus qu'il fera ce qu'il voudra par voie réglementaire, nous voterons contre le rétablissement de cet article, qui porte cette philosophie.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Stéphanie Rist, ministre. J'ai redéposé ces amendements précisément pour que le débat sur les franchises puisse avoir lieu. Leur rendement atteindra 600 millions d'euros en 2027 – avec un plafond fixé à 250 euros et non à 350 euros. Les mesures chiffrées pour 2026 sont évaluées à 2,3 milliards d'euros.

Pourquoi parler de « forfait de responsabilité » ? La responsabilité n'est pas forcément individuelle, elle peut être collective. Je l'emploie dans cette acception : responsabilité collective pour ramener la sécurité sociale vers sa trajectoire. Il ne s'agit ni de culpabilité ni de culpabilisation. Lorsque, en tant que parents, nous apprenons à nos enfants à être responsables, nous ne leur apprenons pas à être coupables !

J'accepte sans difficulté de conserver le terme de « franchise », mais souhaitais expliquer l'intérêt du mot « responsabilité », qui renvoie à une démarche collective de réduction du déficit de notre sécurité sociale.

Certes, il s'agit d'un effort demandé aux assurés. Mais je rappelle que les efforts contenus dans ce PLFSS concernent l'ensemble des secteurs, y compris les assurés. (Mme Laurence Rossignol lève les bras au ciel.) Par ailleurs, cet effort ne sera pas supporté par tous les assurés, vous le savez aussi bien que moi : un Français sur trois ne paie pas ces franchises ; 18 millions de personnes en sont exonérées. Peut-être faut-il envisager d'élargir ce nombre. Mais pourquoi balayer d'un revers de main une mesure de responsabilité collective de réduction du trou de la sécurité sociale ?

Enfin, je le rappelle, la France demeure le pays au reste à charge le plus faible au monde. Ce débat ne doit pas non plus devenir un tabou.

En Belgique, pays voisin où les conditions de vie sont similaires aux nôtres, le reste à charge se situe entre 400 et 4 000 euros par an. Lorsqu'un patient est dialysé, il doit, par exemple, fournir et financer ses tubulures de perfusion à chaque séance. Je ne dis pas qu'il faudrait tendre vers un tel système. Je demeure très fière que nous vivions dans un pays où le reste à charge figure parmi les plus faibles.

Toutefois, au moment où le déficit atteint le niveau que nous connaissons, nous pouvons débattre de forfaits de responsabilité collective et nous interroger sur ceux qui pourraient les assumer.

Il faudra ensuite engager une réflexion sur le financement du modèle de la sécurité sociale, car des franchises augmentées chaque année ne permettront jamais de résoudre durablement la situation. Voilà pourquoi je tiens à cette mesure de forfait de responsabilité.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Madame la ministre, je veux d'abord évoquer la question de la responsabilité. Au sens moral et philosophique, celle-ci suppose la responsabilité des actes. Elle repose sur le libre arbitre et sur un choix moral fait par l'individu.

Je ne vois pas où se situe le libre arbitre de l'individu dans ce que vous nous proposez en matière de remboursement des médicaments qui lui ont été prescrits et dont il a besoin pour se soigner. Où situez-vous la responsabilité ?

Que veut dire être responsable pour un malade qui s'est vu délivrer une ordonnance ? Être responsable, est-ce ne pas acheter les médicaments prescrits ? Est-ce ne pas les consommer ? Ou est-ce décider de les payer soi-même, alors que l'on cotise par ailleurs à la sécurité sociale ?

Par ailleurs, il ne faut pas nous dire continuellement que la France est le pays qui a le plus fort taux de prélèvements obligatoires et, en même temps, celui qui rembourse le mieux. Il y a un lien entre les deux !

Aujourd'hui, nous assumons ce lien ; nous en sommes plutôt fiers, en général. Quand la France participe à des colloques internationaux sur la santé, elle est assez fière de raconter ce qu'elle est. Il faut avoir la même fierté à l'intérieur du pays, madame la ministre !

Mon collègue Bernard Jomier vous a posé une question. Dès lors que les industries pharmaceutiques ont changé le conditionnement et que votre système de déremboursement s'applique par boîte, si l'on prescrit à l'assuré quatre boîtes d'amoxicilline avec trois comprimés par boîte et qu'une franchise de 2 euros s'applique sur chacune des boîtes, cela signifie qu'aucune de ces boîtes ne lui sera remboursée et qu'il paiera l'intégralité de son traitement antibiotique.

Que répondez-vous à cette remarque ?

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.

Mme Annie Le Houerou. Madame la ministre, vous rétablissez une nouvelle hausse des franchises médicales et des participations forfaitaires, soit un quadruplement depuis 2024.

Vous faites peser l'effort principalement sur les personnes malades, comme le fait d'ailleurs le décret permettant, sans passer par la loi de financement de la sécurité sociale, de doubler les plafonds annuels et les montants des franchises. Nous trouvons cela tout à fait injuste.

