Mme la présidente. La parole est à Mme Solanges Nadille. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Solanges Nadille. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans l'examen du projet de loi de finances pour 2026, la mission « Outre-mer » appelle une vigilance toute particulière. Chacun le sait, elle ne représente qu'une partie limitée de l'effort global de l'État en faveur des outre-mer, mais elle reste un marqueur politique fort de la considération portée à nos territoires.
Les constats dressés par les rapporteurs, dont je salue le travail, sont sans ambiguïté : le PLF pour 2026 prolonge une trajectoire de baisse très préoccupante des crédits de la mission, avec une diminution de près de 18 % en autorisations d'engagement et de 5 % en crédits de paiement, dont les montants s'établissent respectivement à 628 millions et 153 millions d'euros.
Nous connaissons tous le contexte de redressement de nos finances publiques, et la nécessité de contenir un déficit qui demeure élevé, mais nous devons avoir le courage politique de le dire : demander aux outre-mer de supporter cet effort dans de telles proportions revient à leur infliger une double peine.
Car les réalités sociales et économiques sont déjà extrêmement dégradées dans ces territoires : près d'un tiers de la population ultramarine vit sous le seuil de pauvreté ; le chômage atteint encore des niveaux très supérieurs à ceux de l'Hexagone ; l'accès à l'eau potable demeure un défi quotidien en Guadeloupe, à Mayotte ou dans d'autres territoires ; et les écarts de prix, alimentés par la dépendance aux importations, pèsent lourdement sur le pouvoir d'achat de nos concitoyens.
Ces fragilités structurelles ont été accentuées par les crises récentes. Mayotte et La Réunion ont été durement frappées par des cyclones dévastateurs. En Guadeloupe comme en Martinique, la cherté de la vie continue de produire ses effets. Le prix de la distance à payer est d'autant plus lourd lorsqu'on se trouve en Polynésie ou qu'on dépend des flux inter-îles dans des territoires-archipels comme la Guadeloupe.
La réduction des crédits de la mission « Outre-mer » ne peut qu'aggraver les difficultés existantes et, à terme, coûter bien davantage à l'État.
Je veux cependant souligner un point positif : notre groupe tient à remercier le Gouvernement d'avoir entendu les alertes sur le dispositif Lodéom, dont l'importance pour l'emploi et la survie de notre tissu économique n'est plus à démontrer. Cet élan de lucidité et de responsabilité est à saluer. Il doit être accompagné, par cohérence, de la réallocation ou de la réaffectation des crédits correspondants au sein de cette mission.
Par ailleurs, d'autres sujets majeurs demeurent. Le logement, d'abord. La LBU, inscrite au programme 123, est un instrument central de la résorption de l'habitat insalubre, qui concerne encore 16 % du parc immobilier ultramarin. En Guadeloupe comme ailleurs, le logement est aujourd'hui un facteur de précarité extrême. Nous sommes disposés à repenser en bonne intelligence le dispositif, mais une baisse des crédits dès maintenant fragiliserait gravement les territoires, notamment au regard des contraintes européennes et dans l'attente de la signature, enfin concrétisée, du plan logement outre-mer.
La continuité territoriale est un autre pilier de l'égalité réelle. Elle conditionne fortement l'accès aux études supérieures, à la formation, à l'emploi, mais aussi l'accompagnement des familles dans les moments les plus douloureux, comme le décès d'un proche. L'Agence de l'outre-mer pour la mobilité est l'acteur public de référence, qui incarne cette politique. Réduire ses moyens humains et financiers, alors même que de nouveaux dispositifs de mobilité sont annoncés, constitue une incohérence. Il est indispensable de revaloriser ses actions, tout en poursuivant le travail stratégique engagé sur son fonctionnement.
Je souhaite enfin insister avec gravité sur le respect du protocole d'objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère. Un an après les émeutes en Martinique et la signature du protocole entre l'État, la collectivité et les acteurs économiques, il serait extrêmement dangereux de rendre une copie vide en ce qui concerne la traduction de ces engagements, notamment en matière de frais d'approche.
Nous restons également préoccupés par la baisse des engagements de l'État sur les contrats de convergence et de transformation, par la diminution des dotations scolaires en Guyane comme à Mayotte, ou encore par la réduction significative du fonds exceptionnel d'investissement, pourtant reconnu pour son efficacité.
