XXIXème session annuelle de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie
Niamey, 7 - 9 juillet 2003
Intervention de M. Jacques Legendre, Secrétaire général parlementaire
La présentation des travaux réalisés par l'Assemblée parlementaire de la Francophonie au cours des douze derniers mois est chaque année un passage obligé de notre Assemblée plénière. Mais pour imposée qu'elle soit, cette figure n'en demeure pas moins pour moi un véritable plaisir : plaisir de retrouver mes collègues et amis parlementaires venant de tous les horizons francophones, plaisir de constater de visu la richesse de nos cultures dans leur diversité, plaisir de vous exposer la variété de notre action, de notre réflexion, de nos interventions et plaisir, enfin, en cette année 2003, de nous retrouver à Niamey au coeur de cette Afrique sahélienne qui nous est chère.
Je veux donc, en premier lieu, remercier le Président Ousmane d'avoir pris l'initiative d'inviter notre XXIX e session et toutes personnalités du Niger qui se sont mobilisées pour organiser cet événement et le Parlement francophone des jeunes. Encore une fois, le Niger a montré que chez lui, l'hospitalité n'est pas un mot vide de sens.
Il fallait que l'APF tînt enfin une réunion au Niger, lieu historique de la Francophonie, patrie d'un de nos pères fondateurs, le Président Hamani Diori et berceau de l'Agence de coopération culturelle et technique qui fut fondée ici même à Niamey en 1970, quelque trois années après l'AIPLF. C'est une sorte de pèlerinage aux sources mêmes de la Francophonie que nous effectuons mais ce ne sera pas un pèlerinage sans lendemain. L'APF avait déjà montré la voie en tenant à Niamey depuis plusieurs années des réunions et séminaires importants, telle la session de notre Assemblée régionale Afrique en 2001. Clairement, la Francophonie tourne aujourd'hui les yeux vers le Niger et la tenue à Niamey des Jeux de la Francophonie en 2005 en est une preuve éclatante.
La réunion du deuxième Parlement francophone des jeunes ici même est également un symbole fort. Tous, nous gardons en mémoire le formidable succès que connut la première session de ce Parlement à Québec. Après l'Amérique du Nord, il fallait poursuivre cette belle aventure dans un pays francophone du Sud et je me réjouis que le Niger soit le premier hôte africain de cette manifestation emblématique de notre volonté de promouvoir la démocratie auprès des jeunes générations et de faciliter leur accès à la citoyenneté.
Enfin, cette session revêtira également une importance particulière car pour la première fois notre Assemblée devrait élire à sa tête un Président nigérien. C'est lui qui s'exprimera en notre nom sur le thème du développement devant nos Chefs d'État et de Gouvernement, lors du Sommet de Ouagadougou fin 2004. Nous mettrons ainsi en oeuvre, pour le quatrième Sommet consécutif, notre rôle d'Assemblée consultative de la Francophonie.
Avant d'entrer dans le vif de la présentation de nos activités, je voudrais également remercier M. Abdou Diouf, Secrétaire général de l'OIF pour sa présence. Par celle-ci, il maintient une tradition chère au monde parlementaire francophone et permet aux députés et sénateurs de l'APF, comme le veut désormais un usage bien établi, de l'interroger, de la même manière que nous interrogeons nos Gouvernements au sein de chacun de nos Parlements. Cette séance constitue à mes yeux un des témoignages les plus marquants du rôle que doit jouer l'APF au sein de la Francophonie institutionnelle.
Remontons maintenant, si vous le voulez bien, les douze derniers mois de la vie de notre Assemblée. Nous nous sommes quittés en juillet 2002 à Berne au terme d'une session particulièrement réussie et qui marquait une étape importante dans l'histoire de la Francophonie parlementaire. Étape importante car avec cette session, la Confédération helvétique et son Parlement en particulier marquaient de manière éclatante leur vocation francophone, leur appartenance à ce grand ensemble politique et culturel qu'est devenue la Francophonie. Étape importante également dans l'histoire des femmes parlementaires francophones puisque c'est à Berne que pour la première fois, notre Assemblée porta une femme à sa présidence, Madame Louise Harel, alors Présidente de l'Assemblée nationale du Québec et que c'est à Berne que vit le jour le réseau des femmes parlementaires de l'APF.
Deuxième étape importante après Berne, Beyrouth, théâtre du Sommet des chefs d'État et de Gouvernement de la Francophonie. L'APF y était représentée par sa Présidente, par son Premier Vice-Président, M. Mahamane Ousmane et par moi-même.
Je ne reviendrai pas sur les implications politiques fortes de ce Sommet et sur leurs conséquences. Chacun aura pu les mesurer à l'aune des commentaires faits au retour de la capitale libanaise par les participants à cette Conférence et les observateurs.
Je dirai simplement que s'agissant de la place de l'APF dans un Sommet, Beyrouth a marqué une réelle avancée, même si tout ne fut pas encore parfait.
Mais l'essentiel, à savoir la reconnaissance de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie en tant qu'organe politique, fut obtenu. De ce fait, la place réservée à notre Assemblée était conforme à ce que nous étions en droit d'espérer.
