M. Fabien Gay. Cet amendement vise à rétablir un peu d'équité dans le dispositif du crédit d'impôt recherche. Actuellement, même si le taux est plafonné à 30 % pour les dépenses de recherche inférieures à 100 millions d'euros, certaines sociétés holdings utilisent leurs filiales pour bénéficier plusieurs fois du crédit d'impôt au taux majoré de 30 %.
Plusieurs groupes sont concernés. Sanofi, par exemple, a touché 1 milliard d'euros de crédit d'impôt recherche en dix ans – pas mal ! –, quand STMicroelectronics a perçu, en une seule année, 500 millions d'euros. Je précise que cette dernière entreprise ne paie pas d'impôt en France, alors que l'État français, aux côtés de l'État italien, est son premier actionnaire, et que le directeur de Bpifrance siège à son conseil d'administration.
Contrairement à ce que notre collègue Capo-Canellas a avancé il y a quelques instants, ces entreprises n'ont aucune obligation de s'implanter en France.
M. Vincent Capo-Canellas. Je n'ai pas dit cela !
M. Fabien Gay. Prenons à nouveau l'exemple de STMicroelectronics : le groupe a développé, avec de l'argent public, un nouveau microprocesseur à Tours pendant six ans, promettant aux salariés, aux syndicats et aux élus locaux que l'industrialisation du microprocesseur se ferait dans la région. Eh bien, l'entreprise vient de prendre la décision d'installer sa chaîne de production en Chine !
Je citerai encore l'exemple du groupe Safran, qui, bien que bénéficiant du crédit d'impôt recherche, a décidé de localiser ses activités de recherche hors de l'Union européenne.
Pour toutes ces raisons, nous proposons de recentrer le dispositif du CIR sur les holdings.
M. le président. L'amendement n° I-2140, présenté par MM. Gay, Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa du II de l'article 244 quater B du code général des impôts est ainsi rédigé :
« II. – Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt doivent concourir à la conversion du système productif vers une économie non carbonée. Les catégories de dépenses éligibles sont celles qui ne sont ni défavorables ni mixtes au sens du rapport remis au Parlement conformément à l'article 179 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 : »
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Au travers de cet amendement, nous proposons une évolution déterminante du CIR.
On peut estimer que certains secteurs ne sont pas voués à faire de la recherche fondamentale ; on pourrait donc les exclure du dispositif. Je pense par exemple à la grande distribution, aux banques ou au luxe. Cela permettrait de recentrer le CIR sur des secteurs qui ont réellement une activité de R&D.
Une question nous tient particulièrement à cœur : faut-il financer la recherche qui peut in fine déboucher sur des activités climaticides ? Cet amendement a précisément pour objet de concentrer le CIR sur la recherche visant à décarboner notre économie.
M. le président. L'amendement n° I-2091 rectifié, présenté par MM. Gay, Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l'article 244 quater B est ainsi modifié :
1° Au a, les mots : « acquis ou achevés avant le 1er janvier 1991 ainsi que celles des immeubles dont le permis de construire a été délivré avant le 1er janvier 1991 » sont supprimés ;
2° À la première phrase du second alinéa du d ter, le montant : « 2 millions d'euros » est remplacé par le montant : « 1 million d'euros » ;
3° À la seconde phrase du même second alinéa du même d ter, le montant : « 10 millions d'euros » est remplacé par le nombre : « 5 millions d'euros ».
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Cet amendement m'a été inspiré par une découverte majeure que j'ai faite lors des travaux de la commission d'enquête sur les aides publiques aux entreprises : sur les 30 millions d'euros qu'une entreprise peut percevoir au titre du CIR pour les dépenses inférieures à 100 millions d'euros, 30 % des dépenses peuvent être liées à l'externalisation de la recherche, dont 10 % à l'étranger, au sein de l'Union européenne.
On nous rebat les oreilles avec l'idée qu'il faudrait obligatoirement maintenir le CIR en l'état pour préserver l'emploi ; or non seulement cette idée est fausse puisqu'on peut licencier tout en percevant le crédit d'impôt recherche, mais, en outre, 10 % du montant total perçu peut être externalisé à l'étranger ; en général, c'est en Allemagne et dans les pays de l'Est. C'est une faculté à laquelle ont bien évidemment recours les grands groupes, et non les TPE et PME.
Nous proposons donc, au travers de cet amendement, d'abaisser de 30 % à 15 % la proportion maximale du montant de CIR perçu pouvant financer une activité de recherche externalisée et de passer de 10 % à 5 % le taux du CIR finançant de la recherche à l'étranger.
