M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC.)
M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a dans une œuvre d'art « quelque chose qui pense et qui pense sans mot », selon Daniel Arasse, quelque chose qui nous arrête, qui nous suspend, qui nous oblige à regarder autrement. Cette faculté silencieuse de l'art, cette pensée sans discours échappe aux catégories et ne se mesure jamais par des indicateurs.
En examinant ce budget, nous ne discutons pas seulement de subventions, de plafonds ou de trajectoires ; nous discutons de la capacité de notre pays à continuer de produire et de transmettre ces œuvres qui pensent autrement, ces œuvres qui élargissent ce que nous sommes, qui résistent à l'usure et parfois à la nuit, aurait dit Malraux.
En ces temps où le ciel budgétaire s'obscurcit, veillons à ne pas trop réduire la lumière.
Dans ce budget, les opérateurs nationaux et les scènes labellisées font face à une hausse structurelle de leurs charges. Les coûts de production artistique et technique augmentent, tandis que l'État leur demande de renforcer leurs ressources propres et de maintenir une offre exigeante et accessible. Les rapports budgétaires de la commission de la culture l'ont rappelé à plusieurs reprises, les scènes nationales et les centres dramatiques nationaux disposent de moyens importants, mais ces moyens varient fortement selon les labels et les territoires, ce qui affaiblit leur capacité de prendre des risques et de soutenir l'émergence.
Le patrimoine constitue un autre pilier sous tension. Une grande partie des monuments protégés appartient à des communes rurales ou de petite taille. Les travaux d'entretien et de restauration représentent pour elles une charge disproportionnée. Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) nous a alertés sur le risque d'un affaiblissement durable de la place du patrimoine dans l'action publique, si l'État ne clarifie pas la répartition des responsabilités avec les collectivités et ne garantit pas une programmation pluriannuelle lisible. Le pacte patrimonial annoncé ne pourra être pleinement efficace que s'il répond à cette exigence de clarté et de visibilité.
La transmission et la démocratisation culturelle connaissent également une recomposition. Le pass Culture a fait l'objet d'évaluations convergentes. L'inspection générale des affaires culturelles (Igac) et l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) soulignent une forte concentration des usages et une difficulté persistante à toucher les publics les plus éloignés de la culture. La Cour des comptes juge quant à elle ce dispositif coûteux, insuffisamment piloté et peu efficace pour diversifier les pratiques. Nous plaidons, madame la ministre, pour un recentrage clair du dispositif sur ses objectifs de service public et pour un pilotage renforcé.
Les politiques d'éducation artistique et culturelle (EAC) connaissent les mêmes limites. Malgré l'engagement financier de l'État et des collectivités, les objectifs de généralisation et de réduction des inégalités territoriales ne sont pas totalement atteints.
Parallèlement, les contraintes pesant sur les collectivités locales s'accentuent. Selon les données du ministère de la culture et de l'Observatoire des politiques culturelles, les collectivités consacrent plus de 10 milliards d'euros par an à la culture, avec un effort particulièrement marqué du bloc communal. Cependant, les communes rurales et les intercommunalités doivent absorber l'augmentation des dépenses obligatoires, la hausse des coûts de l'énergie et l'entretien d'un patrimoine souvent lourd.
Les conséquences sont immédiates : reports de travaux, réduction des saisons, fragilisation des festivals, affaiblissement des structures indépendantes dans les territoires où les grands opérateurs ne sont pas implantés. Toutes les filières sont concernées, du spectacle vivant à la lecture publique. Mes chers collègues, le risque d'une fracture culturelle territoriale est bien réel.
L'État stabilise ses crédits sur certaines priorités, mais ne répond pas aux décalages structurels entre les besoins et les crédits disponibles. Depuis plusieurs années déjà, la commission de la culture, tout comme les professionnels du secteur, pointe le déficit d'une stratégie culturelle. Il est urgent de définir une visibilité pluriannuelle et de clarifier les responsabilités entre l'État et les collectivités, afin de redonner de la cohérence à l'ensemble de la politique culturelle.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE subordonne son vote aux résultats de la discussion en séance. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Pierre-Antoine Levi applaudit également)
M. le président. La parole est à Mme Sonia de La Provôté.
Mme Sonia de La Provôté. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous le savons tous dans cet hémicycle, la culture est l'un des fondements de notre pacte social. Aujourd'hui, alors que les fractures s'accentuent, elle est plus vitale que jamais. C'est pourquoi le débat budgétaire de cette année revêt une importance singulière. Au-delà des aspects financiers, c'est bien de feuille de route et de stratégie que nous parlons aujourd'hui.
