M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette année encore, l'examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » s'inscrit dans le contexte difficile que chacun connaît.
Alors que les collectivités sont appelées à contribuer à l'effort collectif de redressement de nos comptes publics, la position de la commission des lois demeure stable et constante : cette contribution doit être juste, proportionnée et équitablement répartie entre les différentes strates de collectivités locales.
À cet égard, nous ne pouvons que saluer les évolutions obtenues ces derniers jours sur un certain nombre de dispositifs. Je songe, en particulier, au financement d'une partie des conséquences de la loi portant création d'un statut de l'élu local, récemment votée par le Parlement.
Dans ce contexte, les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » demeurent globalement stables, en dépit d'une réduction du soutien à l'investissement local à hauteur de 200 millions d'euros, justifiée selon le Gouvernement par le cycle électoral de l'année 2026. Cette baisse paraît conjoncturelle. Nous veillerons à ce que ces crédits soient rétablis dans les prochaines lois de finances.
La commission des lois s'est en revanche fermement opposée au regroupement des différentes dotations de soutien à l'investissement du bloc communal – DETR, DSIL et DPV – au sein du nouveau fonds d'investissement pour les territoires. En effet, cette réforme nous semble prématurée. Elle risquerait, en l'état, de pénaliser les territoires ruraux. Je vous présenterai donc un amendement de suppression de l'article 74, conformément à ce qui a été annoncé par nos collègues de la commission des finances.
Nous avons, par ailleurs, des raisons de nous réjouir. Comme nous l'appelions de nos vœux, l'enveloppe consacrée à la DSEC progresse de 40 millions d'euros, ce qui constitue un signal positif pour l'accompagnement des collectivités territoriales confrontées à une multiplication des risques climatiques. Cette évolution paraît satisfaisante, même si elle peut, à mon sens, être renforcée en cours d'année compte tenu des difficultés auxquelles sont confrontés nos territoires.
Mes chers collègues, je terminerai en évoquant les deux amendements proposés par la commission aux articles 76 et 77. Je précise qu'ils sont issus d'un travail mené en concertation avec la commission des finances.
D'une part, nous proposons de transformer le fameux Dilico 2 du Gouvernement en un mécanisme d'épargne collective avec un reversement automatique des sommes prélevées, étalé sur trois ans. Ce prélèvement sera ramené de 2 milliards d'euros à 890 millions d'euros en exonérant les communes, par ailleurs fortement sollicitées dans le cadre de ce projet de loi de finances, ainsi que les départements les plus fragiles.
D'autre part, la commission vous proposera d'adopter un amendement visant à mettre en œuvre l'abondement, à hauteur de 600 millions d'euros, des fonds de sauvegarde des départements, en élargissant ses conditions d'attribution de façon à pouvoir accompagner les soixante départements les plus fragiles.
Je tiens également à indiquer une difficulté dans le calcul du sous-critère « voirie » de la DSR. Il faudra, à un moment ou à un autre, y revenir.
Au bénéfice de ces observations et sous réserve de l'adoption des trois amendements que je viens d'évoquer, la commission des lois a émis un avis favorable sur l'adoption des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Organisation des travaux
Mme la présidente. Mes chers collègues, avant de donner la parole aux orateurs des groupes, j'indique, pour la bonne information de tous, que 175 amendements sont à examiner sur cette mission.
La conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à huit heures trente.
Au-delà, conformément à l'organisation de nos travaux décidée par la conférence des présidents et en accord avec la commission des finances, la suite de l'examen de cette mission sera reportée à la fin des missions de la semaine.
En outre, la conférence des présidents réunie mercredi 3 décembre a décidé que, lorsque le nombre d'amendements déposés ne paraît pas pouvoir garantir leur examen serein dans les délais impartis, les temps de parole seraient fixés, sur proposition de la commission des finances, à une minute.
S'agissant de la présente mission, le nombre d'amendements à examiner, rapporté à la durée dont nous disposons aujourd'hui, nous conduit à devoir observer un rythme de 25 amendements par heure, ce qui paraît à ce stade possible.
