M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, auteur de la question n° 812, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature, chargé de la transition écologique.
M. Guillaume Gontard. Madame la ministre, la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (Agec) a fixé un cap de réemploi de 10 % d'emballages d'ici à 2027. Cet objectif est applicable à tous les emballages, tous les matériaux et tous les secteurs d'activité.
Depuis 2020, cet engagement a structuré de nombreux investissements publics et privés. De nombreuses solutions de réemploi sont déjà matures ou en cours de déploiement, en France et en Europe.
Pour le carton, qui représente la majorité des emballages professionnels de transport, le réemploi fait tout à fait sens, même s'il est très largement recyclé aujourd'hui. Cette opération implique d'ajouter de la matière neuve, ce qui a un impact sur nos forêts.
Le recyclage suppose l'usage de produits chimiques, d'eau et d'énergie, alors que beaucoup de cartons sont encore en bon état et peuvent servir de nouveau. Dans ces conditions, le réemploi de 10 % de ces emballages est un objectif tout à fait atteignable.
Or, malgré cette évidence environnementale et économique et le volontarisme de la filière, nous devons y renoncer, à cause du décret relatif aux emballages ainsi qu'aux déchets d'emballages et instituant la filière de responsabilité élargie des producteurs d'emballages consommés ou utilisés par les professionnels et de l'arrêté portant cahier des charges des éco-organismes et des systèmes individuels de la filière à responsabilité élargie des producteurs des emballages ménagers, des imprimés papiers et des papiers à usage graphique.
Ces textes vont totalement à l'encontre de la loi et révèlent un changement de position incompréhensible. Le règlement européen prévoyant l'exemption sur laquelle la France veut s'aligner ne sera applicable qu'en août 2026 et ne crée, d'ici là, aucune obligation.
Surtout, les négociations avec la Commission européenne ne sont pas terminées et la France a défendu le maintien des ambitions nationales et une flexibilité minimum pour les États.
Au lieu de s'aligner sur un règlement non encore applicable, la France doit envoyer un signal de continuité, préserver les acquis et consolider les transformations déjà engagées. Un recul serait très mal perçu par les entreprises ayant investi dans des solutions de réemploi.
Madame la ministre, existe-t-il vraiment une volonté politique pour sauver les objectifs de réemploi en France ?
Pourquoi ne pas maintenir la pression dans les négociations ?
Pourquoi abandonner le réemploi du carton, qui est une évidence tant en matière d'écologie que sur le plan financier, alors que ce matériau représente 40 % des déchets ?
Quelle garantie allez-vous donner aux entreprises qui ont déjà investi pour le réemploi ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Chabaud, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature, chargée de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur Gontard, vous attirez l'attention du Gouvernement sur l'exemption des emballages en carton des objectifs de réemploi au niveau national.
La loi Agec a introduit des mesures ambitieuses pour accélérer le développement du réemploi des emballages, avec notamment un objectif de 10 % d'emballages réemployés pour 2027.
Toutefois, l'adoption, à la fin de 2024, du règlement européen sur les emballages, qui fixe des objectifs de réemploi pour 2030 et dont les emballages en carton sont exemptés, obligera à redéfinir les contours de nos objectifs nationaux.
En effet, si ce nouveau règlement laisse aux États membres la possibilité d'aller plus loin en la matière, la Commission européenne leur a récemment précisé les flexibilités dont ils bénéficient.
Ainsi, elle a confirmé qu'il n'était pas possible de fixer des objectifs pour les emballages explicitement exemptés d'obligation. C'est le cas notamment des emballages en carton, mais également des emballages de produits dangereux ou encore de médicaments.
Les États membres peuvent seulement fixer des objectifs plus ambitieux pour les emballages pour lesquels des taux de réemploi sont fixés au niveau européen ou pour ceux sur lesquels le règlement est muet, mais ne prévoit pas d'exemption.
L'ambition initiale de la France, qui a présidé au projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (Ddadue) auquel vous faites allusion, n'était pas de remettre en cause les objectifs de réemploi nationaux.
Cependant, sa préparation étant antérieure aux précisions apportées par la Commission, ce texte devra être amendé lors de son examen au Parlement pour assurer sa conformité avec le droit européen.
Le cahier des charges de la filière REP – responsabilité élargie du producteur – des emballages professionnels a, quant à lui, été mis en conformité avec le droit européen dans le cadre des dernières étapes de consultation.
