M. le président. Les amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° I-2452 rectifié ter est présenté par MM. Kanner, Cozic, Raynal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L'amendement n° I-2466 rectifié bis est présenté par M. G. Blanc.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Il est émis un emprunt obligatoire d'une durée de cinq ans, au taux actuariel brut de 0 % l'an.

II. – La souscription a l'emprunt s'imposent de manière cumulative pour les contribuables redevables de :

de l'impôt sur la fortune immobilière prévu à l'article 964 du code général des impôts au titre de l'année 2026, à hauteur de 25 % de l'impôt dû ;

de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus prévue à l'article 223 sexies du même code au titre de l'année 2025, à hauteur de 25 % de l'impôt dû ;

de la contribution différentielle sur les hauts revenus prévue à l'article 224 du même code au titre de l'année 2025, à hauteur de 25 % de l'impôt dû ;

de l'impôt sur le revenu mentionné à l'article 197 du même code au titre des taux de 41 % et de 45 % au titre de l'année 2025, à hauteur de 10 % de l'impôt dû.

III. – Les ayants droit d'un contribuable décédé au cours de la même période et remplissant la même condition de revenu sont dispensés de la souscription pour la somme que celui-ci aurait dû souscrire.

IV. – La contribution est recouvrée par voie de titre de perception selon des modalités précisées par arrêté du ministre chargé du budget. Elle doit intervenir le 1er juillet 2026 au plus tard. Un avis est adressé au contribuable indiquant le montant de la somme à souscrire. Un décret en conseil d'État détaille avant le 1er février 2026 les modalités pratiques qui s'imposent aux contribuables concernés.

V. – Le défaut de souscription à l'échéance entraîne, sans préjudice du recouvrement forcé du principal de l'emprunt, la déchéance du droit à remboursement du capital. Le recouvrement forcé de l'emprunt est effectué comme en matière d'impôt sur le revenu. La majoration prévue à l'article 1761 du code général des impôts n'est appliquée aux sommes non réglées qu'un mois après la date limite de souscription.

L'amendement n° I-2452 rectifié ter a déjà été défendu.

La parole est à M. Grégory Blanc, pour présenter l'amendement n° I-2466 rectifié bis.

M. Grégory Blanc. Comme je le disais hier, peu importe que le chat soit blanc ou gris, l'important est qu'il attrape la souris.

Il faut que les plus hauts revenus de ce pays soient mis à contribution et qu'ils accompagnent le redressement de notre pays. Il y a plusieurs façons d'y arriver. Le groupe socialiste propose ainsi de mettre en place, pour les plus hauts déciles, un emprunt obligatoire.

Je considère que ces hauts revenus doivent être mis à contribution, afin que notre pays ne soit pas obligé d'emprunter aux taux qui sont ceux du marché aujourd'hui.

Lorsque l'on emprunte au taux de 3,50 % sur dix ans, ou de 2,50 % sur cinq ans, cela pose des difficultés. Je propose donc que la rémunération proposée soit inférieure de moitié à celle du livret A, mais aussi que les contribuables visés, ceux des plus hauts déciles, aient la possibilité de récupérer des liquidités s'ils connaissent des difficultés, ce qui peut aussi arriver.

M. le président. L'amendement n° I-2626 rectifié bis, présenté par MM. Kanner, Cozic, Raynal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Il est institué une contribution restituable due par les redevables :

1° de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus prévue à l'article 223 sexies du code général des impôts au titre de l'imposition des revenus de l'année 2025 domiciliés fiscalement en France au sens de l'article 4 B du même code au titre de la même année ;

2° de l'impôt sur la fortune immobilière prévu à l'article 964 du code général des impôts au titre de l'année 2026 domiciliés fiscalement en France au sens de l'article 4 B du même code au titre de la même année.