Compte tenu, de surcroît, de l'importance du sujet abordé, nous pourrions donc fixer les temps de parole à deux minutes, en conservant la possibilité, en cours de discussion, conformément à la décision de la conférence des présidents, de passer les durées d'intervention à une minute, si cela nous permet d'éviter le report.
Dans la suite de la discussion, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps de l'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Relations avec les collectivités territoriales (suite)
Compte de concours financiers : Avances aux collectivités territoriales (suite)
Mme la présidente. Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, lors du 107e congrès des maires, un constat clair et préoccupant s'est imposé : la crise de l'engagement démocratique, l'essoufflement des élus locaux, la lassitude citoyenne et l'affaiblissement des leviers d'action des collectivités.
Une parole lucide s'est exprimée : la France doute, les territoires se sentent dépossédés, la démocratie locale s'abîme sous le poids d'une austérité imposée.
Cette alerte collective a pourtant été immédiatement étouffée dans le débat public par une déclaration du chef d'état-major des armées projetant le pays dans l'hypothèse glaçante d'un conflit majeur à venir.
Dans ce contexte, je refuse de céder à deux dynamiques que je considère comme dangereuses : la militarisation croissante des budgets publics et la recentralisation par les moyens financiers.
Ces deux tendances, bien qu'elles soient distinctes, se renforcent mutuellement et structurent profondément ce projet de loi de finances pour 2026. Elles traduisent une orientation politique où le pouvoir se resserre, où l'État central reprend la main et où les territoires se voient retirer la capacité d'action, les marges de manœuvre et la confiance institutionnelle.
À quelques mois des élections municipales, le Gouvernement aurait dû choisir d'ouvrir l'espace démocratique, de restaurer la confiance, de redonner souffle au pacte républicain. Or, selon notre groupe, c'est l'inverse qui s'opère, avec une nouvelle dégradation d'un pacte déjà fragilisé.
Cette recentralisation n'est pas nouvelle. Depuis 2017, elle se concrétise à travers la nationalisation progressive du financement local. L'affectation d'une part croissante de TVA – désormais 52 milliards d'euros, soit la moitié des transferts financiers de l'État vers les collectivités – découle de la suppression de 35 milliards d'euros d'impôts locaux.
Loin d'accroître l'autonomie des collectivités, cette évolution a renforcé leur dépendance à des ressources volatiles, vulnérables, à des arbitrages nationaux qui s'imposent à elles, mais se font sans elles. Chaque année, les mécanismes d'écrêtement les fragilisent davantage.
Dans ce cadre déjà contraint, le Gouvernement prévoit pour 2026 une reprise massive : 7,5 milliards d'euros prélevés sur les finances locales. La droite sénatoriale prétend assouplir la contrainte, mais en conserve de fait l'architecture. L'austérité n'est pas réduite, elle est simplement déplacée vers les usagers des services publics, vers les territoires les plus fragiles, vers celles et ceux qui incarnent au quotidien la solidarité et la continuité de ce service public.
Les collectivités subissent un véritable « effet sécateur ». En 2024, leurs charges augmentent de 4,1 %, tandis que leurs recettes ne progressent que de 2,8 %. Cette divergence contraint les exécutifs à s'endetter davantage, à puiser dans leur épargne, dont la Cour des comptes constate une baisse de 10 %, ou à reporter, voire à annuler, des projets d'investissement pourtant essentiels.
À cela s'ajoutent le renchérissement du coût des biens et des services du « panier du maire » et, surtout, l'explosion des prix des assurances, qui augmentent de 20,7 % en un an. Cette crise de l'assurabilité frappe d'abord les collectivités les plus exposées, tandis que les modèles actuariels des assurances privées renforcent les inégalités territoriales.
C'est précisément dans ce contexte de tension que le Gouvernement introduit deux réformes accentuant la recentralisation : le FIT et le Dilico 2.
Le FIT, présenté comme une fusion technique, se traduit immédiatement par une amputation de 200 millions d'euros et par un renforcement du pouvoir préfectoral dans la sélection des projets : moins de moyens, davantage de verticalité !