Madame la ministre, mes chers collègues, les outre-mer ne demandent pas des privilèges. Ils demandent le respect de la parole de l'État, de la stabilité, et une ambition proportionnée aux réalités qu'ils affrontent. Ils ne peuvent être, une fois encore, la variable d'ajustement des équilibres budgétaires nationaux. C'est dans cet esprit de responsabilité que le groupe RDPI abordera l'examen de cette mission. (M. Thani Mohamed Soilihi applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Saïd Omar Oili. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Saïd Omar Oili. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, un an après Chido, ce projet de loi de finances pour 2026 est un bon révélateur des engagements du Gouvernement vis-à-vis de Mayotte.
Du point de vue de l'application des lois, le bilan est maigre. Trois lois pour Mayotte ont été votées depuis le début de l'année. Sur 51 décrets prévus, 19 ont été publiés. Un comité de suivi de la loi du 11 août devait être mis en place début novembre : toujours aucune communication officielle à ce jour, à part des annonces dans la presse.
Du point de vue budgétaire, le bilan est encore plus maigre. Dans l'article 2 de la loi de programmation pour la refondation de Mayotte figure un tableau très intéressant, comportant quinze opérations chiffrées, et indiquant le fameux total des 4 milliards d'euros pour la refondation de Mayotte. Ce tableau constitue une feuille de route pour le suivi des engagements du Gouvernement.
Sur les 4 milliards d'euros annoncés, la vérité se trouve dans le projet de budget pour 2026. Pour la nouvelle piste d'aéroport, 1,2 milliard d'euros figurent dans le tableau, mais 20 millions d'euros sont prévus, en autorisations d'engagement, pour des études sur les routes connexes. Pour les constructions scolaires, les 108 millions d'euros annoncés dans le budget ne nous permettent pas de faire la distinction entre les dégâts occasionnés aux bâtiments par Chido et les constructions nouvelles pour faire face aux besoins. Zéro euro pour les constructions indispensables du ministère de la justice : palais de justice, deuxième prison et centre de semi-liberté. Même pas de crédits d'études… Et je pourrais multiplier les exemples.
Face à ces chiffres, une réalité concrète, que vous allez découvrir la semaine prochaine, madame la ministre. En effet, près d'un an après le passage du cyclone Chido, le verdict est sans appel : beaucoup de visites ministérielles, mais pas beaucoup d'actes concrets.
La mission Facon est toujours dans la réflexion et le constat, mais pas dans les actes. Des montagnes de déchets sont toujours stockées en lisière des villes. Avec la saison des pluies, il faut s'attendre à la prolifération des rats et à des risques de maladies. Les écoles primaires, dans les communes, ne sont pas toutes en état de fonctionner et d'accueillir les élèves.
L'insécurité et la violence ont repris de plus belle. Symbole de cet abandon, les 118 bateaux coulés dans le lagon continuent de polluer un écosystème marin considéré comme exceptionnel. Et je pourrais multiplier les exemples pour illustrer cet état des lieux catastrophique dans un territoire français depuis 1841.
Tous les observateurs confirment la forte capacité de résilience des Mahorais. Mais attention, cette résilience a des limites. Un sentiment d'abandon de la part de l'État domine dans la population, avec cette impression que les engagements du Gouvernement ne sont en fait que des engagements de papier. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDSE. – M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pour les outre-mer, le débat budgétaire est le grand moment de vérité : la vérité sur la profondeur des grands principes de la République à l'égard des populations ultramarines. La promesse d'égalité est au cœur de cette mission dans le PLF pour 2026. Et cette année, c'est l'une des missions les plus impactées par les mesures d'austérité.
Ce budget souffre d'un manque d'ambition criant pour répondre aux besoins sociaux. Il marque une totale déconnexion entre les arbitrages du Gouvernement et les besoins du terrain. Pendant que vous dégradez les services publics, très peu est fait pour les ménages pauvres et précaires.
Nos territoires connaissent pourtant des difficultés importantes, dans quasiment tous les domaines. Comment leur demander de contribuer au remboursement de la dette publique ? Comment demander de nouveaux sacrifices à ceux qui souffrent déjà, et depuis toujours ?
