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Question de Mme Catherine Dumas (Paris - Les Républicains) publiée le 18/04/2024

Mme Catherine Dumas attire l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités sur l'opportunité d'expérimenter, pendant les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 (JOP), le recours encadré aux auto-entrepreneurs dans les métiers en tension comme l'hôtellerie et la restauration.
Elle indique qu'un sondage Ifop réalisé en novembre 2023 indique que près de trois quarts des Français (77 %) pressentent que la pénurie de main-d'oeuvre dans la restauration aura un impact négatif sur la qualité d'accueil et de service des millions de visiteurs attendus pour les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.
Elle note que même si des efforts ont été réalisés par les professionnels du secteur afin d'améliorer l'attractivité des métiers de l'hôtellerie-restauration et de recruter davantage - en deux ans, les salaires minimums ont ainsi augmenté de près de 25 % - le manque de main-d'oeuvre demeure. Entre 200 et 250 000 emplois d'au moins six mois ne trouvent pas preneur chaque année selon France Travail. Cette année, il faudra aux professionnels de l'hôtellerie-restauration trouver 60 000 travailleurs supplémentaires du fait des JOP.
Elle souligne qu'une solution portée par le Groupement des hôtelleries et restaurations de France (GHR), organisation représentative du secteur, consiste à encadrer le recours aux auto-entrepreneurs dans les métiers en tensions comme ceux de l'hôtellerie-restauration.
Elle constate que le statut d'auto-entrepreneur séduit de plus en plus de travailleurs qui y voient le moyen de choisir le moment où ils travaillent et donc de mieux concilier vie privée et vie professionnelle, et que 80 % des Français se montrent très largement ouverts à l'idée que des professionnels à leur compte (type indépendants ou auto-entrepreneurs) puissent venir apporter des renforts ponctuels aux restaurateurs dans les métiers de la restauration.
Elle s'interroge donc sur le fait que l'administration française et en particulier les URSSAF considèrent la pratique contraire à la loi et dissuadent les restaurateurs et autres professionnels du secteur d'avoir recours à cette main-d'oeuvre d'appoint.
Elle souhaite donc savoir si la période des jeux Olympiques et Paralympiques ne pourrait pas permettre au Gouvernement d'expérimenter le recours encadré aux auto-entrepreneurs dans les métiers en tension comme l'hôtellerie et la restauration.

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Réponse du Ministère du travail, de la santé et des solidarités publiée le 04/07/2024

L'attention de la ministre du travail, de la santé et des solidarités a été appelée sur l'opportunité d'expérimenter, pendant les Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris 2024, le recours encadré aux travailleurs indépendants dans les métiers en tension comme l'hôtellerie et la restauration, notamment pour des serveurs, commis de cuisine ou encore plongeurs. Le recours par une entreprise donneuse d'ordre à des travailleurs indépendants est autorisé. Toutefois, le juge saisi au contentieux est toujours susceptible de requalifier relation de travail, entre salariat ou travail indépendant, en fonction de l'analyse qu'il fait des conditions concrètes de l'exercice de l'activité en se fondant sur un faisceau d'indices et sans être tenu par l'intitulé donné à leur convention par les parties. Si l'article L. 8221-6 du code du travail établit une présomption de non-salariat pour les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, l'existence d'un contrat de travail peut être établie lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanent à l'égard du donneur d'ordre. Conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation (Chambre sociale, 13 novembre 1996, Société Générale, 94-13187), ce lien est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur, lequel a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Ainsi, l'intégration à un service organisé est régulièrement relevée par la jurisprudence comme un indice de subordination (Cour de cassation, chambre sociale, 13 septembre 2023, Voxtur, 22-10.950). Sous réserve de l'appréciation souveraine du juge, les conditions d'exercice des métiers dans le secteur de l'hôtellerie et la restauration, à titre d'exemple le fonctionnement d'une brigade de cuisine, peuvent être incompatibles avec l'autonomie caractéristique d'un réel travail indépendant. Le juge européen a en outre considéré, dans sa décision « Yodel Delivery Network Ltd » qui lie les États membres (CJUE, 22 avril 2020, affaire C-692/19), qu'un travailleur indépendant doit disposer d'une marge d'autonomie dans l'exercice de son activité, caractérisée notamment par la faculté qui lui est laissée de : - confier tout ou partie de l'activité à un tiers (sous-traitant ou remplaçant), sans que le donneur d'ordre puisse s'y opposer (même si le donneur d'ordre peut refuser l'intervention d'un tiers qui ne présenterait pas un niveau de compétence et de qualification au moins équivalent à celui exigé) ; - ne pas accepter des tâches et de fixer lui-même une limite contraignante au nombre de tâches qu'il est prêt à accomplir ; - de fournir des services analogues à des tiers, sans condition d'exclusivité, y compris parallèlement et de façon simultanée ; - de fixer ses heures de travail et d'organiser son temps à sa convenance. Le recours à de faux travailleurs indépendants est susceptible de constituer un travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié. Ce délit constitutif d'infraction de travail illégal peut donner lieu à des sanctions pénales, civiles et administratives. La lutte contre le travail illégal constitue une priorité d'action pour le Gouvernement, dans le cadre du Plan national de lutte contre le travail illégal 2023-2027. En effet, ces dérives privent les travailleurs des protections et droits sociaux propres aux salariés, amputent la sécurité sociale des financements générés par les cotisations des employeurs et créent des distorsions de concurrence entre les acteurs du secteur. D'ailleurs, dans un souci d'exemplarité sociale, le Gouvernement travaille de manière étroite avec les organisateurs des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Les infractions de travail illégal sont recherchées et constatées par les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-1-2 du code du travail, notamment l'inspection du travail, l'URSSAF ou encore les agents et officiers de police judiciaire. L'article 40 du code de procédure pénale prévoit que toute autorité, dont les corps de contrôle, qui dans l'exercice de ses fonctions acquiert la connaissance d'un délit, en l'occurrence en matière de travail illégal, est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. Enfin, la possibilité de recourir au Contrat à durée déterminée (CDD) d'usage constitue un mode de recrutement flexible au bénéfice des entreprises pour satisfaire à des besoins temporaires de main-d'oeuvre, le cas échéant sur des délais d'ailleurs très courts (« extras »). Ce type de contrat est susceptible d'être conclu pour pourvoir des emplois pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée, du caractère par nature temporaire de ces emplois et dans des secteurs d'activité définis soit par décret, soit par les conventions ou accords collectifs de travail étendus. Tel est le cas du secteur de l'hôtellerie et de la restauration (4° de l'article D. 1242-1 du code du travail). Ces CDD d'usage peuvent notamment se succéder sans délai de carence et n'imposent pas à l'employeur le paiement de l'indemnité de fin de contrat prévue par la loi, sauf disposition conventionnelle plus favorable. Par ailleurs, l'union des métiers des industries de l'hôtellerie, organisation majoritaire dans le secteur, a eu l'occasion de rappeler à la ministre du travail, de la santé et des solidarités qu'elle était circonspecte quant au développement du travail indépendant dans le secteur hôtels, cafés restaurants.

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