Le Dilico 2, quant à lui, franchit un cap encore plus grave. Alors que le Dilico 1 était déjà jugé injuste, sa nouvelle version triple la contribution des collectivités, portant l'effort à 2 milliards d'euros, dont 720 millions pour les seules communes.
Seuls 80 % des montants pourraient être restitués, et uniquement si les collectivités respectent des trajectoires définies nationalement, loin, donc, des réalités territoriales. Beaucoup ne reverront jamais les sommes prélevées. Les collectivités se transforment en banques pour l'État.
Le dispositif devient ainsi un mécanisme de sanctions conditionnelles rappelant les anciens contrats de Cahors. Le groupe CRCE-K y voit un outil de discipline budgétaire plutôt qu'un instrument d'accompagnement du développement des territoires. Comme nous l'avions fait l'an dernier, nous demandons donc l'abrogation du Dilico 1 et demanderons cette année la suppression du Dilico 2.
En conclusion, je souhaite m'appuyer sur les travaux qui font référence, notamment ceux de la commission Mauroy. Une République qui centralise est une République qui s'épuise. Une République qui décentralise est une République qui respire. Le choix est donc clair : poursuivre la décentralisation ou organiser son recul silencieux.
Notre groupe, pour sa part, s'opposera à ce recentrage qui réduit l'air, l'autonomie et les moyens des collectivités. À l'inverse des rapporteurs de cette mission, nous ne défendons pas l'idée selon laquelle les collectivités doivent contribuer à l'effort de réduction de la dépense publique. Nous affirmons, au contraire, que l'État doit se tenir à leurs côtés.
En conséquence, nous ne voterons pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – M. Guy Benarroche applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en tant que membres de la chambre des territoires, nous prêtons, comme Mme la ministre, une attention particulière au budget des collectivités territoriales.
Celles-ci sont de plus en plus dépossédées de leurs leviers fiscaux. Leur autonomie fiscale est de plus en plus limitée, et c'est finalement leur libre administration qui est mise à mal. En quinze ans, trois taxes locales ont disparu.
Les gouvernements successifs n'ont de cesse de faire peser sur les collectivités la responsabilité d'une dette qui ne peut pas leur être imputée !
Quand on sait que la dette locale ne représente que 7,9 % de la dette publique, personne ne peut se satisfaire des demandes disproportionnées contenues dans ce budget, qui est à l'image de la copie examinée l'an dernier.
Par ailleurs, j'ai souvent rappelé, au nom de mon groupe, un problème inhérent à cette mission budgétaire : le soutien de l'État aux collectivités n'est pas réduit à la seule mission RCT. Il se traduit également dans d'autres dispositions du projet de loi de finances. Ainsi, les crédits de cette mission représentent seulement 2,5 % du total des transferts financiers aux collectivités. Un budget global dédié aux collectivités territoriales devrait être élaboré, pour la clarté et la sincérité budgétaire.
La création d'une loi de financement des collectivités territoriales faisait ainsi partie des mesures défendues par le candidat écologiste Yannick Jadot lors de l'élection présidentielle. Elle aurait le mérite d'orienter l'approfondissement de la décentralisation vers un triple objectif : plus de démocratie, plus de justice territoriale, plus d'écologie.
Sans visibilité, les capacités d'agir de nos échelons locaux sont réduites.
Ce PLF, techniquement, est susceptible d'entraîner une dégradation de la capacité d'autofinancement et, par conséquent, une chute de l'investissement des collectivités territoriales.
Or les collectivités territoriales représentent deux tiers des investissements civils. Dans le rapport d'information Engager et réussir la transition environnementale de sa collectivité, que nous avait confié Mme la ministre, alors présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, et que j'ai signé avec mes collègues Laurent Burgoa et Pascal Martin, nous montrions que ces investissements rapportaient financièrement à la fois aux collectivités et à l'État.