II. – A. – Les redevables de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus mentionnés au 1° du I acquittent la contribution à concurrence de 9 % de la fraction de leur revenu fiscal de référence mentionné au 1 du I de l'article 223 sexies du code général des impôts établi au titre de l'année 2025 supérieure à 250 000 € pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés et supérieure à 500 000 € pour les contribuables soumis à imposition commune.

B. – Les redevables de l'impôt sur la fortune immobilière mentionnés au 2° du I dont le patrimoine imposable à cet impôt au titre de l'année 2026 est supérieur ou égal à 10 millions d'euros acquittent la contribution à concurrence de 2 % de la fraction de ce patrimoine qui excède 10 millions d'euros.

C. – Les contribuables à la fois redevables de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus mentionnée au 1° du I au titre de l'année 2025 et de l'impôt sur la fortune immobilière mentionné au 2° du I au titre de l'année 2026 acquittent les contributions prévues aux A et B du présent II.

III. – Sont dispensés du paiement de la contribution mentionnée au A du II les redevables dont le revenu fiscal de référence mentionné au même A est inférieur ou égal à 500 000 € pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés et inférieur ou égal à 1 000 000 € pour les contribuables soumis à imposition commune.

Sont également dispensés du paiement de cette contribution les redevables remplissant les conditions de revenus définies au premier alinéa du présent III dont le conjoint ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité est décédé entre le 1er janvier 2026 et la date d'exigibilité mentionnée au IV.

IV. – La contribution est recouvrée par voie de titre de perception selon des modalités précisées par arrêté du ministre chargé du budget. Elle est exigible à partir du 31 août 2026.

V. – Il est créé un crédit d'impôt reversé sur demande du contributeur à l'issue d'un délai de quatre ans à compter de la date prévue au IV, d'un montant égal aux sommes acquittées au titre de la contribution mentionnée au I.

Le bénéfice du crédit d'impôt est incessible.

Les conditions d'application du présent V sont prévues par décret.

VI. - Le V ne s'applique qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

VII. - La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre premier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Cet amendement a déjà été défendu.

Le sous-amendement n° I-2757, présenté par M. G. Blanc, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 8

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – Les redevables mentionnés au II qui seraient dans l'impossibilité de pouvoir mobiliser le montant de contribution dû avant l'échéance prévue au IV, le versement peut intervenir dans un délai complémentaire maximal de douze mois. La contribution versée est alors majorée d'un montant correspondant à l'écart entre, d'une part, le rapport entre le nombre de mois échus entre l'échéance prévue au IV et la date de versement, et, d'autre part, le taux moyen des émissions de bons du Trésor à taux fixe intervenus durant cette période.

Les redevables qui, au terme du délai complémentaire prévu au précédent alinéa, continueraient d'être dans l'impossibilité de pouvoir mobiliser le montant de contribution dû, doivent verser, au terme du délai prévu au V, un montant égal à 5 % de la contribution qu'ils auraient dû verser en application du II.

Les conditions dans lesquelles l'impossibilité de mobiliser le montant de contribution sont appréciées sont renvoyées à un décret.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé : ... – La perte de recettes résultant pour l'État de l'alinéa […] est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Grégory Blanc.

M. Grégory Blanc. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je ne comprends pas la logique de ces amendements, dont les dispositions nous tombent dessus tels des météorites.

M. Olivier Rietmann. La logique, c'est : toujours dépenser plus !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. J'ai l'impression que l'on cherche à tout prix à avoir des idées, parce que l'on en manque, tout comme manque la réflexion...

Un peu dans le même esprit, la commission des finances avait organisé une table ronde pour réfléchir à la possibilité de mobiliser l'épargne des Français. Nous avions même évoqué, à ma demande, la faculté de mobiliser cette épargne dans un grand élan au travers d'un emprunt d'État. Il fallait pour cela que les conditions politiques soient réunies et, lorsque Michel Barnier est devenu Premier ministre, des possibilités s'ouvraient. Mais la conclusion de nos réflexions fut à l'époque que ce n'était pas le moment pour une telle initiative, laquelle n'était pas utile.