Je pense en premier lieu à la vie chère, avec des écarts de prix particulièrement élevés pour les produits alimentaires : 37 % de différence avec l'Hexagone à La Réunion, jusqu'à 40 % en Martinique et 42 % en Guadeloupe. Mais la question de la vie chère, c'est aussi la question de l'accès aux soins, à la mobilité, au logement. Dans ce contexte, la diminution du budget de la LBU pour l'amélioration de l'habitat est irresponsable. Vous n'ignorez pourtant pas combien l'habitat indigne et la précarité énergétique sont répandus outre-mer. Vous savez aussi que le logement social y est insuffisamment financé.
N'oublions pas la problématique du chômage. En Guyane, en Guadeloupe, à La Réunion, à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie, les taux de chômage sont plus de deux fois supérieurs à la moyenne hexagonale. Les jeunes en sont les premières victimes : 36 % des jeunes Guyanais sont sans emploi, sans diplôme et sans formation. C'est un chiffre trois fois supérieur à celui de l'Hexagone. Dans ce contexte, comment penser que le développement du service militaire adapté constituera une réponse suffisante ?
La baisse des crédits des missions locales prévue par ce budget aura des conséquences catastrophiques sur l'emploi des jeunes. À La Réunion, plus de la moitié des jeunes âgés de 15 à 25 ans sont inscrits dans une mission locale. Ils en ont besoin pour être accompagnés vers l'emploi et l'autonomie.
Par ailleurs, trop peu de moyens sont mis sur la table pour accompagner nos territoires dans la résilience face au changement climatique et leur permettre de s'engager sur le chemin de la transition écologique. Si des fonds de secours sont alloués à la suite des différentes catastrophes naturelles, nos territoires ont besoin de dispositifs pérennes, d'infrastructures résilientes et d'investissements préventifs pour anticiper les crises.
Ce budget ne répond pas aux demandes de la Kanaky. Les 10 millions d'euros alloués à la reconstruction s'attachent à réparer les dégâts sans traiter les causes politiques de la violence. Pourtant, le peuple kanak souffre toujours d'une absence de reconnaissance, les inégalités sont criantes et le processus d'autodétermination se trouve dans une impasse. Tout se passe comme si aucune leçon n'avait été tirée des événements du passé ni des plus récents. Ce budget traduit l'entêtement de Paris à contraindre plutôt qu'à accompagner. Nous dénonçons le passage en force d'un projet de loi en vue de l'organisation d'un référendum relatif au projet d'accord de Bougival.
En définitive, les différents textes que nous avons votés cette année pour nos outre-mer n'auront que peu d'effets si les moyens ne sont pas au rendez-vous. Je pense à la loi du 11 août 2025 de programmation pour la refondation de Mayotte, à la loi du 13 juin 2025 expérimentant l'encadrement des loyers et améliorant l'habitat dans les outre-mer ou à au projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer.
Avec ce budget, les inégalités continueront de se creuser. Or les crédits de cette mission révèlent une absence de vision de l'État pour nos territoires, réduits à une logique de gestion au jour le jour, une crise après l'autre.
Le groupe communiste du Sénat refuse de se résigner à ce que les outre-mer soient les premiers à pâtir de la baisse des dépenses publiques. Nous ne renoncerons pas à l'ambition que la promesse d'égalité devienne enfin une réalité, même très loin de la République. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Akli Mellouli. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Akli Mellouli. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis six mois, c'est le quatrième texte concernant les outre-mer qui arrive dans cet hémicycle, puisqu'il arrive après la loi de programmation pour la refondation de Mayotte, le projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer et le projet de loi institutionnel.
À chaque fois, les mêmes constats. À chaque fois, les mêmes promesses. Et à chaque fois, madame la ministre, la même réponse du Gouvernement : « Nous avons entendu. » Permettez-moi de vous le dire avec gravité : si vous aviez vraiment entendu, jamais vous ne présenteriez un budget aussi insuffisant pour nos compatriotes ultramarins.