Selon l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE) « au moins 12 milliards d'euros d'investissements climat devraient être réalisés par les collectivités chaque année, soit presque 20 % de leur budget d'investissement. »
Or ce budget ne laisse pas la moindre place à une réponse dans ce domaine, que ce soit au sein de cette mission ou dans d'autres. Ainsi, le fonds vert, rattaché à la mission « Écologie, développement et mobilité durables », a subi 68 % de baisses de crédits en trois ans, ce qui nous empêchera de répondre aux défis climatiques.
Le montant de la dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques augmente, mais en apparence seulement : en effet, cette hausse est liée à l'intégration, dans son périmètre, des collectivités d'outre-mer.
Mon groupe ne cesse de le rappeler : les collectivités territoriales ont besoin de moyens en amont pour mieux répondre aux défis liés au changement climatique. Cela réduirait non seulement les besoins nécessaires à la suite de la survenue d'un événement climatique, mais aussi les aléas. Malheureusement, la prévention n'est une priorité que sur les travées du groupe écologiste – et je le regrette.
Autre élément notable de cette mission, la DGF est en baisse, puisque son niveau reste identique à celui de 2025.
Soulignons également l'absence de compensation durable par l'État de ressources fiscales supprimées et de prévision de financement du statut de l'élu local, adopté définitivement avant-hier par l'Assemblée nationale – je me réjouis de cette avancée et il sera nécessaire d'affecter des ressources à la dotation particulière relative aux conditions d'exercice des mandats locaux, dite dotation particulière « élu local » (DPEL) : c'est ce que proposeront les rapporteurs.
Je m'arrêterai enfin sur les deux points qui cristallisent notre opposition : il s'agit de la création d'une dotation unique – le fonds investissement pour les territoires – et du Dilico. Ces deux mécanismes sont délétères pour nos collectivités.
Le premier brouille la lecture des besoins auxquels nous voulons répondre. Au mieux, ce dispositif entraînera une concurrence entre les territoires. Par ailleurs, le FIT priverait les collectivités territoriales de 200 millions d'euros. Le FIT, c'est donc moins de moyens, réunis en une seule enveloppe, qui nécessiteront en outre des capacités d'ingénierie dont peu de communes disposent.
Quant au second, nous étions déjà opposés à sa première version, instaurée dans le PLF pour 2025. Pour 2026, le Dilico est modifié : le montant est augmenté et son reversement, conditionné, s'étalera sur une durée plus longue. Pour nous, cette coupe budgétaire est non pas une épargne forcée, mais un dispositif usurier. Nous nous opposerons donc bien entendu au Dilico 2.
Pour conclure, nous regrettons cette année encore l'abandon des collectivités par un État qui rend leur survie de plus en plus aléatoire.
L'État demande aux collectivités de réaliser à sa place un effort qu'il ne fait plus, en leur confiant des moyens toujours plus réduits. Cela ne pourra pas fonctionner, car vous ne permettez pas aux collectivités de jouer leur rôle.
Mme la présidente. Il faut conclure, cher collègue.
M. Guy Benarroche. Vous asséchez les ressources propres des collectivités et supprimez les leviers fiscaux dont elles disposent.
Aussi, nous nous opposerons à ce budget.
Mme la présidente. La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour examiner le dernier budget des deux quinquennats d'Emmanuel Macron.
Pour nos collectivités comme pour la décentralisation, ces dix ans de macronisme, c'est une décennie perdue. Au-delà des chiffres et des comptes, nous savions le désintérêt profond du pouvoir macroniste à l'égard de nos territoires.
Aucune expérience de terrain, peu d'élus locaux à la tête de l'État : pendant dix ans, les collectivités ont été le parent pauvre de toutes les politiques publiques.
Or notre modèle, qui compte quatre, voire cinq strates, selon les territoires, est aujourd'hui insoutenable.
D'un côté, les technostructures territoriales accumulent financements et personnels et aggravent les déficits.
De l'autre, les collectivités de proximité et du quotidien que sont les communes et les départements ont été profondément dévalorisées, dans leurs compétences comme dans leurs financements.
