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Question de M. Jean-Pierre Corbisez (Pas-de-Calais - CRCE-K) publiée le 15/02/2024

M. Jean-Pierre Corbisez attire l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités concernant les difficultés auxquelles se trouvent confrontés les acteurs de la solidarité.
Dans le Pas-de-Calais comme au niveau national, les capacités d'hébergement diminuent alors que les situations de précarité se densifient. Les services de l'État font état de difficultés pour poursuivre le financement de ces capacités d'hébergement, notamment en ce qui concerne les nuitées d'hôtels, et font valoir le caractère inéluctable des fermetures. Ainsi, à l'échelle de la région des Hauts-de-France, c'est une impasse budgétaire de 9 millions qui est identifiée et, malgré les efforts de l'État, que je tiens à saluer, nous perdons 300 places d'hébergement alors que dans le même temps, la demande progresse, elle, de 9 %. Face à cette situation, les acteurs sont invités à « prévoir des fins de prises en charge » ou à « prioriser les publics », autant de pratiques qui heurtent leurs valeurs et portent atteinte à la dignité des personnes.
En outre, dans ce contexte tendu, les associations font face à des difficultés de recrutement, les métiers de l'accompagnement n'étant plus attractifs : conditions de travail difficiles, épuisement professionnel, absence de reconnaissance (tous les personnels n'ont pas eu accès aux revalorisations des accords « Laforcade »), dans un contexte inflationniste qui a aussi fragilisé les salariés.
L'équation devient particulièrement difficile à tenir pour les acteurs de la solidarité entre, d'une part, les difficultés financières et managériales, et, d'autre part, la croissance et l'intensification des situations de précarité, confirmées ces derniers mois par les grands acteurs de l'aide alimentaire.
Cette dégradation est par ailleurs vécue très clairement par les élus locaux, notamment au travers des actions menées par leurs centres communaux d'action sociale (CCAS). Au-delà du volume des demandes, ce sont surtout beaucoup de nouveaux foyers, jusque-là inconnus des CCAS, qui se manifestent, notamment des étudiants, des retraités modestes et des salariés, situation témoignant d'un glissement progressif de la précarité vers les classes moyennes inférieures.
Pour les acteurs publics de la précarité, cette fragilisation est très directement liée à l'inflation et à la hausse sans précédent des coûts de l'énergie, lesquelles provoquent par ailleurs une augmentation des situations de surendettement. Les familles sont contraintes à opérer des choix entre les dépenses de logement et l'alimentaire...
La période que nous vivons est extrêmement préoccupante : les foyers dans la difficulté sont de plus en plus nombreux tandis que les acteurs de la solidarité, associatifs ou publics, souffrent, pris en étau entre des sollicitations de plus en plus nombreuses et une pression financière croissante. Les associations de solidarité comme les collectivités locales ont plus que jamais besoin de l'écoute et du soutien de l'État afin d'éviter toute rupture dans l'accompagnement des plus fragiles.
Aussi, il souhaite connaître quelles mesures le Gouvernement entend mettre en place pour accompagner les acteurs locaux et agir contre cette montée inédite de la précarité dans notre pays, afin que nous soyons collectivement à la hauteur de nos valeurs de solidarité, d'égalité et de fraternité. L'aggravation de la précarité peut porter de nombreux risques pour notre société, pour la cohésion de nos territoires, pour les finances de nos collectivités comme pour la santé des plus fragiles de nos concitoyens.

