Mme la présidente. Le sous-amendement n° 1876, présenté par Mme Deseyne, est ainsi libellé :

Amendement n° 1856, dernier alinéa

Remplacer l'année :

2027

par l'année :

2028

La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 1856.

Mme Chantal Deseyne, rapporteur. Ce sous-amendement vise à décaler du 1er janvier 2027 au 1er janvier 2028 l'entrée en vigueur du dispositif que Mme la ministre vient de présenter.

Sous réserve de l'adoption de ce sous-amendement, j'émets un avis favorable sur l'amendement n° 1856.

Je souhaite toutefois faire quelques rappels.

D'abord, la commission n'a pas pu expertiser l'amendement du Gouvernement, puisque nous l'avons reçu tardivement. C'est donc à titre personnel que j'émets un avis favorable. Je précise néanmoins que nous avons consulté les différents acteurs concernés par ce dispositif.

Ensuite, concernant l'obligation d'utiliser les services numériques en santé, j'y suis favorable, puisqu'il s'agit d'améliorer l'efficacité des systèmes d'information et de mieux retracer les parcours des personnes prises en charge. Dans le contexte d'une transformation de l'offre, il semble logique de poursuivre la modernisation des outils informatiques.

Enfin, pour ce qui est des sanctions financières applicables aux établissements, le Sénat a su montrer son engagement contre la fraude au cours de l'examen du projet de loi dédié à ce sujet voilà deux semaines. Et j'estime qu'il est tout à fait légitime de veiller au bon emploi des deniers publics.

Le Gouvernement propose de renforcer les sanctions financières encourues par les structures en cas de manquement ou de manœuvre frauduleuse dans la communication des données. Les fédérations, que j'ai consultées à cet égard, ne s'y sont pas opposées.

Cela étant, si les mesures inscrites dans l'amendement se justifient, les gestionnaires d'établissements de santé médico-sociaux s'inquiètent du calendrier prévu pour leur mise en œuvre. C'est pourquoi j'ai déposé un sous-amendement tendant à décaler d'un an l'entrée en vigueur de ces dispositions.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 1876 ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Je remercie Mme la rapporteure de son soutien à la rénovation du système de sanctions.

Je reconnais que l'amendement du Gouvernement a été déposé tardivement. L'adoption du sous-amendement de la commission permettra de rassurer les acteurs du secteur, pour ce qui est notamment du droit à l'erreur, et de faciliter l'évolution des systèmes de gestion, afin qu'ils soient parfaitement adaptés.

Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1876.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1856, modifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 36.

Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1028, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l'article 36

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 313-14-3 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article L. 313-14-... ainsi rédigé : :

« Art. L. 313-14-... – Lorsque plusieurs établissements mentionnés à l'article L. 312-1 du présent code sont constitués de fait en groupe ou en holding privés à caractère lucratif, a fortiori lorsqu'une même personne physique ou une même personne morale en est directement ou indirectement gestionnaire au sens de l'article L. 313-14-3, ceux-ci transmettent chaque année au ministère de tutelle les comptes consolidés et non consolidés sur l'ensemble du périmètre des établissements et entités, françaises ou étrangères, constituant le groupe ou la holding et concourant directement ou indirectement à la gestion des établissements, ou ayant un impact sur les dépenses liées aux activités mentionnées à l'article L. 313-14.

« Les comptes distincts des établissements et des entités concourants directement ou indirectement à la gestion des établissements sont transmis avec les comptes consolidés et non consolidés.

« Les comptes consolidés et non consolidés font apparaître les flux financiers entre chacune des entités ainsi que leurs montants.

« L'autorité de contrôle peut, en complément, demander la transmission des comptes des organismes gestionnaires.

« Toutes les autres pièces comptables nécessaires au contrôle sont mises à la disposition de l'autorité de contrôle et, en tant que de besoin, communiquées par celle-ci aux services chargés de l'analyse économique et financière.

« En cas de non-respect de l'obligation de transmission, les sanctions prévues aux II et III de l'article L. 313-14 est applicable.

« Sur la base de ces données comptables, les ministères de tutelle contrôlent l'absence de surcompensation financière sur le champ des activités mentionnées à l'article L. 311-1. Ils procèdent, le cas échéant, à la récupération des sommes indûment déléguées par les autorités de tarification.