Car ce budget pour 2026 n'est pas un budget d'ambition. C'est un budget de renoncement. Les crédits de la mission « Outre-mer » baissent de près de 18 % en autorisations d'engagement. Ils baissent alors même que les outre-mer font face à une accumulation de crises sociales, économiques, écologiques et institutionnelles : la Nouvelle-Calédonie Kanaky meurtrie, les Antilles inquiètes, Mayotte encore dans l'état d'urgence sanitaire et sécuritaire du quotidien.
Nous avions besoin d'un sursaut. Vous proposez une contraction budgétaire. Nous avions besoin d'un cap clair pour réduire les inégalités. Vous proposez ce qui ressemble, excusez-moi, à une simple gestion comptable de l'attente.
Et cette attente dure depuis trop longtemps. Chaque décennie, à chaque crise, à chaque loi spéciale, la République promet le rattrapage… Et à chaque fois, nous sommes en retard au rendez-vous. Madame la ministre, l'État arrive toujours trop tard, les financements sont toujours trop faibles et les priorités, toujours révisées au gré des urgences.
Alors, laissez-moi vous poser une question simple, que les Ultramarins nous posent chaque jour : quand serons-nous enfin à l'heure au rendez-vous pour changer leur vie ?
Car ce budget, disons-le franchement, n'est pas seulement insuffisant. Il est construit selon une logique qui empêche toute stratégie durable. Cette logique, vous la connaissez : « déshabiller Paul pour habiller Pierre ». On réduit les dotations à Ladom pour financer une autre urgence. On baisse les moyens des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR), alors même que la vie chère est au cœur des colères populaires. On revoit à la marge les exonérations sociales, qualifiées de coûteuses et inefficaces par l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'inspection générale des finances (IGF), sans jamais réorienter ces milliards d'euros vers l'emploi local, l'innovation ou le logement.
Résultat, les territoires ont le sentiment d'être placés en concurrence entre eux. Un euro pour Mayotte serait un euro contre La Réunion. Un plan pour les Antilles serait un recul pour la Polynésie. Et c'est la cohésion nationale elle-même qui se fissure. Madame la ministre, sortir de cette logique n'est pas un luxe. C'est une condition de la République.
Ce budget aurait dû être celui d'une vision. Il aurait dû répondre aux enjeux que tout le monde connaît : l'habitat indigne, qui touche encore des dizaines de milliers de familles ; la vie chère, qui pèse 30 % plus lourd qu'en Hexagone pour les courses du quotidien ; les inégalités d'accès à l'eau potable, un scandale républicain persistant ; le chômage des jeunes, qui atteint des records dans plusieurs territoires ; et le défi du changement climatique, omniprésent, et pourtant absent de ce budget.
Or ce que vous proposez, ce n'est pas une stratégie. Ce sont des ajustements, des gels de crédits, des reconductions automatiques. Par exemple, sur les contrats de convergence et de transformation, à peine 39 millions d'euros ont été consommés en deux ans, sur 800 millions prévus. Ce n'est pas seulement un problème de moyens, c'est un problème d'absence de pilotage politique.
Notre groupe, vous le savez, proposera des amendements tendant à aller dans une autre direction. Nous demanderons 30 millions d'euros supplémentaires pour le logement, des financements accrus pour le plan chlordécone, un vrai plan Sargasses, le renforcement des OPMR, un plan massif de 200 millions pour la distribution d'eau potable, et la création d'une ligne dédiée aux logements étudiants, qui fait cruellement défaut, notamment en Guyane. Ce n'est pas du luxe. C'est le minimum nécessaire. Les responsabilités de la République sont plus lourdes envers ceux qu'elle a trop longtemps oubliés.
Madame la ministre, mes chers collègues, ce débat budgétaire ne doit pas être un rituel annuel, où l'on déplore les retards pour mieux les reconduire. Les outre-mer ne demandent pas la charité. Ils demandent la justice, la dignité et la cohésion réelle du pays.
En l'état, nous ne pouvons pas voter ce budget, car il manque d'ambition, de vision et d'engagement politique ; parce que c'est un budget d'immobilisme, qui condamne des millions de nos compatriotes à une égalité purement théorique. La République ne peut pas être en retard au rendez-vous de ses propres promesses. Elle doit être au-devant, éclairante, présente, déterminée. Elle doit être ferme sur ses valeurs pour que chaque enfant à Mayotte, chaque famille en Guadeloupe, chaque jeune en Guyane, chaque agriculteur à La Réunion puisse se dire : « Oui, la République tient sa promesse. » (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – M. Teva Rohfritsch et Mmes Lana Tetuanui et Solanges Nadille applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Girardin.
Mme Annick Girardin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances pour 2026 est un véritable grand huit pour nos territoires. Lors de la présentation du budget initial par le Gouvernement, nous étions mis à contribution de façon significative, pour ne pas dire disproportionnée, dans le cadre des efforts de redressement du budget de l'État.
Toutes missions confondues, la baisse en crédits de paiement était de 21,9 milliards d'euros par rapport à 2025, soit une baisse de quelque 7 % en un an. Et pour la seule mission « Outre-mer », la baisse des crédits de paiement était de 5,4 % et celle des autorisations d'engagement, de 21 %.
Cette baisse a été proposée alors même que de nombreuses collectivités d'outre-mer font face à une crise durable du pouvoir d'achat et à une inflation qui demeure galopante par rapport à celle de l'Hexagone – sans parler des sujets institutionnels fondamentaux, qui impactent tous les aspects de la vie dans certains territoires, comme en Nouvelle-Calédonie ou encore à Mayotte, qui est dans un processus de reconstruction.
Le pire est aujourd'hui derrière nous, grâce à l'action collective des parlementaires et aux engagements du Gouvernement. Les outils de soutien économique tels que les exonérations de charges sociales prévues par la Lodéom ou la défiscalisation des investissements productifs ont été sacralisés pour 2026, même si nous convenons tous de la nécessité de les faire évoluer dans le temps pour répondre aux nouveaux besoins de développement de nos économies ultramarines.
Ces avancées importantes améliorent nettement la copie, madame la ministre, mais nous restons vigilants sur la suite du parcours législatif de ce projet de loi de finances.
Reste une alerte : si je comprends et je soutiens la nécessité d'un budget répondant aux urgences calédonienne et mahoraise, l'ensemble des territoires ultramarins attendent une répartition adaptée des crédits au regard des retards structurels de chacun et des défis à relever.
Pour Saint-Pierre-et-Miquelon, à la lecture du document de politique transversale mis à notre disposition, la chute de l'effort de l'État en un an serait de 31,5 % en autorisations d'engagement, soit presque 40 millions d'euros, et de plus de 37,5 % en crédits de paiement, soit plus de 51 millions d'euros.
Cela concerne le programme 123 de la mission « Outre-mer », et suscite une inquiétude particulière en ce qui concerne le fonds exceptionnel d'investissement, qui soutient principalement les deux communes de mon territoire.
Plus inquiétant encore, dans la mission « Écologie, développement et mobilité durables », de nombreuses lignes budgétaires affichent 0 euro d'intervention de l'État pour 2026. Je pense aux programmes « Prévention des risques », « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » ou « Service public de l'énergie ».
Cette situation est ubuesque compte tenu des dossiers cruciaux dans ces domaines, comme notamment la relocalisation du village de Miquelon et la protection de l'actuel ou la sauvegarde de l'isthme de Miquelon-Langlade.
J'ai obtenu des réponses ici et là, me rassurant sur ces zéros alignés sur le jaune budgétaire, résultant d'un travail hâtif ne préemptant en rien les crédits dont pourra disposer mon archipel sur ces sujets capitaux. Mais je ne peux me satisfaire de ces bruits de couloirs, madame la ministre, il nous faut des engagements !
Et il en faut notamment, madame la ministre, sur deux urgences identifiées. Premièrement, les infrastructures portuaires menacent de s'écrouler. Des engagements ont déjà été pris. Il s'agit des crédits du Port de Miquelon, inscrits au contrat de convergence et de transformation, et de ceux attendus en urgence pour rénover le quai d'avitaillement de Saint-Pierre, qui est le seul des trois à être encore fonctionnel. Je rappelle que le port de Saint-Pierre-et-Miquelon est un port d'État et qu'il incombe à ce dernier de maintenir son opérabilité. C'est d'ailleurs ce que j'ai signalé par courrier au Premier ministre il y a trois semaines.
Deuxièmement, la baisse des crédits des programmes 205 « Affaires maritimes, pêche et aquaculture » et 123 « Conditions de vie outre-mer », semble compromettre le renouvellement du Plan pêche 2026-2030, notamment dans la recherche et le développement, et le soutien aux investissements. Cette filière, à la fois historique et prometteuse, de l'économie du territoire, ne peut bénéficier du Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l'aquaculture (Feampa). Elle a donc un besoin vital de l'accompagnement de l'État, au moment de sa restructuration et pour faire face à la concurrence de nos voisins nord-américains, qui se durcit.
Je veux également vous sensibiliser, madame la ministre, à deux chantiers à mener dans les tout prochains mois, pour lesquels le Gouvernement a pris des engagements. Je pense d'abord à la rédaction d'une ordonnance « Travail et solidarités », qui doit permettre l'extension et l'adaptation de plusieurs dispositifs du régime de sécurité sociale national au niveau local. Cette ordonnance doit être pensée comme un texte balai, alliant équité et justice. Je pense ensuite à la concession de service public de transport maritime en fret, en cours de renouvellement par l'État, qui doit intégrer l'objectif de lutte contre la vie chère à Saint-Pierre-et-Miquelon. Mon mouvement politique a déjà fait une proposition au préfet de l'archipel pour que la grille tarifaire intègre la gratuité du transport pour les produits de première nécessité, dont il faudra définir la liste avec les acteurs locaux sur la base du BQP.
J'espère, madame la ministre, que vous serez en mesure de m'apporter dès ce soir un certain nombre de réponses à ces questions dans le cadre de nos travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Naturel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Georges Naturel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en prenant la parole aujourd'hui, je veux d'abord dire, avec gravité, ce que chacun d'entre nous sait : l'outre-mer traverse l'une des périodes les plus difficiles de son histoire récente. Sur nos trois océans, partout, nos territoires subissent des chocs économiques, sociaux, climatiques, sécuritaires. Partout, les élus locaux nous le disent : les moyens ne sont à la hauteur ni des besoins ni des crises.
Je veux saluer ici mes collègues ultramarins, qui vivent les mêmes constats et les mêmes inquiétudes, avant de vous parler d'une terre que je connais mieux que quiconque, la Nouvelle-Calédonie.
Depuis les événements du mois de mai 2024, notre archipel a vécu l'indicible : des milliers d'entreprises détruites, plus de 2 milliards d'euros de dommages, des dizaines de milliers d'emplois perdus, un PIB amputé de près de 13 %. L'économie est véritablement à terre, et le territoire s'enfonce dans une crise institutionnelle, économique et sociale, inédite dans notre République.
Les rapports budgétaires transmis à notre assemblée dressent tous le même constat. La Nouvelle-Calédonie est aujourd'hui au bord de la cessation de paiements. C'est un mur financier infranchissable qui se dresse devant elle en 2026.
Les organismes sociaux, les collectivités et même la production d'énergie, pilier de la vie quotidienne, menacent rupture, faute de capacités financières. Ce n'est pas une crise locale ou simplement conjoncturelle. C'est une crise systémique, qui appelle une réponse nationale, rapide et massive.
C'est pourquoi j'ai déposé plusieurs amendements. Non par esprit polémique, mais par devoir républicain. Je demande en particulier la création d'un fonds exceptionnel de 500 millions d'euros pour le soutien à la reconstruction économique et sociale de la Nouvelle-Calédonie, afin de prévenir l'effondrement de notre territoire.
Jusqu'à ce matin, rien n'avait été prévu dans le budget pour 2026 pour soutenir ce morceau de France du Pacifique qui est en train de sombrer. Je souhaiterais que le Gouvernement s'explique de manière concrète sur ce point et précise clairement sa stratégie de soutien de l'économie calédonienne. Qu'en est-il du pacte de refondation qu'il souhaite proposer, madame la ministre ? Comment compte-t-il le financer ?
Dans la même logique, je propose aussi la création d'un fonds d'aide pour les entreprises ultramarines touchées par les émeutes, alors que certaines compagnies d'assurances se retirent ou excluent désormais la garantie de ce risque. C'est d'ailleurs une des promesses du Gouvernement, renouvelée cette semaine dans la presse.
