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Question de Mme Pascale Gruny (Aisne - Les Républicains) publiée le 06/06/2024

Mme Pascale Gruny attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur la décision de la délégation générale de la langue française et aux langues de France (DGLFLF) de faire de l'anglais la langue de travail au sein de l'Alliance pour les technologies des langues (ATL-EDIC). Consortium européen pour les infrastructures numériques, cet organisme est porté et coordonné par trois structures publiques, dont la DGLFLF, et vise à « protéger et valoriser le patrimoine culturel et linguistique européen au sein d'un écosystème d'intelligence artificielle (...) ». Son siège social est fixé à la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts. Or, il est prévu que la langue de travail de cet organisme sera l'anglais, le français étant relégué au statut de « langue quotidienne ». L'anglais fait ainsi son entrée officielle et incongrue au sein d'une enceinte consacrée à la langue française. En outre, une offre d'emploi émise le 3 avril 2024 pour le poste de directeur de l'ATL-EDIC, sous contrat de droit français, exige, parmi les qualifications requises, une « haute maîtrise de la langue anglaise », et prévoit un processus de sélection et de recrutement en anglais exclusivement : la lettre de motivation, le CV, les témoignages de référence et un exposé devront être rédigés en anglais. Compte tenu de ces éléments et de l'importance de la Cité internationale de la langue française pour le rayonnement de celle-ci, elle lui demande des explications sur cette prise de position de la DGLFLF qui ne fait qu'aggraver la perte d'influence de notre langue.

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Réponse du Ministère de la culture publiée le 04/07/2024

Les technologies des langues et l'intelligence artificielle (IA) représentent un enjeu de souveraineté numérique, mais aussi de souveraineté culturelle et linguistique, industrielle et scientifique, clairement mis en avant depuis le Plan présidentiel « Une ambition pour la langue française et le plurilinguisme » de mars 2018. Cet enjeu a été priorisé durant la Présidence française de l'Union européenne (2022). Dans cette logique, la mise en oeuvre de la stratégie nationale pour l'IA exige d'être appréhendée à l'échelle tant nationale qu'européenne ou internationale. Dans son discours du 21 mai dernier en clôture du rassemblement des plus grands talents de l'IA à l'occasion de VivaTech, le Président de la République a souligné le rôle emblématique d'ATL-EDIC : « C'est [aussi] au niveau européen que nous serons à même de préserver notre diversité, là aussi, linguistique et culturelle, ce qui est l'objet de la mise en oeuvre de l'Alliance européenne pour les technologies des langues, coordonnée par la France, et que je soutiens là aussi, pour permettre l'émergence des modèles de langues vivantes qui intègrent notre corpus culturel. Ça, c'est en termes d'investissement, c'est une bataille absolument essentielle. » Le consortium européen pour les infrastructures numériques (EDIC) dédié aux questions de technologies des langues, l'Alliance pour les technologies des langues (ATL-EDIC), accueilli à Villers-Cotterêts dans l'enceinte de la Cité internationale de la langue française, est coordonné et piloté par la France (ministère de la culture : délégation générale à la langue française et aux langues de France et service du numérique ; ministère de l'économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique : direction générale des entreprises et coordination nationale pour l'intelligence artificielle), et ses partenaires européens. La création en a été officialisée par la Commission européenne, le 7 février dernier (https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:L_202400458). Co-financé par la Commission (potentiellement jusqu'à 50 millions d'euros), avec 20 États membres de l'Union européenne auxquels s'ajouteront prochainement 5 nouveaux membres (apport de 7 millions d'euros), ce centre vise à développer les technologies pour les langues européennes (modèles de langues géants pour l'IA et ses applications) ; ces technologies bénéficieront au plurilinguisme, soit à toutes les langues de l'Union européenne, et donc à la langue française. Le 8 mars dernier, la première Assemblée des membres de l'ATL-EDIC s'est tenue au ministère de la culture (https://www.culture.gouv.fr/Presse/Communiques-de-presse/Premiere-Assemblee-de-l-Alliance-pour-les-technologies-des-langues-ATL-EDIC). Le fait que la France soit la tête de file de l'ATL-EDIC garantit assurément une place de choix pour ses priorités, en particulier celles relatives à l'emploi de la langue française dans les technologies des langues et dans le champ de l'IA. Les statuts de l'Alliance pour les technologies des langues - ATL-EDIC ont été validés par la Préfecture de l'Aisne, le 22 mai dernier. Le régime linguistique d'ATL-EDIC y est clairement affiché. L'article 2 de ces statuts stipule en effet que « l'ATL-EDIC favorise un mode de travail multilingue qui respecte la diversité culturelle et linguistique de ses membres. Les échanges peuvent avoir lieu dans toutes les langues officielles reconnues par l'Union européenne et peuvent être soutenus par des technologies des langues. » Par ailleurs, ce même 22 mai, l'entité ATL-EDIC a été reconnue dans le système juridique national en tant qu'association installée en France à Villers-Cotterêts, dans l'enceinte de la Cité internationale de la langue française. L'équipe de ce nouvel organisme international est en voie de constitution. La première étape consiste à en recruter le futur directeur ou la future directrice. L'annonce de ce recrutement a été établie et validée par l'ensemble des États membres du consortium. Le directeur ou la directrice pourra être un ressortissant de n'importe quel État membre de l'Union européenne. Il ou elle doit avant tout bénéficier d'une solide expertise technique, ce qui constitue le principal attendu. Les exigences linguistiques, au stade du recrutement, sont dictées par la nécessité pour le directeur ou la directrice de travailler en lien étroit avec les institutions européennes et les ressortissants des États membres de l'ATL-EDIC. Elles sont formulées en conformité avec le droit français, qui n'interdit pas que des exigences linguistiques relatives à la maîtrise de langues étrangères soient imposées au stade du recrutement. La réception des candidatures au poste de directeur d'ATL-EDIC est close depuis le 31 mai dernier. Tous les candidats sont parfaitement francophones. Dans le même temps, chaque pays est appelé à mettre en oeuvre la composante nationale de l'ATL-EDIC. La France développera ainsi ATL-EDIC France, dans le cadre du projet « LANGU : IA », un centre national d'expertise pour la langue française, la francophonie et les langues régionales, également à Villers Cotterêts, en étroite interaction et articulation avec le consortium européen. Ce volet national constituera le seul guichet visible pour les publics (entreprises autant que grand public) de l'ATL-EDIC en France et il utilisera exclusivement la langue française (et possiblement certaines langues régionales). Le projet « LANGU : IA » confirme l'engagement de l'État français à associer les partenaires nationaux et francophones. Soutenu par France 2030, il créera un écosystème d'incubation des acteurs industriels, culturels et académiques, français et francophones. On regrettera qu'une polémique nourrie d'infox soit née de la part de certaines associations concernant le projet européen et son régime linguistique, sans avoir un dialogue préalable avec les services compétents de l'État. La politique publique en faveur de la langue française, portée par le ministère de la culture, doit demeurer une constante transpartisane garante du pacte républicain.

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