Mme Marie-Claude Lermytte. Le présent amendement vise à améliorer le pilotage des financements de sécurité sociale versés aux établissements et services sociaux et médico-sociaux en instaurant une modulation de ces financements selon des indicateurs d'efficience.

En effet, la Cour des comptes constate que les dépenses médico-sociales ont fortement augmenté, notamment dans le cadre de l'Ondam, et souligne, dans son bilan annuel sur la branche autonomie, la nécessité d'une transformation durable des établissements.

Par ailleurs, des contrôles menés par la DGCCRF dans les Ehpad privés à but lucratif ont mis en lumière des anomalies dans la gestion financière et une faible transparence en matière d'affectation des ressources.

Le mécanisme de modulation proposé permettrait ainsi de recadrer les financements vers les activités prioritaires – soins, accompagnement et soutien aux professionnels –, tout en offrant un cadre plus rationnel et plus transparent pour l'allocation des ressources.

L'objectif est de garantir que les financements publics servent directement la qualité de l'accompagnement des personnes vulnérables, plutôt que d'être dispersés ou affectés à des usages secondaires.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 1341 est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

L'amendement n° 1669 est présenté par Mmes Conconne et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 36

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le III de l'article L. 314-3 du code de l'action sociale et des familles est ainsi rétabli :

« III. – Le financement des prestations des établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés à l'article L. 312-1 du présent code ainsi que des établissements d'accueil du jeune enfant mentionnés au chapitre IV du titre II du livre III de la deuxième partie du code de la santé publique qui sont à la charge des organismes de sécurité sociale est conditionné au respect par les opérateurs dont le statut est privé à but lucratif d'une recherche raisonnable du bénéfice. Un décret pris en Conseil d'État pris après avis du Conseil national de l'économie sociale et solidaire détermine les modalités d'application du présent alinéa. »

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l'amendement n° 1341.

Mme Raymonde Poncet Monge. Selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), 56 % des Ehpad privés à but lucratif sont aujourd'hui sous la houlette de cinq grands groupes – en voilà, une belle concentration ! Parmi eux, DomusVi, valorisé à plus de 4 milliards d'euros, a vu son chiffre d'affaires progresser de 10 % en un an, entre 2022 et 2023.

Le groupe Domidep, lui, affiche un résultat net de 28 millions d'euros, tandis que le groupe Colisée, qui prétend avoir des difficultés, se fend d'un taux de rendement de 5,5 %…

Bref, l'« or gris », accumulé par ces grands groupes à grand renfort de fonds publics, est une réalité.

L'ensemble de ces données doivent nous conduire à encadrer et à réguler la financiarisation de ces structures.

Les acteurs non lucratifs, qui consacrent chaque euro à l'exercice de leur mission de service public, peinent, eux, à atteindre le simple seuil d'équilibre. Ils ne peuvent durablement coexister avec des modèles où prime la rentabilité, donc le refus de prendre en charge les personnes les plus en difficulté, les moins « rentables », celles qui n'ont pas de pouvoir d'achat. Dans ces modèles, les établissements dégagent des profits, entre autres, par le tri des usagers, via des prix d'hébergement quasi libres.

En conséquence, cet amendement vise à encadrer en toute urgence la financiarisation d'un secteur dont la vocation, je le répète, est d'accueillir des publics vulnérables. Les grands groupes profitent de la crise de l'offre pour capter la demande la plus solvable, celle qui peut payer, faisant de ce service – par principe non lucratif – un marché.

Car c'est bien de cela qu'il s'agit : nous avons marchandisé l'accompagnement des personnes en situation de vulnérabilité !

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour présenter l'amendement n° 1669.

Mme Corinne Féret. Cet amendement vise à encadrer la financiarisation des établissements accueillant des publics fragiles – qu'il s'agisse des Ehpad, des crèches ou de toute autre structure privée à but lucratif –, en conditionnant leur financement public au respect d'une recherche raisonnable du bénéfice.