Ainsi Mme Harel, alors Présidente de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie disposa d'un temps de parole significatif pour présenter l'Avis de l'APF sur le dialogue des cultures. Auparavant, M. Mahamane Ousmane, Premier vice-président de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie avait pu présenter devant la Conférence ministérielle les actions récentes de notre Assemblée dans les domaines politiques et diplomatiques et en matière de coopération.
Le rôle de notre Assemblée au sein de la Francophonie fut souligné par plusieurs intervenants. En particulier par M. Ghassan Salamé, alors ministre de la culture du Liban qui, dans son discours d'ouverture de la Conférence ministérielle de la Francophonie, a indiqué que les ministres devraient « appuyer d'avantage l'Assemblée parlementaire de la Francophonie (...) en lui donnant plus de moyens pour accomplir ses missions, son rôle de vigie de la démocratie, d'observation des élections et de coopération en vue d'un meilleur exercice de la démocratie parlementaire » . « Nous portons une attention spéciale, a-t-il ajouté, aux résolutions qu'elle adopte à chacune de ses sessions, à son rôle d'analyse politique qui éclaire l'action de coopération et l'action politique de la Francophonie » .
Enfin, les quatre représentants du Parlement francophone des jeunes ont remis la Charte du jeune citoyen francophone du XXI e siècle adoptée à Québec au Président Emile Lahoud, Président de la République libanaise et Président en exercice de la Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement ayant le français en partage. A cette occasion, Mlle Layina Oudghiri, marraine de la Charte fit une brève intervention devant les chefs d'État et de Gouvernement et reçut les chaleureuses félicitations du Président Chirac.
Cet ensemble de considérations montre que l'OIF et les organisateurs libanais du Sommet se sont efforcés de réserver à l'APF un traitement politique le plus proche possible de celui dû aux délégations.
Pourtant, tout ne fut pas encore parfait et cette volonté politique clairement affichée de « bien traiter » notre Assemblée ne reçut pas toujours sa pleine et entière traduction, l'APF étant parfois oubliée lors de certaines manifestations officielles. Notre assemblée se heurtait une fois de plus aux conséquences de sa spécificité qui la place dans un « angle mort » aux yeux de l'organisation, celle-ci ne connaissant que deux types de participants au Sommet : les délégations et les opérateurs.
Notre place politique semblant désormais acquise, il nous faut maintenant s'efforcer d'obtenir le même traitement que les délégations pour les autres facettes du Sommet.
Comme nous étions en droit de nous y attendre, le rôle d'organe consultatif de 1'APF, a été pleinement reconnu à Beyrouth. Il faut maintenant transformer cet essai et voir comment l'OIF peut acquérir le réflexe consistant à demander l'avis de son Assemblée parlementaire sans que cela prenne toutefois un caractère systématique, ce qui ne manquerait pas de poser des problèmes de fonctionnement à notre Assemblée et à ses instances. Mais il serait à mon avis souhaitable, afin que notre rôle d'assemblée consultative prenne tout son sens, que cesse progressivement le système d'autosaisine quasi-exclusif qui prévaut aujourd'hui à l'APF.
Cette nécessité de demander l'avis de notre Assemblée me paraît d'autant plus importante, que 1'APF n'hésite pas à prendre des positions politiques fortes qui, en raison de la liberté de ton dont jouissent les parlementaires, peuvent alimenter utilement les débats qui naissent au sein de ce que j'appellerais la « Francophonie exécutive ». La résolution adoptée à Berne l'an dernier sur la situation au Proche-Orient, la Déclaration adoptée par notre commission politique à Luxembourg en mars dernier sur la crise irakienne ont pu ainsi nourrir de manière originale la réflexion francophone.
Au fil du temps, l'APF s'est forgée, sur certains sujets, une opinion forte et ses prises de position sont désormais bien connues que ce soit sur la défense de la démocratie, de l'État de droit et des droits de l'Homme comme l'ont montré l'intervention à Beyrouth du Président Mahamane Ousmane devant l'Assemblée internationale des instituts et réseaux francophones des droits de l'Homme, de la démocratie et de la paix ou celle de M. Richard Cazenave, Président de notre commission politique à Brazzaville devant les ministres de la Francophonie en charge des droits de l'Homme, ou que ce soit sur la promotion de la diversité culturelle.
Sur ce dernier point je voudrais particulièrement insister sur l'importance de la Déclaration adoptée en janvier dernier à Strasbourg par le Bureau de notre Assemblée dans laquelle nous nous inquiétons de la disparition annoncée de nombreuses langues et nous demandons aux États et aux institutions internationales, à commencer par l'UNESCO, d'agir pour garantir la pérennité des langues du monde.
Nous constatons également, pour le déplorer, que l'utilisation du français est remise en cause par ceux qui considèrent que, dans un monde globalisé, le recours à une langue unique est source d'efficacité et d'économie. Or, il ne faut pas s'y tromper, le monolinguisme est un danger. De la langue unique à la pensée unique, il n'y a qu'un pas que certains semblent pressés de franchir. Parler sa langue, être informé dans la langue de son pays, est un droit qui ne doit être contesté à personne, sous aucun prétexte, même au nom de la libre circulation des biens.