Le dispositif de primes pour les emballages réemployables ainsi que les soutiens aux solutions de réemploi pourront toutefois être mobilisés pour inciter à la mise sur le marché d'emballages en carton réemployables.
exécution budgétaire du ministère de l'éducation nationale, baisse des crédits dédiés aux bourses et fonds sociaux collégiens et lycéens
M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, auteure de la question n° 554, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
Mme Colombe Brossel. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.
Je souhaite attirer son attention sur la situation budgétaire particulièrement préoccupante du ministère de l'éducation nationale et sur la ponction opérée sur les bourses et fonds sociaux collégiens et lycéens telle qu'elle a été mise en lumière notamment par un récent rapport de la Cour des comptes, publié en avril dernier.
Ce rapport relève un effort d'économies d'une ampleur exceptionnelle : près de 692 millions d'euros annulés, dont près de 480 millions sur la masse salariale, alors même qu'un besoin de financement de plus de 300 millions d'euros avait été identifié dès la programmation budgétaire.
Pour respecter la trajectoire strictement comptable fixée par le Gouvernement, 213 millions d'euros d'économies ont dû être dégagés, conduisant les services à procéder à des choix lourds de conséquences.
Parmi toutes ces coupes, l'une retient particulièrement notre attention, et celle de la communauté éducative : la réduction de 20 millions d'euros des bourses et fonds sociaux destinés aux collégiens et aux lycéens.
Ces dispositifs sont pourtant essentiels pour garantir l'accès à la restauration scolaire et soutenir les élèves et leurs familles confrontés à des difficultés financières ; ils constituent un filet de sécurité indispensable pour permettre aux jeunes concernés de suivre leur scolarité dans des conditions dignes.
Notre inquiétude ne fait que s'accroître alors que le projet de loi de finances que nous discutons actuellement prévoit une baisse de 41 millions d'euros des crédits du programme 230 « Vie de l'élève ». Alors que les familles sont déjà fragilisées par l'inflation et par la précarité croissante, ce choix interroge profondément.
Comment peut-on affirmer vouloir la réussite de tous les élèves en diminuant les moyens qui leur permettent concrètement d'étudier, de se nourrir et de vivre leur scolarité sereinement ?
Je souhaite comprendre les raisons qui ont conduit le ministre à cibler ces crédits.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Chabaud, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature, chargée de la mer et de la pêche. Madame la sénatrice Colombe Brossel, vous interrogez mon collègue Edouard Geffray sur la situation budgétaire du ministère de l'éducation nationale et tout particulièrement sur la question des crédits qui ont été alloués en 2024 aux bourses et aux fonds sociaux collégiens et lycéens. Le ministre étant retenu, je vous prie de bien vouloir l'excuser et me propose de vous transmettre les éclairages demandés.
Dans le cadre des efforts budgétaires collectifs engagés et des économies auxquelles nous avons dû procéder sur le programme « Vie de l'élève » en 2024, une partie des annulations de crédits a effectivement dû porter sur le dispositif de fonds sociaux.
Pour autant, le Gouvernement est attaché, tout comme vous, à traiter les situations difficiles que peuvent connaître certains élèves ou leurs familles pour assurer les dépenses de scolarité ou de vie scolaire. Cette baisse n'a donc pas conduit à une diminution des aides versées aux familles.
En effet, il a été constaté qu'une trésorerie suffisante était disponible dans les établissements scolaires au titre des fonds sociaux pour assurer une ressource au moins égale aux aides versées en 2023.
En conséquence, nous avons pu diminuer la délégation de crédits aux établissements tout en préservant les moyens dédiés à cette aide. Ceux-ci se sont élevés au total à 84 millions d'euros en 2024, dont 37 millions d'euros délégués aux académies en gestion et 47 millions d'euros au titre de la trésorerie disponible dans les établissements scolaires.
Le montant total de cette ressource reste, de plus, bien supérieur aux aides versées aux familles, pour un total de 40 millions en 2024, dont 19 millions d'euros au titre du fonds social pour les cantines.
J'y insiste donc : l'aide apportée aux familles reste une priorité forte pour mon collègue afin de permettre aux élèves de bénéficier des meilleures conditions de réussite possible.
M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour la réplique.
Mme Colombe Brossel. D'un point de vue mathématique, il est étonnant de constater que, alors que la pauvreté explose en France, les fonds sociaux seraient moins utilisés.
