M. Pascal Savoldelli. Par le présent amendement, je propose de rétablir l'exit tax telle qu'elle existait avant 2019, comme l'Assemblée nationale en a précédemment décidé à une large majorité.
Bruno Le Maire avait indiqué – ses propos avaient le mérite d'être francs et sincères – que l'exit tax n'avait « pas lieu d'être ». Le dégrèvement d'office sur les plus-values latentes intervient donc au bout d'une durée détention des actions après le départ non plus de quinze ans, mais de deux ans, et de cinq ans lorsque les plus-values sont supérieures à 2,57 millions d'euros.
Tel est l'assouplissement du sursis de paiement intervenu en 2019, celui-ci étant désormais accordé sans conditions professionnelles et de manière automatique quel que soit le pays de départ, à l'exception des pays non coopératifs ou n'ayant pas conclu d'accord sur la fraude fiscale.
Concrètement, l'administration fiscale renonce à la taxation à hauteur de 30 % des plus-values latentes qui seraient réalisées entre deux à cinq années suivant le départ.
Le présent amendement, qui, je le répète, a été adopté par l'Assemblée nationale, vise donc à taxer les plus-values quittant le territoire. Si l'adoption d'un tel dispositif doit faire l'objet d'un compromis, mes chers collègues, c'est au profit non pas de la gauche, mais des 72 % de Français qui y sont favorables que vous devez le passer.
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour présenter l'amendement n° I-1388.
M. Thierry Cozic. Instaurée sous Nicolas Sarkozy, l'exit tax est un bon dispositif anti-abus, dont le périmètre a été restreint par idéologie en 2019. Il visait non pas à remplir les caisses de l'État, mais à dissuader les entrepreneurs de spéculer sur la revente de leur entreprise.
Depuis 2019, les entreprises qui conservent leurs titres pendant au moins deux ans après leur départ bénéficient d'un dégrèvement d'office, si bien que l'exit tax, dévitalisée, ne rapporte presque plus rien.
La situation actuelle nous appelle à contrer le creusement des inégalités sociales en réparant la casse fiscale. Selon le Conseil des prélèvements obligatoires, l'exit tax aurait pu rapporter 800 millions d'euros en 2016, si elle avait été convenablement perçue et si tous les revenus visés avaient été convenablement imposés. Les ressources publiques dégagées par le rétablissement et le remboursement de l'exit tax pourraient donc être du même ordre.
Au-delà des recettes directes, le rétablissement et le renforcement de ce dispositif contribueraient à freiner l'évasion fiscale.
M. Thomas Dossus. L'amendement ayant été très bien défendu par mes collègues, je serai bref.
Nous avons besoin d'un dispositif anti-abus et anti-évasion. Il me paraît à ce titre nécessaire de rétablir un outil entravant toute tentative de fuir la solidarité nationale et garantissant la juste contribution de chacun à la hauteur de ses revenus.
