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Question de M. Jérôme Durain (Saône-et-Loire - SER) publiée le 16/05/2024

Question posée en séance publique le 15/05/2024

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jérôme Durain. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Le drame qui s'est produit hier dans l'Eure a profondément ému la représentation nationale. Je veux exprimer au nom de mon groupe nos sincères condoléances aux familles et aux proches des agents blessés ou sauvagement assassinés.

Je le dis avec toute la prudence qui convient, il est difficile de ne pas relier ces faits aux constats que la commission d'enquête sénatoriale sur l'impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier a formulés hier. Fort de ce rapport, le Sénat appelle à « un nécessaire sursaut [pour] sortir du piège du narcotrafic ».

Pourtant, monsieur le ministre, vous avez réitéré ce matin votre volonté d'attaquer le fléau par le bas. Nous pensons au contraire qu'il faut frapper les réseaux au portefeuille et à la tête.

Monsieur le ministre, allez-vous répondre à l'appel unanime du Sénat ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. - M. Thomas Dossus applaudit également.)

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Réponse du Ministère de l'intérieur et des outre-mer publiée le 16/05/2024

Réponse apportée en séance publique le 15/05/2024

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur Durain, c'est avec prudence que vous faites le lien entre l'attaque ignoble qui a eu lieu au péage dans l'Eure et le narcotrafic. Pour ma part, je ne m'encombre pas de prudence : il y a un lien, c'est une évidence.

D'abord, parce que nous parlons d'un narcotrafiquant ayant été arrêté par la police de notre pays. Il avait entamé sa carrière de criminel - si j'ose dire - dès l'âge de 10 ans et il était manifestement - c'est pour cela qu'il a été par deux fois jugé aux assises - le commanditaire de meurtres à Marseille, là où la police et la justice accomplissent un travail formidable et, vous le savez, très difficile.

Ensuite, parce que l'équipe de tueurs qui est intervenue - l'enquête le dira, mais, après quatre ans au ministère de l'intérieur, je commence malheureusement à avoir un peu d'expérience - a procédé de façon à peu près similaire à ce que l'on voit lors des règlements de compte dans certaines villes, notamment dans le sud de la France.

Monsieur le sénateur, vous avez parfaitement raison. Devant votre commission d'enquête, j'ai moi-même évoqué le fait que le narcotrafic était le plus grand danger pour notre unité nationale. Bien sûr qu'il faut par le bas attaquer les points de deal, interpeller les « choufs » et les trafiquants, faire des saisies et attaquer les consommateurs, mais personne ne doute un seul instant que le sénateur Blanc et vous-même ayez raison : la confiscation doit être générale, l'argent du crime doit être confisqué et nous devons faire cent fois plus que ce que nous faisons collectivement.

Comme l'a dit la ministre déléguée en réponse à une question précédente, nous suivrons les préconisations du Sénat.

C'est tout notre pays, le monde entier qui doit réagir. En effet, que se passe-t-il ? Monsieur le sénateur, vous le savez très bien. La première cause de mortalité aux États-Unis, le plus grand pays développé au monde, c'est le Fentanyl. Aux Pays-Bas, en Belgique, on assassine des journalistes et des avocats et on assassine peut-être putativement des hommes et des femmes politiques. En Amérique du Sud, la production de stupéfiants a été multipliée par cent parce que les États-Unis se sont désintéressés de ce trafic. En Afghanistan, depuis que nous en sommes partis avec les Américains, l'augmentation de la production d'héroïne et de cocaïne paie l'argent de la drogue et la rend moins chère chez nous.

Oui, monsieur le sénateur, il faut tous se réveiller. Cela fait quatre ans que je le dis : la drogue, il faut la combattre ; elle n'est jamais festive, mais toujours mortelle. Nous vous accompagnerons. Plus personne ne doit tenir un discours complaisant à l'égard de cette consommation. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour la réplique.

M. Jérôme Durain. Monsieur le ministre, l'écart est grand entre le discours que vous tenez devant nous et les actes du Gouvernement.

Vous affirmez que la drogue est la plus grande menace sécuritaire que notre pays et le monde vont connaître. Nous partageons cet avis, mais nous estimons que votre réponse n'est pas à la hauteur de la menace.

Sur le terrorisme, nous sommes en ordre de bataille. Sur le narcotrafic, nous avançons en ordre dispersé. Corruption, outre-mer, blanchiment, sécurité des ports, prison, procédure pénale, coopération internationale, magistrats et policiers en demande de moyens : tous les chantiers sont ouverts.

Le Sénat propose la création d'un parquet national anti-stupéfiants, avec pour corollaire du côté répressif une sorte de Drug Enforcement Administration à la française (DEA). Nous vous proposons une vision globale, une stratégie et surtout des moyens et un pilotage spécifique des services de renseignement, de sécurité et de justice favorisant un dialogue entre eux.

Ces propositions sont sur la table. Il est temps que le Gouvernement s'en saisisse ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe RDSE. - MM. Franck Dhersin, Rémy Pointereau et Mme Nadine Bellurot applaudissent également.)

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