- page 540

Transmise au Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargé de l'enfance, de la jeunesse et des familles


Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargé de l'enfance, de la jeunesse et des familles publiée le 04/07/2024

Le Pacte des solidarités, qui prend la suite de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, porte des mesures transversales au niveau national pour lutter contre la pauvreté et contre la précarisation des familles. Quatre orientations ont été affirmées dès le lancement de la concertation en 2022. Elles sont déclinées en 25 mesures portées au niveau national, qui s'inscrivent dans les grandes réformes du quinquennat, parmi lesquelles : Axe 1 : prévenir la pauvreté et lutter contre les inégalités dès l'enfance : poursuivre et amplifier la politique de prévention de la pauvreté en s'appuyant notamment sur le service public de la petite enfance et en agissant aux âges clés pour prévenir les inégalités touchant les personnes précaires et modestes : - déployer un plan d'urgence pour 80 000 enfants sans domicile avec l'objectif d'une scolarisation effective, d'un accès à l'alimentation et à la santé ; - lutter contre la malnutrition infantile en déployant les petits déjeuners à l'école en Outre-mer et en les renforçant dans les territoires les plus fragiles de l'hexagone, et en consolidant et étendant le programme MALIN pour accompagner les parents dans l'alimentation infantile et permettre aux enfants en situation de précarité de bénéficier de bons de réductions (petits pots et lait infantile principalement). Axe 2 : Amplifier la politique d'accès à l'emploi pour tous : garantir le dernier kilomètre de France Travail en touchant les personnes les plus éloignées de l'emploi et développer un choc d'offre pour lever les freins périphériques à l'emploi : - lever les freins à la reprise d'activité, pour assurer le dernier kilomètre de France Travail ; - créer une prime à la reprise d'activité pour lever les freins financiers d'accès à l'emploi (mobilité, habillement, restauration, modes d'accueil…) ; - poursuivre et approfondir le contrat d'engagement jeunes en rupture qui permet d'aller vers les « jeunes invisibles » en très grande fragilité, pour les accompagner vers l'insertion en prenant en compte l'ensemble de leurs problématiques d'hébergement, de santé, de mobilité… Axe 3 : Lutter contre la grande exclusion grâce à l'accès aux droits : compléter le chantier du logement pour prévenir les expulsions et de la solidarité à la source, en déployant massivement les démarches « d'aller vers » et les accueils sociaux pour lutter contre le non-recours : - mettre en place un plan « 100 % accès aux droits » pour garantir le dernier kilomètre de la solidarité à la source ; - développer l'accès à la domiciliation grâce au financement d'associations supplémentaires et au soutien expérimental de centre intercommunal d'action sociale / centre intercommunal d'action sociale ; - créer 180 nouveaux centres sociaux proches des usagers ; - accompagner deux fois plus de femmes en 2027 par rapport à 2022, soit 1,7 million de femmes et jeunes femmes touchées par la précarité menstruelle. Après une expérimentation nationale réussie dotée d'un million d'euros en 2020, le budget a été porté à cinq millions d'euros depuis 2021 et il sera doublé d'ici 2027 ; - soigner les personnes malades à la rue via le développement de 430 équipes mobiles et de 2 400 places « hors les murs » d'ici 2027 qui couvriront les zones blanches et les besoins des personnes (soins infirmiers et psychologiques, maladies chroniques…). Axe 4 : Construire une transition écologique solidaire : lutter contre les dépenses contraintes en matière de logement, de mobilité, d'eau et d'énergie en facilitant l'accès aux aides pour permettre l'accès à une alimentation de qualité. Cet axe s'inscrit en cohérence avec la mise en place du fonds vert, le développement de MaPrimeRénov'ou encore le relèvement des obligations du certificat d'économies d'énergie précarité : - renforcer tout au long du quinquennat le programme Mieux manger pour tous pour assurer aux bénéficiaires de l'aide alimentaire l'accès à une alimentation saine et durable en améliorant la qualité écologique et nutritionnelle des aliments distribués, et poursuivre la transformation écologique de la lutte contre la précarité alimentaire en développant les projets territoriaux entre les producteurs, les associations et les collectivités ; - prolonger le dispositif « Cantine à 1euros » et renforcer le soutien aux communes pour l'amélioration de la qualité des repas, via l'accompagnement dans la durée des petites communes rurales dans la généralisation de la tarification sociale des cantines, et le renfort de 3 à 4 euros du soutien de l'Etat pour chaque repas