Les faits récents ont montré que certains acteurs privés à but lucratif mettaient la rentabilité du capital avant la qualité du service rendu, parfois au détriment de la dignité des personnes âgées ou des enfants. Je ne reviendrai pas sur le scandale Orpea, qui a éclaté en 2022…

Dans ce secteur, l'économie sociale et solidaire (ESS) joue un rôle protecteur, en plaçant l'intérêt des bénéficiaires au cœur de son modèle et en garantissant un service de qualité.

Face aux dérives constatées, nous proposons une mesure immédiate d'encadrement. Dans un premier temps, le financement public ne pourra bénéficier qu'aux opérateurs respectant le principe de lucrativité raisonnable. Dans un second temps, nous pourrons réfléchir à réserver ces filières aux acteurs engagés, c'est-à-dire relevant du secteur public ou de l'ESS, afin de garantir pleinement les droits et la protection des personnes vulnérables.

Le Conseil supérieur de l'économie sociale et solidaire (CSESS) serait saisi afin de définir les modalités concrètes de ce conditionnement et de construire un cadre clair et opérationnel avec tous les acteurs concernés.

En somme, cet amendement a pour objet de protéger à la fois les publics fragiles et l'intérêt général, tout en reconnaissant et en soutenant le rôle exemplaire de l'économie sociale et solidaire.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Chantal Deseyne, rapporteur. La commission partage l'objectif de notre collègue Lermytte, qui est de garantir l'efficience de la dépense dans les structures médico-sociales. Néanmoins, le dispositif proposé serait source d'une certaine insécurité pour ces structures, qui demandent de la visibilité concernant leur financement, d'autant que certaines d'entre elles sont en grande difficulté.

Ma chère collègue, la rédaction de votre amendement est très large : il est prévu que le financement des prestations dans les ESMS puisse être modulé pour assurer la maîtrise des dépenses, selon des conditions fixées par décret.

Dans le cas où les financements publics sont utilisés à mauvais escient, voire détournés dans le cadre d'une fraude, c'est au moyen des contrôles réalisés par les inspections et par la DGCCRF, qui disposent d'un pouvoir de sanction, qu'il convient d'agir.

Dans le cas où le manque d'efficience de la dépense provient d'une organisation inefficace de la structure, les corrections ont vocation à intervenir dans une logique incitative et concertée, notamment par le biais des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM).

Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 819 rectifié.

Quant aux amendements nos 1341 et 1669, ils visent à conditionner le versement des prestations de sécurité sociale aux ESMS privés à but lucratif à une recherche raisonnable du bénéfice. Le Sénat s'est déjà opposé à cette mesure l'année dernière.

Il me semble qu'il faut cesser de dresser les différents secteurs les uns contre les autres. (Mme Raymonde Poncet Monge ironise.) Nous avons besoin du privé à but lucratif pour répondre à la demande.

Je rappelle qu'environ 80 % des établissements privés sont aujourd'hui en difficulté financière. Si nous coupons le financement des prestations dans ces établissements, ce sont les résidents qui en pâtiront les premiers. Je ne vois pas en quoi une telle mesure permettra de lutter efficacement contre la financiarisation des établissements et services sociaux et médico-sociaux.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Madame Lermytte, nous partageons entièrement votre objectif, qui est d'encourager l'efficience de ces établissements. Simplement, nous proposons une autre méthode de mise en œuvre des indicateurs d'efficience.

De tels indicateurs doivent être utilisés avec précaution. Si nous n'en retenions qu'un, à l'exclusion des autres, certains établissements pourraient très bien s'organiser pour s'y conformer, sans être efficients eu égard à d'autres critères. Bref, un travail en profondeur doit être mené à bien sur les indicateurs.

Du reste, nous proposons d'élaborer des standards de gestion, afin d'accompagner les établissements dans la recherche de performance et d'efficience. Vous l'aurez compris, nous sommes favorables à une approche par l'accompagnement des établissements.

Pour ces raisons, le Gouvernement sollicite le retrait de l'amendement n° 819 rectifié, en raison des risques d'insécurité juridique que son adoption emporterait ; à défaut, l'avis serait défavorable.