Je me permets de vous répondre sous forme de boutade : nous avons appris hier que des contractuels de l'éducation nationale voyaient leurs contrats s'interrompre faute d'argent pour les payer ; n'hésitez donc pas à abonder les lignes budgétaires là où les besoins existent !
réforme du brevet des métiers d'art
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, auteure de la question n° 794, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
Mme Laure Darcos. Ma question s'adresse également au ministre de l'éducation nationale.
La réforme de la formation aux métiers d'art suscite une vive inquiétude. Le brevet national des métiers d'art (BNMA), qui s'obtiendra désormais en trois ans, va remplacer l'actuel parcours des formations de quatre ans qui comportait le certificat d'aptitude professionnelle (CAP) des métiers d'art et le brevet des métiers d'art (BMA).
Cette réforme n'a cependant fait l'objet d'aucune concertation avec les instances représentatives des artisans d'art.
Si l'objectif affiché est de moderniser et de rendre plus lisible la filière, la réalité est tout autre, avec une diminution drastique des volumes horaires d'enseignement et de formation en milieu professionnel.
Or la transmission du geste, de la rigueur et des savoir-faire d'excellence exige du temps, de la pratique et une progression étalée dans le temps. Les études professionnelles démontrent qu'il faut environ dix années de pratique à un artisan d'art pour la maîtrise complète de son métier.
Cette réforme aura pour conséquence de compromettre la qualité de la formation, l'insertion professionnelle des jeunes et la pérennité même de nos savoir-faire, reflets de l'excellence et de la créativité française dans le monde.
En outre, réduire la durée de la formation des jeunes aspirant à devenir de futurs professionnels des métiers d'art revient à faire porter la charge de l'apprentissage sur les entreprises.
Or le secteur, constitué à 80 % d'entités unipersonnelles, notamment en Essonne, n'a ni les moyens ni le temps de combler les lacunes de la formation initiale.
L'heure est grave, madame la ministre. En procédant à marche forcée, le Gouvernement prive tout un secteur stratégique, fort de plus de 60 000 entreprises et d'un chiffre d'affaires de 19 milliards d'euros, d'un débat nécessaire sur son avenir.
Aussi, ma question est la suivante : le Gouvernement entend-il renouer le dialogue avec les professionnels des métiers d'art pour bâtir une réforme faisant consensus et tenant compte des réalités pédagogiques et économiques de ces métiers ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Chabaud, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature, chargée de la mer et de la pêche. Madame la sénatrice Laure Darcos, vous interrogez mon collègue Edouard Geffray sur un sujet qui nous tient à tous à cœur.
Permettez-moi de rappeler que, actuellement, pour suivre une formation préparant au brevet des métiers d'art, les élèves doivent d'abord avoir obtenu un certificat d'aptitude professionnelle.
Demain, avec la création du brevet national des métiers d'art, préparé en trois ans, c'est une formation de niveau baccalauréat professionnel, spécifique aux métiers d'art, qui devient accessible dès la classe de troisième.
L'objectif est d'ouvrir la filière en la rendant plus visible et plus attractive afin d'y attirer un nouveau public.
Dans cette nouvelle configuration, les CAP des métiers d'art sont maintenus dans l'offre de diplômes de l'éducation nationale pour les jeunes étudiants qui préfèrent passer par cette étape et bénéficier d'une formation progressive.
Par ailleurs, le volume horaire d'enseignement professionnel est renforcé par rapport à celui du baccalauréat professionnel. Des certificats de spécialisation en un an, post-baccalauréat professionnel, seront aussi créés, en fonction des besoins exprimés par les professionnels.
Cette transformation ne se construit évidemment pas sans la nécessaire consultation des parties prenantes. Les organisations professionnelles représentatives, siégeant à la commission professionnelle consultative « Arts, spectacle et médias », ont été consultées au cours du premier semestre 2025 ; les membres de ladite commission ont d'ailleurs émis un avis conforme le vendredi 10 octobre 2025.
Les professionnels sont aussi associés aux travaux de rédaction des référentiels de chaque spécialité de BNMA. Cela permettra de répondre pleinement aux besoins en matière de compétences, dans le respect de l'ambition d'excellence de cette filière, soyez-en assurée.
La transformation de l'offre de formation professionnelle préparant aux métiers d'art lui permettra donc de gagner en souplesse à travers des parcours diversifiés afin d'attirer de nouveaux profils de jeunes et améliorera l'insertion des nouveaux diplômés en veillant à donner à l'éducation nationale toute sa place aux côtés des entreprises du secteur.