M. le président. L'amendement n° I-2084, présenté par MM. Gay, Savoldelli, Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 244 quater B du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – À compter du 1er janvier 2026, les sociétés bénéficiant du crédit d'impôt mentionné au I sont tenues de rembourser aux organismes de recouvrement l'intégralité de son bénéfice au titre des trois exercices précédents et en sont privées, pour une durée de trois ans, lorsque s'applique l'une des situations prévues au présent VII :
« a) l'entité procède directement ou indirectement, au transfert à l'étranger, total ou partiel, d'activités de recherche, de développement ou de production ayant bénéficié du présent crédit d'impôt ;
« b) l'entité engage sur le territoire national une cessation totale ou partielle d'activité, incluant la fermeture d'un site exerçant des activités éligibles au crédit d'impôt mentionnées aux I et II ;
« c) l'entité procède, sur son initiative ou sur celle d'une entité liée, dans une période de trente jours, au licenciement d'au moins dix salariés, qu'il s'agisse de licenciements pour motif économique individuels ou collectifs, de ruptures conventionnelles collectives, indépendamment de l'activité des employés, ou, sur une période de douze mois, à la rupture du contrat de travail de dix chercheurs ou techniciens directement affectés aux opérations de recherche et développement au cours de l'année précédant la date de déclaration du crédit d'impôt. »
« d) Lorsque, deux années consécutives, plus de 75 % des personnels directement affectés aux activités de recherche et de développement sont employés sous contrat à durée déterminée ou contrat de travail temporaire, l'entité perd le bénéfice du crédit d'impôt.
« Lorsque l'une de ces situations s'applique à une filiale ou à la société mère, ces obligations s'appliquent à l'ensemble du groupe. »
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Pensez-vous qu'il est normal qu'une entreprise puisse toucher le crédit d'impôt recherche en France et, en même temps, licencier des salariés ou fermer des sites de recherche ? Cela soulève une véritable question, mais personne ne parle jamais de couper le crédit d'impôt recherche, personne !
Si l'on veut véritablement favoriser la recherche en France, il va bien falloir instaurer une forme de conditionnalité. Reprenons l'exemple de Sanofi : cette entreprise a touché 1 milliard d'euros de crédit d'impôt recherche en dix ans – en réalité, c'est 1,1 milliard, mais je rabote à 1 milliard, pour calmer le jeu (Sourires.) –, mais, dans le même temps, elle a supprimé 3 500 postes dans la recherche, quand un certain nombre de sites industriels et de recherche ont fermé.
Et quel est le niveau d'efficacité de la recherche de Sanofi ? Pardon de le dire, mais, lors de la crise de la covid-19, ce grand groupe industriel pharmaceutique a été le dernier au monde à trouver un vaccin, bien après les laboratoires cubains, par exemple, qui travaillent pourtant sous blocus américain !
C'est un véritable enjeu. On peut certes prévoir des mécanismes d'accompagnement, mais il faut vraiment faire en sorte de conditionner le bénéfice du CIR au maintien de l'emploi.
M. le président. L'amendement n° I-1728, présenté par M. G. Blanc, Mme Senée, MM. Dossus, Benarroche, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l'article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le III bis de l'article 244 quater B du code général des impôts, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« III… – 1° Le bénéfice du crédit d'impôt recherche est subordonné au respect, par l'entreprise bénéficiaire, des conditions suivantes :
« a) L'absence, pendant une période de dix années suivant l'exercice au titre duquel le crédit d'impôt a été perçu, de transfert à l'étranger des activités de recherche ou de production directement liées aux projets ayant donné lieu au crédit d'impôt ;
« b) L'absence, au cours de cette même période, de cessation substantielle d'activité sur le territoire national, incluant toute fermeture d'établissement, ou de licenciement de plus d'un tiers des effectifs du site compromettant la poursuite durable de l'activité économique principale de l'entreprise ou de ses filiales situées en France ;
« c) L'ouverture, dans un délai d'un an suivant l'exercice au titre duquel le crédit d'impôt a été perçu, d'une négociation, conduite de bonne foi, avec les organisations syndicales représentatives ou, à défaut, avec les représentants élus du personnel au sein du comité social et économique, en vue de définir des engagements en matière de maintien et de développement de l'emploi sur le territoire national, en particulier pour les emplois directement liés aux projets ayant donné lieu au crédit d'impôt, dans le cadre des dispositions des articles L. 2242-1 et suivants du code du travail.