Et voilà qu'arrive ce nouveau dispositif, qui semble « petit bras » et qui, surtout, pose des problèmes. Vous nous expliquez que des gens feraient en quelque sorte un don : de grosses fortunes prêteraient sans intérêt et devraient se signaler au bout de quatre ans auprès des services concernés pour pouvoir récupérer leur argent...

Qu'il s'agisse de la manière d'annoncer ce dispositif ou de l'inscrire économiquement et budgétairement, tout cela est très amateur. (M. Grégory Blanc ironise.)

J'émets donc un avis défavorable sur ces amendements.

Enfin, le sous-amendement n° I-2757, dont je prends connaissance à l'instant, tend à s'inscrire dans votre logique, mon cher collègue. Mais, suivant la logique qui est la mienne, j'émets un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je souhaite clarifier plusieurs points.

Tout d'abord, et c'est très important, la France n'a pas aujourd'hui de difficulté pour lever de l'argent. Je rappelle que, en 1983, une décision de cet ordre avait été prise parce que notre pays s'était retrouvé en manque de financements, à cause d'un certain nombre de dispositions fiscales, budgétaires et économiques mises en œuvre. Il avait donc été procédé à un emprunt forcé.

L'enjeu que pose le président Kanner est différent. C'est un enjeu non pas de liquidité pour l'État, mais de cohésion nationale.

M. Patrick Kanner. De justice fiscale !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Il envisage une contribution des ménages les plus aisés au financement des grands défis du moment – notre défense, par exemple –, plutôt que ces derniers soient financés par le marché financier – j'essaie de suivre votre logique, monsieur le président Kanner.

Je le répète, la France parvient à se financer au taux de 3,4 %, ces derniers jours encore. Là n'est donc pas le sujet. Il s'agit de trouver une forme de cohésion nationale autour de grands objectifs.

Néanmoins, ce que vous proposez me pose deux difficultés. D'une part, doit-on appliquer ce dispositif de manière forcée ? D'autre part, doit-on l'appliquer sans aucune rémunération ?

Il existe aujourd'hui un produit d'épargne réglementée : le livret A, rémunéré à 1,7 %, c'est-à-dire à strictement la moitié du taux d'emprunt sur les marchés pour notre dette. Cela signifie – je l'ajoute au passage – que le logement social se finance pour deux fois moins cher que l'État.

On pourrait imaginer, en reprenant un peu l'idée que vient d'exposer le rapporteur général, un emprunt pour mobiliser l'épargne des plus fortunés ou d'autres personnes volontaires – pour la défense, par exemple –, à un taux semblable à celui du livret A.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Plus élevé !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Ou plus élevé, en effet.

Le taux d'emprunt sur le marché est de 3,4 %. Si l'on arrivait à emprunter moins cher, cela permettrait de financer les grands besoins nationaux à un taux de rendement moins élevé.

Cette proposition a été largement discutée. Le dispositif, tel qu'il est présenté aujourd'hui, ne me semble pas abouti, mais je voulais éclairer le débat. Encore une fois, l'idée d'un emprunt qui serait lancé aujourd'hui ne saurait être liée à un problème de financement. Ce pourrait être un outil de cohésion, de mobilisation de l'épargne de personnes souhaitant contribuer à l'effort national, qu'elles soient très fortunées ou non, d'ailleurs.

L'outil que vous proposez, monsieur Kanner, est différent de celui que je viens d'esquisser sur deux points.

Tout d'abord, le dispositif que vous proposez est obligatoire, et non volontaire.

Ensuite, il n'est pas du tout rémunéré, même à un taux bien inférieur à celui du marché, même au taux du livret A.

Notre débat sur un tel dispositif pourrait être plus ouvert s'il n'y avait pas ces deux différences très importantes entre ce que vous proposez et ce que nous pourrions envisager. Mais je vous laisse en débattre, mesdames, messieurs les sénateurs.