Nous affirmons dans cette Déclaration que l'Union européenne en construction doit inscrire parmi ses valeurs fondamentales la diversité linguistique et culturelle. Nous demandons donc à la Convention sur l'avenir de l'Europe, et je l'ai fait personnellement par courrier au Président Giscard d'Estaing, de faire des propositions reconnaissant le droit à chaque citoyen d'un pays d'Europe de s'exprimer et d'être informé dans sa langue.
Nous y invitons enfin les pays membres de l'Union européenne à s'engager à promouvoir à l'UNESCO la signature d'un traité garantissant dans le monde le droit inaliénable à la préservation de la diversité culturelle, tel que souhaité lors du Sommet de la Francophonie à Beyrouth.
Mais la défense du plurilinguisme n'est qu'une des facettes de l'action de l'APF et de votre Secrétaire général parlementaire en faveur de la diversité culturelle.
Celle-ci se décline aussi dans le domaine de la protection du patrimoine comme le montre la présence du Président de notre commission de l'éducation, de la communication et des Affaires culturelles à la IIIe table ronde des ministres de la culture organisée à Istanbul en septembre dernier, celle de la Présidente de notre réseau des femmes au séminaire international « femmes, patrimoine et démocratie » organisé en décembre 2002 par l'AIF et l'Université Senghor à Marrakech ou ma participation avec celle de nombreux collègues parlementaires de l'APF, au colloque organisé en octobre 2002 au Sénat français sur le thème : « le patrimoine mondial et les élus : enjeux de la décentralisation ».
J'ai également organisé dans cette même enceinte, en ma qualité de Président de la sous-commission du Patrimoine de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, un colloque portant sur la protection des biens culturels africains et la lutte contre leur trafic au cours duquel M. Abdou Diouf, Secrétaire général de l'OIF est intervenu.
Je signale que notre réflexion dans ce domaine devrait se poursuivre en 2003 puisque nous avons le projet d'organiser conjointement avec l'Université Senghor au cours du dernier trimestre, une table ronde sur la protection du patrimoine bâti africain.
La « montée en puissance » de notre Assemblée trouve un autre terrain d'expression dans le domaine de la diplomatie parlementaire. La Francophonie institutionnelle en découvre progressivement les vertus. Chacun se souvient du rôle confié l'an dernier à l'APF dans les tentatives de solution à la crise malgache et de l'envoi par M. Boutros Boutros Ghali d'une mission de médiation à Antananarivo. En 2003, M. Abdou Diouf a décidé d'envoyer en Centrafrique une mission d'information et de contacts et d'y associer votre Secrétaire général parlementaire. Il s'agit là encore d'une marque de reconnaissance de l'action de notre Assemblée.
Cette mission revêtait une importance particulière car c'était la première fois qu'était appliqué un des mécanismes prévus par le chapitre 5 de la Déclaration de Bamako, à savoir l'envoi par le Secrétaire général de l'OIF d'une mission d'information et de contacts « en cas de rupture de la démocratie ou de violations massives des droits de l'Homme » .
Dirigée par Mme Madina Ly-Tall, ancien ambassadeur du Mali à Paris et représentante personnelle du Président de la République du Mali au CPF, la mission d'information et de contacts avait pour but de prendre contact avec les nouveaux dirigeants ainsi qu'avec toutes les parties centrafricaines, afin d'évaluer la situation du pays et de se rendre compte de la volonté et des engagements des nouvelles autorités quant à la restauration du processus démocratique.
Je dois à ce stade rappeler quelles avaient été les positions de l'APF sur la question. Notre Bureau, réuni à Strasbourg antérieurement au coup de force survenu à Bangui, avait appelé de ses voeux dans une résolution l'organisation d'un dialogue national. Par ailleurs, au lendemain du 15 mars 2003, l'APF a condamné fermement, par un communiqué de presse, la prise du pouvoir par la force en République centrafricaine. Elle a rappelé qu'un pouvoir ne peut être reconnu légitime que s'il procède d'élections libres, transparentes et reconnues comme telles par la communauté internationale. Elle a exigé que soit mis un terme aux exactions et pillages et que soit assurée la sécurité de tous, y compris celle des députés, des membres du Gouvernement et des représentants du pouvoir. Elle a enfin jugé indispensable que la République centrafricaine refasse son unité et estime que cet objectif ne peut être atteint que par la voie du dialogue entre toutes les composantes de la société.
L'Assemblée nationale ayant été dissoute, la section centrafricaine de l'APF a été de facto suspendue conformément à notre règlement, et ce tant qu'une Assemblée nationale élue n'aura pas été installée.
Conformément aux dispositions de la Déclaration de Bamako, le rapport de cette mission a été communiqué aux autorités centrafricaines pour commentaires et sera dans un second temps soumis au CPF assortis desdits commentaires, « pour toute suite jugée pertinente » .
