C - LES NOUVEAUX ACTEURS DE L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT : COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE ET ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES
M. Jean FAURE. - Je demande à M. Tuquoi de bien vouloir animer la table ronde.
M. Richard Cazenave est député de l'Isère et surtout Vice-Président de la région Rhône-Alpes, responsable des questions internationales. Il témoignera sur des exemples des réalisations de la coopération en Afrique pour la région Rhône-Alpes.
M. Francis Tapon est responsable de la coopération décentralisée pour le département de l'Ille-et-Vilaine. Sous la conduite de Pierre Méhaignerie un certain nombre de réalisations se sont faites depuis des années.
M. Fredaigue, Premier adjoint à la Mairie de Loudun, dont le Maire est le Président Monory, viendra également témoigner de l'expérience de la commune de Loudun.
Mme Christine Roimier est première adjointe à la Mairie d'Alençon, dont le Maire est notre collègue le sénateur Alain Lambert, rapporteur général du budget du Sénat.
Jean-Paul Vigier, Président de Coordination Sud, organisation qui coordonne une soixantaine d'organisations de solidarité, d'urgence et de développement, apportera son témoignage.
Enfin nous entendrons M. Henry Jouve qui lui même, sous la houlette des organisations agricoles, puisqu'il est Président d'Agriculteurs Français et Développement International (AFDI), a conduit différentes missions, non seulement en Afrique, mais dans un certain nombre d'autres pays.
Voilà les quelques personnes qui vont maintenant intervenir en quelques minutes pour nous faire part de leurs expériences.
M. Jean-Pierre TUQUOI. - Les ministres ayant le privilège de parler autant qu'ils le souhaitent, et ce privilège ne nous étant pas donné, je serai très bref. Il va être question de coopération décentralisée. Finalement, celle-ci telle qu'elle est vécue aujourd'hui s'oppose à une espèce de coopération officielle lourde et un peu passée de mode, et cela pour deux raisons.
D'une part les États qui sont les pourvoyeurs de fonds sont tous plus ou moins impécunieux. C'est vrai des États-Unis qui se font tirer l'oreille pour abonder aux fonds de l'IDA, à la Banque africaine de Développement, etc... mais ce n'est pas uniquement le cas des États-Unis. La France aussi se fait tirer l'oreille et le budget de la coopération depuis plusieurs années stagne, pour ne pas dire qu'il diminue.
Par ailleurs, il est vrai qu'auprès de l'opinion publique, la coopération officielle est de plus en plus décriée. On lui reproche d'être très lourde et surtout d'avoir des résultats pour le moins mitigés. Les contribuables, un peu partout dans le monde, ont le sentiment que finalement l'argent qu'ils donnent ne sert pas à grand chose, qu'il est plus ou moins dilapidé, qu'il va se perdre dans des comptes en Suisse ou ailleurs et qu'il pourrait être mieux utilisé.
Un des succès de la coopération décentralisée est perçu de façon positive auprès des opinions publiques parce que les gens ont le sentiment que pour une fois l'argent n'est pas dilapidé, que ce qu'ils donnent sert à quelque chose.
Ceci dit, il ne faut pas se gargariser non plus. La coopération décentralisée est une forme de coopération, mais pas la panacée. Un certain nombre de limites lui sont propres. Nos intervenants les souligneront. C'est plutôt une facette de plus à la coopération telle qu'elle existe aujourd'hui.
Nos intervenants vont faire part de leurs expériences, à la fois des ONG et de la coopération qui peut s'inscrire entre deux villes, une ville française et une ville africaine, entre deux départements ou entre deux régions.
Le plus simple est que chacun d'entre eux parle très rapidement de son expérience. Après quoi un dialogue s'instaurera avec l'assistance.
M. Richard CAZENAVE. - Je suis Vice-Président de la Région Rhône-Alpes, terre de longue tradition humanitaire, à l'origine missionnaire, ce qui explique sans doute la raison pour laquelle de nombreuses organisations non gouvernementales sont présentes en Rhône-Alpes et y ont leur siège, telles que Vétérinaires sans frontières, Handicap International, Est qui libre, ou Bio Force Développement, pour ne citer que les principales.
Cette situation nous a sensibilisés très tôt, nous élus, à la volonté de mener des actions de coopération décentralisées. La première vient un peu d'un événement qui est la sécheresse particulièrement forte au Sahel en 1984. Nous avons démarré sur une action de solidarité humanitaire pour amener des moyens, des vivres, des secours. Tout de suite nous est venue l'idée qu'au-delà de l'urgence il y avait mieux à faire en essayant de conduire des actions de développement.
D'où des projets qui ont donné lieu à un jumelage avec la 6ème région du Mali, la région de Tombouctou, avec laquelle nous avons depuis lors conduit, parfois avec des difficultés parce que des événements marquaient aussi l'histoire de ce pays en 1991 à 1993, des produits très variés dans le domaine de la santé publique, de la santé animale avec Vétérinaires sans frontière, dans le domaine de l'éducation et de la construction de puits.
Un projet est particulièrement important, celui de la remise en eau de mares asséchées alimentées par les crues du Niger - quand je parle de mares c'est de plusieurs milliers d'hectares dont il s'agit - les mares de Tanda et Kabara, travaux qui ont été achevés en 1989.
