Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Stéphane Fouassin, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme l'a dit mon collègue Georges Patient, la commission des finances a adopté les crédits de la mission « Outre-mer ». Nous estimons toutefois, en tant qu'élus ultramarins, ne pas pouvoir les voter tels quels.

Les crédits alloués à la politique de continuité territoriale augmentent de 2,5 millions d'euros, ce que nous saluons. Nous notons toutefois que les dispositifs de mobilité votés en loi de finances initiale pour 2024 n'ont toujours pas été mis en œuvre, faute de publication du texte d'application. Les crédits prévus pourraient ne pas suffire à répondre à l'ensemble des demandes.

Par ailleurs, les moyens de l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom) sont rabotés de 2,5 millions d'euros et, surtout, de cinq emplois, alors que la situation financière de l'agence est déjà fragile, celle-ci n'arrivant pas à répondre à l'ensemble des demandes de subvention qui lui sont adressées.

Je note par ailleurs, comme chaque année, que la dotation de continuité territoriale de la Corse est de 187 millions d'euros, soit un montant trois fois supérieur à celui dont bénéficient les 2,7 millions d'Ultramarins. Une telle situation est très regrettable et devrait être corrigée.

Un mot sur le financement du logement : la ligne budgétaire unique (LBU), qui finance le logement social en outre-mer, est diminuée de près de 5 millions d'euros en autorisations d'engagement, mais augmentée d'un montant équivalent en crédits de paiement, ce qui lui permettra de couvrir une partie de ses engagements passés. La baisse des engagements prévus par le présent budget est toutefois dommageable. L'objectif de la LBU est en effet de financer la production de logements sociaux, de résorber l'habitat indigne et de venir en aide aux ménages modestes qui doivent mener des travaux de réhabilitation de leur habitation.

La loi de programmation relative à l'égalité réelle en outre-mer de 2017 avait prévu un objectif de construction de 150 000 logements d'ici à 2027, dont 130 000 financés par l'État. Pourtant, en 2024, seuls 80 000 nouveaux logements ont été construits, soit 61 % de la cible. Les efforts en faveur du logement social en outre-mer doivent donc être poursuivis, et même renforcés.

Concernant les contrats de convergence et de transformation (CCT), au sujet desquels mon collègue Georges Patient et moi-même avons réalisé un rapport de contrôle, nous saluons la hausse de 90 millions d'euros en crédits de paiement qui leur est accordée.

Nous notons toutefois qu'à la troisième année sur quatre ans de contractualisation, seuls 46 % des montants contractualisés auront été engagés. Une renégociation des CCT serait d'ailleurs envisagée, ce que nous suivrons avec attention. Nous regrettons en tout cas que l'État ne tienne pas ses engagements, alors que les collectivités et les porteurs de projets se sont investis localement.

Le fonds exceptionnel d'investissement (FEI) perd quant à lui 31 millions d'euros en crédits de paiement et 50 millions d'euros en autorisations d'engagement, dans une optique de redressement des comptes publics. Ce sont autant de projets d'investissement locaux nécessaires à la population qui ne pourront être réalisés. La justification par le cycle électoral avancée par le Gouvernement ne nous paraît pas convaincante.

En sus des crédits budgétaires, les dépenses fiscales associées à la mission contribuent à la dynamisation de l'économie, à l'attractivité des territoires et à l'effort général de rattrapage de l'écart de niveau socio-économique entre l'outre-mer et l'Hexagone. Sur les deux programmes de la mission, celles-ci devraient s'établir, en 2026, à 4,7 milliards d'euros, soit presque deux fois plus que les crédits budgétaires inscrits dans la mission « Outre-mer ».

Entre 2025 et 2026, elles enregistrent une hausse de 3,2 %. Cette hausse est sensiblement identique à celle qui a été constatée entre 2024 et 2025. Nous saluons cette évolution, les outils fiscaux étant indispensables pour permettre le développement économique des territoires ultramarins, ainsi que pour compenser les déséquilibres avec l'Hexagone concernant, notamment, les prix des biens. Nous nous félicitons d'ailleurs de la suppression, lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, de l'article 7, qui diminuait les dispositifs d'aide fiscale à l'investissement productif en outre-mer.