M. Thierry Cozic. Monsieur le président, je souhaite modifier mon amendement ! Je veux réduire de quinze à huit ans la durée de détention des actions après le départ permettant de bénéficier d'un dégrèvement des plus-values latentes.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° I-1388 rectifié, présenté par MM. Cozic, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat, Briquet et Espagnac, MM. Éblé, Féraud, Jeansannetas et Lurel, Mmes Artigalas, Bélim et Bonnefoy, M. Bourgi, Mmes Brossel et Canalès, MM. Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Daniel, MM. Darras, Devinaz, Fagnen, Fichet et Gillé, Mme Harribey, M. Jacquin, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Linkenheld, M. Marie, Mme Matray, MM. Mérillou et Michau, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Ouizille, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, et qui est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L'article 167 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le IV est ainsi modifié :
a) Au début, les mots : « Il est sursis au paiement de l'impôt afférent aux plus-values et créances constatées dans les conditions prévues au I du présent article et aux plus-values imposables en application du II, » sont supprimés ;
b) La première occurrence du mot : « territoire » est remplacée par les mots : « dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen » ;
c) À la fin, les mots : « , et qui n'est pas un État ou territoire non coopératif au sens de l'article 238-0 A » sont remplacés par les mots : « , il est sursis au paiement de l'impôt afférent aux plus-values et créances constatées dans les conditions prévues au I du présent article et aux plus-values imposables en application du II » ;
2° Le V est ainsi modifié :
a) À la fin du b, les mots : « ou territoire mentionné au IV, le transfère à nouveau dans un État ou territoire autre que ceux mentionnés au même IV » sont remplacés par les mots : « membre de l'Union européenne ou dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ainsi qu'une convention d'assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil, du 16 mars 2010, précitée, le transfère à nouveau dans un État autre que ceux mentionnés précédemment » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le contribuable justifie que son transfert de domicile fiscal dans un État ou territoire qui n'est pas partie à l'accord sur l'Espace économique européen, mais qui a conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ainsi qu'une convention d'assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil, du 16 mars 2010, précitée obéit à des raisons professionnelles, aucune garantie n'est exigée pour l'application du sursis de paiement prévu au premier alinéa du présent V. » ;
3° Le premier alinéa du 2 du VII est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « huit » ;
b) La seconde phrase est supprimée ;
4° Le VIII est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du 1, les mots : « l'opération d'échange ou d'apport répondant aux conditions d'application des articles 150-0 B ou 150-0 B ter intervenue » sont remplacés par les mots : « l'échange entrant dans le champ d'application de l'article 150-0 B intervenu » ;
b) Au 4, les mots : « des articles 244 bis A ou » sont remplacés par les mots : « de l'article » ;
c) Au premier alinéa du 4 bis et au premier alinéa du 5, les mots : « ou territoire » sont supprimés ;
5° Le 2 du IX est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– les mots : « au titre d'une créance mentionnée au second alinéa du 1 du I ou d'une plus-value imposable en application du II » sont supprimés ;
– les mots : « à ce titre » sont supprimés ;
– les mots : « au second alinéa du 1 du I et au » sont remplacées par les mots : « aux I et » ;
b) Le second alinéa est supprimé.
II. – Le III de l'article 112 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 est abrogé.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ce dispositif vise à prévenir les abus, plutôt qu'à créer des recettes stables et substantielles. Au regard de la charge de travail qu'il emportait pour les services des finances publiques, il a donc été décidé, en 2019, de le réformer.
L'avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Il s'agit d'un débat ancien et éminemment symbolique.
Avant 2012, ce délai de détention des actions après le départ en dehors d'Europe était de huit ans, quel que soit le montant des plus-values latentes.
La France ayant en l'état du droit l'un des régimes les plus favorables, il ne me paraît pas inintéressant d'en resserrer les conditions, afin de tenir compte de la concurrence qui s'exerce de plus en plus entre les États de l'Union européenne. Il s'agit non pas d'enfermer les gens en France ou de les taxer parce qu'ils changent de domiciliation, mais de nous aligner sur les pratiques européennes, de sorte de placer notre pays dans la moyenne. Cela ne peut à mon avis être une mauvaise chose.
Or tel est l'objet de l'amendement n° I-1388 rectifié de M. Cozic, qui tend à revenir au régime qui prévalait avant 2012. Sur cet amendement, je m'en remets donc à la sagesse du Sénat, en dépit d'éléments rédactionnels qu'il conviendra, le cas échéant, de revoir au cours de la navette parlementaire.
Je suis en revanche défavorable aux amendements identiques nos I-1319 et I-1497, qui tendent à rétablir le régime qui était en vigueur durant le quinquennat de M. Hollande.
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Des discussions ont manifestement eu lieu avec le Gouvernement… Je n'en ai pas été informé.
Cela dit, pour la clarté de nos débats, je souhaite rendre mon amendement identique à l'amendement n° I-1388 rectifié de M. Cozic, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° I-1497 rectifié, dont le libellé est strictement identique à celui de l'amendement n° I-1388 rectifié.