La strate départementale est d'ailleurs en état de quasi-faillite – mais que fait le Gouvernement ? Un fonds d'urgence et quelques recentralisations de RSA, mais aucune réforme d'ampleur. Pourtant, les scandales s'accumulent : je pense notamment à l'aide sociale à l'enfance (ASE). Et la bien maigre loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi 3DS, seul texte adopté sur la décentralisation depuis 2017, n'a pas démontré le moindre effet : elle n'a pas même été appliquée.
La seule fois où nos collectivités ont été appelées à agir et soutenues pour le faire, ce fut durant le covid-19. Cette crise a révélé quelles strates étaient véritablement efficaces.
Plus d'« intercos » ni de régions, mais des communes et des départements qui organisaient la solidarité et la vaccination.
Plus d'État plus pointilleux, mais un pouvoir aux côtés de nos collectivités, qui leur laissait toute la latitude nécessaire pour agir au bénéfice de nos compatriotes.
Le premier acte du quinquennat a consisté en la suppression de la taxe d'habitation. Cette décision a déstabilisé les recettes de fonctionnement des budgets communaux et a provoqué le récent scandale de l'augmentation de la taxe foncière, dont les communes attendent depuis cinquante ans une véritable mise à jour sur des bases réelles et non artificielles.
Le dernier acte intègre un projet d'unification des différentes dotations d'investissement à destination de nos collectivités. Sur le principe, comment s'y opposer ? Elle devrait être synonyme de lisibilité, de simplicité et de clarté du dispositif. Mais, ultime insulte pour nos collectivités, son montant final est inférieur au total des différents fonds et dotations unifiés ! Après les ressources de fonctionnement, le Gouvernement s'attaque aux recettes d'investissement.
Ce choix est d'autant plus nocif que les collectivités représentent 70 % de l'investissement public. Ainsi, 1 euro investi par nos collectivités, c'est 1 euro de croissance dans nos territoires, 1 euro de salaire, 1 euro de développement.
Nous devons faire des économies sur certaines strates territoriales, en particulier sur les régions et les EPCI ; mais s'attaquer aux investissements des collectivités, c'est poursuivre la spirale de décroissance économique et d'abandon de nos territoires les plus reculés, notamment en milieu rural.
Pour nos communes, ces dix ans ne furent qu'une décennie de mépris. Notre modèle de décentralisation est à l'arrêt et un budget aussi inégal ne réglera pas les difficultés.
Je profite de cette tribune pour appeler nos concitoyens à se saisir du scrutin municipal à venir pour faire passer un vrai message : celui du respect pour nos communes et d'une décentralisation au plus proche des besoins, loin des carcans financiers.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Roux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Yves Roux. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, selon la formule de la présidente Carrère, à laquelle tout sénateur de la montagne ne peut qu'être sensible, on sait qu'un randonneur ne s'épuise jamais d'un seul coup. Tant que le sentier est régulier, il avance, il compense, il s'adapte malgré la pente. Mais si le sac s'alourdit et que l'effort n'est plus partagé, il perd ses forces et finit par ralentir, jusqu'à ce que ses jambes lâchent.
De la même manière, nos collectivités sont courageuses et endurantes, mais pas inépuisables. Or ce projet de loi de finances ne semble pas les délester.
Je parle avec l'expérience d'un élu issu d'un département rural, où la commune est souvent le premier lieu de cohésion et d'accès au service public.
Or, cette année encore, c'est un sentiment de lassitude qui domine chez nos élus locaux : celui d'être appelés, une fois de plus, à faire des efforts auxquels l'État ne consent pas pour lui-même.
Une fois encore cette année, il est demandé aux collectivités une contribution évaluée à plusieurs milliards d'euros. Cet effort est disproportionné au regard de la responsabilité réelle des collectivités dans le déficit public, et alors même que leur pouvoir d'investissement est ô combien important pour toute notre économie.
Plutôt que cet écart inacceptable, nos concitoyens attendent de l'État qu'il montre l'exemple avant d'exiger un effort supplémentaire des collectivités, qui, pour beaucoup, ont déjà rationalisé leur fonctionnement.
Plus encore, dans ce contexte très contraint, ce projet de loi de finances instaure une réforme d'ampleur avec la création du fonds d'investissement pour les territoires. L'intention affichée est celle de la simplification et de la rationalisation. Mais, au-delà des mots, la fusion de la DETR, de la DSIL et de la DPV s'accompagne d'une baisse de crédits et d'un élargissement du périmètre des communes éligibles, ce qui a pour effet mécanique de diluer l'effort historiquement dédié aux territoires ruraux.
Dans nos communes rurales, la DETR représente non seulement un outil de soutien à l'investissement, mais aussi bien souvent le principal levier pour engager la rénovation d'une école, la modernisation d'un équipement sportif ou l'amélioration d'un réseau d'eau potable. Aussi, sa dilution dans un dispositif nouveau, sans garanties robustes sur son niveau ni sur son ciblage, soulève des inquiétudes. Et même si l'on nous promet la même compensation, à l'euro près – comme l'État s'y était engagé au moment de la suppression de la taxe d'habitation –, ces inquiétudes sont légitimes.
Nous y reviendrons lors de l'examen des amendements, mais le groupe RDSE défendra la suppression de ce nouveau fond.
J'en viens maintenant au Dilico 2, qui constitue un autre point de préoccupation majeure. Le dispositif initialement proposé s'apparente davantage à un outil de contrainte qu'à un véritable filet de sécurité. Il élargit le nombre de collectivités mises à contribution, double le montant en jeu et conditionne le reversement à des critères que les élus locaux ne maîtrisent pas. Une telle architecture ne peut que fragiliser la liberté d'action des collectivités et éroder encore davantage le lien de confiance avec l'État.
L'approche plus mesurée proposée par la commission va dans le bon sens. Elle rétablit une logique conjoncturelle et non punitive, sécurise les reversements et limite la portée du dispositif. Le RDSE est ouvert à ce travail de rééquilibrage.
Ces deux exemples soulèvent en réalité une question politique beaucoup plus large : celle du modèle de décentralisation que nous voulons pour notre pays. Le gel de la DGF, l'encadrement toujours plus serré des dépenses locales, les transferts de charges insuffisamment compensés et, désormais, la remise en cause des instruments d'investissement du bloc communal témoignent d'une tendance persistante à restreindre les marges de manœuvre des élus locaux.
Dans nos territoires ruraux, où les effectifs sont comptés, où l'ingénierie est rare et où les délais de réalisation sont plus longs, cette recentralisation silencieuse est particulièrement dommageable.
Pourtant, ce sont les collectivités qui réalisent près des deux tiers de l'investissement public dans notre pays. Ce sont elles qui mettent en œuvre la transition écologique, soutiennent la revitalisation commerciale, entretiennent les voiries et assurent le quotidien de nos concitoyens, du plus jeune jusqu'au grand âge. En les fragilisant, c'est toute la dynamique locale qui s'affaiblit, au risque d'accentuer les fractures territoriales et sociales.
Pour conclure, nous venons tout juste d'adopter une proposition de loi importante sur le statut de l'élu local, par laquelle nous reconnaissons l'exigence, la charge et, parfois, la solitude de celles et ceux qui font vivre nos communes. Nous avons affirmé, ensemble, que l'échelon local mérite soutien, respect et considération. Mais dans le même mouvement, le budget qui nous est présenté fragilise ces mêmes élus, en réduisant leurs marges de manœuvre, en alourdissant leurs charges et en comprimant leurs capacités d'action.
Mes chers collègues, le groupe RDSE est naturellement favorable à la maîtrise de la dépense publique. Nous entendons la nécessité d'un effort partagé, mais celui-ci doit être proportionné. Notre position dépendra du sort réservé aux amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Sophie Patru. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Agnès Canayer applaudit également.)
Mme Anne-Sophie Patru. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2026 s'inscrit dans un contexte budgétaire exigeant, où l'impératif de redressement des comptes publics appelle à la responsabilité collective.
À cet égard, le groupe Union Centriste salue l'effort du Gouvernement pour maîtriser la dépense publique. Je rappelle cependant que les collectivités territoriales, qui ne représentent que 7,9 % de la dette publique, doivent être associées à ces économies de manière équilibrée et juste, comme l'a rappelé le président du Sénat au congrès des maires.
Nos communes, nos intercommunalités, nos départements et nos régions jouent un rôle essentiel : ils assurent 58 % de l'investissement public et sont le premier maillon de la cohésion territoriale et de l'action publique.
Je salue, à ce titre, le travail exigeant et équilibré de nos rapporteurs Stéphane Sautarel, Isabelle Briquet et Jean-Michel Arnaud, dont les propositions complètent la copie initiale du Gouvernement en apportant davantage de lisibilité et de justice territoriale.
Concernant les crédits de la mission et les principales mesures qu'elle contient, la création du désormais bien connu fonds d'investissement pour les territoires, qui regrouperait la DETR, la DSIL et la DPV, représentera une avancée à condition d'améliorer la lisibilité ainsi que l'efficacité de la gestion des dotations. Cependant, il est crucial que cette réforme ne pénalise pas les communes rurales, qui ont besoin de stabilité pour préparer leurs projets d'avenir. Aussi, la commission des lois a jugé cette réforme peut-être un peu prématurée : sans doute devrions-nous remettre l'ouvrage sur le métier.
Le Dilico, qui désigne le dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales, est désormais un acronyme bien connu des élus. Après sa création l'an dernier, ici même, en lieu et place du fonds de réserve un peu trop brutal initialement proposé, ne perdons pas de vue que son application doit rester proportionnée et transparente. L'article 75 prévoit, conformément à la parole du Gouvernement, le reversement du tiers de la contribution de l'année 2025 : nous le saluons.
La position de la commission des finances sur le Dilico nous paraît proportionnée et juste : ses modifications portent à 2 milliards d'euros les économies réalisées grâce à ce dispositif, ainsi que s'y était engagé le président du Sénat. La commission a ainsi exonéré intégralement les communes de Dilico pour 2026 et a divisé par deux l'effort des EPCI et des départements. Cette position est soutenue par le groupe Union Centriste, car elle concilie rigueur budgétaire et confiance dans les territoires.
La situation des départements est particulièrement préoccupante. Alors que les dépenses sociales progressent et que leurs recettes diminuent, une soixantaine d'entre eux pourraient se trouver en difficulté en 2026.
L'abondement du fonds de sauvegarde à hauteur de 300 millions d'euros, tel que le prévoit l'article 77, est bienvenu. Cependant, la commission et l'Assemblée des départements de France (ADF) suggèrent de renforcer ce fonds de 600 millions d'euros supplémentaires : cette mesure est attendue, alors que les politiques sociales assurées par le département sont cruciales, dans la période actuelle, pour garantir la continuité de services publics essentiels pour nos concitoyens. La définition de leurs critères d'éligibilité sera là aussi essentielle au bon fonctionnement de ce fonds.
Par ailleurs, le texte annoncé par le Gouvernement sur la décentralisation doit être aussi l'occasion de réfléchir à l'autonomie financière des départements, aujourd'hui très restreinte.
Enfin, nous saluons les avancées du projet de loi de finances en matière de péréquation : je pense notamment à l'augmentation de la dotation de solidarité rurale et de la dotation de solidarité urbaine, ainsi qu'au maintien de la dotation de soutien aux communes pour les aménités rurales (DSCAR). Ces mesures vont dans le sens d'une plus grande équité entre les territoires.
Pour conclure, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » représente toujours un symbole fort pour le Sénat, d'autant plus dans le contexte actuel.
Le groupe Union Centriste sera particulièrement vigilant au respect d'un seul objectif. Madame la ministre, je ne doute pas que vous le connaissiez et que vous le partagiez : il s'agit du maintien de la capacité d'investissement des collectivités, qui est un levier essentiel pour la croissance et l'emploi local.