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Question de M. Max Brisson (Pyrénées-Atlantiques - Les Républicains) publiée le 18/04/2024

M. Max Brisson appelle l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités à propos des conséquences de la hausse des dépenses décidées en faveur des établissements de santé publics et privés.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 a fixé à 254,9 milliards d'euros l'objectif national des dépenses d'assurance maladie, incluant à hauteur de 105,6 milliards d'euros le sous-objectif « Établissements de santé », en croissance de 3,5 % par rapport à 2023.

Ce sous-objectif regroupe les dépenses des hôpitaux publics et associatifs non lucratifs, d'une part, et des établissements privés d'autre part. Le ministère vient de décider d'accorder une hausse des tarifs de 4,3 % en faveur du « public » contre 0,3 % pour le privé, soit le quatorzième du taux « public ».

Cette décision, surprenante, est difficilement compréhensible pour les acteurs des établissements privés et interroge quant aux conséquences qu'elle pourrait avoir, à commencer par la potentielle forte dégradation du système de santé privé et, par conséquent, du système de santé dans son ensemble.

Et ce, à double titre : d'abord, qu'ils soient publics ou privés, ces établissements sont soumis aux mêmes contraintes économiques dans leur gestion quotidienne : inflation, coût de l'énergie, salaires etc. S'y ajoutent ensuite les obligations ne visant que les seuls établissements privés au travers du décret « tertiaire », qui impose à ces derniers de lourds investissements.

Par-delà ces considérations financières, une autre préoccupation apparait : l'offre et la qualité des soins dans de nombreux territoires, comme le Pays basque, où établissements publics et privés, parfois dans le cadre de coopérations mixtes, permettent d'apporter, actuellement, un niveau assez élevé de satisfaction.

Quelques chiffres : le secteur privé, au niveau national assume 35 % de l'offre hospitalière pour, à peine, 18 % des financements publics. Au Pays basque, les quatre cliniques privées assurent 80 % de l'activité chirurgicale.

Voilà pourquoi de nombreux acteurs du terrain font état de leurs craintes d'assister, du fait de cette décision, à une forte détérioration de l'offre de soins dans de nombreux territoires, sans que la qualité ne soit au rendez-vous.

Aussi, il l'interroge sur la manière dont le Gouvernement envisage de rectifier cette décision qui met en péril l'équilibre de l'ensemble de notre système de santé.

En outre, il l'invite à changer de paradigme, de cesser d'opposer public et privé pour enfin juger sur l'efficacité et la qualité plutôt que sur le statut et, ainsi, revoir fondamentalement le financement des hôpitaux.

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Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé des personnes âgées et des personnes handicapées publiée le 05/06/2024

Réponse apportée en séance publique le 04/06/2024

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, auteur de la question n° 1237, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités. (Mme Marie-Claire Carrère-Gée applaudit.)

M. Max Brisson. Madame la ministre, le Gouvernement a imposé, dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale, une hausse de 4,3 % des dépenses en faveur des établissements publics de santé, à comparer avec la hausse de 0,3 % des crédits destinés aux établissements privés.

Il s'agit d'une décision déconcertante pour les acteurs du secteur privé, particulièrement inquiets de la potentielle dégradation de leur offre de santé et, plus encore, de l'offre de soins dans son ensemble. Cette décision a d'ailleurs provoqué un vaste mouvement de colère, qui a conduit les cliniques privées à appeler à la grève, laquelle devait se dérouler cette semaine pour protester contre une décision déséquilibrée, mettant en péril leur pérennité.

Voilà deux semaines, les cliniques ont finalement annoncé qu'elles suspendaient leur mouvement, car elles ont estimé avoir obtenu des engagements de la part du Gouvernement.

C'est un soulagement, tant la coopération entre établissements publics et privés contribue à apporter un niveau de satisfaction élevé dans de nombreux territoires, parmi lesquels le Pays basque que je représente.

Madame la ministre, le Gouvernement pourrait-il préciser ici les contours de cet accord et nous détailler les engagements qu'il a pris auprès des cliniques privées ? Pour le Gouvernement, les établissements de santé privés concourent-ils vraiment au service public de la santé ? Voyez-vous, à la lueur de la décision initiale et du ton de votre communiqué de presse, nous finirions par en douter sérieusement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargée des personnes âgées et des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, vous m'alertez sur la situation des établissements de santé à but lucratif et les paramètres de la campagne de financement de 2024.

Depuis maintenant plusieurs années, l'État s'engage financièrement auprès des établissements de santé publics comme privés dans le cadre de la relation équilibrée qu'il entretient avec l'ensemble des acteurs hospitaliers, et ce afin de garantir aux Français le meilleur accès aux soins possible.

Ainsi, depuis 2019, les ressources versées aux cliniques privées par l'assurance maladie au titre de leur activité en médecine, chirurgie et obstétrique ont augmenté de 2,2 milliards d'euros. Depuis 2021, ce sont au total 3,5 milliards d'euros de financements publics qui ont été attribués aux cliniques privées.

Après une augmentation de 5,3 % des crédits en 2023, la hausse allouée au secteur privé lucratif s'élèvera à 0,5 % cette année. Il s'agit de la sixième hausse consécutive depuis 2019.

En 2024, l'écart entre les deux secteurs reflète essentiellement les conséquences des importantes revalorisations salariales décidées par le Gouvernement depuis l'été 2023 pour les personnels des hôpitaux publics travaillant de nuit.

Face aux difficultés que vous mentionnez, les cliniques privées, elles aussi, ont pu bénéficier en février 2024 du dispositif de soutien exceptionnel destiné à accompagner la reprise de leur activité.

Par ailleurs, le 24 mai dernier, le Gouvernement a réaffirmé auprès des acteurs son attachement à l'équité entre le public et le privé lorsque les contraintes sont davantage partagées. C'est du reste pourquoi nous avons décidé de financer des mesures salariales en direction des salariés du privé qui travaillent la nuit. Cela étant, je souhaite le dire très clairement ici, cet accord ne se fera pas au détriment de l'hôpital public.

Enfin, nous avons lancé des travaux en vue d'élaborer un nouveau protocole pluriannuel, qui permettra de donner davantage de visibilité financière aux établissements. Il s'agit en effet d'une demande très forte de leur part et de la part des fédérations hospitalières.

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.

M. Max Brisson. Vous n'avez pas apporté de véritable réponse à ma question précise.

Je pense en tous les cas que nous n'avons pas la même définition du concept d'équilibre : vos propos montrent bien que nous sommes très loin de l'atteindre, alors que, dans mon département, c'est bien de cet équilibre que résulte une offre de santé de qualité - ce qui n'est pas le cas partout dans les territoires.

Ne nous cachons pas derrière des faux-semblants : il est évident que c'est la menace d'une grève qui a contraint le Gouvernement à sortir d'une posture dogmatique qui l'a poussé à opposer public et privé, à préférer juger sur le statut plutôt que sur l'efficacité.

Dois-je vous rappeler qu'au Pays basque 80 % de l'activité chirurgicale est exercée par les quatre cliniques privées du territoire dans le cadre d'un vrai partenariat public-privé ?

C'est ce partenariat que vous devriez défendre plutôt qu'adopter le ton que vous avez employé dans votre réponse - elle montrait bien, je le répète, que votre choix n'est pas celui de l'équilibre - ou celui de votre communiqué, qui était empreint de dogmatisme, puisque vous y laissiez entendre que le secteur privé doit évoluer, alors même que, comme le demande le comité d'alerte de l'Ondam (objectif national de dépenses d'assurance maladie), c'est aussi au secteur public de se réformer.

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