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Après la séquence d'hier sur l'emprunt obligatoire, le Gouvernement préfère un amendement que son auteur a opportunément décidé de rectifier aux amendements identiques déposés par la gauche sénatoriale à la suite du vote de toute la gauche à l'Assemblée nationale…
Je constate que, avant même le rendez-vous prévu lundi prochain entre le Premier ministre et les socialistes, un compromis a été trouvé, sans aucune consultation de ma famille politique,…
M. Albéric de Montgolfier. Ni de la mienne !
M. Pascal Savoldelli. … alors même qu'il s'écarte de ce qu'ont voté les trois groupes de gauche de l'Assemblée nationale.
Comme vous le constatez, je n'ai pas de difficulté à tout mettre sur la table,…
M. Albéric de Montgolfier. Moi non plus !
M. Pascal Savoldelli. … et j'estime que nos collègues socialistes feraient bien de solliciter une brève suspension de séance pour nous dire ce qu'il en est. À l'hégémonie, préférez le dialogue, mes chers collègues !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-1388 rectifié et I-1497 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-1311 est présenté par MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L'amendement n° I-2509 rectifié ter est présenté par M. Delcros, Mmes Billon et Vermeillet, MM. Canévet et Dhersin et Mmes Florennes et Bourguignon.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le premier alinéa du 2 du VII de l'article 167 bis du code général des impôts, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Ces délais sont doublés lorsque les conditions suivantes sont réunies :
« 1° Le contribuable contrôle une société dans les conditions prévues au premier alinéa du 1 du I ;
« 2° La société contrôlée a bénéficié depuis sa création d'un montant cumulé d'aides fiscales ou budgétaires au moins égal à 100 000 euros. »
II. – Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État.
La parole est à M. Pierre Barros, pour présenter l'amendement n° I-1311.
M. Pierre Barros. L'an dernier, le Sénat a adopté un amendement visant à renforcer l'exit tax. Il rétablissait ainsi pour les dirigeants dont l'entreprise s'était vue verser au moins 100 000 euros d'aides publiques, un délai plus dissuasif, fixé à quatre ans pour les plus-values inférieures à 2,57 millions d'euros et à dix ans pour les plus-values supérieures à 2,57 millions d'euros.
Ce faisant, de manière transpartisane, le Sénat reconnaissait que la réforme Macron de 2018 ouvrait un boulevard à l'optimisation et à la planification d'évasion fiscale.
Lors d'une seconde délibération, le Gouvernement avait obtenu la suppression de cette avancée votée démocratiquement. Sur ces travées, beaucoup ne l'ont pas oublié.
Mes chers collègues, je vous propose donc de rouvrir ce débat et d'adopter le dispositif voté par le Sénat l'année dernière.
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour présenter l'amendement n° I-2509 rectifié ter.
M. Bernard Delcros. Comme chaque année, je présente cette disposition visant à réduire le délai au terme duquel les très grandes entreprises qui bénéficient de fonds publics français, notamment du crédit d'impôt recherche (CIR), bénéficient d'un dégrèvement d'office des plus-values latentes en dépit d'un changement de domiciliation.
Le délai de deux ans actuellement en vigueur me paraissant trop court, je propose de le porter à quatre ans.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-1311 et I-2509 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° I-399 rectifié bis, présenté par M. Canévet et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I – Le 2° du I de l'article 150-0 B ter du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase du premier alinéa, le taux : « 60 % » est remplacé par le taux : « 70 % » ;
2° À la seconde phrase du deuxième alinéa, les mots : « de gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier » sont remplacés par les mots : « bancaires, financières, d'assurances, de gestion ou de location d'immeubles » ;
3° Le onzième alinéa est ainsi rédigé : « Lorsque le produit de la cession est réinvesti dans les conditions prévues au présent 2° , les biens ou les titres concernés sont conservés pendant un délai d'au moins cinq ans, décompté depuis la date de leur inscription à l'actif de la société. Le non-respect de cette condition de conservation met fin au report d'imposition au titre de l'année au cours de laquelle cette condition cesse d'être respectée. » ;
4° À la deuxième et à la quatrième phrase du douzième alinéa, le taux : « 60 % » est remplacé par le taux : « 70 % ».
