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Question de M. Denis Detcheverry (Saint-Pierre-et-Miquelon - UMP) publiée le 12/11/2009

M. Denis Detcheverry attire l'attention de Mme la ministre chargée de l'outre-mer sur l'économie jadis prospère de Saint-Pierre-et-Miquelon qui a connu un arrêt quasi complet en 1992 suite aux effets conjugués de la délimitation de la zone économique exclusive de l'archipel et du moratoire sur la pêche à la morue.

Lors du procès de New York, les avocats français ont abandonné l'archipel, rassurant officieusement leurs homologues canadiens en ces termes : « Saint-Pierre-et-Miquelon deviendra une base administrative avec un drapeau français ». Résultat, une zone économique maritime exiguë sans grand intérêt économique. À cette même époque un ministre des affaires étrangères affirmait que la France n'allait pas « déclarer la guerre au Canada pour quelques morues ».

Cela étant, de nombreux projets intéressants ont germé dans l'archipel que ce soit avant ou après 1992. Porteurs de développement économique, ils ont rencontré des barrières administratives infranchissables. De la même manière, le rapport de coopération régionale de 2007 a reçu un écho timide à Paris. Parallèlement, un projet de libre échange entre le Canada et l'Europe est en train de voir le jour. Les intérêts de Saint-Pierre-et-Miquelon seront-ils pris en compte dans ce dossier ?

Un constat s'impose aujourd'hui : malgré une assistance financière très importante de l'État, et ce depuis de nombreuses années, la situation se dégrade, aucun projet structurant d'avenir n'a été mis en place, la population est en déclin.

Relevant de l'article 74 de la Constitution, la responsabilité du développement économique appartient à Saint-Pierre-et-Miquelon. Mais la collectivité ne compte que 6 000 âmes, une masse critique très basse avec de grandes difficultés à trouver la ressource humaine nécessaire pour constituer des dossiers complexes. Paradoxalement, l'administration d'État pléthorique se limite à une petite gestion au jour le jour alors que le conseil territorial n'a pas les moyens de se doter d'une réelle administration de développement. Cette situation ne peut plus durer. Il faut déterminer quels sont et où sont les vrais problèmes de l'archipel.

Or, aujourd'hui de réelles opportunités se profilent. Tout d'abord avec ces états généraux voulus par le Président de la République qui a pris conscience des difficultés des outre-mers ; également avec la mission DOM menée par les sénateurs MM. Serge Larcher et Eric Doligé.

Les conclusions de ces travaux se rejoignent, et bien qu'ils mettent en évidence des problèmes communs à tous les territoires ultramarins, ils soulignent également la nécessité d'adapter les solutions à chaque collectivité en fonction de sa situation particulière qui englobe la géographie, la démographie ainsi que le potentiel économique.

Il a demandé au Président du Sénat une mission chargée d'identifier les problèmes qui bloquent l'évolution de Saint-Pierre-et-Miquelon, et d'aider à trouver la voie d'un nouveau départ économique dans ce contexte nord-américain. Saint-Pierre-et-Miquelon a aujourd'hui besoin d'un réel soutien pour saisir les opportunités de cette conjoncture favorable pour l'outre-mer et devenir cette vitrine active de la France en Amérique du Nord.

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Réponse du Ministère de l'outre-mer publiée le 16/12/2009

Réponse apportée en séance publique le 15/12/2009

M. Denis Detcheverry. Madame la ministre, comme vous le savez, en adéquation avec le souhait exprimé par le Président de la République, lors du premier conseil interministériel de l'outre-mer, ainsi qu'avec le projet de réforme des collectivités territoriales, j'ai demandé que le Sénat mette en place une mission sur les problèmes institutionnels de Saint-Pierre-et-Miquelon. L'archipel connaît de réels problèmes de gouvernance et de fonctionnement, qui empêchent tout développement économique adapté et durable.

Pourtant, depuis l'arrêt brutal de la pêche en 1992, de nombreux projets porteurs de développement économique ont été élaborés. Tous ont cependant rencontré des barrières administratives infranchissables et n'ont donc jamais vu le jour, malgré une assistance financière très importante de l'État. La situation se dégrade, aucun projet structurant d'avenir n'a été mis en place et la population est en déclin.

Bien sûr, en vertu de l'article 74 de la Constitution, la responsabilité du développement économique appartient aux collectivités d'outre-mer. On me le rappelle souvent, ici, à Paris. Mais, comme vous le savez, Saint-Pierre-et-Miquelon n'est peuplé que de 6000 habitants. Il est difficile, au sein d'une masse critique aussi basse, de trouver la ressource humaine nécessaire pour constituer des dossiers complexes, surtout quand il s'agit de servir de trait d'union entre le continent nord-américain et l'Europe, comme nous tentons de le faire aujourd'hui.

Malheureusement, nous avons actuellement une administration d'État pléthorique, qui a pour mission - et je ne saurais lui en vouloir puisqu'il s'agit de la seule mission qui lui a été assignée - de gérer au jour le jour une situation économiquement exsangue, alors que le conseil territorial n'a pas les moyens de se doter d'une administration de développement au niveau de ses besoins.

Certes, notre statut actuel, qui date de 1985, stipule que « les agents et les services de l'État sont mis à la disposition de la collectivité et du président du conseil territorial, de façon permanente et en tant que de besoin », mais cela ne fonctionne pas dans les faits. Il suffit que le président du conseil territorial et le préfet en place ne s'entendent pas pour que tout s'effondre.