Le contexte de 2026 est inédit. Le pacte culturel État-collectivités territoriales est fragilisé et se fissure. Ce message nous arrive des territoires et des acteurs concernés. Les budgets culturels des collectivités ont baissé de 7 % en 2025, alors qu'ils sont les principaux facilitateurs d'un large accès à la culture partout dans notre pays. Dans le même temps, les crédits déconcentrés des Drac baissent.
Ainsi, pendant que les collectivités se retirent, l'État ne compense pas et réduit son intervention. Faute d'orientation claire, le pacte d'une politique publique de la culture est abîmé par ce double désengagement. C'est donc une période à risque, dans laquelle la baisse d'accompagnement fragilise l'équité d'accès à la culture et la diversité de l'offre.
Dans ce contexte, le ministère doit plus que jamais jouer son rôle de capitaine de navire et proposer un cap.
Au lieu de cela, depuis des années, nous assistons à la multiplication des plans thématiques. Or une somme de dispositifs ne fait pas une politique : c'est un catalogue. La situation actuelle crée, au-delà de l'impact des mesures budgétaires, une insécurité intenable. Prenons quelques exemples.
Dans la création artistique, tous les maux que j'ai décrits se manifestent. Les contraintes pesant sur le secteur restreignent la proposition culturelle et mettent en péril la diversité des acteurs et de la création. Le risque est de laisser la porte ouverte à l'arbitraire ou aux choix trop convenus.
Si, pendant trois ans, nous avons connu une progression continue des crédits, cette année, c'est un coup d'arrêt net et brutal : – 3,9 % en 2026, une baisse touchant singulièrement le spectacle vivant. Les artistes individuels, déjà très vulnérables et qui sont historiquement les parents pauvres du budget de la culture, ne sont pas mieux accompagnés. Partout, on se demande, dans les lieux de création, comment on va finir l'année.
Les artistes le disent, l'optimisme n'est plus de mise. La situation des festivals est emblématique de cette déshérence. Nous savons pourtant à quel point ils contribuent à la vie de nos territoires. Ils font face à un paradoxe qui appelle une vraie réflexion sur leur modèle économique : alors qu'ils affichent des résultats exceptionnels, avec 90 % de jauges remplies pour un grand nombre d'entre eux, ils sont aussi en déficit pour la plupart. L'effet de ciseaux va en s'aggravant.
En matière d'EAC, l'absence de vision globale est tout aussi pathognomonique. Le pass Culture a fait office de politique publique, au détriment d'une vision. Il était censé être la clef ouvrant les portes de la culture à la jeunesse, promettant de donner le goût de la découverte et de l'imaginaire, incitant les jeunes à sortir, à aller vers l'œuvre, vers l'artiste, vers le monde et les autres. Voilà typiquement un dispositif ni bon ni mauvais, qui peut être amélioré, mais à condition qu'une feuille de route pour l'EAC soit préalablement écrite. Il ne faut pas faire les choses à l'envers…
Nous saluons le fait qu'un travail se soit engagé. Il devrait surtout être mené avec l'éducation nationale pour servir in fine un parcours d'émancipation culturelle. Or nous ne constatons aucun effet de vases communicants avec les actions en matière d'EAC à la main du ministère de la culture. Repensons ce dispositif comme étant l'un des éléments et non le socle de l'éducation artistique et culturelle.
J'en viens au Fonpeps, dont la sous-budgétisation chronique doit mener à une réflexion sur le soutien à l'emploi artistique. Pour 2026, 35 millions d'euros sont prévus, quand les besoins sont régulièrement estimés à près de 60 millions d'euros. Comment garantir un soutien à l'emploi artistique avec un tel écart ? Nous soutiendrons les amendements visant à abonder ce fonds. Un vrai travail doit s'engager avec les acteurs du secteur.
Venons-en au plan Culture et ruralité. Il procède d'une très bonne intention, mais sa logique descendante, l'empilement de propositions et le sous-financement font de cette belle idée une liste à la Prévert. Certaines initiatives sont cependant excellentes, comme le plan Artothèques. Depuis le Printemps de la ruralité, les territoires ruraux sont néanmoins peu associés à se déclinaison. Pour un plan dédié à la ruralité, il faut laisser au terrain l'initiative de proposer des actions ; il revient ensuite au ministère d'aider les collectivités porteuses des projets, même si ces actions ne rentrent pas dans les cases.