En complément des crédits de la mission « Outre-mer » et des dépenses fiscales, les territoires d'outre-mer bénéficient de crédits en provenance d'autres programmes du budget général.

Le montant total des contributions budgétaires s'élève à 21,9 milliards d'euros. Si l'on exclut la diminution des crédits budgétaires du programme « Service public de l'énergie », qui est compensée par une affectation de taxe, l'effort de l'État baisse tout de même encore de 1,5 % par rapport à 2025. Une telle diminution est incompréhensible, compte tenu des crises auxquelles les territoires ultramarins ont été confrontés cette année.

Cette baisse est essentiellement due à la diminution des crédits de la mission « Outre-mer », dont nous venons de parler, et, dans une moindre mesure, à la baisse de ceux de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

En particulier, les crédits du fonds vert, dont bénéficient les territoires ultramarins, suscitent des interrogations. En effet, il s'agit d'un financement sur projet qui est largement utilisé en outre-mer. Ainsi, en 2024, quelque 309 dossiers avaient été déposés pour un montant total de plus de 87 millions d'euros de subventions en autorisations d'engagement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ces temps difficiles doivent nous pousser à trouver d'autres leviers de financement et de développement. Je ne donnerai que deux exemples : l'adaptation des normes et une meilleure utilisation des fonds européens. À cet égard, j'ai été alertée sur le risque que plus de 150 millions d'euros de fonds européens destinés aux outre-mer soient dégagés d'office à la fin de cette année, faute d'avoir été consommés à temps.

Même si je suis convaincue que les difficultés structurelles ne se régleront pas avec ce budget, j'ai proposé à la commission des affaires économiques d'émettre un avis favorable sur l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer ».

Pourquoi défendre une telle position ?

Notre avis favorable n'est pas une marque de complaisance ou de naïveté. Il doit s'interpréter comme un appel à créer les conditions d'un cadre fiscal plus stable, davantage favorable à la croissance, car les à-coups budgétaires entretiennent le cercle vicieux du « mal-développement » et de la dépense publique. Ces temps budgétaires contraints doivent nous conforter dans la résolution de rendre efficace chaque euro dépensé et nous conduire à raisonner en termes de réforme durable. Travaillons ensemble, avec les acteurs économiques.

Le Sénat devra prendre l'initiative d'une réflexion approfondie sur tout ajustement du dispositif Lodéom, en veillant à éviter toute « smicardisation » des économies ultramarines et en garantissant la lutte contre le travail informel.

Les débats à l'Assemblée nationale et au Sénat ont fait entendre raison au Gouvernement et l'ont conduit à revenir sur les propositions les plus économiquement déstabilisantes. Sur le dispositif Lodéom tout d'abord : cet outil d'adaptation doit au contraire être conforté pour devenir plus efficient. Le Gouvernement a également bougé sur la défiscalisation.

Je note ensuite que les sommes inscrites pour la reconstruction de Mayotte correspondent à la trajectoire fixée dans la loi de programmation pour la refondation de Mayotte.

Enfin, je me réjouis que les crédits de paiement de la LBU soient en hausse.

Vous l'aurez compris, madame la ministre, mes chers collègues, c'est dans un esprit vigilant et exigeant que je voterai en faveur des crédits de la mission « Outre-mer ».

Les économies mal ciblées sont les dépenses de demain.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (M. Thani Mohamed Soilihi applaudit.)

M. Teva Rohfritsch, rapporteur pour avis de la commission des lois. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la géographie de nos territoires d'outre-mer nous impose des défis considérables, qui pèsent sur nos leviers de développement économique et nos conditions de vie.

Les faits sont têtus : le taux de chômage est bien plus élevé en outre-mer que dans l'Hexagone ; la tension sociale couve ; les problèmes d'accès à l'eau sont criants ; le fléau de la vie chère est partout ; les crises migratoires, la délinquance et la montée des narcotrafics dans tous les territoires forment autant de points saillants d'une actualité bien éloignée des images d'Épinal du farniente dans nos douceurs tropicales.