En fait, nous sommes dans un système bicéphale en fonction duquel on ne sait plus qui est le réel décideur, et donc le réel responsable. De ce fait, on n'arrive pas à évaluer pour améliorer, et rien n'avance. Bien souvent, on attend la fin du séjour du préfet, qui dure de douze à dix-mois mois, et on recommence à zéro.

À l'image du « paradoxe outre-mer », compris et souligné par le Président de la République dans son discours lors du conseil interministériel de l'outre-mer, les états généraux à Saint-Pierre-et-Miquelon ont fait ressortir de nombreuses questions sur le statut et sur le transfert d'un certain nombre de compétences vers la collectivité, ainsi que en même temps la demande forte d'un « plus » ou d'un « mieux » d'État, d'un État régulateur, mais aussi d'un État partenaire.

En premier lieu, il faudrait que l'État, outre ses missions régaliennes, joue plus amplement un rôle d'arbitre grâce à des règles et des indicateurs précis. La répartition des rôles de chacun doit être claire et les moyens humains et financiers doivent correspondre à cette répartition.

Il faut dire qu'il y a un déficit criant concernant les indicateurs à Saint-Pierre-et-Miquelon. Ainsi, nous ne connaissons ni la réalité du chômage, ni la réalité des prix par rapport à la métropole, pour ne citer que quelques-uns des indicateurs qui nous font défaut.

Une fois cette méthode et cette transparence bien établies, l'État pourra devenir un vrai partenaire de développement économique, un partenaire technique et pas seulement financier, permettant à tous plus d'efficience, ainsi qu'une meilleure utilisation de l'argent public mis sur la table par chacune des parties.

Madame la ministre, à l'issue de cette mission sénatoriale qui devrait être menée dans les mois à venir, pouvez-vous m'assurer que vous nous donnerez les moyens humains et techniques, et que vous nous accompagnerez pour une mise en oeuvre concrète et efficace afin que nous puissions bâtir ensemble le véritable projet de territoire dont Saint-Pierre-et-Miquelon a besoin pour un redémarrage de son économie ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, vous exprimez, à juste titre, vos préoccupations concernant les perspectives de développement économique de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Tout d'abord, je souhaite vous rassurer. L'État a toujours soutenu Saint-Pierre-et-Miquelon et son aide n'a pas faibli depuis des années, notamment au regard de sa population.

Dans le secteur de la pêche, il cherche à accompagner les initiatives locales. Il a ainsi soutenu le rachat de l'entreprise Interpêche par une société canadienne, au moyen d'une subvention d'un peu moins de 2 millions d'euros pour la seule année 2009. En outre, toujours en 2009, le Gouvernement a financé l'achat de deux navires, pour plus d'un million d'euros.

Je n'oublie pas non plus les 300 000 euros versés à l'entreprise de Saint-Pierre-et-Miquelon spécialisée dans la coquille Saint-Jacques. Vous le voyez, l'État a ainsi toujours répondu présent lorsque des demandes d'aides lui ont été adressées par l'archipel.

Au-delà des chiffres, je partage votre sentiment sur le besoin de redynamiser l'économie de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui souffre depuis l'effondrement de son secteur historique.

Le conseil interministériel de l'outre-mer, voulu et présidé par le Président de la République, nous a ainsi donné quelques pistes à suivre concernant le développement de Saint-Pierre-et-Miquelon par la structuration des filières « pêche » et l'expansion de l'aquaculture, par une plus grande transparence des circuits d'importation et de distribution et par une plus grande coopération avec le Canada.

La coopération avec le Canada est une piste prometteuse de développement économique, en particulier en ce qu'elle facilite l'accueil de sociétés canadiennes sur l'archipel, et leur donne accès au marché européen.

Nous allons donc renforcer nos relations diplomatiques et économiques avec notre partenaire canadien. Il s'agira de mettre en exergue les atouts et les contraintes d'une installation d'entreprises canadiennes sur votre archipel.

Enfin, de très nombreuses questions persistent sur le statut de Saint-Pierre-et-Miquelon. Je vous rejoins sur l'opportunité de mettre en place une mission sénatoriale de réflexion sur l'exercice de ses compétences par la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon.



Il revient désormais à la présidence du Sénat de procéder à la désignation des membres de cette mission.

Les pistes d'action que la Haute Assemblée proposera seront soigneusement étudiées. Elles compléteront utilement les mesures du conseil interministériel pour l'archipel. Le Gouvernement examinera l'articulation de ces propositions avec les possibilités d'évolution statutaire.

Monsieur le sénateur, la seconde partie de votre question concerne l'accord de partenariat économique renforcé, qui correspond à une révision de l'accord-cadre commercial existant entre l'Union européenne et le Canada, en cours de négociation.

Afin de vous donner une information complète, je vous indique qu'une première session s'est tenue à Ottawa, au mois d'octobre dernier, dans une atmosphère très constructive. La prochaine se déroulera à Bruxelles.

Les intérêts de Saint-Pierre-et-Miquelon seront bien évidemment défendus par l'Union européenne, d'autant que, du côté canadien, cette négociation associe le gouvernement fédéral et les provinces. Les Canadiens ont d'ailleurs été sensibilisés à ce point.

M. le président. La parole est à M. Denis Detcheverry.

M. Denis Detcheverry. Madame la ministre, je vous remercie de ces propos plutôt rassurants.

Vous comprendrez néanmoins mon inquiétude quant à un nouveau rapport : j'en ai en effet rédigé un, en 2007, à la demande du Gouvernement, quant à la coopération régionale entre Saint-Pierre-et-Miquelon et le Canada atlantique, et j'attends toujours sa traduction concrète !

S'il peut donc être utile de mettre en place une mission, il ne faudrait cependant pas que le seul résultat soit un rapport de plus au fond d'un tiroir !

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