Je serai donc défavorable à ces propositions, même si le débat ouvert par le président Patrick Kanner est intéressant dans le moment particulier que nous vivons. En effet, on pourrait imaginer, autour de grands enjeux, notamment de défense nationale, des dispositifs innovants qui ne seraient ni confiscatoires ni anticonstitutionnels.

J'émets donc un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements, ainsi que sur le sous-amendement n° I-2757.

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour explication de vote.

M. Jean-Raymond Hugonet. Hier, lors de la discussion générale, j'ai écouté attentivement, comme d'habitude, les propos du président de notre commission des finances, Claude Raynal, qui appelait avec sagesse au sens du compromis et à la hauteur de vue...

Or, dès les amendements tendant à insérer un article additionnel après l'article 3, nous arrive un amendement « météorite », comme le disait M. le rapporteur général : voilà que le groupe socialiste nous sort l'emprunt obligatoire ! J'ai dû me pincer pour y croire... C'est Le Kolkhoze fleuri, cette affaire ! C'est incroyable. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Que l'on s'entende bien : la taxe Zucman, qui a été démasquée comme étant une supercherie fiscale, a explosé en vol. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.) Et vous proposez désormais ce qui n'est rien d'autre qu'un racket.

Comme l'a dit Mme la ministre, que soit lancé un emprunt d'État, pourquoi pas ? La réflexion est ouverte. Mais un emprunt contraint, c'est parfaitement inacceptable !

J'entends parler du consentement à l'impôt... Mais ce dont les Français ne veulent plus aujourd'hui, et cela qu'ils soient « très très riches », très riches, un peu moins riches ou pas riches du tout, c'est que leur contribution arrose le sable ! (Protestations sur les mêmes travées.)

M. Guy Benarroche. Il ne faut donc pas d'hôpital !

M. Yannick Jadot. Et pas d'école !

M. le président. Laissez parler votre collègue !

M. Jean-Raymond Hugonet. Or c'est ce qui se passe depuis trop longtemps. Ces systèmes alambiqués ne servent à rien et ils seront balayés rapidement, que cela vous plaise ou non !

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

M. Vincent Capo-Canellas. Je rejoins le rapporteur général, le sujet n'est pas mûr. Nous avons connu, par le passé, des grands emprunts, mais ils étaient accompagnés d'un certain nombre d'éléments destinés à créer la confiance et à en expliquer le sens.

Mme la ministre a eu raison de rappeler que notre pays n'avait pas de problème d'accès aux marchés, que la signature de la France restait solide – il faut qu'elle le demeure. L'État n'a pas besoin de faire appel aux particuliers parce qu'il aurait des difficultés à se financer par ailleurs ; il est nécessaire d'être clair sur ce point.

Une communication s'impose donc, de même qu'il est indispensable de recueillir l'avis d'un certain nombre d'experts, de créer les conditions de la confiance et d'expliquer le sens d'un tel emprunt. Il me semble que, de ce point de vue, les circonstances et une forme d'improvisation depuis mardi dernier nous conduisent à prendre le risque de dévoyer ce qui peut, en fin de compte, s'avérer être une belle idée. Cet emprunt permet également de faire contribuer un certain nombre de grandes fortunes autrement que par l'impôt ; il peut donc présenter aussi cet intérêt.

Nous sommes prêts à examiner ce genre de proposition, mais pas maintenant et pas de cette façon, d'autant que nous examinons un sous-amendement dont la commission n'a pas pu prendre connaissance et délibérer. On est en train de passer d'un emprunt forcé non rémunéré à un emprunt qui serait rémunéré et dont les conditions de versement seraient aménagées : nous sommes vraiment dans l'improvisation la plus totale !