tarifié à moins d'1 euro pour les communes qui s'engagent en faveur de la qualité des repas en accord avec la loi Egalim. Soutenir, dans le cadre des contrats avec les départements et les métropoles, la généralisation de la tarification sociale des cantines dans les collèges, en particulier pour les établissements en Réseau d'éducation prioritaire (REP) /REP+ ; - soutenir financièrement et techniquement les collectivités dans la généralisation de tarifications progressives et sociales de l'eau ; - améliorer le recours au chèque énergie en ciblant les publics hors du logement ordinaire (établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, centres d'hébergement et de réinsertion sociale, gens du voyage, etc.) et permettre son usage pour payer les charges locatives de chauffage dans le parc social ; Le Pacte vise également à s'adapter à la diversité des territoires, dans le cadre d'un partenariat étroit entre l'Etat et les collectivités. La contractualisation avec les conseils départementaux et les métropoles est renouvelée, à travers le déploiement des pactes locaux des solidarités sur la période 2024-2027, et en lien avec la contractualisation pour l'insertion et l'emploi dans le cadre de France Travail. Cela représente un apport de 260 Meuros en 2024 pour les conseils départementaux sur ces deux contractualisations, et de 12,5 Meuros pour les métropoles avec une montée en charge prévue d'ici 2027. Le Pacte des solidarités incarne ainsi une approche interministérielle de la lutte contre la pauvreté en s'inscrivant sur la durée, via l'engagement pluriannuel du Gouvernement sur la période 2024-2027. Il engage une augmentation de 50 % des crédits dédiés à la lutte contre la pauvreté d'ici 2027 par rapport à la stratégie pauvreté en 2023. Il mobilise des crédits de la Sécurité sociale et des crédits de l'Etat sur plusieurs programmes budgétaires, avec une montée en charge annuelle d'ici 2027. En outre, le Gouvernement est particulièrement mobilisé sur la question de la précarité alimentaire en réponse à la situation actuelle caractérisée par de fortes tensions pour tous les acteurs de la lutte contre la précarité alimentaire du fait de l'accroissement des besoins sociaux résultant d'une forte inflation qui a touché particulièrement l'alimentation ces dernières années et du renchérissement des approvisionnements achetés par les associations elles-mêmes. Ainsi, le Gouvernement a engagé depuis 2022 plusieurs mesures fortes visant à lutter contre la précarité alimentaire, faire face à l'accroissement des files actives des associations et à compenser les conséquences de la hausse des prix. Le programme Mieux manger pour tous porté dans le cadre du Pacte des solidarités a été lancé en 2023. Ce programme pluriannuel doté de 60 Meuros en 2023 a vocation à s'accroitre chaque année pour atteindre 100 Meuros au terme du Pacte des solidarités en 2027. Il constitue un moyen supplémentaire pour que les plus modestes bénéficient d'une alimentation saine, durable et de qualité. En 2023, ces crédits se répartissent entre : Le volet national doté de 40 Meuros pour les associations habilitées pour l'aide alimentaire au niveau national (dont les restos du coeur) a pour objectif la réalisation d'achats de denrées pour l'ensemble du territoire, afin d'accroître l'offre de l'aide alimentaire en fruits, légumes, légumineuses et produits sous labels de qualité, pour favoriser l'accès des personnes en situation de précarité alimentaire à des denrées plus saines et plus durables. Il s'agit de respecter la saisonnalité des produits frais en privilégiant une politique en matière d'achat qui favorise les approvisionnements locaux et de proximité.Treize conventions pluriannuelles ont été engagées en 2023 à destination notamment des Restos du Coeur, de la Fédération Française des Banques Alimentaires du Secours Populaire Français, du Groupe SOS ANDES, de la Croix Rouge-Française, du Réseau Cocagne, du Secours Catholique. Le volet local, piloté au niveau territorial, doté de 20 Meuros vise, notamment, le développement d'alliances locales, la couverture des zones blanches et la mise en oeuvre d'expérimentations locales portant sur la transformation de l'organisation de la lutte contre la précarité alimentaire. Un appel à projets a été lancé au niveau national avec 4 axes : - Développer des alliances locales de solidarité alimentaire producteurs-associations-collectivité ; - Soutenir des actions de solidarité des Projets alimentaires territoriaux (PAT) ; - Soutenir des expérimentations portant sur la transformation de l'organisation de la lutte contre la précarité alimentaire ; - Couvrir des zones blanches de l'aide alimentaire. 