« 2° En cas de manquement à l'une de ces obligations, l'entreprise est tenue de rembourser le montant total du crédit d'impôt perçu durant la période. »
II. – Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du I.
La parole est à M. Grégory Blanc.
M. Grégory Blanc. Pour ma part, je suis d'accord avec la doctrine Rietmann : notre collègue nous a précédemment expliqué que, lorsqu'une entreprise faisait de la recherche quelque part, le développement se faisait au même endroit.
M. Olivier Rietmann. Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai dit !
M. Grégory Blanc. Eh bien, cet amendement vise justement à prévoir que, quand une entreprise bénéficie du CIR au titre d'une activité de recherche, elle ne peut pas licencier plus d'un tiers de ses effectifs – vous le voyez, nous sommes modérés – pendant les dix ans qui suivent.
En outre, nous proposons de conditionner le versement du CIR à l'existence d'un dialogue social, d'un accord entre partenaires sociaux. Il convient de prévoir une certaine souplesse, car une entreprise peut voir sa situation évoluer, mais les salariés doivent pouvoir, dans ce cas, obtenir des engagements. Il est inconcevable que des entreprises continuent de délocaliser, alors qu'elles profitent d'un soutien public massif !
M. le président. L'amendement n° I-190 rectifié, présenté par Mme Blatrix Contat, M. Montaugé, Mme Le Houerou, M. Bourgi, Mme Canalès, MM. Ros, Devinaz et Redon-Sarrazy, Mme Matray, MM. Fichet, Pla, Ziane et Bouad, Mmes S. Robert et Bélim, MM. P. Joly et Féraud, Mme Briquet, M. Kerrouche, Mme Monier et M. Tissot, est ainsi libellé :
Après l'article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I – Après le III bis de l'article 244 quater B du code général des impôts, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« III… – 1° Le bénéfice du crédit d'impôt recherche est subordonné au respect, par l'entreprise bénéficiaire, des conditions suivantes :
« a) L'absence, au cours d'une période de dix années suivant l'exercice au titre duquel le crédit d'impôt a été perçu, de transfert à l'étranger des activités de recherche ou de production directement liées aux projets ayant ouvert droit audit crédit d'impôt ;
« b) L'absence, au cours de cette même période, de cessation substantielle d'activité sur le territoire national, incluant toute fermeture d'établissement ou tout licenciement d'au moins un tiers des effectifs d'un site, lorsqu'ils compromettent la poursuite durable de l'activité économique principale de l'entreprise ou de ses filiales établies en France.
« 2° En cas de manquement à ces obligations, l'entreprise est tenue de rembourser le montant total du crédit d'impôt perçu durant la période. Lorsque l'acquéreur ou le bénéficiaire du transfert mentionné au a est une entreprise qualifiée de contrôleur d'accès au sens du règlement (UE) 2022/1925 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2022 relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique et modifiant les directives (UE) 2019/1937 et (UE) 2020/1828, le montant du reversement est majoré de 100 %. »
II – Un décret en conseil d'État précise les modalités d'application du I.
La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.
Mme Florence Blatrix Contat. Cet amendement vise à conditionner le bénéfice du CIR au maintien, sur le territoire national, des activités de recherche et de production.
Nous prenons au sérieux la vocation première du crédit d'impôt recherche : encourager la recherche, l'innovation et l'emploi en France. Il est donc légitime que les entreprises qui profitent de ce soutien public ne délocalisent pas les activités financées par le contribuable. Le dispositif proposé repose sur un principe simple : pas d'argent public pour financer des stratégies privées de désengagement, qu'il s'agisse de transfert d'activité, de fermeture de sites ou de destruction d'emplois.
En vertu de cette disposition, pendant dix ans, l'entreprise bénéficiaire ne peut transférer à l'étranger ses activités de recherche ou de production liées aux projets financés par le CIR ni procéder à une cessation d'activité compromettant durablement l'emploi sur un site.