« Il n'y a de surcompensation que dans le cas où l'établissement de santé dépasse le taux de bénéfice raisonnable de 2 % du chiffre d'affaires réalisés sur le champ des activités mentionnées à l'article L. 311-1, déduction faite des investissements liés à ces activités et de la participation aux résultats tel que définie à l'article L. 3322-1 du code du travail.

« Les règles d'application et de calcul de la surcompensation s'appliquent au plan national en conformité avec les règles européennes.

« Les flux financiers vers des entités appartenant au même groupe ou à la même holding que l'établissement, ou vers des entités appartenant à une personne physique ou morale au sens de l'article L. 313-14-3 du présent code, directement ou indirectement gestionnaire de l'établissement, sont pris en compte dans l'appréciation de la surcompensation financière.

« À ce titre, l'autorité de contrôle est compétente pour apprécier la conformité des dépenses mobilières et immobilières au regard des conditions contractuelles et tarifaires normalement pratiquées sur le marché et en modifier les montants dans son appréciation de la surcompensation lorsque celles-ci sont manifestement surévaluées.

« Un décret en Conseil d'État fixe les règles de calcul et d'application de la surcompensation et détermine les modalités de transmission des comptes et de répartition des charges et des produits entre les activités mentionnées à l'article L. 311-1 et les autres activités, les modalités de contrôle et de publicité, ainsi que le mécanisme de récupération. »

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement vise à renforcer le contrôle financier des groupes d'ESMS privés à but lucratif en les obligeant à transmettre chaque année au ministère de tutelle les comptes consolidés et non consolidés sur l'ensemble du périmètre des établissements et entités, françaises ou étrangères, constituant le groupe ou la holding et concourant directement ou indirectement à la gestion des établissements. Ces comptes devront faire apparaître les flux financiers, montants compris, qui s'établissent entre chacune de ces entités.

Le rapport de la commission des affaires sociales du Sénat sur le scandale Orpea a souligné la relative faillite de la mission de contrôle des différents corps d'inspection, du fait, surtout, de leur impuissance à auditer les comptes au niveau du groupe. Cette impuissance est renforcée par l'opacité et l'incomplétude grandissante, depuis 2015, des informations financières listées par le groupe dans ses états financiers consolidés, notamment quant à ses filiales.

Nous demandions dès lors la publication des comptes non consolidés des filiales des groupes, ainsi qu'une information relative à leur structuration capitalistique.

L'opacité des comptes et des transferts financiers entre les différents investisseurs et entités d'un groupe sert souvent à la mise en place de montages financiers, source des dérives sociales et financières que l'on a pu observer dans certains établissements appartenant à Orpea ou Korian.

Or, dans un contexte budgétaire contraint, la garantie d'une transparence totale sur l'utilisation des fonds publics est nécessaire, afin de prévenir les dérives financières et de maintenir la confiance.

Nous avions pointé l'absence de contrôle des conditions financières dans lesquelles se font les transferts d'autorisation. Mais pose problème aussi le fait que les opérateurs privés à but lucratif ne publient pas les comptes non consolidés de leurs filiales et ne donnent aucune information sur leur structuration capitalistique : ainsi est-il tout simplement impossible de retracer les transferts entre groupe, maison mère et filiales.

Mme la présidente. L'amendement n° 1584 rectifié ter, présenté par M. Jomier, Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 36

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 313-14-3 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article 313-14-3-... ainsi rédigé :

 « Art. 313-14-.... – Lorsque plusieurs établissements mentionnés à l'article L. 312-1 sont constitués de fait en groupe ou en holding privé à caractère lucratif, a fortiori lorsqu'une même personne physique ou une même personne morale en est directement ou indirectement gestionnaire au sens de l'article L. 313-14-3, ceux-ci transmettent chaque année à leur ministère de tutelle les comptes consolidés sur l'ensemble du périmètre des établissements et entités, français ou étrangers, constituant le groupe ou la holding et concourant directement ou indirectement à la gestion des établissements, ou ayant un impact sur les dépenses liées aux activités mentionnées à l'article L. 313-14.

