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Question de Mme Marie-Laure Phinera-Horth (Guyane - RDPI) publiée le 13/01/2022

Mme Marie-Laure Phinera-Horth attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur la nécessité de rétablir une politique de collecte de sang en Guyane.
Depuis 2015, suite à la découverte d'une trentaine de cas de Chagas, la collecte de sang a été suspendue sur ce territoire qui est depuis lors dépendant du sang envoyé par avion depuis l'Hexagone.
Or, depuis 2016, la Guyane dispose d'un laboratoire P3 qui est équipé pour dépister la maladie de Chagas. À titre d'exemple, le Brésil dépiste tous les donneurs grâce à des tests distribués par BioMérieux.
Elle souhaite donc savoir si la reprise de collecte de sang est envisagée en Guyane.

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Réponse du Ministère auprès du ministre des solidarités et de la santé - Autonomie publiée le 16/02/2022

Réponse apportée en séance publique le 15/02/2022

M. le président. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth, auteure de la question n° 2037, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Alors que l'Établissement français du sang fait état d'une situation très critique, avec des stocks extrêmement bas, les habitants de Guyane et de Mayotte, pour des raisons diverses, ne peuvent toujours pas donner leur sang.

Depuis avril 2005, un arrêté préfectoral a mis un terme à la collecte de sang sur le territoire guyanais en raison de la présence de la maladie de Chagas, laquelle pose un véritable problème de santé publique sur le continent sud-américain et en Amérique latine, où 15 à 20 millions de personnes sont infectées.

Entre janvier 1990 et mars 2005, quinze cas humains de la maladie de Chagas ont été diagnostiqués, dont six aigus, en Guyane. C'est néanmoins sur cette base que la préfecture a décidé de mettre un terme à la collecte de sang sur le territoire.

Une étude du Haut Conseil de la santé publique de mars dernier indiquait que la maladie de Chagas « a été très rarement notifiée chez des cas humains en Guyane » et que « cette parasitose ne constitue pas un problème de santé publique en Guyane ».

Plus de quinze ans après l'arrêt de la collecte de sang, d'importants progrès ont été réalisés en matière de détection de la maladie de Chagas. La transmission par transfusion sanguine peut désormais être évitée par un dépistage systématique des dons de sang.

La Guyane, grâce à l'Institut Pasteur, dispose depuis 2016 d'un laboratoire P3+ capable d'identifier les virus à l'origine de syndromes cliniques graves, comme la maladie de Chagas.

Ce dépistage est aujourd'hui pratiqué dans de nombreux pays, notamment aux États-Unis, au Japon et au Brésil, où 100 % des donneurs de sang sont ainsi dépistés depuis 1995.

Madame la ministre, je sais votre gouvernement favorable à une égalité de traitement des citoyens sur l'ensemble du territoire national. Aussi, pouvez-vous m'indiquer quels leviers vous comptez mettre en place pour restaurer une véritable politique de collecte de sang en Guyane ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie. Madame la sénatrice Phinera-Horth, la reprise de la collecte de sang en Guyane présenterait l'avantage de reconstituer un pool disponible localement, tout en renforçant à l'échelle nationale un vivier de donneurs de phénotypes sous-représentés dans la population courante des donneurs de sang. Cela nous permettrait également de mieux répondre aux besoins transfusionnels des receveurs, notamment dans les Antilles.

Pour envisager cette reprise, la direction générale de la santé (DGS) a demandé à Santé publique France de réaliser une analyse de la situation épidémiologique dans ce territoire. Cette étude, réalisée en août 2021, montre que la Guyane reste particulièrement exposée à des risques infectieux pouvant affecter la sécurité transfusionnelle. Elle cite notamment le VIH, le HTLV, la dengue et le virus de l'hépatite B. Pour ce seul dernier virus, on peut craindre une perte de 5 % des poches de sang, ce qui n'est pas anecdotique.

De plus, conformément aux critères de sélection des donneurs de sang, les donneurs ayant séjourné en Amérique latine ou de retour de zones endémiques présentant des risques de maladie de Chagas peuvent également faire l'objet de contre-indications pour ces raisons de santé publique.

Par ailleurs, la Guyane est particulièrement touchée par l'émergence d'arboviroses en raison de la présence de vecteurs, d'un climat tropical et d'une proximité géographique avec les zones endémiques.

Ce territoire comptait 294 146 habitants au 1er janvier 2021. Selon ce chiffre, et compte tenu de la structuration de la population par tranches d'âge, il pourrait être attendu une collecte d'environ 7 000 dons par an, sans préjuger la perte de dons liés à la présence d'agents infectieux. Cela n'est donc pas négligeable, tant s'en faut, mais nous privilégions la sécurité sanitaire pour l'instant.

Ce territoire reste particulièrement vulnérable aux risques infectieux pouvant affecter la sécurité transfusionnelle. Il est également menacé par les épidémies d'arbovirus, ce qui justifie en soi une mise en oeuvre et une adaptation agile de mesures de prévention comme le dépistage génomique viral, voire l'arrêt total de la collecte. Au regard de ces éléments, la reprise de la collecte en Guyane apparaît risquée ; elle n'est donc pas à l'ordre du jour.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre déléguée.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Bien évidemment, elle reprendra dès que les conditions épidémiologiques, qui font l'objet d'un suivi régulier, seront réunies.

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