II. – Le I s'applique aux apports réalisés à compter du 1er janvier 2026.
III. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. Le présent amendement vise à modifier le dispositif dit d'apport-cession, en augmentant le délai de conservation par la holding des titres apportés ou de leur réemploi, en rehaussant la quotité du produit de la cession des titres apportés réinvestie dans l'économie réelle et en restreignant le champ des investissements donnant droit au maintien du report d'imposition, de manière à conforter leur utilité pour le financement de l'économie réelle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Le dispositif d'apport-cession permet de réinvestir de produit de la cession d'une entreprise dans une nouvelle entreprise sans imposition sur la plus-value réalisée, à condition de réinvestir au moins 60 % du produit de la cession dans un délai bref et au profit d'activités productives ou d'innovation. Ce mécanisme a permis, notamment, de soutenir l'activité de bon nombre de business angels.
Vous proposez de porter le seuil réinvesti à 70 %, d'allonger un peu le délai dans lequel l'investissement doit être effectué et d'exclure du champ éligible toutes les activités bancaires, financières, assurantielles ou immobilières, autrement dit toutes les activités que nous ne cherchons pas particulièrement à promouvoir.
J'estime donc qu'il s'agit de propositions positives. Au regard des échanges que nous avons eus hier, j'imagine que vous leur réserverez un accueil favorable.
Sur cet amendement, je m'en remets donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-1399 rectifié bis.
(L'amendement, modifié par la suppression du gage, est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3.
Article 4
L'article 48 de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025 est ainsi modifié :
I. – Au I, les mots : « du premier exercice » sont remplacés par les mots : « des deux premiers exercices » ;
II. – Au IV :
1° Au A :
a) Le premier alinéa est complété par les mots : « pour le premier exercice clos à compter du 31 décembre 2025 et à 10,3 % pour l'exercice suivant » ;
b) Au deuxième alinéa, après les mots : « inférieur à 1,1 milliard d'euros », sont insérés les mots : « et pour les redevables dont le chiffre d'affaires au titre de l'un de ces deux exercices est inférieur à 1 milliard d'euros et, au titre de l'autre exercice, supérieur ou égal à 1 milliard d'euros et inférieur à 1,1 milliard d'euros » ;
2° Au B :
a) Le premier alinéa est complété par les mots : « pour le premier exercice clos à compter du 31 décembre 2025 et à 20,6 % pour l'exercice suivant » ;
b) Au deuxième alinéa, après les mots : « inférieur à 3,1 milliards d'euros », sont insérés les mots : « et pour les redevables dont le chiffre d'affaires au titre de l'un de ces deux exercices est inférieur à 3 milliards d'euros et, au titre de l'autre exercice, supérieur ou égal à 3 milliards d'euros et inférieur à 3,1 milliards d'euros ».
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Mes chers collègues, il nous reste 2 129 amendements à examiner. Afin de gagner du temps, je souhaite attirer votre attention sur l'importance de la décision que nous nous apprêtons à prendre pour la vie de nos entreprises et de nos entrepreneurs.
J'estime tout bonnement incompréhensible la prorogation de la surtaxe d'impôt sur les sociétés que le Gouvernement défend depuis le début de l'examen de ce PLF.
La commission propose de supprimer cette surtaxe, comme le Parlement et le Gouvernement s'y étaient engagés. Il y va d'abord de notre crédibilité et du respect de la parole donnée.
Depuis la promulgation du budget pour 2025, au mois de février dernier, le Gouvernement n'a eu de cesse d'affirmer aux chefs d'entreprise que cette surtaxe ne s'appliquerait pour un exercice et pour un exercice seulement. En juin dernier, Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics, indiquait que le Gouvernement ne souhaitait en aucun cas « recourir à une baguette magique fiscale pour combler des écarts dont la cause est la hausse de la dépense ».
Je rappelle par ailleurs que, de même que le Gouvernement s'inquiète de la stabilité politique de notre pays, la stabilité fiscale est l'un des premiers sujets de préoccupation des entrepreneurs.