« Les comptes distincts des établissements et des entités concourant directement ou indirectement à la gestion des établissements sont transmis avec les comptes consolidés. Les comptes consolidés font apparaître les flux financiers entre chacune des entités ainsi que leurs montants.

« L'autorité de contrôle peut, en complément, demander la transmission des comptes des organismes gestionnaires. Toutes les autres pièces comptables nécessaires au contrôle sont mises à la disposition de l'autorité de contrôle et, en tant que de besoin, communiquées par celle-ci aux services chargés de l'analyse économique et financière. En cas de non-respect de l'obligation de transmission, les sanctions prévues au II et III de l'article L. 313-14 est applicable. Sur la base de ces données comptables, les ministères de tutelle contrôlent l'absence de surcompensation financière sur le champ des activités mentionnées à l'article L. 311-1. Ils procèdent, le cas échéant, à la récupération des sommes indûment déléguées par les autorités de tarification. Il n'y a de surcompensation que dans le cas où l'établissement de santé dépasse le taux de bénéfice raisonnable de 2 % du chiffre d'affaires réalisés sur le champ des activités mentionnées au même article L. 311-1, déduction faite des investissements liés à ces activités et de la participation aux résultats tel que définie à l'article L. 3322-1 du code du travail.

« Les règles d'application et de calcul de la surcompensation s'appliquent au plan national en conformité avec les règles européennes. Les flux financiers vers des entités appartenant au même groupe ou à la même holding que l'établissement, ou vers des entités appartenant à une personne physique ou morale au sens de l'article L. 313-14-3 directement ou indirectement gestionnaire de l'établissement, sont pris en compte dans l'appréciation de la surcompensation financière. À ce titre, l'autorité de contrôle est compétente pour apprécier la conformité des dépenses mobilières et immobilières au regard des conditions contractuelles et tarifaires normalement pratiquées sur le marché et en modifier les montants dans son appréciation de la surcompensation lorsque celles-ci sont manifestement surévaluées.

« Un décret en Conseil d'État fixe les règles de calcul et d'application de la surcompensation et détermine les modalités de transmission des comptes et de répartition des charges et des produits entre les activités mentionnées à l'article L. 311-1 et les autres activités, les modalités de contrôle et de publicité, ainsi que le mécanisme de récupération. »

La parole est à M. Bernard Jomier.

M. Bernard Jomier. On se souvient qu'au moment de la crise covid de nombreux dispositifs exceptionnels ont dû être mis en place pour permettre aux établissements de santé de tenir le coup et de remplir leurs missions.

Quelques années plus tard, on découvre, en examinant les bilans des groupes d'établissements à but lucratif pour les années 2022, 2023, 2024, un ensemble d'aides non utilisées qui n'ont pas été restituées.

L'objet de cet amendement est donc simple : il s'agit, en cette période de contrainte budgétaire, d'obtenir le retour de fonds publics qui, pendant la crise covid, ont été fléchés vers des établissements à but lucratif, améliorant leur bilan comptable, et qui, les années suivantes, n'ont été ni utilisés pour du soin ni restitués aux finances publiques. Notre message est clair : « Rendez l'argent ! » Dans la période que nous vivons, le contrôle de l'utilisation des fonds publics se doit d'être strict.

Je prends l'exemple d'un fonds de capitalisation étranger bien connu, qui a obtenu plusieurs dizaines de millions d'euros de financements, en a utilisé une partie – je n'ai pas de commentaire à faire à ce sujet –, mais n'a pas utilisé le reste.

Cet amendement vise donc à obtenir la restitution de ces fonds non utilisés. (Très bien ! sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Chantal Deseyne, rapporteur. Les deux amendements qui viennent d'être présentés ayant un objet similaire, je ferai une réponse commune.

La commission juge que l'arsenal législatif et réglementaire existant est suffisant pour assurer le contrôle financier des Ehpad privés lucratifs. Nous ne voyons pas l'utilité d'ajouter une obligation de transmission de documents au ministère aux missions de contrôle déjà exercées par les ARS, les inspections, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ou encore la Cour des comptes. L'efficacité des contrôles dépend davantage du renforcement des missions déjà existantes.