Sur les amendements identiques nos 1341 et 1669, j'émets un avis défavorable, comme Mme la rapporteure, dont je partage l'argumentaire : elle a notamment rappelé l'ensemble des dispositions qui existent d'ores et déjà pour garantir le bon contrôle des établissements.

Mme Émilienne Poumirol. Ça ne marche pas très bien !

Mme Cathy Apourceau-Poly. Ne vous inquiétez pas, le Gouvernement « partage notre intention »…

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Nous arrivons à un moment intéressant de ce projet de loi. Vous avez allongé le temps de travail et augmenté les franchises médicales, vous allez geler les prestations de solidarité, comme le RSA. Jamais les profits, eux, ne sont gelés…

La financiarisation de la santé et du médico-social est un fait si objectif, si évident, que vous ne pouvez pas le nier : vous êtes bien obligés d'en accepter le constat. Cela ne vous empêche pas de refuser toutes nos propositions en matière de lutte contre cette financiarisation, cette lutte qui, aujourd'hui, telle qu'elle est menée, ne permet pas de récupérer le moindre euro. Il y a là, pourtant, un gisement de recettes considérable, mais vous préférez balayer tous nos amendements.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je le rappelle, nous visons en tout et pour tout cinq groupes qui, comme chacun le sait, se gavent – ce n'est pas pour rien que l'on parle d'« or gris » –, grâce à des mécanismes de profitabilité que vous ne voulez pas enrayer !

La profitabilité de ces groupes n'est pas simplement excessive, elle est carrément indigne et inacceptable et sera un jour reconnue comme telle.

Mme la présidente. Madame Lermytte, l'amendement n° 819 rectifié est-il maintenu ?

Mme Marie-Claude Lermytte. Oui, je le maintiens, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 819 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1341 et 1669.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 1342 rectifié est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

L'amendement n° 1731 rectifié est présenté par Mmes Féret, Le Houerou, Conconne et Poumirol, M. Kanner, Mme Canalès, MM. Jomier et Fichet, Mmes Lubin, Rossignol, Artigalas et Bélim, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Féraud, Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Lurel, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 36

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l'article L. 314-8 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article L. 314-8-… ainsi rédigé :

« Art. L. 314-8-… – I. – Le financement par l'État ou les organismes de sécurité sociale des établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés à l'article L. 312-1 du présent code est interdit si la rémunération d'un de ses salariés ou de ses associés dépasse un plafond de rémunération correspondant à neuf fois la rémunération moyenne du décile de ses salariés disposant de la rémunération la plus faible.

« II. – Pour les sociétés gérant plusieurs établissements et services sociaux et médico-sociaux, le respect du plafond de rémunération défini au I tient compte de la rémunération de l'ensemble des associés et salariés de la société. »

II. – Le I du présent article entre en vigueur le 1er juillet 2026.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l'amendement n° 1342 rectifié.

Mme Raymonde Poncet Monge. À l'occasion du scandale Orpea, de nombreux articles ont mis au jour les dysfonctionnements du secteur, de la pratique des transferts d'autorisation à la maltraitance institutionnelle des pensionnés.

Dans le même temps était affiché le salaire du directeur préféré des actionnaires du groupe : 1 million d'euros par an, assorti d'une prime de départ de 2,6 millions d'euros. Il a rapporté si gros aux actionnaires qu'il le mérite, ce bonus !

Comparons : le salaire médian d'une auxiliaire de vie n'est que de 1 328 euros par mois chez Orpea. Il faut bien admettre que ces travailleurs, eux, ne font rien pour le bonheur des pensionnaires…

Il est difficilement concevable que les fonds publics versés aux établissements des grands groupes privés à but lucratif – arrêtez de nous opposer la situation des petits Ehpad familiaux ! – contribuent à de tels écarts de salaire.

Ces écarts démontrent quelles sont les réelles préoccupations de certains de ces établissements, souvent prompts à valoriser les aspects purement financiers au détriment des soins et de l'accompagnement.