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour la réplique.
Mme Laure Darcos. Nos métiers d'art sont enviés dans le monde entier.
Le Sénat dispose d'un groupe d'études Métiers d'art et nous ne manquerons pas d'auditionner le ministre dans ce cadre pour confirmer avec lui que tous les métiers d'art ont véritablement été consultés avant cette réforme en profondeur.
fermeture de nombreuses boîtes postales
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, auteur de la question n° 606, adressée à Mme la ministre de l'action et des comptes publics.
M. Olivier Henno. Ma question concerne la présence postale.
Soyons clairs, il ne s'agit pas d'exprimer la nostalgie de la petite voiture jaune qui parcourait les routes de France, même si ce souvenir ne me laisse pas indifférent.
Il ne s'agit pas non plus de nier les évolutions technologiques en raison desquelles les courriels, textos et messages remplacent souvent les lettres, courriers ou encore cartes postales.
Il ne s'agit pas, enfin, de nier les bouleversements induits par les réalités économiques et financières.
Je souhaite simplement interroger le Gouvernement sur sa vision du service public postal et sur l'équilibre envisagé entre contraintes économiques et service public.
Cette question est essentielle, car jamais le sentiment d'abandon dans certains quartiers, certains villages ou dans la ruralité n'a été aussi important. Il nous revient donc de lever les craintes et de rassurer.
Le risque de désertification rurale est une souffrance pour notre pays, et il est réel dans certains territoires de mon département : les Flandres, le Valenciennois, le Douaisis, le Cambrésis, l'Avesnois ou encore certaines communes très éloignées de Lille.
Madame la ministre, quelles garanties pouvez-vous nous apporter pour que, demain, un maillage territorial minimal d'une boîte aux lettres par commune soit assuré ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Chabaud, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature, chargée de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur Olivier Henno, je vous remercie de votre question.
La Poste, comme vous le savez, subit depuis plusieurs années une baisse structurelle de son activité courrier : six milliards de lettres envoyées en 2023 contre dix-huit milliards en 2018, et une prévision de moins de trois milliards d'ici à 2030.
Ce volume est, par ailleurs, constitué majoritairement de courriers professionnels. La part des envois de particuliers est aujourd'hui très faible, avec moins de 5 % des volumes totaux.
Vous le savez, les usages en matière d'envoi de courrier ont fortement évolué : l'avènement du numérique, la répartition de la population sur le territoire, les habitudes de travail et de consommation ont provoqué une réduction considérable de l'usage des boîtes aux lettres jaunes. Sur le terrain, nous constatons que certaines d'entre elles ne reçoivent quasiment plus de courrier à expédier.
Ces évolutions obligent donc La Poste à rationaliser les implantations des boîtes, qui remontent aux années 1960.
Par ailleurs, La Poste doit réviser son parc à mesure que les boîtes vieillissent ou que des modifications d'urbanisme et des aménagements routiers changent leur situation et rendent leur accès difficile, voire dangereux.
Tous ces facteurs conduisent l'entreprise à faire progressivement évoluer le maillage des boîtes aux lettres jaunes. Les suppressions ne sont pour autant pas systématiques et doivent toujours s'appuyer sur un échange avec les élus, sur la base d'un diagnostic précis. La décision est donc prise en concertation avec le maire, et un délai de prévenance d'un mois est prévu avant le retrait effectif de la boîte. L'information est diffusée auprès des habitants par affichage sur la boîte, lequel indique le point le plus proche pour poster son courrier.
Pour les personnes isolées ou ayant des difficultés à se déplacer, le service Allô facteur via le 36 31 permet le passage du facteur au domicile dès le lendemain de l'appel afin de collecter le courrier.
La Poste a ainsi engagé une démarche progressive d'adaptation du réseau de ses boîtes jusqu'en 2030. À terme, au moins une boîte par commune et pour 1 000 habitants sera maintenue.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour la réplique.
M. Olivier Henno. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Encore une fois, il ne s'agit pas de nier les évolutions et la nécessité de rationaliser, non plus que les questions de rentabilité.
J'entendais toutefois sensibiliser le Gouvernement à la question du service public : la désertification rurale est une réalité dans notre pays et elle est également très coûteuse.
avenir des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement
M. le président. La parole est à M. Pierre Barros, auteur de la question n° 793, adressée à Mme la ministre de l'action et des comptes publics.