À cet égard, le Sénat a introduit dans le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales des dispositions destinées à répondre aux difficultés rencontrées par la Cour des comptes pour obtenir de certains Ehpad privés la communication des documents relatifs à leurs comptes. En cas d'entrave au droit de communication, les sanctions seront durcies.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Même avis, défavorable.

Le cadre légal a été récemment renforcé : plusieurs mesures tendant à renforcer la transparence financière et la moralisation des groupes d'Ehpad commerciaux ont déjà été inscrites dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 et dans la loi du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l'autonomie.

Ces groupes sont tenus à une comptabilité analytique, attestée par un commissaire aux comptes, retraçant l'utilisation des fonds publics qui leur sont alloués ainsi que les relations entre les établissements et le siège. Ils sont également soumis, pour l'intégralité de leur budget et de leurs filiales, au contrôle de l'Igas et de l'inspection générale des finances (IGF), ainsi que de la Cour des comptes.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n'est pas la question !

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Les sanctions financières et administratives ont été renforcées ; elles peuvent atteindre jusqu'à 5 % du chiffre d'affaires.

En application, toujours, de la LFSS pour 2023, les autorités de tarification peuvent réduire les dotations allouées aux établissements en fonction, notamment, d'excédents passés excessifs.

Vous le voyez, notre arsenal législatif contient déjà beaucoup de dispositions qui sont de nature à répondre aux préoccupations des auteurs de ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.

M. Jean-Luc Fichet. Madame la ministre, un attributaire du revenu de solidarité active (RSA) ou un chômeur à qui sont versées des sommes indues doivent rembourser le trop-perçu, et le recouvrement les place parfois dans une situation catastrophique.

Notre collègue Jomier pose une question très claire : pendant la séquence du covid, on le sait, des établissements privés à but lucratif ont perçu des aides publiques – il s'agit de millions d'euros – qu'ils n'ont pas utilisées ; nous demandons donc l'identification et la restitution de ces indus, ainsi qu'on le ferait pour un bénéficiaire du RSA.

La réponse que vous apportez n'est pas la bonne, me semble-t-il.

Je me réjouis évidemment de savoir que les contrôles seront accentués, voire deviendront obligatoires. Mais j'aimerais que l'on apporte une réponse claire à la question précise posée par M. Jomier.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, pour explication de vote.

Mme Anne Souyris. À chaque fois que nous formulons des demandes qui concernent les établissements privés à but lucratif – transparence, contrôles, retour des aides non utilisées, toutes choses figurant, d'ailleurs, dans le rapport de la commission des affaires sociales sur la financiarisation de l'offre de soins –, on nous oppose toujours la même réponse négative : « vos demandes sont satisfaites et les dispositifs que vous proposez existent déjà », nous dit-on. Mais ce n'est pas vrai !

En tout état de cause, ces dispositifs, s'ils existent, ne fonctionnent pas. S'ils fonctionnaient, ce serait formidable : si l'argent avait été restitué, nous en serions restés là et nous n'aurions pas déposé d'amendements… Mais, dans la réalité, la transparence n'existe pas : les comptes des groupes dont nous parlons restent inaccessibles.

Je le rappelle, nous sommes en train d'examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Or cette financiarisation gangrène la sécurité sociale. Il faut faire quelque chose !

Peut-on espérer aujourd'hui un signal qui montrerait que le Gouvernement a pris conscience de ce problème, madame la ministre ?

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Madame la rapporteure, mon amendement ne concerne pas seulement les Ehpad ; le dispositif proposé s'appliquerait aussi aux établissements de santé.

Madame la ministre, vous racontez une belle histoire à propos de contrôles ; mais cette histoire est fausse, et vous le savez !

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Ah non !

M. Bernard Jomier. Mon amendement ne vise pas les cliniques à but lucratif qui appartiennent à des professionnels de santé ou à des familles du coin ! Celles-là, on sait très bien examiner leurs comptes, et, en l'occurrence – sur ce point, vous avez raison –, les contrôles dont vous avez parlé sont tout à fait efficients !

Mais prenons l'exemple – au hasard – du groupe Elsan. Les services de Bercy sont les premiers à reconnaître leur incapacité à aller fouiller dans le montage capitalistique de la multiplicité des holdings et des sociétés qui font écran à la transparence ; vous le savez très bien, madame la ministre. Or c'est là que se situe la captation de l'argent ; c'est là que les sommes versées et non utilisées peuvent être détournées.