La primeur de l'information doit donc revenir au CPF mais je puis d'ores et déjà vous livrer quelques impressions et diverses informations concernant nos collègues qui composaient il y a quelques mois encore la section centrafricaine.
Comme vous le savez, je connais bien la Centrafrique et sa capitale Bangui en particulier. Aussi ai je été très choqué par le spectacle que présentait une ville qui venait d'être livrée à un pillage en règle, dont les traces étaient encore partout visibles : ministères incendiés, bâtiments administratifs détruits, maisons de particuliers sans toit ou entièrement démolies.
Ces pillages qui n'ont d'ailleurs pas affecté que la capitale ne font qu'aggraver la situation déjà catastrophique de l'économie centrafricaine et renforce le sentiment d'insécurité éprouvé par de nombreux citoyens.
Outre les nombreuses rencontres avec les différents acteurs de la société centrafricaine - nouvelles autorités politiques, responsables de partis, responsables syndicaux, membres du Bureau de coordination du dialogue national, dirigeants de l'Université, autorités religieuses, représentants des organisations de défense des droits de l'Homme et du mouvement associatif j'ai pu également avoir des contacts avec plusieurs de nos collègues parlementaires au premier rang desquels M. Luc-Appollinaire Dondon Konamabaye qui présidait l'Assemblée nationale de Centrafrique au moment du coup de force. Tous ont vécu des moments difficiles mais tous sont aujourd'hui sains et saufs, et en sécurité.
Cependant la continuité de l'État et sa capacité à gérer la situation m'ont semblé extrêmement précaires et c'est pourquoi il importe à mes yeux que toutes les composantes de la Francophonie institutionnelle engagent des actions visant à aider la Centrafrique à retrouver le chemin de la paix civile et de la démocratie afin que la période de transition ne s'éternise pas.
Je tiens à rappeler ici solennellement que l'APF se tient à la disposition de l'OIF et des autorités centrafricaines pour les aider à préparer la tenue des élections, à observer leur déroulement et à contribuer à la mise en place de nouvelles institutions démocratiques.
Par ailleurs, notre Assemblée a également pu exercer sa fonction de vigie de la démocratie en participant à de nombreuses missions d'observation des élections. Entre juillet 2002 et aujourd'hui, les parlementaires de l'APF ont observé cinq scrutins :
M. Adamou Idrissa député du Niger a observé en juillet 2002 les élections législatives au Mali ;
MM. Saleck Ould Abdel Jelil, Premier Vice-président du Sénat de Mauritanie, Kouraïchi Thiam député du Sénégal, Wilfred Arsenault député de l'Ile du Prince Edouard et Pierre Scharff membre du Parlement de la Communauté française de Belgique ont participé pour leur part à la mission d'observation des élections législatives anticipées de décembre 2002 à Madagascar ;
M. Pierre Scharff a ensuite à nouveau participé à une mission d'observation conduite par la Francophonie, celle concernant cette fois les élections législatives du 30 mars 2003 au Bénin ;
M. Bernard Bouba Samali, député du Cameroun et chargé de mission de la Région Afrique de l'A.P.F a conduit la mission d'observation du référendum constitutionnel du 26 mai 2003 au Rwanda, mission à laquelle participait également Mme Amina Derbaki, députée de la Communauté française de Belgique ;
Enfin, MM. Claude Duplain, membre de la Chambre des Communes du Canada, Christian Philip, député français et Ibrahim Abbalele, député du Niger ont observé l'élection présidentielle du 1 er juin dernier au Togo.
Je voudrais ici les remercier personnellement pour leur disponibilité et pour la conscience avec laquelle ils ont servi la cause de la démocratie en participant à ce type de mission.
Celles-ci constituent une partie importante de notre activité et les conditions dans lesquelles est parfois saisie notre Assemblée n'en sont que plus regrettables. Ce sont les délais extrêmement courts qui encadrent souvent les saisines qui expliquent la présence dans certaines missions d'un seul parlementaire. Il est difficile pour un député ou un sénateur de bouleverser en dernière minute son agenda pour accompagner pendant une semaine ou plus une mission d'observation des élections. Je pense qu'il nous faut trouver avec l'OIF une formule permettant d'anticiper les saisines, ce qui devrait être possible car celles-ci sont de plus en plus systématiques.
Mais au delà des questions d'ordre logistique que posent les missions d'observation, je veux ici insister sur les problèmes politiques que peuvent aussi poser ou rencontrer ce type de mission.
Dans certains cas, observer les élections peut s'apparenter à un véritable piège. En effet, la décision de ne pas participer à l'observation peut servir d'argument aux pouvoirs en place qui ne se priveront pas d'opposer leur « bonne volonté démocratique » affichée à la décision de refus de la Francophonie. Mais participer à l'observation, c'est aussi prendre le risque de voir la mission être sur place « instrumentalisée » par les autorités locales.