Les crédits déconcentrés des Drac étant en baisse, la part des projets ascendants pouvant être accompagnés est résiduelle. La culture dans la ruralité, c'est essentiel. La culture issue des acteurs de la ruralité, c'est vital.
Pour ce qui est des crédits alloués aux patrimoines, le mur d'investissements nécessaire devient une muraille. Mme la rapporteure pour avis de la commission de la culture constate l'effondrement du budget après l'embellie budgétaire des années précédentes. Au cours des dernières années, de grands et coûteux projets ont été choisis au détriment de l'entretien et de priorités vitales : le clos, le couvert, la sécurité et la sûreté, par exemple.
L'effet de ciseaux est toujours le même : augmentation des coûts et baisse de la contribution des collectivités et de l'État. Là encore, nous cherchons une feuille de route. Les schémas directeurs semblent être à la mode. Élaborons-les ! Y aura-t-il un schéma directeur national du patrimoine, des musées, pour l'entretien, pour la sûreté, pour la sécurité, par exemple ? Prévenir les désordres graves, c'est éviter les catastrophes, et cela coûte moins cher. Les cathédrales, qui, elles, ont bénéficié d'un plan, sont dans une meilleure situation. C'est la preuve par l'exemple : un plan financé, ça marche !
Faute d'inventaire complet et bien construit du patrimoine bâti, non bâti, paysager, et même des collections des musées, nous ne savons pas où nous en sommes. La situation est complexe, car le cadre de gestion l'est.
Entre ce qui est géré par le public, par le privé, par les deux, par des associations, par des établissements publics ou parapublics ; entre les musées gérés par un ministère, voire deux, les collectivités, le privé ; entre ce qui est accompagné par des fonds relevant du mécénat, d'autres du privé ou du public ; entre le classé, l'inscrit et le non-classé : tout contribue à l'absence de vision globale. Pourtant, le patrimoine est un tout et c'est notre mémoire collective. Il faut donc sortir de ces classifications et typologies qui se juxtaposent pour avoir un discours unique sur le patrimoine, quel que soit son statut.
Nous parlons beaucoup des outils : le loto, le grattage, l'entrée payante à Notre-Dame, le National Trust à la française – in trust we trust, affiché comme un mantra. Mais la question est : pour quoi faire ? Même les grands établissements et les édifices prestigieux pâtissent de ce manque de stratégie : le château de Chambord, le site du Mont-Saint-Michel, le Grand Palais, qui a dû absorber les agents du centre Pompidou, le musée du Louvre. Ce n'est ni durable ni lisible.
Vous l'aurez compris, madame la ministre, nous attendons de la discussion qui s'engage des améliorations budgétaires et des choix clairs. En effet, même avec des efforts, le budget doit rester au service d'objectifs stratégiques et lisibles.
Le groupe Union Centriste suivra, en l'état des discussions, l'avis de nos deux rapporteurs pour avis de la commission de la culture.
Un débat n'a lieu que si les portes ou, à défaut, les fenêtres restent entrouvertes. Parce que la culture occupe une place de premier rang, si singulière, dans nos politiques publiques, parce qu'elle est une évidence vitale dans le moment démocratique chahuté que nous traversons, nous comptons sur nos échanges, nos amendements et, surtout, vos propositions, madame la ministre, pour la doter d'un budget à la hauteur de ces enjeux. Que l'air et le bon oxygène entrent donc par les fenêtres pour que la culture respire de nouveau ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. C'est beau comme l'antique !
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Laure Darcos. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les déficits publics sont abyssaux, nous le savons, et le sérieux budgétaire n'a pas été la qualité première des responsables politiques des dernières années. Pour autant, fallait-il faire de la culture la variable d'ajustement de la rigueur que nous impose la situation actuelle de nos finances ?
Derrière le mot « culture », nous avons des créateurs et des artistes passionnés, des producteurs engagés, des entreprises du patrimoine et des artisans d'art détenteurs de savoir-faire exceptionnels, des structures qui transmettent avec rigueur des connaissances et forment aux métiers artistiques. Nous avons enfin des collectivités locales convaincues du rôle qu'elles ont à jouer pour promouvoir et mettre en avant des projets rassembleurs.