Tous les entrepreneurs que j'ai entendus jugent incompréhensible que, par facilité, le Gouvernement choisisse de taxer les entreprises, plutôt que de réduire les dépenses, lesquelles augmentent trop rapidement depuis 2019 – les chiffres, fournis par le Gouvernement lui-même, parlent d'eux-mêmes.
Je note d'ailleurs que le Conseil des prélèvements obligatoires soulignait récemment lui aussi que la priorité devait être donnée à la stabilité et la prévisibilité de la fiscalité.
Il sera impossible de réindustrialiser le pays si nous faisons peser cette inquiétude permanente sur les entreprises, lesquelles se voient menacées, un peu à l'improviste, de devoir s'acquitter d'un montant de 4 milliards d'euros – excusez du peu ! –, au titre d'une taxe que le Gouvernement s'était pourtant engagé à abroger.
Nous savons tous par expérience que, par le jeu des commandes croisées, les investissements des grandes entreprises contribuent à remplir les carnets de commandes des PME et des entreprises de taille intermédiaire constituant notre tissu industriel.
Gardons en tête, mes chers collègues, que les entreprises que le Gouvernement propose de taxer représentent près d'un quart de l'emploi salarié et plus de 50 % des exportations.
Il n'y a pas de « bon paramètre » pour cette surtaxe. Le seul bon paramètre est donc sa suppression.
M. Albéric de Montgolfier. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, sur l'article.
M. Thierry Cozic. L'article 4 pérennise, en divisant par deux les taux applicables, la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises (CEBGE).
Quelque 400 grandes entreprises qui réalisent au moins 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires dans notre pays étant redevables de cette contribution, il n'est nul besoin de vous lancer dans des diatribes sur les PME, qui n'entrent pas dans le périmètre de l'article 4, mes chers collègues !
Sous la présidence Macron, je le rappelle, le taux de l'impôt sur les sociétés est passé de 33 % à 25 %. Alors que le taux légal s'établit donc désormais à 25 %, on observe de plus que le taux réel de l'impôt payé par les grandes entreprises est en moyenne de 14 %, , contre 21,4 % pour les PME, alors même que les entreprises du CAC 40 réalisent régulièrement des bénéfices records.
Contrairement à ce que vous affirmez, mes chers collègues, ces profits records ne contribuent ni à l'investissement ni à l'augmentation des salaires, puisque la plus grande partie est reversée aux actionnaires – l'année dernière, quelque 100 milliards d'euros ont été reversés, ce qui constitue un record en Europe.
M. Olivier Rietmann. Mais quel pourcentage des bénéfices ce chiffre représente-t-il ?
M. Thierry Cozic. À cela s'ajoutent les 211 milliards d'euros aides publiques captées sans contrepartie ni condition par les entreprises visées par l'article 4.
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, sur l'article.
M. Grégory Blanc. Je tiens pour ma part à insister sur trois points.
Premièrement, l'OCDE plaide en effet pour que l'impôt sur les sociétés soit ramené aux alentours de 25 %. Je rappelle toutefois que, dans des pays comme les États-Unis ou l'Allemagne, des taux régionaux s'ajoutent au taux national d'impôt sur les sociétés, si bien que, toutes choses égales par ailleurs, les sociétés de même strate y sont imposées bien davantage qu'en France. Cet article n'a donc rien de scandaleux.
Deuxièmement, au-delà de l'opération de communication par laquelle le gouvernement Barnier a présenté l'instauration de la CEBGE, comme du reste de la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR), en indiquant que ce ne serait que pour un exercice, nous savons tous qu'il nous faudra trouver de 180 milliards d'euros à 200 milliards d'euros à l'horizon de 2031-2033.
Cela pourra certes passer par des économies – lors de l'examen du PLFSS, toutes les propositions d'économies de la gauche ont été balayées d'un revers de main –, mais il est certain qu'il faudra aussi augmenter la fiscalité. Prétendre l'inverse, c'est mentir à nos concitoyens. Il reste ensuite à débattre du périmètre de cette augmentation. Or j'estime qu'il n'y a rien de choquant à accroître la pression fiscale sur un certain nombre de grandes entreprises.