Nous avons démarré sous cet angle et nous y sommes toujours. Je serai d'ailleurs dans une dizaine de jours au Mali pour donner une nouvelle impulsion à cette coopération puisque les événements politiques permettent aujourd'hui de relancer la dynamique de coopération avec le Mali.
Puis nous avons eu l'idée qu'au-delà de notre action propre nous pouvions être un élément fédérateur ou en tout cas un aiguillon d'entraînement des actions d'autres acteurs de la région Rhône-Alpes. En 1992, la loi de décentralisation ayant donné le pouvoir aux régions de conclure des accords avec des régions relevant d'autres États, nous avons tenu en Rhône-Alpes les assises de la coopération décentralisée, avec des collectivités locales, avec des organisations non gouvernementales et nous avons conclu à l'idée qu'il fallait absolument mettre en réseau nos expériences au sein de la région, pour avoir des retours d'évaluation, avoir des échanges d'expérience, et pour essayer de rendre plus efficaces et plus adaptées, mieux coordonnées aussi nos actions pour l'avenir.
Ces réflexions ont abouti à la création de RESACOP, outil dont nous nous sommes dotés sur le plan régional, qui regroupe tous ces partenaires de la coopération décentralisée et des ONG régionales, outil qui a donc pour objectif d'abord d'organiser régulièrement ces échanges d'information, d'avoir une banque de données communes, ensuite d'être un élément d'appui, de soutien aux projets des collectivités locales de la région.
Ce réseau est né l'an dernier et commence déjà à être tout à fait reconnu. Nous souhaitons dans la foulée que l'État déconcentre une partie de ses crédits de coopération au niveau de structures régionales. Pourquoi ne pas mettre directement des fonds collectés à l'échelon régional pour que ces projets puissent voir le jour plus rapidement et puissent être en synergie de terrain avec nos partenaires dans les pays concernés ?
Notre expérience ne se limite pas à cela. Nous soutenons en direct, par des financements, les projets qui nous sont soumis par les ONG de Rhône-Alpes. En fait, sur 110 MF consacrés aux actions internationales de la Région, nous consacrons à peu près chaque année une dizaine de millions de francs au soutien de projets ou à nos actions directes.
Je suis en train de mettre au point un dernier projet puisque la Région a la compétence, de par la loi, du plan d'accès à la première expérience professionnelle des jeunes, en proposant aux ONG de Rhône-Alpes d'abonder un crédit qui pourrait être de 50.000 F par emploi créé pour celles qui recruteront à durée déterminée pour un an ou à durée indéterminée un jeune entre 16 et 25 ans pour lui donner une formation à l'emploi.
Quand on intervient dans un environnement international, on a besoin d'apprendre, d'acquérir une expérience. Le coeur ne suffit pas, il faut aussi un professionnalisme et les ONG de notre région ont un potentiel de développement très important. Il y a des bailleurs de fonds nationaux, internationaux. Le budget de la coopération pour l'année prochaine va augmenter l'enveloppe consacrée aux coopérations décentralisées et aux ONG. Il y a donc un potentiel de développement que nous voulons essayer d'accompagner en incitant les ONG à se structurer.
Les collectivités locales et les ONG travaillent dans la région Rhône-Alpes la main dans la main et c'est une expérience qui connaîtra, je l'imagine, d'autres développements dans d'autres régions. Outre le fait de cette mise en réseau, outre le fait qu'il y a appui, il y a l'intérêt du retour d'expérience, de la bonne évaluation, d'une meilleure coordination entre les acteurs locaux du développement parce que ce foisonnement fait apparaître aussi la nécessité d'une coordination intelligente.
M. Jean-Pierre TUQUOI. - Nous reparlerons de la coordination entre toutes les associations. M. Tapon pouvez-vous faire part de votre propre expérience en Ille-et-Vilaine ?
M. Francis TAPON. - Hier, c'était la journée tiers-monde dans les écoles et je suis allé dans un lycée d'Ille-et-Vilaine qui voulait un jumelage.
Je précise, pour nos amis des pays ACP, que la coopération décentralisée n'est pas une obligation imposée par les textes relatifs aux transferts de compétences. Les villes avaient engagé des jumelages coopération, aussi bien avec l'Afrique qu'avec des villes d'Allemagne. La première génération des jumelages étaient celle des jumelages de la réconciliation il y a à peu près 45 ans.
Quant à la coopération décentralisée, le terme même est né à la faveur du grand mouvement de décentralisation dans les années 82 - 83, là où le législateur donne la libre administration à ses collectivités, notamment département et région.
Il y a aujourd'hui 45 ou 50 départements. Pratiquement toutes les régions de France font de la coopération décentralisée, mais pas tous les départements, ce n'est pas une obligation.
Il existe différentes formes d'intervention. Il y a l'intervention d'un département qui peut verser une intervention passive : on verse une subvention, soit à Handicap International, soit à une grande ONG. On se donne bonne conscience en agissant en faveur d'un projet dans un pays d'Afrique puisque c'est la dominante.
J'en arrive concrètement à l'Ille-et-Vilaine. C'est en 1983 que la décision a été prise d'engager une coopération avec un pays d'Afrique. Vous connaissiez la situation à cette époque. Le Mali a été choisi. Les autorités maliennes ont demandé que la région de Mopti soit retenue.
Le Conseil Général aurait pu verser une subvention à un organisme. Mais un outil a été créé, vous l'avez rappelé en disant que c'était le Président Méhaignerie qui avait pris cette initiative. Il a voulu que ce ne soit pas l'affaire du Conseil général, mais celle des habitants d'Ille-et-Vilaine.
D'où une association qui regroupe des villes, dont la ville de Rennes, des organismes tiers-monde, des associations tiers-monde, des établissements scolaires, des institutions comme un hôpital. Ces partenaires sont regroupés en association - Ille-et-Vilaine Mopti - et décident des programmes.
Comment travaillons-nous sur le terrain ? Nous n'étions pas des professionnels de la coopération. Nous avons donc fait appel à un organisme que vous connaissez, qui avait déjà 20 ans d'antériorité en Afrique, l'AFVP (Association Française des Volontaires du Progrès) et nous avons trouvé, dans notre département, quelques coopérants qui se succèdent depuis 10 ans là-bas. Nous avons des techniciens supérieurs en agriculture qui sont sur place, un peu plus haut que Mopti.
Nous sommes intervenus dans la région entre Mopti et Tombouctou, en réalisant des puits, des ouvrages hydrauliques, des mares, des périmètres maraîchers, l'objectif étant l'autosuffisance alimentaire et l'alimentation en eau potable et durable.
A l'occasion de l'inauguration du 100ème puits, puisque nous réalisons une dizaine de puits par an, le chef d'un village nous disait, traduit par un technicien, « depuis que vous êtes venus, nos populations n'ont plus faim, nos populations n'ont plus soif ». L'objectif visait à limiter l'exode rural. Le Gouverneur de la région de Mopti, et même le Président de l'Assemblée nationale du Mali ici présent, M. Dialo, député de cette région de Mopti, peuvent vous confirmer que dans certains villages nous avons limité l'exode rural.
En termes financiers, l'enveloppe est significative pour le département puisqu'elle est quand même de 1,1 MF par an de la part du Conseil général, complétée par des cofinancements du ministère de la Coopération (subvention de la région, subvention des communes) et par l'aide d'associations locales.
En voici un exemple : en Ille-et-Vilaine, l'association « Pain contre la faim » regroupe 70 retraités qui tous les jours collectent du pain rassis, vendu pour l'alimentation du bétail. La recette annuelle est de 120.000 F (12 millions de francs CFA). Vous imaginez ce qu'il est possible de faire tous les ans.
Paradoxe : chez nous le gaspillage, là-bas la pénurie. Deux situations négatives, mais en mathématiques, moins par moins égale plus.
Nous réalisons des installations hydrauliques, la construction d'une ou deux écoles par an, suivant les cofinancements que nous pouvons obtenir, des dispensaires. Toutes ces réalisations concrètes sont suivies par nos coopérants en accord avec les autorités locales, les associations villageoises. Une réunion annuelle avec les représentants de l'Association Ille-et-Vilaine Mopti est organisée pour programmer les projets pour l'année suivante.
Un des aspects importants est l'aspect culturel : mieux se connaître, échanger. L'année dernière, pour le 10ème anniversaire, nous avons fait venir pendant 2 mois un conteur malien, un poète qui a circulé dans toutes les écoles jumelées. Ce projet n'a pas coûté cher, mais il a eu beaucoup d'impact.
Depuis 7 ans, tous les étés, des chantiers de jeunes sont encouragés, financés par l'association Ille-et-Vilaine Mopti, et 50 jeunes tous les étés vont sur la région. Voilà en gros la philosophie de cette coopération qui a un but : l'éducation au développement en France, permettre d'échanger, de partager la réalité africaine et prendre le temps de se connaître.
Cette opération a un but : permettre d'échanger, de connaître la réalité africaine et prendre le temps de se connaître.
Tout à l'heure j'ai noté les mots du ministre "mission hâtive". Quand nous allons sur place, nous les représentants des collectivités locales, nous pouvons prendre le temps de mieux nous comprendre.
Nous, professionnels, il nous faut peut-être arriver à unir les hommes, et quels que soient nos échelons dans nos fonctions essayer de traduire cette phrase de Saint-Exupéry : "La grandeur d'un métier est peut-être avant tout d'unir les hommes, il n'est qu'un luxe véritable, celui des relations humaines." Ce luxe dépasse quelquefois et même souvent des millions de CFA.
(applaudissements)
M. Jean-Pierre TUQUOI. - Merci de nous avoir brillamment décrit l'expérience de l'Ille-et-Vilaine.
Mme Christine ROIMIER. - La politique impulsée par Alain Lambert dans la ville d'Alençon est de donner suite à un jumelage ancien avec la ville de Koutiala au Mali.
Ce pays s'est engagé tout récemment dans une politique de décentralisation. Nous avons des actions complémentaires à celle du secteur associatif qui faisait vivre ce jumelage avec beaucoup de résultats positifs.
Nous nous sommes sentis des responsabilités particulières, et les relations personnelles que nous avons nouées avec nos homologues ont fait jaillir des projets que nous sommes en train de mettre en oeuvre.
Il est vrai que pour une équipe d'élus qui se trouve investie de la responsabilité d'un budget local, de la gestion domaniale, des problèmes d'urbanisme, de plan d'occupation des sols, c'est une lourde responsabilité.
Le transfert se heurte bien sûr à des problèmes financiers et essaie de faire adhérer une population à ses évolutions structurelles et institutionnelles.
Nous avons travaillé ensemble, nous avons effectué plusieurs missions à Koutiala, nos homologues sont venus à Alençon et au cours de trois échanges assez longs nous sommes arrivés au projet suivant : Koutiala a la chance d'être aussi le site d'investissements internationaux très importants des Nations Unies, avec notamment un très grand programme d'adduction d'eau. D'où un mieux-être évident pour l'ensemble des populations, mais générant aussi des difficultés de gestion, car qui dit eau dit eaux usées et des problèmes de santé.
Donc est bouclée la boucle de l'ensemble des responsabilités d'élus d'une collectivité territoriale. Le dialogue avec nos homologues a fait apparaître un réel besoin en matière de Direction Générale des Services Techniques. Koutiala était dotée d'équipements importants (réseau d'eau, problème d'élimination des déchets d'eaux usées). Evidemment c'est à cette charnière de la Direction Générale des Services Techniques que se trouvait un besoin en compétences aux côtés des élus comme chez nous.
Alors que sur le plan administratif, Secrétariat général, le poste était pourvu par une délégation d'un fonctionnaire malien d'un très haut niveau, donc c'était du côté de la Direction Générale des Services Techniques que se posait un problème. Nous avions ensemble monté un projet permettant de recruter un ingénieur malien. Ensemble il y a eu un cheminement dans la procédure de recrutement par un appel à candidatures par la presse nationale, avec la définition du profil de poste, tout ce qu'il est utile de maîtriser quand nous sommes élus dans un cadre de décentralisation avec certaines responsabilités.
Ceci a eu lieu il y a quelques semaines, cet ingénieur malien a été recruté par un jury composé d'élus de Koutiala, avec la présence de l'ONG qui avait investi des énergies du Mali, de l'ensemble des opérateurs présents sur la ville de Koutiala, avec deux sièges pour la ville d'Alençon.
Ce poste a été pourvu, cet ingénieur aura un correspondant, le Directeur Général des Services Techniques de la ville d'Alençon, qui m'a accompagné lors d'une précédente mission à Koutiala.
Nous serons un peu centre de ressources pour le démarrage, nos services par exemple refont complètement les plans de réseaux de la ville. C'est une base de travail essentielle, nous devons aussi veiller à ne pas calquer un schéma d'organisation complètement comparable au nôtre en France.
Ce serait déraisonnable et il ne remplirait pas la mission souhaitée. Par exemple, pour les missions ménagères il est fait appel aux GIE locaux, là encore le contrat de concession sera à traiter avec nos amis, afin qu'un service public soit rendu sur une ville, mais par délégation d'associations type GIE, tout à fait pertinentes au Mali.
La ville d'Alençon s'est engagée à financer le poste de l'ingénieur pendant trois ans, complété par des avantages en nature fournis par la ville de Koutiala. Nous aurons une participation en sifflet bien sûr, et nous nous retirerons au fur et à mesure de la prise en charge de ce poste par la ville de Koutiala elle-même.
Comment pourra-t-elle y parvenir ? Nous avons constaté que les élus de Koutiala se heurtaient à une difficulté, la perception des taxes locales, parce que le service public n'était pas assuré de façon correcte. Donc les gens ne veulent pas payer leurs impôts.
Pour essayer de briser cette spirale infernale, faisons en sorte que le service soit rendu. Peut-être la collecte fiscale de la ville de Koutiala sera meilleure, après cela.
C'est la formule que nous avons choisie. Cet ingénieur fera en sorte que le service soit de meilleure qualité, que la perception fiscale se déroule dans de meilleures conditions.
Nous pensons aussi que cette démarche, si elle réussit, permettra de réconcilier une population avec ses institutions et donc un État de droit, ce qui est extrêmement important, car actuellement on assiste un peu à la fourniture de services directement de prestataires aux particuliers, et si elle devait se développer elle n'aboutirait peut-être pas à la cohésion nécessaire dans un État de droit.
Voilà très rapidement résumée notre démarche.
(applaudissements)
M. Jean-Pierre TUQUOI. - Merci. M. Fredaigue va prendre la suite très rapidement.
M. Jean-Pierre FREDAIGUE. - Je ne vais pas vous parler du Mali, mais du Burkina.
La ville de Loudun est jumelée avec celle de Ouagadougou depuis 1967. Il y a donc vingt-sept ans que nous vivons une expérience où il n'y a aucun professionnalisme.
Les gens de Ouagadougou et de Loudun sont des Messieurs Tout le Monde. Il y a des responsables élus démocratiquement depuis peu au Burkina. J'ai rencontré récemment le Maire de Ouagadougou qui a pris ses fonctions en mai dernier : j'ai donc l'assurance d'avoir pendant les cinq prochaines années le même interlocuteur.
Depuis vingt-sept ans le jumelage, je veux le souligner, a vécu malgré un grand nombre de Maires nommés par le Gouvernement, compétents dans l'ensemble, mais ne disposant pas de la durée voulue pour enclencher des opérations sur le terrain.
Qu'avons-nous fait depuis vingt-sept ans ? Le jumelage existe encore et c'est extraordinaire. Aujourd'hui au Burkina il doit y avoir 105 ou 106 jumelages coopération. Loudun ayant été le premier, nous avons le défaut d'être l'ancien, donc nous prenons des cheveux blancs.
Je ne vais pas vous énumérer toutes les actions, car au fond elles ont peu d'importance.
Vous l'avez tous dit aujourd'hui, elles se sont appliquées au domaine de la santé, de l'éducation, de l'économie.
Ce qui paraît important, c'est qu'à chaque fois les projets ont été conçus par nos amis du Burkina. A aucun moment la ville de Loudun n'a imposé de projet.
Par contre, entre dix ou douze projets proposés, il y a eu un tri faisant l'objet d'un dialogue à chaque fois.
Cette approche a eu le mérite de permettre aux citoyens ordinaires que nous étions, les uns et les autres, de nous révéler dans une école de responsabilité.
La meilleure formation, celle des hommes, de la matière grise évoquée tout à l'heure nous paraît bien être précisément la responsabilité apprise sur le terrain.
Cette approche, comme la construction d'une école, son financement, la participation de la ville de Ouagadougou ou celle de Loudun, chacun s'y engage et respecte son engagement.
De là à vous dire que "tout baigne", ce serait mentir. La difficulté essentielle n'est pas l'investissement, on trouve toujours l'argent, mais le fonctionnement, la mise en place des structures humaines et leur avancement.
Un exemple : un dispensaire est relativement facile à construire, à équiper, mais il est plus difficile d'avoir une infirmière et de le faire fonctionner avec des médicaments.
Nous devons exercer en permanence un suivi de ce qui se passe sur le terrain. C'est très intéressant puisqu'il permet aux Loudunais d'aller voir leurs amis au Burkina et d'échanger sur toutes les réalisations.
Le succès venant dans le département de la Vienne, une, deux, trois, quatre bientôt cinq villes seront jumelées avec le Burkina-Faso, d'où une interpellation très forte au Président du Conseil Général que tout le monde connaît puisqu'il est aussi Président du Sénat. A chaque fois qu'on investit un franc à Loudun, à Mirebeau, à Chatellerault, à Chauvigny, ou bientôt à Dangé-Saint-Romain, il pourrait être intéressant que le département mette aussi un franc.
Et il serait encore mieux que lorsqu'il y a un franc + un franc, la coopération mette 50 % de plus, soit 4 F. Cette somme permet d'aborder des projets plus solides, mais l'originalité reste la même, la conception a lieu au niveau des citoyens ordinaires, les élus locaux.
(applaudissements)
M. Jean-Pierre TUQUOI. - Nous avons fait le tour de façon claire des réalisations, des questions qu'elles posent.
Nous avons la chance d'avoir des représentants d'ONG parmi nous. M. Vigier, par exemple, pourrait nous dire comment il voit ce problème de la coopération décentralisée qui, paradoxalement, peut apparaître comme une tentative pour court-circuiter ou se dispenser des ONG, puisque les municipalités peuvent agir directement. Alors que reste-t-il pour elles ?
M. Jean-Paul VIGIER. - Je suis Président de Coordination Sud, qui regroupe à peu près 70 organisations parmi les plus importantes en France.
Je voudrais d'abord citer un chiffre. L'ensemble des organisations de solidarité française, d'urgence et de développement en 1992 avait réuni 1,7 milliard, dont à peu près 40 % dirigés vers l'Afrique.
Les organisations que je représente se situent pour 80 % dans cette somme, et seulement 10 % viennent du Gouvernement français. L'essentiel des ressources des organisations non gouvernementales françaises vient des citoyens français eux-mêmes.
J'ai écouté ce matin avec beaucoup d'intérêt ce que disaient M. Severino et M. Mikhaïlof, en particulier sur l'extraordinaire développement démographique de l'Afrique et les effets actuels, futurs ou anciens sur les États ou les populations.
Le rôle essentiel des ONG de manière générale est de se situer à la rencontre entre les populations africaines et la population française, et d'aider en l'occurrence les premières et leurs ONG à s'organiser et à jouer leur rôle dans cette considérable évolution et ce dynamisme dont nous sommes les témoins, et peut-être un peu les acteurs.
Je mets à part les ONG françaises qui s'occupent d'urgences car leur action est liée aux parties les plus difficiles et les plus cruelles quelquefois de la vie.
Je parlerai de celles de développement qui depuis quelques années déjà ont considérablement évolué dans leur pratique, et de plus en plus se situent en aide, en assistance aux populations organisées, que ce soit dans le domaine du crédit -beaucoup d'organisations mettent en place des systèmes de crédit, de caisse d'épargne- ou de la santé, de l'éducation, ce qui jusqu'alors n'était pas primitivement le rôle précis des ONG.
Je dois rendre hommage à beaucoup de nos collègues africains qui savent remarquablement bien s'organiser.
Au fur et à mesure que l'État cède pour des raisons diverses une partie du rôle qu'il jouait dans ce domaine, la Société civile s'organise pour prendre le relais, et quelquefois avec bonheur, souvent et toujours avec courage.
Notre deuxième souci est tourné vers la population française. C'est là où effectivement nous pouvons rejoindre, indépendamment de l'action sur le terrain, le rôle des élus et spécialement des élus locaux. Notre grand souci est de voir nos compatriotes actuellement se désintéresser pour des raisons diverses et variées de la solidarité internationale.
Nous serions effectivement très inquiets si, pour des raisons diverses, l'exemple américain était suivi chez nous.
Nous considérons comme un devoir premier la mobilisation, l'information de la Société française, pour qu'elle ne se laisse pas aller à une sorte de repli sur elle-même ou sur des problèmes qui lui sont immédiatement posés.
C'est pourquoi nous avons proposé d'organiser dans le courant de l'année 1996 les Assises Nationales de la Coopération où se retrouveraient aussi bien les collectivités locales que les ONG, les entreprises, l'État, pour essayer justement de montrer que des actions existent et qu'elles sont faites ensemble.
De plus en plus on constate que des relations sont possibles et des actions communes déjà engagées entre les collectivités locales et les ONG. Il serait absurde et certainement mauvais pour tous que de prétendre opposer l'un à l'autre. Il y a effectivement des convergences très fortes dans l'action démocratique elle-même, et auprès des populations.
De ce côté-là nous avons effectivement des cartes entièrement neuves à jouer, comme par rapport à la collaboration avec l'État où depuis maintenant quelques mois nous avons mis en place avec le ministère des Affaires étrangères et celui de la Coopération un système de gestion paritaire de programmation de certaines actions communes.
Là aussi nous avons accompli un grand progrès dans le choix de pays ou d'actions prioritaires que nous cofinançons.
Autrement dit, actuellement les ONG françaises - je peux parler en l'occurrence de celles que je représente - s'orientent délibérément vers cette double action, vers les populations, selon leur rôle fondamental, et un travail constant, permanent auprès de la population française pour qu'elle n'oublie pas ses engagements et la tradition de générosité qui est la sienne. Je vous remercie.
(applaudissements)
M. Jean-Pierre TUQUOI. - Merci. Je retiens la leçon qu'il ne faut pas opposer les ONG et les municipalités, elles sont plutôt complémentaires, ne serait-ce que pour réveiller l'opinion publique qui ressent une certaine apathie à l'égard du développement du Tiers-Monde.
M. Jouve anime une autre ONG au niveau des agriculteurs. Comment voit-il la situation ?
M. Henry JOUVE. - Merci de donner la parole à un paysan. Il en faut, on parle beaucoup d'eux en termes de développement. Au nom des agriculteurs français je dois vous dire toute la fierté que nous avons à intervenir devant vous.
AFDI (Agriculteurs Français et Développement International) que je préside est une organisation composée des quatre grandes organisations agricoles françaises dont vous avez entendu parler : la FNSEA dont je suis l'un des représentants à l'AFDI, le CNJA dont j'ai été le Président dans les années passées, les Chambres d'Agriculture et le Mouvement mutualiste et coopératif agricole français, très large, comprenant mutualité agricole, coopératives, etc.
AFDI est née il y a vingt ans sur l'impulsion de quelques agriculteurs qui, lors de la grande sécheresse du Sahel, avaient pensé qu'il serait bon, en tant que coopératives agricoles, de consacrer une partie des récoltes à une aide alimentaire auprès des populations déshéritées par cette longue sécheresse.
Le mouvement a évolué heureusement, et très vite les agriculteurs se sont engagés dans l'AFDI. Je devrais dire plutôt le mouvement AFDI, puisque la profession agricole en France est très structurée, et il y a à tous les échelons les organisations composantes présentes, les fédérations de syndicats d'exploitants agricoles, les centres départementaux des jeunes agriculteurs, etc.
Nous comptons actuellement 73 AFDI départementales ou régionales selon qu'elles préfèrent travailler au plan départemental ou régional, ou même local parfois.
C'est dire si le mouvement AFDI correspond valablement au concept de coopération décentralisée, puisque des passerelles s'établissent entre les Conseils généraux, les Assemblées régionales et les AFDI départementales ou régionales.
Très vite ce mouvement a progressé, passant des limites de l'aide alimentaire à la constitution et la mise en place de microprojets agricoles (irrigation, création de périmètres maraîchers, construction de banques de céréales, de greniers à millet, mise en place de crédits agricoles). Beaucoup d'actions ont été menées, et finalement nous avons très vite constaté avec nos interlocuteurs africains que nous nous heurtions toujours à des problèmes de commercialisation, de structuration du monde paysan, pour que les conséquences de nos actions et de nos projets puissent avoir effectivement un effet d'amélioration de la condition des agriculteurs.
Très vite nous avons été amenés à mettre en place ce que nous avons appelé des programmes de professionnalisation, consistant à appuyer la mise en place d'organisations paysannes dans les pays du sud. Ceci avec l'aide très soutenue et efficace du ministère français de la Coopération.
Nous avons donc engagé des programmes de professionnalisation dans différents pays : Madagascar, Mali, Burkina-Faso, Côte d'Ivoire, Bénin et Ile Maurice.
Comment fonctionnent ces programmes ? Je tiens tout de suite à rassurer les auditeurs africains, il ne s'agit pas pour nous d'aller semer la jacquerie et la révolution dans les campagnes des pays du sud.
Il est impératif qu'une concertation au plus haut niveau soit menée entre les collaborateurs que nous sommes et les principaux intéressés que sont les agriculteurs.
Donc nous nous réunissons dans les différents pays que je viens de citer tous les six mois sous forme de comités paritaires de concertation. Je prends l'exemple de Madagascar pour changer un peu - qui mettent en présence autour d'une même table pendant deux jours :
- les représentants des paysans malgaches, par exemple le Cercle des agriculteurs malgaches avec les organisations locales paysannes ;
- les agriculteurs français, l'AFDI, mais aussi un Vice-Président de la FNSEA, le Secrétaire général du CNJA, etc, donc les organisations agricoles françaises ;
- l'Administration malgache, le ministère de l'Agriculture malgache et ses différents services ;
- les bailleurs de fonds.
Comme il y a trois postes pour chaque partie, dernièrement nous avons pu inviter la Coopération française, l'Union européenne et la Banque mondiale.
C'est quand même une révolution dans le fonctionnement des actions de développement, car les principaux intéressés, c'est-à-dire les paysans, les gens de la base peuvent s'exprimer devant les bailleurs de fonds, leurs autorités administratives, et avec comme appui stratégique, comme caution morale des paysans français reconnus et mandatés par leur propre base.
Cette démarche de concertation -le ministre tout à l'heure a beaucoup insisté sur elle- est la nôtre pour définir des actions prioritaires que souhaitent les agriculteurs des pays dans lesquels nous intervenons.
Bien sûr des thèmes prioritaires apparaissent comme celui de la formation des hommes à l'action syndicale, à la mise en place d'actions de gestion. Beaucoup d'organisations agricoles nous demandent d'être à leurs côtés pour mettre en place des systèmes de gestion de leurs exploitations, pour avoir des arguments face à des phénomènes très graves, très durs vécus par elles, avec le flottement à Madagascar, avec la dévaluation dans la zone CFA. Elles ont besoin de beaucoup d'arguments par rapport à leurs acheteurs pour définir leurs revenus, leur marge brute d'exploitation.
Nous avons également des débats très intéressants de fond. Ils ressortiront lors du 50ème anniversaire de la FAO. Ils sont passionnels, mais passionnants aussi, ils portent sur les échanges agricoles, le concept de compétitivité auquel le GATT nous invite.
Mais je vous interpelle sur les limites de cette compétitivité et de ce libéralisme. Nous parlons avec les paysans maliens de cette compétitivité entre les producteurs de coton du Mali et ceux des États-Unis. Il faut ouvrir les yeux de tous les gens intéressés.
Nous parlons aussi de la maîtrise de la production. A un moment donné il était question de mettre en place des quotas cotonniers, nous avons l'expérience des quotas laitiers. Le producteur de lait que je suis en Ardèche sait quelle réflexion il a fallu effectuer pour tracer des axes.
Nous parlons encore d'aide alimentaire.
Voilà en gros ce que nous faisons avec les organisations paysannes des pays du sud.
Je voudrais relater le propos tenu par le ministre de l'Agriculture de Madagascar lors de ma dernière visite. Il m'a dit très clairement : "dorénavant on peut considérer qu'il y a deux mots nouveaux : "syndicat agricole" et "concertation". On peut commencer à enterrer un autre concept, celui de l'encadreur, qui viendrait, au nom d'un projet quelconque ou mandaté par un bailleur de fonds détenteur d'une vérité, faire comprendre aux paysans ce qu'ils doivent faire pour s'organiser."
Nous pensons, avec les paysans du sud, que cette logique n'est pas la bonne, qu'il faut qu'eux-mêmes définissent leurs formes de structuration et leurs priorités par rapport à ce que les bailleurs de fonds peuvent faire.
En tant que Société Civile française, nous pensons que c'est un rapprochement avec une Société Civile des pays du sud qu'il faut prôner.
(applaudissements)
M. Jean-Pierre TUQUOI. - Merci. Tout cela est passionnant, mais l'heure tourne.
Il serait peut-être intéressant d'entendre quelques questions de nos amis africains, pour savoir comment ils perçoivent ce phénomène de la coopération décentralisée, ce qu'ils en attendent, bien sûr très brièvement.
M. Ali Nouhoum DIALLO , Président de l'Assemblée nationale du Mali . - On m'a demandé tout à l'heure un témoignage. J'affirme qu'effectivement l'Ille-et-Vilaine, aussi bien que la ville d'Alençon et M. Cazenave ont fait du bon travail dans mon pays, et les populations maliennes sont extrêmement sensibles à tout ce qui a été réalisé.
J'espère que les élus maliens, aussi bien au niveau des communes urbaines que rurales qui vont naître bientôt avec la décentralisation, ou au niveau national, s'impliqueront davantage dans un dialogue et une concertation qui ont eu cours depuis la démocratisation au Mali le 26 mars 1991. Ainsi nous pourrons travailler ensemble, je crois, à amener la Société Civile malienne à prendre conscience chaque jour davantage de sa force, pour que les pouvoirs publics sachent qu'ils sont contrôlés par les citoyens.
(applaudissements)
M. Carlos GOMES , député de l'Assemblée nationale de Guinée Bissau - Je voudrais savoir comment nous pouvons contacter votre organisation pour avoir toutes les informations nécessaires.
M. Jean-Pierre TUQUOI. - Vous le demanderez après la séance.
M. Christian VALENTIN , Premier Vice-Président de l'Assemblée nationale du Sénégal - Je voudrais apporter un témoignage de coopération décentralisée entre le département de Thiès et la région Nord-Pas-de-Calais, et en profiter pour remercier mon ami Jacques Legendre, sénateur du Nord-Pas-de-Calais, pour l'appui qu'il a apporté à cette coopération.