Un écart salarial maximal de 1 à 9 constitue un plafond raisonnable. Accepter qu'il puisse être dépassé, c'est cautionner un modèle où la vulnérabilité devient le support de revenus disproportionnés, alors même que ces groupes prospèrent grâce aux fonds publics.

La puissance publique ne peut accepter que l'argent des contribuables finance, même indirectement, de telles dérives, alors que les équipes sont épuisées, que la qualité de vie au travail se dégrade et que les familles peinent à trouver des places dignes pour leurs proches et des restes à charge supportables.

Les beaux discours ne suffisent pas : c'est bien d'applaudir ces professionnels, mais il faut aussi les payer !

Pour toutes ces raisons, le présent amendement vise à conditionner le financement public en le réservant aux établissements privés à but lucratif qui acceptent de plafonner les écarts de rémunération.

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour présenter l'amendement n° 1731 rectifié.

Mme Corinne Féret. Cet amendement, comme le précédent, vise à interdire le financement public des Ehpad et des établissements médico-sociaux lorsque les écarts de salaire dépassent un rapport de 1 à 9.

L'actualité récente a mis en lumière les dérives de certaines entreprises lucratives, pour lesquelles la recherche du profit prime sur la qualité du service rendu et sur la dignité des personnes vulnérables.

À l'inverse, l'économie sociale et solidaire place les bénéficiaires au cœur de son modèle et assure un partage plus équitable de la valeur.

La puissance publique, lorsqu'elle finance ces établissements, a la légitimité et la responsabilité de conditionner son soutien à un partage raisonnable des ressources, garantissant que les rémunérations restent proportionnées et compatibles avec l'objectif social qui doit être celui de telles structures.

Nous proposons, par cet amendement, une démarche progressive : encadrer immédiatement les rémunérations excessives, puis réfléchir à réserver ces filières, à terme, aux acteurs engagés dans la qualité du service et le bien-être des publics, ceux que distingue par exemple l'agrément Esus (Entreprise solidaire d'utilité sociale) destiné aux entreprises de l'économie sociale et solidaire.

En somme, il s'agit de protéger les publics fragiles, de valoriser les acteurs responsables et de mettre fin aux dérives lucratives dans des secteurs financés par l'argent public.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Chantal Deseyne, rapporteur. Je vous reconnais constance et persévérance, mes chers collègues. Vous aviez déposé des amendements similaires l'an dernier et déjà le Sénat les avait rejetés, car le dispositif envisagé n'aurait aucun effet sur la qualité du service rendu aux résidents des Ehpad. Or c'est bien cette question qui nous préoccupe : tel est notre premier objectif.

En outre, nous considérons que le législateur n'a pas à s'immiscer dans les modalités de rémunération des salariés du secteur privé lucratif. (Mme Émilienne Poumirol proteste.)

Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Même avis : les questions de rémunération des salariés relèvent avant tout des partenaires sociaux.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Puisque nous sommes constants, madame la rapporteure, nous soutiendrons ces amendements.

Lorsque nous l'avions auditionné, le président-directeur général d'Orpea nous avait révélé son salaire. Je m'en souviens comme si c'était hier : le montant nous avait tous effarés. C'est calculette à la main que mon ancienne collègue Laurence Cohen et moi-même avions tenté de nous le représenter, tant les zéros s'accumulaient.

Nous étions tous effondrés à la lecture du livre de Victor Castanet sur les dérives des Ehpad privés, comme nous le serions quelque mois plus tard en découvrant les révélations du même auteur sur les crèches privées. Les mêmes causes produisaient les mêmes effets, dans les établissements pour personnes âgées comme dans le secteur de la petite enfance !

Personne ne peut nier désormais les dégâts que provoque la recherche du profit à tout-va, qui se fait au détriment des résidents des Ehpad. Engranger des profits, encaisser de l'argent public, échapper à l'impôt : tout cela fait système. On crée une holding, puis une filiale, des sous-filiales : c'est un jeu sans fin ! C'est ce système qu'il faut arrêter.