M. le président. L'amendement n° I-2379 rectifié bis, présenté par Mme Guillotin, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Daubet, Mmes N. Delattre et Girardin, MM. Gold, Grosvalet et Guiol, Mmes Jouve et Pantel et MM. Roux et Masset, est ainsi libellé :
Après l'article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I – Après le III bis de l'article 244 quater B du code général des impôts, il est inséré un III ter ainsi rédigé :
« III ter. – 1° Le bénéfice du crédit d'impôt recherche est subordonné au respect, par l'entreprise bénéficiaire, des conditions suivantes :
« a) L'absence, pendant une période de dix années suivant l'exercice au titre duquel le crédit d'impôt a été perçu, de transfert à l'étranger des activités de recherche ou de production directement liées aux projets ayant donné lieu au crédit d'impôt ;
« b) L'absence de cessation substantielle d'activité sur le territoire national, incluant toute fermeture d'établissement, ou un licenciement de plus d'un tiers des effectifs du site compromettant la poursuite durable de l'activité économique principale de l'entreprise ou de ses filiales situées en France, au cours de cette même période.
« 2° En cas de manquement à ces obligations, l'entreprise est tenue de rembourser le montant total du crédit d'impôt perçu durant la période. »
II – Un décret en conseil d'État précise les modalités d'application du I.
La parole est à Mme Annick Girardin.
Mme Annick Girardin. Le présent amendement tend à renforcer la cohérence de notre politique de soutien à l'innovation en conditionnant le crédit d'impôt recherche au maintien, sur notre territoire, des activités de recherche et développement, de production et des emplois associés.
Avec un coût de 7,6 milliards d'euros en 2024, le CIR représente près de 60 % de nos aides publiques à l'innovation. Il doit donc garantir clairement notre souveraineté industrielle, notre capital humain et notre cohésion sociale.
Les travaux de France Stratégie montrent que l'effet du CIR reste limité pour les grandes entreprises, qui en captent pourtant l'essentiel, alors que les dépenses fiscales en faveur des PME offrent un retour sur investissement bien supérieur. L'absence de conditionnalité a même permis à certains groupes comme Sanofi de toucher plus de 100 millions d'euros par an, tout en réduisant fortement leurs effectifs dans le secteur de la R&D.
Nous proposons donc d'interdire pendant dix ans toute délocalisation ou suppression substantielle d'emplois liée au projet financé, sous peine, pour l'entreprise concernée, de devoir rembourser les sommes perçues. Il s'agit de garantir que l'argent public soutienne réellement l'innovation française et les emplois qui la font vivre.
Je pense que cet objectif concernera tous ceux qui, de droite comme de gauche, cherchent à concilier innovation et progrès social.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Au préalable, je tiens à rappeler que la première raison d'être du crédit d'impôt recherche est de réduire le coût du travail des ingénieurs ; d'ailleurs, certains appellent ce dispositif le « CICE (crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi) des ingénieurs ». Chacun sait qu'il existe un lien entre le coût du travail et l'instauration du CIR.
Je souhaite par ailleurs rappeler quelques éléments factuels sur les bénéficiaires du crédit d'impôt recherche. Les entreprises industrielles représentent plus de 55 % d'entre eux. Cette donnée est importante pour toutes celles et tous ceux, que je crois nombreux ici, qui souhaitent la réindustrialisation du pays. Par ailleurs, 59 % des créances profitent aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire (ETI).
Je veux également insister sur le fait que le crédit d'impôt recherche constitue, et de loin, notre principal levier de soutien à la recherche privée ; d'ailleurs, le tissu français de PME et d'ETI est important. À ce sujet, le niveau actuel des dépenses publiques de recherche en France se situe au-dessus de la moyenne de l'OCDE ; c'est un atout, mais cela ne signifie pas pour autant que l'on puisse tout financer.
J'en viens aux avis de la commission sur ces vingt-trois amendements en discussion commune.
La commission demande le retrait des amendements nos I-669 rectifié et I-1180 rectifié ter, qui ont pour objet de plafonner, à 100 millions d'euros, l'assiette du CIR ; un tel plafond constituerait un signal négatif pour l'industrie et jouerait en défaveur de l'emploi qualifié en France.
La commission a émis un avis défavorable sur les amendements qui tendent à modifier le barème ou la nature même du CIR ; le barème actuel correspond à un certain équilibre et permet tant aux PME qu'aux grandes entreprises de bénéficier de la réduction du coût du travail. Il s'agit des amendements nos I-74 rectifié sexies, I-250, I-1731, I-1732, I-1969 et I-667.
La commission est également défavorable aux amendements qui visent à modifier le périmètre d'appréciation du seuil de 100 millions d'euros, car cela pourrait défavoriser les groupes industriels structurants de notre tissu productif. Il s'agit des amendements nos I-674, I-1522 rectifié et I-2088 rectifié.