478 projets lauréats ont été sélectionnés sur les territoires, dont 17 dans les Hauts-de-France, pour un montant global de 1,997 Meuros (4 impactent le Pas-de-Calais). Ces moyens nouveaux s'inscrivent dans la suite des travaux de la Convention citoyenne pour le climat et de la loi Egalim et sont ancrés au sein du Comité de coordination de la lutte contre la précarité alimentaire. Ce fonds poursuit les objectifs d'amélioration de la qualité nutritionnelle et gustative de l'approvisionnement en denrées de l'aide alimentaire, de réduction de l'impact environnemental du système d'aide alimentaire et le renforcement et l'évolution des dispositifs locaux de lutte contre la précarité alimentaire, afin de répondre aux objectifs de la lutte contre la précarité alimentaire (ancrage territorial, couverture des zones sous dotées). Cette mobilisation se traduit notamment par une augmentation significative de l'aide apportée aux associations d'aide alimentaire issue de crédits européens. En raison de l'inflation et de la hausse des publics bénéficiaires de l'aide alimentaire, la ministre a annoncé, le 18 septembre 2023, une dotation de crédits supplémentaires de 80 Meuros sur la période 2024-2027. Ainsi, la programmation pluriannuelle des crédits sur la période 2021/2027, initialement fixée à 647 Meuros, est révisée positivement à 727 Meuros. Pour 2024, l'enveloppe totale FSE+ s'élève ainsi à 140 Meuros, dont 134 Meuros sont destinés à l'achat de denrées à destination des quatre associations habilitées (Croix -Rouge Française, Secours Populaire Français, Les Restos du Coeur et la Fédération Française des Banques Alimentaires). Outre le Pacte et la mobilisation en faveur de la lutte contre la précarité alimentaire, l'attractivité des métiers du secteur sanitaire, social et médico-social est au premier rang de la feuille de route du Gouvernement qui entend agir sur l'ensemble des leviers d'attractivité (accès à la formation continue, amélioration des conditions de travail et lutte contre la sinistralité…). La question spécifique de la revalorisation de ces métiers constitue une priorité tant dans le secteur public que dans le secteur privé. L'Etat, aux côtés des départements, a pris d'ores et déjà des décisions historiques en augmentant de 4 milliards d'euros les rémunérations des professionnels du secteur social et médico-social. Au total, ce sont près de 700 000 salariés qui ont bénéficié d'une revalorisation de 183 euros net mensuels, dont 500 000 environ au titre du Ségur et de la mission dite Laforcade. Suite à la conférence des métiers sociaux de février 2022, le Gouvernement a par ailleurs étendu ces revalorisations à 200 000 salariés de la filière socio-éducative. Que ce soit dans le secteur public ou privé non lucratif, les mêmes métiers et les mêmes critères d'éligibilité ont été retenus pour le bénéfice de la prime Ségur pour la filière socioéducative. Pour la branche de l'action sanitaire et sociale, cette mesure a été transposée par les partenaires sociaux par l'accord du 2 mai 2022 qui a fait l'objet d'un agrément et d'une extension à l'ensemble de la branche. Des métiers en tension faisant face à des enjeux d'attractivité importants et nécessitant une action prioritaire de la part des pouvoirs publics bénéficient aujourd'hui d'un réel gain d'attractivité quant aux rémunérations proposées. Pour autant, il convient de poursuivre les actions menées à destination de l'ensemble des professionnels. Le Gouvernement est bien conscient que chacun et chacune contribue à la qualité de l'accompagnement. Dans le secteur associatif, le Gouvernement a permis l'élargissement des mesures de revalorisation salariale prises l'été 2022 dans la fonction publique (augmentation de la valeur du point d'indice) à l'ensemble des salariés du secteur social et médico-social, soit un effort d'1 milliard d'euros de l'Etat et des départements. Les Fédérations employeurs ont transposé cette mesure en décembre 2022, application qui a été rétroactive au 1er juillet 2022. Toutefois, il ne s'agit pas que d'une question de moyens. L'enjeu de l'attractivité de ces métiers ne se résume pas à ces seules revalorisations. C'est une question de reconnaissance, de valorisation et de regard que la société porte sur ce qui fait sens collectivement. Enfin, s'agissant du secteur privé, il convient d'arriver, aux côtés des représentants des employeurs et des salariés, à la construction d'une convention collective unique pour le secteur social et médico-social. C'est la condition d'une revalorisation durable des parcours professionnels de l'ensemble des personnels du secteur, y compris techniques et administratifs. Les discussions relatives à l'augmentation des rémunérations, et notamment les plus bas salaires, doivent pleinement prendre leur place dans le cadre de cette convention collective nationale unique étendue (CCNUE).

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