Bref, la culture, c'est avant tout de l'humain et des œuvres.
Or le projet de budget pour 2026 va balayer tout cet écosystème comme une lame de fond, marquant une rupture sans précédent dans le financement de la culture.
Tous les programmes de la mission voient leurs crédits se rétracter. Les autorisations d'engagement sont en repli de 7 % et les crédits de paiement de 4 %.
Je suis très inquiète pour le secteur de la création. Il pâtit à la fois de mesures de régulation budgétaire des collectivités territoriales – comment leur en faire le reproche quand l'État fait peser sur elles une telle pression financière ? – et de la baisse drastique des crédits du ministère de la culture.
La création est exsangue après des années difficiles, au cours desquelles il a fallu s'extraire de la crise du covid-19 et faire face à l'inflation exponentielle du coût de l'énergie. Or la création artistique repose sur un modèle largement subventionné, faisant la part belle à des financements croisés entre collectivités territoriales et État.
Cette structuration du soutien à la culture est clairement en déclin, alors qu'elle garantissait jusqu'à présent la diversité de la production artistique et l'accès le plus large possible aux œuvres. Les structures labellisées sont contraintes de faire des choix cornéliens entre report des créations, suppression de représentations et programmations moins ambitieuses.
Le recul des moyens accordés par l'État au titre de ce projet de loi de finances est donc, à bien des égards, désastreux.
Le spectacle vivant est en grand danger. Nous en sommes tous convaincus, la diminution des crédits aura des conséquences néfastes sur les structures les plus fragiles, mais aussi sur l'emploi artistique et technique.
Comment ne pas évoquer la sous-budgétisation du Fonpeps, dont le rôle est de soutenir l'emploi pérenne dans le spectacle vivant ? Cette sous-budgétisation a de lourdes incidences pour les structures employeuses et donne lieu, malheureusement, à des retards trop fréquents de paiement des aides, alors que ces structures sont déjà confrontées à de sérieuses difficultés de trésorerie. Or le PLF pour 2026 ne tire aucune conséquence de cette situation, le montant de 35 millions d'euros inscrit étant très en deçà des prévisions d'exécution.
J'en viens à présent au pass Culture, pilier de l'EAC, dont la réforme a donné lieu à de fortes tensions.
Le redimensionnement de sa part individuelle a été mal pensé. Elle a en effet été concentrée sur les jeunes, dont les centres d'intérêt sont déjà très affirmés. Or le pass Culture a été massivement adopté par les jeunes, toutes classes d'âge confondues, ce qui a confirmé la pertinence de cette politique publique, dont la singularité résidait dans le libre choix qui leur était accordé pour acquérir des pratiques culturelles régulières.
Le livre ayant été largement plébiscité, ce succès a fait du pass Culture un instrument très utile pour le développement de la lecture. Dans tout le pays, ce même constat a été dressé sur le terrain par les libraires, qui s'étaient massivement investis dans le déploiement de l'offre.
La réforme mise en œuvre par le ministère de la culture a eu pour effet de vider le pass Culture de sa substance, et nous voyons aujourd'hui la part collective à son tour affectée par une mesure de régulation budgétaire tout aussi incompréhensible.
Enfin, l'EAC est à la dérive, avec des crédits qui n'évolueront pas par rapport à 2025 et se limiteront à un peu plus de 85 millions d'euros en crédits de paiement.
La pénurie de moyens se gère au détriment de l'objectif fondateur de l'EAC : encourager la participation des enfants et des adolescents à la vie artistique et culturelle par l'acquisition de connaissances, un rapport direct aux œuvres, la rencontre avec des artistes et professionnels de la culture, ainsi qu'une pratique artistique ou culturelle.
J'évoquerai à présent les enjeux liés au patrimoine.
Le programme 175, concentrant les crédits qui lui sont consacrés, est le plus affecté des programmes de la mission « Culture ». Une telle rupture est pour le moins paradoxale, alors que certains de nos monuments historiques les plus emblématiques – châteaux et églises – sont fortement dégradés et qu'ils auraient besoin d'un investissement massif.
Le plus symbolique d'entre eux, le château de Versailles, voit ses crédits de paiement amputés de 6 millions d'euros. Quant au Louvre, qui enchaîne les événements dramatiques depuis plusieurs semaines, sa dotation est réduite de 5 millions d'euros.
Globalement, les crédits alloués à la conservation du patrimoine sont en chute libre, tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement. Les crédits d'intervention des Drac vont se rétracter à due concurrence, mécontentant au premier chef les élus locaux, lesquels voient le patrimoine de leur commune se dégrader rapidement et, dans le pire des cas, atteindre un point de non-retour.
La concentration des crédits sur quelques grands projets interpelle à l'évidence, mais certains chantiers d'envergure se trouvent également affectés dans leur phasage et verront leur budget d'investissement lissé dans le temps. C'est le cas des travaux inscrits dans les schémas directeurs respectifs du château de Fontainebleau et du domaine national de Chambord.
Le défaut d'investissements continus fragilise la conservation du patrimoine. Il met aussi en péril l'activité de centaines d'entreprises hautement spécialisées dans la restauration des monuments historiques et, partant, les 40 000 emplois qualifiés du secteur.
Mes chers collègues, l'heure est grave.
La situation de la culture impose de changer de braquet. Sortons des schémas habituels de pensée, élaborés voilà des décennies. Mettons en place des politiques de soutien intelligentes, agiles, efficaces et correctement calibrées d'un point de vue budgétaire, dans le cadre d'une logique pluriannuelle.
Il est de notre devoir de législateur d'agir avec force pour que chacun puisse avoir accès à la culture, aux musées, aux joyaux de notre patrimoine, au spectacle vivant comme aux arts visuels, passés ou modernes. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mmes Sabine Drexler, rapporteur pour avis, et Sylvie Robert ainsi que M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Béatrice Gosselin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'année 2026 marquera, cela a déjà été rappelé, une rupture nette pour la politique patrimoniale de notre pays. Le freinage brutal des crédits du programme 175 « Patrimoines », conjugué à la disparition de toute visibilité pluriannuelle au-delà de 2027, fragilise directement les collectivités, les opérateurs et l'ensemble des acteurs concernés.
Derrière ces lignes budgétaires se trouve une réalité que chacun d'entre nous peut constater dans son département : un patrimoine qui se dégrade, des édifices vieillissants et des communes souvent seules face à des charges d'entretien et de restauration qu'elles ne peuvent plus assumer.
Les crédits octroyés en faveur de la rénovation du patrimoine au cours des dernières années laissaient entrevoir l'espoir d'avancer progressivement et sûrement. La baisse draconienne prévue en 2026, combinée à l'effet de ciseaux provoqué par l'inflation du coût des travaux et l'accélération du vieillissement des édifices, remet cet élan en cause. L'entretien courant, qui devrait constituer la première ligne de défense pour éviter les interventions d'urgence, toujours plus coûteuses, demeure très largement insuffisant.
Les crédits déconcentrés des Drac connaissent une baisse d'une ampleur inédite : ainsi, les autorisations d'engagement pour l'entretien et la restauration des monuments inscrits et classés diminuent de près de 40 %. Ce sont souvent encore les petites communes, au budget contraint, qui sont les plus directement touchées. La chute de moyens entraînera en outre le report d'un très grand nombre de chantiers dans les territoires.
De ce fait, l'écosystème des métiers du patrimoine, des PME spécialisées et des artisans hautement qualifiés sera touché de plein fouet par le ralentissement des chantiers.
La situation des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) est elle aussi très préoccupante. Dans plusieurs départements, ces organismes sont en grande difficulté financière, en raison de dysfonctionnements persistants dans la collecte de la taxe d'aménagement. Le CAUE de la Manche a même disparu après avoir été mis en liquidation. Les communes ne bénéficieront donc plus de cette ingénierie pourtant indispensable à la conduite de leurs projets architecturaux et patrimoniaux.
Je veux également rappeler une donnée particulièrement préoccupante : 67 000 monuments non protégés seraient aujourd'hui dans un état critique. Chaque euro investi dans un chantier de restauration engendre pourtant en moyenne 21 euros de retombées économiques.
Le patrimoine n'est pas seulement un héritage culturel ; c'est un moteur d'activité, de formation et d'emploi pour nos territoires.
Je tiens également à évoquer la situation financière particulièrement délicate d'un monument historique emblématique : le Mont-Saint-Michel.
Le site, qui fait face à des besoins d'investissement estimés à 38 millions d'euros d'ici à 2030, rencontre des difficultés de gestion liées à sa direction duale, assurée par un établissement public industriel et commercial (Épic) et le Centre des monuments nationaux (CMN).