La décision d'envoyer une mission est donc parfois très délicate. Mais lorsque cette décision est prise, il est essentiel que la mission francophone puisse exercer son observation en toute indépendance. C'est d'elle seule que dépend le choix de faire sur place « cavalier seul », ou au contraire d'unir ses capacités avec celles d'autres organisations internationales reconnues. En tout état de cause, elle n'a et n'aura jamais rien à voir ni à faire avec de pseudo observateurs indépendants, téléguidés dans la réalité par les pouvoirs en place. Les missions d'observation francophones doivent donc être libres d'agir et libres de communiquer. Elles doivent pouvoir rencontrer sans aucune entrave tous les acteurs du jeu électoral. C'est la crédibilité de la Francophonie politique qui est ici en jeu.
Pour clore le chapitre consacré aux missions d'observation des élections, je voudrais formuler une dernière observation. Qui mieux qu'un parlementaire connaît le déroulement d'un scrutin législatif et peut le juger ? Connaissant la réponse à cette question, j'estime que la direction des missions d'observation portant sur ce type de scrutin devrait, dans la mesure du possible, être confiée à des parlementaires. Je sais l'OIF attentive à cette demande, comme en témoigne le fait que la présidence de la mission conduite à Madagasacar fut confiée à M. Saleck Ould Abdel Jelil, Premier vice-président du Sénat de Mauritanie.
Enfin, les missions d'observation présentent un intérêt particulier pour l'APF car elles nous permettent de nous rendre dans les sections suspendues et d'y évaluer l'avancée des processus de retour à la démocratie. Les missions d'observation conduites au Congo Brazzaville l'année dernière ont incontestablement nourri l'instruction de la demande de levée de suspension qu'avait introduite le Parlement congolais et qui vient d'aboutir.
Je profite d'ailleurs de cette évocation des sections suspendues pour vous signaler que notre Bureau réuni à Strasbourg en janvier dernier, a décidé d'appliquer une règle nouvelle concernant les modalités de réintégration de ces sections.
Celle-ci consiste à mettre sous observation pendant une période de deux ans toute section faisant l'objet d'une mesure de réintégration.
Cette disposition n'enlèvera aucune prérogative à la section concernée. Elle participera ainsi aux réunions de notre Assemblée avec droit de vote et pourra bénéficier de l'ensemble de nos programmes de coopération. Mais un point régulier sur la situation dans le pays concerné sera désormais fait devant la commission politique.
Si des problèmes sont constatés, la commission politique en fera part au Bureau, qui pourra si nécessaire saisir l'Assemblée plénière de la question. Au terme des deux années, si la situation est demeurée normale, la mise sous surveillance sera automatiquement levée sans qu'il soit nécessaire qu'une décision soit prise par l'une ou l'autre de nos instances.
Au-delà de son rôle d'organe consultatif et de son implication dans la diplomatie parlementaire, l'APF s'est également attribuée avec le temps un pouvoir de pression auprès des exécutifs francophones. Celui-ci s'exerce par le biais de la commission politique et du suivi qu'elle exerce sur la ratification de certaines conventions internationales. Il s'exerce aussi à travers le rôle joué par le réseau parlementaire de lutte contre le sida, instrument permettant aux parlementaires francophones de pratiquer une veille sur les politiques sanitaires menées dans ce domaine par les Gouvernements. Il peut aussi à l'avenir être amené à s'exercer dans le cadre du futur réseau appelé à se pencher sur la gestion de l'environnement et des ressources naturelles.
Le suivi des résolutions que nous adoptons lors de nos sessions est aussi un moyen d'exercer notre rôle de parlementaire membre de l'APF. Sur ce point, je voudrais rappeler que s'il existe des résolutions chargeant expressément le Secrétaire général parlementaire d'une tâche spécifique liée à leur suivi, la plupart des textes que nous adoptons s'adressent aux États et aux Gouvernement et c'est donc aux sections qu'il incombe prioritairement d'en assurer le suivi en application de notre règlement. Je me permets d'insister sur ce point.
Je voudrais enfin aborder la présentation de nos programmes de coopération.
Au cours des douze derniers mois notre Assemblée a organisé trois séminaires parlementaires : l'un à Chisinau, capitale de la Moldavie en octobre 2002 sur les pouvoirs de contrôle du Parlement, l'autre à Yaoundé en décembre de la même année sur le mandat parlementaire et enfin le dernier à Ouagadougou en mars 2003 portant sur le thème « les femmes africaines, actrices majeures du développement ».
Les deux derniers méritent que l'on s'y arrête car ils constituaient l'un et l'autre des séminaires d'un type nouveau. A Yaoundé, en effet, le séminaire était pour la première fois jumelé avec un stage destiné aux hauts fonctionnaires de l'Assemblée nationale portant sur les deux aspects essentiels du travail législatif : le travail en commission et le travail en séance plénière.
Cette initiative complète la formule traditionnelle de stage que cofinance l'APF avec le Parlement français, c'est-à-dire le stage annuel organisé à Paris durant quatre semaines par l'École nationale d'administration et qui porte sur l'organisation du travail parlementaire.