Oui, les établissements appartenant à un professionnel seul ou à une structure relevant d'une forme de capitalisme familial sont sous contrôle et doivent rendre des comptes ! C'est normal.

Mais les holdings et leurs montages financiers complexes échappent complètement aux contrôles dont vous faites état.

Mon amendement vise à nous doter des outils législatifs dont nous avons besoin pour aller fouiller dans les comptes, car ceux dont je parle sont beaucoup plus agiles que la puissance publique : ils savent très bien détourner les fonds concernés. Et ce n'est pas acceptable ! Les montants en jeu sont importants.

Voilà l'objet de ma proposition : ne nous trompons pas de cible. Il ne s'agit pas de s'en prendre à la clinique qui appartient au chirurgien du coin ; là, on sait très bien ce qui se passe et l'État s'est donné les moyens de contrôler l'utilisation des fonds. Face aux holdings, en revanche, nous ne disposons pas de tels moyens : il faut que cela change.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote. (Marques d'agacement sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Mes chers collègues, excusez-moi de prendre du temps pour expliquer pourquoi il faut lutter contre la financiarisation et, dans cette perspective, adopter nos amendements. Ce combat, vous devriez le partager avec nous, au moins en mots…

Voilà quelques années, des études commandées par la CFDT en lien avec un cabinet d'audit financier – je crois qu'il était anglais – ont très bien montré que le développement international de groupes comme Orpea ou Korian s'est appuyé sur la France, pays dont les dépenses en la matière sont solvabilisées par notre sécurité sociale.

Il est extraordinaire que vous refusiez la transparence sur les filiales et les comptes déconsolidés de ces groupes. Eux ont pu croître comme ils l'ont fait via des transferts, notamment immobiliers ; les normes comptables en vigueur depuis 2015 le permettent. Et tout cela a pu se faire grâce à notre sécurité sociale ; c'est une évidence.

Vous devriez vous demander comment ces groupes ont pu se développer à l'échelle mondiale, notamment en Europe, grâce à la solvabilisation de la demande permise par le système français. Mais vous ne vous posez pas la question ; vous n'aurez donc pas la réponse !…

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. J'insiste sur l'importance de l'amendement n° 1584 rectifié ter, qui – Bernard Jomier l'a souligné – concerne non seulement les Ehpad, mais aussi d'autres structures.

Dans le rapport Pour un contrôle des crèches au service de la qualité de l'accueil des enfants, que nous avons remis au mois de mars 2025, Olivier Henno, Laurence Muller-Bronn et moi-même avons mis en lumière les difficultés pour les services concernés d'assurer un suivi et un contrôle des grands groupes du secteur de la petite enfance.

Ils sont plusieurs – je ne donnerai pas de nom – à avoir multiplié en dix ans les microcrèches sur notre territoire et à en tirer des bénéfices substantiels. Quiconque a une expérience de la gestion de structures publiques sait bien que le secteur de la petite enfance ne permet pas de réaliser des bénéfices. Et pourtant, eux y parviennent ! Et ils y parviennent d'autant plus qu'ils utilisent de l'argent public, celui de la sécurité sociale et, plus précisément, dans le cas des crèches, celui des CAF, les caisses d'allocations familiales. Or les établissements dont je parle ne sont ni contrôlés ni évalués.

Nous avons évidemment préconisé un renforcement des contrôles ; nous souhaitons notamment que la Cour des comptes puisse contrôler les crèches comme elle le fait pour les Ehpad.

Les grands groupes en question ont des ramifications juridiques extrêmement nombreuses, et les montages sont particulièrement complexes. Nous sommes en retard par rapport à eux : ils sont beaucoup plus inventifs et agiles que nous, et ils arrivent à détourner de l'argent public.

D'ailleurs, s'il n'y avait pas d'argent public dans l'équation, ils ne s'intéresseraient pas au secteur des personnes âgées ou à celui de la petite enfance. Mais, comme il s'agit d'argent public, ils savent qu'ils seront payés.

Il me paraît donc nécessaire de pouvoir les sanctionner en cas de fraude avérée.