Elle est aussi défavorable à l'amendement n° I-2091 rectifié, qui a pour objet de restreindre l'assiette du crédit d'impôt recherche, en limitant les dépenses de sous-traitance, laquelle permet pourtant aux PME et aux laboratoires publics de bénéficier du CIR des grands groupes.
La commission a encore émis un avis défavorable sur les amendements qui visent à combiner des mesures de modification du barème ou de plafonnement de l'assiette : les amendements nos I-1181 rectifié ter, I-1179 rectifié ter, I-666 rectifié, I-1521 rectifié quater, I-2089 et I-2086.
Enfin, elle est défavorable aux amendements tendant à instaurer des dispositifs anti-transfert d'activité à l'étranger pendant une période de trois ou dix ans pour les bénéficiaires du crédit d'impôt recherche. Les rédactions proposées sont contraires au droit européen et, du reste, méconnaissent la réalité de la vie des entreprises. Il s'agit des amendements nos I-190 rectifié, I-1728, I-2084 et I-2379 rectifié bis.
Je le rappelle, l'an dernier, la commission des finances avait proposé un amendement, adopté par le Sénat, qui tendait à rationaliser le dispositif du CIR, pour une économie de 440 millions d'euros. Il faut éviter de modifier les mesures fiscales chaque année ; il convient de maintenir le cap de notre politique de soutien à la recherche.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l'ensemble de ces amendements en discussion commune.
Je me méfie de l'argument qui consiste à dire que, puisque l'on dépense beaucoup pour une mesure, cela montre qu'elle est inefficace et qu'il faut la raboter.
M. Stéphane Piednoir. Nous ne disons pas cela !
M. Roland Lescure, ministre. Certains d'entre vous l'ont dit, pas tous. Il y a eu beaucoup d'arguments différents, je ne veux pas donner l'impression de caricaturer les positions des uns et des autres, mais je me permets de faire une réponse groupée.
Nombre d'études démontrent que l'euro dépensé au titre du crédit d'impôt recherche est sans doute l'euro public le mieux dépensé : un euro de crédit d'impôt recherche produit un euro de dépense privée en plus.
Il y a beaucoup de niches fiscales en France ; à titre personnel, je suis favorable au soutien du mécénat, par exemple, mais il faut reconnaître que cette niche a un effet trois fois moindre : pour un euro de crédit d'impôt dépensé, on a 20 à 30 centimes de mécénat en plus. Le CIR, c'est un pour un ; il n'y a aucune politique publique dont l'effet multiplicateur soit aussi fort.
C'est vrai, cet effet est un peu moins fort pour les grandes entreprises – il est plutôt de 0,8 –, mais c'est normal, puisque le dispositif est plafonné : au-delà de 100 millions d'euros, le taux est de 5 % contre 30 % en deçà. C'est donc forcément un peu moins efficace pour les grandes que pour les petites sociétés, mais l'effet est tout de même extrêmement puissant par rapport à beaucoup d'autres avantages fiscaux.
Cela me conduit à répondre aux arguments liés à l'optimisation. Comme le montant de 100 millions d'euros s'apprécie filiale par filiale, certains sénateurs affirment que les groupes transféreraient des dépenses d'une filiale à l'autre. Là encore, des études démontrent que c'est absolument faux. Du reste, quiconque sait comment s'organise un grand groupe industriel disposant de centres de recherche sait bien que chaque centre a sa spécialité : ce n'est pas parce qu'un groupe fait de la thérapie génique à Troyes et des vaccins à Brest qu'il va transférer des dépenses de recherche de Troyes vers Brest dans une démarche d'optimisation fiscale. L'organisation des groupes est extrêmement rationnelle.
J'ai été ministre de l'industrie et de l'énergie pendant deux ans. J'ai rencontré à ce titre de nombreux investisseurs internationaux qui souhaitaient investir en France, car notre pays est le plus attractif d'Europe depuis six ou sept ans. Eh bien, le CIR – Dieu sait que nous avons des acronymes et Dieu sait que les investisseurs internationaux nous regardent habituellement avec des yeux de merlan frit quand on les mentionne –, tous le connaissent. Chacun le prononce dans sa langue, mais il est extrêmement connu, parce qu'il permet de rendre l'emploi d'ingénieurs à la française, réputés dans le monde entier, extrêmement compétitif par rapport à la concurrence.