Non, il ne s'agit pas de tout justifier en présentant nos territoires comme des épicentres de la misère humaine, mais avec en moyenne un tiers de la population sous le seuil de pauvreté, nier ces évidences, à l'inverse, relèverait de l'ignorance coupable, de l'irresponsabilité politique et du déni constitutionnel. Or nos difficultés se sont aggravées en 2025, en raison de la répétition de crises climatiques, mais aussi politiques et sociales dans tous les océans.

Madame la ministre, comme l'ont très justement rappelé mes collègues rapporteurs spéciaux, dont je salue le travail, l'objectif des crédits de la mission « Outre-mer » est de rattraper les écarts économiques persistants entre nos territoires et l'Hexagone. L'État doit tenir ses engagements.

Aussi, la baisse massive des crédits de la mission « Outre-mer » de plus de 18 % en autorisations d'engagement, soit 628 millions d'euros de moins, est tout simplement inacceptable. Nous appelons à un minimum de cohérence sur les moyens consacrés aux outre-mer au sein de notre République française, et ce au nom de cette promesse d'égalité et de fraternité qui fonde notre contrat social. N'oublions pas que la France rayonne sur tous les océans grâce à ses outre-mer.

Cette baisse massive de crédits sera comprise par nos territoires non pas comme un effort collectif, mais comme un sacrifice sur l'autel budgétaire. Nous ne sommes ni sourds ni aveugles : nous constatons l'étroitesse des marges de manœuvre face au déficit public national colossal. Cependant, combien coûteront à terme ces économies, relatives à l'échelle nationale, mais bien lourdes à l'échelle de chacun de nos territoires ?

Oui, il faut mieux dépenser et investir durablement plutôt que seulement faire tourner de vieux moteurs. Nous devons trouver de nouveaux relais de croissance économique. Et nos territoires ultramarins disposent d'atouts considérables : le dynamisme de la jeunesse, l'abondance des ressources naturelles et maritimes, la capacité d'innovation sont autant de forces que nous pouvons mieux mobiliser pour réussir ce pari du développement durable. Vus sous ce prisme, les outre-mer sont non pas des fardeaux, mais bien des laboratoires pour la France et pour l'Europe en ce qui concerne la transition énergétique, l'économie bleue, le numérique, la souveraineté alimentaire ou encore la connectivité des territoires isolés.

Travaillons ensemble, madame la ministre, pour dépenser mieux, mais pas moins ; agissons avec efficacité pour faire émerger des solutions opérationnelles, partageables entre territoires et surtout mises en œuvre rapidement.

Vous l'aurez donc compris, considérant qu'il est urgent de préserver des moyens publics face aux difficultés majeures rencontrées par nos territoires, la commission des lois a émis un avis défavorable sur l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer ». Madame la ministre, nous serons attentifs à votre position sur les amendements présentés par les élus de nos territoires de manière raisonnable et constructive. J'espère vous avoir éclairée avec ces quelques observations. (Mmes Sophie Briante Guillemont et Solanges Nadille applaudissent.)

Organisation des travaux

Mme la présidente. Mes chers collègues, avant de donner la parole aux orateurs des groupes, et pour la bonne information de tous, je vous indique que 161 amendements sont à examiner sur cette mission.

La conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à quatre heures. Compte tenu de l'organisation de la journée, nous pourrions prévoir une heure quarante-cinq de discussion supplémentaire pour terminer son examen aux alentours de une heure trente cette nuit.

Au-delà, conformément à l'organisation de nos travaux décidée par la conférence des présidents et en accord avec la commission des finances, la suite de l'examen de cette mission sera reportée à la fin de la semaine.

En outre, la conférence des présidents, réunie mercredi 3 décembre, a décidé que, lorsque le nombre d'amendements déposés ne paraît pas pouvoir garantir leur examen serein dans les délais impartis, les temps de parole seraient fixés, sur proposition de la commission des finances, à une minute.