À l'instar de Bernard Jomier, je pense vraiment qu'il faut demander aux structures qui n'ont pas utilisé les sommes perçues pendant la crise covid de les remettre au pot commun.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.

Mme Marion Canalès. Je me souviens avoir vu la majorité sénatoriale s'opposer à un amendement que j'avais déposé après l'article 11 septies : il s'agissait de créer une nouvelle cotisation sur les dividendes des grands groupes… Un tel vecteur, arguait-on, ne serait pas efficace : la taxation n'est pas une réponse.

Mais, précisément, en l'espèce, il ne s'agit pas de mettre en place une nouvelle taxation. Nous parlons d'une proposition très concrète, et d'objectifs à la fois immédiats et essentiels.

Je ne peux que soutenir l'amendement de mon collègue Bernard Jomier.

Résumons : quand on propose une taxation, cela ne vous convient pas ; quand on demande la restitution de sommes versées pendant une période particulière, cela ne vous va pas non plus. Que faut-il proposer ?… On ne le sait plus.

Je peux concevoir que certains vecteurs ne soient pas admis par la majorité sénatoriale, mais, en l'occurrence, la proposition qui nous est soumise me paraît plus que raisonnable.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. J'irai dans le même sens que mes collègues. Je souscris en particulier aux propos de Raymonde Poncet Monge sur la nécessité d'un contrôle et d'un suivi.

Dans mon département, l'Isère, nous avons un cas d'école : la mise en redressement judiciaire du groupe Avec, propriétaire de la clinique mutualiste de Grenoble. Ce sont plus de 12 millions d'euros que l'on ne retrouvera pas. Voilà qui aurait sans doute pu être évité s'il y avait eu un contrôle et un suivi depuis des années ! Je vous laisse imaginer les conséquences pour notre territoire : il n'y a pas que la clinique mutualiste de Grenoble ; d'autres structures s'effondrent, comme dans un château de cartes.

Il est indispensable que nous nous dotions des moyens nécessaires pour contrôler ce système, qui fonctionne comme une véritable pieuvre destinée à capter l'argent public.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. J'insiste sur le fait que nous partageons totalement votre objectif : le Gouvernement ne veut rien lâcher, ni sur la récupération de ces indus ni sur la lutte contre la fraude à laquelle se livrent certains établissements.

Récemment, l'arsenal législatif a été très largement complété ; trois dispositions législatives et onze textes d'application ont déjà été pris. Les capacités de contrôle de tous les services d'inspection sont désormais élargies, sur la base d'une expertise solide.

Du reste, sachez que 50 millions d'euros d'indus ont été récupérés par la CNSA, qui a tout à fait la capacité d'agir auprès des groupes fraudeurs.

Encore une fois, le Gouvernement, malgré son avis défavorable, partage entièrement votre intention. Il se trouve seulement que l'arsenal législatif existe déjà et nous aide à mener ce combat quotidiennement.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Tout va bien, alors !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1028.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1584 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme Émilienne Poumirol. Quand c'est de fraude au RSA qu'il s'agit, vous votez pour !

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 819 rectifié, présenté par Mme Lermytte, M. Chasseing, Mme Bourcier, MM. Wattebled, V. Louault, Pellevat et Grand, Mme L. Darcos, MM. A. Marc et Brault, Mmes Paoli-Gagin et Antoine, M. H. Leroy et Mme Aeschlimann, est ainsi libellé :

Après l'article 36

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le III de l'article L. 314-3 du code de l'action sociale et des familles est ainsi rétabli :

« III. – Le financement par les organismes de sécurité sociale des prestations des établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés à l'article L. 312-1 du présent code ainsi que des établissements d'accueil du jeune enfant mentionnés au chapitre IV du titre II du livre III de la deuxième partie du code de la santé publique peut être modulé, dans des conditions fixées par décret, afin d'assurer la maîtrise des dépenses d'assurance maladie et médico-sociales et de garantir une affectation proportionnée des ressources à l'amélioration de la qualité de l'accompagnement. Cette modulation peut tenir compte notamment du ratio entre les dépenses consacrées aux soins, à l'accompagnement et aux personnels, et les dépenses consacrées à la rémunération du capital. »

La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte.