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Question de M. Jacques Fernique (Bas-Rhin - GEST) publiée le 21/03/2024

M. Jacques Fernique attire l'attention de M. le secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité, sur la situation insoutenable des ligneurs de la pointe de Bretagne. Ces pêcheurs artisans alertent depuis des années sur l'état des populations de lieu jaune. Ils ont proposé des mesures de sauvegarde, qui ont été systématiquement rejetées. Demander une période de repos biologique ? Rejeté. Augmenter la taille minimale de capture ? Rejeté. Sans action forte pour sa sauvegarde, la population de lieu jaune n'a cessé de diminuer. Puis, en décembre 2023, des quotas de pêche drastiques ont été adoptés par l'Union européenne. Que la quantité totale de quotas de pêche pour le lieu jaune soit réduite est indispensable pour les pêcheurs comme pour le lieu jaune. Ce qui l'est moins, c'est leur répartition par bateau. Aujourd'hui, ces pêcheurs artisans se trouvent dans une situation insupportable. En l'absence d'application de l'article 17 de la politique commune de la pêche, de nombreux ligneurs se retrouvent sans quota pour 2024... alors que d'autres pourront en pêcher plusieurs dizaines de tonnes. Cette situation est due à l'inégale attribution des quotas en France. Les demandes de quotas de ces pêcheurs à la ligne auprès des organisations de producteurs ont été, pour la plupart, refusées. Les pêcheurs rencontrés en Bretagne sont pour la plupart de jeunes pêcheurs qui ont décidé d'adopter des pratiques respectueuses de l'environnement. Pour plusieurs d'entre eux, le lieu jaune représente 70 à 75 % de leurs captures, une part importante de leur revenu annuel. Ces jeunes pêcheurs ont contracté des emprunts pour investir dans des navires de pêche et sont confrontés à des risques de faillite. Cette situation injuste reflète un problème plus général dont le Gouvernement doit assumer la responsabilité : les droits de pêche historiques issus d'une politique de surpêche constituent le principal critère utilisé pour l'attribution des quotas de pêche, les critères environnementaux et sociaux sont à peine utilisés. Ce système récompense ceux qui ont la plus grande part de responsabilité dans l'effondrement des populations de poissons, au détriment d'une pêche artisanale génératrice d'emplois pour de faibles volumes de captures et une bonne valorisation. Donner quelques miettes aux pêcheurs artisans et concéder l'écrasante majorité des droits de pêche aux industriels, c'est acter la mort de la petite pêche. Les petits pêcheurs artisanaux ne tiendront plus longtemps s'ils ne sont pas soutenus massivement, à Bruxelles et à Paris. Les subventions et les quotas doivent être réorientés selon des critères sociaux et environnementaux, pour valoriser les pratiques vertueuses. À l'heure où le secteur de la pêche doit évoluer et opérer de toute urgence une transition vers des méthodes à faible impact, plus sélectives, pour stopper l'effondrement de la biodiversité marine et de la pêche artisanale, le gouvernement français a une responsabilité majeure. Il lui demande ce que le Gouvernement a fait jusqu'ici pour protéger les ligneurs qui pêchent le lieu jaune ou les petits pêcheurs de thon rouge en Méditerranée et en Atlantique. Le gouvernement ne respecte par l'article 17 de la politique commune de la pêche. Il a fait appel à la décision du tribunal administratif de Montpellier annulant l'arrêté sur la répartition du quota français de thon rouge, qui avait estimé que le système de répartition des quotas n'est ni transparent ni objectif, ni conforme à la législation. Sans soutien, les petits pêcheurs aux méthodes de pêche les plus responsables finiront par abandonner leur emploi.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité publiée le 08/05/2024

Réponse apportée en séance publique le 07/05/2024

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique, auteur de la question n° 1181, adressée à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité.

M. Jacques Fernique. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite pointer la situation insoutenable dans laquelle se trouvent les ligneurs de la pointe de Bretagne, que ma collègue eurodéputée Caroline Roose a rencontrés.

Ces pêcheurs artisans nous alertent depuis des années sur l'état des populations de lieu jaune. Ils ont proposé des mesures de sauvegarde, comme la définition d'une période de repos biologique pour permettre leur reproduction ou l'augmentation de la taille des captures, mais celles-ci ont été systématiquement rejetées.

En décembre dernier, des quotas de pêche draconiens ont été adoptés par l'Union européenne. Il est positif tant pour les pêcheurs que pour la préservation de cette espèce de réduire la quantité totale de lieu jaune pêché ; mais ce qui l'est moins, c'est la répartition des quotas par bateau.