Concernant la présente mission, même avec les marges que nous avons dégagées, le nombre d'amendements à examiner, rapporté à la durée dont nous disposons aujourd'hui, nous conduit à devoir observer un rythme de 38 amendements par heure, ce qui est élevé. Aussi, afin de nous donner toutes les chances de terminer aujourd'hui l'examen de cette mission et en application de la décision de la conférence des présidents, les durées d'intervention seront fixées à une minute.

Outre-mer (suite)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Lana Tetuanui. (Mmes Sonia de La Provôté, Annick Girardin ainsi que M. Teva Rohfritsch applaudissent.)

Mme Lana Tetuanui. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ia ora na.

Nous examinons les crédits alloués aux outre-mer dans un contexte politique assez ubuesque, une situation budgétaire très tendue, avec des situations alarmantes spécifiques à chaque territoire. Il est ainsi affiché une baisse de presque 18 % en autorisations d'engagement et de 5,1 % en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2025.

Je serais presque tentée de qualifier cette année d'annus horribilis pour nos outre-mer. S'il apparaît impératif de réduire le déficit public, il est difficile de concevoir cette exigence dans les territoires ultramarins, où les difficultés persistent : Mayotte dans l'océan Indien, la vie chère dans les Caraïbes, la Nouvelle-Calédonie, dans le Pacifique, à l'heure de la reconstruction… À ce sujet, la situation chez mes voisins exige une veille vigilante, car la situation institutionnelle demeure fragile et nécessite la poursuite de consultations.

Madame la ministre, le portefeuille des outre-mer n'est pas de tout repos. Au passage, permettez-moi de vous rappeler que, depuis presque cinq ans, nous aurons vu passer pas moins de six ministres.

Nous avons tous été surpris du coup de rabot massif affectant l'outil essentiel du développement économique. Telle qu'elle était présentée à l'origine à l'article 7 de ce projet de loi de finances, sans la moindre étude d'impact, la réforme venait amputer le dispositif de soutien fiscal à l'investissement productif. Dans les départements d'outre-mer, c'est la réforme de la Lodéom qui est également dénoncée.

Si de telles réformes s'avèrent nécessaires vues de Paris, la concertation préalable entre l'État et les acteurs locaux doit être privilégiée pour connaître tous les effets induits de toute évolution de la fiscalité applicable aux outre-mer. Aussi, je salue la sagesse du Gouvernement qui, à l'écoute de nos préoccupations, s'engage pour une adaptation des dispositifs fiscaux aux réalités de chaque territoire ultramarin.

Permettez-moi à présent d'intervenir sur les crédits se rapportant plus spécifiquement à ma collectivité. Je me félicite ainsi du maintien de notre dotation globale d'autonomie (DGA), figée dans le marbre sur notre initiative au Sénat, en 2019. Il convient de le rappeler pour rafraîchir la mémoire de certains, qui nous regardent d'ailleurs depuis le fenua.

Si la Polynésie française n'a pas trop à souffrir de la diminution de certaines lignes budgétaires, je souhaite cependant intervenir une nouvelle fois sur les crédits alloués à notre politique de santé. Bien évidemment, nous sommes toujours dans l'attente du renouvellement de la convention santé-solidarité entre l'État et la Polynésie française. Cette convention, si importante pour la Polynésie française, et qui a été appliquée pendant de nombreuses années sous une gestion antérieure, est devenue aujourd'hui une véritable Arlésienne, madame la ministre.

Au vu des dépenses de santé liées au fait nucléaire, du coût des molécules pour le traitement des cancers et du coût des évacuations sanitaires vers la métropole, compte tenu de l'éparpillement de nos îles, l'accompagnement de l'État au titre de la solidarité nationale est attendu en Polynésie française.

De nouveaux moyens en matière de continuité territoriale doivent également être prévus.

Par ailleurs, l'importation de l'ice, une méthamphétamine, est un fléau qui prend des proportions dévastatrices dans les familles polynésiennes. Nous avons besoin de moyens supplémentaires pour améliorer les prises en charge en addictologie et créer des centres de désintoxication adaptés au contexte polynésien.

