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Question de Mme Viviane Malet (La Réunion - Les Républicains) publiée le 11/04/2024

Mme Viviane Malet appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur le régime spécifique d'approvisionnement et l'aide au fret pour les céréales destinées à l'alimentation animale.
En effet, le coût de l'alimentation représentant les deux tiers des coûts de production des éleveurs d'outre-mer, ce dossier a des implications majeures en matière de pouvoir d'achat, mais aussi de sécurité alimentaire dans les départements ultramarins.

Le plafond du régime spécifique d'approvisionnement n'a pas été relevé depuis dix ans et est saturé depuis près de cinq ans. Aujourd'hui, ce sont 8 millions d'euros de coûts de fret qui sont indument supportés par les éleveurs des départements d'outre-mer, dont 5 millions pour les seuls éleveurs de La Réunion.

D'une part, cela décourage l'émergence de filières de production de viandes biologiques à des prix attractifs et permettant répondre aux obligations de quotas de viande « bio » fixés par la loi Egalim dans la restauration collective.
Et d'autre part, cela empêche également le développement nécessaire des filières conventionnelles pour que le territoire réunionnais puisse enfin tendre vers une autonomie alimentaire, créatrice d'emplois pérennes tout en répondant aux objectifs des dernières conférences des parties (COP) : décarboner les outils de production et verdir l'élevage en réduisant la part de produits issus d'importations afin que nos produits de qualité soient à la portée des consommateurs.

L'État doit donc respecter l'engagement clair qu'il a pris à l'égard des éleveurs en leur demandant de ne pas répercuter ces 8 millions d'euros aux consommateurs et assumer, en contrepartie, de prendre en charge le complément du régime spécifique d'approvisionnement, dès lors qu'il aurait obtenu le feu vert de la Commission européenne pour le faire.

Les éleveurs ont fait face, et non sans peine, malgré la flambée des coûts de production consécutive à la crise covid, malgré l'explosion du coût du fret à la fin des confinements, et malgré l'inflation galopante post-guerre en Ukraine.

Or, depuis que la Commission européenne a autorisé la France à verser cette aide, le gouvernement a évoqué un refus des collectivités locales de co-financer ce dispositif alors qu'il n'en a jamais été question, et a laissé sans réponse les nombreux courriers des éleveurs co-signés par les parlementaires réunionnais et par la présidente de région.

Par ailleurs le Président de la République a déclaré, lors de son déplacement à La Réunion en octobre 2019, que la souveraineté alimentaire est un axe majeur de la politique agricole française et avait pris en exemple le modèle agricole réunionnais. Ce modelé n'est viable que si le surcoût des intrans est pris en charge par l'État au titre de la compensation liée à l'éloignement.

Aussi, elle le prie de lui confirmer que l'État respectera enfin sa parole, et abondera bien l'enveloppe du régime spécifique d'approvisionnement de 8 millions d'euros supplémentaires comme il s'y était engagé, et comme l'Union européenne l'y autorise depuis l'été 2023.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 08/05/2024

Réponse apportée en séance publique le 07/05/2024

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Malet, auteure de la question n° 1226, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Mme Viviane Malet. Madame la ministre, je souhaite évoquer ici la problématique du régime spécifique d'approvisionnement (RSA), qui correspond à la compensation des surcoûts pour l'alimentation animale liée à l'éloignement et à l'absence de cultures céréalières dans les territoires ultramarins.

Sachant que le coût de l'alimentation représente les deux tiers des coûts de production des éleveurs ultramarins, ce dossier a des implications majeures en matière de pouvoir d'achat et de sécurité alimentaire. En outre, il nuit à l'émergence de filières de viandes biologiques dans nos départements d'outre-mer (DOM), pourtant indispensables pour répondre aux obligations fixées par les lois Égalim.

Le plafond du RSA n'a pas été relevé depuis dix ans et il est saturé depuis quatre ou cinq ans. À l'heure où je vous parle, ce sont 8 millions d'euros de coût de fret qui sont indûment supportés par les éleveurs des DOM, dont 5 millions d'euros pour les seuls éleveurs de La Réunion.

L'État avait pourtant pris un engagement clair vis-à-vis de nos éleveurs : il leur a demandé de ne pas répercuter ces 8 millions d'euros sur les consommateurs. En échange, le ministère de l'agriculture s'était engagé à prendre en charge le complément du RSA, dès lors qu'il aurait obtenu le feu vert de la Commission européenne.

Les éleveurs ont respecté leur engagement malgré la flambée des coûts de production consécutive à la crise de la covid-19, l'explosion du coût du fret à la fin des confinements et l'inflation galopante post-guerre en Ukraine.

Toutefois, l'État n'a pas encore respecté le sien. Bien que la Commission ait autorisé la France à verser cette aide, le ministère s'est abrité derrière le refus des collectivités locales de cofinancer ce dispositif, alors même qu'il n'en a jamais été question, et il a laissé sans réponse les nombreux courriers et les interrogations des éleveurs réunionnais.

Pourtant, le Président de la République a fait de la diversification alimentaire une priorité absolue et nous a invités collectivement, le 28 février dernier, à la mettre « au centre de notre ambition agricole ».

Madame la ministre, nous attendons donc votre réponse. Pouvez-vous aujourd'hui nous confirmer que l'État abondera bien l'enveloppe du régime spécifique d'approvisionnement de 8 millions d'euros supplémentaires, comme il s'y était engagé et comme l'Union européenne l'y autorise depuis l'été 2023 ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Malet, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser Marc Fesneau, dont je me ferai la porte-parole.

Vous m'interrogez sur le régime spécifique d'approvisionnement et l'aide au fret pour les céréales destinées à l'alimentation animale.

Je voudrais tout d'abord clarifier le périmètre du feu vert que la Commission européenne aurait donné à l'État, sur la prise en charge du rehaussement du plafond du régime spécifique d'approvisionnement : celle-ci a bien confirmé en juin 2023 que le rehaussement du régime spécifique d'approvisionnement pouvait être abondé par des crédits nationaux, mais cela ne signifie pas que l'État a accepté d'en verser la totalité.

En effet, dans le cadre de la préparation de la visite officielle de la Première ministre à La Réunion en mai 2023, il a été décidé, concernant le financement du RSA, que le rehaussement de son plafond pour les filières animales serait pris en charge par la collectivité territoriale.

Cette volonté est bien connue : un courrier cosigné des ministres chargés de l'agriculture et des outre-mer a été adressé aux collectivités territoriales en août 2023. Ce courrier mettait en avant l'effort déjà consenti par l'État avec le relèvement de 15 millions d'euros des crédits du comité interministériel des outre-mer (Ciom) et demandait si la collectivité voulait contribuer au développement des filières animales de son territoire par la prise en charge de l'augmentation du plafond RSA et participer à la gouvernance du dispositif.

Les retours des différentes collectivités sont à ce stade encore incomplets sur les montants et les périmètres de répartition des coûts entre État, région et département. Mais le Gouvernement a confirmé, en février dernier, les termes initiaux de la négociation : un abondement de l'État n'est envisageable qu'à la condition d'un cofinancement de la part des collectivités territoriales.

Nous restons à la disposition des collectivités pour avancer sur la définition des montants et des périmètres de répartition des coûts entre l'État, les régions et les départements.

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