Je présenterai enfin quelques amendements ciblés, comme la création d'une antenne supplémentaire du régiment du service militaire adapté (RSMA) de Nouvelle-Calédonie dans le Grand Nouméa, afin d'offrir des perspectives à notre jeunesse, avec un outil immédiatement efficace, et le lancement du financement d'une route alternative pour le Mont-Dore, car la situation d'enclavement de ces 15 000 habitants n'est plus supportable.
Mes chers collègues, la France n'est pas à géométrie variable. La solidarité nationale ne s'applique pas au gré des circonstances. Les Calédoniens, comme tous les Ultramarins, ne demandent pas de privilèges. Ils demandent l'égalité. Rien de plus. Rien de moins. L'accord de Bougival a réaffirmé que la Nouvelle-Calédonie appartient à la République.
À nous, désormais, d'honorer cette parole. À nous de montrer que la République n'abandonne jamais une partie d'elle-même. À nous de donner à nos territoires d'outre-mer non seulement les moyens de survivre, mais les moyens de se reconstruire et de se projeter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Bélim. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Annick Girardin applaudit également.)
Mme Audrey Bélim. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette année encore, nous examinons un projet de budget pour les outre-mer qui ne permet de répondre ni à l'urgence sociale, ni aux défis structurels, ni aux attentes légitimes de nos compatriotes ultramarins.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes ; je n'y reviendrai pas, car ils ont déjà été évoqués à plusieurs reprises. Derrière ces chiffres se trouvent nos réalités ultramarines, nos réalités françaises, et elles sont implacables.
La réalité, c'est que la crise du logement s'aggrave, que la vie chère explose, que le taux de chômage des jeunes est deux à trois fois supérieur au taux national, que des territoires sont frappés par la pauvreté. En Guadeloupe, le taux de pauvreté est de 34,5 %, il est de 36 % à La Réunion et de 77 % à Mayotte.
Face à cela, nos populations attendaient un budget de reconstruction, de rattrapage, un budget d'égalité réelle : elles reçoivent finalement un budget de renoncement. Le Gouvernement justifie ces baisses par un rééquilibrage, mais les restes à payer du programme 123 dépassent désormais 2,7 milliards d'euros. Ces 2,7 milliards d'euros sont presque l'équivalent d'une année budgétaire de la mission « Outre-mer ». Cela signifie clairement une chose : soit l'État ne parvient plus à financer ses propres engagements, soit les critères et modalités n'étant pas adaptés à la réalité du terrain, le programme est impossible à mettre en œuvre. Cela relève de la responsabilité du ministère.
La vérité, c'est que nos outre-mer vivent un décrochage que le projet de budget accélère. Il ne permet de faire face ni à la crise de la vie chère, ni aux enjeux sanitaires, ni aux enjeux démographiques. Face à cette situation, le groupe socialiste fait le choix de la responsabilité et de la justice territoriale.
Nous déposerons et soutiendrons plusieurs amendements majeurs visant à accroître le budget du logement, à renforcer la continuité territoriale, à sauver les dispositifs d'aide au fret, qui conditionnent directement le pouvoir d'achat, à lutter contre le fléau des violences intrafamiliales et à investir pour la jeunesse ultramarine, victime de grandes inégalités et faiblement soutenue et accompagnée.
Les outre-mer ne demandent pas des discours ; nous voulons des actes et des moyens. Nous demandons la pleine application de la loi expérimentant l'encadrement des loyers et améliorant l'habitat dans les outre-mer, votée à l'unanimité au Sénat et à l'Assemblée nationale. Parce qu'il ne faut pas renier le pouvoir législatif du Sénat et parce que le ministère des outre-mer et celui de la ville et du logement ont levé le gage sur un certain nombre d'amendements, je vous demanderai de les adopter.
Il serait incohérent que les décrets publiés en janvier ou en février prochains ne soient pas accompagnés d'un budget pour mettre en œuvre la loi. Il serait scandaleux que seule La Réunion, parce qu'elle est dotée, elle, d'un observatoire, puisse appliquer l'encadrement des loyers.
Nous demandons un État qui répare, un État qui investit, un État qui prépare l'avenir, un État qui considère les outre-mer et leurs populations comme celles de la France hexagonale, qui leur donne les mêmes droits et les mêmes chances. Le groupe socialiste continuera d'œuvrer pour l'égalité réelle, pour la dignité et pour la République. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et CRCE-K.)