Quant à la problématique de la vie chère dans les outre-mer, je salue l'initiative de Mme la ministre visant à enrichir le projet de loi initial de dispositions pour venir en aide au fret maritime en Polynésie française.

Au-delà de la mission « Outre-mer », je souhaiterais alerter le Gouvernement sur le dispositif du service civique, qui doit absolument être maintenu, avec des crédits reconduits au même niveau que les années précédentes.

En matière de justice, des engagements du garde des sceaux ont été pris, notamment sur l'aide juridictionnelle. Les surcoûts liés à notre configuration géographique doivent être pris en compte pour garantir une égalité réelle d'accès à la justice pour l'ensemble de nos concitoyens.

Concernant la formation, les crédits alloués au service militaire adapté (SMA) sont en légère hausse, ce qui est louable au vu de ses résultats en matière d'insertion de notre jeunesse.

Je terminerai sur le sujet des moyens humains, et notamment sur l'absence de prime spécifique d'installation (PSI) pour nos fonctionnaires du Pacifique lauréats des concours nationaux. Leurs homologues originaires des départements d'outre-mer en sont bénéficiaires, contrairement aux fonctionnaires issus des trois collectivités du Pacifique. Il s'agit d'une injustice, madame la ministre, qu'il convient de corriger. C'est une atteinte au principe d'égalité dans la fonction publique.

J'en viens aux mobilités de personnel en outre-mer. Nos compatriotes fonctionnaires polynésiens ne sont toujours pas considérés comme prioritaires. Le centre des intérêts matériels et moraux (CIMM) mis en place pour les privilégier n'est que foutaise.

Je conclus sur ma proposition, par amendement, de suppression de la prime d'éloignement attribuée aux fonctionnaires de l'État affectés dans nos collectivités : une prime spécifique d'installation d'un même montant pour tous devrait être privilégiée. Cela permettrait une économie substantielle pour le budget de l'État. (Mme Sonia de La Provôté et M. Teva Rohfritsch applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Médevielle.

M. Pierre Médevielle. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c'est une baisse sensible de ses crédits que la mission « Outre-mer » du PLF enregistre cette année, avec près de 628 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 153 millions en crédits de paiement, soit respectivement 5,4 % et 21 % en moins par rapport à l'année dernière.

Nous défendons régulièrement les outre-mer à travers différents projets et propositions de loi. Nous savons également qu'il faut lutter contre l'habitat insalubre dans ces territoires, qu'il faut développer l'emploi, soutenir l'économie locale et lutter contre la vie chère… Pourtant, au moment du budget, nous n'avons pas les moyens nécessaires pour atteindre ces objectifs, ce qui met en péril les espoirs que placent les Ultramarins dans la représentation nationale.

Souvenons-nous bien de ce que nous disions au même moment l'année dernière. Après les événements exceptionnels en Nouvelle-Calédonie, les manifestations contre la vie chère en Martinique, ou encore après le cyclone ayant ravagé Mayotte, nous partagions tous le même constat : la plupart de ces événements n'ont fait que mettre en exergue les graves difficultés préexistantes en matière de pouvoir d'achat, de logement ou encore d'emploi.

Aussi, en 2025, nous avons tous pris des engagements en votant dans cet hémicycle pour le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte, pour la proposition de loi visant à lutter contre la vie chère en renforçant le droit de la concurrence et de la régulation économique outre-mer ou pour le projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer.

Mes chers collègues, c'est justement aujourd'hui, avec les crédits de cette mission, que certains de ces engagements doivent trouver leur concrétisation.

Cette année, comme l'année dernière, notre groupe défend l'objectif de rétablir l'équilibre de nos finances publiques, rétablissement qui ne peut se faire sans certaines exigences en matière de réduction de dépenses. C'est une nécessité et nous avons déposé plusieurs amendements en ce sens. Néanmoins, il ne peut s'agir de réductions aveugles, qui viendraient s'appliquer uniformément à toutes les missions du projet de loi de finances.