De nombreux ligneurs se retrouvent sans autorisation de pêcher ce poisson, alors que d'autres navires pourront en pêcher plusieurs dizaines de tonnes. En effet, pour l'essentiel, les demandes de quotas adressées par les pêcheurs à la ligne auprès des organisations de producteurs ont été refusées.

Pour la plupart, ces jeunes pêcheurs ont adopté des pratiques respectueuses de l'environnement. Ils ont emprunté pour financer leur activité et sont confrontés à des risques sérieux de faillite.

Cette situation est injuste : les droits de pêche historiques, issus d'une politique de surpêche, constituent le principal critère retenu pour l'attribution des quotas, tandis que les critères environnementaux et sociaux sont à peine utilisés, au mépris de l'article 17 du règlement européen relatif à la politique commune de la pêche.

Il en résulte une marginalisation systématique des pêcheurs artisans défendant de meilleures pratiques de pêche. Ce système récompense ceux qui ont la plus grande part de responsabilité dans l'effondrement des populations de poissons.

Donner quelques miettes aux pêcheurs artisans et concéder l'écrasante majorité des droits de pêche aux industriels, c'est acter la mort de la petite pêche.

Monsieur le secrétaire d'État, que faites-vous pour protéger les ligneurs de lieu jaune ou les pêcheurs artisans de thon rouge ? Où en est l'application de l'article 17 de la politique commune ?

Il y va de l'avenir des pêcheurs aux méthodes les plus responsables : ne les laissez pas couler !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Berville, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la mer et de la biodiversité. Monsieur le sénateur Jacques Fernique, chaque année, au mois de décembre, le Conseil des ministres européen définit sur la base d'avis scientifiques les possibilités de pêche de l'Union européenne par espèce, avant que celles-ci ne soient réparties entre les différents pays.

Cette année, au regard de la baisse de la ressource de lieu jaune, ces possibilités de pêche ont été réduites de 87 % dans la Manche, la mer Celtique et la mer d'Irlande.

Cette chute a des effets particulièrement importants pour les pêcheurs artisans, que je connais bien. Je pense notamment aux canneurs-ligneurs de Bretagne, pour lesquels les quotas pour 2024 sont tombés à six tonnes, alors qu'en moyenne ces dernières années ils avoisinaient les trente-cinq tonnes.

Face à cette situation, le Gouvernement a demandé aux organisations de producteurs d'effectuer un transfert de quotas au profit des navires non adhérents pour permettre à ces derniers de poursuivre leurs activités.

Ce transfert entre professionnels a permis la réouverture de la pêche au lieu jaune pour les navires n'appartenant pas à des organisations de producteurs dès le 8 mai prochain. Ceux-ci sont donc assurés de pouvoir pêcher pendant la période de pêche de juin et juillet : voilà une réponse concrète pour les pêcheurs artisans.

Pour autant, le sujet est bien celui de la règle de répartition des quotas. Mon ministère a engagé depuis deux ans un travail de fond sur les critères d'attribution de la réserve nationale d'antériorités, constituée par les droits récupérés lors de changements d'armateurs ou de destructions de navires. Cette réserve a été alimentée à la suite de la mise en place du plan individuel d'accompagnement lié au Brexit, particulièrement pour le lieu jaune pêché dans la zone 7.

En lien avec les professionnels, ces travaux visent à intégrer des critères environnementaux et sociaux, voire à prendre en compte la crise économique, pour couvrir les besoins des navires les plus dépendants, notamment ceux qui adoptent des méthodes artisanales de pêche.

Ces travaux se poursuivent et je vous assure que nous les conduirons à leur terme. Nous avons répondu à l'urgence en répartissant différemment les quotas, pour permettre aux pêcheurs artisans de poursuivre leur activité. Et surtout, nous continuerons le travail de fond, auquel vous êtes invité à participer.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique, pour la réplique.

M. Jacques Fernique. Monsieur le secrétaire d'État, j'entends vos paroles et votre volonté de mener ces travaux à leur terme. Mais dans les actes, vous faites appel de la décision administrative du tribunal de Montpellier qui annulait l'arrêté relatif à la répartition du quota français de pêche de thon rouge. Ce tribunal avait jugé que ce système n'est ni transparent, ni objectif, ni conforme à la législation. Les pêcheurs artisans ne tiendront plus longtemps si vous ne les soutenez pas mieux !

M. Hervé Berville, secrétaire d'État. Cela n'a rien à voir avec le lieu jaune !

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