Troisièmement, et enfin, si nous voulons un compromis, si nous voulons un budget, si nous voulons de la stabilité pour notre pays, il faut que l'effort soit équitablement réparti. Supprimer cet article reviendrait à refuser le compromis et, partant, à compromettre nos chances d'avoir un budget et de la stabilité.
Nous sommes parvenus à instaurer la CEBGE. Comme la CDHR, il nous faut maintenant lui donner de la stabilité dans la durée.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l'article.
M. Marc Laménie. L'article 4 proroge en 2026 la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises, en divisant ses taux par deux.
Dans le PLF 2026, le total des recettes fiscales nettes est estimé à 373 milliards d'euros. Si l'on y ajoute les 140 milliards d'euros de remboursements et dégrèvements de l'État, le montant des recettes fiscales brutes atteindrait 513 milliards d'euros, soit 18,7 milliards d'euros de plus qu'en 2025.
Les recettes des trois principaux impôts sont ventilées comme suit : 109 milliards d'euros net pour la TVA, 104 milliards d'euros pour l'impôt sur le revenu et 59 milliards d'euros pour l'impôt sur les sociétés.
Le produit des petits impôts, qui est soutenu par la création d'impôts nouveaux ou par la prorogation d'impôts temporaires, s'établit à 100 milliards d'euros. L'impôt sur les sociétés, qui est le premier impôt sur les entreprises, représente 17 % des recettes fiscales pour 2025.
La prorogation de la CEBGE prévue par l'article 4 affaiblirait réellement la compétitivité des grandes entreprises et, partant, de l'emploi.
Je soutiendrai donc les amendements identiques de suppression de notre rapporteur général et de notre excellent collègue Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, sur l'article.
M. Olivier Rietmann. Comme je l'ai indiqué lors de la discussion générale, le respect de la parole de l'État commande la suppression de cette contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises, qui devait rapporter 8 milliards d'euros, et pas davantage.
Quand va-t-on mettre fin à cette instabilité fiscale, qui est le plus gros boulet que nous pouvons mettre au pied de nos entreprises ? Une question se pose, monsieur le ministre : quand va-t-on cesser d'introduire chaque année de l'instabilité dans les projets d'investissement des entreprises ?
Chaque année – et encore plus cette année que les autres, toutes nous le disent –, les entreprises tremblent de savoir ce qui va se passer l'année prochaine. Nous votons en novembre et décembre un budget qui s'applique l'année suivante et qui conditionne immédiatement les entreprises, alors qu'elles ont une vision de long terme, voire de très long terme.
J'entends dire que l'on ne touche ici que les grandes entreprises, et non les PME. De grâce, cessons de mettre en opposition les très petites, les petites, les moyennes et les grandes entreprises. Il s'agit d'un écosystème : quand on touche aux unes, on touche aux autres. Les grandes entreprises, ce sont du travail, des donneurs d'ordre, de la sous-traitance pour les petites et les très petites sociétés.
Cher Thierry Cozic, vous faisiez partie de la commission d'enquête sur les aides publiques. Bernard Arnault lui-même le disait : « Si je n'ai pas des petites ou de très petites entreprises, si je n'ai pas des artisans dans tous les territoires de notre pays qui sont capables de travailler le cuir de la meilleure des manières, je suis incapable de vendre des sacs à main made in France ».
Quant aux aides prétendument versées sans contrepartie, soit un peu plus de 200 milliards d'euros, elles doivent être comparées avec les cotisations et les impôts payés, soit 1 217 milliards d'euros. Leur contrepartie est donc d'au moins 1 000 milliards d'euros, acquittés par les entreprises. Même Marylise Léon et Frédéric Souillot reconnaissent qu'il ne faut pas remettre en cause les aides publiques. Ce que nous voulons, en la matière, c'est de l'évaluation.


