II. LES MAISONS
Elles sont toutes inhabitables, pour la majorité complètement détruites. Cela a signifié dans l'immédiat la nécessité de s'abriter de la pluie et de la grêle de la fin du printemps, puis ensuite de la mousson, en retard cette année. Certains ont pu construire des abris de fortune en récupérant des tôles ondulées, quand elles n'avaient pas été trop vrillées, qu'ils ont pu fixer sur des poutres récupérées parmi les décombres. La tôle ondulée, matériau récent, onéreux et difficile à transporter à dos d'homme, n'était cependant pas utilisée dans toutes les maisons. Si le village voisin de Bumtang (fig. 4), situé plus près d'une route, en était quasiment recouvert depuis les années 2010, ce n'était pas le cas de Salmé, où l'on utilisait encore les bidons martelés, parfois de la lauze ou encore des bardeaux, mais beaucoup moins que par le passé (fig. 5).
Fig. 4. Toitures en tôle du village de Bumtang (c) B. Ripert
Fig. 5. Variété des matériaux
utilisés pour les toitures à Salmé
(c) B.
Ripert
Si les photos prises à distance laissent penser que certaines maisons de Salmé ont relativement bien tenu, en s'approchant, on s'aperçoit que tous les murs pignons se sont effondrés (fig. 6 et 7) : les deux murs de façade sont maintenus ensemble par la structure en bois, notamment les solives très denses des étages - qui vont d'un mur à l'autre - mais également en général par la charpente, bien que très légère ; alors que les murs pignons ne sont tenus que par, au plus, une poutre par étage et, surtout, leur arrimage, plus ou moins bien maçonné (on n'utilise pas le ciment mais de la terre pour ces constructions en pierres), à ces murs de façade.
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Fig. 6. Vue éloignée et plan rapproché des destructions à Salmé (c) D. Blamont
Fig. 7. Fragilité des pignons, Salmé ((c) D. Blamont)
Pourtant, nombre de ces maisons ont été construites récemment, à partir des années 1990, quand ont commencé les migrations vers les pays du Golfe, permettant de rapporter suffisamment d'argent pour édifier des maisons plus grandes, pensées comme plus solides, certainement plus onéreuses qu'auparavant, nécessitant l'intervention d'ouvriers relativement spécialisés (maçons, menuisiers, charpentiers), payés à la tâche et non pas par échange de travail, comme c'était le cas jusque dans les années 1980. Un grand nombre de familles ont ainsi investi beaucoup d'argent dans ces nouvelles maisons, qui viennent de s'effondrer, ce qui rend leur destruction d'autant plus tragique d'un point de vue économique. Leur modernité ne les a pas protégées : ainsi, la seule maison en béton armé n'a pas mieux résisté, car mal conçue, sans cloison entre les piliers permettant de "trianguler" le mur. Les piliers ont basculé et le premier étage de cette maison s'est ainsi "posé" à côté du rez-de-chaussée. L'école, dont l'un des bâtiments récents avait également été construit avec du ciment, n'a pas résisté non plus, du fait d'une technique de construction défaillante (fig. 8).
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Fig. 8. Bâtiment cimenté de l'école avant ((c) B. Ripert) et après le séisme ((c) D. Blamont)
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Fig. 9. L'école principale de Salmé en 2014 ((c) B. Ripert) et après le séisme ((c) D. Blamont)