Par conséquent, nous ne voterons pas ces amendements et ce sous-amendement. Nous pouvons réfléchir à l'idée d'un emprunt, mais dans un cadre tout à fait différent, car le sujet est sérieux.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Le rapporteur général affirme qu'il s'agit d'un amendement « amateur » – il n'a pas dit loufoque –, d'une « météorite » qui ne respecterait pas les traditions du Parlement. (M. le rapporteur général le confirme.)

J'aimerais vous lire, mes chers collègues, les propos d'un rapporteur général que vous connaissez tous, Philippe Marini. Il ne parlait pas de l'emprunt Mauroy de 1983, puisqu'il a rédigé son rapport en juillet 2009, après la crise de 2008. On peut y lire, à la page 74, que l'emprunt obligatoire est « un moyen de financement qui pourrait se révéler utile ».

Je vous épargnerai la lecture des passages qu'il consacre au sujet, mais je reprendrai les trois avantages qu'il voyait dans cet emprunt. Premièrement, il est « conforme à l'exigence de solidarité dont doivent témoigner les contribuables les plus aisés en temps de crise ». Deuxièmement, il institue une « source de recettes aisément identifiable pour l'État, comme que pour le citoyen ». Troisièmement, il « serait prélevé sans coûts administratifs excessifs ».

Je me permets de citer un paragraphe : « Il convient de bien réaliser que, dans le contexte actuel de très faible inflation, un emprunt obligatoire non rémunéré ou dont la rémunération serait inférieure à 1 % l'an ne représenterait qu'un “sacrifice” très modique pour les intéressés, sachant qu'ils bénéficieraient de la meilleure garantie possible de récupération de leur capital. » Le rapporteur général concluait, en caractères gras, que « prétendre que cette opération serait assimilable à un impôt supplémentaire serait, par conséquent, contraire à la réalité économique ».

Alors en quoi est-ce un amendement d'amateur ? En quoi serait-il loufoque de le soumettre ici à votre appréciation ? Nous cherchons des recettes ; c'est une voie, une solution, qui paraît raisonnable.

M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour explication de vote.

M. Thierry Cozic. Les échanges que nous avons sur l'emprunt obligatoire me semblent essentiels. Ce débat est sain, utile et nécessaire. Je ne suis pas surpris de constater qu'il suscite des discussions animées dans l'hémicycle. C'est aussi une force, car ces discussions témoignent de la vitalité de notre vie politique et du rôle majeur que joue le Sénat dans ce type de débat.

Cela étant dit, avant de poursuivre, je me permettrai de rappeler quelques chiffres. En 2026, la France empruntera, selon l'Agence France Trésor, 310 milliards d'euros sur les marchés financiers, devenant ainsi le plus grand emprunteur de la zone euro.

La charge des intérêts de la dette publique française augmente rapidement, on le sait, et atteindra plus de 59 milliards d'euros en 2026.

Le besoin de financement primaire de l'État, autrement dit son déficit, est prévu à 5,4 % du PIB en 2025, soit près de 116 milliards d'euros.

Devant ces montants vertigineux, aucune mesure ne saurait être écartée pour réduire un déficit aussi colossal, creusé notamment par les 62 milliards d'euros de cadeaux fiscaux consentis par Emmanuel Macron chaque année depuis huit ans. C'est le désarmement fiscal opéré par le Gouvernement qui a plongé le pays dans la situation si critique que nous connaissons aujourd'hui.

Pour redonner à l'État les moyens d'agir et d'investir, notre groupe a donc proposé ce mécanisme d'emprunt obligatoire, ciblé sur quelques milliers de foyers français parmi les plus aisés. Nous voterons bien sûr ces amendements, ainsi que le sous-amendement.

Avant le vote, je voudrais tirer le principal enseignement de notre débat : le groupe socialiste a pris ses responsabilités. Comme nous l'avons toujours fait, nous nous sommes efforcés de trouver des solutions et d'ouvrir de nouvelles perspectives de réflexion pour rendre à la puissance publique sa capacité d'agir et tenter de retisser, au moins partiellement, un pacte social gravement déchiré par huit ans de macronisme et de politiques fiscales plus injustes les unes que les autres.