En l'occurrence, nous estimons qu'il est dangereux de baisser les moyens des territoires ultramarins. Ceux-ci accusent déjà un retard important et font face à des difficultés structurelles dans bien des domaines.

Derrière chaque crédit que nous votons, des résultats sont attendus par nos compatriotes ultramarins.

Je ne vous l'apprendrai pas, mes chers collègues, la situation du logement dans les outre-mer ne s'est pas améliorée depuis le dernier PLF, pas plus que les problèmes de vie chère ou d'emploi.

Permettez-moi de rappeler le taux de chômage alarmant de près de 17 % en Guadeloupe et en Guyane, et de plus de 12 % en Martinique. Au-delà du chômage, les écarts de richesse entre les départements et régions d'outre-mer (Drom) et l'Hexagone sont aussi particulièrement éloquents : le PIB par habitant dans les Drom ne représente en moyenne que 57 % de celui de la France hexagonale.

C'est pourquoi la réforme drastique des exonérations dites Lodéom, qui correspondent à des exonérations de cotisations sociales pour les entreprises, nous semble particulièrement préoccupante et déplacée. Ces exonérations concernent aujourd'hui plus de 200 000 salariés et près de 45 000 entreprises, essentiellement des PME.

Ces dernières subiraient une hausse importante du coût du travail, alors qu'elles font déjà face à des difficultés, soit à la suite de catastrophes naturelles, soit à cause d'un coût de la vie structurellement plus élevé.

Nous nous inquiétons donc de l'impact qu'aurait une telle réforme sur l'emploi en outre-mer. Nous entendons la nécessité de revoir les exonérations Lodéom, mais nous considérons qu'une progressivité dans la mise en œuvre de ces mesures et qu'une consultation des acteurs locaux sont indispensables.

Vous le savez, le groupe Les Indépendants est attaché à l'efficacité de la dépense publique. Nous pensons que le développement des entreprises locales et de leur compétitivité est la principale clef de réussite des territoires ultramarins.

Madame la ministre, nous vous savons pleinement engagée dans votre mission en faveur des outre-mer et nous avons à cœur que vous la réussissiez, dans l'intérêt des Ultramarins.

Nous nous félicitons que le fonds d'amorçage pour la reconstruction de Mayotte soit doté de 200 millions d'euros. Les ravages du cyclone Chido sont encore loin d'être réparés, d'autant que la situation était déjà catastrophique avant son passage.

La hausse de près de 12 % des crédits de paiement en matière de logement est également bienvenue, tant il reste à faire. Alors que la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer prévoyait la construction de 150 000 logements neufs entre 2017 et 2027, la cible n'est atteinte qu'à hauteur de 61 % à ce jour.

Les Ultramarins ne souhaitent pas de plans d'urgence réguliers : ce qu'ils veulent, ce sont des logements dignes, adaptés aux conditions sismiques et climatiques de leurs territoires. Je rappelle que les logements insalubres représentent 18 % de l'ensemble des logements dans les outre-mer, contre 1,2 % dans l'Hexagone.

Le groupe Les Indépendants votera les crédits de cette mission, mais appelle à un assouplissement de la réforme des exonérations Lodéom. (MM. Emmanuel Capus, Teva Rohfritsch, et Thani Mohamed Soilihi, ainsi que Mme Lana Tetuanui applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Malet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Girardin applaudit également.)

Mme Viviane Malet. Madame la ministre, à l'occasion de votre déplacement à La Réunion la semaine dernière, vous avez fait des annonces qui vont dans le bon sens. Je salue notamment votre annonce sur la TVA à 0 % sur les produits de première nécessité, laquelle a été confirmée par notre assemblée.

Je soutiens aussi votre volonté de renforcer le dispositif contre la vie chère élaboré par vos soins et présenté au Sénat il y a peu.

Vous avez accepté deux de mes propositions : l'une concernant la promotion des produits locaux dans le bouclier qualité prix (BQP) et l'autre visant à imposer une surface de vente dans les étals de la grande distribution pour ces mêmes produits.