M. Pierre Barros. Présents dans 92 départements, les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) offrent aux collectivités locales comme aux particuliers des services et des conseils de qualité à titre gratuit. Or leur avenir est en jeu.
La réforme du mode de collecte de la taxe d'aménagement, passée depuis 2022 des directions départementales des territoires aux directions départementales des finances publiques, a donné lieu à un manque à gagner pour les communes et les départements estimé à 1,5 milliard d'euros.
La cause de cet échec est connue : un transfert hasardeux, faute de moyens humains et d'outils informatiques suffisamment développés.
L'État demande toujours plus à la direction générale des finances publiques (DGFiP), alors que plus de 30 000 emplois y ont été supprimés entre 2008 et 2024.
Cette situation emporte des conséquences en cascade sur les CAUE : le CAUE de la Manche est en liquidation, celui de l'Orne est menacé de dissolution, mille emplois sont en danger. Dans le Val-d'Oise, le CAUE devra puiser dans sa trésorerie pour assurer ses missions en 2026. Qu'adviendra-t-il ensuite ?
Ce dernier CAUE a accompagné, en 2024, vingt-huit communes, a offert 390 conseils aux particuliers et a sensibilisé un large public jeune. La disparition de ces conseils porterait un coup dur à l'exigence d'amélioration du cadre de vie de notre pays.
L'État, bien qu'il soit responsable de ce dysfonctionnement, n'envisage pourtant aucun correctif, hormis le déclenchement d'une mission d'inspection interministérielle.
Monsieur le ministre, ma question est donc simple : le Gouvernement envisage-t-il de débloquer un fonds de sauvegarde national spécifiquement dédié à la sauvegarde immédiate du réseau des CAUE ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. David Amiel, ministre délégué auprès de la ministre de l'action et des comptes publics, chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État. Monsieur le sénateur, je tiens tout d'abord à réaffirmer l'attachement du Gouvernement au rôle que jouent les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement dans nos territoires.
Votre question porte sur les conséquences de la réforme de la taxe d'aménagement, et elle est parfaitement légitime. Je souhaite toutefois rappeler plusieurs éléments de contexte.
En premier lieu, la diminution des recettes liées à la taxe d'aménagement résulte du recul de la construction ces dernières années. Votre assemblée le rappelle régulièrement : nous traversons une crise du logement importante, laquelle s'explique par de multiples facteurs, à commencer par la hausse des taux d'intérêt, qui a considérablement freiné la demande de construction de logements.
Une réforme de la temporalité du recouvrement de la taxe d'aménagement est également intervenue : celle-ci étant désormais collectée à l'achèvement des travaux plutôt qu'à leur démarrage, un creux temporel s'est mécaniquement créé durant la phase de transition d'un système à l'autre.
Vous avez raison de le souligner, des difficultés temporaires sont apparues, liées au transfert du recouvrement à la direction générale des finances publiques. Les retours de terrain que vous effectuez nous sont précieux, ainsi qu'à la DGFiP, puisqu'ils permettent d'ajuster le dispositif de manière à le rendre plus opérationnel.
Durant cette période de transition, les services de l'État ont eu la charge de gérer simultanément d'anciens dossiers et de nouveaux flux, ce qui a effectivement donné lieu à des retards d'encaissement.
Aujourd'hui, un travail de rattrapage est engagé, en lien avec les élus, et des versements interviendront dans les prochains mois. Je tiens à l'indiquer très clairement : les collectivités ne subiront aucune perte définitive ; les redevables sont identifiés et les montants dus seront recouvrés.
C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas retenu la solution consistant en la création d'un fonds national de sauvegarde, lequel substituerait une dépense budgétaire de court terme à une ressource fiscale restant recouvrable. Notre responsabilité consiste plutôt à garantir le recouvrement complet et durable de cette dernière.
M. le président. La parole est à M. Pierre Barros, pour la réplique.
M. Pierre Barros. Je vous remercie de cette réponse, monsieur le ministre, mais il n'en demeure pas moins que les CAUE, dont celui du Val-d'Oise, dont les membres sont présents dans les tribunes, vont devoir faire face à un énorme problème de trésorerie, qui est également lié à la capacité d'épargne des départements.