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. Madame la ministre, je voudrais répondre à mon tour au qualificatif d'« amateur ». Pour moi, les amateurs sont ceux qui ont mis notre pays au bord de la faillite, pour reprendre une expression familière.

Aujourd'hui, la dette atteint 3 400 milliards d'euros, soit 115 % du PIB. Par conséquent, par égard pour nos concitoyens, tout est bon à prendre pour corriger cette situation, notamment pour éviter que la charge de ce désastre ne soit portée par celles et ceux qui n'en sont en rien responsables.

Notre philosophie est simple. Elle consiste à dire aux plus fortunés, précisément les 0,05 % de contribuables visés par les amendements, qu'ils doivent contribuer aux politiques publiques dans un élan de patriotisme fiscal ; peut-être faut-il viser certaines politiques prioritaires : vous avez mentionné la défense, madame la ministre, je pourrais évoquer l'hôpital public ou l'éducation nationale.

Je suis également sensible au propos de M. Capo-Canellas lorsqu'il dit que cette piste mérite d'être examinée.

M. Vincent Capo-Canellas. Mais pas comme cela et pas maintenant !

M. Patrick Kanner. L'emprunt obligatoire n'est pas l'alpha et l'oméga des solutions, mais il constitue une piste. Nous avons ouvert une porte. Peut-être n'irons-nous pas jusqu'au bout, mais cette piste mérite au moins d'être étudiée.

Le sous-amendement déposé par Grégory Blanc tend à préciser que, s'il y a un emprunt forcé, obligatoire, que j'appelle pour ma part une contribution exceptionnelle restituable, une rémunération, même modeste, sera prévue.

Je rappelle que les familles concernées placent aujourd'hui leur argent à des taux allant de 4 % à 7 %, ce qui est un fait constaté. L'emprunt proposé serait moins rémunéré.

Cet effort de patriotisme fiscal ne saurait être balayé de la sorte, par des propos qui semblent injustes au regard de l'objectif recherché.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Les initiateurs de l'amendement me diront si je me trompe : je me suis d'abord dit qu'il s'agissait d'un emprunt sur ceux qui provoquent la dette, et j'ai trouvé que le dispositif était intéressant. Mais j'estime qu'il ne faut pas laisser l'action publique se financiariser. Un tel mécanisme pourrait donc, à mon sens, être extrêmement dangereux, en faisant rentrer les marchés dans le financement de cette action publique.

Pour ma part, je pense que c'est la fiscalité qui doit financer l'action publique. C'est un sujet dont nous pouvons débattre, monsieur Kanner.

Par ailleurs, nous avons des doutes, d'abord sur le fait que cet emprunt n'est pas affecté.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. On ne peut pas !

M. Pascal Savoldelli. Nous pouvons nous accorder à gauche, et même au-delà de la gauche, sur des affectations. Mais comme on nous parle d'économie de guerre, j'ai le sentiment que le produit de cet emprunt serait affecté au surarmement : sur ce point, nous ne sommes pas d'accord, y compris au sein de la gauche. Il est donc indispensable de prévoir une affectation claire.

Enfin, je veux attirer votre attention sur un point sur lequel nous sommes, je le crois, d'accord. Si, pendant quatre ans, l'emprunt est rendu obligatoire, cela nous fera gagner du temps pendant quatre lois de finances sur la taxation des ultrariches, car on nous sortira le « parasol » de l'emprunt obligatoire.

Souvenez-vous du débat que nous avons eu tout à l'heure sur le capital, que l'on orienterait, que l'on écraserait, que l'on mettrait à mal… Avec un emprunt obligatoire de quatre ans à taux zéro, nous sommes tranquilles : il n'y aura pas de révolution fiscale pour le grand capital !