Vraiment, madame la ministre, il est temps de prendre des mesures ; cela fait des années que nous discutons de ce sujet.

Des mesures ont été prises, certes, mais elles se sont révélées insuffisantes pour faire payer les groupes dont il est question, qui encaissent de l'argent public sans jamais rembourser leur dû, comme l'a très bien rappelé Raymonde Poncet Monge.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Heureusement que nous faisons preuve de persévérance, madame la rapporteure : le scandale est si manifeste ! Alors que nous évoquons ces problèmes chaque année, nous restons incapables d'y répondre : il y a de quoi se poser des questions.

Dans la plupart des Ehpad, l'écart maximal de salaire de 1 à 9 est très largement respecté. Nous parlons de certains groupes qui versent à leurs dirigeants des rémunérations annuelles de 1 million d'euros, quand une aide-soignante touche péniblement 1 350 euros par mois. Un tel écart est totalement inacceptable.

Comment tolérer que l'argent public finance de telles pratiques ?

Il est bien évident que les salaires relèvent des discussions entre syndicats. Nous ne disons pas le contraire, madame la ministre, et ces discussions auront bien lieu. En revanche, dès lors que l'écart de salaire au sein d'un groupe excède un rapport de 1 à 9, le financement public n'apparaît ni nécessaire ni acceptable : l'argent public n'est pas destiné à financer des salaires de plus de 1 million d'euros par an !

J'ajoute que l'adoption de ces amendements nous donnerait un levier de contrôle supplémentaire. Tel est le sens de toutes les propositions que nous présentons depuis tout à l'heure : dans les secteurs dont nous parlons, le contrôle, la transparence et la visibilité sont plus que jamais nécessaires.

Mes chers collègues, vous savez très bien, à votre heure, être particulièrement exigeants en matière d'utilisation de l'argent public, lorsqu'il s'agit de prestations sociales : nous en avons entendu, des choses, à ce propos, lors de l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes !

Il serait tout de même assez déconcertant que nous n'arrivions pas à trouver une solution pour mettre fin à ces dérives totales.

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Bourguignon, pour explication de vote.

Mme Brigitte Bourguignon. Mes chers collègues, je ne peux pas tout entendre ; je me dois de recontextualiser les propos que vous avez tenus, madame Poncet Monge. Vous parlez de l'affaire Orpea comme s'il ne s'était rien passé, comme si tout le monde – sauf vous – s'en fichait, comme si l'audition dont vous avez parlé avait été laissée sans suite.

Excusez-moi de vous rappeler – j'étais à l'époque ministre déléguée chargée de l'autonomie – que nous avions saisi pour la première fois deux inspections, l'Igas et l'IGF, car nous souhaitions traiter le volet sanitaire de l'affaire tout en répondant à la question de savoir si un système économique donnant lieu à des dérives financières avait bel et bien été mis en place. (Mme Raymonde Poncet Monge s'exclame vivement.)

Laissez-moi terminer, madame Poncet Monge, cela fait des heures que nous vous écoutons parler !

Mme Brigitte Bourguignon. Je n'avais, quant à moi, ni « convié » ni simplement auditionné le président-directeur général d'Orpea et le directeur général d'Orpea France : je les avais convoqués !

Et, pour la première fois, nous avons porté plainte au nom de l'État contre le groupe. Cela lui a causé des dégâts sérieux, je vous le rappelle, et, par la suite, des contrôles ont été diligentés dans tous ses établissements :…

Mme Cathy Apourceau-Poly. Encore heureux !

Mme Brigitte Bourguignon. … c'était bien la moindre des choses, mais cela n'avait jamais été fait, ma chère collègue – cela mérite donc d'être salué.

Arrêtez de raconter des histoires et de prétendre que vous incarnez nécessairement le camp des vertueux face à ceux qui ne le seraient pas !