L'APF finance à cet effet le déplacement et le séjour de quatre à cinq fonctionnaires parlementaires. Cette année, quatre fonctionnaires issus des Assemblées nationales du Burundi, du Maroc, du Niger, et du Sénat de Madagascar, ont suivi le stage qui s'est déroulé du 24 février au 21 mars 2003. Au total trente stagiaires issus de seize pays francophones ont suivi ce cycle court, au cours duquel tous les aspects de l'organisation du travail parlementaire ont été abordés.
A Ouagadougou, le séminaire qui s'est tenu du 5 au 7 mars dernier répondait à une demande particulière émanant du réseau des femmes parlementaires de l'APF. Il a réuni toutes les femmes parlementaires du Burkina Faso ainsi que des délégations de femmes parlementaires représentant 18 autres Parlements de l'Afrique de l'Ouest et de l'Afrique centrale.
Par ailleurs, des femmes parlementaires provenant d'autres zones géographiques (Amérique, Europe, Maghreb) ont également participé à cette manifestation ainsi que deux expertes non parlementaires : Mme Juliette Bonkoungou, Ambassadeur du Burkina Faso au Canada, ancienne Présidente du Conseil économique et social du Burkina Faso, et par Mme Marie-Elise Gbédo, vice-présidente de l'Association des femmes juristes du Bénin, ancienne ministre, représentante de l'AIF. Les travaux du séminaire ont été présidés par Mme Louise Harel, Présidente en exercice de l'APF.
A de multiples égards, le séminaire des femmes parlementaires d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique centrale a été une vraie réussite : l'accueil parfait de la section hôte, le niveau élevé de la participation, l'intérêt marqué par les participantes de se réunir entre femmes parlementaires pour traiter de problématiques spécifiquement féminines et du rôle majeur joué par les femmes africaines dans le développement sont là pour en témoigner.
Autre facette de nos activités dans le domaine de la coopération interparlementaire : le projet Noria. Je vous rappelle que le Bureau de l'APF réuni à Paris en janvier 2002 a décidé de mettre sur pied, un nouveau projet de coopération interparlementaire, plus ambitieux que l'ancien programme Pardoc car s'appliquant à l'ensemble de la chaîne de l'information parlementaire.
Ce projet dénommé Noria poursuit un double objectif.
Il vise d'une part au moyen d'un appui dit « généralisé » destiné prioritairement aux Parlements où une telle organisation est totalement inexistante ou embryonnaire, à renforcer les capacités des Parlements dans le domaine de l'information en les aidant en particulier à mieux la gérer, à mieux la traiter, à mieux la rechercher, la recueillir et la diffuser.
Mais il a également pour but d'affermir, grâce à un appui dit « spécial », la présence de l'information parlementaire francophone et d'améliorer sa diffusion, dans les Parlements de pays où l'usage du français est modéré, mais il demeure un enjeu important ; il s'agit donc d'un appui particulièrement adapté aux pays multilingues, où souvent l'anglais concurrence le français comme langue secondaire.
Parallèlement à ces nouvelles initiatives, les actions visant à soutenir et développer l'actuel réseau de bibliothèques parlementaires francophones mis en place sous l'impulsion du Pardoc sont poursuivies.
L'appui généralisé a trouvé son premier « terrain d'expression » à l'Assemblée nationale du Niger avec le câblage du réseau informatique des principaux bâtiments permettant une connexion de 125 postes informatiques et par l'acquisition de divers matériels informatiques et bureautiques.
Le Cameroun est le second Parlement bénéficiaire de Noria. Deux directions y ont fait l'objet de travaux de câblage : la direction législative et la direction de l'Administration générale.
Au Sénégal, Noria s'efforce de coordonner son action avec un projet du PNUD s'inscrivant dans le "Programme National de Bonne Gouvernance (PNBG)". Dans le cadre de ce projet, le PNUD vient de mettre en place à l'Assemblée nationale, un espace numérique destiné principalement aux parlementaires. Noria viendra compléter l'appui du PNUD en mettant l'accent sur la mise en réseau de l'administration de l'Assemblée, en commençant par les services de la législation et de la documentation.
Quant à l'appui spécial, il concerne pour l'instant les Parlements du Liban et du Maroc et consiste en un financement de la traduction en langue française de leur site Internet et en financement de diverses formations, en particulier de cours de français à l'intention de parlementaires et de fonctionnaires.
Le soutien de l'APF aux Parlements du Sud ne se dément pas. Aujourd'hui, à la veille de la définition d'une nouvelle programmation de la coopération francophone, se pose la question : que faire pour l'accentuer et renforcer son efficacité ?
Je pense qu'il faut désormais élargir notre action en direction de deux « cibles » : les jeunes et les femmes.
Les jeunes, car le Parlement francophone des jeunes qui siège actuellement sur l'autre rive du fleuve Niger, est une manifestation qui est appelée à se développer et parce que j'estime qu'il est du rôle de l'APF d'aider les Parlements du Sud qui n'ont pas encore de Parlements de jeunes à se lancer dans cette belle expérience.
Les femmes car là aussi notre Assemblée se doit d'être à la pointe des progrès de la démocratie en soutenant toutes les initiatives favorisant l'accès des femmes à la vie publique en particulier à travers l'action de notre réseau des femmes parlementaires.