Au regard des doutes que je viens d'exprimer, nous nous abstiendrons, mais ce n'est pas une fin de non-recevoir.

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.

M. Thomas Dossus. Je n'étais pas non plus très « fan » du dispositif lorsqu'il a été proposé, mais on ne peut tout de même pas parler de racket s'agissant d'une contribution que l'on restituera aux plus hauts patrimoines ! Il faut raison garder.

J'ai bien compris que la maison des milliardaires était ici très bien gardée, que l'on considérait que leur emprunter de l'argent pour le leur rendre quelques années plus tard revenait à un racket complet.

Je tiens donc à vous alerter, mes chers collègues : nous ne parvenons même plus à faire contribuer, par un dispositif qui est somme toute assez soft, les plus hauts patrimoines de ce pays.

On nous explique maintenant que l'on emprunte facilement, alors que, pendant des semaines et des semaines, on nous a répété que la charge de la dette devenait insupportable, qu'elle allait devenir le premier budget de notre pays et que la France allait être mise sous tutelle.

Et lorsqu'on trouve un système pour faire contribuer les plus riches, en leur empruntant en quelque sorte, mais évidemment avec un taux d'intérêt plus faible, on nous explique que ce n'est pas envisageable puisque, finalement, notre pays emprunte sans problème. Tout va très bien, madame la marquise ! Il faudrait mettre un peu de cohérence dans ce que l'on raconte…

Le dispositif proposé permet temporairement d'emprunter un peu d'argent aux plus hauts patrimoines. Par conséquent, pourquoi ne pas le voter, l'améliorer pendant la navette, avant de le tester ?

En tout cas, il faut faire attention aux propos qui sont tenus, parce que ce n'est même pas la taxe Zucman…

M. le président. La parole est à M. Alexandre Ouizille, pour explication de vote.

M. Alexandre Ouizille. Je m'inscrirai dans le sillage des propos de M. Dossus. Les mots ont un sens. Lorsque, monsieur Hugonet, vous vous tenez le front en parlant de « racket » alors que le Sénat est en train de débattre d'un impôt, vous dévaluez cette maison. Vous dévaluez le Parlement lorsque vous agissez ainsi ! (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Rietmann. C'est un impôt alors ?

M. Alexandre Ouizille. Monsieur le rapporteur général, lorsque nous cherchons par tous moyens un compromis – et c'en est un, puisque nous sommes tout de même très en deçà d'une contribution fiscale –, on nous dit que c'est un dispositif « météorite », « insuffisant », « amateur ».

Cela donne une idée de ce à quoi vont servir nos débats. Car vous nous emmenez exactement là où vous nous avez emmenés s'agissant du projet de loi de financement de la sécurité sociale : nous débattons ici, puis il y aura une commission mixte paritaire qui sera non conclusive, et tout sera jeté à la poubelle. Si cela vous amuse de procéder ainsi, c'est tout de même bien triste !

Je m'adresse ensuite à nos collègues du groupe centriste qui, visiblement, sont un peu plus raisonnables (Mme Christine Lavarde ironise.) et essaient de comprendre que nous tentons de trouver un point de compromis. Je vous dis juste une chose : si vous écartez ces amendements, les règles budgétaires, et notamment celle de l'entonnoir, feront que nous ne reviendrons pas sur le sujet. Vous avez donc aussi une responsabilité dans le moment présent.

Enfin, je veux dire à nos collègues communistes que je comprends leurs doutes. Ce dispositif est évidemment beaucoup moins satisfaisant qu'une imposition, puisque, dans quelques années, nous rendrons une partie de l'argent qui nous a été prêté. Néanmoins, cela permet de gagner sur les taux d'intérêt.

Dans la situation actuelle, il faut prendre tout ce qui peut être pris. J'appelle donc chacun à faire preuve de responsabilité.