La mise en tension des collectivités territoriales, communes, départements, régions, se répercute en cascade sur les associations qui leur sont liées, parmi lesquelles les CAUE. C'est une véritable bombe sociale qui menace d'éclater.
J'espère pouvoir compter sur votre accompagnement au quotidien.
conséquences de la réforme de la taxe d'aménagement
M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon, auteure de la question n° 803, transmise à Mme la ministre de l'action et des comptes publics.
Mme Anne Ventalon. Monsieur le ministre, quand une réforme prétend simplifier, mais finit par asphyxier nos territoires, il est urgent de tirer la sonnette d'alarme.
Depuis 2022, la réforme de la taxe d'aménagement plonge nos collectivités locales, et surtout nos CAUE, dans une véritable impasse. Exigibilité reportée à l'achèvement des travaux, transfert de la gestion à la DGFiP, logiciel défaillant, retard de recouvrement : toutes ces difficultés s'additionnent et nos territoires en paient le prix.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : selon les projections de la commission des finances du Sénat, le rendement national de la taxe d'aménagement devrait chuter de 56 % entre 2023 et 2025.
Disposant auparavant de ressources stables, de nombreux CAUE sont aujourd'hui menacés de disparition. Dans mon département de l'Ardèche, l'effondrement est brutal : de 2,9 millions d'euros de taxe d'aménagement en 2023, nous tombons à 650 000 euros en 2025.
Pour le CAUE, cela signifie passer de 800 000 euros de crédits à 169 000 euros, l'obligeant ainsi à puiser dans son fond associatif.
Derrière ces chiffres, ce sont des missions essentielles qui vacillent : conseil architectural, accompagnement des élus, soutien à l'ingénierie locale. Dans nos territoires ruraux, beaucoup de projets ne verraient tout simplement pas le jour sans les CAUE.
Le Sénat a fait son travail : le rapport de la mission flash de contrôle budgétaire de la commission des finances a documenté les dysfonctionnements et a formulé des recommandations claires. Il vous appartient désormais, monsieur le ministre, de les traduire en actes.
Quand prendrez-vous des mesures de sauvegarde pour les CAUE ? Quand rétablirez-vous un mécanisme garantissant des ressources stables, prévisibles et à la hauteur des missions que ces conseils assument ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. David Amiel, ministre délégué auprès de la ministre de l'action et des comptes publics, chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État. Je comprends combien que cette question taraude nombre d'entre vous et je tenterai de compléter les éléments de réponse que j'ai pu formuler jusqu'ici.
La réforme de la collecte de la taxe d'aménagement rend celle-ci exigible à l'achèvement des travaux, et non plus à la délivrance du permis de construire, avec des exceptions pour les projets dont l'emprise au sol dépasse 5 000 mètres carrés.
Quel est l'objectif de cette évolution ? Il s'agit d'abord d'éviter l'écueil du système précédent, dans lequel plus d'un quart des sommes collectées au titre de la taxe d'urbanisme devaient être remboursées aux usagers et reversées par les collectivités elles-mêmes. Cela se produisait simplement lorsque des projets étaient abandonnés entre la délivrance du permis et l'achèvement supposé des travaux, lesquels n'avaient finalement pas lieu.
Ensuite, vous rappelez à juste titre qu'une baisse très importante de la collecte de cette taxe a été observée ces dernières années. Au niveau national, nous sommes passés de 2,2 milliards d'euros en 2023 à 1,5 milliard en 2024. Nous ne disposons pas encore des chiffres définitifs pour 2025, mais cette baisse devrait se poursuivre.
Cette situation est d'abord due à la diminution du nombre de permis de construire délivrés ces dernières années, qui se répercute sur le nombre de projets : entre 2022 et 2024, nous avons enregistré une baisse de 31 % du nombre de permis délivrés, ce qui emporte un impact immédiat sur les montants de la taxe et explique les chiffres que vous avancez.
Cela étant dit, des difficultés opérationnelles ont effectivement accompagné la transition vers ce nouveau système. C'est la raison pour laquelle la DGFiP échange notamment avec l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) et de très nombreux élus afin d'établir un point de situation sur les sommes restant à collecter, tant par les directions départementales des territoires (DDT), qui ont encore un stock d'anciens dossiers à traiter, que par la DGFiP elle-même.
Des montants conséquents devraient ainsi être mis en liquidation et collectés au cours des prochains mois, afin de garantir que toutes les sommes dues soient bien perçues et attribuées.