Tel était le sens de la démarche entreprise avec Mme Harel en janvier dernier auprès de M. Abdou Diouf ; tel est également l'objectif des négociations que mène actuellement le Secrétariat général dans le cadre de la prochaine programmation.
Mais, pour reprendre une expression chère au monde des affaires, notre croissance doit aussi « s'externaliser ». Ce mouvement peut s'opérer par le biais de collaborations avec des organisations internationales. Nous avons déjà mis en oeuvre un début de collaboration avec la Banque mondiale et son réseau parlementaire ; nous envisageons maintenant de passer à un stade supérieur et de développer des projets plus ambitieux. En raison de notre intérêt marqué pour les questions liées à la diversité culturelle, nous allons tenter d'affermir nos relations avec l'Unesco, organisation internationale qui ne peut demeurer insensible à notre discours et à nos prises de position sur ce sujet.
Enfin, nous allons poursuivre notre collaboration avec le PNUD car le soutien que nous a apporté cette organisation dans la préparation des différentes manifestations qui se tiennent à Niamey en ce moment, son enthousiasme pour la Francophonie et pour les causes qu'elle défend nous ont fait découvrir un allié précieux. En retour, je peux assurer au PNUD qu'il trouvera dans l'APF un inlassable promoteur des Objectifs du Millénaire et un soutien permanent dans son oeuvre en faveur du développement des pays du Sud. Je suis convaincu que la collaboration exemplaire née à Niamey entre le PNUD et l'APF en appellera d'autres.
Dans le contexte actuel où certains font fi de la légalité internationale ou, plus hypocritement prétendent en redéfinir le concept, il m'apparaît important et fortement chargé de symboles de montrer notre attachement à l'ensemble du système des Nations Unies.
Les Nations Unies doivent demeurer ce lieu privilégié d'échanges, de rencontres, de recherche de la paix. Elles doivent aider à construire le XXIe siècle.
Car le monde qui se construit, celui que nous appelons de nos voeux, ne peut être soumis à une culture unique, à une religion unique, à une pensée unique, à une langue unique, à une civilisation ou un pays dominants. Il doit demeurer mosaïque, arc en ciel, constellation.
Le monde qui se construit doit être multipolaire et la Francophonie se doit d'être un acteur majeur de ce monde multipolaire.
Intervention de M. Bruno Bourg-Broc devant l'assemblée plénière
Monsieur le Président de l'APF,
Monsieur le Secrétaire général de l'APF,
Messieurs les Présidents, Messieurs les ministres,
Nous voici donc, parlementaires francophones du monde, réunis à Niamey. Oserais-je dire : enfin, à Niamey ?
Comment ne pas évoquer la place particulière qu'occupe la capitale nigérienne dans l'histoire de la Francophonie et de son institutionnalisation ?
D'autres l'ont rappelé, c'est en effet dans cette ville que, sous l'impulsion de trois chefs d'État africains, le sénégalais Leopold Sédar Senghor, le tunisien Habib Bourguiba et le nigérien Hamani Diori, les représentants de 21 États et Gouvernements ont approuvé, le 20 mars 1970, la Charte créant l'Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), nouvelle organisation intergouvernementale créée autour du partage d'une langue commune, le français, et chargée de promouvoir et de diffuser les cultures de ses membres et d'intensifier la coopération culturelle et technique entre eux.
A Niamey déjà, un an auparavant, le ministre-écrivain André Malraux avait défini l'originalité de la Francophonie :
« Seule, la culture francophone ne propose pas à l'Afrique de se soumettre à l'Occident en y perdant son âme ; pour elle seule, la vieille Afrique de la sculpture et de la danse n'est pas une préhistoire ; elle seule lui propose d'entrer dans le monde moderne en lui intégrant les plus hautes valeurs africaines. Nous seuls disons à l'Afrique, dont le génie fut le génie de l'émotion, que pour créer son avenir et entrer avec lui dans la civilisation universelle, l'Afrique doit se réclamer de son passé. Nous attendons tous de la France l'universalité, parce que, depuis deux cents ans, elle seule s'en réclame .
Messieurs, en ce temps où l'héritage universel se présente à nos mains périssables, il m'advient de penser à ce que sera peut-être notre culture dans la mémoire des hommes lorsque la France sera morte ; lorsque , « au lieu où fut Florence, au lieu où fut Paris, s'inclineront les joncs murmurants et penchés... ». Alors, peut-être trouvera-t-on quelque part une inscription semblable aux inscriptions antiques, qui dira seulement : « En ce lieu naquit, un jour, pour la France et pour l'Europe, puis pour la France, l'Afrique et le monde, la culture de la fraternité » .
Que de chemin parcouru depuis que Diori Hamani avait été mandaté, avec son homologue sénégalais, par la Conférence des Chefs d'État de l'Organisation commune africaine et malgache réunie à Madagascar en juin 1966, pour convaincre les autres pays francophones d'Afrique de participer à des projets de coopération culturelle et économique.