Une Association dans cette région a commencé il y a un an à initier des opérations de proximité dans le département de Thiès dont je suis le député. Cette coopération est soutenue par le Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais.
Nous avons créé au Sénégal une ONG qui s'appelle Normande Sénégal. Entre les deux ONG nous faisons une coopération de proximité, en particulier alphabétisation des femmes, qui donne déjà un résultat tout à fait étonnant, l'assainissement, la réhabilitation des dispensaires, des maternités rurales.
Nous agissons dans la suite d'une coopération de proximité menée par l'Union européenne depuis 1988, et par le FAC, par l'intermédiaire des CDI.
Je pense qu'il y a là une action qui commence à donner ses fruits.
On a parlé de vocabulaire, on n'emploie plus le terme d'encadreur, j'ai moi-même pendant de longues années été à la tête d'organismes d'État dits de développement, je sais ce qu'est l'encadrement du monde rural. Parfois il a été aussi malfaisant que la sécheresse. Je le sais par expérience.
Dans notre coopération décentralisée, la parole est aux paysans. Ils font leurs propres programmes, les soumettent à un petit comité qui précisément les finance.
Pour toutes les interventions, nos paysans, par l'intermédiaire de leurs coopératives et de leurs GIE, apportent 25 % de participation.
La micro-économie est le pendant nécessaire de la macro-économie dont nous avons parlé abondamment ce matin. La première doit venir atténuer les rigueurs de la seconde, mais il faut avancer davantage, avoir plus de moyens pour développer cette action de proximité.
(applaudissements)
M. Francis TAPON. - Une réponse. Monsieur dit tout à fait justement que les populations apportaient 25 %. Effectivement la logique non conceptualisée par l'Association du département d'Ille-et-Vilaine était de demander symboliquement 100 F à chaque famille d'un village pour un puits, et 10.000 F pour une école de 20 MF.
Il y a deux ans nous avons été surpris. Dans un village les habitants se sont opposés à cette participation, car, selon eux, les écoles financées par le FED n'en nécessitaient pas une.
Il fallait consommer rapidement les crédits du FED, d'où une cassure du ressort, plus aucune responsabilisation de l'Association des Parents d'Elèves.
Un autre exemple : dans un village il y a déjà un puits, on nous demande d'en faire un autre. On demande pourquoi il n'est pas utilisé, on nous répond "il y a une bête crevée dedans et ce n'est pas le nôtre, c'est l'UNICEF qui l'a fait, nous n'y avons pas participé, donc nous n'en voulons pas."
La semaine dernière j'ai lu un article dans « Le Monde » parlant d'un abattement de 125 MF de la part versée par la France à l'UNICEF. L'argent n'est pas gaspillé, il faut revoir la méthode.
Les grandes organisations mondiales ont de la pédagogie à apprendre de la part de nos amis africains.
M. Jean FAURE. - J'ai de nombreuses demandes de parole, je vais vous faire beaucoup de peine. Malheureusement un intervenant attend toujours son tour depuis 16 h 30, il aurait dû déjà partir. Je l'invite à nous rejoindre. Auparavant une dernière question.
M. Jean-François PROBST. - Une question à M. Jouve. De nombreux jeunes gens français font leur service national chaque année dans le cadre de la coopération, il me serait agréable de savoir si de jeunes agriculteurs français peuvent actuellement profiter du service national dans le cadre de la coopération.
Nous avons parlé cet après-midi d'aide et de coopération. Il faut que cette dernière aille dans les deux sens. Est-ce que de jeunes agriculteurs africains pourraient être détachés de temps en temps, par exemple auprès de la commission de Bruxelles où vous avez quelquefois du mal à vous faire entendre, afin que des gens du terrain puissent aussi être entendus chez nous par les technocrates ?
M. Jean FAURE. - Il n'y a pas de technocrates.
M. Henry JOUVE. - Oui, de jeunes volontaires agriculteurs peuvent partir dans les pays du sud au titre de la coopération, les JAC existent depuis quatre ou cinq ans, ils sont une trentaine dans les projets AFDI. Ce n'est pas suffisant, il faudrait les multiplier, je m'adresse à ceux qui sont prêts à nous aider dans cette voie.
Ensuite, nous tentons de contribuer le mieux possible pour que des responsables agricoles africains puissent s'exprimer dans différentes instances européennes voire même françaises. Dernièrement nous avons pu organiser le déplacement d'un responsable malgache à une session du Comité Economique et Social à Bruxelles, en passant par Paris où nous lui avons remis des messages à transmettre au nom des agriculteurs français.
M. Jean FAURE. - Nous avons parfaitement conscience que ce sujet est carrément amputé de certaines interventions. Mon collègue Jacques Legendre et moi-même prenons l'engagement ici d'organiser un autre colloque dans les prochains mois sur ce thème unique, parce qu'il est vraiment porteur, et il faudra le reprendre en détail.
Je vous prie de m'excuser pour cette façon un peu cavalière de vous couper la parole. Malheureusement le temps passe. Je rends la Présidence à mon collègue Jacques Legendre car M. Keba Mbaye attend depuis un moment déjà.
(applaudissements)