Le budget du CIR correspondrait à peu près, selon certains d'entre vous, au budget cumulé des grands centres de recherche publique. En aucun cas je n'opposerai la recherche privée à la recherche publique : les deux types de recherche sont indispensables, mais, dans l'ensemble, les dépenses de recherche en France représentent un peu plus de 2 % du PIB, environ 2,2 % ou 2,3 % – j'aimerais que ce soit un peu plus –, dont deux tiers de recherche privée et un tiers de recherche publique. Cela prouve bien que ce dispositif est efficace. Un euro de recherche publique, c'est un euro de recherche – forcément, l'effet multiplicateur est moindre que pour la recherche privée.
Le rapporteur général l'a indiqué, vous avez adopté des mesures de rationalisation l'année dernière. Préservons la stabilité du crédit d'impôt recherche cette année ; évitons de compliquer ce dispositif simple, identifié, efficace et qui a un impact très fort sur la recherche privée pour les grandes, les moyennes et les petites entreprises.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour explication de vote.
M. Jean-François Rapin. Nous avons presque là une sorte de débat de contrôle sur le CIR ; cela nous fait en plus un entraînement en vue de la seconde partie du projet de loi de finances, car j'imagine que nombre des amendements défendus aujourd'hui seront redéposés lors de l'examen de la mission « Recherche et enseignement supérieur », dont je suis l'un des deux rapporteurs spéciaux au nom de la commission des finances.
À ce titre, cela fait sept ans que je vois cette niche fiscale évoluer, globalement dans le bon sens.
Je souhaiterais verser plusieurs éléments au débat, car il me semble que tout cela manque de chiffres ; on a donné le montant global de l'augmentation du CIR, mais pas le reste.
D'abord, cela n'a pas été dit, mais il faut le savoir, 52 % des dépenses éligibles au CIR sont destinées à favoriser l'emploi. Il s'agit donc d'un dispositif important de soutien de l'emploi. C'est normal, d'ailleurs, car le coût de l'emploi en France est beaucoup plus élevé que dans les autres pays, notamment européens.
Ensuite, on a beaucoup glosé sur le plafond de 100 millions d'euros de dépenses de R&D, mais, M. le ministre le confirmera peut-être, d'après les services du ministère de la recherche, au-dessus de ce seuil, l'optimisation fiscale représente 47 millions d'euros ; 47 millions sur 8,8 milliards d'euros… Certains ont avancé le chiffre de 500 millions d'euros, mais je ne sais pas ce qu'il recouvre, car mes sources mentionnent un montant beaucoup plus faible.
Quant à l'optimisation à laquelle se livreraient les grandes entreprises, elle passe par le recours à des TPE et à des PME. Donc attention à ce sujet !
Enfin, on nous dit : « Recherche en France, production en France. » Mais comment traite-t-on le cas d'Airbus ou d'Ariane ?
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-François Rapin. Ces entreprises font de la recherche en France, mais elles ont aussi des activités de développement et de production dans d'autres pays de l'Union européenne.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. Après avoir entendu les explications du rapporteur général et du ministre, la position du groupe Union Centriste est claire : nous considérons qu'il ne faut rien bouger (Exclamations amusées sur les travées des groupes SER et CRCE-K.) et, s'il fallait apporter des modifications à ce dispositif, qu'il ne faudrait pas improviser. Il faut bien mesurer les conséquences de chaque évolution.
Je ne serais pas contre la constitution, sur ce thème, d'un groupe de travail pluraliste placé sous l'égide du ministre de l'économie et des finances, mais il est crucial, à l'heure où la France a besoin d'innovation, de n'improviser aucune réforme, comme le proposent les auteurs de ces amendements.
La délégation sénatoriale aux entreprises a récemment reçu des représentants d'organisations patronales. À cette occasion, le président du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (Meti) soulignait que trois ingénieurs en France coûtaient autant que cinq ingénieurs en Allemagne. Nos entreprises supportent à l'évidence des charges plus élevées que leurs concurrentes des autres pays.
Fabien Gay indiquait précédemment que STMicroelectronics ne paie pas d'impôts en France, mais cette entreprise emploie plus de 10 000 personnes dans notre pays ; elle fait donc vivre plus de 10 000 familles ! (M. Fabien Gay s'esclaffe.) Cela signifie aussi qu'elle paie des cotisations sociales, qu'elle acquitte la taxe foncière et les autres prélèvements dus aux collectivités sur le territoire desquelles elle a des unités de production ! (M. Fabien Gay proteste.)
Revenons à la réalité et demandons-nous comment nous pouvons favoriser l'emploi en France. Pour notre part, nous pensons que le crédit d'impôt recherche est un bon outil pour cela. (M. Vincent Delahaye applaudit.)