Depuis, la date du 20 mars est devenue celle de la journée internationale de la Francophonie.
Et depuis, l'ACCT s'est transformée en Agence intergouvernementale de la Francophonie, et les objectifs de la Francophonie se sont élargis. Au-delà du domaine culturel, le développement économique, l'installation et le développement de la démocratie, la prévention des conflits et le soutien à l'État de droit et aux droits de l'homme font désormais partie de ses missions.
Le thème de notre XXIXème session « violence, État de droit et développement » illustre bien l'extension des centres d'intérêt et d'action de la Francophonie et de notre Assemblée parlementaire.
Ces trois notions sont bien évidemment interdépendantes.
La violence est la négation de l'État de droit, et elle est souvent le fruit de son absence. Les conflits et l'insécurité sapent le développement économique en mobilisant des ressources, souvent déjà insuffisantes, qui pourraient être utilisées à lutter contre la pauvreté. Et, en sens contraire, qui ne voit que le progrès économique, la lutte contre la pauvreté, tarissent les causes de la violence ?
Depuis la fin de la guerre froide, le continent africain a connu les conflits les plus meurtriers de la planète.
Comme le rappelait un article récent du Monde, les conflits africains ont coûté la vie à plus de 3 millions de civils en République démocratique du Congo, à plus de 300 000 personnes au Burundi, à 200 000 en Sierra Leone, autant au Liberia, sans parler de la Côte d'Ivoire, de la Casamance, du nord de l'Ouganda, de la Somalie, de la fin particulièrement meurtrière de la longue guerre civile en Angola (au moins 500 000 morts) ou du conflit qui perdure entre le nord et le sud du Soudan (2 millions de morts). A titre de comparaison, le nombre des victimes civiles pendant la dernière guerre en Irak est inférieur à 5000.
Ces violents conflits anéantissent des années de progrès réalisés dans le domaine du développement et accroissent la pauvreté et l'injustice. Ils sont l'occasion d'un pillage des ressources naturelles et de trafics illégaux profondément dommageables. Et il existe un cercle infernal qui frappe les pays les plus pauvres : violence, paupérisation accélérée, violence accrue.
On a pu dire que le lien entre démocratie et développement était moins évident que l'incompatibilité absolue entre le développement et les conflits.
C'est bien pourquoi les promoteurs du NEPAD ont posé comme premières conditions de la réalisation d'un développement durable la sécurité et la prévention, la gestion et la résolution des conflits.
Et c'est en cela que la nouvelle Union africaine se distingue notamment de l'OUA. Avec le soutien de la communauté internationale, elle veut se doter d'instruments renouvelés et efficaces. L'APF se doit de soutenir l'émergence d'une capacité africaine de prévention et de résolution des crises, par la mise en place d'un mécanisme d'alerte rapide, permettant, en amont, de prévoir les crises et par la création d'une force africaine capable, sous court préavis, de se déployer pour s'interposer, voire pour imposer la cessation des hostilités.
Mais la violence naît parfois aussi d'un profond sentiment d'injustice et de l'insuffisance de l'État de droit. Même si la pluralisme politique a progressé dans notre espace francophone, même si des institutions démocratiques ont pu se développer, le bilan présente encore de nombreuses insuffisances. Il est hélas évident, par exemple, que certaines élections s'appuyant sur des listes électorales incertaines, et dont le déroulement et la proclamation sont peu transparents, ne peuvent que susciter de terribles frustrations pouvant conduire à la révolte. Et que dire de l'inéligibilité invoquée de certains candidats, appartenant parfois depuis longtemps au milieu politique national, pour des motifs révélés pour l'occasion, de non possession de la nationalité ?
Il faut, en la matière, en revenir à la lettre et à l'esprit de Bamako : « L'État de droit, qui implique la soumission de l'ensemble des institutions à la loi, la séparation des pouvoirs, le libre exercice des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'égalité devant la loi des citoyens, femmes et hommes, représentent autant d'éléments constitutifs du régime démocratique ».
Les procédures pour le suivi des pratiques de la démocratie, des droits et libertés dans l'espace francophone doivent être renforcées. Il appartient à notre Assemblée d'y affirmer sa place, tant dans le domaine de l'évaluation permanente des pratiques, que par le concours qu'elle peut apporter en matière d'appui à l'enracinement de la démocratie. Et les parlementaires francophones me semblent particulièrement bien placés pour être les vigies de la démocratie et participer au système d'alerte précoce prévu par la Déclaration de Bamako.
Mais pour qu'il y ait des vigies de la démocratie et de la Francophonie réunies, encore faut-il qu'il y ait Francophonie. Et celle-ci passe, même si c'est une évidence, mais il est des évidences qu'il faut ne pas craindre de rappeler, par l'usage de la langue française. Or c'est notre premier devoir que d'en prévoir et développer l'utilisation. Je suis de ceux qui sont persuadés que l'avenir de notre langue se situe largement à Bruxelles, je veux dire dans les institutions européennes.
A nous d'y veiller. A vous, Monsieur le Secrétaire général, d'y veiller et de nous aider à y agir.