En 2024, la Drees constatait déjà une hausse du reste à charge moyen, passé de 276 euros à 292 euros par patient en 2023. Cette hausse notable résulte directement du doublement des franchises et des participations forfaitaires intervenu en 2024, ainsi que de la hausse du ticket modérateur. Cette augmentation du reste à charge se traduira, pour les assurés sociaux, par une facture qui grimpera de plus de 42 euros par an en moyenne et jusqu'à 75 euros pour les personnes en affection de longue durée.

Selon France Assos Santé, les personnes atteintes de maladies chroniques ou en situation de handicap supportent déjà de l'ordre de 2 000 euros de reste à charge annuel.

Cet argument de responsabilisation avancé par le Gouvernement n'est donc pas audible, et le mot de « forfait de responsabilité » ne correspond pas du tout à la réalité : il s'agit non pas d'éduquer des patients, mais de réduire la part de prise en charge par la sécurité sociale. Nous ne pouvons accepter l'augmentation de la part supportée directement par les malades.

Je pense que l'efficacité de la mesure est aussi contestable sur le plan budgétaire, puisque le renoncement aux soins entraînera ensuite des pathologies plus lourdes et plus coûteuses pour la collectivité. L'économie immédiate est donc illusoire.

M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.

M. Simon Uzenat. Nous parlons beaucoup de responsabilité, madame la ministre, mais vous l'avez vous-même reconnu : le fait générateur de cette mesure est bien la situation des comptes du pays et, en l'occurrence, de la sécurité sociale. Si les comptes étaient parfaitement à l'équilibre, il ne serait pas question de forfait de responsabilité et de franchise.

Qui porte donc la responsabilité de cette dégradation des comptes, madame la ministre ? Depuis maintenant de nombreuses années, nous savons tout comme vous qui est l'auteur des différentes mesures qui l'ont permise…

Ce qui m'interpelle, c'est que vous parlez de comptes, de budget. Or nous parlons bien ici du projet de loi de financement de la sécurité sociale ! L'enjeu est la santé des Français, le fait que chacun puisse vivre en bonne santé, quels que soient ses revenus.

Je voudrais abonder dans le sens de mes collègues sur le risque de non-recours, qui est déjà avéré. Vous parlez de forfait de responsabilité, mais pensons à ces patients, notamment dans les territoires ruraux, dont l'espérance de vie est réduite, qui subissent des pertes de chance supplémentaires parce qu'ils ont eu du mal à trouver un médecin et qui, après avoir finalement réussi à obtenir un rendez-vous et une ordonnance, recevront le message qu'ils devront encore davantage participer à l'effort, alors que le retard de prise en charge a conduit à une dégradation de leur état de santé, donc à un alourdissement des traitements nécessaires. Comment justifier cette situation ? Comment l'assumez-vous en tant que membre du Gouvernement ?

C'est tout l'enjeu de la politique de prévention. On ne peut pas être doublement, triplement pénalisé : tel est le message que nous voulons adresser à nos concitoyens qui sont en difficulté. Nous voulons les protéger de la logique du chacun pour soi que vous dessinez avec ce modèle, qui est une remise en cause fondamentale de la sécurité sociale et qui met dans la plus grande des difficultés encore et toujours les mêmes victimes : les classes moyennes et les malades – je ne parle pas du tiers de nos concitoyens qui seraient épargnés.

Merci, en tout cas, pour la clarté avec laquelle vous avez exposé vos intentions !

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. Madame la ministre, vous employez, depuis quelques jours, des éléments de langage qui sont maintenant bien rodés : vous parlez de « forfait de responsabilité », de « partage de l'effort »…

En réalité, comme Bernard Jomier l'a parfaitement démontré, il s'agit pour vous de masquer un déremboursement, avec le risque d'aboutir aux non-recours que vient d'évoquer mon collègue Simon Uzenat.

Je ne comprends pas très bien ce qu'est la responsabilité collective. C'est un terme qu'il va falloir éclaircir, car on voit bien que la mise en place du ticket modérateur, qui date tout de même de quelques années et dont le taux est passé de 20 % à 30 %, puis 35 %, voire plus, au fil des années de l'histoire de la sécurité sociale, n'a jusqu'à présent pas fait baisser, pour autant que je sache, les dépenses de santé. De fait, nous ne cessons de nous plaindre qu'elles n'ont fait qu'augmenter.

Il faut donc nous expliquer ce que vous entendez par « responsabilité collective ».

Quant au partage de l'effort, madame la ministre, nous ne pouvons pas être d'accord avec vous ! Non, tout le monde ne participe pas à l'effort. Nous avons discuté pendant trois jours de mesures de recettes que nous avions proposées et que vous avez balayées d'un revers de main, alors qu'elles portaient sur des personnes, des familles, des entreprises qui ont largement la possibilité de contribuer à la solidarité nationale.