Je suis bien placée pour connaître ce dossier : j'étais chargée du secteur dans le gouvernement de l'époque. Croyez bien que j'avais œuvré à la mise en place de grilles de tarification et, surtout, de grilles de transparence. (Mme Émilienne Poumirol s'exclame.) Certains groupes avaient d'ailleurs très mal accepté l'idée qu'on allait désormais les contrôler si souvent.

Je voudrais que, de temps en temps, on débatte dans la nuance. Il n'y a pas d'un côté ceux qui pensent le bien et, de l'autre, ceux qui pensent le mal et qui n'ont que faire du sort des personnes âgées ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Madame la rapporteure, vous prétendez qu'il ne nous appartient pas de nous immiscer dans les salaires du secteur privé. Ah bon ? Vous n'arrêtez pas, mes chers collègues, depuis quarante-huit heures !

Lorsque vous décidez d'augmenter le temps de travail sans augmenter les salaires, vous vous mêlez des rémunérations du privé : les salaires médians, les salaires moyens, les petits salaires ! Lorsque vous décidez d'augmenter les cotisations sociales des apprentis, vous vous mêlez de leur rémunération, car, vous le savez, cela a une conséquence sur leur feuille de paie ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

La conséquence que nous pouvons en tirer, c'est que vous ne vous occupez pas des salaires du privé quand il s'agit des hauts revenus ; pour ce qui concerne en revanche les petits salaires du privé, vous ne vous privez de rien ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.

Mme Corinne Féret. Je souhaite préciser encore l'intention qui est la nôtre.

Notre préoccupation première est d'agir dans l'intérêt des résidents des Ehpad, en veillant à la qualité de leur prise en charge et à leur bien-être.

Cela dit, on ne peut évidemment pas ignorer non plus la question de la qualité des conditions de travail de tous ceux qui interviennent auprès de ces résidents.

Nous proposons d'interdire tout financement public des établissements privés à but lucratif lorsque les écarts de salaire excèdent un rapport de 1 à 9. Multipliez le Smic par 9 : le résultat avoisine les 12 000 euros mensuels. Vous semblez considérer que c'est peu…

Voilà pourtant une proposition raisonnable, qui n'a rien de scandaleux, et qui laisse une marge pour des rémunérations différentes, au sein d'un même établissement, selon les fonctions exercées.

Ce qui est scandaleux, c'est de considérer qu'il ne serait ni possible ni nécessaire de limiter les écarts de salaire au sein de ces établissements.

Ce qui est choquant, c'est d'apprendre que les femmes qui y travaillent – car il s'agit en majorité de femmes – touchent des salaires vingt fois ou cinquante fois inférieurs – on ne sait plus, tant les chiffres sont inconcevables – à ceux que perçoivent les dirigeants du groupe. Ces derniers font de l'accompagnement de nos aînés un commerce : ce qui les intéresse, c'est le profit qu'ils peuvent tirer de cette activité.

Ce qui n'est ni scandaleux ni choquant, dans ces conditions, c'est la proposition que nous vous soumettons : encadrer – limiter – le niveau des rémunérations versées par les établissements privés à but lucratif qui bénéficient de financements publics.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Je peux confirmer ce qu'explique ma collègue Bourguignon : ayant rencontré les représentants d'Orpea à deux reprises, j'ai constaté qu'à l'issue de tous ces contrôles ils avaient fait le ménage chez eux – cela doit être dit.

Par ailleurs, puisqu'il en a été question, j'ai bel et bien défendu un amendement visant à augmenter le temps de travail, mais ce travail supplémentaire sera évidemment rémunéré : cette augmentation signifie des salaires en hausse pour le personnel.

Mme Corinne Féret. Et la journée de solidarité, ce n'est pas du travail gratuit ?

M. Daniel Chasseing. Ce surcroît d'heures travaillées servira aussi, indirectement, à financer les retraites, la sécurité sociale et à pérenniser nos acquis sociaux.

Pour ce qui est de ces amendements identiques, je les voterai : de 1 à 9, il y a tout de même de quoi faire…