Le modèle économique actuel, fondé sur un mécanisme de péréquation insuffisamment équilibré et propre au CMN, montre ses limites. Je propose à ce titre un amendement pour corriger cette situation. J'insiste sur l'importance d'y apporter un soutien large, car il y va de la pérennité de ce monument emblématique, deuxième site le plus fréquenté de France, classé au patrimoine mondial, ainsi que du dynamisme économique de toute la région.
J'aborderai enfin le sujet du pass Culture.
Il s'agit d'un outil précieux pour l'accès à la culture, particulièrement dans les départements ruraux, où la distance conditionne tout. Même si les ajustements annoncés touchent avant tout la part individuelle, la part collective, réduite à 2 ou 3 euros par élève, pourrait devenir plus difficilement utilisable. Nous serons attentifs à ce que ces ajustements ne pénalisent ni les acteurs culturels de terrain ni l'accès des jeunes aux pratiques artistiques sur l'ensemble du territoire.
Madame la ministre, la politique culturelle ne peut se réduire à des ajustements comptables. Elle incarne une vision de l'aménagement du territoire, de la transmission et du lien entre les citoyens et leur histoire.
Le budget de la mission « Culture » doit être voté pour assurer l'abondement du fonds de sûreté dédié à la sécurisation des sites patrimoniaux, dont la mise en place s'est révélée indispensable après la série de cambriolages survenue dans les musées. Cependant, la baisse des crédits alloués cette année est source de grande inquiétude pour la culture dans notre pays. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans une lettre à Ludovic Vitet datée de 1834, Prosper Mérimée écrivait : « Les monuments sont la mémoire des peuples ; qu'on les détruise, et l'histoire s'efface. »
Voilà moins d'un an, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, nous avions dénoncé collectivement l'état très fragile de notre patrimoine bâti, à l'heure où près d'un quart des édifices protégés en tant que monuments historiques sont en mauvais état et que 5 % sont déclarés en état de péril.
Comment expliquer, dans ce contexte, la baisse de 106 millions d'euros, prévue par le présent budget, des crédits du programme 175 « Patrimoines » et la chute draconienne, à hauteur de 20,69 %, des moyens alloués à l'action n° 01 « Monuments historiques et patrimoine monumental » ?
Cette coupe brutale, qui s'inscrit par ailleurs dans un contexte de fortes tensions budgétaires pour nos collectivités, sera très lourde de conséquences pour l'ensemble du tissu d'entreprises et de professionnels mobilisés au quotidien, sur le terrain, dans la mise en œuvre des chantiers de sauvegarde du patrimoine.
Nous défendrons pour notre part, dans la suite de nos débats, l'obtention de moyens supplémentaires visant plusieurs objectifs.
Il s'agit, d'abord, de corriger la baisse des crédits affectés aux monuments historiques et aux patrimoines monumentaux prévue par ce budget pour 2026.
Il s'agit, ensuite, de revenir sur les 62 millions d'euros de baisse des subventions allouées à plusieurs musées et de doubler les crédits consacrés à l'action n° 08 « Acquisition et enrichissement des collections publiques », dont la trajectoire de baisse s'inscrit à rebours de la concurrence mondiale accrue sur le marché de l'art.
Il s'agit, en outre, d'améliorer l'attractivité de la profession d'architecte des Bâtiments de France (ABF) et de renforcer les effectifs des unités départementales de l'architecture et du patrimoine, actuellement insuffisants pour répondre à l'ensemble des demandes au plus près du terrain, et ce dans la lignée des conclusions de la mission d'information sur les ABF, que nous avons menée au Sénat en 2024.
Il s'agit, encore, d'augmenter la subvention attribuée à l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) pour lui permettre d'exercer ses missions dans de bonnes conditions et, ainsi, améliorer les délais de réalisation.
Il s'agit, enfin, de rétablir les moyens alloués au fonds incitatif, ciblé et partenarial, qui apporte un appui précieux pour nos communes rurales. La baisse soudaine de moitié des crédits qui lui sont consacrés paraît en effet incompréhensible au regard du succès rencontré par ce fonds.
Nous espérons que ces propositions trouveront un écho favorable au sein de notre hémicycle.
Pour l'heure, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain se prononcera contre l'adoption des crédits la mission « Culture », dans son ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet. (Mme Sabine Drexler, rapporteur pour avis, applaudit.)