Je salue enfin et naturellement l'abandon du coup de rabot initialement prévu sur le dispositif Lodéom.

La mission « Outre-mer » ne permet de juger que très partiellement de l'effort public, puisque ce sont au total 20 milliards d'euros qui sont engagés par l'État, auxquels il faut ajouter environ 5 milliards d'euros de dépenses fiscales. Or la mission elle-même ne représente que 2,5 milliards d'euros.

Je salue la hausse de 105 millions d'euros en crédits de paiement des actions envers les collectivités territoriales, à la suite des événements climatiques à Mayotte et à La Réunion, notamment.

Permettez-moi, à cette occasion, de rappeler encore une fois l'extrême fragilité des finances des collectivités ultramarines et l'importance des besoins de financement concernant les projets structurants.

J'ai fait adopter dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale un amendement qui tend à renforcer le coefficient géographique des concours de la CNSA. Je compte, madame la ministre, sur votre soutien, car à La Réunion, notamment, le conseil départemental fera face dans les prochaines années à des dépenses en très forte hausse pour l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), compte tenu du vieillissement de notre population.

Concernant la continuité territoriale, les crédits prévus dans le PLF pour 2026 s'élèvent à 76,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 76,8 millions d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 2,6 %. Rappelons encore une fois que la dotation de continuité territoriale attribuée à la Corse est trois fois plus élevée que celle des outre-mer, pour une population nettement moins nombreuse.

J'aimerais également insister sur un aspect particulier de ce problème en évoquant la détresse des familles résidant dans les territoires d'outre-mer qui sont confrontées à la maladie d'un enfant et qui doivent séjourner dans l'Hexagone pour le faire soigner. Je regrette que l'amendement que j'avais présenté visant à autoriser le cumul de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) et de l'allocation journalière de présence parentale (AJPP) ait été déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution. Je souhaiterais que le Gouvernement soit attentif à ces situations pénalisantes pour bien des familles.

Madame la ministre, les Ultramarins attendent des actes concrets et des mesures fortes qui leur permettent de mieux vivre, notamment en matière de logement, où le constat d'échec est cinglant. Le seul département de La Réunion enregistre près de 50 000 demandes de logement, alors qu'à peine 2 000 nouveaux logements sont livrés chaque année. L'amélioration des conditions de vie outre-mer, le rattrapage des retards structurels, mais aussi la prise en compte des évolutions démographiques propres à chaque territoire sont indispensables en matière de construction et de réhabilitation. Votre vigilance s'impose notamment sur les dispositifs de crédit d'impôt, qui participent grandement au financement des opérations.

Afin de mieux consommer les crédits de la LBU, je propose depuis plusieurs années à cette tribune de simplifier les procédures et d'adapter les politiques publiques aux différents territoires, de renforcer les moyens de l'aménagement urbain et de lutter contre l'habitat indigne, en étudiant les voies d'une gestion en partie décentralisée pour la construction et la réhabilitation des logements des personnes âgées et handicapées, ainsi que pour l'amélioration de l'habitat privé, dont il faut augmenter les moyens publics.

Madame la ministre, un point d'étape du plan logement outre-mer 2024-2027 (Plom 3), territoire par territoire, pourrait être une occasion partenariale de tracer de nouvelles perspectives.

Enfin, je conclurai sur deux thématiques qui paraissaient lointaines aux Ultramarins il y a quelques années, mais qui sont aujourd'hui le quotidien des outre-mer : je veux parler de la sécurité de nos concitoyens et de la drogue. Pas une semaine ne se passe sans que des « mules » soient arrêtées à l'aéroport Roland-Garros à La Réunion, et le phénomène des bandes envahit nos territoires.

Madame la ministre, vous avez promis d'être une ministre efficace, ancrée dans les réalités. Nous devons nous emparer de ces problématiques ; nous comptons sur vous pour que des réponses fortes soient apportées par l'État. Vous avez dit que vous seriez notre avocate. (Mme Micheline Jacques applaudit.)